Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement aux questions d'actualité.

Crise du lait (I)

Mme Françoise Férat .  - L'accord finalement trouvé le 3 juin après une négociation marathon prévoit trois prix moyens pour le lait, selon la part de l'entreprise de collecte dans sa valorisation, qui varient de 262 à 280 euros pour 1 000 litres : nous sommes loin des 330 euros du premier trimestre et du prix plancher de 290 euros fixé par la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Les jeunes agriculteurs ont dénoncé cet accord, qualifié d'insatisfaisant par la FNSEA elle-même. Le Gouvernement l'a assorti d'un plan d'aide de 30 millions pour les éleveurs laitiers en difficulté. Madame la ministre, comment ces fonds seront-ils répartis ?

La bataille sur les prix s'étend aujourd'hui aux producteurs de fruits et légumes et de porcs. Les agriculteurs ont décidé de bloquer pendant 48 heures les plates-formes d'approvisionnement de la grande distribution afin d'obtenir la transparence sur les prix et les marges. Les consommateurs pâtissent eux aussi de ces pratiques. Un des objectifs de la loi de modernisation de l'économie, la transparence, n'est donc pas atteint et l'Observatoire des prix et des marges peine à se mettre en place. Les syndicats demandent à juste titre un arbitrage de l'État et l'intervention de la Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre ?

Enfin, le Sénat a inséré dans la loi pour le développement des territoires ruraux un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente de certains produits frais en période de crise. Ne serait-il pas temps de l'utiliser et de l'étendre à d'autres secteurs ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur .  - Madame Férat, je salue votre connaissance de ce dossier !

Le plan d'aide de 30 millions d'euros se composera d'allègements de charges, de reports ou de prises en charge de cotisations sociales et d'un renforcement du soutien à la modernisation des bâtiments d'élevage. Sa répartition précise fait l'objet d'une concertation avec les organisations professionnelles ; les jeunes agriculteurs feront l'objet d'une attention particulière.

Pour ce qui est de la transparence, la DGCCRF mène depuis avril une enquête sur les négociations commerciales et les pratiques abusives. La suppression des marges arrière décidée par la loi de modernisation de l'économie a permis de faire passer de 40 à 10 % la rémunération des services de coopération commerciale. Les consommateurs bénéficient désormais d'une plus grande variété de prix puisque l'écart entre le plus et le moins élevé s'établit désormais à 12 %. Le jeu de la concurrence a réduit l'inflation d'un point en 2008 et le prix moyen des produits de grande consommation a baissé de 0,6 point depuis décembre 2008.

L'Observatoire des prix et des marges s'est réuni hier. D'ici la fin du mois, il publiera sur son site internet des données sur les marges dans la filière porcine. Quant au coefficient multiplicateur, il n'est pas adapté pour les produits laitiers ou la viande. Les acteurs interprofessionnels ont défini des modalités de mise en avant des produits pour augmenter les ventes en cas de crise conjoncturelle pour certains fruits et légumes. Christine Lagarde, ministre de l'économie, a diffusé des circulaires en ce sens. (Applaudissements à droite et au centre)

Augmentation du chômage

M. Pierre-Yves Collombat .  - Le Premier ministre a récemment estimé ne pas avoir commis d'erreur dans la conduite de la politique économique gouvernementale.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est exact ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Pierre-Yves Collombat.  - A quelle aune mesurer cette réussite ? S'il s'agit des banques, vous avez raison. (Protestations à droite)

M. Alain Gournac.  - Et aussi dans les urnes !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Les banques françaises pourront bientôt abandonner leur béquille étatique pour concocter la prochaine crise en toute liberté, et en toute impunité ! Mais si la réussite se mesure à l'état de l'emploi, c'est différent. Le nombre de chômeurs s'est accru de 186 000 au dernier semestre 2008 et de 300 000 au premier trimestre 2009. C'est du jamais-vu depuis la Libération : 2 455 000 personnes sont touchées, et plus particulièrement les moins de 25 ans, dont près du quart sont au chômage. Le taux de chômage partiel, qui a plus que triplé, concerne désormais 183 000 personnes ; 1 119 000 personnes percevaient le RMI en mars. En comptant les 955 000 travailleurs à temps partiel qui souhaiteraient travailler davantage, cela fait 5 millions de personnes en sous-emploi.

M. le président.  - Veuillez poser votre question.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Laissez-moi continuer : j'ai été souvent interrompu... (Protestations à droite) Environ 40 % des allocataires du RMI ne sont pas inscrits à Pôle emploi et 337 000 seniors auraient besoin de travailler : le sous-emploi affecte donc près de 6 millions de personnes.

M. le président.  - Posez votre question.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On s'attend à 300 000 à 500 000 chômeurs de plus cette année. Or, selon le Premier ministre, il serait irresponsable de dépenser davantage alors que le déficit public double. Mme la ministre de l'économie, vous êtes aussi ministre de l'emploi : il ne serait pas moins irresponsable d'abandonner des millions de Français au bord du chemin ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Merci de votre question, (on apprécie à droite) puisqu'elle me permet d'indiquer quelle politique économique nous entendons, sous l'autorité du Premier ministre, mettre en oeuvre... en essayant de ne pas faire d'erreur : j'ajoute sciemment cette précision, car nous sommes, comme toutes les économies du monde, face à une crise financière, économique et sociale inédite, contre laquelle un certain nombre de vieilles recettes sont périmées.

Nous nous sommes tout d'abord employés à soutenir le financement de l'économie, sans lequel les entreprises, les petites comme les grandes, ne tournent pas. Parce que les PME sont les premières victimes de la crise, nous avons lancé un plan de soutien spécifique, autour duquel nous avons mobilisé tous les acteurs, et qui peut prendre la forme de garanties ou de financements directs. Nous avons mis en oeuvre un plan de relance, (exclamations à gauche) de la supervision duquel M. Devedjian a la charge, qui soutient non seulement l'investissement public, mais aussi les ménages, vers lesquels 14 milliards sont fléchés. Avec les collectivités locales...

M. Didier Boulaud.  - Il ne faudrait pas les oublier !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - ...20 000 conventions ont été signées au titre du « FCTVA plus 1 euro ».

Sur les chiffres de l'emploi, personne ne peut se réjouir, car ils recouvrent bien des situations souvent dramatiques et durables.

M. Jean-Louis Carrère.  - Personne ne s'en réjouit.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous avons engagé une politique à trois niveaux, en prenant tout d'abord des mesures pour préserver l'emploi, en allongeant l'indemnisation du chômage, en encourageant les partenaires sociaux à augmenter l'indemnisation du chômage partiel ; en stimulant la création d'emplois, ensuite, avec le « zéro charges », qui a permis l'embauche de 200 000 salariés dans les entreprises de moins de dix salariés, ainsi qu'avec les chèques emploi service, diffusés auprès de plus d'un million et demi de ménages, pour qu'ils concourent aussi à la création d'emplois ; en facilitant, enfin, le retour à l'emploi, grâce aux contrats de transition professionnelle et au reclassement personnel. (On s'impatiente à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - La réponse n'est pas trop longue, monsieur le président ?

M. Jacques Mahéas.  - C'est « deux poids, deux mesures »...

M. le président.  - Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous engageons une réforme de la formation professionnelle, pour améliorer l'employabilité, et de la taxe professionnelle, pour soutenir la compétitivité des entreprises françaises. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Avenir de La Poste.

Mme Marie-France Beaufils .  - A la suite de l'élection européenne, vous avez affirmé, monsieur le Premier ministre, la volonté du Gouvernement de continuer les réformes et de moderniser la France, considérant que le succès de vos listes venait essentiellement des électeurs. Mais le succès dont vous vous targuez est un mirage, (vives exclamations à droite) car 28 % des suffrages exprimés, ce ne sont guère que 10,4 % des inscrits. (Même mouvement)

M. Alain Gournac.  - Parlez-nous donc de vos résultats...

Mme Marie-France Beaufils.  - Et les 60 % d'abstentions (nouvelles exclamations à droite) ne sont pas la marque d'une simple négligence, ou d'un désintérêt, mais bien, pour nombre d'électeurs, du rejet d'un certain type de construction européenne : l'Europe libérale, l'Europe de l'argent.

Vous n'avez pas voulu affronter les débats (vives exclamations à droite) car vous savez que la politique libérale qui sévit en Europe et que vous voulez poursuivre est à l'origine de la plus grande crise que celle-ci connaît depuis 1929, et que les conséquences sociales en sont dramatiques.

Pour sortir de cette crise l'heure est à la rupture. C'est ce que vous ont déjà exprimé les électeurs en 2005.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Ne mélangez pas tout !

M. Alain Gournac.  - Et à vous, qu'ont-ils dit dimanche ?

Mme Marie-France Beaufils.  - M. le Premier ministre, allez-vous renoncer à l'intensification des réformes qui visent à faciliter les ajustements du marché du travail et à renforcer la concurrence dans le secteur des services, comme le recommande le Conseil européen du 28 avril 2009, dont vous vous êtes bien gardé de parler durant la campagne ? (Nouvelles exclamations à droite) Entendez-vous toujours casser le statut de La Poste et préparer sa privatisation ? Poursuivre des réformes et moderniser, est-ce donc pour vous détruire et déréguler ce qui fonctionne pour donner un nouveau marché en pâture au privé ? Vous dites que vous ne privatisez pas, mais vous transformez La Poste en société anonyme. Vous avez fait de même avec France Télécom et aujourd'hui, c'est aux collectivités que l'on demande de répondre aux besoins des habitants et à l'intérêt général.

Au nom de mon groupe, mais aussi des élus, des usagers, des milliers d'électeurs que j'ai rencontrés ces deux derniers mois, je vous demande, monsieur le Premier ministre, d'annoncer clairement le retrait définitif de votre projet, qui se traduirait par la casse du service public postal. (Applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre .  - (Applaudissements sur les bancs UMP.) Vous me demandez de tirer les enseignements du scrutin européen. Je le fais bien volontiers. (Rires à droite) La majorité présidentielle en sort confortée. (M. Jacques Mahéas se récrie) C'est la première fois depuis 1979 qu'une majorité en place arrive en tête. (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Deux ans après 1979, il y a eu 1981...

M. François Fillon, Premier ministre.  - Les listes qui ont rencontré le succès sont celles qui ont parlé de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs UMP). Celles qui ont cherché à sanctionner le Gouvernement ont été elles-mêmes sanctionnées. Preuve qu'il ne faut pas tout mélanger.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Parlez-nous de La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Le Gouvernement, comme la majorité, tire sa légitimité de l'élection présidentielle et des élections législatives. Il met donc en oeuvre les engagements qu'il a pris. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Avez-vous donc, à gauche, des leçons à donner, vous qui avez perdu trois élections présidentielles de suite ? (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce doit être que vous nous prenez les meilleurs...

M. François Fillon, Premier ministre.  - Si vous persistez à ne pas en tirer les leçons, si vous ne changez rien, si vous n'agissez pas et vous contentez de jeter l'anathème, vous en tirerez les mêmes fruits que devant. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Oui, madame la sénatrice, nous continuerons à mettre en oeuvre nos projets. Vous aurez à connaître, dans les prochaines semaines, d'un projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, destiné à mettre en place la flexisécurité.

M. Didier Boulaud.  - Propagande ! 

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Vous examinerez prochainement le texte du Grenelle II. Nous débattrons de la sécurité, avec la loi sur la sécurité intérieure (Applaudissements à droite ; les exclamations couvrent la voix de l'orateur)

M. Robert Hue.  - Quand répondrez-vous à la question ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Si le Sénat ne souhaite pas que je poursuive, je m'arrête.

M. Jacques Mahéas.  - La réponse à la question !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Laissez-moi y venir.

Nous vous proposerons un grand projet de réorganisation des collectivités territoriales et la poursuite de la réforme de l'État. Enfin, nous vous proposerons une réforme sur les libertés publiques et la transformation de la procédure pénale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Oh la la !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Pour ce qui est de La Poste (« Ah ! » à gauche), vous aurez à débattre très bientôt d'un projet qui modifie son statut tout en la laissant intégralement dans la sphère publique. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Voilà le cap. Nous n'avons pas l'intention d'en changer. Si quelqu'un doit en changer au vu des résultats électoraux, c'est l'opposition. (Applaudissements et « bravo » à droite et au centre)

Statut de la gendarmerie

M. Alain Gournac .  - Ainsi que le soulignait le président de Rohan en décembre 2008, les Français aiment leur gendarmerie, et nous aussi ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Didier Boulaud.  - C'est pour cela que la loi n'est pas votée !

M. Alain Gournac.  - Elle s'inscrit dans nos traditions, elle fait partie de notre paysage, elle est ancrée dans le territoire, puisque sa responsabilité s'étend sur 95 % de la superficie et 50 % de la population. Les ruraux sont particulièrement attachés à cette arme qui assure leur sécurité dans la proximité.

Le texte dont nous avons débattu s'inscrit dans une évolution commencée en 2002 pour dégager des synergies entre police et gendarmerie et améliorer encore la sécurité.

M. Didier Boulaud.  - Où en est la loi ?

M. Alain Gournac.  - L'efficacité de la gendarmerie résulte avant tout de son identité singulière et nous avons le souci d'assurer la pérennité de son identité militaire (exclamations à gauche) et le maintien de ses effectifs sur le territoire, deux points sur lesquels nous vous disions notre vigilance. (Mêmes mouvements) Et j'assume aujourd'hui ce rôle. Depuis que circulent des informations sur un risque de fragilisation du statut militaire, l'inquiétude progresse et des syndicats de la police évoquent une absorption de la gendarmerie.

M. Didier Boulaud.  - On l'avait dit !

M. Alain Gournac.  - Nous l'avions rappelé le 16 décembre, la gendarmerie est un pilier de la République et la France a besoin d'une force de sécurité à statut militaire.

M. Didier Boulaud.  - Vous allez à Canossa !

M. Alain Gournac.  - Confirmez-le, madame. (Applaudissements à droite ; MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Pierre Michel applaudissent aussi)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Chacun connaît votre attachement à la gendarmerie, monsieur Gournac. Chacun le partage ici et nous le soutenons. Votre question porte d'abord sur le calendrier. J'aurais souhaité que le projet vienne à l'Assemblée à la suite du vote du Sénat...

M. Didier Boulaud.  - Le Château commande !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cela n'a pas été possible en raison du calendrier parlementaire mais la commission compétente s'est saisie du texte qui viendra très prochainement dans l'hémicycle. Sur le fond, le texte que vous avez voté...

MM. Didier Boulaud et Jean-Louis Carrère.  - Pas nous !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ...est dans le droit fil de ce qui se fait depuis 2002 : le ministre chargé de l'emploi des gendarmes reçoit les moyens financiers nécessaires. Il n'est pas pour autant question de toucher au statut militaire des gendarmes. (Applaudissements à droite) Il fait leur spécificité et la valeur de leur engagement. Il n'y aura pas fusion et la gendarmerie gardera son identité parce qu'elle est une garantie démocratique, qu'elle s'inscrit dans la tradition française et qu'elle a été réaffirmée par le Président de la République. Chacune gardera sa direction générale, ses missions...

M. Didier Boulaud.  - Personne n'y croit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - La gendarmerie ne sera pas affectée en zone urbaine, chacun garde son domaine, ce qui n'empêche pas une aide ponctuelle en cas de besoin. Enfin, j'ai tenu à ce que la gendarmerie conserve des missions militaires dans le cadre des opérations extérieures. Tout cela conforte le statut auquel nous sommes attachés. (Applaudissements à droite et au centre)

Formation des scientifiques

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Nous avons pris connaissance des préconisations du rapport Descoings. Je suis surpris par l'absence d'analyse des besoins du pays dans les prochaines décennies : il ne mentionne pas le déclin des études scientifiques, surtout dans le supérieur, alors qu'elles seront décisives dans un monde dominé par la compétition entre les grands pays émergents, notamment avec les élites asiatiques. Le nombre de bacheliers S qui s'inscrivent dans les disciplines scientifiques est passé de 65 à 51 %. Ce serait une erreur de mettre en cause les études scientifiques comme le fait Le Monde d'aujourd'hui à propos du bac S, qualifié de « bourgeois » au motif que cette filière d'excellence draine les meilleurs. Ce serait une erreur de la dévaloriser sous prétexte d'effacer la perception des inégalités, à défaut de lutter contre les inégalités réelles. On peut augmenter la part des matières littéraires dans cette filière, on doit surtout revaloriser les autres filières et donner à l'enseignement technologique et professionnel plus de moyens et de meilleures conditions. Cela implique un plan d'ensemble établi avec les régions -c'est aux moyens que se reconnaîtra une orientation progressiste.

M. le président.  - Votre question.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - On peut aussi introduire des matières scientifiques dans les autres filières.

Supprimer les bacs A et C a été une erreur.

Les classes populaires ont besoin d'une école structurée et de qualité car elles n'ont pas les moyens de recourir à des cours privés ; il ne suffit pas de réserver un quota de bacheliers technologiques dans les filières sélectives post-baccalauréat, quand la question est non de souscrire à un égalitarisme niveleur mais de savoir comment former en grand nombre les élites scientifiques et technologiques dont la France a besoin. (Applaudissements sur divers bancs de la gauche à la droite)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale .  - Il y a d'un côté les filières technologiques qui offrent un très fort taux d'insertion mais manquent de candidats, et de l'autre les filières générales, dont la série S qui attire les meilleurs lycéens, dont la plupart ne se dirigeront pas vers des études scientifiques mais vers des écoles de commerce, voire des classes préparatoires littéraires. Il faut donc renforcer les filières technologiques, comme l'a rappelé hier encore le Président de la République en dialoguant avec des lycéens.

Le Gouvernement a d'ores et déjà engagé cette réforme. Le baccalauréat professionnel en trois ans devrait produire un effet d'appel vers les filières professionnelles : nous y augmentons le nombre de places de 70 000 à la rentrée prochaine et prévoyons leur rénovation, puisque c'est un domaine en constante mutation. Tout ceci porte un nom : l'orientation, que le Gouvernement entend totalement renouveler, grâce notamment aux recommandations de Richard Descoings. Il s'agit d'allier la découverte de l'environnement professionnel, l'information sur les offres et les lieux de formation et le diagnostic sur les projets personnels.

C'est une question économique parce qu'une nation sans ingénieurs s'appauvrit -nous en avons besoin, nous avons besoin de savants. C'est aussi une question de justice sociale, car la politique du gouvernement Fillon est d'abord une politique d'équité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Fonds de réserve des retraites

M. Claude Domeizel .  - Le Fonds de réserve des retraites, créé en1999, est chargé de mobiliser les fonds nécessaires pour faire face aux difficultés financières que connaîtra notre régime par répartition. L'objectif de mobiliser 150 milliards d'ici 2020 paraît compromis : l'actif détenu aujourd'hui n'est que de 27 milliards.

Le fonds est certes victime de la crise des marchés de capitaux ; mais cette situation est essentiellement due au fait que, depuis 2002, les gouvernements successifs l'ont très peu alimenté. Ces dernières semaines, la presse a évoqué un laisser-aller dans la gestion des contrats d'assurance vie en déshérence, ceux pour lesquels aucun bénéficiaire ne se manifeste. Les compagnies d'assurance devraient verser au fonds de réserve les encours des contrats non réclamés, soit, pour plus de 100 000 contrats de ce type, 2 milliards d'euros. Or ce n'est que partiellement fait. Le Médiateur de la République, a pu déclarer que ni les assurances, ni les pouvoirs publics ne jouent le jeu.

Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, qu'en vertu d'une loi de décembre 2007, le Gouvernement aurait dû remettre au Parlement un rapport sur cette question avant le 1er janvier 2009. Êtes-vous prêt à nous le remettre ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour atteindre l'objectif des 150 milliards en 2020 ? Quelle est votre conception de l'avenir de ce fonds, indispensable pour la consolidation de notre régime par répartition ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville .  - Je vous prie d'excuser M. Hortefeux, retenu. (Rires à gauche)

M. Yannick Bodin.  - A Strasbourg ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État.  - La stratégie du fonds de réserve des retraites est définie par son conseil de surveillance où sont représentés les partenaires sociaux. Ses choix ont été confirmés en 2003 et 2006. Il est vrai qu'il y a eu des pertes, du fait de la crise financière, mais le fonds recevra cette année 1,7 milliard. Il adapte sa stratégie au contexte.

L'existence de cet outil a été confirmée ; les partenaires sociaux y sont attachés. Après la réforme Fillon, le Gouvernement a pris l'an dernier des mesures de consolidation. A la demande du Parlement, une réflexion est en cours au sein du Conseil d'orientation des retraites, qui remettra ses conclusions au premier semestre 2010. Mais personne ne peut raisonnablement croire que ce fonds suffira à financer les retraites. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Crise du lait (II)

M. Jean-Claude Carle .  - La brutale crise du lait est née d'une baisse soudaine du prix du lait, à laquelle les premières réponses ont été apportées. Le ministre de l'agriculture nous en a fait part.

Le mouvement perdure et tend à bloquer les plates-formes logistiques des grandes surfaces. On peut regretter que les difficultés de l'amont de la filière ne soient pas prises en compte par l'aval. On peut aussi regretter que le remplacement de la loi Raffarin de 1996 par la loi de modernisation de l'économie de 2008 ait donné le sentiment d'un laxisme vis-à-vis des grandes surfaces.

L'opacité des marges des distributeurs fait désormais débat dans une grande confusion, au risque d'une stigmatisation qui n'est souhaitable pour personne ! Nous avons, d'un côté, les producteurs qui peinent à vivre de leur travail en raison du faible prix d'achat du lait ; de l'autre, des prix à la consommation qui ne baissent pas, industriels et distributeurs se renvoyant la balle !

L'Observatoire des prix et des marges, récemment créé par le Gouvernement pour répondre à l'augmentation des prix alimentaires, avance rapports et propositions mais des interrogations demeurent sur l'efficacité du dispositif. La loi de modernisation de l'économie, mes collègues sénateurs et moi-même le constatons, n'est pas appliquée de manière satisfaisante dans le secteur laitier où les mécanismes de contournement sont bien rodés.

M. Didier Boulaud.  - Loi LME, loi Michel-Édouard Leclerc !

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas que dans le secteur laitier !

M. Jean-Claude Carle.  - Madame la ministre, n'est-il pas temps de modifier le fonctionnement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et celui de l'Observatoire des prix et des marges afin de garantir une répartition équitable de la valeur ajoutée ?

M. Didier Boulaud.  - Vous avez voté la loi LME, vous étiez au courant !

M. Jean-Claude Carle.  - Pour que nos agriculteurs puissent vivre de leur activité plutôt de devenir des cantonniers de l'espace, il faut reconnaître le principe de préférence communautaire. Que comptez-vous faire pour répondre aux attentes des consommateurs et des producteurs...

M. Didier Boulaud.  - Une table ronde !

M. Jean-Claude Carle.  - ...afin d'éviter le risque d'une radicalisation ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur .  - Le Gouvernement est totalement engagé pour faire la transparence des prix et trouver un équilibre entre acteurs de la filière et consommateurs. Depuis une semaine, la DGCCRF a entrepris une vaste enquête de relevé des prix afin de connaître la répartition des marges aux différentes étapes. Les résultats en seront examinés dans le cadre de l'Observatoire des prix, afin de donner plus de transparence.

En outre, à la demande de Mme Lagarde et de M. Chatel, la DGCCRF a lancé en avril son plan de contrôle des distributeurs et des fournisseurs dans le cadre des nouvelles règles de la LME, qui couvre largement le secteur alimentaire : la viande, le lait, les produits alimentaires, les huiles, les céréales ou encore le sucre et l'alcool. Celui-ci permettra d'apprécier les conditions de la négociation de 2009 ; les relations manifestement déséquilibrées et les contournements dommageables donneront lieu à une saisine du juge, y compris en référé, et les abus avérés à des sanctions. Nous sommes donc loin du laxisme dénoncé par certains.

M. François Marc.  - La loi LME est votre loi !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - L'Observatoire des prix a maintenant trouvé ses marques. Il a décidé hier de publier avant la fin juin ses travaux, notamment sur la formation des prix dans la filière porcine. L'investissement en temps et la nécessité de trouver un consensus sur la méthode explique la mise en place tardive du dispositif. Mais celui-ci en sera d'autant plus efficace et, surtout, crédible !

Bref, les pouvoirs publics sont fortement mobilisés sur ce dossier ! (Applaudissements à droite)

Antennes-relais

M. Louis Nègre .  - Madame la secrétaire d'État à l'écologie, vous n'ignorez pas les inquiétudes de la population concernant les effets des antennes-relais et des téléphones portables sur la santé...

M. Didier Boulaud.  - Les mauvaises ondes !

M. Louis Nègre.  - ...puisque vous avez déclaré, après une table ronde sur les radiofréquences, que le Gouvernement est prêt à faire des modélisations, et le cas échéant, « des expérimentations des conséquences d'une modification des différents référentiels de seuils afin d'en évaluer l'impact sur la couverture du territoire, la qualité du service et le nombre d'antennes ». Cette première avancée fait bouger les lignes...

M. Didier Boulaud.  - ...téléphoniques ! (Sourires)

M. Louis Nègre.  - ...mais je souhaiterais que vous vous engagiez fermement sur des expérimentations nationales de référentiels de seuils. La ville de Cagnes-sur-Mer, dont je suis le maire, se porte volontaire. (Exclamations à droite)

L'objectif serait de maintenir une excellente qualité de service et de couverture de l'ensemble du territoire tout en appliquant le principe « Alara », soit, en français, « aussi bas que raisonnablement possible ». Ainsi serait confirmée la volonté du Gouvernement de s'inscrire dans une démarche, sans doute d'efficacité, mais aussi de précaution. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Nous avons, effectivement, organisé une table ronde sur les radiofréquences avec Mme Bachelot et Mme Kosciusko-Morizet. Les élus y ont participé avec pragmatisme, ce dont je les en remercie, car le sujet suscite de nombreuses polémiques et incertitudes.

M. Christian Poncelet.  - Juste !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Je me suis engagée sur des modélisations et des expérimentations. Le comité opérationnel, qui réunira élus, acteurs de la filière, consommateurs et experts de l'État, sera mis en place fin juin.

Pourquoi des expérimentations ? Parce que, malgré les conclusions des études scientifiques sur l'absence de risques avérés, la demande de la population est forte d'autant que dix régions ou États européens ont adopté des seuils d'émission inférieurs aux nôtres. Réduire les seuils tout en conservant une bonne qualité de service, tel est l'objectif de ces expérimentations. Il appartiendra au comité opérationnel de déterminer les villes d'expérimentation.

Sur ce dossier, nous devons avoir les idées claires et attendre la publication en septembre de la nouvelle étude de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. De plus, le débat sur les antennes-relais ne doit pas occulter la question des téléphones portables et, en raison de nombreuses incertitudes, de l'application du principe de précaution pour les enfants ! (Applaudissements à droite)

Militaires français en Afghanistan

M. Jean-Louis Carrère .  - La guerre en Afghanistan -et au Pakistan, devrais-je dire- est en train de changer de nature. Les Américains doublent leurs effectifs et changent leurs chefs militaires. Ils changent également les chefs militaires de l'Otan -sans concertation avec les alliés. Quand on nous avait enjoints de revenir dans le commandement intégré, vous étiez nombreux dans la majorité à nous rassurer en disant que nous codirigerions l'Otan ! Belle codirection : on ne tient pas compte de notre avis !

M. Jean-Louis Carrère.  - Plus grave, malgré les déclarations du Président de la République, le nombre de soldats engagés en Afghanistan augmente : 150 gendarmes ont été envoyés pour former la gendarmerie afghane -à moins que pour la majorité, ils ne soient plus sous statut militaire... (Protestations sur les bancs UMP)

M. Alain Gournac.  - Personne n'a dit ça !

M. Jean-Louis Carrère.  - On envoie également en Afghanistan du matériel supplémentaire, hélicoptères Tigre ou Cougar et drones, qui requièrent du personnel.

Quel est le nombre réel de militaires français dans cette zone, et dans l'océan Indien ? Quel sera leur nombre à l'été ? A-t-il augmenté ou non ? N'aurait-il pas été bienséant et nécessaire d'informer la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, voire le Parlement dans son ensemble ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Très bien !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants .  - Nous sommes parfaitement associés aux décisions du commandement intégré de l'Otan, dans lequel nous allons d'ailleurs recevoir des postes importants.

M. Didier Boulaud.  - Ce n'est pas vrai ! Le général McKiernan a été limogé sans que vous soyez consultés !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - La sécurité de la région de Kaboul a été confiée à l'armée afghane. Cette afghanisation, à laquelle la France a largement participé et que vous avez pu constater sur le terrain, nous permet de concentrer nos efforts sur d'autres zones, en l'espèce la région Est, homogène, où sont regroupées nos unités de combat terrestre, sous commandement français...

M. Jean-Louis Carrère.  - Combien ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Nous pourrons y mener notre action militaire mais aussi notre action civile, que vous n'avez pas mentionnée. Quid du développement économique du pays, des efforts en matière de gouvernance ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Combien de militaires ? Combien ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - J'y viens. Je vous parle du fond !

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes perdu dans le maquis !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Notre budget en matière de développement va plus que doubler. Nos 150 gendarmes ont été envoyés pour former les forces de sécurité. Leur participation, avec d'autres pays européens, est importante pour un retour durable de la paix et de la sécurité.

M. Jean-Louis Carrère.  - Combien ? (La question est reprise en choeur sur les bancs socialistes)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Quant au matériel, il s'agit d'hélicoptères qui vont se substituer à d'autres, moins adaptés.

M. René-Pierre Signé.  - Vous ne répondez pas à la question !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - L'adaptation de notre dispositif militaire se fera à effectifs constants. (M. Jean-Louis Carrère fait non de la main)

M. Didier Boulaud.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Elle s'inscrit dans la continuité de ce qui a été présenté au Parlement le 22 septembre dernier.

M. Didier Boulaud.  - C'est faux ! Le Parlement est bafoué !

Reclassement des salariés

M. Philippe Adnot .  - Ma question s'adressait au ministre du travail, mais je suis honoré que Mme Amara me réponde. Le fabriquant de chaussettes Olympia, entreprise chère au département de l'Aube, a été condamné le13 mai dernier par la cour d'appel de Reims à verser 2,5 millions d'euros à 47 salariés licenciés -soit en moyenne 32 mois d'indemnité par salarié- pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie, à 110 euros par mois. Chacun se souvient du tollé provoqué par une offre de reclassement de salariés à Bangalore, pour 60 euros par mois... Or ici, l'entreprise est condamnée, alors que le comité d'entreprise et les syndicats étaient pourtant d'accord pour qu'un tel reclassement ne soit pas proposé !

Sans sursis à l'exécution de la condamnation pendant le délai de recours en cassation, qui devra corriger ce jugement inique, ce sont 280 emplois qui sont menacés, car l'entreprise, engagée dans la modernisation, n'y survivra pas. Ne pourrait-on renforcer la portée de l'instruction du 23 janvier 2006, qui n'a pas empêché la condamnation par la cour d'appel ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Il faut poser la question au conseil général !

M. Philippe Adnot.  - Seriez-vous prêts à compléter l'article L. 1233-4 du code du travail en prévoyant que l'offre de reclassement à l'étranger ne doit pas être obligatoirement proposée par l'employeur dès lors que le salaire proposé est inférieur de 10 % au Smic ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que cette décision ne débouche sur le licenciement de 280 personnes ? (Applaudissements à droite)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville .  - Sur le plan juridique, le code du travail prévoit que le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque le salarié ne peut être reclassé dans une entreprise du même groupe, sur un emploi de même catégorie ou équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord du salarié, de catégorie inférieure. L'employeur est donc obligé de proposer une solution de reclassement. La jurisprudence n'est toutefois pas stabilisée.

Sur le plan éthique, il n'est pas acceptable que des entreprises proposent un reclassement dans des conditions indignes. Nous avions tous été choqués par cette entreprise qui proposait à neufs salariés un reclassement en Inde, à 69 euros par mois !

Le Gouvernement accueille avec grand intérêt les réflexions conduites par les parlementaires. Il a ainsi pris connaissance de votre proposition de loi, comme de celle déposée par MM. Sauvadet et Folliot, laquelle a reçu un avis favorable de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale. Le ministre du travail souhaite que les partenaires sociaux soient consultés en amont sur ces propositions de loi. En effet, les organisations syndicales et patronales ont engagé un cycle de négociations sur l'emploi et il est indispensable, avant de modifier les modalités de reclassement figurant dans le code du travail, de les consulter, afin de parvenir sur cette question à un consensus social. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 16 h 20.