Adoption et Pacs

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la proposition de loi autorisant l'adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, présentée par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi.  - Ce texte, qui, je l'espère, sera adopté par le Sénat, répond à une seule question que le président de la commission des lois a excellemment formulée : les couples pacsés peuvent-ils adopter comme les couples mariés ?

Pourquoi cette question se pose-t-elle aujourd'hui ? Tout d'abord, à cause de l'évolution du Pacs depuis dix ans. Cette union ouverte à tous les couples, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, sans se substituer au mariage, a connu un vif succès : le nombre de Pacs est passé de 20 000 à 150 000 entre 2001 et 2008. Pas moins de 94 % d'entre eux sont conclus par des couples hétérosexuels, ce qui est logique compte tenu de la proportion de couples homosexuels dans notre société. Pour autant, le mariage reste la forme d'union majoritaire : en 2008, pour 273 000 mariages, on comptait 146 000 Pacs. Mais aujourd'hui, la majorité des couples vit en Pacs, en union libre ou en concubinage ; la majorité des enfants qui naissent chaque année est issue de couples sans statut, ce qui n'est pas sans poser des problèmes par la suite.

Ensuite, nous devons mettre fin à une inégalité, qui peut être vécue comme une discrimination. On fait peser sur les couples pacsés une espèce de faute, comme s'ils n'avaient pas la capacité d'accueillir un enfant adopté. Pourtant, et c'est heureux, on ne leur interdit pas le droit d'avoir des enfants biologiques !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Aux autres couples non plus, mais ils ne peuvent pas en avoir !

M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi.  - L'adoption doit avoir pour seul critère l'intérêt supérieur de l'enfant. Entre parenthèses, j'ai reçu, comme nombre d'entre nous, de nombreux messages électroniques indiquant que ce principe n'a pas été récemment bien respecté à Haïti, malgré l'action de notre ambassadeur en poste. La procédure applicable à l'adoption plénière par les couples mariés ou par les célibataires sera donc la règle pour les couples pacsés. Insistons sur ce point, méconnu de l'opinion publique, l'adoption est un acte judiciaire prononcé, en général, par un juge de la première chambre du tribunal de grande instance qui se réfère au seul principe de l'intérêt supérieur de l'enfant après que le conseil général a délivré l'agrément d'adoption. Au reste, en se fondant sur cette même notion d'intérêt de l'enfant, la loi autorise les concubins à recourir à la technique de la procréation médicalement assistée. Le Pacs offrirait moins de garanties, de stabilité que le mariage, me diront certains, et l'intérêt de l'enfant, qu'il soit adopté, biologique ou issu de la procréation médicalement assisté, est de vivre jusqu'à l'âge adulte au sein d'un couple, quel qu'il soit, uni et stable.

Pour être plus souple, le Pacs n'en est pas plus fragile que le mariage. Le taux de rupture après dix ans des couples pacsés reste très proche de celui des couples mariés, autour de 18 %. Pourquoi leur interdire ce que l'on permet aux célibataires lorsque cela est dans l'intérêt de l'enfant ?

A la question : les couples pacsés peuvent-ils adopter, au même titre que les couples mariés, je réponds oui. Mais la question que vous vous posez va plus loin. Les couples pacsés homosexuels peuvent--ils adopter ? Je réponds que le Pacs ne fait pas la différence entre couples hétéro et homosexuels. Une telle autorisation serait-elle contraire à l'intérêt de l'enfant ? Cela se discute, mais c'est au tribunal qu'il revient de l'apprécier. Il n'y a pas de droit à l'enfant mais un droit de l'enfant, ainsi que le rappelle la convention internationale des droits de l'enfant dont la France est signataire. La jurisprudence a d'ailleurs évolué. Deux décisions de la Cour de Strasbourg, en 2008, ont jugé que la distinction ne se justifiait pas et la France a été condamnée pour discrimination à la suite d'un refus d'agrément opposé par un conseil général à une femme célibataire qui se présentait comme homosexuelle. Le tribunal administratif de Besançon, dans un arrêt de 2009, a ordonné au conseil général du Jura de donner son agrément sous les quinze jours à une femme homosexuelle. La cour d'appel de Rennes a quant à elle accordé l'an dernier l'autorité parentale conjointe à un couple de femmes homosexuelles qui élevait ensemble un enfant que l'une d'elle avait auparavant conçu. Tout ceci doit nous inciter à dire que l'intérêt de l'enfant ne s'oppose pas à ce qu'un couple homosexuel puisse adopter.

Ce texte, sans doute, ne résoudra pas tous les problèmes de parentalité auxquels sont confrontés les homosexuels -et c'est pourquoi l'on peut regretter que l'Assemblée nationale n'ait pas jugé utile de donner suite à la proposition de loi qui avait été déposée sur son bureau- mais il n'empêche rien puisque les couples pacsés comme les couples mariés peuvent recourir à l'adoption simple ou plénière par l'un des deux partenaires, ou par l'un des deux conjoints lorsque l'autre est d'accord, ceci pour répondre à une observation que faisait le doyen Gélard en commission. Et il permet de répondre à certaines demandes que font des associations qui réclament la possibilité d'affirmer le lien de parentalité d'un enfant à l'égard des deux personnes au foyer desquelles il vit.

Je veux encore espérer que vous lui réserverez un accueil favorable et que nous ne reviendrons pas aux invectives qui avaient accueilli, dans les années 1990, les débats préparatoires à l'instauration du Pacs. J'espère que cette époque est révolue, en particulier au Sénat, réputé pour sa sagesse. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission des lois.  - Le code civil réserve actuellement la possibilité d'adopter conjointement un enfant aux couples mariés depuis plus de deux ans, ou âgés l'un et l'autre de plus de 28 ans. Ce texte vise à étendre cette possibilité aux partenaires d'un Pacs depuis plus de deux ans. Les auteurs de la proposition indiquent que le Pacs est une forme de conjugalité maintenant bien établie dans la société et que leur texte doit permettre à deux partenaires de même sexe d'adopter ensemble un enfant.

Votre commission considère que la question ne devait pas être abordée sous cet angle : il ne s'agit pas de partir du succès rencontré par le Pacs pour conclure à l'extension des droits auxquels il donne accès. L'institution de l'adoption n'est, de ce point de vue, pas comparable aux avantages patrimoniaux dont bénéficient les conjoints ou les partenaires pacsés : l'adoption engage la vie d'un enfant auquel elle donne une nouvelle famille. C'est donc l'intérêt supérieur de l'enfant et lui seul qui doit être placé au centre des préoccupations. Il s'agit là d'une exigence consacré tant par le code civil que par la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant. Cette primauté de l'intérêt de l'enfant interdit de considérer qu'il puisse exister un droit à adopter. Jean-Marie Colombani le rappelle dans son rapport au Président de la République sur l'adoption, soulignant que « ce sont les droits et les intérêts de l'enfant qu'il faut promouvoir et respecter ».

Les enfants à adopter sont particulièrement vulnérables : ils sont marqués par la détresse d'une première rupture, leur histoire filiative est interrompue. L'adoption constitue alors pour eux, comme pour leurs futurs parents adoptifs, une chance autant qu'un défi puisqu'il leur appartiendra de surmonter cette première souffrance et de retrouver une stabilité affective et personnelle au sein de leur nouvelle famille.

Les auditions que j'ai conduites ont toutes confirmé cette vulnérabilité particulière des filiations adoptives qui implique, pour reprendre les propos de Mme Michèle Tabarot, présidente du Conseil supérieur de l'adoption, que « l'enfant adopté a peut-être encore plus besoin de stabilité pour s'épanouir ».

La demande des couples, pour légitime qu'elle soit, ne saurait primer l'intérêt de l'enfant. Et, lorsque l'on s'interroge sur l'opportunité d'étendre ou non la possibilité d'adopter en couple, une question doit prévaloir : les différences qui existent dans les régimes juridiques respectifs du mariage et du Pacs, au regard de la stabilité et de la sécurité qu'ils garantissent aux enfants du couple, justifient-ils ou non de réserver aux seuls époux la possibilité d'adopter en couple ?

A cet égard et avant d'en venir à un examen plus concret des différences importantes existant, de ce point de vue, entre le mariage et le Pacs, je tiens à souligner que le statut conjugal du couple comme la nature, homosexuelle ou hétérosexuelle, de leur relation, ne préjugent en rien de la capacité affective des deux partenaires ni de la qualité du lien que les deux parents pourront nouer avec l'enfant. C'est ce que traduit d'ailleurs, au plan juridique, l'assimilation complète du couple marié au couple non marié s'agissant des règles relatives à l'attribution et à l'exercice de l'autorité parentale.

Cependant, si le statut conjugal des candidats à l'adoption ne préjuge en rien de leur compétence éducative, il n'est pas pour autant sans incidence sur le degré de protection juridique dont bénéficieront chacun des membres de la famille ainsi constituée. Le Pacs est un contrat à vocation essentiellement patrimoniale (M. Richard Yung le conteste) qui reste étranger à la destination familiale spécifique qui est celle du mariage et dont rend compte, à titre symbolique, la lecture, au cours de la célébration du mariage en mairie, des articles du code civil définissant les obligations familiales des époux. Tenant le milieu entre l'union libre et le mariage, le Pacs emprunte à la première liberté de conclusion et de dissolution et au second ses seuls effets patrimoniaux.

Alors que le Pacs se dissout par simple déclaration, fût-elle unilatérale, le divorce doit être prononcé par un juge, ce qui offre aux membres de la famille la garantie d'une protection juridique supérieure.

Que le juge soit saisi obligatoirement, comme dans le cas du mariage, ou que sa saisine dépende de la volonté des parties fait une grande différence dans la protection apportée aux enfants comme aux partenaires. C'est ainsi que Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, note dans un rapport que « de nombreux parents non mariés règlent eux-mêmes les modalités de leur séparation, y compris le mode d'exercice de l'autorité parentale, sans que la question de l'intérêt de l'enfant soit soumise à un juge aux affaires familiales ».

Elle observe également que les parents non mariés, séparés ou non, sont insuffisamment informés de leurs droits et obligations. Si une difficulté se présente aux yeux de l'un d'eux, il saisira le juge, mais il serait abusif d'en conclure que l'absence de saisine, qui peut être la conséquence d'une erreur, de l'ignorance ou de la réticence à saisir la justice, est la marque d'un accord entre les parents conforme à l'intérêt de leur enfant. Le juge peut certes être saisi ultérieurement mais il devra alors intervenir dans une situation de conflit cristallisée. Si l'intervention obligatoire du juge en cas de divorce ne prémunit pas contre les désaccords futurs, elle garantit qu'un tiers s'assurera de l'intérêt de l'enfant ; elle autorise de plus une tentative de médiation.

J'ai apprécié que M. Jean-Pierre Michel déposât l'amendement n°1 après la publication de mon rapport mais sa proposition ne répond que partiellement et de façon lacunaire à cette difficulté. Rien ne garantit en effet le caractère obligatoire de la saisine du juge, et elle ne répond pas aux autres difficultés posées par le Pacs en matière d'adoption.

Le mariage protège l'enfant ; il protège aussi le parent le plus démuni. Aux difficultés financières nées du divorce, qui ne sont pas sans conséquences pour l'enfant, la prestation compensatoire apporte une réponse. Une étude de 2007 du ministère de la justice montre que 10 % des couples ayant été mariés restent en désaccord sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants à l'issue de la procédure, mais 41 % des couples non mariés. Ce dernier chiffre est certes à relativiser dans la mesure où ne sont pris en compte que les couples ayant saisi le juge, mais la différence reste significative.

Au total, ces constations pratiques et juridiques ainsi que la volonté de mettre en avant la sécurité juridique et affective de l'enfant adopté conduisent à privilégier le mariage plutôt que le Pacs.

Les auditions auxquelles j'ai procédé, notamment des associations, montrent en outre que le souhait d'étendre aux partenaires d'un Pacs la faculté d'adopter -qui ne concerne pas seulement les personnes du même sexe- répond souvent au souci d'apporter une plus grande sécurité juridique à l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul d'entre eux. Or, la proposition de loi n'apporte pas une réponse satisfaisante à cette demande : elle ne concerne que l'adoption conjointe alors que c'est la procédure d'adoption de l'enfant du conjoint ou du partenaire qui devrait être utilisée. Surtout, elle risque d'aboutir à un empilement ou à la substitution des filiations, là où le problème est avant tout celui de l'exercice de l'autorité parentale et de la place accordée au tiers qui élève l'enfant au côté de son père ou de sa mère.

Notre droit répond déjà à un certain nombre de difficultés, qu'il s'agisse de la délégation volontaire d'autorité parentale, du partage de l'exercice de l'autorité parentale pour les besoins d'éducation de l'enfant, du mécanisme de la tutelle testamentaire ou de la désignation judiciaire de la personne qui pourra exercer l'autorité parentale après le décès. Une réflexion a été engagée par Mme Dominique Versini sur l'opportunité d'étendre les droits reconnus aux tiers beaux-parents dans l'exercice de l'autorité parentale. Un avant-projet de loi a été élaboré au printemps 2009, qui a suscité un vif débat ; le rapport de notre collègue député Jean Léonetti, chargé par le Premier ministre d'une évaluation de la législation traitant de la question, a dessiné les contours d'un consensus. Un nouveau projet de loi sera prochainement déposé devant le Parlement.

La commission a considéré que les dispositifs existants, qui peuvent encore être améliorés, apportent, à la condition que prime l'intérêt de l'enfant, une réponse satisfaisante au souhait largement exprimé par les parents de voir reconnu juridiquement le rôle essentiel du partenaire ou du beau-parent qui s'investit dans l'éducation de leurs enfants. Il n'est ainsi pas besoin d'envisager d'ouvrir aux partenaires d'un Pacs la procédure d'adoption conjointe.

Il importe enfin de prendre en considération les engagements internationaux de la France en matière d'adoption. Or l'article 2 de la convention de la Haye sur la protection des enfants ne prévoit que l'adoption par deux époux ou par une personne seule. Peu de pays d'origine des enfants adoptés en adoption internationale acceptent en outre de confier un enfant à un couple non marié. Le risque serait donc grand que l'ouverture proposée ne trouve pas de traduction concrète.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a décidé de ne pas établir de texte sur cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.  - Au fil des années, le Gouvernement s'est attaché à améliorer substantiellement les droits découlant d'un Pacs. Je dis cela d'autant plus tranquillement que j'ai voté le Pacs en son temps, sans aucun état d'âme, et que je ne l'ai jamais regretté. Il est aujourd'hui inscrit dans la réalité de notre vie collective. Les réformes successives ont permis aux partenaires d'un Pacs de bénéficier de certains des droits reconnus aux personnes mariées. Le Gouvernement a déposé la semaine dernière à l'Assemblée nationale un texte qui autorise les partenaires à faire enregistrer leur Pacs par le notaire qui a rédigé la convention.

Les différences essentielles entre le Pacs et le mariage résident dans les conséquences d'ordre familial. Le mariage répond au projet de fonder une famille ; les époux ont l'obligation d'assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille et de pourvoir à l'éducation des enfants. Les officiers d'état civil connaissent ces formules par coeur, des mots qui marquent dans la solennité de la salle des mariages des mairies. Le Pacs a une autre vocation. Nos concitoyens tiennent à la diversité des formes de vie de couple et ne sont pas favorables à ce que les effets du mariage et du Pacs soient en tous points identiques.

La proposition de loi, indépendamment des débats de fond qu'elle suscite, paraît largement inadaptée à ce qu'est aujourd'hui l'adoption. Celle-ci n'est autorisée qu'au profit d'un couple marié ou d'une personne seule. Le couple candidat doit être agréé par le président du conseil général.

Aujourd'hui, près de 30 000 candidats sont titulaires de cet agrément, mais seuls 800 pupilles de l''État sont adoptés chaque année. Reste l'adoption internationale qui, en vertu du principe de double subsidiarité, ne peut être envisagée que si l'enfant ne peut être maintenu dans son pays d'origine.

Les adoptions se font dans deux cadres juridiques, selon que l'État d'origine adhère ou non à la convention de La Haye du 29 mai 1993. Celle-ci ne vise que les adoptions par des époux ou une personne seule. Si la proposition de loi était adoptée, les couples pacsés ne pourraient adopter un enfant originaire d'un pays signataire. Quant aux pays qui n'ont pas adhéré à la convention, la quasi-totalité ne permet pas aux couples non mariés d'adopter ; c'est le cas poux Haïti, la Chine, la Russie, l'Éthiopie ou encore le Cambodge. Ainsi, cette proposition risquerait d'être source de désillusions pour ces couples qui se verraient reconnaître une possibilité théorique d'adopter ensemble, avec des chances limitées de voir leur projet aboutir.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas voir adopter cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - Je salue l'initiative de Jean-Pierre Michel qui cherche à faire progresser les droits des enfants adoptés et ceux des personnes pacsées. La loi du 15 novembre 1999, qu'il avait contribué à faire adopter, est une grande réforme, dans la lignée de l'abolition de la peine de mort et de l'interruption volontaire de grossesse. Dix ans plus tard, les mentalités ont évolué, les craintes se sont estompées. Espérons une évolution comparable au sein de notre Haute assemblée, réputée pour sa sagesse...

Je suis optimiste. Au cours des dix dernières années, nous avons fait progresser les droits des pacsés : exonération des droits de mutation, imposition commune, extension du bénéfice du capital décès, reconnaissance des partenariats civils étrangers.

Le Pacs se conclut essentiellement entre personnes de sexe opposé. Ce n'est pas qu'un simple contrat patrimonial mais une nouvelle forme familiale. Notre rapporteur rejette cette proposition de loi au motif qu'il ferait du Pacs un concurrent du mariage. (Mme le rapporteur le conteste)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce n'est pas du tout ce qu'elle a dit !

M. Richard Yung.  - Vous craignez que ce texte officialise indirectement l'homoparentalité. (Vives protestation sur le banc de la commission)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur.  - Pas du tout !

M. Richard Yung.  - Je dis ce que je ressens !

Ce texte prend acte de la réalité : l'homoparentalité est un fait indéniable. Beaucoup d'enfants ont été, sont et seront élevés par deux parents de même sexe. Ils ne sont pas moins heureux que les enfants de couples hétérosexuels, de nombreuses études le démontrent. Qui définit ces fameux « droits légitimes des enfants » ? C'est un paravent facile pour refuser tout progrès !

Ce texte vise à combler le retard de notre code civil, qui dispose que l'adoption est ouverte aux « époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans, âgés l'un et l'autre de plus de 28 ans » ainsi qu'à « toute personne âgée de plus de 28 ans ». Comme l'ont rappelé la Cour européenne des droits de l'homme et le tribunal administratif de Besançon, aucune discrimination ne peut être faite sur le fondement de l'orientation sexuelle. L'agrément peut donc être accordé à une personne célibataire, homosexuelle ou non.

A l'inverse, deux personnes ayant contracté un Pacs, hétérosexuelles ou homosexuelles, ne peuvent adopter conjointement. Il faut que l'un des partenaires adopte, l'autre ne pouvant établir de lien avec l'enfant que par un ensemble de dispositifs juridiques qui, aussi nécessaires soient-ils, ne donnent pas aux deux parents les mêmes liens avec l'enfant. De plus, ils n'interviennent qu'a posteriori, après des délais qui peuvent être très longs.

On retrouve cette argumentation sur le sujet des actions de groupe : l'appareil juridique permet de faire face aux conséquences des délits du droit de la consommation, nous dit-on... Mais cela ne marche pas !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La comparaison est hasardeuse !

M. Richard Yung.  - Je parle de la philosophie : c'est agiter le drapeau rouge pour mieux cacher le drapeau rouge !

Vous invoquez la sécurité affective et juridique de l'enfant, mais quid de l'enfant vivant dans une famille homoparentale ? II convient de combler ce vide.

A lire votre rapport, seul le mariage, gage de stabilité pour le couple et, partant, de sécurité affective pour l'enfant, permettrait un environnement sécurisé. Vision bien désuète ! Aujourd'hui, un enfant sur deux naît hors mariage, et un mariage sur deux finit par un divorce, du moins à Paris ! A l'inverse, près d'un quart des dissolutions de Pacs débouchent sur un mariage.

Plus souple que le mariage, plus protecteur que le concubinage, le Pacs est un troisième mode de conjugalité. Il peut à juste titre ouvrir droit à l'adoption. Dès lors celle-ci est permise aux célibataires, l'argument selon lequel une famille doit être issue d'un mariage ne tient pas !

Le mariage offre une garantie par rapport au Pacs : le divorce, qui implique que le juge aux affaires familiales statue sur la situation de l'enfant au nom de son intérêt supérieur. Cette garantie devrait être étendue aux adoptions dans le cadre d'un Pacs : c'est le sens de notre amendement.

La Haute assemblée a déjà ouvert de nouveaux droits aux personnes pacsées. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin : il faut suivre les évolutions de la société ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Odette Terrade.  - En matière d'adoption, il n'y a pas de « droit à l'enfant ». Pour autant, nous devons tout faire pour que chaque enfant trouve un foyer, et le bonheur auquel il a droit.

Cette proposition de loi répond aux attentes légitimes des personnes pacsées et à la nécessaire stabilisation juridique de certains foyers. De nombreux couples pacsés, quelle que soient leur orientation sexuelle, sont déjà parents, car l'un des deux partenaires peut adopter en se présentant comme célibataire ! C'est une aberration, qui conduit à nier l'existence de l'autre partenaire.

Cette négation est d'autant plus difficile à vivre qu'elle n'est pas sans conséquence juridique. En effet, le partenaire qui n'adopte pas est officiellement inconnu par les services de la DDASS. Ainsi, l'enfant élevé par deux personnes est réputé n'avoir qu'un parent. Si l'adoptant disparaît, le partenaire survivant n'a aucun droit. En cas de séparation, celui qui n'a pas d'existence légale perd aussi ses obligations envers l'enfant, comme le paiement d'une pension alimentaire.

Il faut donc faire évoluer la législation, précisément pour apporter plus de sécurité juridique aux enfants concernés afin qu'ils ne soient plus victimes d'un système juridique incomplet. Nous devons les protéger, ce à quoi la proposition de loi participe.

Je regrette que, pour écarter ce texte, la commission ait ressorti les arguments utilisés autrefois contre notre proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un Pacs.

Je pense notamment à la prétendue fragilité de ces unions : Mme Borvo a rappelé en octobre que, selon le ministère de la justice, le taux de dissolution des Pacs avoisinait 15 %, contre 30 % pour les mariages. Et un quart des ruptures de Pacs s'explique par la volonté de se marier. La réforme intervenue en 2004 a provoqué un pic très important de divorces, dont les procédures ont été simplifiées. En définitive, aucune forme d'union ne protège contre les ruptures, ni contre les souffrances qui les accompagnent. L'épanouissement et le bien-être de l'enfant devrait toujours être la préoccupation première des adultes...

De même, il nous semble inopportun d'invoquer l'état du droit, car le Pacs a beaucoup évolué : en 2005, la loi de finances a instauré une imposition commune ; la loi de 2006 sur les successions et libéralités a fort heureusement rapproché le statut patrimonial du Pacs et celui du mariage.

Le Gouvernement et la majorité invoquent le statut principalement patrimonial du Pacs pour repousser cette proposition de loi. Les mêmes arguments ont servi pour rejeter notre proposition, qui tendait notamment à autoriser le versement d'une pension de réversion et à introduire des congés pour événements familiaux au profit de partenaires liés par un Pacs. Il est pour le moins paradoxal d'écarter les couples pacsés de tout droit social ou familial pour invoquer aujourd'hui la nature exclusivement patrimoniale du Pacs ! En réalité, vous refusez toute nouvelle évolution apparentant encore plus cette forme d'union au mariage.

Au contraire, nous souhaitons que la législation conduise à traiter les personnes optant pour le Pacs comme si elles étaient mariées car pour nous, le statut compte moins que le couple.

Notre droit positif doit évoluer car la société mais aussi la jurisprudence changent. Ainsi, le tribunal administratif de Besançon a ordonné, en novembre, au conseil général du Jura de délivrer un agrément d'adoption à un couple homosexuel.

Dans son immense majorité, le groupe CRC-SPG votera ce texte.

Mme Janine Rozier.  - Cette proposition de loi a retenu toute mon attention. Comme vous le savez, le président Gérard Larcher m'a chargée de représenter le Sénat au Conseil supérieur de l'adoption (CSA), qui siège sous la tutelle du ministre chargé de la famille. Le CSA formule des avis ou des conseils sur les textes législatifs ou réglementaires, mais aussi sur tout sujet relatif à l'adoption.

Pour moi, le mot adoption appelle le mot famille, qui n'est pas mentionné une seule fois dans le texte qui nous est soumis.

Avant de faire quoi que ce soit, il faudrait organiser une politique volontariste de la famille, base de notre société depuis des millénaires. Son délitement explique la perte de valeurs et le désarroi de nombreux jeunes à qui manquent le soutien, l'exemple et la solidité d'un appui de leurs ainés. Déboussolés par l'absence de cohésion et d'échange avec une famille solide, ces jeunes tendent à écouter les belles âmes pour qui la canaille est une victime.

Il n'y a pas un seul mot sur la famille dans la proposition de loi présentée. Pourtant, adopter, c'est construire une famille, donc -selon le code civil- une communauté de vie en éduquant des enfants et en participant financièrement à cette éducation dans une alliance matrimoniale qui s'appelle le mariage, bien que la dignité de cette institution ne transparaisse pas toujours avec la même clarté ! D'ailleurs, l'article 343 du code civil autorise l'adoption par « deux époux mariés depuis au moins deux ans ».

Consentement public donné devant l'officier d'État civil et au moins deux témoins, le mariage établit les conjoints dans un état public de vie commune. C'est une institution alors que le Pacs est un contrat aisément rompu, sans portée en matière de filiation. Considérer ce contrat comme une institution susciterait de nombreuses difficultés juridiques et successorales, excellemment exposées par Mme Des Esgaulx.

Le rapport effectué après le sondage réalisé en 2006 par le collectif des maires pour l'enfance montre que « l'intérêt de l'enfant exige le maintien d'un modèle parental avec un père et une mère ». C'est indispensable pour son équilibre, même si notre droit reconnaît à un parent seul la faculté d'adopter, ce qui mérite réflexion.

L'adoption est une mesure de protection devant apporter à l'enfant des conditions plus favorables prenant en compte son vécu. La commission d'attribution doit choisir une famille à même de rendre heureux un enfant qui ne l'est pas. Le profil des enfants adoptables est complexe car même les bébés ont un passé. Il faut un attachement réel et durable entre adoptants et adopté pour atténuer les effets négatifs d'un délaissement parental déjà vécu.

J'ajoute que de nombreuses conséquences de l'adoption ne peuvent pas être les mêmes pour un couple pacsé et pour un couple marié. En cas d'adoption par un couple marié, l'enfant portera le nom de la famille, habituellement celui du mari. L'autorité parentale sera exercée par le père et la mère. Si le couple est pacsé, quel nom portera l'enfant ? Ses adoptants auront des noms différents ! Lequel exercera l'autorité parentale ? Tout cela troublerait encore la quiétude de l'adopté, à qui nous devons au contraire offrir une sécurité atténuant sa détresse.

Les attaches solides d'un couple marié sont affirmées par la commission d'attribution. Nous devons tous la vérité aux enfants adoptés. Ils sont fragiles et souffrent souvent de troubles psychologiques. Ne prenons pas le risque d'ajouter encore un traumatisme ! Ne laissons pas cette proposition de loi ajouter aux méfaits de notre société malade !

Comme Mme Des Esgaulx, je constate la vacuité juridique de la proposition de loi qui tend à modifier l'article 343 du code civil pour permettre l'adoption par deux partenaires d'un Pacs conclu depuis plus de deux ans. Malgré cette condition de durée, malgré l'amendement qui tendrait à saisir obligatoirement un juge des affaires familiales en cas de dissolution du Pacs, la protection de l'enfant n'est pas assurée car un Pacs ne saurait être assimilé au mariage.

Le groupe UMP ne votera pas la proposition de loi.

M. Richard Yung.  - Ce n'est pas surprenant !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Les enfants doivent être protégés, c'est pourquoi nous voulons consolider le statut des enfants adoptés par des couples non mariés.

Le Pacs est une forme d'union bien ancrée dans la société puisqu'on dénombre environ un Pacs pour deux mariages. Le succès de cette formule va bien au-delà d'une contractualisation réservée aux couples homosexuels : c'est devenu la forme de famille dans laquelle naît et est éduquée une forte proportion d'enfants. Aujourd'hui, c'est l'arrivée d'un enfant qui fait la famille.

C'est l'enfant qui fait le couple : on se pacse ou on se marie après avoir eu des enfants.

Ceux qui choisissent de conclure un Pacs plutôt que de se marier manifestent leur préférence pour une forme d'union qui concilie un certain degré de protection avec moins de formalisme juridique. Je considère qu'ils s'illusionnent : ils n'échapperont pas si facilement au déchirement que connaissent les couples qui se séparent. Mais ils ont le droit de vivre leurs illusions.

La conclusion d'un Pacs plutôt que d'un mariage n'a pas d'incidence sur la fidélité. Mme Troendle a montré que, si les dissolutions de Pacs sont plus fréquentes que les divorces dans les toutes premières années du couple, le taux de séparation devient très proche du taux de divorce dès la troisième année d'union avant de lui être inférieur de la quatrième à la sixième année de vie commune. L'argument qui fait du couple marié un couple plus stable, un couple qui garantit à l'enfant adopté un meilleur accueil que le couple pacsé ne correspond donc pas à la réalité. En fait, l'argument de la stabilité dissimule votre réticence véritable, qui est devant l'adoption par des couples homosexuels -alors même que cette discrimination est condamnée par la Cour de justice européenne. L'adoption de notre proposition de loi mettrait fin à cette discrimination.

On assiste depuis quelques années à une évolution de la reconnaissance juridique de l'homoparentalité parce que les réalités prennent le pas sur les préjugés. Selon l'Institut national des études démographiques, 30 000 enfants font partie d'une famille homoparentale en France aujourd'hui. Eux et leurs parents ne doivent plus subir les discriminations juridiques et administratives qui pèsent sur la vie quotidienne. Inacceptables en soi, elles renforcent les rejets archaïques dont les enfants ont parfois à souffrir, à l'image des enfants de divorcés quand j'étais enfant.

En adoptant cette proposition de loi, le Sénat n'apparaîtrait pas comme un précurseur mais tout simplement à l'unisson avec les neuf pays européens qui admettent, sous une forme ou sur une autre, l'adoption par les couples homosexuels. Il s'agit de l'Allemagne, du Danemark, de l'Espagne, de l'Islande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède.

La famille homoparentale ne correspond pas à la vision traditionnelle de la famille ? Est-ce une raison pour rejeter ces familles qui nous disent que la sexualité d'un homme ou d'une femme n'est pas la raison première de la paternité ou de la maternité, que sexualité et parentalité n'appartiennent pas au même domaine ? Respectons la sexualité de chacun, qui est une affaire privée ; aidons nos concitoyens qui le souhaitent à devenir parents, ce qui est, là, une conception de la famille. L'important est que les enfants s'épanouissent.

Selon un sondage effectué en novembre 2009, 57 % des Français sont favorables à l'adoption par des familles homoparentales. Voilà pour vous rassurer ! En adoptant cette proposition de loi, vous mettriez non seulement notre législation en conformité avec la jurisprudence européenne mais vous auriez l'assentiment de nos concitoyens qui admettent de moins en moins le retard de la législation sur les moeurs. (Applaudissements à gauche)

Mme Bernadette Dupont.  - Cette proposition de loi, pour simple et logique qu'elle paraisse dans la continuité du vote de 1999 instituant le Pacs, comporte un sous-entendu qui est celui du droit des couples concernés par ce contrat. Je veux différencier l'institution du mariage, fondatrice de la famille, qui est un engagement, et le Pacs qui n'est qu'un contrat essentiellement patrimonial, dont les liens sont plus faciles à défaire, ne comportant aucun droit spécifique en matière familiale. Si des partenaires de sexes différents, liés par un Pacs, veulent entreprendre une démarche d'adoption, ils peuvent recourir à l'institution du mariage ce qui prouverait leur désir de fonder une véritable famille dans l'intérêt de l'enfant. Cette possibilité ne peut être offerte aux partenaires de même sexe, non autorisés au mariage institutionnel.

Pourquoi ce droit à l'adoption ne peut-il leur être accordé ? Si le désir d'enfant est naturel, le droit à l'enfant n'existe pour personne. L'enfant n'est pas un droit, sujet d'un désir d'adulte, mais lui-même un sujet de droit. Vouloir aimer un enfant ne signifie pas seulement éprouver et vouloir donner de l'affection et de la tendresse, c'est d'abord vouloir pour lui les conditions objectives de sa croissance. L'enfant naît de la rencontre d'un homme et d'une femme, quelles que soient les méthodes utilisées, et cette rencontre est constitutive de son humanité. Nier cette réalité c'est nier la différence sexuelle et nous entrons là dans un débat ontologique.

L'enfant a besoin pour grandir, s'épanouir et découvrir sa propre personnalité, des deux repères structurants, homme-femme dans leur altérité, constituant un socle identitaire. La tendresse et l'aptitude à l'éducation ne suffiront pas. La sacro-sainte liberté, l'individualisme, l'affirmation de l'égalité pour tous, revendiqués, n'impliquent pour autant ni la négation des limites, ni le nivellement des différences. « Ce qui est en jeu ce sont les repères identificatoires de l'enfant » dit Xavier Lacroix.

Dès lors que les choix individuels qui relèvent du domaine privé ne respectent pas l'intérêt général et, dans ce cas, l'intérêt supérieur de l'enfant, le législateur ne peut et ne doit les ériger en norme. Le mot parenté a une signification précise comprenant l'engendrement, la filiation, les racines. Le mot parentalité proposé aujourd'hui obscurcit le débat. Il signifie seulement aptitude à aimer et à éduquer, ce qui ouvre la porte à tous les excès que la technique est à même de satisfaire, faisant oublier que l'être humain est avant tout un don.

Je termine cette réflexion en citant Freud : « Il est assez étrange que les interdictions les plus puissantes soient les plus difficiles à justifier. Cela est dû au fait que les justifications sont préhistoriques et ont leur racines dans le passé de l'Homme ». Qu'elle alimente la vôtre !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Toutes ces interventions auront été de haute tenue. Comme l'a fort bien dit votre rapporteur, la question doit être envisagée sous l'angle de l'intérêt supérieur de l'enfant.

M. Michel a joué un grand rôle dans le débat sur le Pacs ; je lui réponds sur un point d'actualité qui n'est peut-être pas au coeur de notre sujet, celui de l'adoption d'enfants haïtiens. Le souhait du Gouvernement était de trouver un équilibre entre le désir d'adoption en France et la volonté de ne pas accroître les risques de fraude, sans oublier le traumatisme que pouvait être l'arrachement de ces enfants à leur environnement, a fortiori dans une situation de désastre.

Comme votre rapporteur, je pense que le Pacs est avant tout un contrat patrimonial, qui n'offre pas les mêmes protections que le mariage en cas de rupture. Le droit positif permet déjà d'aménager l'autorité parentale et le droit des tiers. Nous examinons le rapport Leonetti en attendant le futur projet de loi.

Le fait qu'un quart des Pacs conduise à un mariage montre bien le désir des pacsés d'offrir une protection meilleure.

M. Richard Yung.  - C'est leur affaire !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Je veux dire à Mme Terrade que Mme la garde des sceaux présentera bientôt des dispositions législatives qui éviteront aux partenaires de se déplacer au tribunal d'instance pour faire enregistrer leur convention, si celle-ci est rédigée par un notaire.

Je remercie Mme Rozier des précisions qu'elle a apportées. L'adoption doit se faire dans un cadre le plus stable possible -et assorti de contrôles. Mme Cerisier-ben Guiga souligne que le mariage n'est pas une garantie contre la séparation : certes, mais le droit français protège alors les enfants.

Enfin, Mme Dupont a parlé de la dimension d'altérité : je suis personnellement très sensible à cette question et je me sens en phase avec les analyses que Mme Agacinski a développées dans plusieurs articles et ouvrages sur le devenir de notre société.

Quel que soit le sort de cette proposition de loi, le débat est utile et j'apprécie cet échange libre sur une question de société qui intéresse nos concitoyens.

La discussion générale est close.

Mme la présidente.  - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous examinons la proposition de loi initiale.

Discussion des articles

Article unique

M. Roger Madec.  - La répétition ayant une vertu pédagogique, je ne désespère pas de convaincre encore la majorité. Le Pacs est une belle avancée, l'une de ces grandes réformes qui font honneur à la République. Nous voulons étendre les droits des partenaires mais je constate beaucoup d'immobilisme et de conservatisme sur les bancs de droite... Cette position est déconnectée des réalités, car notre société est prête à des aménagements sur l'adoption. Le Pacs a été instauré grâce à des précurseurs comme Jean-Pierre Michel et au gouvernement Jospin, parce qu'il fallait se conformer à l'évolution des moeurs. En plus de dix ans, ce sont plus de 700 000 conventions qui ont été conclues, le phénomène n'a rien de marginal. Soyons clairs. Votre refus est motivé par le souci d'empêcher les couples homosexuels d'adopter : or ils sont déjà nombreux à élever des enfants -parfois conçus dans des conditions contestables, je le reconnais, tels les bébés achetés à des mères porteuses.

La cour d'appel de Rennes, le 30 octobre 2009, a donné à un couple séparé de femmes l'autorité parentale avec exercice partagé au profit de celle qui n'avait pas porté l'enfant. Une deuxième décision est venue implicitement reconnaître le couple homosexuel : en novembre 2009, le tribunal administratif de Besançon a ordonné au conseil général du Jura -le président s'y refusait obstinément- de délivrer un agrément d'adoption à une femme homosexuelle vivant en couple avec une autre femme. Cependant, je rappelle que 95 % des Pacs sont souscrits par des hétérosexuels... Le statut des couples, comme l'a souligné Mme Des Egaulx, ne préjuge pas de leurs capacités affectives comme parents ni des liens qui seront tissés avec l'enfant. La commission des lois invoque l'intérêt de l'enfant mais celui-ci est-il protégé dans les divorces violents ou sordides ? Vous déniez la stabilité du Pacs mais la majorité des enfants naissent hors mariage.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce n'est pas la même chose. Ici il s'agit d'adoption.

M. Roger Madec.  - Pourquoi ne pas interdire aux couples non mariés de procréer ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Raisonnement absurde.

M. Roger Madec.  - Depuis la loi du 2 mars 2002, les droits et devoirs des parents sont devenus les mêmes, quel que soit le statut conjugal. La sécurité juridique de l'enfant est assurée par l'amendement de M. Michel. Du reste, n'est-ce pas votre gouvernement qui proposait un divorce devant notaire : quelles auraient alors été les garanties pour les enfants ? S'agissant des démarches d'adoption, nous déplorons la ségrégation entre couples mariés et pacsés, au détriment des seconds. Paradoxalement, un homosexuel seul peut engager des démarches d'adoption... Le Pacs ne saurait être un frein à l'adoption.

M. Richard Yung.  - Très bien.

A la demande du groupe socialiste, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 147
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 515-7 du code civil, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Sauf dans les cas de dissolution par le mariage des partenaires entre eux, lorsqu'un ou plusieurs enfants sont nés du couple pacsé, lors de la dissolution du pacte civil de solidarité, le juge aux affaires familiales est obligatoirement saisi afin de statuer selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant sur sa résidence, le montant de la contribution à son entretien et à son éducation et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. »

M. Jean-Pierre Michel.  - En bon élève de la commission des lois, j'écoute ce que disent le rapporteur et les autres commissaires, dont le doyen Gélard ; j'ai donc rectifié mon amendement. Bien souvent, les parents se mettent d'accord dans leur intérêt plutôt que dans celui de l'enfant mais, quand un conflit surgit, ils sont désemparés. J'en reçois, dans ma permanence, auxquels je conseille de saisir le juge aux affaires familiales. Cet amendement répond à un besoin : en cas de dissolution d'un Pacs autrement que par mariage, le juge aux affaires familiales déterminera le statut des enfants. Il y va de leur intérêt : ne pas l'admettre serait hypocrite.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur.  - Cet amendement qui n'a pas vraiment de rapport avec l'article unique aurait pu être déclaré irrecevable mais nous avons choisi d'en discuter car il propose une avancée et remédie à une insécurité juridique en s'efforçant de répondre à une objection soulevée dans mon rapport. Cependant, cette réponse, trop lacunaire, ne garantit pas aux enfants des couples pacsés une protection similaire à ceux des couples mariés. L'instabilité est en effet plus grande dans les couples pacsés ou chez les concubins. Là, vous ne parlez pas d'enfants adoptés, car vous ne savez pas ce que c'est.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Richard Yung.  - On sait !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur.  - Ces enfants ont vécu un drame. Il faut leur en éviter un nouveau. Or le dispositif ne définit pas la façon d'assurer le caractère obligatoire de la saisine du juge.

Actuellement, le juge aux affaires familiales est saisi lors du divorce, mais la dissolution du Pacs peut se faire par déclaration, voire unilatéralement. Le Pacs, qui emprunte à la fois au mariage et à l'union libre, n'a pas une destination familiale spécifique et le passage obligatoire devant le juge aux affaires familiales modifiant l'équilibre du Pacs, je crains que ceux qui en ont conclu un ne considèrent cela comme une dénaturation.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Je me range à l'argumentation très complète du rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je remercie Mme Des Esgaulx de faire la propagande du Pacs (sourires) mais ceux qui l'ont conçu n'ont-ils pas la liberté de le dénaturer ? Il s'agit ici de l'intérêt des enfants lors de la rupture du Pacs. Le reste passe après.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous avez déposé l'amendement à la suite des débats en commission, c'est pourquoi nous avons considéré qu'il fallait l'examiner. Toutefois, il faudra le verser à un débat plus vaste, alimenté par les réflexions du rapport Leonetti. Quelle différence y a-t-il entre un couple pacsé qui a reconnu les enfants et des concubins ? Ils peuvent avoir recours au juge aux affaires familiales. Cependant, le Pacs peut être rompu par déclaration ou unilatéralement. Il faut réfléchir à tout cela pour l'ensemble des enfants nés en dehors du couple marié.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 154
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - L'article unique de la proposition de loi ayant été rejeté, je constate qu'il n'y a pas lieu de voter sur l'ensemble.

La proposition de loi n'est pas adoptée.