Logements vacants (Proposition de loi)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement, présentée par M. François Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Discussion générale

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - J'ai le plaisir de vous présenter la proposition de loi que nous avons rédigée avec M. Repentin et que nous vous présentons au nom du groupe socialiste. Je commencerai par une phrase de l'abbé Pierre : « Un homme a absolument le droit, s'il n'a pas de toit et s'il voit un logement vide, de l'occuper. »

La trêve hivernale a commencé le 1er novembre et vous avez lancé un plan d'urgence, monsieur le ministre. Nous nous interrogeons toutefois sur les raisons qui font que de nombreuses personnes sont sans logement.

La Nuit solidaire pour le logement organisée fin novembre à Paris et dans d'autres villes sera l'occasion de braquer les projecteurs sur cette situation, aggravée par l'exclusion et la précarité croissantes. La question du mal-logement est criante. 2010 sera l'année européenne de lutte contre la précarité. Si la crise financière touche à sa fin, la crise économique persiste : le nombre de chômeurs a augmenté de 30 % en dix-huit mois. Il faut agir en amont pour éviter que trop de ménages se retrouvent en situation d'urgence. Environ 1,8 million de ménages peinent à s'acquitter de leur loyer, 500 000 sont en situation d'impayé, 3 millions de nos concitoyens sont mal logés. Nous devons nous mobiliser pour accroître l'offre de logement.

Il manque 900 000 logements, et l'effort de l'État est insuffisant, à 1,79 % du PIB contre 2 % en 2001. La loi réaffirme pourtant son rôle de garant du droit au logement, et crée de nouvelles obligations. La hausse des crédits du logement pour 2010 n'est qu'apparente : si le financement de l'aide personnelle croît de 9 %, c'est que le nombre de personnes à aider augmente !

Osons des solutions audacieuses. Nous ne vous proposons pas une énième loi sur le logement, mais des réponses concrètes aux lacunes de notre législation, loin de tout dogmatisme. Le rapporteur a d'ailleurs jugé intéressantes certaines de nos propositions. Nous devons assumer les responsabilités nées du droit au logement opposable (Dalo). Cette proposition de loi, dans la lignée des propositions des deux candidats à l'élection présidentielle, devrait faire consensus. Elle n'invente rien : elle conforte, améliore, maximise, optimise.

L'article premier vise à lutter contre la vacance « passive », ou rétention active d'un bien. C'est également une solution aux problèmes d'indivision, parfois inextricables. Les propriétaires disposent de tout un panel de mesures pour remettre leur bien sur le marché.

A Dijon, -nous en avons parlé ce week-end (sourires)- l'agglomération a mis en place en 2006 un programme de reconquête du parc privé ancien : les propriétaires de logements inoccupés reçoivent des conseils techniques, financiers et fiscaux pour les accompagner dans le montage de leur projet locatif. La taxation se double de mesures incitatives. Loin de pénaliser les petits propriétaires, nous les aidons ! Ceux qui sont visés ne sont pas les petits propriétaires, qui souhaitent généralement louer leur bien au plus vite, mais ceux qui laissent un bien vacant à des fins spéculatives, pour le vendre au moment le plus avantageux, faisant primer leur intérêt particulier sur l'intérêt général. A Dijon, 566 logements locatifs ont été réhabilités, et 113 logements vacants remis sur le marché. La nouvelle prestation triennale 2010-2012 renforce en outre la dimension durable des projets de rénovation.

Selon le Conseil d'État, le taux national de vacance, difficile à appréhender, illustre les lacunes de la statistique publique et privée. Les collectivités, en tout cas, ont pris la mesure du parc vacant mobilisable.

L'article 2 devrait faire consensus : il double le taux de la taxe sur les logements vacants et permet aux collectivités visées par l'article 55 de la loi SRU de lever elles aussi cette taxe. L'étude de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) démontre les effets bénéfiques de cette taxe : dans les agglomérations concernées, la vacance a baissé de 40 % ; là où il n'y a pas de taxe, comme à Strasbourg, elle a augmenté de 25 % ! Le nombre de logements vacants est passé de 187 à 86 000. Pourquoi refuser notre proposition, d'autant que les recettes de cette taxe abondent le budget de l'Anah, dont l'État se désengage... Diminuer la vacance, c'est aussi lutter contre la baisse de fréquentation des écoles, des commerces qui font la vie de nos quartiers.

Nous sommes prêts à prendre en compte les remarques du rapporteur sur le champ d'application : cet article s'adresse bien évidemment en priorité aux agglomérations sous tension. Il n'y a pas de dogmatisme dans notre démarche !

Le rapporteur juge la menace inefficace dans la mesure où un propriétaire pourrait toujours confier son bien à quelques agences pour échapper à la taxe, sans que la location aboutisse. Certes, mais peut-on refuser un dispositif général au motif qu'il peut être contourné ? N'en déplaise au Président de la République, friand de ce type de raisonnement, ce n'est pas parce qu'il y a parfois un fraudeur qu'il faut bouleverser toute la loi !

L'article 3 permet aux maires de préempter des logements dans le but explicite de reloger des personnes évincées dans le cadre d'opérations de lutte contre l'insalubrité ou de rénovation urbaine. L'Anru ne distribue d'ailleurs aucune subvention avant que les collectivités locales et les bailleurs se soient assurés du relogement de tous les ménages évincés.

Or cela ne concerne que 68 % des ménages. L'Anru n'est pas en mesure de produire ce que son comité d'évaluation et de suivi appelle le « taux d'évaporation », c'est-à-dire la proportion des ménages qui auraient dû être relogés et ne l'ont pas été. L'article 3 offre au maire un moyen d'action supplémentaire.

L'article 4 permet de maintenir dans leur logement, pour une durée à déterminer, les ménages reconnus éligibles au Dalo : c'est une mesure de bon sens. Les amendes auxquelles l'État est condamné lorsqu'il ne respecte par les décisions de justice l'enjoignant de reloger des ménages éligibles constituent un vrai gâchis. L'action n° 4 du programme 135 du PLF pour 2010, consacrée à l'amélioration de l'offre de logements, prévoit même d'éventuels frais de contentieux occasionnés par la mise en oeuvre du Dalo !

Je rappelle, pour parer aux objections que je sens poindre, que le sursis à l'expulsion ne durera que le temps que l'État assume ses responsabilités. On évitera ainsi les ruptures dans le parcours résidentiel des ménages, qui conduisent à l'interruption de la scolarisation des enfants, à des problèmes d'insertion, etc. L'État a bien du mal à honorer une obligation à laquelle il s'est lui-même soumis !

L'article 5 vise à mobiliser le parc privé pour loger les ménages éligibles au Dalo. Je remercie M. le rapporteur de la discussion éclairante que nous avons eue à ce sujet. Ces ménages sont trop souvent relogés dans les quartiers bénéficiaires de la politique de la ville, ce qui va à l'encontre de l'objectif de mixité sociale. (MM. Marc Daunis et Jean-Jacques Mirassou approuvent) A Dijon, parmi les deux cents ménages qui avaient formulé une demande, le préfet en a relogé cent dans des quartiers sensibles où se concentrent les personnes éligibles au Dalo !

Je ne doute pas que toutes les communes, dans les Hauts-de-Seine comme ailleurs, soient déterminées à construire des logements sociaux. En attendant, le recours aux logements conventionnés -qui pour la plupart ne sont pas situés dans les quartiers sensibles- permettrait de renforcer la mixité sociale.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé il y a quelques jours un plan d'urgence pour les sans-abri. Mais il ne faut pas se contenter de traiter les situations d'urgence, qui constituent la partie émergée de l'iceberg -encore faut-il compter avec la fonte des glaces ! Même dans ce domaine la politique du Gouvernement laisse à désirer, puisque les crédits dédiés à l'hébergement régresseront en 2010 de 234 millions à 214 millions d'euros... Il faut développer l'offre. L'hébergement ne doit pas être l'antichambre du logement !

J'espère que notre proposition sera retenue par le Sénat. Notre souhait est de trouver ensemble les meilleures solutions pour offrir un logement digne à ceux de nos concitoyens qui en sont cruellement privés. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Beaucoup de nos collègues siègent actuellement en commission, notamment à la commission des finances qui travaille sans désemparer, et s'excusent de ne pouvoir assister à ce débat.

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie.  - Le Sénat est à nouveau saisi d'un texte sur le logement, sept mois après l'adoption de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion qui comprend pas moins de 124 articles et dont tous les décrets d'application n'ont pas encore été publiés. Dans son dernier rapport, le Conseil d'État déplore l'instabilité législative chronique dont souffre la politique du logement en France ; tous les acteurs que j'ai auditionnés font le même constat.

Il est vrai que cette proposition de loi n'a pas pour objet de bouleverser notre législation en la matière.

M. Thierry Repentin.  - Merci de le reconnaître !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je regrette cependant que certaines dispositions qu'elle comprend et qui me paraissent opportunes n'aient pas été présentées lors de la dernière discussion. D'autres ont déjà été rejetées par la Haute assemblée, et les arguments d'hier valent toujours aujourd'hui.

MM. Marc Daunis et Thierry Repentin.  - Le monde change !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Si vous en étiez réellement avertis, vous défendriez une autre politique...

Ce texte vise à augmenter l'offre de logements en luttant contre la vacance et en mobilisant le parc privé. L'intention est louable dans un pays qui compte encore un nombre important de mal logés, de non logés et d'hébergés. Mais je ne suis pas certain que les solutions proposées soient à la hauteur des enjeux.

Certains dispositifs proposés sont même contre-productifs : ainsi le moratoire sur les expulsions prévu à l'article 4 pourrait décourager les bailleurs privés et conduire à une hausse de la vacance. L'article 5, qui impose de lourdes contraintes aux propriétaires qui passent une convention avec l'Agence nationale de l'habitat, pourrait quant à lui entraîner une réduction du parc de logements privés conventionnés. D'autres mesures, plus intéressantes, seraient plus rapidement mises en oeuvre par la voie réglementaire ou dans le cadre d'un prochain véhicule législatif. (Marques d'incompréhension sur les bancs socialistes) C'est pourquoi votre commission propose de ne pas adopter cette proposition de loi, à condition toutefois que le Gouvernement prenne certains engagements.

Les deux premiers articles concernent la lutte contre la vacance. Il s'agit d'un problème complexe : le nombre de logements vacants est très difficile à évaluer, celui des logements que l'on peut effectivement mobiliser l'est encore davantage. L'article premier prévoit une procédure d'expropriation des logements vacants qui soulève des problèmes de fond, puisqu'il s'agit d'une atteinte au droit de propriété, d'autant plus que l'article supprime l'enquête publique et crée une compétence liée du préfet pour déclarer l'utilité publique. En outre, les communes désireuses d'y recourir se heurteraient à des difficultés pratiques, car il leur faudrait d'abord identifier les immeubles vacants. Un bilan très complet des tentatives faites à Paris en 1995 et 2001 a montré que cette tâche avait demandé beaucoup d'énergie et mobilisé 26 agents de la Ville pendant deux ans pour aboutir à un échec : aucun logement n'a finalement été réquisitionné. On peut s'interroger aussi sur le coût de la procédure : la collectivité devrait acquérir les logements au prix du marché, ce qui n'offre pas d'avantages par rapport à la procédure de préemption qui existe déjà. Des dizaines de milliers d'opportunités se présentent chaque année à la mairie de Paris, et il est regrettable qu'elle les saisisse trop rarement.

M. Thierry Repentin.  - Vous parlez de l'époque Tiberi !

M. Dominique Braye.  - Nous ne pensons jamais à la veille, mais toujours au lendemain : le monde change rapidement !

D'après l'Anah, il faut se concentrer sur les logements vacants depuis un à deux ans, et inciter les propriétaires à les remettre sur le marché par le biais du conventionnement avec travaux qui prévoit une prime.

La commission a considéré l'article 2, relatif à la taxe sur les logements vacants, avec plus d'intérêt. Cette taxe, instituée en 1999 dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, a fait la preuve de son efficacité : la vacance des logements a connu dans ces agglomérations une baisse comprise entre 12,5 et 48 % entre 1999 et 2005, alors que cette baisse n'était que de 8,5 % dans la France entière. Sans généraliser cette taxe à toutes les communes soumises à l'obligation des 20 % de logements sociaux comme le propose l'article 2, il pourrait être opportun de l'étendre aux grandes agglomérations dont le marché du logement est très tendu : trente agglomérations comptent aujourd'hui plus de 200 000 habitants. La commission souhaite donc que le Gouvernement s'engage à modifier rapidement le décret en ce sens.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Je vous répondrai tout à l'heure.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - L'article 3 comprend une idée intéressante. Les délégataires du droit de préemption urbain se limitent aujourd'hui aux offices publics d'HLM et aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'une opération d'aménagement. Or il peut être utile de permettre aux communes de déléguer ce droit à tous les gestionnaires d'HLM. La commission s'engage donc à soutenir cette proposition lors de l'examen de la proposition de loi de M. Warsmann portant réforme du droit de préemption urbain, qui devrait être débattue très prochainement au Sénat. La mesure que vous préconisez sera ainsi mise en oeuvre beaucoup plus vite que par le biais de la présente proposition de loi.

Voix sur les bancs socialistes.  - Ce que nous faisons aujourd'hui ne sert donc à rien !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Dans un monde qui bouge et où il faut aller vite, nous proposons un autre véhicule législatif.

On ne peut évidemment qu'être sensible à la philosophie ayant inspiré l'article 4, relatif au moratoire sur les expulsions locatives : pourquoi expulser des locataires reconnus prioritaires par les commissions de médiation ? Cette question est frappée au coin du bon sens. C'est pourquoi nous y avions déjà pensé. (Exclamations sur les bancs socialistes) L'accent a donc été clairement mis depuis plusieurs années sur la prévention des expulsions.

Ainsi, la circulaire du 14 octobre 2008 dispose qu'il faut, avant toute expulsion, rechercher un logement adapté aux ressources d'un ménage de bonne foi n'ayant pas les moyens de conserver son lieu de vie.

On peut en outre maintenir dans les lieux les locataires expulsés sans léser le propriétaire, en lui proposant de signer un bail avec une association qui sous-louera le bien. Ainsi, le bailleur n'aura plus de contact direct avec le locataire, tout en percevant le revenu locatif dont il a souvent besoin pour vivre décemment.

Mais inscrire dans la loi un moratoire ne concernant que de rares cas adresserait un signal très négatif aux locataires et surtout aux bailleurs, pour qui la stabilité de la règle juridique revêt une importance particulière. Risquant d'altérer leur confiance, l'article 4 pourrait aggraver la vacance de logements. Les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions...

Enfin, ne comportant aucune indemnisation des propriétaires, l'article 4 leur ferait supporter les impayés de loyers, alors que l'éventuel refus d'accorder le concours de la force publique est actuellement indemnisé par le juge administratif sur le fondement d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques. La validité constitutionnelle de la disposition proposée est douteuse puisqu'elle revient à une réquisition de fait sans indemnisation.

Enfin, l'article 5 paraît irréaliste en autorisant le préfet à imposer un locataire au titre du Dalo dans tout logement conventionné, quel que soit le loyer. En effet, inférieur de seulement 10 à 15 % au niveau du marché, les loyers intermédiaires ne sont pas adaptés aux familles rencontrant les plus graves difficultés. La disposition serait en outre contre-productive en dissuadant les propriétaires de signer une convention avec l'Anah.

Aujourd'hui, le nombre de logements conventionnés est faible, surtout dans les départements où le Dalo est le plus souvent invoqué. Selon une étude conduite récemment par l'Anah dans treize départements, le préfet n'utilise le droit de réservation sur les logements très sociaux que dans deux cas !

Pour toutes ces raisons, la commission vous suggère de ne pas adopter ce texte. (On feint la déception sur les bancs socialistes)

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Quel coup de théâtre !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Toutefois, votre rapporteur est ouvert à toutes les idées (exclamations sur les bancs socialistes), il est vrai plus souvent de ce côté-ci de l'hémicycle (l'orateur montre le côté droit) que de celui-là, (l'orateur montre le côté gauche) sans doute parce qu'il y en a plus... (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes)

C'est pourquoi il souhaite que le Gouvernement s'engage à étudier l'élargissement de la taxe sur les logements vacants et qu'il étende le droit de préemption urbain à toutes les familles d'organismes HLM. (Applaudissements à droite)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - (M. Daniel Raoul exhorte M. le secrétaire d'État à « un bon geste ») L'attente de nos concitoyens est importante en matière de logement. Quant au marché de l'immobilier, il a sa logique propre.

Alors, y a-t-il d'un côté des logements vacants, de l'autre des personnes à la rue ? Cette vision caricaturale survit dans l'opinion grâce aux coups médiatiques de caméras braquées sur des situations extrêmes.

La proposition de loi tend à augmenter les capacités de relogement au titre du Dalo, notamment grâce au droit de préemption.

Il faut garder les pieds sur terre : l'effet du recours aux logements vacants ne doit pas être surestimé. En effet, il s'agit souvent de taudis ou de biens situés dans des zones à l'offre locative suffisante. N'oublions pas l'ampleur de la vacance frictionnelle entre deux locataires, ni les cas des propriétaires hors d'état de financer des travaux coûteux ou pris dans des successions difficiles. L'approche de cette proposition de loi fleure bon l'année 2001.

Cette année-là justement, le ministère des finances avait identifié 96 000 adresses vacantes. Seules 104 d'entre elles comportant chacune plus de dix logements étaient pertinentes au sens de la mobilisation engagée. Or, selon les cas, les biens étaient occupés, démolis, utilisés par des commerces ou dans un état calamiteux. Résultat : aucune réquisition n'a été engagée.

Un dernier point : dans notre pays, le droit de propriété est protégé par la Constitution. Il est reconnu par le Conseil d'État comme une liberté fondamentale. Alors, ne franchissons pas la limite de la contrainte !

Le Gouvernement n'est pas resté inactif, mais il privilégie l'incitation, sans attenter à la liberté de certains concitoyens.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - La liberté d'être à la rue !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Exproprier les propriétaires pour cause de logement vacant serait injuste et contre-productif en dissuadant l'accession à la propriété. Mais nous sommes tous d'accord pour mobiliser ces biens, dans l'intérêt de tous. A cette fin, le Gouvernement utilisera tous les leviers à sa disposition.

M. Daniel Raoul.  - Il y a du boulot ! (M. Jean-Marc Todeschini le confirme)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le premier axe de notre politique soutient les propriétaires voulant effectuer des travaux. Ainsi, la loi du 25 mars 2009 renforce les aides existantes et incite les propriétaires à louer pour des prix maîtrisés. Les conventions avec l'Anah ont été simplifiées. Enfin, la déduction fiscale des revenus locatifs est portée de 45 % à 60 % pour les bailleurs pratiquant des loyers sociaux et à 70 % pour ceux qui s'engagent dans l'intermédiation locative.

Deux taxes incitent à louer. La taxe sur les logements vacants concerne quelque 80 000 biens. Elle est complétée par la taxe d'habitation sur le logement vacant, mise à la disposition des communes. L'expérience montre que son institution réduit substantiellement le taux de vacance.

Enfin, nous voulons protéger les bailleurs : c'est l'enjeu de la garantie des risques locatifs, qui sera déployée en 2010.

Pour l'essentiel, ces mesures sont issues de la loi sur le logement votée il y a huit mois. Les textes d'application sont en cours d'élaboration. Je souhaite conduire ce travail à son terme avant de concevoir de nouveaux dispositifs.

Outil essentiel à la disposition des maires, le droit de préemption urbain sera renforcé et simplifié dans le cadre de la proposition de loi qui sera examinée dès la semaine prochaine par la commission des lois de l'Assemblée nationale. On peut attendre encore deux ou trois mois pour déposer un amendement.

Nous agissons pour le Dalo. Développer beaucoup plus largement l'information est un premier impératif. Loin de nous contenter des taux actuels de relogement, 25 % !, nous devons améliorer les outils pour répondre à cette obligation. On peut utiliser le contingent préfectoral qui, en Ile-de-France se situe à 12 % au lieu de 30 %. Passer à un taux d'utilisation réelle de 30 % représente 10 000 logements. Il ne sert à rien de faire des lois nouvelles : appliquons celles qui existent ! On peut aussi utiliser les 25 % du contingent d'action sociale, soit 5 000 logements supplémentaires. Voilà au total 15 000 logements pour l'Ile-de-France avec les instruments actuels.

Il est tout aussi nécessaire de construire plus de logements sociaux et de les construire où on en a besoin. Nous allons en financer 125 000, un record absolu et une augmentation de 300 % par rapport à 2000. Cependant, 60 % sont construits dans des zones faiblement ou moyennement tendues. Il convient donc de réorienter la production de logements sociaux.

Nous avons une vision d'un État exemplaire qui agit sans contraindre les citoyens à combler ses propres insuffisances. Nous resterons attentifs aux discussions parlementaires et je m'engage à élargir la taxe sur les logements vacants afin qu'on réponde mieux aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Repentin.  - (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Dans dix jours, la deuxième nuit solidaire du logement se tiendra à la Bastille comme l'on a célébré à la Concorde l'amitié franco-allemande.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - La chute du communisme !

M. Thierry Repentin.  - Puisque le ministre doute de la réalité des 96 000 logements vacants, je lui indique ceux qu'ont identifiés les associations place des Vosges et qu'elles occupent.

La crise du logement touche toutes les catégories sociales : c'est devenu la première dépense des ménages. Rien ne doit donc être négligé et c'est la modeste ambition de cette proposition : améliorer l'existant, responsabiliser les élus, qui sont au plus près des besoins. Ce texte d'optimisation entend rendre plus opérationnels les dispositifs existants, parfois inachevés, à l'instar du Dalo. Bancal, le texte de 2007 confie à l'État une responsabilité qu'il ne peut assumer, de sorte que ce sont les citoyens qui en paient le prix. La contradiction est particulièrement cruelle pour ceux qui sont reconnus prioritaires dans l'attribution d'un logement mais sont expulsés du leur avec le concours de la force publique. C'est eux et eux seulement que protège l'article 4. J'entends déjà des craintes s'exprimer sur le dédommagement des propriétaires. Nous les partageons et, si l'article 40 nous interdit d'en traiter, rien n'empêche le Gouvernement de déposer un amendement assurant des indemnités journalières au propriétaire. Prêter le concours de la force publique puis prendre en charge socialement les familles expulsées coûte plus cher ! Mieux vaut que l'argent public serve à maintenir des locataires de bonne foi chez des propriétaires de bonne foi plutôt que de les héberger chez des marchands de sommeil. (Approbations sur les bancs socialistes)

Oui, la taxe sur les logements vacants a montré son efficacité. S'agissant d'une taxe, celle-ci ne se mesure pas seulement à son produit mais aussi, comme l'explique M. Borloo, à l'influence exercée sur les comportements.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - C'est le cas de la TLV.

M. Thierry Repentin.  - C'est ce qui s'est passé dans les huit agglomérations où elle a été mise en place : elle a immédiatement accéléré la baisse du nombre des vacances, qui a été jusqu'à cinq fois plus rapide qu'ailleurs. J'ajoute que la proposition de loi est peu coûteuse, ce qui n'est pas négligeable quand le déficit public atteint 8 % et l'endettement public 73 % du PIB. Elle assure même une ressource à l'Anah...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Au détriment des communes !

M. Thierry Repentin.  - L'État, lui, a débudgétisé sa subvention à l'Anah et sommé le 1 % logement de compenser son retrait.

Notre texte conforte les territoires qui, de la suppression de la compétence générale à la réduction de la taxe professionnelle, en passant par la réduction du nombre d'élus et sans oublier les transferts de compétences au Grand Paris, subissent un effritement. Une VIe République se dessine, qui oublie les territoires et le rôle des élus locaux. Vous vous trompez de cible : les territoires sont responsables et efficaces.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Eh oui !

M. Thierry Repentin.  - La politique de logement sera l'une de celles qui souffriront le plus de cette reprise en main. Car ce sont les maires qui sont en première ligne. Si les départements et les régions ne peuvent plus participer au financement du logement social, comment les communes et les intercommunalités boucleront-elles les opérations ? Saisissez, monsieur le ministre, l'opportunité que nous vous offrons d'identifier les logements vacants. Les choses changent en effet de tournure lorsque l'on se place au plus près du marché. De même, le transfert du droit de préemption urbain aux organismes HLM contribuera d'évidence à l'efficacité.

Rangez-vous au constat que dressent les élus locaux : le Dalo est inapplicable si le parc privé n'est pas mobilisé -c'est l'objet de l'article 5. Personne n'est montré du doigt. Ce texte ne met pas à mal les règles existantes, il les optimise. Il s'inspire de l'expérience de nos voisins européens : le taux de vacance est le plus élevé en Espagne qui n'a pas une politique du logement diversifiée. La crise du logement n'est pas une fatalité. Donnons des moyens aux élus locaux. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Nous ne sommes pas dans la poésie...

M. Ivan Renar.  - Quoique...

M. François Fortassin.  - ...quand nous constatons la multiplication des rapports sur le logement, pas moins de 28 entre 2002 et 2005, dont les propositions sont régulièrement recyclées faute d'avoir connu un aboutissement normal. (Eh oui ! sur les bancs socialistes)

Malgré les sept lois votées ces six dernières années, la situation du logement est loin de s'être améliorée. En 2009, 3,5 millions de nos concitoyens sont mal logés ou pas logés du tout -sans compter les laissés pour compte de la crise économique. Le décalage est croissant entre les capacités contributives des ménages et le coût du logement en location ou en accession ; qui veut louer aujourd'hui son appartement attend avant tout un retour sur investissement. Les plus modestes sont en quelque sorte assignés à résidence dans certains quartiers ; on ne peut ignorer les discriminations sociales voire raciales dans l'accès au logement.

Le droit au logement opposable connaît une application laborieuse et décevante tandis que les dispositifs d'hébergement sont engorgés. L'accès au logement ressemble pour beaucoup de nos concitoyens à un parcours du combattant, sinon à un mirage dans le désert. Les politiques publiques sont inefficaces. M. le ministre a tout à l'heure jugé l'opposition rêveuse ; je considère quant à moi que tous les ministres sont excellents, même s'il y a des degrés dans l'excellence... (Sourires) L'engagement budgétaire est insuffisant, l'offre est défaillante ici mais abondante là, l'État a mis la main sur le 1 %, la fiscalité est contestable et inefficace.

La France doit faire face à des défis susceptibles d'affecter durablement le nombre et la nature des logements réalisés. Besoins nouveaux, recompositions familiales, vieillissement de la population, désir des jeunes d'accéder à un logement indépendant, autant de phénomènes plus prégnants qu'il y a quinze ou vingt ans. Il faut prendre en compte la solvabilité de la demande. L'Insee estime que les Français consacrent 6 % de leur revenu au logement ; qui peut se loger avec si peu, sinon ceux qui, comme moi, sont privilégiés et habitent un logement dont l'emprunt est remboursé ? Pour la plupart des ménages, le pourcentage est plus proche de 30 %...

Imposer aux promoteurs, lorsqu'ils réalisent dix logements, d'en construire deux en logement social n'a rien de révolutionnaire mais conduirait à une véritable mixité sociale. On ne peut laisser les maires seuls face au problème. Et qu'on ne me dise pas que la promotion sera freinée, cette mesure est au contraire incitative dans un contexte où les aides publiques n'ont pas réussi à faire baisser les tensions sur le marché.

Si nous refusons de voir nos concitoyens mal logés ou pas logés, il nous faudra prendre des mesures draconiennes. Je sais bien qu'on ne peut porter atteinte au droit de propriété, mais on peut taxer. Il ne serait par exemple pas scandaleux de surtaxer un propriétaire de résidence secondaire qui ne l'occuperait que quinze jours par an et ne la louerait pas le reste du temps.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - La mienne, je la prête !

M. François Fortassin.  - Moi aussi, mais je ne trouverais pas anormal de payer une surtaxe...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. François Fortassin.  - La politique du logement doit devenir une grande affaire de la République, fondée sur la solidarité et la reconnaissance de la dignité de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

Mme Odette Terrade.  - Lors des débats de la loi de mobilisation pour le logement, la ministre de la ville et du logement de l'époque avait évoqué des objectifs ambitieux : construire plus, faciliter l'accès au logement, lutter contre le mal logement, et justifier la procédure d'urgence par la culture du résultat. Sept mois après, la situation du logement reste alarmante et la loi, loin d'apporter des réponses adaptées, soulève nombre d'inquiétudes.

Première préoccupation par nos concitoyens, le logement représente 30 % des dépenses des ménages, pour un montant global de 282 milliards en 2006, soit 23 % du PIB. Le logement n'est pas seulement une question de pouvoir d'achat, c'est de plus en plus une urgence sociale. Selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 13 % de la population est en situation de fragilité par rapport au logement, situation que la crise économique a encore aggravée. Car si la loi de mobilisation pour le logement a institué le désormais célèbre Dalo, elle ne répond pas à la diversité des situations de mal logement et d'exclusion sociale.

Nous avons besoin d'une politique ambitieuse, dotée des moyens nécessaires pour que chaque individu puisse accéder à ce droit fondamental. Mais les signes envoyés par le Gouvernement ne sont guère encourageants. Le ministère est devenu secrétariat d'État ; le budget de la ville et du logement a régressé de 7 % en 2009...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Il a augmenté au contraire !

Mme Odette Terrade.  - Parce que vous avez réalisé un hold-up sur le 1 % ! Le budget 2010 n'est guère mieux, au sein duquel les aides à la pierre baisseront de 70 millions d'euros. Alors que 450 000 logements avaient été mis en chantier en 2007, ce qui était déjà insuffisant, on n'en lancera que 300 000 cette année. Le rapport du Conseil d'État Droit au logement, droit du logement publié le 10 juin 2009, note d'ailleurs que le logement est devenu, depuis la réforme Barre de 1977, « un bien économique qui s'échange sur un marché ». On ne peut mieux résumer l'action du Gouvernement, qui s'est progressivement effacé au profit du marché et privé des principaux outils dont il disposait pour contrôler le coût de la construction et le niveau des loyers.

L'empilement législatif des dernières années n'a pas freiné l'aggravation de la situation mais, comme le note le rapporteur, a placé la politique du logement dans « une instabilité juridique chronique peu propice à la mobilisation de l'ensemble des partenaires ». Aujourd'hui, les loyers du privé sont 45 % plus chers que ceux du parc social et l'augmentation des loyers ne va plus de pair avec une amélioration des conditions de vie. Il n'est dès lors guère étonnant que la loi Dalo ait montré ses limites... Les demandes sans réponse s'accumulent au point qu'on peut parler d'urgence installée. Dans le Val-de-Marne, seuls 1 300 des 12 000 dossiers déposés ont été déclarés éligibles ; seuls 6 000 ont été traités, les autres sont en attente depuis plus de six mois alors qu'il en arrive entre 600 et 700 par mois, et que la commission n'en traite que 150 par semaine. Les accusés de réception, à partir duquel court le délai de six mois pour statuer, sont délivrés quatre mois après le dépôt des dossiers... C'est dire que le dispositif est très loin de répondre aux besoins.

La présente proposition de loi repose sur l'idée que « pour donner corps à la solidarité nationale pour le logement de tous, nous devons consentir à imposer des mécanismes de régulation innovants et audacieux ». De l'audace, il en faut pour s'attaquer à la spéculation immobilière. Nos collègues socialistes ont raison de proposer un moratoire sur cette pratique d'un autre âge que sont les expulsions locatives, qui traumatisent les familles et les enfants. Ils ont raison de proposer d'augmenter le taux et l'assiette de la taxe sur les logements vacants, en donnant parallèlement plus de pouvoirs aux maires pour l'expropriation de logements vacants depuis de nombreuses années.

M. le rapporteur soutient que le texte attente au droit de propriété en ce qu'il prive les propriétaires de leur droit à percevoir des loyers. Nous estimons que le droit de propriété doit, non s'opposer mais se conjuguer avec le droit au logement, tout autant fondamental. La proposition de loi tend à rendre effectif le droit au logement opposable que la majorité a tant défendu ; c'est une boîte à outils qui permettrait de dépasser les belles déclarations d'intention qui, sans moyens, restent lettre morte.

Nous avions déposé une proposition de loi pour prévenir les expulsions locatives qui allait dans le même sens. Face aux situations dramatiques vécues par ceux qui attendent depuis des années un logement, un véritable contre-projet à la politique menée aujourd'hui est indispensable. Nous souhaitons un grand service public du logement décentralisé, financé par l'État. Un grand plan national de construction de logements sociaux encouragé par une politique volontaire en matière d'aide à la pierre serait également souhaitable. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le droit au logement soit une réalité pour tous, partout ! Dans cette attente, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Le groupe de l'UC reconnaît aux auteurs de cette proposition de loi de bonnes intentions. On ne peut qu'encourager la lutte contre le logement vacant, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je l'ai dit !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Ce texte n'échappe pas à ce constat.

Ainsi, l'article 2 prévoit la taxation des logements vacants dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants. Or, l'article 47 de la loi Engagement national pour le logement de 2006 autorise les collectivités non concernées à assujettir les logements vacants à la taxe d'habitation.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - La proposition que vous faites dans cet article pourrait parfaitement s'étendre à des agglomérations de 50 000 habitants avec une ville centre de 15 000 personnes.

Les articles 3 et 4 ont le mérite de confirmer d'autres dispositifs existants : pourtant, la loi Dalo s'applique difficilement dans la région parisienne et dans les grandes agglomérations.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Surtout à Paris !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Certains dispositifs ne sont en revanche pas justifiés dans nos régions.

En revanche, l'article premier serait difficile à mettre en oeuvre : comment faire le départ entre les intentions spéculatives et les difficultés de location que nous rencontrons actuellement ?

L'article 5 est en contradiction avec les objectifs de l'Anah : faut-il freiner le combat que mène cette agence contre l'habitat indécent, voire indigne, par des mesures qui pourraient inquiéter les bailleurs privés ?

J'encourage les collectivités locales à accompagner la garantie de logement locatif, qui permet de remettre sur le marché des logements vacants. Elle constitue une invitation financière pour le bailleur et une plus-value sociale pour le locataire. Cette mesure figurait dans le projet de loi de mobilisation pour le logement de 2008 et elle rejoint nos préoccupations et celles du groupe socialiste.

Mme Colette Giudicelli.  - Cette proposition de loi vise à augmenter l'offre de logements abordables et à éviter les expulsions de locataires reconnus prioritaires au titre de la loi Dalo. Comme l'a très justement fait observer notre rapporteur, auquel d'ailleurs je tiens à rendre hommage pour ses grandes compétences en matière d'urbanisme et de logement...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Je le confirme !

Mme Colette Giudicelli.  - ...il faut remettre cette proposition de loi à sa juste place. Depuis 2002, les gouvernements ne se sont pas croisé les bras. Le 19 février 2009, nous avons adopté la loi de mobilisation pour le logement présentée par Mme Boutin, qui soutient la construction et qui permet aux populations en difficulté d'accéder plus facilement à des hébergements ou à des logements. En outre, elle prévoit que les bailleurs sociaux pourront gérer des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages logés dans des hôtels ou des centres d'hébergement.

La politique du logement est complexe, parce qu'elle revêt des dimensions humaines, économiques, financières et techniques. La loi de mobilisation pour le logement a complété plusieurs lois importantes qui, ces dernières années, ont profondément modifié le secteur du logement, notamment la loi Dalo de 2007 qui reconnaît le droit à un logement décent et indépendant.

Nous souhaitons tous que les logements sociaux soient occupés par des personnes qui en ont vraiment besoin, mais ce n'est pas toujours le cas. Dans les mairies et dans les conseils généraux, on voit souvent des logements sociaux attribués à des personnes qui auraient les moyens de se loger elles-mêmes ou qui, parfois même, sont propriétaires. La loi Dalo a prévu, pour les personnes déclarant ne pas pouvoir se loger, un recours amiable devant une commission de médiation qui peut demander aux services compétents de l'État ou des collectivités territoriales, de faire les constatations sur place ou, au moins, l'analyse de la situation sociale du demandeur. Mais ces commissions se bornent souvent aux déclarations, sans faire d'enquêtes, sans doute pour ne pas mettre en porte-à-faux les services sociaux. Dans mon département, j'ai constaté des situations qui frôlent l'escroquerie.

Ces commissions de médiation peuvent être abusées lors du dépôt du dossier de recours par des demandeurs à qui il arrive de tricher sur le montant de leurs revenus ou sur l'étendue de leur patrimoine. En outre, lorsque j'apprends que certaines personnes déjà hébergées dans des logements sociaux gardent leur appartement alors qu'elles ne l'occupent même plus, il y a de quoi être scandalisé. Ils conservent le logement pour accueillir leurs enfants ou, pire, pour le sous-louer.

M. Daniel Raoul.  - Quel rapport avec les logements vacants ?

Mme Colette Giudicelli.  - La loi Boutin va permettre de faire des contrôles plus fréquents, voire d'intenter des actions contre les locataires indélicats.

Il conviendrait aussi de prévoir une diminution des plafonds afin que les familles les plus modestes bénéficient de ces logements. Il est difficile d'expulser un locataire d'un logement social, quand bien même celui-ci ne réunit pas toutes les conditions pour s'y maintenir, notamment lorsqu'il y a des enfants. La meilleure façon de réserver les logements sociaux à nos concitoyens qui en ont réellement besoin est de se prémunir et de contrôler. A Menton, j'ai demandé au service du logement que chaque dossier soit assorti d'une déclaration sur l'honneur du patrimoine immobilier. Je suis consciente des limites de ce document, puisque la tricherie est encore possible. Pourquoi ne pas demander une attestation fiscale de non-propriété ? Hélas, il n'existe pas de justificatif fiscal sur lequel figurerait une telle mention. Cette déclaration reste donc à inventer. Je compte sur vous, monsieur le ministre !

Nous avons évidemment conscience du problème posé par la vacance de longue durée. C'est pourquoi l'Anah mène une politique active d'incitation à la remise sur le marché. En 2008, pas moins de 9 000 logements l'ont été après plus d'un an de vacance. Si nous soutenons cette politique d'incitation, nous ne pouvons accepter cette proposition de loi qui permettrait au maire, lorsqu'un logement est vacant depuis cinq années, d'exproprier le propriétaire. Ce n'est pas en portant atteinte au droit de propriété, garanti par la Constitution, que nous surmonterons la crise du logement social ! En outre, les communes ayant recours à cette procédure se heurteraient à de nombreuses difficultés. Notre rapporteur a relevé qu'il fallait d'abord identifier les logements ou immeubles vacants. Nos collègues socialistes proposent un moratoire pour empêcher toute expulsion d'ici le 16 mars 2012 de personnes reconnues comme prioritaires, tant qu'aucune offre de relogement ou d'hébergement ne leur aura été proposée.

La mesure ne ferait que dissuader les propriétaires de louer. Le marché de la location serait totalement bloqué et le nombre de logements vacants ne ferait qu'augmenter : effet inverse au but recherché...

Il y a là également une nouvelle atteinte au droit de propriété, qui toucherait plus particulièrement les petits propriétaires. M. Rebsamen dépeint ceux-ci comme des personnes qui ne songent qu'à leur intérêt propre.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.

Mme Colette Giudicelli.  - A Dijon comme à Menton, quand on a travaillé toute sa vie et acheté un petit appartement pour le louer, en vue de la retraite, et que l'on a affaire à des locataires qui ne paient pas, qui sont expulsés au bout de cinq ans et laissent des lieux en très mauvais état, on est échaudé !

Le Gouvernement a annoncé une remise à plat du droit de préemption urbain dans le cadre d'une prochaine réforme globale sur la préemption. Je souhaiterais que le ministre nous apporte quelques précisions sur ce point.

Il n'est pas responsable de traiter un problème grave par une proposition de loi démagogique. On entend souvent prétendre qu'il existe de très nombreux logements vacants et qu'il faut les remettre sur le marché... L'existence de logements vacants est considérée par certains comme une anomalie, voire un scandale. Rapprocher ce phénomène des difficultés de logement d'une partie de la population, voire de la situation des sans-abri, n'a pas de sens, mais est bien utile pour trouver des coupables et fédérer les indignations contre un adversaire abstrait, les propriétaires de logements vacants.

Le plan de cohésion sociale a assigné à l'Anah un objectif de remise sur le marché de 100 000 logements avec une prime incitative. Seront surtout concernés, je pense, des logements qui faute de travaux ne pouvaient être loués. Et de nombreuses collectivités ont mis en place ou envisagent d'adopter des mesures d'incitation.

Je suis présidente du conseil d'administration d'un institut médico-pédagogique qui accueille des enfants autistes et trisomiques. Le bâtiment devait être rénové : nous avons demandé aux enfants de le dessiner tel qu'ils le voudraient une fois restauré. La plupart d'entre eux ont tracé un vague carré, mais tous ont dessiné un toit, de toutes les couleurs et de toutes les formes ! Ces enfants un peu différents nous ont appris que lorsque l'on est fragile, on va à l'essentiel et l'essentiel, c'est un toit. Le groupe UMP considère aussi que le toit est prioritaire et qu'il faut tout faire pour que tous nos concitoyens soient logés décemment mais il ne votera pas ce texte parce qu'il fait toute confiance au Gouvernement pour mener ce combat. (M. le rapporteur applaudit)

Mme Patricia Schillinger.  - Je remplace M. Jeannerot rappelé d'urgence dans son département.

L'indignation de nos concitoyens devant l'existence de logements vacants est bien compréhensible au moment où tant de gens ont du mal à se loger. Le taux de vacance est pourtant très bas, ce qui révèle la tension sur le marché et le nombre de demandes non satisfaites. C'est au moment de l'appel de l'abbé Pierre que ce taux a été le plus faible... Le rapport du Conseil d'État Droit au logement, droit du logement dresse un constat inquiétant : 3,5 millions de personnes seraient mal logées ou non logées et le nombre de personne hébergées est en forte augmentation. En outre, le montant du loyer augmente, mais la qualité du logement ne s'améliore pas : il y a là une perte de pouvoir d'achat. En conséquence, les collectivités locales sont de plus en plus sollicitées et l'État a tendance à se défausser sur elles. Encore faudrait-il leur donner les moyens d'agir...

Le texte dote les communes d'un véritable pouvoir d'intervention. Il reprend une proposition formulée par le Conseil d'État. La prérogative de préemption des maires est élargie aux cas de relogement pour cause d'insalubrité, d'aménagement, voire de démolition. II existe plusieurs procédures en matière de lutte contre l'insalubrité, mais le relogement échoie toujours à l'autorité qui a engagé la procédure, c'est-à-dire au maire ou au préfet. Compte tenu des tensions sur le parc social, le nombre de procédures engagées risque de diminuer en raison de la difficulté à reloger les ménages. Nous proposons une solution supplémentaire, financée par les sommes dues par les propriétaires des logements insalubres.

Le Conseil d'État a rappelé dans sa décision du 6 avril 2001 que la préemption est possible pour remplir une obligation de relogement, faute de solution dans le parc social. Parfois, une commune dispose de logements vacants mais qui ne peuvent être proposés, pour des raisons géographiques ou de revenus. Notre proposition de loi apporte aux maires une faculté supplémentaire de faire aboutir la procédure. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Houpert.  - La proposition de loi semble louable. Les hommes et les femmes de bonne volonté dans cet hémicycle y verront de bonnes intentions, mais qui ne suffisent pas. Nos concitoyens ne nous demandent pas de vibrants plaidoyers mais des résultats : c'est à notre majorité qu'ils ont confié le soin d'engager les réformes attendues.

Le maire pourrait obtenir l'expropriation d'un bien au terme d'une vacance anormalement longue, de cinq ou huit années consécutives.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - A fin de relogement social !

M. Alain Houpert.  - C'est une nouvelle atteinte à la petite propriété. La proposition me paraît trop dogmatique. L'expropriation doit être réservée aux cas d'abus et la durée de vacance n'en constitue pas un à elle seule. Je souhaiterais également des dispositifs moins conflictuels, faisant appel aux bailleurs intermédiaires. Le Gouvernement, dans sa grande sagacité, cherche à limiter les expulsions en expérimentant la reprise de bail par une association qui sous-louera le logement.

L'article premier me paraît dangereux, car les conditions posées pour l'expropriation sont discrétionnaires. Si un immeuble est vide, ce peut être que, du fait de sa localisation, il n'intéresse personne ! Un pouvoir d'expropriation aussi large devrait être entouré de garanties : vacance « anormalement longue », limitation géographique, etc.

Nos collègues élargissent le champ de la taxe sur les logements vacants qui semble avoir fait ses preuves, le taux de vacance ayant baissé plus rapidement qu'ailleurs là où elle est en vigueur. Cependant, le Comité d'analyse économique conseille de la supprimer parce que son rendement est nul. Doubler le taux n'est pas un gage supplémentaire d'efficacité. Le rendement sera meilleur mais la taxe ne limitera pas la spéculation sur le logement. Il y a d'autres possibilités. Aujourd'hui, les plus-values immobilières sont minorées de 10 % par année de détention au-delà de cinq ans. Les années de vacance du bien pourraient être exclues ! Il serait selon moi plus utile de revenir sur les avantages fiscaux existants. Et plus efficace.

Le moratoire proposé en l'absence d'offre de logement ou d'hébergement est encore une proposition louable, mais aux effets pervers. Les risques pesant sur le propriétaire augmenteraient et au lieu de remédier à la vacance intentionnelle des logements, elle ne ferait que la renforcer.

De nombreuses mesures de prévention limitent le recours à l'expulsion. C'est ainsi que le taux d'expulsions effectives n'est que de 10 %, portant le délai à deux ans. Allonger encore les délais ne fera qu'accroître l'insécurité juridique des propriétaires. Le marché locatif s'en trouverait encore moins fluide.

La question pourrait éventuellement se poser d'opposer un tel moratoire aux investisseurs institutionnels qui interviennent sur le marché locatif. Mieux vaut trouver des compensations financières au maintien dans les lieux, notamment lorsque le bail est rompu pour des raisons financières, et réduire les délais d'expulsion dans des cas de rupture ou de non-renouvellement de bail à fin de reprise. Un propriétaire doit pouvoir disposer de son bien lorsque l'occupant est sans droit ni titre !

Le Gouvernement prépare la mise en place d'une garantie des risques locatifs qui devrait protéger les propriétaires contre les risques d'impayés et éviter aux locataires d'avoir à fournir la caution de tiers. Très bien, mais c'est encore faire peser sur le propriétaire la prise en charge de l'intérêt général. Ce qui n'est pas sa vocation. A défaut d'être une obligation d'assurance à la charge du locataire, la souscription à une telle garantie doit être déduite du revenu imposable.

Cette proposition de loi est aussi paradoxale que l'état du marché locatif. La France est le pays qui compte le plus de logements par propriétaire et le plus de logements sociaux par habitant. Et pourtant les problèmes demeurent. Cela dit, ce n'est pas en stigmatisant les petits propriétaires qu'on les résoudra. Si le taux de logements vacants diminue depuis quelques années, c'est que l'équilibre trouvé est globalement efficace. Rien ne sert donc de renforcer l'insécurité juridique qui entoure le contrat de location ; il faut fluidifier le marché du logement locatif. Je voterai donc contre cette proposition de loi.

Plutôt que de stigmatiser les propriétaires, l'opposition ferait mieux de formuler des propositions qui aillent dans le sens de l'accession sociale à la propriété. (Exclamations à gauche) L'accès à la propriété reste le rêve de l'ensemble des Français. Faisons en sorte qu'il devienne une réalité. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Vous en êtes réduits à être le parti des propriétaires !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Donc de 56 % des Français !

M. Jacques Muller.  - Le 17 octobre, nous commémorions la journée mondiale du refus de la misère. Osons regarder la réalité de face : la France compte 3,5 millions de mal logés et 6,5 millions de personnes en situation de fragilité de logement à court ou moyen terme. Que fait le Gouvernement ? Peu, beaucoup trop peu. Le plan de relance de l'économie a enrichi les banquiers, au lieu de servir les mal logés. Le programme de construction de 100 000 logements engage 600 millions mais comporte moins de 45 % de véritables logements sociaux. L'État se désengage : depuis dix ans, la part des dépenses publiques consacrées au logement dans le PIB n'a cessé de diminuer, et atteint aujourd'hui son niveau le plus bas depuis trente ans.

Nous souffrons d'un autre fléau, celui des logements vacants. Leur proportion dépasse les 13 % à Lille et Perpignan, et près de 10 % à Lyon, Paris et Mulhouse. Une bonne partie de cette vacance est directement causée par la spéculation immobilière à laquelle se livrent quelques riches privilégiés au détriment de millions de défavorisés. C'est pourquoi nous cosignons cette proposition de loi, qui rejoint les conclusions d'une étude de l'Anah, selon laquelle l'application de la taxe sur les logements vacants a permis d'obtenir des résultats.

Parce que nous ne nous résignons pas au fatalisme, nous défendons la proposition d'expropriation de logements vacants depuis au moins cinq ans en vue de réaliser des logements sociaux.

Cette proposition de loi améliore significativement le régime juridique du droit de préemption ainsi que celui d'expropriation, en mettant les communes au coeur de ces nouveaux dispositifs. Mieux que le préfet, le maire connaît précisément les situations de détresse et d'urgence. Mieux que le préfet, il connaît son parc de logements et ceux qui sont vacants. Donnons-lui les moyens juridiques et, mieux que le préfet, il pourra agir efficacement.

Cette proposition de loi doit être vue comme un complément indispensable de la loi sur le droit au logement opposable. Les contingents préfectoraux sur lesquels repose le dispositif Dalo ne peuvent mettre à disposition que 60 000 logements par an, soit 10 % des 600 000 ménages susceptibles de bénéficier de ce droit. Il y a des familles en détresse et des logements vacants pour les reloger. Il est par conséquent de notre devoir de faire évoluer la loi. Je vais donc voter cette excellente proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Cette proposition de loi n'étant pas reprise par la commission, nous allons discuter son texte original.

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1 présenté par M. Fortassin.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 199 decies E du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction, laquelle elle est répartie sur six années au maximum. »

II. - Après la première phrase du troisième alinéa de l'article 199 decies EA du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction. »

III. - Au début du quatrième alinéa du IV et du VIII de l'article 199 septvicies du code général des impôts, les mots : « Au titre d'une même année d'imposition » sont supprimés.

IV. - Le 1° de l'article 31 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) le contribuable ne peut bénéficier des dispositions prévues aux alinéas h) à n) qu'à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement. »

M. François Fortassin.  - Les dispositifs d'incitation à l'investissement locatif privé de type Robien, Borloo, Scellier ainsi que les réductions d'impôt accordées au titre des investissements immobiliers locatifs réalisés dans des résidences de tourisme ou dans des logements situés dans les stations classées sont peu lisibles et d'une efficacité contestable. Une remise à plat est nécessaire : je ne vois pas pourquoi les propriétaires de logements dans les stations de ski devraient bénéficier d'une telle défiscalisation.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Défavorable : un tel amendement aurait tout au plus sa place en loi de finances. Nous sommes ici pour lutter contre le manque de logements. Tout ce qui peut favoriser la création de logements est donc bon. Les dispositifs auxquels vous vous en prenez soutiennent l'activité du bâtiment et, évidemment, permettent d'accroître l'offre de logements. Ils sont d'autant plus nécessaires que, comme vous l'avez peut-être entendu dire, nous vivons une crise marquée par une baisse des mises en chantier. Dans la région de Rennes, des élus de votre camp souhaitent au contraire qu'on étende le dispositif Scellier. Si des personnes ont de l'argent et veulent l'investir dans le logement, tant mieux !

A force de toujours vouloir protéger les locataires au détriment des propriétaires, on a tari les investissements dans le logement locatif. Beaucoup de petits investisseurs sont partis et ne reviendront pas. Des petits bailleurs vendent leurs appartements. Car 60 % des bailleurs sont modestes, souvent plus pauvres que leurs locataires. Mais vous vous flattez de lutter contre le grand capital !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Défavorable, évidemment.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Pourquoi « évidemment » ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Pour loger nos compatriotes, il faut jouer sur tous les facteurs, y compris le logement privé. Si vous diminuez l'avantage Scellier, la construction va s'effondrer. Le logement locatif, c'est un empilement de produits, du logement social au logement privé, jusqu'à l'accession à la propriété.

M. François Fortassin.  - Je pourrais approuver vos arguments. Ils n'ont que le défaut de ne pas répondre à la question que je pose, qui avait trait exclusivement aux investissements immobiliers locatifs réalisés dans des résidences de tourisme ou dans dans les stations classées.

Pour les résidences de tourisme, la défiscalisation n'a pas lieu d'être. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - C'est une niche fiscale !

M. Claude Bérit-Débat.  - Le rapporteur n'a pas répondu à la question. Les dispositifs Robien, Borloo et Scellier sont loin d'être parfaits.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - On ne parle que du Scellier !

M. Claude Bérit-Débat.  - Loin de favoriser la mixité sociale, on aboutit à une concentration de logements de moindre qualité.

L'amendement de M. Fortassin vise les résidences de tourisme.

Le problème du logement en montagne est réel. La loi ENL a permis aux maires d'intervenir à travers divers outils, dont de nombreuses communes se sont saisies, à commencer par la mienne, mais nous restons démunis face aux promoteurs. Dans la plupart des zones de montagne, plus aucun programme défiscalisé ne pourra voir le jour après 2012. Certains promoteurs menacent les maires d'abandonner tout simplement leurs territoires ! La transition annoncée par Bercy ne résout rien. C'est pourquoi nous demandons une réelle mise à plat des dispositifs pour le développement des zones de montagne. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Thierry Repentin.  - L'amendement ne vise pas l'investissement défiscalisé sur tout le territoire mais uniquement les résidences de tourisme. (M. le rapporteur le conteste)

En montagne mais aussi sur le littoral, notamment au Pays basque, des investisseurs se sont laissé abuser par la promesse de rendements qui ne sont pas au rendez-vous. Aujourd'hui, des chantiers sont abandonnés, les sociétés qui portaient ces investissements ont déposé le bilan. Résultat, l'Assemblée nationale a dû voter en catastrophe, la semaine dernière, une disposition permettant aux investisseurs de se constituer en SCI pour mener les projets à terme et gérer leurs biens en direct !

Cet amendement permet de limiter les risques pour les ménages qui se laissent tenter par ce type d'investissements, et de supprimer ces niches qui n'ont aucune vertu économique, comme M. Marini nous y incite régulièrement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - L'amendement concerne bien le Scellier dans son ensemble, qui est explicitement visé au III, et non uniquement l'investissement locatif en montagne, loin de là.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je ne peux pas laisser dire que je n'ai pas répondu à la question. J'ai répondu sur l'amendement. Le problème vient de ce que l'exposé des motifs ne correspond pas au texte de l'amendement !

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public... (Exclamations à gauche où l'on dénonce le vide des bancs à droite)

A la demande de la commission, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 152
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Article premier

Au titre IV du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV : Déclaration de logements en état de vacance anormalement longue

« Art. L. 2244 - 1.  -  Lorsque dans une commune, un ou plusieurs logements vacants situés dans un même immeuble et appartenant aux mêmes propriétaires ou titulaires de droits réels sont assujettis à l'une ou l'autre des taxes visées aux articles 232 et 1407 bis du code général des impôts pendant au moins trois années consécutives, le maire peut engager la procédure de déclaration du ou des logements concernés en état de vacance anormalement longue.

« La procédure de déclaration de logements en état de vacance anormalement longue ne peut être mise en oeuvre qu'à l'intérieur des parties actuellement urbanisées de la commune.

« Art. L. 2244 - 2.  - Le maire constate, par procès-verbal provisoire, la vacance anormalement longue d'un logement, après qu'il a été procédé à la détermination de celui-ci ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés.

« Le procès-verbal provisoire de vacance est affiché pendant trois mois à la mairie de la commune, ou à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble. Il fait l'objet d'une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire de vacance anormalement longue est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés tels qu'ils figurent au fichier immobilier et qui sont invités à présenter leurs observations dans un délai de deux mois. Si l'un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés, n'a pu être identifié ou si son domicile n'est pas connu, la notification le concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble.

« Art. L. 2244 - 3.  -  À l'issue d'un délai de trois mois à compter de l'exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l'article L. 2244-2, si les propriétaires ne se sont pas fait connaître, n'ont pas mis fin à l'état de vacance ou n'ont pas manifesté leur intention d'y mettre fin dans un délai fixé en accord avec le maire, celui-ci constate par un procès-verbal définitif l'état de vacance anormalement longue de l'immeuble. Ce procès-verbal est tenu à la disposition du public pendant un délai de trois mois. À l'issue de ce délai, le maire déclare par arrêté l'état de vacance du bien immeuble.

« Lorsque les propriétaires n'ont pas mis fin à l'état de vacance dans le délai convenu conformément au premier alinéa, la procédure peut être reprise. À son terme, le procès-verbal définitif intervient.

« Art. L. 2244 - 4.  -  Le maire saisit le conseil municipal qui l'autorise à poursuivre l'expropriation des logements ayant fait l'objet de l'arrêté de vacance anormalement longue au profit de la commune, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, en vue de la construction ou de la transformation en logement social.

« L'expropriation est poursuivie dans les conditions prévues par le présent article.

« Le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d'acquisition publique, qui est mis à la disposition du public appelé à formuler ses observations dans des conditions précisées par la délibération du conseil municipal.

« Par dérogation aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le représentant de l'État dans le département, dans un délai de trois mois à date de réception du dossier :

« - déclare d'utilité publique le projet visé à l'article L. 2243-3 et détermine la liste des immeubles ou parties d'immeubles, des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier ;

« - déclare cessibles lesdits immeubles, parties d'immeubles, parcelles ou droits réels immobiliers concernés ;

« - fixe le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ou titulaires de droits réels immobiliers, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l'évaluation effectuée par le service chargé des domaines ;

« - fixe la date à laquelle il pourra être pris possession des biens après paiement ou, en cas d'obstacle au paiement, après consignation de l'indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d'au moins deux mois à la publication de l'arrêté déclaratif d'utilité publique. Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers.

« L'ordonnance d'expropriation ou la cession amiable consentie après l'intervention de l'arrêté prévu au présent article produit les effets visés à l'article L. 12-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

« Les modalités de transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobilier et d'indemnisation des propriétaires sont soumises aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »

M. Robert Navarro.  - Selon la Fondation Abbé Pierre, sept millions de personnes sont dans la précarité. Pourtant, depuis 2002, le Gouvernement réduit le budget du logement et la contribution des collectivités territoriales a doublé entre 2003 et 2006 pour atteindre 959 millions. Précisions importantes à l'heure où le Président de la République entretient le trouble sur les dépenses des collectivités...

Le Gouvernement a beau parler de sortie de crise, le chômage va encore progresser. Il faut donc anticiper les difficultés qui vont surgir en 2010 et 2011. Cet article prévoit qu'au bout de cinq ans de vacance injustifiée, constatée par le maire, les logements peuvent être expropriés pour réaliser des logements sociaux. Nous ne visons pas les petits propriétaires mais les gros, dont les objectifs sont purement spéculatifs ! L'épée de Damoclès de l'expropriation entraînerait le retour sur le marché de nombreux biens. (Applaudissements et « Très bien » sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat.  - Cet article permet l'expropriation au profit des communes, à des fins de transformation en logements sociaux, de logements laissés vacants pour des raisons manifestement spéculatives pendant plus de cinq ans : nous appelons cela de la « vacance passive ». Nous nous sommes inspirés de la procédure d'expropriation pour abandon manifeste, créée par les socialistes en 1998 dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions. C'est le maire qui déciderait de lancer la procédure, en fonction des objectifs fixés dans le PLH. Couplée avec le doublement de la taxe sur la vacance, cette mesure permettrait de remettre sur le marché locatif des logements laissés vides par défaut d'attention ou manque de volonté.

Il ne s'agit pas de menacer tous les propriétaires. Mais dans le cas où un logement est laissé vide en raison du régime d'indivision de la propriété, seule la procédure de péril permet aujourd'hui de régler le problème. Si le logement est en bon état, et même s'il est vacant depuis plus de dix ans, le maire n'a que ses yeux pour pleurer.

Dans toutes les grandes villes, des aides sont désormais consenties aux propriétaires pour la réhabilitation et la remise sur le marché locatif de leurs logements : je pense par exemple au Solibail. A Paris, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France recense dans une étude publiée en octobre 109 273 logements vacants, soit 8,3 % du parc. Seuls 12 000 propriétaires paient la taxe sur les logements vacants, ce qui représente tout de même un gisement que la mairie tente d'exploiter grâce au dispositif « Louer solidaire ». Cinq cents propriétaires y avaient adhéré en 2009, ce qui montre que cette initiative répondait à un besoin.

L'article permet au propriétaire de se manifester au cours de la procédure s'il souhaite garder la maîtrise de son bien. Le maire peut quant à lui y mettre fin à tout moment. Il ne s'agit donc pas d'une atteinte au droit de propriété, mais d'un nouveau moyen de lutter contre la vacance passive, véritable abus de droit. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Nous avons beaucoup parlé des petits propriétaires, mais je vais à présent vous parler d'un gros propriétaire. Le 29 juin dernier, je vous ai écrit, monsieur le ministre, au sujet de l'immeuble du 69 rue de Seine, dans le VIe arrondissement de Paris. Vous m'avez répondu le 27 juillet que vous aviez demandé à vos services d'étudier la question et que vous me tiendriez au courant de vos décisions. Depuis, je n'ai eu aucune nouvelle.

Est-ce que le droit de réquisition a jamais été appliqué, même en réponse à des abus flagrants ? Le cas dont je vous parle me paraît tomber sous le coup de la loi.

M. Josselin de Rohan.  - L'immeuble doit appartenir à M. Pierre Bergé !

M. Jean Desessard.  - Il s'agit d'un immeuble de cinq étages et 250 mètres carrés, inoccupé depuis onze ans. Sa propriétaire refuse de le louer ou de le vendre, alors que la Ville de Paris s'est portée acquéreur. Elle vit aujourd'hui en Suisse pour échapper aux impôts...

M. Robert del Picchia.  - Ce n'est pas vrai ! Puisque l'immeuble est situé en France, elle acquitte sur ce bien une taxe de 25 %.

M. Jean Desessard.  - Je parlais du reste. Toujours est-il que cette dame n'est pas de ces petits propriétaires qui attendent anxieusement leur loyer. L'immeuble est divisé en petits appartements, sortes de grands studios, qui conviendraient parfaitement à une douzaine de locataires, par exemple des étudiants. Il n'y aurait aucun problème de voisinage !

Cette affaire a connu une certaine publicité lorsque huit étudiants ont investi l'immeuble. Délogés, ils ont été condamnés à 72 000 euros d'amende...

La réquisition est-elle oui ou non justifiée dans le cas dont je vous parle ? Si non, pourquoi ? Combien de réquisitions de logements vacants ont eu lieu en France ? On ne peut pas dire qu'à Paris le marché de l'immobilier ne soit pas tendu !

En réalité la loi qui autorise les réquisitions n'est pas appliquée, parce que le pouvoir politique ne le veut pas. C'est pour moi une raison de plus de soutenir l'article premier. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye, rapporteur.  - M. Desessard confond réquisition et expropriation !

L'article premier n'est pas adopté.

Article 2

I.  -  Après les mots : « vacants dans les communes », la fin du I de l'article 232 est ainsi rédigé : « visées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ».

II.  -  La seconde phrase du IV de l'article 232 du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Son taux est fixé à 20 % la première année d'imposition, 25 % la deuxième année et 30 % à compter de la troisième année. »

M. Jean-Marc Todeschini.  - La taxe sur la vacance, à laquelle sont assujettis les propriétaires de logements inoccupés depuis plus de deux ans est assise sur la valeur locative des logements, et son taux est de 10 % la première année, de 12,5 % la deuxième et de 15 % la troisième. Elle ne s'applique qu'aux agglomérations de plus de 200 000 habitants où le marché locatif est tendu. Huit agglomérations l'ont mise en place ; à Lyon et Bordeaux, la vacance a ainsi diminué de moitié en six ans. Ailleurs il est possible, mais non obligatoire, d'instituer une taxe d'habitation sur les logements vacants.

Or il existe aujourd'hui en France au moins trente agglomérations de plus de 200 000 habitants. Nous souhaitons donc, comme la commission, que M. le ministre modifie le décret pour étendre la taxe de vacance à de nouvelles agglomérations parmi celles-là. Nous proposions dans ce texte d'étendre cette taxe à toutes les communes soumises à l'obligation des 20 % de logements sociaux, mais nous étions prêts à un compromis consistant à ramener le seuil à 100 000 habitants : nul ne peut nier qu'il y a aujourd'hui dans certaines agglomérations de taille moyenne de nombreux logements vacants, particulièrement dans les centres anciens !

Le doublement du taux de la taxe visait lui aussi à rendre le dispositif plus incitatif.

Vous êtes restés sourds à notre proposition. Espérons que le jour où vous la reprendrez à votre compte, vous aurez la délicatesse de nous en attribuer la paternité : ce n'a pas toujours été le cas dans le passé ! (M. Thierry Repentin applaudit)

L'article 2 n'est pas adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n° 2, présenté par M. Fortassin.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 232 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - I. Il est institué, à compter du 1er janvier 2010, une taxe annuelle sur les logements dont la durée d'occupation est inférieure à six mois au cours de l'année d'imposition dans les communes visées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

« II. L'assiette de la taxe est déterminée par décret en Conseil d'Etat.

« III. La taxe n'est pas due pour les logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.

« IV. La taxe n'est pas due en cas de sous-occupation indépendante de la volonté du contribuable et lorsque le logement constitue sa résidence principale ou sa résidence secondaire, cette dernière dans la limite d'un seul logement.

« V. La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui dispose du logement au cours de l'année d'imposition.

« VI. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.

« VII. Le produit net de la taxe est versé au Fonds de solidarité pour le logement. »

M. François Fortassin.  - Seuls les logements offrant un confort minimal, vides de meubles ou insuffisamment meublés sont concernés par la taxe sur les logements vacants et la taxe d'habitation sur les logements vacants. Cet amendement tend à créer une taxe sur les logements meublés affectés à l'habitation dont la durée d'occupation est inférieure à six mois dans l'année, qui viendrait abonder le fonds de solidarité pour le logement. Ne seraient concernés ni les logements du parc social, ni ceux qui restent inoccupés indépendamment de la volonté du propriétaire, ni les résidences principales ou secondaires, dans la limite d'une seule résidence secondaire par contribuable.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Le texte de l'amendement ne concerne pas seulement les logements meublés vacants, mais tous les logements vacants : j'invite mes collègues à faire en sorte que l'objet de leurs amendements soit conforme à leur dispositif !

La taxe sur les logements vacants actuellement en vigueur a montré son efficacité partout où elle a été instaurée, c'est-à-dire dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants. La commission souhaite qu'elle soit étendue à d'autres agglomérations de même taille, sans qu'il soit besoin de l'appliquer là où le marché locatif n'est pas en tension : nous ne taxons pas les propriétaires pour le plaisir, mais pour les inciter à remettre leurs logements sur le marché. (M. Jean Bizet approuve)

Ailleurs, les maires ne sont pas démunis : dans toutes les communes de France et de Navarre il est permis de soumettre à la taxe d'habitation les logements vacants.

Nous n'allons tout de même pas taxer les propriétaires de biens que l'absence de demande empêche de louer.

Laissez les élus locaux choisir, ce sont eux qui connaissent le mieux la situation, comme vous l'avez dit tout à l'heure.

La commission est défavorable à l'amendement qui frapperait une seconde fois les propriétaires, après la taxe d'habitation sur les logements vacants, avec un nouveau critère temporel d'inoccupation.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement ne tient pas compte des événements de la vie quotidienne susceptibles d'empêcher toute location, comme une succession un peu longue, un étudiant qui part en stage ou la simple difficulté de trouver un locataire.

J'ajoute que les maires qui le souhaitent peuvent taxer les propriétaires de logements vacants. M. Rebsamen l'a fait à Dijon. Si le maire de Chambéry souhaite en faire autant, il le peut. Mais il n'y a aucun motif pour agir ainsi là où le marché n'est pas tendu. Laissons les élus locaux décider.

Enfin, je relève que l'article 2 transfère à l'État une recette optionnelle des collectivités territoriales. Merci !

M. Thierry Repentin.  - Pas à l'État, à l'Anah !

M. François Rebsamen, auteur de la question.  - Il est facile de repérer les endroits où existe une tension sur logements : la population y augmente. D'ailleurs, la loi SRU ne s'applique pas lorsque la population diminue.

Nous voulons accroître l'offre en direction de ceux qui en ont le plus besoin.

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Fortassin.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 1396 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« La valeur cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l'urbanisme est majorée d'une valeur forfaitaire de trois euros par mètre carré, pour le calcul de la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. Pour les terrains détenus depuis plus de cinq ans, sur délibération du conseil municipal prise dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A bis, cette valeur peut être augmentée dans la limite de dix euros par mètre carré. »

M. François Fortassin.  - L'article 1396 du code général des impôts autorise les conseils municipaux à majorer jusqu'à 3 euros par mètre carré la valeur cadastrale des terrains constructibles situés dans certaines zones.

Nous proposons de rendre cette hausse automatique, tout en autorisant le conseil municipal à aller jusqu'à 10 euros par mètre carré pour les terrains détenus depuis plus de cinq ans.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Même argumentation que tout à l'heure.

Toute commune peut taxer les terrains constructibles non bâtis, mais l'opportunité dépend des situations locales.

En pratique, votre disposition frapperait exclusivement les propriétaires de biens fonciers situés dans les petites communes ayant élaboré des plans d'occupation des sols à titre conservatoire, sans subir une particulière pression de la demande. Les grosses communes rendent ponctuellement constructibles des fractions de leur territoire en fonction des projets acceptés.

Je doute que cette taxation des biens fonciers soit bien accueillie dans les Hautes-Pyrénées...

Le propriétaire de 10 000 mètres carrés non construits acquitte 42 euros par an au titre de la taxe sur le foncier non bâti. Sa contribution annuelle dépasserait 8 000 euros s'il devait payer en outre la taxe sur le foncier constructible non bâti et plus de 30 000 euros avec la majoration que vous proposez.

Vos propositions sont manifestement inapplicables.

La taxe sur les logements vacants a prouvé son efficacité dans les 290 communes où elle s'applique et, monsieur Repentin, je serais heureux de disposer d'une étude comparative qui montrerait qu'elle est plus efficace que la taxe d'habitation que peuvent appliquer les maires...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Je souhaite le retrait de l'amendement.

La situation du logement et de l'urbanisme n'est pas homogène en France. L'incitation fiscale est utile en Ile-de-France, en Bretagne, sur le littoral atlantique et le long de l'arc méditerranéen. Ailleurs, on a souvent trop construit.

Monsieur le rapporteur, le Gouvernement s'engage à réexaminer le décret de 1998 et sa liste limitative de communes autorisées à instituer une taxe sur les logements vacants.

M. François Fortassin.  - Je rectifie l'amendement, pour autoriser le conseil municipal à s'opposer à la majoration de la valeur cadastrale. (On approuve sur les bancs socialistes)

M. Michel Teston.  - M. Fortassin propose que le conseil municipal puisse majorer jusqu'à 10 euros par mètre carré la valeur cadastrale de certains terrains urbanisables. Nous avons déjà examiné cette mesure de bon sens, notamment à l'occasion de la loi Dalo.

Le groupe socialiste votera cette disposition.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Fortassin.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans les communes visées à l'article L. 302-5, les projets portant sur la construction ou la réhabilitation de logements ne sont autorisés que s'ils comportent une proportion minimale de deux logements sociaux par tranche de dix logements. »

M. François Fortassin.  - Dans les communes soumises à l'obligation de 20 % de logements sociaux, la délivrance d'un permis de construire devrait être conditionnée à la réalisation de deux logements sociaux par tranche de dix logements.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Nous en avons déjà discuté à plusieurs reprises.

Les maires peuvent déjà imposer un pourcentage de logements sociaux, mais les y contraindre rendrait la vie impossible à tous les acteurs, en commençant par les bailleurs sociaux qui ne veulent surtout pas entrer dans des copropriétés.

Pour la troisième fois, vous tentez d'imposer aux élus ce qui devrait rester une simple faculté !

M. Fortassin, qui défendait la liberté des élus locaux, a grandement changé de position. (Exclamations à gauche) Avis défavorable.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Patricia Schillinger.  - Nous avions défendu une disposition un peu différente avec notre proposition de loi de décembre 2007. Nous voterons toutefois l'amendement car tout ce qui peut améliorer la production de logements sociaux va dans le bons sens.

M. Thierry Repentin.  - Nous voterons cet amendement pour M. Fortassin mais aussi pour Mme Létard, qui nous avait fait adopter une disposition similaire dont le décret d'application n'est jamais sorti.

M. Jacques Muller.  - Pourquoi ce blocage ? Dès que l'on propose un pouvoir supplémentaire pour les maires, vous êtes défavorables, et si on crée une obligation, vous êtes contre ! Parce que l'on honore la journée mondiale contre la misère, nous rappelons que le droit au logement est un droit fondamental. Je voterai cet excellent amendement et j'espère qu'il connaîtra un autre sort que les précédents. Je suis choqué qu'on recoure à des scrutins publics sur de tels sujets et, pour ma part, je voterai des deux mains.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je note que M. Repentin vote les amendements non pour leur pertinence, mais en fonction de leur auteur. (Exclamations à gauche)

M. Thierry Repentin.  - Il m'arrive même de voter des amendements de M. Braye...

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Article 3

I.  -  Après le premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En vue de l'application de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le relogement des personnes en application de l'article L. 521-1 du même code et pour transformer les biens ainsi préemptés en logements locatifs sociaux. »

II.  -  L'article L. 210-1 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application des deux premiers alinéas, elle peut déléguer ce droit de préemption à des organismes d'habitations à loyer modéré, prévus par l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet article est important parce qu'il reprend expressément une préconisation d'un rapport remarqué. En décembre 2007, le Conseil d'État avait en effet recommandé d'élargir explicitement le droit de préemption urbain aux questions relatives au logement. La loi du 25 mars 2009 a déjà amélioré les choses en regard du PLH, et c'est positif, mais il s'agit d'aller plus loin. La proposition de loi permettra de reloger les personnes évincées de leur logement à l'occasion d'une opération de lutte contre l'insalubrité. On sait les difficultés qu'éprouvent les personnes publiques à le faire sur leur propre parc. Or il ne faut pas que les procédures engagées diminuent, d'où l'intérêt de cette possibilité de flécher l'attribution des logements sociaux. De surcroît, les maires pourront déléguer le droit de préemption à tous les organismes HLM, comme le proposait le rapport du Conseil d'État. Voilà une formule concrète pour reloger des personnes en grande difficulté. J'espère que cette mesure vraiment opportune sera adoptée. (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Comme il n'y a qu'une voix d'écart entre les pour et les contre, il va être procédé à un pointage. Je réserve le vote sur cet article.

Le vote sur l'article 3 est réservé.

Article 4

Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu des articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de la construction et de l'habitation, à titre transitoire jusqu'au 16 mars 2012, aucune expulsion ne pourra être exécutée à l'encontre des personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation conformément à l'article 441-2-3 du même code, et tant qu'aucune offre de logement ou d'hébergement respectant l'unité et les besoins de la famille ne leur aura été proposée par ladite commission.

Mme Raymonde Le Texier.  - L'article 4 institue un moratoire des expulsions en faveur des personnes de bonne foi reconnues prioritaires dans l'attribution d'un logement social, comme le demandent les travailleurs sociaux et toutes les associations spécialisées ainsi que de plus en plus d'élus de terrain. Le nombre d'expulsions a augmenté de 150 % en dix ans. On a compté en 2008 11 300 expulsions manu militari, avec huissiers et policiers, dans les larmes, avec quelques effets emballés à la sauvette, les enfants sous le bras et sans savoir où on va. Combien de familles ont-elles fait l'objet d'une expulsion précipitée à la veille de la trêve hivernale alors qu'elles avaient été reconnues prioritaires pour l'attribution d'un logement social et que l'État est garant de leur relogement ? Les témoignages qu'on a entendus ne l'honorent pas.

Deux millions de familles ont du mal à payer leur loyer, 500 000 sont en situation d'impayés et la situation va s'aggraver. On compte 1,2 million de demandes non satisfaites de logements sociaux mais, avec 300 000 mises en chantier, nous n'avons jamais construit aussi peu de logements.

Dans Le Monde du 31 octobre, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre résumait ainsi la situation : nous avons un Gouvernement qui, d'un côté, se vante d'avoir fait voter une loi qui instaure un droit au logement et retient comme prioritaires les personnes menacées d'expulsion, et, de l'autre, continue d'expulser. Dans ces conditions, le Dalo est inopérant ; en Ile-de-France, 75 % des personnes qui ont obtenu un avis favorable de la commission ne sont pas relogées. En attendant, le nombre de dossiers ne cesse d'augmenter. Croyez-vous, monsieur le ministre, que le déficit en logements sera comblé au 15 mars prochain ? Que vous serez en mesure de respecter l'engagement pris et bafoué par Mme Boutin, qui promettait qu'il n'y aurait pas d'expulsion sans relogement ?

Parce que nous ne pouvons prendre ce risque, nous proposons un moratoire, car il y a des situations insupportables à force d'inhumanité. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Nous demandons en effet un moratoire pour les personnes de bonne foi, alors que la crise économique, en privant 600 000 personnes de leur emploi, a encore compliqué la situation des ménages. En 1998, lors de l'examen de la loi relative à la lutte contre les exclusions, la disposition conditionnant toute expulsion à une offre d'un relogement avait été déclarée inconstitutionnelle pour des raisons de forme. Celle que nous proposons aujourd'hui est transitoire, elle n'interdit pas les expulsions -ce serait contreproductif ; il s'agit de maintenir temporairement dans leur logement les ménages éligibles au Dalo, ce qui garantit leur bonne foi, en attendant que l'État exerce ses responsabilités. Nous éviterions ainsi des ruptures dans les parcours résidentiels et les drames de la précarisation.

S'il reconnaît que cet article ne concerne que quelques cas, le rapporteur estime qu'il reviendrait à envoyer un signal négatif aux locataires comme aux propriétaires. Il fait ainsi passer la situation des propriétaires avant l'équilibre des familles ; c'est assurément un choix politique. Nous n'entendons pas pénaliser les propriétaires, mais mettre l'État devant ses responsabilités. Savez-vous que pour une famille expulsée en attente de relogement l'État paie une amende de 380 euros par jour ? Voilà le prix d'une vie brisée ! Refuser cet article, c'est gravement méconnaître la vie des gens !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Ne me faites pas de procès d'intention, je ne protège pas les propriétaires ! S'il y a quelqu'un qui connaît bien cette question, c'est moi, pour être le seul élu, ici, à siéger au Comité national de suivi du Dalo ; je copréside aussi le comité de l'Ile-de-France avec Paul Bouchet. Les élus de votre sensibilité, monsieur Raoul, ne sont pas si exemplaires ! Alors de grâce, ne nous donnez pas de leçon ! Vous ne semblez pas bien connaître le problème !

M. Daniel Raoul.  - Je gère Angers ! Je vous y invite !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Nous refusons cet article parce que nous ne voulons pas -aucun des acteurs du Dalo ne veut- inciter les locataires à ne pas payer leur loyer. Il y a tellement de gens, malgré les difficultés, qui se font un devoir de le payer ! Vous faites preuve d'angélisme, mes chers collègues (exclamations à gauche), avec cette sorte de filière de non expulsables ! J'ai rencontré tous les préfets d'Ile-de-France, dont celui de Seine-Saint-Denis qui fait un travail formidable ; tous les acteurs souhaitent que ceux qui ont la capacité de payer leur loyer continuent à le payer. N'envoyons pas de signal négatif.

Il faut savoir aussi qu'en Ile-de-France, toutes les personnes qui ont droit au Dalo et qui doivent être expulsées se voient systématiquement proposer deux offres de relogement avant expulsion. L'article est dans les faits satisfait.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Je suis également défavorable à cet article. Comme l'a justement dit le rapporteur, si on donne l'autorisation de ne pas payer le loyer, on risque des dérives que personne ne souhaite. On sait que 60 % des propriétaires qui louent sont de petits propriétaires, des couples de personnes âgées par exemple (mouvements divers à gauche) qui perçoivent ainsi un complément de revenu ; or l'article ne prévoit aucune compensation.

J'ajoute que l'expression « personnes de bonne foi », si elle figure dans l'exposé des motifs, n'est pas dans la proposition de loi. Enfin, la coïncidence est amusante : la fin du moratoire, c'est-à-dire la date à compter de laquelle le Gouvernement sera autorisé à expulser de nouveau, est prévue pour 2012, juste avant les présidentielles...

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Nous n'avons pas comme vous l'obsession de la présidentielle, nous pensons avant tout à ceux qu'on menace d'expulsion... Nous sommes nous aussi des élus locaux, nous n'entendons pas encourager au non-paiement des loyers ; nous parlons ici de ruptures sociales, d'expulsions qui coûtent cher à la collectivité. Je préférerais qu'une commune comme la mienne assure une garantie de loyers pendant quelques mois plutôt que d'avoir des familles en rupture sociale et un parc social abandonné !

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin sur l'article 3 qui a donné lieu à pointage :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 156
Contre 158

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande des groupes socialiste et UMP, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 153
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 5

I.  -  Après le huitième alinéa du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l'État dans le département peut également désigner le demandeur à tout bailleur privé ayant conclu une convention avec l'Agence nationale de l'habitat dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles L. 321-1 et L. 321-4. »

II.  -  Le premier alinéa du II de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle précise que les logements ayant bénéficié de l'aide de l'Agence nationale de l'habitat peuvent être désignés par le préfet dans le cadre de la procédure visée à l'article L. 441-2-3 du présent code. »

III.  -  Après le septième alinéa (f) de l'article L. 321-4 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« g) Les conditions dans lesquelles le propriétaire est tenu d'attribuer le logement à un demandeur visé à l'article L. 441-2-3 du présent code. »

A la demande du groupe UMP, l'article 5 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - L'ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi est donc rejetée.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est quand même regrettable qu'après tout le travail fourni par nos collègues Rebsamen et Repentin, le Sénat n'ait même pas adopté un seul article ! C'est vraiment triste !