Accompagnement d'une personne en fin de vie

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie. Je vous rappelle que M. le Président de la République présentera ses voeux aux membres du Parlement cet après-midi à 17 h 30. Si la discussion de cette proposition de loi ne pouvait être achevée avant la cérémonie, nous la reprendrions demain soir.

Discussion générale

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Permettez-moi de vous présenter tous mes voeux pour une fructueuse année de travail parlementaire.

M. François Autain.  - Merci, madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Ce n'est pas sans émotion que je m'adresse à vous pour évoquer à nouveau la question de la fin de vie. Il s'agit cette fois de la situation des accompagnants. Issue des travaux conduits par le député Jean Leonetti au titre de l'évaluation de la loi du 22 avril 2005, la proposition de créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est en parfaite adéquation avec mes propres objectifs et ceux du Gouvernement. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale en février dernier, je veux que les personnes qui accompagnent les mourants puissent mieux vivre ce moment si singulier. Quoi de plus naturel, de plus compréhensible ou de plus légitime que de vouloir se tenir aux côtés d'un être aimé jusqu'au terme de sa vie ?

Or ces personnes, déjà bouleversées par l'approche d'une disparition, sont aujourd'hui soumises à toutes sortes de contraintes pratiques ; elles doivent en particulier assumer les conséquences financières d'un arrêt de travail. Pour rester fidèle aux valeurs humanistes qui fondent notre pacte républicain, notre société doit évoluer. Pourquoi ajouter au chagrin l'inquiétude liée à la situation matérielle ? Pourquoi entraver le cheminement vers l'acceptation de la perte en y mêlant des considérations d'un autre ordre ? Pourquoi ne pas permettre aux proches d'être plus disponibles au moment où ils aspirent à se recentrer sur l'essentiel ?

A ces questions, nous devons apporter des réponses précises et adaptées. Cette proposition de loi y contribue. Elle répond au souhait de la majorité des Français qui préféreraient mourir chez eux plutôt qu'à l'hôpital. Une interruption d'activité est déjà possible grâce au congé de solidarité familiale ; cette allocation permettra d'y recourir plus facilement. Ce sera également une façon de reconnaître l'importance de l'accompagnement des personnes en fin de vie et de contribuer au développement de la culture des soins palliatifs dans notre pays. Il s'agit enfin de construire un avenir où la mort ne soit plus occultée.

Loin des traditionnels clivages politiques, nous nous sommes accordés sur la nécessité de faire évoluer la législation. Je salue la qualité des travaux menés par M. Barbier et la commission, dans un esprit de consensus qui avait déjà inspiré les travaux de l'Assemblée nationale. Au-delà des améliorations rédactionnelles, le texte que vous avez élaboré me semble à la fois plus cohérent et plus ouvert. Vous avez rapproché les régimes applicables aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires, précisé la situation des bénéficiaires du congé de solidarité familiale et sécurisé leur couverture sociale, étendu le bénéfice de l'allocation aux personnes de confiance -car il ne faut laisser personne seul, surtout pas les malades sans famille- et permis qu'elle soit versée à plusieurs accompagnants, tout en précisant que cela ne devra pas alourdir excessivement la gestion des caisses. Vos propositions sont conformes aux objectifs du Gouvernement et je m'en réjouis.

Pour autant, vous avez appelé de vos voeux plusieurs clarifications de la part du Gouvernement.

C'est pourquoi j'ai proposé des amendements permettant de préciser la durée de versement de l'allocation, les règles applicables en matière de cumul avec d'autres revenus ou prestations, les modalités de gestion de la prestation par la caisse de l'accompagnant. Autant d'avancées qui ont permis d'aboutir à un texte tout à fait satisfaisant.

L'adoption de cette allocation sera une avancée, pour les malades, bien sûr : rassurés et chez eux, ils pourront partir plus sereinement. Avancée également pour l'entourage : plus disponible et partiellement libéré des contingences matérielles, il pourra accompagner un proche dans de meilleures conditions, et engager un travail de deuil plus apaisé. Avancée, enfin, pour une société qui, en accompagnant mieux la fin de vie, sera plus harmonieuse, plus ouverte et plus attentive aux autres. Une société qui, peut-être, apprendra à envisager différemment le deuil et l'absence. Une société qui saura donner à ces étapes de la vie et de la condition humaine toute la place qui doit leur revenir. (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Dans nos sociétés occidentales, le moment de la mort est trop souvent un moment de solitude. Or, l'accompagnement d'un proche en fin de vie est l'ultime moyen de lui manifester ce supplément d'humanité qui lui permettra d'affronter ses derniers instants et parfois ses souffrances ; c'est aussi souvent la moins mauvaise manière de se préparer au deuil. Pour la société, l'organisation convenable de l'accompagnement des mourants est une exigence éthique ; elle permet également d'éviter des hospitalisations et diminue le nombre des arrêts maladie auxquels ont recours les accompagnants pour se rendre disponibles.

Cette proposition de loi crée une allocation journalière pour les personnes qui s'arrêtent temporairement de travailler pour accompagner un proche en fin de vie. Déposée par quatre députés issus de tous les groupes politiques, elle a été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 17 février dernier. Elle se propose de compléter un dispositif déjà ancien. Depuis 1999, les salariés et les fonctionnaires ont le droit de prendre un congé pour accompagner un proche en fin de vie, mais ce droit est très peu exercé, ce congé étant non rémunéré.

Notre commission a tout d'abord gommé les différences entre secteurs privé et public. La définition de l'état de santé de la personne accompagnée sera dorénavant homogène entre les différents textes législatifs. De même, nous avons étendu aux fonctionnaires la faculté de renouveler le congé de solidarité jusqu'à six mois et de le fractionner.

Notre second objectif a été de sécuriser la couverture sociale des accompagnants, notamment au moment de leur retour dans l'emploi. Notre formulation est sans doute perfectible, mais évite de fragiliser encore la situation des accompagnants. Je me félicite de l'amendement du Gouvernement qui conforte notre dispositif.

Notre commission se félicite que le Gouvernement ait accepté le principe d'une allocation apportant un revenu de substitution aux accompagnants : en 1999, le Gouvernement d'alors avait opposé l'article 40 à une proposition similaire, qui émanait du Sénat.

En l'état, cette allocation n'est qu'un premier pas : sa durée est limitée à trois semaines, contre trois mois, renouvelable une fois, pour le congé de solidarité familiale ; la date de fin du versement est fixée, brutalement, au jour suivant le décès ; surtout, elle ne concerne que l'accompagnement à domicile. Or environ 75 % des malades en phase avancée ou terminale sont hospitalisés. Même si nous souhaitons favoriser le maintien à domicile, cette allocation ne bénéficiera qu'à un nombre restreint de personnes.

Certaines dispositions demeurent floues : possibilité de cumul avec d'autres ressources, nombre d'allocations pouvant être versées pendant les trois semaines, caractère imposable ou non de cette nouvelle allocation. Les deux premiers points font l'objet d'amendements. Pour le dernier, quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Notre commission, qui s'est heurtée aux règles de recevabilité financière des amendements, a néanmoins clarifié la rédaction et facilité l'attribution de l'allocation. A l'initiative du groupe socialiste, elle a par exemple permis qu'une personne de confiance bénéficie de l'allocation et que celle-ci soit attribuée à plusieurs bénéficiaires, dans la limite des trois semaines.

Nous pourrons faire mieux encore, notamment en confirmant que les demandeurs d'emploi seront éligibles à l'allocation ou en élargissant le bénéfice du congé aux personnes de confiance éventuellement désignées par le patient.

Enfin, je m'interroge sur le financement par le régime d'assurance maladie de l'accompagnant. A l'Assemblée nationale, Mme la ministre a estimé que cette allocation diminuerait le recours aux arrêts maladie et ne serait donc qu'un redéploiement de dépenses. Mais si les accompagnants utilisent les arrêts maladie, c'est parce que le congé n'est pas rémunéré ! Ne serait-il pas plus pertinent que l'État prenne à sa charge cette dépense de solidarité nationale, comme pour la plupart des autres allocations analogues ?

Ce risque relève-t-il de la branche maladie ou de la branche famille ? L'allocation doit-elle être à la charge du régime de l'accompagnant ou de celui du patient en fin de vie ? Ces questions devront être davantage approfondies.

L'aménagement du congé de solidarité familiale et la création d'une allocation sont des avancées importantes. Seul le Gouvernement peut les perfectionner. Plus largement, l'examen de la proposition de loi fait apparaître la grande diversité des dispositifs existants. Il serait utile d'appréhender la question de manière globale. Sous ces réserves, notre commission a adopté le texte. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. François Autain.  - Cette proposition de loi est la traduction d'une recommandation du groupe de travail présidé par M. Leonetti, suite à l'affaire Chantal Sébire, cette femme atteinte d'une tumeur qui réclamait avec insistance une aide active à mourir. Ce texte ne règle pas ce genre de cas. Mais c'est un autre débat sur lequel nous reviendrons bientôt, je l'espère, car la prise en charge de la fin de vie ne se résume pas à l'accompagnement par les proches.

A nous de poursuivre la réflexion entamée au sein de la commission des affaires sociales. Je profite de cette occasion pour demander à la présidente Dini de réactiver le groupe de travail qui avait été constitué sur ce sujet, et qui ne s'est pas réuni depuis le 31 mars 2009...

Cette proposition de loi, cosignée par des députés des quatre groupes, est malheureusement insuffisante. L'allocation journalière d'accompagnement ne concerne que les personnes décédant à leur domicile, alors que 75 % décèdent à l'hôpital. Selon M. Leonetti, cette nouvelle allocation ne concernerait au mieux que 20 000 décès par an, soit 4 %.

Accueillir à domicile les personnes en fin de vie suppose de disposer de ressources financières et matérielles suffisantes, ce qui exclura de fait les familles les plus démunies, mal logées ou ne disposant pas d'une pièce supplémentaire.

Nous redoutons que ce dispositif ne renforce l'écart entre ceux qui ont les moyens financiers d'une fin de vie matériellement confortable, et ceux qui ne les auront pas.

Comment bien informer les bénéficiaires, dès lors que la loi en restreint le champ à ceux qui meurent à domicile ? Il faut préciser les conditions de publicité de cette nouvelle allocation, j'espère que ce sera fait dans la navette parlementaire.

Enfin, le délai de trois semaines a été dicté par des raisons comptables, plutôt que par le souci de répondre aux besoins des familles.

Ce texte est insuffisant, surtout quand on le rapporte aux lacunes dans l'accès aux soins palliatifs dans notre pays. La Cour des comptes estime que deux demandes d'accès sur trois sont écartées, alors que les Français sont désormais neuf sur dix à se déclarer favorables aux soins palliatifs, qu'ils associent à l'atténuation de la souffrance plutôt qu'au refus de la mort.

Il faut donc multiplier les unités de soins palliatifs, nous savons que le Gouvernement en a fait une priorité et que toutes les régions en sont dotées, même si ces services ne sont pas encore tous ouverts. Les agences régionales de l'hospitalisation demandent que chaque département accueille au moins une unité de soins palliatifs, il faudrait même aller jusqu'à une unité de soins palliatifs par hôpital de 400 lits, comme le suggère Marie de Hennezel dans son rapport au Premier ministre paru en 2005, La France palliative.

Pour finir, nous félicitons la commission pour les améliorations qu'elle a apportées à ce texte. Aussi, malgré nos réserves sur la portée de cette loi, nous la voterons ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Nicolas About.  - La manière dont une société organise l'accompagnement de la fin de vie de ses membres en dit long sur la nature de son lien social et sur son rapport à la mort : voilà quels sont les considérants philosophiques à ce texte consensuel, qui ne représente qu'un premier pas vers la mise en place d'un droit global de l'accompagnement de fin de vie. Nous devons poursuivre ce travail et chacun peut faire confiance à Mme la présidente de la commission pour veiller à ce que le groupe de travail dont j'ai la charge fasse son boulot ! (Sourires)

Nous ne saurions rompre l'oecuménisme parlementaire rare qui entoure ce texte, et qui est parfaitement justifié.

Contrairement à ce que son intitulé peut laisser croire, il vise non seulement à créer une allocation journalière d'accompagnement, mais également à améliorer le cadre juridique du « congé d'accompagnement » qui lui préexistait. Créé par la loi du 9 juin 1999, ce congé devait constituer un progrès vers un droit de l'accompagnement digne de ce nom, mais il n'a guère été utilisé, parce que son régime juridique était flou et parce qu'il n'était pas rémunéré. Cette proposition de loi améliore les choses en sécurisant le régime juridique, mais pour ne prévoir qu'une allocation a minima.

Ce texte apporte des améliorations notables au congé d'accompagnement en élargissant son bénéfice aux frères et soeurs, en unifiant sa dénomination et en permettant son fractionnement. Notre commission est allée plus loin encore, en étendant aux fonctionnaires le bénéfice du régime plus protecteur des salariés : l'état de santé du proche à accompagner est inclus dans le fait générateur du congé, et les fonctionnaires obtiennent le droit de renouveler une fois ce congé, tout comme de le fractionner. Notre commission a également sécurisé la couverture sociale des bénéficiaires du congé, c'est un progrès.

Ce texte, ensuite, créé une allocation journalière, répondant à la principale critique envers le dispositif actuel : l'absence de toute rémunération pousse, chacun le sait, à divers contournements, en particulier le recours à des arrêts maladie par les accompagnants.

Cependant, le champ des bénéficiaires en est borné très strictement, pour des raisons strictement comptables. Cette allocation, d'abord, sera accordée seulement pour des accompagnements à domicile. Heureusement, cette restriction majeure a été atténuée par l'Assemblée nationale, qui a permis le maintien du versement de l'allocation durant les jours éventuels d'hospitalisation d'une personne accompagnée à domicile.

En quoi les personnes hospitalisées auraient-elles moins besoin d'un accompagnement que les autres ? La seule raison, c'est celle du coût !

Autre limitation de taille, le versement de l'allocation ne pourra pas dépasser trois semaines. Or, quiconque a été confronté à ces situations sait que le temps d'accompagnement peut être largement supérieur.

Si donc le coût de la mesure est raisonnable, c'est pour ces restrictions comptables : la réforme est bonne, mais a minima, nous la soutenons comme un jalon.

Disposez-vous, madame la ministre, d'une simulation du coût d'une allocation universelle d'accompagnement ? Cette information est très importante pour achever le travail amorcé.

Il ne me reste plus qu'à féliciter notre commission pour l'excellence de son travail ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Cette proposition de loi a été cosignée par les quatre groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale et votée à l'unanimité le 17 février dernier. Le sujet est-il pour autant consensuel ? Pas tout à fait.

Le droit à congé est peu utilisé, car il n'est pas rémunéré et les personnes confrontées à la maladie d'un être proche se retrouvent contraintes de prendre une partie de leurs congés payés ou de demander un arrêt maladie à leur médecin.

La nouvelle allocation est donc bienvenue. Pour autant, ce texte laisse un goût d'inachevé.

Premièrement, il ne règle pas, en soi, le problème de la fin de vie et ne solde pas non plus le débat sur l'aide active à mourir.

Dans son livre de 2004 Je ne suis pas un assassin, le docteur Chaussoy écrit : « Il faut une sage-femme pour mettre l'homme au monde, il faut aussi des passeurs, des hommes et des femmes sages, pour l'accompagner dans ce monde et l'aider à bien le quitter ». La question du passage est essentielle : certains meurent « paisiblement », dans leur lit, d'autres sont surpris en pleine activité, d'autres encore doivent affronter de grandes souffrances parfois pendant très longtemps, certains meurent à l'hôpital, d'autres à domicile, certains meurent seuls, d'autres entourés de leurs proches. Et finalement peu meurent comme ils auraient pu se l'imaginer.

Je suis intimement convaincu qu'au lieu de se demander ce qui est permis ou défendu aux tierces personnes -médecins, soignants, famille, proches, notamment- en matière de lutte contre la douleur, d'acceptation ou de refus de traitement, voire d'euthanasie, il faut se demander quels sont les droits des êtres humains sur la fin de leur vie. Ces droits devraient être absolus, parce que la vie n'appartient ni aux médecins, ni aux philosophes, ni aux procureurs, ni aux juges, ni aux hommes de religion, ni aux techniciens chargés des machines destinées à maintenir artificiellement en vie des hommes et de femmes : c'est de la volonté du patient et de lui seul qu'il faut tenir compte.

Si l'on peut se féliciter de la création d'une allocation d'accompagnement, elle ne constitue pas l'aboutissement de notre dispositif législatif. Elle ne règle pas la question des soins palliatifs, auxquels trop peu ont accès : le département de la Manche ne possède aucune unité de soins palliatifs mais seulement quatre équipes mobiles et 27 lits pour 500 000 habitants. Des progrès ont été accomplis ces dernières années mais il faut encore que l'accès aux soins palliatifs devienne une réalité pour tous. Reste notamment à régler la question du financement alors que les systèmes de tarification privilégient les actes lourds. Les soins palliatifs ne suffiront pas à répondre à la question de l'accompagnement en fin de vie : les deux ne sont pas alternatifs mais complémentaires.

Le texte comporte des manques et des incohérences. Il vise à favoriser l'accompagnement du malade, mais aussi, selon le rapport de l'Assemblée nationale, à éviter des hospitalisations non désirées. Il s'agit donc aussi de soulager les hôpitaux et de réaliser des économies. (Mme la ministre s'étonne)

L'allocation est plus restrictive que le congé de solidarité familiale. Elle ne s'appliquera que pendant trois semaines, soit quinze jours effectifs, contre trois mois pour celui-ci, et son montant n'est pas très incitatif. Enfin et surtout, elle ne sera valable que pour l'accompagnement à domicile, y compris quand il est impossible de faire sortir le patient de l'hôpital, soit parce que le domicile est inadapté, soit pour des raisons objectives et pour la qualité de la fin de vie. Les risques qui en découlent sont multiples, à commencer par celui que l'allocation reste une bonne intention. Risque aussi pour les accompagnants d'être exposés à la double peine de la culpabilité de ne pouvoir assurer l'accompagnement ni être présent à l'hôpital. Risque enfin de leur isolement : livrés à eux-mêmes, ils devraient faire face à toutes les difficultés.

La commission des affaires sociales, qui a accompli un travail important, a accueilli plusieurs amendements du groupe socialiste. Nous remercions de leur écoute la présidente et le rapporteur de la commission. Des points importants font encore débat ; c'est l'objet de ceux de nos amendements qui ont survécu à l'article 40. Nous regrettons que l'allocation ne soit pas versée en cas d'accompagnement de la fin de vie à l'hôpital. Nous voterons cependant le texte. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jean Louis Masson.  - Cette proposition de loi consensuelle est excellente dans son inspiration, au rebours de bien des textes récents, très discutables. On ne peut que s'en réjouir car l'on ne pouvait se contenter de continuer à encourager ceux qui persistent à s'occuper de leur famille au sens large du texte, sans strictement rien faire de concret pour les y aider. Si l'on veut rétablir des liens que se sont distendus, il faut absolument prendre des mesures pour ceux qui continuent à se dévouer pour leurs malades ou leurs anciens. Cette allocation journalière d'accompagnement ouvre donc une porte. Jusqu'à présent, en effet, on incitait les gens à prendre des congés, toutes les charges possibles reposaient sur leurs épaules et outre leur abnégation, il fallait qu'ils se collètent à tous les problèmes financiers et matériels.

Je voterai ce texte parce qu'il constitue une porte ouverte. Il ne règle pas l'ensemble des problèmes ; il est limité dans le temps alors que la fin de vie se prolonge au-delà de quelques semaines ; son plafonnement, 50 euros, est relativement faible -mais il n'y avait rien auparavant ; surtout, dans une société où la plupart des personnes en fin de vie se retrouvent hospitalisées, ne pas appliquer l'allocation à l'hôpital apparaît très régressif puisque cela concerne 90 % des personnes en cause. Il faudra donc absolument concrétiser cette avancée en accordant l'allocation journalière pour un accompagnement à l'hôpital, quitte à fixer un montant moins élevé. Il conviendra également d'élargir les conditions de durée. C'est en formulant ce souhait que je voterai le texte.

M. Gérard Dériot.  - Il résonne dans nos mémoires ce poignant refrain d'Aznavour :

« Ils sont venus, ils sont tous là,

« Dès qu'ils ont entendu ce cri :

« Elle va mourir la mamma. »

Cette description des derniers instants au cours desquels la famille et les proches se rassemblent autour de celui ou celle qui va mourir ne correspond que rarement à la réalité vécue aujourd'hui. Le mourant des siècles passés, entouré de ses proches recueillis, cède la place au défunt anonyme, abandonné dans l'indifférence à l'hôpital. Car c'est là, désormais, que surviennent deux morts sur trois. Si l'hôpital offre une meilleure prise en charge de la douleur, il symbolise cette mort anonyme, solitaire et surmédicalisée que redoute l'immense majorité d'entre nous.

La loi du 22 avril 2005 a établi un cadre législatif. Cette proposition de loi complète utilement le dispositif existant. Cette initiative bienvenue correspond à notre volonté de tout faire pour conserver à chacun sa dignité jusqu'au dernier instant et d'apaiser les douleurs morales et physiques.

La mort est une expérience humaine inévitable, mystérieuse, et qu'il faut préparer -on ne sait plus penser à la mort. L'individu souffrant est trop souvent dans l'isolement ; son entourage reste impuissant et réticent car la mort fait peur, de sorte qu'aux souffrances physiques s'ajoute la souffrance morale de quitter le domicile où l'on a vécu et son environnement quotidien, pour se retrouver seul à l'hôpital où, même si cela ne remet pas en cause le dévouement de l'équipe soignante, l'absence des proches se fait sentir.

D'un montant de 49 euros, l'allocation d'accompagnement journalière sera versée à l'accompagnant pendant 21 jours. Elle est destinée aux descendants, ascendants, frères et soeurs et à ceux qui ont partagé le domicile. Grâce à cette nouvelle allocation, nous allons améliorer un système qui n'était pas satisfaisant. En considérant les frères et les soeurs, on prendra en compte toutes les situations vécues.

De plus, le dispositif précédent était inégalitaire. En effet, créé par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le congé de solidarité familiale n'est pas rémunéré, ce qui constituait un obstacle pour la majorité de nos concitoyens, même si le dispositif constituait un progrès.

Enfin, certaines catégories n'avaient pas accès à ce congé, notamment les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles. Il convenait de remédier à cette injustice et c'est chose faite. Pourtant, cette allocation ne concerne que l'accompagnement à domicile et non celui des personnes hospitalisées. Certes, l'Assemblée nationale a assoupli la règle, en prévoyant que l'hospitalisation d'une personne accompagnée à domicile ne fera pas cesser le versement de l'allocation, mais elle n'a pas prévu de la généraliser. Ce pourrait être l'une des pistes de réflexion de notre groupe de travail sur la fin de vie.

Si cette allocation ne permettra pas à elle seule de développer les soins palliatifs à domicile, elle s'inscrit dans la même logique et semble tout à fait complémentaire. Nous appelons d'ailleurs de nos voeux le développement de ces soins. D'ici 2012, le programme voulu par le Président de la République sera abondé de 229 millions, en plus des 800 millions consacrés chaque année par l'assurance maladie à ces soins.

Enfin, je me félicite que cette proposition de loi rassemble au-delà des clivages politiques habituels : elle est le fruit d'une initiative de parlementaires d'horizons politiques différents. Si nous n'avons pas tous la même conception de la fin de vie, nous partageons une même volonté de prendre en compte la dignité humaine et de lutter contre la solitude des personnes parvenues à ce stade. A défaut d'empêcher la mort, cette allocation permettra de soulager chacune et chacun de « la crainte de la mort » dont nous savons, depuis Épictète, qu'il s'agit bien de « la source de toutes les misère de l'homme ». (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Jean Milhau.  - Le RDSE votera ce texte car l'accompagnement de la fin de vie est un devoir de solidarité et d'humanité. Selon plusieurs enquêtes, les Français désirent mourir chez eux. II est donc important de permettre à chacun de ne pas mourir dans la solitude et l'angoisse, de vivre ses derniers moments le plus dignement et humainement possible. Or, le retour au domicile pour y mourir favorise une fin paisible. Le plaisir de se retrouver chez soi permet d'appréhender la mort avec moins d'angoisse. Les proches ont un sentiment d'utilité qui permet souvent d'alléger une culpabilité latente, si fréquente dans l'entourage d'une personne qui va mourir. Cette mesure met enfin un terme à une véritable inégalité entre les personnes qui peuvent interrompre leur activité professionnelle et assumer une perte de revenus et les autres qui, le plus souvent, sont obligées de réclamer un arrêt de travail pour pouvoir accompagner un proche.

Certes, nous regrettons qu'il n'ait pas été prévu de le rendre renouvelable, comme le congé de solidarité familiale. En outre, ce texte ne concerne que l'accompagnement à domicile. Pourtant, si 80 % des Français déclarent vouloir mourir chez eux, dans les faits, les trois quarts des patients en fin de vie décèdent dans des établissements hospitaliers. Il s'agit d'un nouveau pas dans le difficile et douloureux problème de l'accompagnement de la fin de vie.

Mais ce petit pas laisse encore de nombreux problèmes sans réponse. La majorité des sénateurs de mon groupe en appelle à une grande loi qui aborderait le délicat problème de l'aide active à mourir. Malgré certaines avancées, notre législation n'est pas adaptée aux personnes qui réclament le droit à mourir dans la dignité. Mettons un terme à cette hypocrisie : ouvrons le débat sur l'euthanasie ! Il existe des situations indignes, attentatoires au respect de l'individu. Comment ne pas reprendre en cet instant ce passage du très beau texte préfacé par François Mitterrand de La mort intime de Marie de Hennezel : « Au moment de plus grande solitude, le corps rompu au bord de l'infini, un autre temps s'établit hors des mesures communes. En quelques jours parfois, à travers le secours d'une présence qui permet au désespoir et à la douleur de se dire, les malades saisissent leur vie, se l'approprient, en délivrent la vérité. Ils découvrent la liberté d'adhérer à soi. Comme si, alors que tout s'achève, tout se dénouait enfin du fatras des peines et des illusions qui empêchent de s'appartenir. Le mystère d'exister et de mourir n'est point élucidé, mais il est vécu pleinement »

Même si la portée de cette proposition de loi est faible, j'espère qu'elle permettra de vivre pleinement ce mystère d'exister et de mourir. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Claude Jeannerot.  - Mme Schillinger s'était beaucoup investie dans la préparation de ce débat, auquel elle aurait aimé participer. Hélas, elle est retenue à l'aéroport de Mulhouse en raison des intempéries.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Que fait le Gouvernement ? (Sourires)

M. Claude Jeannerot.  - Elle m'a donc demandé d'intervenir à sa place.

La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d'accès aux soins palliatifs avait instauré un congé d'accompagnement de la fin de vie, mais il n'était pas rémunéré, ce qui empêchait un certain nombre d'accompagnants ayant une activité professionnelle de le prendre. Certains avaient recours à des arrêts de travail pour rester auprès de leur proche. Dans la pratique, ce droit à congé a ainsi été peu utilisé car il était inadapté. Aujourd'hui, des inégalités demeurent entre ceux qui peuvent se permettre d'arrêter de travailler et ceux qui ne le peuvent pas.

On ne peut donc que se féliciter de la création d'une allocation journalière d'accompagnement d'un proche en fin de vie qui permettra la présence d'un membre de la famille.

Cependant, ce texte comporte des lacunes et reste limité. En effet, il exclut les personnes qui accompagnent des malades dans les hôpitaux ou les établissements spécialisés, alors que 75 % des personnes meurent à l'hôpital, le plus souvent seuls. De plus, 85 % décèdent en dehors de tout parcours de soins palliatifs.

Pourquoi limiter l'allocation journalière au seul accompagnement à domicile d'un patient en fin de vie ? L'immense majorité de nos concitoyens seraient ainsi privés de la présence de leurs proches. Ce texte ne s'adressera donc qu'à un très faible nombre de personnes, environ 20 000 selon les estimations de Jean Leonetti. Or 200 000 personnes pourraient bénéficier chaque année de soins palliatifs. Limiter l'allocation aux seuls aidants à domicile constitue une réelle discrimination.

Bien souvent, il s'avère impossible de sortir le patient de l'hôpital pour des raisons matérielles ou médicales. L'accompagnant risque également de se sentir isolé car il doit surmonter des problèmes matériels de toutes sortes.

En effet, les moyens déployés à domicile sont nécessairement moindres qu'à l'hôpital, notamment pour la lutte contre la douleur. Dans le besoin d'accompagner un proche en fin de vie à domicile, il y a la volonté d'être là jusqu'au bout et, en même temps, un doute permanent sur la pertinence médicale et morale de cette prise en charge à domicile. Le besoin d'accompagner un proche ne dépend pas du lieu, il est constitutif de la condition humaine. C'est un droit et un devoir universels qui transcendent le lieu où ils s'exercent et il nous incombe de donner la possibilité aux proches d'accompagner la personne dans ses derniers instants, quel que soit le lieu de la prise en charge. Nous avions déposé des amendements allant dans ce sens, mais malheureusement ils ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

La durée de versement de l'allocation est limitée à trois semaines, alors que le congé de solidarité familiale dure trois mois, renouvelable une fois. Ces trois semaines seront en réalité limitées en jours ouvrables. Nous présentons donc un amendement qui apporte plus de cohérence et de souplesse dans la prise en compte du nombre de jours de versement. La notion de semaine est floue, d'autant que les décomptes de sécurité sociale s'opèrent en jours. Sur quels critères s'est-on basé pour fixer ces trois semaines ?

Pourquoi cette mesure ne peut-elle pas être renouvelable une fois, comme le congé de solidarité ?

Par ailleurs, l'interruption du versement de l'allocation, fixée au plus tard au jour suivant le décès de la personne accompagnée, est brutale. Pourquoi ne peut-elle pas durer trois jours après le décès comme le congé de solidarité ?

Cette proposition de loi comporte certaines avancées et c'est pourquoi nous le soutiendrons mais il reste beaucoup à faire dans l'amélioration des soins palliatifs et l'aide active à mourir. Aujourd'hui, trop peu de personnes ont accès aux soins palliatifs. II faut entendre le Parlement européen qui, dans sa résolution de janvier 2009, a souhaité que les soins palliatifs offrent la perspective d'une mort digne pour les patients qui ont abandonné tout espoir de traitement curatif mais qui acceptent d'être soulagés de leur douleur et d'avoir un soutien social. Malheureusement, la proposition de loi ne corrige pas cette inégalité. Il est sans doute temps de se doter d'un nouvel ensemble législatif qui aille au-delà de l'accompagnement en fin de vie et reprenne dans sa globalité la question de l'aide à mourir. Tout se tient. C'est un grand et difficile sujet de société. Mais nous sommes prêts à nous y engager à vos côtés. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs à droite)

M. Alain Fouché.  - Cette proposition de loi est née de l'émotion suscitée par Chantal Sébire, cette femme défigurée, atteinte d'une tumeur au cerveau et qui souhaitait finir dignement sa vie entourée de sa famille, ce que lui interdisait la loi française. A l'issue de ce drame, le Gouvernement a mis en place une mission d'évaluation de la loi du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie, mission qui a proposé une allocation de congé d'accompagnement. Il s'agit de donner à un salarié qui accompagne un proche en fin de vie à domicile -et à la condition qu'il soit inscrit dans un parcours de soins palliatifs- une allocation de 47 euros par jour pendant trois semaines. C'est un progrès et, bien entendu, je voterai ce texte.

Néanmoins, cette mesure qui concernera 20 000 allocataires est incomplète puisqu'elle exclut le cas des accompagnants qui ne sont pas salariés -c'est-à-dire les artisans et professions libérales- et de tous ceux qui ne bénéficient pas de soins palliatifs et ne sont pas à domicile. Or, en France, moins de 15 % des personnes qui peuvent y prétendre, bénéficient de soins palliatifs, du fait de manque de crédits, et parce que tous les accompagnants n'ont pas la possibilité d'accueillir des lits médicalisés chez eux. Il faut aller plus loin. Notre République ne pourra pas faire plus longtemps l'impasse sur une vraie législation qui permettra à chacun de nos concitoyens, comme c'est déjà le cas aujourd'hui aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et dans plusieurs États américains, de choisir en conscience pour lui-même et pour lui seul, les conditions de sa propre fin de vie, qu'il opte pour un accompagnement en soins palliatif ou pour une aide active à mourir.

En octobre 2008, j'ai déposé une proposition de loi « Aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés ». Ce texte cosigné par plusieurs sénateurs, apporte une réponse à la question de la fin de vie en imposant un certain nombre de conditions sécuritaires.

J'ai accueilli favorablement l'initiative parlementaire votée par 203 députés. De nombreux Français le demandent. Nous sommes dans la même configuration que pour l'interruption volontaire de grossesse ou le Pacte civil de solidarité : de nombreux responsables politiques qui n'avaient pas voté alors ces textes, disent qu'ils les voteraient aujourd'hui. Madame la ministre, qu'on le veuille ou non, l'issue du combat de familles -soutenues par des associations- qui ont vécu la souffrance physique et morale de l'un des leurs, est inéluctable. Chaque frein, chaque refus d'écouter la demande de réformes ne fait qu'engendrer des souffrances intolérables. Ce n'est pas un combat de boutiques politiques, c'est un débat de société. Il faudra donc légiférer sur l'ultime choix, celui de fixer la date de sa disparition. (Applaudissements)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je remercie tous les sénateurs pour la très haute tenue de leurs propos. J'ai apprécié.

Vous avez raison, monsieur Fouché, ce n'est pas là une affaire de boutiques politiques. Chacun se souvient que le débat sur la fin de vie et sur l'euthanasie a été ouvert ici même ; il a été suivi d'une proposition de loi. Ce débat est légitime, mais ce n'est pas celui d'aujourd'hui.

Le rapporteur m'a interrogée sur le caractère imposable de cette allocation. L'arbitrage sera fait en loi de finances, pas ici.

Le financement par l'assurance maladie est recevable, justifié par la diminution du nombre d'hospitalisations ou d'arrêts de maladie de complaisance. L'élargissement aux proches ou à une personne de confiance, souhaité par tous, exclut -il faut être logique- le financement par la branche famille.

Je ne peux répondre à la question du président About sur la simulation du coût d'une allocation universelle. Mais je ne doute pas, madame la présidente de la commission des affaires sociales, que vous vous saisirez de cette question afin d'éclairer le Gouvernement.

M. Masson a parlé de « restaurer les liens familiaux ». Je n'ai pas l'impression que ces liens soient détruits, ils ont seulement changé et, au contraire, tout prouve que, en cas de crise, la famille reste une valeur refuge. Cette proposition de loi résulte d'une évolution de la société. Je ne saurais, comme Montesquieu, décider si c'est la loi qui fait les moeurs ou si ce sont les moeurs qui font la loi. L'objectif est seulement de permettre à une personne qui souhaite accompagner un proche en fin de vie, de ne pas en être empêchée par des obstacles pécuniaires.

Le développement des soins palliatifs est une des trois grandes priorités décidées par le Président de la République et je tiens à la disposition de votre commission le bilan d'étape du programme 2008-2012 qui avance à un bon rythme.

Monsieur Jeannerot, nous n'avons pas voulu instituer cette allocation pour les personnes hospitalisées parce que, précisément, un des objectifs est de diminuer le nombre des malades qui restent à l'hôpital parce qu'ils n'ont pas la possibilité d'avoir un accompagnement à leur domicile.

Je vous renouvelle mes remerciements pour la qualité de ce débat. Nous commençons bien l'année. (Applaudissements à droite)

Discussion des articles

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Avant de commencer cette discussion, je veux dire un mot des problèmes que pose une nouvelle fois l'application de l'article 40. Depuis le 1er juillet 2007, le Sénat a mis en place une procédure de vérification de la recevabilité financière des amendements, tirant en cela la décision du Conseil constitutionnel du 14 décembre 2006. Il existe maintenant une jurisprudence, mais les décisions de la commission des finances sont parfois difficiles à comprendre.

En l'espèce, cinq des neufs amendements déposés par le groupe socialiste ont été déclarés irrecevables au motif qu'ils aggravaient la charge publique. Pour au moins deux d'entre eux, les n°s4 et 5, cette décision est contestable. Permettez-moi de les présenter brièvement et de dire pourquoi ils auraient dû passer le barrage de l'article 40.

Pour pouvoir bénéficier de l'allocation, le texte prévoit que le proche en fin de vie doit être accueilli à domicile par l'accompagnant. Il nous semblait nécessaire de prévoir deux dérogations : lorsque le transfert d'une personne en fin de vie hors d'un environnement sanitaire est techniquement impossible et lorsqu'il y a une carence de places en matière de soins palliatifs et d'hospitalisation à domicile. Dans ces cas, ni le malade ni ses proches n'ont le choix. Comme cela a été dit à l'Assemblée nationale pour justifier la recevabilité financière de la proposition de loi, il ne s'agit pas de la création ou de l'aggravation d'une charge mais d'un simple report, puisque les personnes aujourd'hui concernées prennent des congés maladie financés par la sécurité sociale. Ce sera la même chose après le vote de ce texte. Si on les autorisait à percevoir l'allocation dans les deux hypothèses que nous envisagions, ces personnes ne prétendraient plus à un arrêt maladie et le coût serait neutre.

Je ne mets en cause personne, mais il faudra bien un jour que nous réfléchissions aux conditions d'application de l'article 40 selon qu'on l'invoque en commission ou en séance, sur une proposition de loi ou un projet de loi, avant ou après l'examen du texte par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Article premier

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l'intitulé du livre VIII, après les mots : « Allocation aux adultes handicapés  -  », sont insérés les mots : « Allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie - » ;

2° Après le titre II du livre VIII, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

« TITRE II BIS

« ALLOCATION JOURNALIÈRE D'ACCOMPAGNEMENT D'UNE PERSONNE EN FIN DE VIE

« Art. L. 822-1.  -  Une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est versée aux personnes qui accompagnent à domicile une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, et qui remplissent les conditions suivantes :

« 1° soit être bénéficiaire du congé de solidarité familiale ou l'avoir transformé en période d'activité à temps partiel comme prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, au 10° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou à l'article L. 4138-6 du code de la défense ;

« 2° soit avoir suspendu ou réduit son activité professionnelle et être un ascendant, un descendant, un frère, une soeur, une personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique ou partager le même domicile que la personne accompagnée.

« Art. L. 822-2.  -  (Supprimé)

« Art. L. 822-3.  -  (Supprimé)

« Art. L. 822-3-1 (nouveau).  - L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est également versée dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1.

« Art. L. 822-4.  -  L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est versée dans la limite d'une durée maximale de trois semaines dans des conditions prévues par décret. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, la période de versement de l'allocation inclut, le cas échéant, les journées d'hospitalisation, sans dépasser la durée maximale de trois semaines.

« Le montant de cette allocation est fixé par décret.

« L'allocation cesse d'être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée.

« L'allocation peut être versée à plusieurs bénéficiaires, au titre d'un même patient, dans la limite totale maximale fixée au premier alinéa.

« Art. L. 822-5.  -  Les documents et les attestations requis pour prétendre au bénéfice de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie, ainsi que les procédures de versement de cette allocation, sont définis par décret.

« Art. L. 822-6.  -  L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est financée et gérée par le régime d'assurance maladie dont relève l'accompagnant.

[ ]

« Lorsque l'intervention du régime d'assurance maladie se limite aux prestations en nature, l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est financée et servie par l'organisme compétent, en cas de maladie, pour le service des prestations en espèces ou le maintien de tout ou partie de la rémunération. »

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 2

Supprimer cet alinéa

II. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après le chapitre VII du titre VI du livre Ier est inséré un chapitre VIII ainsi rédigé :

III. - Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Chapitre VIII

IV. - Alinéa 6

Remplacer la référence :

L. 822-1

par la référence :

L. 168-1

V. - Alinéa 11

Remplacer la référence :

L. 822-3-1

par la référence :

L. 168-2

VI. - Alinéa 12

Remplacer la référence :

L. 822-4

par la référence :

L. 168-3

VII. - Alinéa 16

Remplacer la référence :

L. 822-5

par la référence :

L. 168-4

VIII. - Alinéa 17

Remplacer la référence :

L. 822-6

par la référence :

L. 168-5

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - C'est un amendement de codification.

M. Gilbert Barbier, rapporteur.  - L'insertion de ces dispositions dans le chapitre VIII confirme le financement de l'allocation par l'assurance maladie. L'amendement n'a pas d'incidence juridique et apporte davantage de cohérence. Sagesse.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je voterai cet amendement, en regrettant que l'État ne prenne pas une partie du coût à sa charge.

L'amendement n°15 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 10

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« Art. L. 822-3. - Les personnes mentionnées aux articles L. 5421-1 à L. 5422-8 du code du travail peuvent bénéficier de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie dans des conditions fixées par décret.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Nous précisons que les bénéficiaires de l'assurance chômage peuvent percevoir l'allocation d'accompagnement. La réécriture de l'article premier par la commission a conduit à la suppression de l'article L. 822-3 ; or les bénéficiaires de l'assurance chômage, à la différence des autres personnes mentionnées dans la précédente rédaction de l'alinéa, ne peuvent a priori remplir la condition de suspension ou de réduction d'activité -elles n'ont pas par définition d'activité professionnelle.

M. Gilbert Barbier, rapporteur.  - La précision est utile. Avis favorable.

L'amendement n°6, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Après les mots :

personne en fin de vie est

rédiger comme suit la fin de l'alinéa :

servie dans la limite d'une durée maximum fixée par décret. Elle est due pour chaque jour ouvrable ou non. Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée durant le congé, l'allocation est servie, le cas échéant, les jours d'hospitalisation. Les conditions du service de l'allocation sont définies par décret.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - La durée de versement serait exprimée en nombre d'allocations journalières plutôt qu'en jours ou en semaines. Cette rédaction devrait apaiser les inquiétudes du groupe socialiste et satisfaire son amendement n°8.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 12, première phrase

Remplacer les mots :

trois semaines

par les mots :

vingt et un jours

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Nous voulons apporter précision et cohérence, d'autant les décomptes de sécurité sociale se font en jours. Que signifient « trois semaines » ? S'agit-il de vingt-et-un jours calendaires, de dix-huit jours ouvrables ou de quinze jours ouvrés ? Il serait choquant qu'on retînt les hypothèses les plus défavorables. L'accompagnement est nécessaire sept jours sur 7sept et 24 heures sur 24. Si l'amendement du Gouvernement m'a rassuré sur ses intentions, je maintiens le mien.

Cela précisé, je regrette à nouveau la fixation arbitraire d'une durée maximale qui, même de vingt-et-un jours, sera insuffisante. Quid si le temps de la fin se prolonge ? L'accompagnement devra-t-il s'arrêter en chemin ? Parce que nul ne peut prévoir le moment ultime, nous avions déposé des amendements pour permettre la prise en compte de situations différentes et adapter en conséquence la durée de versement. Ces amendements ont été déclarés irrecevables au motif qu'ils pourraient potentiellement aggraver les charges publiques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Nous poursuivons le même objectif. Ad angusta per angusta... Je pense toutefois l'amendement du Gouvernement meilleur, qui répond mieux à l'argumentation développée par M. Godefroy lui-même. Il est préférable de raisonner en nombre d'allocations journalières qu'en jours.

M. Gilbert Barbier, rapporteur.  - L'amendement n°8 a l'avantage de la simplicité, tandis que celui du Gouvernement nous semble compliquer inutilement les choses -il renvoie notamment deux fois à un décret dans le même alinéa. Il présente en outre un inconvénient majeur. L'Assemblée nationale a précisé que l'allocation continuerait à être versée si la personne accompagnée était hospitalisée ; l'amendement limite ce bénéfice aux accompagnants en congé de solidarité familiale, ce qui exclut de fait les professions indépendantes et libérales.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je rectifie mon amendement pour tenir compte de cette pertinente remarque.

M. Gilbert Barbier, rapporteur.  - Il faudrait aussi supprimer l'un des renvois au décret.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - D'accord.

Mme la présidente.  - Il s'agira de l'amendement n°13 rectifié, qui se lira comme suit :

Alinéa 12

Après les mots :

personne en fin de vie est

rédiger comme suit la fin de l'alinéa :

servie dans la limite d'une durée maximum fixée par décret. Elle est due pour chaque jour ouvrable ou non. Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, l'allocation est servie, le cas échéant, les jours d'hospitalisation.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je souhaite une suspension de séance pour pouvoir examiner cet amendement. Le premier membre de phrase continue de nous poser problème.

Mme la présidente.  - Compte tenu de l'heure, je suspends la séance qui sera reprise à 21 heures pour un débat sur l'évaluation de la loi relative au service minimum dans les transports. Nous reprendrons demain soir la discussion de la présente proposition de loi.

Mme Muguette Dini, président de la commission.  - La commission pourrait se réunir un quart d'heure avant pour examiner les amendements.