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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un sénateur

Organisme extraparlementaire (Candidature)

Dépôt d'un rapport

Questions orales

Défiscalisation par l'investissement locatif

RN 124

RN 88

Échangeur A4-A86

Limite d'âge dans la fonction publique

Scolarité des handicapés

Allocation équivalent retraite

Fichage des incidents bancaires

Haut Karabagh

Frais de transports des personnes handicapées

Rapprochement familial des détenus

TGI de Strasbourg

Stages étudiants

Établissements de soins en Seine-et-Marne (1)

Établissements de soins en Seine-et-Marne (2)

Université du Sud Toulon-Var

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer)

Risques terroristes

Rappel au Règlement

Vote électronique dans les établissements publics scientifiques

Discussion générale

Discussion des articles

Articles additionnels avant l'article premier

Article premier

Articles additionnels

Article 2

Article 2 bis

Article 3

Vote sur l'ensemble

Rémunération des salariés reclassés

Discussion générale

Discussion de l'article unique

Vote sur l'ensemble

Renvoi pour avis




SÉANCE

du mardi 4 mai 2010

93e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaires : M. Jean-Noël Guérini, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Félix Ciccolini, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1971 à 1989. Vice-président du Sénat, il présida nos séances de 1983 à 1986.

Organisme extraparlementaire (Candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de désigner le sénateur appelé à siéger au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement. Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission de l'économie à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 67 de la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il est disponible au bureau de la distribution.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à dix-huit questions orales.

Défiscalisation par l'investissement locatif

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le Gouvernement a décidé de recentrer la défiscalisation par l'investissement locatif sur les zones prioritaires, en tension. Ainsi devrait-on enfin voir disparaître cette offre pléthorique dans certaines zones. Beaucoup d'investisseurs ont été piégés par le précédent dispositif... Dans quelle mesure le zonage va-t-il garantir aux investisseurs que leurs appartements seront loués ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Désormais, seuls bénéficient du dispositif de défiscalisation les nouveaux programmes immobiliers réalisés dans les zones A, B1 et B2. Ce zonage, entré en vigueur le 4 mai 2009, ne retient que les communes où existent de fortes tensions sur le logement locatif.

Un agrément pourra, par dérogation, être accordé par le ministre du logement dans certaines communes de la zone C, au cas par cas, après examen précis de la situation. Les publicités pour de tels investissements devront désormais comporter un avertissement explicite, conformément à l'amendement que vous avez adopté au projet de loi sur le crédit à la consommation.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - J'ai bien noté qu'avaient été prises des mesures dissuasives pour que ne se reproduisent pas les situations dramatiques subies par certains de nos concitoyens, qui ne peuvent louer leur bien.

RN 124

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le désenclavement du Gers est un supplice de Tantale : depuis 1987, on nous annonce qu'enfin seront menés à bien les travaux de mise à deux fois deux voies de la RN 124 entre Auch et Toulouse. Régulièrement les financements font défaut. Cette fois, le prétexte d'un retard sur les 8 kilomètres séparant Auch d'Aubiet serait la survie du bombyx à cul noir !

Les Gersois aspirent à l'égalité des chances, alors qu'ils doivent se contenter de 20 kilomètres à deux fois deux fois ! S'il faut neuf ans pour 8 kilomètres, en dépit des crédits inscrits au plan de relance, on n'arrivera à Toulouse qu'en 2032 ! Ne décevez pas une nouvelle fois les Gersois.

M. le président.  - J'ai connu le même problème avec l'osmoderma eremita dans la Sarthe.

Mme Nathalie Goulet.  - Le pique-prune !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - La section Auch-Aubiet a déjà bénéficié de 4 millions dans le cadre du plan de relance. L'achèvement en 2012 est conforme à la norme vu les contraintes environnementales et la nécessité de ne pas interrompre la circulation. La RN 124 demeure prioritaire dans le programme de modernisation des itinéraires routiers.

M. Aymeri de Montesquiou.  - J'aurais aimé une réponse plus vigoureuse : vingt trois ans, c'est le supplice de Tantale. Vous avez mentionné 4 millions, un montant dérisoire. On construit des murs antibruit dans les villes mais on n'investit pas dans les territoires ruraux. Le Gers ne peut se contenter des 20 kilomètres de deux fois deux voies !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

RN 88

M. Jean Boyer.  - La route nationale 88 qui relie Toulouse à Lyon a été reconnue d'utilité publique en 1993 et sa mise à deux fois deux voies devait être réalisée dans les dix ans. A ce jour, seuls 40 % ont été réalisés. Ce devrait pourtant être un segment essentiel d'une diagonale européenne entre Séville et Varsovie.

Où en est l'expérimentation pilote des principes du développement durable ? L'Union européenne ne pourrait-elle soutenir ce projet ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Cette liaison est effectivement très importante. L'État a engagé une démarche expérimentale de « route durable » ; un comité de pilotage a été mis en place ; plusieurs opérations ont été menées comme le raccordement à l'A 75ou le viaduc de Rieucros à Mende; d'autres le seront bientôt comme la rocade ouest de Mende ou celle du Puy-en-Velay.

L'État reste très attaché à cette démarche partenariale inscrite dans l'esprit du Grenelle. Le comité de pilotage va bientôt se réunir pour envisager les nouvelles opérations.

M. Jean Boyer.  - De fait, on a avancé, mais il faut encore progresser sur cet axe très important pour l'aménagement du territoire.

Échangeur A4-A86

Mme Catherine Procaccia.  - Chaque jour, l'Ile-de-France recense 200 à 300 kilomètres de bouchons. Le tronçon de l'échangeur A4/A86 connaît une thrombose récurrente ; j'y étais encore prise tout à l'heure.

L'instauration d'une voie auxiliaire sur la bande d'arrêt d'urgence a contribué à fluidifier le trafic sans modifier l'infrastructure de l'autoroute. Cependant, cette voie est fermée depuis plusieurs mois parce que les glissières mobiles d'affectation n'ont toujours pas été réparées après deux accidents intervenus en décembre. On nous dit maintenant que cette réparation aurait lieu avant la fin du mois. Pourquoi avoir attendu cinq mois ? Pourquoi n'avoir pris aucune mesure préventive, comme de constituer des réserves de matériel ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Vous avez raison : l'instauration de la voie auxiliaire est efficace, respectueuse de l'environnement et moins coûteuse que des investissements lourds.

Les glissières sont en panne depuis deux graves accidents, intervenus les 17 et 31 décembre. Le problème vient du fait que ces glissières sont des prototypes : manquent donc des éléments de remplacement, qui seront opérationnels à partir de la mi-mai, après réponse aux appels d'offre.

Mme Catherine Procaccia.  - Mi-mai, c'est la semaine prochaine. Je n'ai pas encore vu le commencement des travaux... On aurait pu se contenter, provisoirement, d'un système d'annonces lumineuses, sans attendre de nouvelles glissières.

Limite d'âge dans la fonction publique

M. Michel Houel.  - Les ingénieurs de contrôle de la navigation aérienne subissent une limite d'âge de 57 ans. Certains d'entre eux, qui sont encore en excellente santé, souhaitent continuer à travailler. Pourquoi les en empêcher ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2009, les fonctionnaires peuvent, de façon générale, rester en activité jusqu'à 65 ans. Mais la loi du 13 septembre 1984 instaure une limite à 57 ans pour les contrôleurs aériens, conformément aux autres législations européennes.

On peut envisager une discussion avec les organisations syndicales de ces ingénieurs, sachant que notre espace aérien est commun avec celui de l'Allemagne et du Benelux, où la limite d'âge est de 57 ou 55 ans. Il faudra en parler avec nos partenaires.

M. Michel Houel.  - Souhaitons que cette concertation prospère.

Scolarité des handicapés

M. Antoine Lefèvre.  - Un groupe de travail a été mis en place en septembre pour étudier la professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire afin de leur offrir des perspectives de carrière. Or ce groupe ne s'est pas réuni depuis le 5 janvier, ce qui inquiète les familles des jeunes handicapés.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.  - Depuis cinq ans, nous avons beaucoup progressé et accru de 40 % la scolarité des enfants handicapés. Le Parlement a adopté l'an dernier une disposition prévoyant la possibilité d'une convention entre les associations et mon ministère pour prolonger l'activité des auxiliaires de vie scolaire. Mais l'objectif du Gouvernement est d'aller vers une professionnalisation de la fonction. Sa volonté d'aboutir est intacte. Le groupe de travail s'est réuni le 23 avril.

La fonction d'auxiliaire de vie scolaire au service des enfants handicapés permet d'accéder à des emplois de catégorie C dans les trois fonctions publiques et de se présenter aux concours.

Nous envisageons de signer une nouvelle convention nationale, à destination des auxiliaires de vie scolaire dont les compétences ont été reconnues par les inspecteurs d'académie, pour la rentrée 2010.

M. Antoine Lefèvre.  - Merci de cette réponse. Espérons que vous pourrez tenir vos objectifs à la prochaine rentrée.

Allocation équivalent retraite

M. Nicolas About.  - Certains bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite ne pourront faire face à des remboursements si cette allocation n'est pas pérennisée. Lorsque ces seniors ont été licenciés, les employeurs ont fait valoir que cette allocation leur permettait d'atteindre de manière décente l'âge de la retraite. Les seniors de plus de 57 ans et demi sont dispensés de recherche d'emploi, faute sans doute que les emplois qui leur seraient destinés soient en nombre suffisant. On ne peut modifier les règles pour les personnes déjà licenciées et en cours d'indemnisation ! Il faut pérenniser l'AER cette année, aux conditions en vigueur !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.  - L'allocation équivalent retraite va être prorogée jusqu'au 31 décembre 2010. De nouvelles ouvertures seront possibles pour ceux qui les auront demandées avant la fin de l'année et qui satisferont aux conditions : être demandeur d'emploi, avoir moins de 60 ans tout en ayant validé 160 trimestres, disposer de ressources inférieures à un plafond. Le Gouvernement reste très déterminé pour faire en sorte que les seniors cessent d'être considérés comme des variables d'ajustement pour l'emploi. Leur taux d'emploi s'est amélioré d'un point entre 2008 et 2009, un progrès modeste mais significatif pour un sujet déterminant.

M. Nicolas About.  - Je me réjouis de ces informations.

Fichage des incidents bancaires

M. René Vestri.  - Même après avoir régularisé leur situation, nombre de nos concitoyens ayant fait l'objet de difficultés de paiement restent inscrits au fichier central des incidents de paiement, une situation que la Cnil a jugée contraire au principe du droit à l'oubli. La banque doit désormais demander la radiation de ce fichier dans les deux jours après régularisation par le client. Faute sans doute d'information, de nombreux établissements bancaires n'ont pas mis en oeuvre cette avancée considérable des droits du consommateur.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - La Banque de France enregistre des demandes formulées par le GIE carte bancaire. La Cnil a obtenu en 2009 que soit modifiée la gestion de ce fichier, afin que les radiations interviennent dans les deux jours suivant la régularisation de la situation. Les établissements de crédit ont l'obligation d'informer les porteurs de cartes sur les modalités d'annulation. Grâce à quoi le nombre de plaintes des consommateurs devrait être considérablement réduit. Le GIE carte bancaire est chargé d'informer ses membre et doit procéder sans délai à la modification des comptes pour se conformer à la décision de la Cnil.

M. René Vestri.  - Merci

Haut Karabagh

Mme Nathalie Goulet.  - Le Haut Karabagh est un territoire de l'Azerbaïdjan occupé par l'Arménie. Les résolutions du Conseil de sécurité ne sont pas appliquées. Le représentant français au groupe de Minsk chargé du règlement de ce conflit s'est fait piéger par une traduction infidèle mais qui est devenue un fait d'actualité. Ainsi va la rumeur...

La diplomatie européenne s'active dans la région, où l'on applique le principe si vis pacem para bellum. Il est urgent que la France clarifie sa position sans négliger les intérêts légitimes de l'Azerbaïdjan.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Très attachée à la paix et à la stabilité dans le Caucase, la France joue un rôle actif pour résoudre la situation dans le Haut Karabakh.

Certains propos du co-président français du groupe de Minsk, l'ambassadeur Bernard Fassier, ont été déformés mais l'incident est clos.

Remontant à 1993, les résolutions de l'ONU ne peuvent suffire car le cessez-le-feu n'est intervenu qu'en 1995. Notre pays propose l'évacuation des territoires occupés, la reconnaissance par l'Azerbaïdjan d'un statut intermédiaire pour le Karabakh et le retour des réfugiés.

En 2008 et 2009, onze rencontres ont eu lieu entre les chefs d'États concernés mais la négociation s'est compliquée depuis le processus engagé entre l'Arménie et la Turquie.

La France est convaincue que la normalisation entre l'Arménie et la Turquie aurait une portée historique. Elle comprend les préoccupations de Bakou. Mais l'Azerbaïdjan n'a rien à craindre de ce processus dont il serait lui-même un des premiers bénéficiaires avec la Turquie et l'Arménie. Nous entretenons, au plus haut niveau, un dialogue constant et confiant avec les autorités azerbaïdjanaises.

Mme Nathalie Goulet.  - Je rentre du Haut Karabagh et de Bakou : les camps de réfugiés n'ont rien à envier à ceux de Palestine !

La situation ne pourra durer longtemps. Rien n'est plus souhaitable qu'un prochain voyage de M. Sarkozy à Bakou.

Frais de transports des personnes handicapées

Mme Nicole Bonnefoy.  - L'article 33 de la loi de financement pour 2010 ne prend pas en charge les frais de transport -parfois considérables- supportés par les familles pour les permissions de sortie d'un membre handicapé accueilli en foyer d'accueil médicalisé.

Je citerai l'exemple d'une famille modeste de Charente dont le fils de 35 ans réside en foyer médicalisé à 70 kilomètres du domicile familial : les parents, de condition modeste, n'ont rien perçu depuis avril 2009 alors qu'ils dépensent 400 à 500 euros par mois.

M. le président.  - Je souhaite la bienvenue à M. Tron, dont c'est la première intervention au Sénat.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Merci de vos aimables propos, monsieur le président.

A titre personnel, je suis très engagé dans ce dossier.

Le Gouvernement s'est engagé à trouver une solution pérenne au sujet abordé. Il a chargé la CPAM de constituer un groupe de travail pour trouver un dispositif plus satisfaisant que l'actuel, qui se limite aux établissements d'accueil de jour ; nous voulons aller plus loin.

Un éventuel non-respect du moratoire peut être signalé au conciliateur de la caisse primaire.

Enfin, la caisse nationale de compensation du handicap est susceptible de prendre en charge les frais de transport des personnes handicapées dans la limite de 2 400 euros par mois.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Je note que le Gouvernement va faire des propositions ; je note aussi que le non-respect du moratoire peut être soumis au conciliateur : nous le saisirons. Et en cas de besoin, nous saisirons Mme Morano.

Rapprochement familial des détenus

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le rapprochement familial joue un rôle décisif pour les proches des détenus, mais sa mise en oeuvre tarde, notamment pour les Corses détenus sur le territoire métropolitain, malgré l'article 34 de la loi pénitentiaire, qui rend possible leur transfèrement à Casabianda ou Borgo.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Le maintien des liens familiaux joue un rôle majeur dans l'affectation des détenus. Votre demande porte sur des personnes en attente de jugement. Mais il faut aussi prendre en compte les caractéristiques des établissements : ainsi, celui de Casabianda ne reçoit que des condamnés, en particulier pour des crimes sexuels.

Depuis 2006, tous les nouveaux établissements comportent des unités familiales et dans la mesure où le foncier le permet, nous faisons en sorte qu'il y en ait aussi dans les prisons préexistantes.

Une attention particulière est portée aux détenus originaires de territoiresnon métropolitains. Depuis son ouverture en novembre 2003, 165 condamnés d'origine Corse ont été transférés de la métropole vers le quartier de détention du centre pénitentiaire de Borgo.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous sommes fiers du principe posé de l'article 34 et attendons avec impatience le décret qui le rendra effectif. Corses, Bretons, Basques et autres sont un peu des détenus politiques ; il faudrait en tenir compte.

TGI de Strasbourg

M. Roland Ries.  - Une série de décrets pris fin 2009 a spécialisé les juridictions, avec une exclusion inacceptable du TGI de Strasbourg en matière de droit intellectuel. Pensez à la convention de Strasbourg sur l'unification du droit des brevets d'invention ! Son TGI est une référence nationale et européenne en la matière. La décision prise fragilise le statut de capitale du droit dont bénéficie Strasbourg, ce qui est inacceptable pour les élus de gauche comme de droite.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Le contentieux de la propriété intellectuelle est spécialisé, conformément à un schéma de juridictions régionales établi en fonction du nombre d'affaires. Conscient des inquiétudes suscitées par ce transfert de compétences, le Gouvernement va étudier dans la concertation les moyens de le compenser..

M. Roland Ries.  - Cette dernière phrase ouvre une perspective appréciable. Mais que devient le projet de pôle de compétence en propriété intellectuelle ?

Quid également de la transformation du palais de justice de Strasbourg ? Il remonte à l'époque allemande ; sa modernisation coûterait quelque 60 millions, Les collectivités locales se sont déjà engagées à hauteur de 7,5 millions, mais cela ne semble pas suffisant. Où en est ce dossier ?

Stages étudiants

M. Marc Laménie.  - La loi du 24 novembre 2009 a réduit à deux mois la période minimale du stage étudiant impliquant une gratification par l'établissement d'accueil, qui rend plus ardue la recherche d'un lieu de stage. Comment améliorer cette situation ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Les stages effectués par des étudiants en entreprise doivent être rémunérés depuis la loi de 2006 sur l'égalité des chances, une obligation étendue au secteur public en 2009.

Cette gratification répond à une demande des étudiants, sans introduire de confusion avec l'emploi salarié.

Pour faire face aux difficultés induites par ce dispositif, certains cursus ont été dispensés de gratification obligatoire par la loi HPSTou par la proposition de loi de M. About et de Mme Demarescaux adoptée jeudi dernier par le Sénat. En outre, l'Igas et l'inspection générale de l'éducation nationale doivent remettre sur ce sujet un rapport dont le Gouvernement tirera les conclusions.

M. Marc Laménie.  - Merci pour cette réponse. Espérons que le rapport dégage des solutions.

M. le président.  - Je vais suspendre la séance jusqu'à l'arrivée de Mme Pécresse.

Mme Nicole Bricq.  - Il ne revient pas au Parlement de se plier aux horaires du Gouvernement !

M. le président.  - Les orateurs ont été plus concis que d'habitude, et Mme Pécresse fait diligence...

La séance, suspendue à 11 h 5, reprend à 11 h 20.

Établissements de soins en Seine-et-Marne (1)

Mme Nicole Bricq.  - La Ddass de Seine-et-Marne ayant fermé l'unité de l'hôpital intercommunal sise à La Ferté-sous-Jouarre, sans concertation avec l'hôpital de Jouarre, le conseil municipal de La Ferté-sous-Jouarre a massivement demandé qu'une réflexion soit engagée dans l'esprit de la loi HPST, entre l'État, l'ARH, les collectivités territoriales et les professionnels concernés !

L'État a pris une décision sans en avoir mesuré les conséquences.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Je vous prie d'excuser mon retard : je remplacerai Mme Bachelot, empêchée.

La restructuration de l'hôpital de Jouarre fait suite à une enquête ayant conduit à en construire un nouveau après le regroupement de plusieurs sites pour mieux satisfaire les besoins des habitants. L'offre de soins est ainsi accrue et la distance n'est pas bien grande : trois kilomètres seulement.

Mme Nicole Bricq.  - Le nouvel établissement de Jouarre est redimensionné et il revient aux collectivités locales de le financer. Il faut donc rendre l'offre de services plus complémentaire. Comme vous êtes bien placée pour le savoir, cette affaire a été instrumentalisée lors de la dernière campagne électorale.

Anciennement ARH, l'ARS a reprise les compétences de l'ancienne Ddass. Espérons qu'elle saura répondre aux besoins locaux.

Établissements de soins en Seine-et-Marne (2)

M. Michel Billout.  - Je me concentrerai sur l'exemple emblématique du service de radiothérapie de Forcilles, dont l'ARH a décidé en mars la fermeture, quatre mois après une décision contraire ! Le juge des référés de Melun a donc suspendu cette décision à la légalité douteuse.

D'inspiration purement comptable, le plan Cancer conduit à fermer les centres traitant moins de 600 patients par an. Réserver ce sort à celui de Forcilles porterait atteinte à la qualité des soins et imposerait des transports coûteux, à la charge de la sécurité sociale.

Quelle est la position du Gouvernement sur le centre de radiothérapie de Forcilles ? Une logique purement comptable peut-elle convenir à une politique de santé digne de ce nom ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - L'activité de traitement du cancer et de radiothérapie a été réorganisée en 2007 selon des critères à la fois qualitatifs et quantitatifs. En matière de radiothérapie, la logique à l'oeuvre n'était pas purement comptable : il s'agit de faire en sorte que ne se reproduisent pas des accidents aussi graves que ceux survenus à Épinal ou Toulouse, qui avaient ému les Français. La sécurité impose, entre autres, qu'un centre de radiothérapie passe au moins 600 patients par an. On en était loin à Forcilles ! L'ARH n'a pas pour cela donné suite à la demande d'autorisation du centre, décision que le tribunal administratif a suspendu en référé ; l'établissement peut continuer à exercer son activité jusqu'au jugement au fond. Quelle que soit la décision de ce dernier, le centre doit se recentrer sur son domaine d'excellence : les soins de suite et de réadaptation.

M. Michel Billout.  - Jamais ce centre n'a fait l'objet de critiques sur la question des soins dispensés. Département le plus rural d'Ile-de-France, la Seine-et-Marne mérite une attention plus fine que la simple application de critères comptables.

Université du Sud Toulon-Var

M. Pierre-Yves Collombat.  - Depuis la plainte, fin 2008, pour trafic de diplômes, l'université du Sud Toulon-Var vit des heures difficiles même si l'Inspection générale a conclu à l'absence d'un tel trafic. Cette université doit retrouver un fonctionnement normal, avec des responsables élus conformément à la loi sur l'autonomie des universités. L'administrateur provisoire nommé par le ministère, peu enclin à rechercher l'apaisement, reconnaît lui aussi l'absence du trafic supposé de diplômes, mais évoque depuis le mois de mars une affaire d'immigration et de trafic de visas.

N'y a----il pas un peu d'improvisation dans tout cela ? A quand un fonctionnement normal de cette université ? A quand l'élection de son président ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Je n'ai d'autre intention que protéger cette université et de lui faire retrouver la sérénité nécessaire à un bon fonctionnement. Dès que j'ai été informée des soupçons de fraude sur l'accueil d'étudiants étrangers, j'ai diligenté une enquête de l'Inspection générale. Une procédure judiciaire a parallèlement été lancée, qui suit son cours. Le premier rapport de l'Inspection a mis au jour de graves irrégularités dans la procédure d'inscription d'étudiants chinois, recalés dans d'autres universités mais acceptés à Toulon en mastère 2. Une procédure disciplinaire a alors été ouverte, dont le terme est proche.

J'ai été amenée à suspendre temporairement le président et deux vice-présidents de l'université à la suite de pressions et d'intimidations à l'encontre de personnels de l'université, de nature à entraver le travail de l'Inspection. Le procureur de la République a à nouveau été saisi. L'affaire est très grave, qui peut entacher la réputation de l'université et semer le doute sur la politique d'accueil des étudiants étrangers. L'administrateur provisoire accomplit sa tâche dans un esprit de responsabilité et d'apaisement. Cette malheureuse affaire a suscité la création d'une mission complémentaire d'inspection, conjointe avec le ministère des affaires étrangères, sur les conditions d'accueil des étudiants chinois.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne vous ai pas interrogée sur les fautes supposées des anciens responsables ; je ne connais pas le dossier et n'ai pas l'intention de m'en mêler -même si je constate une étonnante variation des chefs d'accusation.

Le calme est revenu ; qu'attendez-vous pour organiser les élections ? Cela vous traumatise-t-il ? Ou l'administrateur est capable de rétablir l'ordre, ou il ne l'est pas !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Mon souhait est que la procédure disciplinaire puisse se dérouler dans la sérénité. Il y a eu des pressions pour empêcher certains de témoigner devant la justice. La procédure judiciaire doit être achevée avant les élections.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Disciplinaire ou judiciaire ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Disciplinaire !

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le montant l'Ifer qui pèse sur les entreprises de réseaux est élevé alors que les frais de gestion augmentent. Cela risque de remettre en cause les fondements d'un paysage médiatique parmi les plus diversifiés et les plus pluralistes au monde. On va contre le principe de la liberté de communication établi par la loi Fillioud de 1982.

A l'occasion du collectif de février dernier, le Sénat a souhaité que les radios associatives soient exemptées de cette taxe, ce qui sauvera les plus vulnérables. Mais quid des autres radios indépendantes ? Les diffuseurs de programmes radiotélévisés sont des acteurs économiques locaux précieux.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser le ministre de la culture. Les radios associatives ne paieront pas l'Ifer. Les autres, qui étaient soumises à la taxe professionnelle, en seront redevables. Toutefois, des dispositifs sont prévus pour en évaluer les effets de l'Ifer sur les opérateurs au regard du régime auquel ils étaient antérieurement soumis. Un dégrèvement pourra être demandé si la somme de la contribution économique territoriale, des taxes consulaires et de l'Ifer due en 2010 est supérieure de 500 euros et de 10 % de l'ancienne taxe professionnelle et taxes consulaires.

Cette mesure est donc précisément encadrée et des ajustements pourront avoir lieu. Un rapport sera d'ailleurs prochainement remis au Gouvernement sur le sujet.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - J'admire le départ précipité du ministre concerné. En aéronautique, on appelle cela un touch and go...

Je vous ai entendue. Encore faudra-t-il que les réseaux concernés se livrent à un parcours du combattant administratif ! Il y a deux poids deux mesures entre les grands médias d'une part et les réseaux locaux d'autre part.

Risques terroristes

Mme Bariza Khiari.  - En janvier, la France a classé l'Algérie dans la liste des zones à risque terroriste, ce qui a pour conséquence des contrôles humiliants pour les Algériens.

Pourquoi s'aligner ainsi sur les États-Unis ? En 2003, la France avait su marqué plus d'indépendance. Le Gouvernement algérien, avec lequel la France a signé en 2008 un accord contraignant et ambitieux de lutte contre le terrorisme, fait tous ses efforts pour affaiblir les mouvements intégristes. M. Claude Domeizel, président du groupe d'amitié France-Algérie, et moi-même, qui en suis la vice-présidente, sommes préoccupés par les conséquences d'une décision unilatérale peu appréciée par l'Algérie et qui ne peut que détériorer nos relations avec ce pays. Quelles sont les raisons de ce classement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser M. Hortefeux. Les services de police doivent avoir la connaissance la plus fine possible des déplacements internationaux. La loi du 23 janvier 2006 les autorise à se faire communiquer par les transporteurs les informations relatives aux réservations et aux contrôles. Le Gouvernement a mis en oeuvre ces dispositions en oeuvre à titre expérimental pour les vols à destination et vers les pays hors Union européenne. Un fichier des passagers du transport aérien a été mis en place pour deux ans en décembre 2006. L'expérimentation, qui concernait cinq États, a été élargie par arrêté du 28 janvier 2009 à deux autres, dont l'Algérie. Elle sera progressivement généralisée.

Cela n'implique aucun jugement sur la situation interne de tel ou tel pays, mais la tentative récente d'attentat sur un vol Amsterdam-Détroit montre la réalité de la menace terroriste. Il faut tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité des passagers aériens. Le dispositif en cause, expérimenté dans le strict respect des libertés publiques, est un instrument de prévention.

Mme Bariza Khiari.  - Je comprends qu'on prenne des mesures contre le terrorisme. Mais votre réponse froidement administrative ne tient aucun compte des liens historiques entre nos deux pays. Ces mesures discriminatoires ne favorisent pas le rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée. Quel sens reste-t-il à parler dans ces conditions de l'Union pour la Méditerranée ?

La séance est suspendue à midi.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance reprend à 14 h 35.

Rappel au Règlement

M. Gérard Longuet.  - Je souhaite que la séance soit suspendue à 17 heures, le groupe UMP devant être reçu par le Président de la République.

M. le président.  - Nous essaierons d'achever avant 17 heures l'examen de la première proposition de loi.

M. David Assouline.  - Sénateur novice, je m'étonne que le Président de la République, recevant non le Sénat mais le groupe de ses partisans, organise une telle confusion de l'exécutif et du législatif.

M. le président.  - En d'autres temps, le groupe socialiste avait formulé avec succès une demande analogue.

Vote électronique dans les établissements publics scientifiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à permettre le recours au vote électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Discussion générale

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - L'Université doit être moderne, transparente et responsable, en l'occurrence pour l'élection des représentants des étudiants. Le CNRS et le Conseil national des universités utilisent déjà ce mode moderne de scrutin. Comme 92 % des étudiants disposent à domicile d'un ordinateur connecté à internet, le vote électronique ne rencontre aucun obstacle matériel.

Qui pourrait se satisfaire d'une participation proche de 15 % ? Les causes de l'abstention sont multiples, à commencer par l'éloignement du bureau de vote. La transparence du système y gagnera aussi, alors que le système actuel s'accompagne de nombreuses fraudes. A la vérité, l'enjeu est la participation des étudiants à la vie de leur université. De surcroît, le vote électronique pourrait économiser 15 % des dépenses électorales actuelles.

Je me réjouis donc d'une proposition de loi apportant un souffle nouveau à la démocratie étudiante. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission de la culture.  - Cette proposition de loi tend à faire sauter un verrou législatif interdisant le vote à distance par voie électronique, assimilé à un vote par correspondance.

Les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger sont élus par voie électronique, comme les conseillers prud'hommes de Paris et les délégués du personnel et aux comités d'entreprise. Ainsi 22 000 salariés de la SNCF ont pu élire leurs délégués, à la satisfaction de 75 % d'entre eux.

Il est donc paradoxal d'interdire le scrutin électronique à distance aux 2,2 millions d'étudiants, dont 6 à 22 % seulement participent aux élections étudiantes, d'autant que la nouvelle gouvernance des universités a renforcé l'enjeu des élections qui désignent les trois conseils de chaque établissement.

Cette proposition de loi donne aux universités le choix entre le support papier et le scrutin électronique.

Je vous propose un vote conforme, car les réticences sont principalement culturelles : le vote électronique paraît manquer de transparence, donc de visibilité.

Comme le commerce en ligne, le vote électronique fera bientôt tâche d'huile. Le taux d'équipement est déjà suffisant parmi les intéressés. En outre, 75 % des étudiants utilisent internet de façon quasiment quotidienne.

Certes, le vote électronique n'est pas l'alpha et l'oméga de la démocratie universitaire...

M. Ivan Renar.  - Ah bon !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - ...mais il peut y contribuer, à condition bien sûr d'éliminer tout risque pesant sur la sincérité du vote à cette échelle.

Parmi nos interlocuteurs, l'Unef seule a formulé des réserves. Nous devrons bien sûr concilier l'identification des votants et le secret de leur vote, comme l'a recommandé la Cnil.

Je mentionnerai aussi une meilleure information sur les enjeux du scrutin : à défaut, l'abstention ne régressera pas.

Enfin, le comité électoral consultatif devra intervenir dans la mise en oeuvre de ce texte. Madame le ministre, sensibilisez les équipes dirigeantes des universités à la nécessité d'accompagner cette novation ! (Applaudissements à droite)

M. Ivan Renar.  - Le vote électronique est présenté comme un moyen de réduire l'abstention massive des étudiants. Or, la participation a reculé de 12 points au CNRS lorsque le vote y a été organisé sur le mode électronique.

Ce vote électronique suscite la défiance en raison ds fraudes possibles. Pour élire leurs représentants, nos compatriotes résidant à l'étranger ont préféré le papier, dans une proportion croissante.

L'expérience de Nantes ne sera pas renouvelée faute d'avoir donné satisfaction.

Sur le plan des principes, le vote électronique interdit aux simples citoyens de vérifier la sincérité du résultat, d'éventuelles manipulations ne soulevant guère de difficultés techniques. Les experts qui se sont penchés sur la question reconnaissent que le vote par internet n'est pas fiable. En outre, les audits à la charge des universités ou grandes écoles absorberont les économies.

Pourtant, nous partageons l'intention des auteurs du texte, qui veulent combattre une panne civique nuisible à la vie démocratique. Habituer les étudiants à se rendre aux urnes est souhaitable ; il faut donc favoriser l'organisation de véritables campagnes électorales. Il convient aussi d'étaler la consultation sur plusieurs jours.

Enfin, il convient de renforcer la représentation des étudiants et du personnel IATOS aux conseils d'administration des universités.

Ces mesures de bons sens auraient une autre portée qu'une simple modification technique, contre laquelle nous voterons. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - M. Longuet a protesté ces jours-ci contre les ordres du jour surchargés de textes sur l'utilité desquels on s'interroge. Nous devons donc nous demander à quoi sert le texte qui nous est présenté. But avoué : cette proposition de loi va réduire l'abstention aux élections universitaires, alors que les enseignants et les IATOS votent respectivement à 65 et 60 %. Les causes de l'abstention des étudiants sont sociologiques : les étudiants ne passent pas tout leur temps à l'université, qu'ils quitteront bientôt -pour moitié avant la fin du premier cycle. Il n'y a pas de véritable vie étudiante dans notre pays, faute de campus analogue à ce qui existe ailleurs. Une seule organisation étudiante est défavorable ? Elle est majoritaire ! Et c'est elle qui se démène pour que les étudiants soient informés sur la vie de leur établissement. Le changement technique est donc hors sujet.

M. Renar a montré que loin d'améliorer la participation, l'instauration du vote électronique s'était accompagnée d'une diminution de celle-ci.

La modernité ? Je ne suis pas le plus réticent face à la révolution numérique, (on en convient sur le banc de la commission) mais il faut conserver du sens aux relations humaines et à la démocratie. Mon rapport, adopté à l'unanimité de la commission, préconise une éducation aux technologies numériques car la liberté n'est pas l'abandon.

Ici, l'inégalité d'accès atteindrait un niveau inédit. Vous proposez de voter sans aucune forme d'isoloir.

Comment éviter toutes les sortes de fraude que l'outil informatique rend possibles, à commencer par l'usurpation d'identité ?

M. Nicolas About.  - Vous ne faites pas cela au PS, tout de même ? (Sourires à droite)

M. David Assouline.  - Non, il faut l'empêcher ! Jamais le vote depuis le domicile n'a été envisagé dans le champ politique.

Puisque la lutte contre l'abstentionnisme n'y est pour rien, pas plus que la transparence, le but inavoué est-il de gêner le syndicat étudiant majoritaire ? Ce que vous proposez aiderait les multiples petites listes dérisoires qui ne peuvent attirer les électeurs dans les isoloirs et ne sauraient les représenter véritablement dans les conseils. La démocratie étudiante est vivifiée par les organisations responsables.

Si attachés que nous soyons à la modernité technique, nous nous opposerons à cette réforme. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Françoise Laborde.  - Nous devons examiner aujourd'hui un texte anecdotique par rapport aux enjeux de l'enseignement supérieur et de la recherche. Où sont les priorités politiques ?

Le vote électronique ne fait pas encore l'objet d'un consensus : ses défenseurs invoquent la modernité, ses détracteurs critiquent le manque de sincérité, de sécurité et de transparence, outre l'inégalité entre établissements.

La participation des étudiants est structurellement faible, puisqu'elle tourne autour de 15 %. Ce manque d'engagement civique est général, il a été constaté dans les élections politiques, et dernièrement aux régionales. C'est pourquoi notre groupe a déposé une proposition de loi instituant un service civique pour renforcer l'implication des jeunes dans la vie de la nation.

Le texte d'aujourd'hui ne redressera pas la participation aux élections universitaires, bien que le vote électronique fasse partie de la modernité. Considérant qu'une avancée infinitésimale n'est pas un recul, les membres du RDSE voteront ce texte.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - (Applaudissements à droite) Cette proposition de loi fait progresser la démocratie universitaire puisque la participation des étudiants avoisine 15 %, avec de grandes variations. Pourtant, l'enjeu des élections est considérable depuis la réforme des universités qui a accru leur autonomie.

Outre une désaffection pour les élections, l'abstention des étudiants s'explique aussi par l'interdiction du vote par correspondance.

Grâce au présent texte, les étudiants pourront utiliser le vote électronique, après d'autres scrutins électroniques au bilan très positif. Ainsi, 75 % des salariés de la SNCF se sont déclarés satisfaits par l'instauration du vote électronique pour leurs élections professionnelles.

Notre rapporteur a insisté sur le respect des préconisations de la Cnil. Dans ces conditions, nous ne connaîtrons plus les fraudes d'un autre temps.

Écologiquement satisfaisant, le nouveau système apportera un gain de temps et d'argent aux universités qui le retiendront.

Nous faisons toute confiance au Gouvernement...

M. David Assouline.  - Vous ne devriez pas !

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - ...pour les mesures réglementaires permettant de conforter la démocratie étudiante. (Applaudissements à droite)

Mme Claudine Lepage.  - Nous avons déjà relevé la profonde ambiguïté de nos relations à internet. Quoi de plus naturel que d'autoriser à élire par voie électronique à distance les membres des instances universitaires ? Méfions-nous des évidences trompeuses. (Marques de déception à droite)

Les étudiants doivent-ils essuyer les plâtres d'un vote dont la sincérité est sujette à caution ? De prime abord, je suis séduite par le vote électronique à distance car j'y vois le meilleur moyen d'associer à la vie démocratique deux millions de nos concitoyens résidant à l'étranger.

Les expériences menées lors des élections au Conseil supérieur des Français de l'étranger ne sont pas concluantes. En juin 2009, à peine 20 % de ces électeurs ont voté : le vote électronique n'a pas endigué l'abstention -c'est même le contraire pour les circonscriptions d'Amérique et d'Afrique.

Cette expérience est certes particulière, mais elle est corroborée par d'autres, comme les élections au conseil d'administration du CNRS où l'abstention s'est accrue. La cause en est sans doute la complexité des procédures mises en place à la demande de la Cnil pour améliorer sécurité et sincérité du vote. Il est illusoire de penser que l'abstention étudiante serait influencée par les modalités du vote. Le phénomène se manifeste lors de tous les scrutins. Le vote électronique ne peut être considéré comme la panacée high tech. La conscience politique, le sentiment d'appartenir à une collectivité doivent se forger précisément à cet âge. Cela mérite une réflexion de fond. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles additionnels avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 712-3 du code de l'éducation, les mots : « vingt à trente » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq à trente-cinq ».

M. David Assouline.  - Nos interlocuteurs de 2007 nous ont fait part de leur souhaite de voir relever le nombre de membres du conseil d'administration, sans pourtant aller jusqu'à l'armée mexicaine de 60 membres. Davantage d'élus, davantage de représentants étudiants, ce serait une incitation à voter.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - L'amendement n'a qu'un lien très distendu avec cette proposition de loi. Il n'est pas question de détricoter la loi LRU à l'occasion de cette proposition de loi. Néanmoins, la commission a donné un avis favorable ce matin parce que certains collègues de la majorité n'ont pu la rejoindre à temps. J'avais suggéré, en harmonie avec le président de la commission, un avis défavorable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis négatif.

M. David Assouline.  - J'espère que le rapporteur ne va pas nous proposer le vote électronique en commission ! Dans une démocratie, le vote est celui des présents. Lorsque la majorité n'est pas majoritaire, elle manque à son devoir.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.  - Il est exact que ce matin nos collègues venant du sud ont eu un problème d'avion, ce qui a changé la majorité pendant la réunion. Nous dirons simplement que la commission a donné un avis favorable, puisque c'était le cas, mais que le rapporteur et le président de la commission étaient contre. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième à cinquième alinéas du I de l'article L. 712-3 du code de l'éducation sont ainsi rédigés :

1° De 40 % à 45 % des représentants des enseignants chercheurs et des personnels assimilés, des enseignants et des chercheurs nommés dans l'établissement, dont la moitié de professeurs des universités et personnels assimilés ;

2° De 20 % à 30 % de personnalités extérieures à l'établissement ;

3° De 20 % à 25 % de représentants des étudiants ;

4° De 10 % à 15 % de représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service nommés dans l'établissement.

M. David Assouline.  - Il faut convaincre les étudiants qu'il vaut la peine de voter ! Contrairement à une représentation déterminée en valeur absolue, l'expression en pourcentage des représentants élus des différents collèges permet d'éviter de trop grandes disparités d'une université à l'autre et assurerait une meilleure représentation des différents collèges au sein du conseil d'administration.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les troisième à cinquième alinéas de l'article L. 712-3 du code de l'éducation sont ainsi rédigés :

« 2° De trois à cinq personnalités extérieures à l'établissement ;

« 3° De six à sept représentants des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue inscrits dans l'établissement ;

« 4° De trois ou quatre représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques et des bibliothèques, en exercice dans l'établissement.

M. Ivan Renar.  - La relation entre vote électronique et participation est loin d'être établie. Nous nous étonnons de voir subitement l'UMP et le Gouvernement se soucier de la démocratie étudiante. Si tel est vraiment son objectif, il faut accepter que le conseil d'administration soit plus représentatif.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - L'amendement n°2 revient sur la loi LRU de 2007 ; la commission lui a donné un avis favorable, contrairement à mon avis, dans les conditions que nous avons dites toutes à l'heure.

Même avis défavorable à l'amendement n°13.

Mme Valérie Pécresse, ministre. - Mêmes avis à ces remises en cause de la loi LRU.

L'amendement n°2 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13.

Article premier

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le vote électronique, peu fiable, est le moins à même de garantir les conditions d'exercice d'un vote démocratique. Il ne permet pas de faire progresser la participation au vote, quelle que soit l'élection, et ne résoudra en rien la panne civique qui affecte ici le vote étudiant. La fracture numérique est, en outre, un facteur d'inégalité entre étudiants et entre universités. Le bureau de vote, avec l'urne, doit être dans un lieu, celui-là même qui est l'enjeu du vote : l'université. Ne prenons pas le risque de limiter l'expression démocratique au seul espace numérique.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - La commission ne peut se faire hara-kiri en acceptant des amendements de suppression.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis défavorable.

M. David Assouline.  - Nous souhaitons améliorer le dispositif mais puisque nous voterons contre ce texte, nous nous rallions à cet amendement.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le conseil d'administration de l'établissement est consulté sur le choix du vote par voie électronique et sur ses modalités de mise en oeuvre.

M. David Assouline.  - La Cnil, dans sa délibération de juillet 2003, a préconisé un certain nombre de dispositions pour garantir le secret, la sincérité et l'intégrité du scrutin. Le décret du 3 décembre 2004 est si complexe que seules les universités Lyon II et de Nantes l'appliquent.

Notre amendement de bon sens donne au conseil d'administration de l'établissement un droit de regard sur le choix du système et les modalités de mise en oeuvre du vote électronique ; il reprend l'article 4 du décret de 2004. Il n'y a pas là lieu à clivage politique. Sinon, à quoi sert le Sénat ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Cette disposition est redondante avec celles sur la consultation du comité électoral consultatif. Rien n'interdit au président du conseil d'administration de ledit conseil.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - De fait, l'amendement est satisfait par le décret : retrait, sinon rejet.

M. David Assouline.  - Vos deux argumentations ne sont pas identiques ! Dites clairement que les conseils d'administration seront consultés ! Le rapporteur nous dit que le texte n'interdit pas la démocratie : moi, je veux la rendre obligatoire. En ce domaine, il ne faut pas craindre faire preuve d'autorité.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je n'imagine pas les présidents ne pas consulter leur conseil d'administration. Vous souhaitez que je le précise ; je dis que cela va de soi. Et n'oubliez pas que les universités sont désormais autonomes.

M. David Assouline. - Ce n'est pas très clair. Je maintiens l'amendement.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, après la deuxième phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

Un cahier des charges est établi pour la prestation de services de conception et de mise en oeuvre du vote électronique. Il est soumis au  conseil d'administration.

M. David Assouline.  - Nous insérons dans la loi les préconisations de la Cnil. Je vous fais grâce de ses développements sur ces exigences indispensables à la sincérité du scrutin. Il peut aller de soi que ses recommandations seront respectées mais mieux vaut le dire expressément, sauf à accepter des scrutins sujets à caution.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Le conseil d'administration a d'autres tâches, plus stratégiques. Et cet amendement ne relève pas du niveau législatif. La commission est favorable dans les conditions que j'ai dites tout à l'heure : contre l'avis de son rapporteur et de son président.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis défavorable.

M. David Assouline.  - Toutes les parties doivent pouvoir valider l'organisation d'un vote électronique, y compris le choix du prestataire. L'UMP a fait récemment une expérience sur laquelle certains des protagonistes ont émis des doutes.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le système de vote par voie électronique garantit la séparation des données à caractère personnel des électeurs et des votes.

M. David Assouline.  - La Cnil souhaite qu'il soit impossible de faire le lien entre le nom de l'électeur et de l'expression de son vote. Ne me dites pas que c'est du domaine réglementaire : la protection de la liberté d'opinion et d'expression est de valeur constitutionnelle, entre la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Le législateur a confié à la Cnil le soin de fixer les règles qui n'ont pas vocation à figurer dans les textes législatifs. Les présidents d'université devront évidemment les respecter. Avis défavorable.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - L'article premier précise que le vote électronique doit se faire conformément aux recommandations de la Cnil. Les universités agiront en conséquence. Le caractère secret du vote est évidement un principe à valeur constitutionnelle. Défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le système de vote par voie électronique permet le chiffrement du bulletin de vote de manière ininterrompue du poste de l'électeur jusqu'au dépouillement de l'urne.

M. Claude Domeizel.  - Changeons d'accent ! (Sourires) Conformément aux prescriptions de la Cnil, cet amendement préserve la sincérité du scrutin et le secret du vote.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

A l'ouverture du scrutin, il est procédé publiquement aux scellements de l'urne et du dispositif de vote par voie électronique.

M. Claude Domeizel  - Cet amendement est lui aussi conforme aux recommandations de la Cnil. Le décret du 18 juin 1985 prévoit que des scellés doivent être apposés sur les urnes dès que le vote s'étend sur plus d'une journée ; au regard de la spécificité du vote électronique, il n'y a pas lieu d'établir une durée minimale. L'amendement couvre les deux modes de votation.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - L'avis reste défavorable.

Mme Valérie Pécresse, ministre  - Même avis.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. David Assouline  - Vous ne verrez pas un de nos amendements auquel la commission des finances a opposé l'article 40. Il est anormal que la procédure d'irrecevabilité puisse être appliquée de manière discrétionnaire, sans même que l'on connaisse les critères utilisés. Tous les amendements que nous venons de présenter auraient coûté un peu d'argent et ne sont pas tombés sous le coup de l'article 40 ; un autre est tombé, qui ne coûtait pas plus cher. En toute incohérence !

La commission des finances nous a dit que le coût de l'application des recommandations de la Cnil n'était pas inscrit au budget : voilà qui contredit l'argumentation du Gouvernement !

La coupe est pleine ! Je trouve insupportable que la commission des finances puisse trancher ainsi. M. Legendre en est si conscient qu'il a demandé à son collègue des finances de venir nous expliquer une logique que personne ne comprend.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Nous partageons ce souhait de bien comprendre les règles du jeu. Plus tôt le président Arthuis nous aura expliqué les critères qu'il applique, mieux cela vaudra.

M. Claude Domeizel.  - La question n'est pas de savoir qui est moderne et qui est ringard ; notre ami Assouline n'est pas tout à fait un retardataire en matière technologique !

Le vote est un acte citoyen, qui impose le déplacement de l'électeur et la rencontre. C'est pourquoi j'espère bien que le vote électronique à distance ne sera pas généralisé aux scrutins politiques.

Quelle sera l'attitude des étudiants pour les votes politiques ? Ne seront-ils pas incités à l'abstention, eux qui auront pris l'habitude du vote électronique ? C'est pour cette raison pédagogique que je voterai contre cet article premier. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Ivan Renar.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Je rassure M. Assouline : la machine à voter fonctionne très bien dans ma commune depuis cinq ans.

M. Claude Domeizel.  - Mais on se déplace !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Oui, et l'on peut organiser un isoloir autour de la machine à voter.

Le Conseil constitutionnel a imposé une nouvelle procédure d'application de l'article 40 ; la décision de la commission des finances ne donne pas lieu à débat. Il ne peut y avoir mise en cause de son président, ni discussion sur ses décisions. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Ivan Renar.  - J'ai été crucifié par la suppression de deux amendements par la commission des finances. (Exclamations à droite) Je refuse ce que je considère comme une censure. Je donne acte de ses propos au président de la commission de la culture, au sein de laquelle nous avons l'habitude de nous écouter mutuellement.

Mon premier amendement menacé visait à informer complètement les étudiants de la date et des enjeux de l'élection ; le second mettait en place une vraie campagne électorale au sein de l'université. L'amputation que j'ai subie est une distorsion inacceptable dans l'application du Règlement. En bonne logique, c'est toute la proposition de loi qui devrait être frappée par l'article 40. On marche sur la tête !

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Je ne mets pas en cause le président de la commission des finances ni ne réclame un débat. Ce que je souhaite, c'est une information de tous sur critères mis en oeuvre.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Je réponds à M. Domeizel sur le déplacement. Les jeunes ne lisent guère ; je suis persuadé que les nouveaux outils technologiques les amèneront à la lecture et qu'ils reviendront plus tard aux supports traditionnels. J'ose penser qu'ayant pris goût, étudiants, au vote par voie électronique, ils voteront davantage.

L'article premier est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début du cinquième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation, il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Les étudiants inscrits dans un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel sont inscrits d'office sur les listes électorales de cet établissement. »

M. Claude Bérit-Débat.  - Cet amendement donne une base légale à l'automaticité d'inscription des étudiants sur les listes électorales, qui figure dans le décret du 18 janvier 1985, celui-ci n'étant semble-t-il pas applicable en l'état au vote électronique.

En outre, aucune loi ne serait nécessaire pour supprimer l'inscription automatique sur les listes électorales. Cet amendement ne coûte rien et fera même réaliser des économies.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Le collège comprend les étudiants régulièrement inscrits. Bien que l'amendement soit satisfait, la commission l'a accepté dans les conditions que l'on sait... Le Gouvernement peut-il nous assurer que le décret s'applique vraiment ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - L'inscription est automatique et la rectification de droit jusqu'au jour du scrutin de droit. Retrait ou rejet.

M. Claude Bérit-Débat.  - Le vote électronique n'est pas pris en compte par le droit existant : l'inscription obligatoire le resterait-elle avec le recours à internet ? J'ai un doute.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Il n'y a aucun doute. Même si le vote électronique n'est pas mentionné, les conditions d'exercice du droit de suffrage s'appliquent de fait.

M. Claude Bérit-Débat.  - J'espère que vous avez raison.

L'amendement n°9 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les listes électorales sont affichées, dans les locaux de l'établissement, au moins vingt jours avant la date du scrutin. »

M. Claude Domeizel.  - M. le rapporteur a mentionné le fait de « prendre goût » à la lecture. Il en ira peut-être de même pour le vote par voie électronique.

Notre amendement est indispensable à une campagne électorale digne de ce nom, d'autant que le Gouvernement refuse de financer l'envoi des professions de foi au domicile de chaque électeur : notre amendement n°10 a été jugé irrecevable par la commission des finances.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Le décret de 1985 régit l'affichage des listes électorales. Avis défavorable à cet amendement de nature réglementaire.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis.

M. David Assouline.  - On trouve normal d'envoyer des professions de foi aux citoyens ; pas quand il s'agit des étudiants. Et nous ne pouvons même pas discuter d'un amendement en la matière à cause de l'article 40.

Je reçois à l'instant un pli : ce sont les avis du président de la commission des finances ! Après le début de notre débat ! Heureusement que je maîtrise la communication électronique ! Loin de moi l'idée de mettre en cause M. Arthuis, ou même le Conseil constitutionnel, je demande simplement un peu plus de cohérence sur l'application de l'article 40.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une commission électorale est mise en place avant chaque élection des conseils. Elle est composée de neuf membres, dont trois représentants des étudiants, trois représentants des enseignants-chercheurs, et trois représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques et ouvriers parmi les membres du conseil d'administration, du conseil des études et de la vie universitaire et du conseil scientifique de l'université. Elle est chargée de déterminer et de communiquer les dates, horaires et lieu de tenue des élections en prenant en compte des critères d'accessibilité et de visibilité maximale. »

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Il faut inscrire dans la loi le rôle d'une commission électorale interne à chaque établissement : elle détermine les modalités du vote. Pour faciliter les opérations de vote, elle devra élargir les horaires du scrutin, organisé de préférence dans les grands amphithéâtres.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Un comité électoral existe déjà dans chaque établissement. Créer un autre organe relèverait des attributions du président de l'université.

L'amendement n°14 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Avant chaque élection et pendant la durée du scrutin, la propagande est autorisée dans tous les bâtiments de l'université, à l'exception des salles où sont installés les bureaux de vote. »

M. Ivan Renar.  - La propagande électorale doit se dérouler dans tous les locaux de l'université, à l'exception du bureau de vote, même les jours de scrutin, ceux où les étudiants sont le plus présents dans les établissements.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - La commission ne souhaite pas alourdir la loi.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Ivan Renar.  - Amendement de cohérence.

L'amendement n°19, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

La première phrase du sixième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation est supprimée.

M. David Assouline.  - Cet article semble introduire une confusion avec le vote par correspondance, qui serait désormais autorisé.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - L'article premier n'autorise pas le vote par correspondance. Que la ministre le confirme et rassure ainsi M. Assouline...

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je lui confirme et le rassure.

M. David Assouline.  - Le courrier électronique ne pourrait donc pas être considéré comme vote par correspondance. Or le vote électronique à distance est un courrier... Il faudra régler la question dans sa globalité.

L'amendement n°12 est retiré.

L'article 2 est adopté.

Article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Ivan Renar.  - Amendement de cohérence.

L'amendement n°20, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Ivan Renar.  - Même motif, même punition.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur.  - Même motif, même cohérence.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Idem.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. David Assouline.  - Nous avons donc satisfait votre souhait de poursuivre le chemin vers l'Élysée. (Exclamations à droite)

M. le président.  - Combien de fois l'avons-nous fait du temps de M. Mitterrand.

M. David Assouline.  - Ne faites pas peser le passé sur les nouvelles générations ! (Rires) Ce texte prétend réduire l'abstention des étudiants, mais de façon incohérente. Vous négligez les leçons de l'expérience et refusez tous les moyens que nous proposons pour accroître la participation au vote.

Sans mettre en cause le scrutin électronique tel qu'il existe dans certaines municipalités, je conteste que la sécurité du vote soit assurée lorsqu'on reste à distance, chez soi ou dans un foyer. On peut donc s'attendre à une hausse du contentieux électoral.

Votre but réel est de réduire l'audience du syndicat étudiant majoritaire, mais la victime effective sera la démocratie étudiante. Ce n'est pas entre zappeurs et clics que l'on formera les jeunes citoyens.

Pour améliorer le taux de participation, on pouvait étendre le nombre de jours de scrutin en réservant le vote à distance aux étudiants handicapés, en stage ou qui travaillent. Au demeurant, comme nous le proposons avec la création d'une allocation d'autonomie, il faudra bien éviter le travail des étudiants, cause majeure d'échec.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

La séance est suspendue à 17 heures.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Rémunération des salariés reclassés

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement.

Discussion générale

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - La crise économique a des conséquences sur nos concitoyens et sur nos entreprises. Il faut protéger les salariés et permettre aux entreprises de renouer avec la croissance, marier progrès économique et progrès social, comme l'a souhaité le Président de la République devant l'OIT.

Ce texte est nécessaire car les propositions de reclassement faites aux salariés ne sont satisfaisantes ni pour les entreprises ni pour les salariés ; il est aussi urgent. Cette proposition de loi apporte une réponse claire et efficace. Les conditions de reclassement à l'étranger ne sont pas satisfaisantes pour les salariés : ainsi en est-il de propositions d'emploi à 137 euros par mois en Tunisie pour les salariés de Continental. C'est indigne et inacceptable. Elles ne le sont pas non plus pour les entreprises. Depuis quinze ans, la chambre sociale de la Cour de cassation impose aux entreprises de reclasser leurs salariés quelles que soient la nature du poste et sa localisation géographique. Pour celles qui ne respectent pas cette obligation, le coût est considérable. Le fabricant de chaussettes Olympia n'a pas voulu proposer des postes dans sa filiale en Roumanie, payés 110 euros par mois ; la cour d'appel de Reims l'a condamné à verser 2,5 millions -ce qui a aggravé sa situation financière. Cette jurisprudence a pour but de faire du licenciement le dernier recours, maie elle conduit les entreprises à faire des propositions absurdes et inqualifiables.

Je remercie M. le rapporteur pour son travail pertinent. Ce texte présente plusieurs avantages. Quand le reclassement est possible, aucun licenciement ne peut avoir lieu. Interrogés par questionnaire, les salariés pourront indiquer les caractéristiques des postes qu'ils pourraient accepter, qu'il s'agisse du lieu, du salaire ou du contenu du poste. C'est une procédure simple, lisible et protectrice des salariés comme des entreprises. La solution du questionnaire a d'ailleurs été validée par le Conseil d'État en février 2004.

Quelques réponses aux interrogations subsistent : ce texte sera-t-il source de contentieux ? Tous les textes le sont, celui-ci ne le sera ni plus ni moins. Faut-il instaurer des références françaises, comme le Smic ? Il reviendra aux salariés de faire leur choix. La question du métier mérite aussi d'être posée : des entreprises sans scrupules pourraient être tentées d'utiliser le questionnaire pour échapper à leurs obligations. Il faut néanmoins laisser le salarié s'exprimer.

J'en viens aux liquidations judiciaires : si le texte n'est pas applicable, on risque d'avoir des salariés qui seront interrogés et d'autres non, et de voir des employeurs malhonnêtes organiser la faillite de leurs filiales à l'étranger pour échapper à leurs obligations.

Nous avons trouvé un équilibre : le Sénat pourrait être tenté de le remettre en cause. Il serait pourtant préférable de le voter rapidement pour protéger plus vite les salariés. Nous voulons tous éviter des offres aberrantes aux salariés : je vous laisse maintenant décider. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Cette proposition de loi vise à mettre fin aux propositions de reclassement indignes faites aux salariés à l'occasion de licenciements économiques. Dans l'état actuel du droit, les entreprises doivent proposer la totalité des postes disponibles dans tous les établissements du groupe auquel elles appartiennent. Une entreprise textile de Castres a ainsi proposé des postes en Inde payés 69 euros par mois.

Ce texte prévoit le recours à un questionnaire à l'attention des salariés pour qu'ils expriment leurs aspirations, une procédure censurée en 2009 par la Cour de cassation. L'idée est pertinente mais nos différentes auditions, notamment celle de la Cour de cassation, ont révélé des difficultés majeures. Ce texte ne prévoit aucun plancher légal de salaire. Si le salarié accepte le principe d'une baisse de rémunération, il recevra toutes les propositions, dont celles à 69 euros mensuels. Le problème ne sera donc pas réglé. Si l'employeur demande au salarié le niveau de salaire souhaité, on risque de lui reprocher d'exercer une sorte de chantage. On a évoqué une circulaire proposant un questionnaire type. Ce serait une fausse bonne idée car le Gouvernement risque d'être accusé d'accompagner les entreprises qui pratiquent du dumping social.

Ce texte est également assez flou : le terme « éventuel » laisse le champ libre à toutes les interprétations. Comment interpréter la réponse d'un salarié qui souhaite être reclassé dans « une grande ville » ? C'est un nid à contentieux, comme l'a dit un professeur de droit. Que veut dire le mot « implantation » ? Ne serait-il pas plus simple d'écrire « pays », puisque c'est de cela qu'il s'agit ?

En troisième lieu, ce texte ne sera pas applicable en cas de liquidation judiciaire. Le mandataire liquidateur dispose de quinze jours pour satisfaire à l'ensemble des obligations vis-à-vis des salariés, et ceux-ci de six pour répondre au questionnaire, ce qui ne laissera pas assez de temps au mandataire pour agir. Autre source de contentieux -et de coût pour l'AGS, qui devra payer les indemnités.

Le dernier problème, signalé par une organisation syndicale, a trait au questionnaire, dont les caractéristiques et le champ ne sont pas définis : en l'orientant, les employeurs pourraient limiter les reclassements possibles. S'ils demandent aux salariés s'ils acceptent de perdre leurs avantages acquis, les salariés seront sans doute tentés de répondre « non ». L'employeur pourrait alors ne proposer aucun reclassement.

Les propositions de la commission pourraient répondre à ces difficultés. Il faut assécher les sources de contentieux La procédure du questionnaire, enfin, ne doit pas s'appliquer lors des liquidations judiciaires.

Le Gouvernement semble préférer que le Sénat adopte un texte conforme : nous devons donc choisir entre l'urgence et une réponse de fond qui sécurise tout le dispositif. La commission, qui a accepté les améliorations proposées, tient à ne pas créer de fausses espérances. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Jacqueline Alquier.  - Ce texte vise à mettre fin à des pratiques de plus en plus courantes lors des reclassements proposés aux salariés, à des propositions indignes : des salaires de 117 euros mensuels à l'Ile Maurice, de 186 euros en Malaisie pour 48 heures de travail hebdomadaires, ou encore de 110 euros en Arménie pour 40 heures. Olympia, qui n'a pas osé proposer de reclassement en Roumanie pour 110 euros mensuels, a été condamné par la Cour d'appel de Reims à payer 2,5 millions à 47 salariés ; son cas a mis en lumière la nécessité de légiférer. Mais cette proposition de loi ne résout pas grand-chose.

En juin 2009, l'Assemblée nationale a voté ce texte à une très large majorité, sous le coup de l'émotion. Le code du travail impose que les licenciements économiques soient précédés de la présentation de toutes les possibilités de reclassement ; d'où les propositions indécentes que nous connaissons, qui sont avant tout la conséquence des politiques de délocalisation dans des pays où les salaires sont dérisoires. (Marques d'approbation sur les bancs CRC) Modifier la loi arrangera bien le Medef, mais rien ne changera pour les salariés.

La proposition de loi dispose que la rémunération doit être équivalente. L'employeur devra demander au salarié s'il accepte de recevoir des offres de reclassement à l'étranger et sous quelles conditions. Il est libre de refuser.

Mais le texte ne s'attaque pas au problème des délocalisations. On ne verra plus les patrons voyous, mais ils pourront continuer à l'être. Une fois de plus, Gouvernement et majorité ne font pas confiance aux juges. Le conseil des prud'hommes de Lens a jugé abusif le licenciement de 9 salariés pour manque de loyauté des offres de reclassement proposées. Et je rappelle l'existence de l'instruction de l'administration du travail du 23 janvier 2006, selon laquelle une proposition de reclassement à l'étranger pour un salaire inférieur au smic ne peut être considérée comme sérieuse.

Notre rapporteur a rappelé les incertitudes juridiques qui planent sur ce texte. Les amendements risquent de le rendre plus complexe. Ils laissent une fois de plus le salarié seul face à l'employeur, un salarié qui n'aura que quelques jours pour répondre : croyez-vous qu'il puisse décider de partir ailleurs aussi rapidement ? Pourquoi substituer un questionnaire à la négociation collective, cette même négociation collective que le Gouvernement ne cesse de mettre à mal depuis 2002 ?

Cette aimable proposition de loi ne résout rien : elle permettra surtout aux entreprises de ne plus révéler le niveau des salaires versés à l'étranger. Là est le véritable scandale, qui tient aussi aux conditions de travail et à l'absence de protection sociale ! Tandis que les riches, en France comme ailleurs, sont chaque jour plus riches encore.

Cette proposition de loi de résout en rien les problèmes liés aux délocalisations. Elle ne fait que donner bonne conscience au patronat. Nous voterons contre, pour défendre les droits des salariés que vous malmenez. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Marsin.  - Le code du travail impose à tout employeur qui a l'intention de licencier pour motif économique de proposer aux salariés une formation ou un reclassement. Depuis que le reclassement est devenu obligatoire, en 2002, des effets pervers sont apparus car certains employeurs n'hésitent pas cyniquement à proposer, sous couvert de légalité, des reclassements aux conditions du pays d'accueil. En 2005, une entreprise alsacienne avait proposé des postes en Roumanie pour 110 euros par mois ; plus récemment, Continental a proposé à 600 de ses salariés des postes d'opérateurs à 137 euros par mois en Tunisie. Ces exemples ne sont pas isolés.

La jurisprudence diverge, qui place salariés et entreprises dans une situation d'insécurité juridique. Il était impératif d'en corriger les effets pour mettre aux propositions inacceptables. Le code du travail ne fixe aucun plancher salarial.

Si les employeurs ne proposent pas la totalité des postes disponibles, ils risquent d'être condamnés en justice -voir le cas d'Olympia. La situation est insupportable : la loi ne doit pas conduire à des propositions humiliantes. Certains de nos collègues du RDSE ont déposé une proposition de loi en juillet 2009 pour encadrer les offres de reclassement. Ce texte va dans le même sens. Bien que perfectible, il permettra de mettre un terme à une situation intolérable. Le groupe du RDSE le votera.

Mme Catherine Procaccia.  - (Applaudissements à droite) Ce texte prend une acuité particulière en période de crise économique. Des salariés, déjà déstabilisés par leur licenciement, reçoivent des propositions de reclassement inacceptables. De nombreux exemples ont été cités comme des postes en Roumanie, en Inde, en Tunisie payés de 69 à 137 euros par mois. Loin de se livrer à des provocations, les entreprises concernées appliquent l'article L.1233-4 introduit en 2002 dans le code du travail. La jurisprudence en a fait une interprétation stricte : pour ne pas être condamnées, les entreprises doivent proposer tous les reclassements possibles. On a cité le cas de l'entreprise Olympia, condamnée à verser 2,5 millions à ses salariés pour n'avoir pas proposé de postes en Roumanie.

Le groupe UMP votera donc ce texte qui prévoit un emploi de même catégorie assorti d'une rémunération équivalente ou, à défaut, d'un emploi de catégorie inférieure avec des garanties. L'option retenue par l'Assemblée nationale est judicieuse : le questionnaire préalable, méthode éprouvée, permettra d'éviter des propositions indécentes. Les partenaires sociaux ont été auditionnés. Notre rapporteur voulait améliorer un texte perfectible, mais il nous semble nécessaire d'éviter rapidement que les abus se perpétuent. Son travail et sa force de conviction nous ont permis de prendre la mesure des enjeux. Nous voterons le texte. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David.  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Ce texte pourrait être une avancée pour les salariés mais c'est une imposture.

M. Guy Fischer.  - Voilà la vérité !

Mme Annie David.  - Il permettra en effet d'améliorer dans les médias l'image des entreprises qui licencient et réduira les contentieux qu'elles perdent régulièrement. Pourtant, le titre de cette proposition de loi était ambitieux.

M. Guy Fischer.  - Fallacieux !

Mme Annie David.  - Le reclassement devra se faire sur la base d'une rémunération équivalente, mais cette avancée est anéantie car les entreprises ne seront plus obligées de proposer des reclassements.

Les offres dans les pays exotiques sont faites de façon désinvolte, qui font apparaître clairement les politiques salariales des entreprises et le fait qu'elles considèrent les salariés comme de simples variables d'ajustement, tout cela pour les dividendes des actionnaires.

Avec le questionnaire préalable, nous allons vers le démantèlement de l'obligation de reclassement, désormais contractualisée. Certains avocats ont estimé qu'il transférait au salarié une responsabilité qui n'est pas la sienne, qu'il devrait opérer le tri entre ce qui est indécent et ce qui ne l'est pas. Il ne pourra plus s'indigner de l'offre qui lui est faite ou non. Ce qui est indécent, c'est l'existence même de ces offres. Les salariés ne supportent plus d'être considérés comme une variable d'ajustement. En outre, alors qu'ils viendront d'apprendre leur licenciement, ils devront répondre dans les six jours au questionnaire et leur non-réponse vaudra refus ! Encore faut-il disposer du temps nécessaire pour se renseigner ! Peut-on vivre avec 137 euros à Tunis ?

L'obligation de reclassement est donc vidée de sa substance, mais l'employeur sera protégé en justice !

Ce texte constitue donc une grande avancée pour l'employeur, qui pourra continuer à proposer des postes bol de riz tout en sollicitant l'État pour financer des garanties de revitalisation économique. Ceux qui, comme vous, monsieur le ministre, fustigent les dépenses publiques devraient y être attentifs !

Le dumping social mondial est à l'origine des scandales des « Conti » et autres Caterpillar, emblématiques de toutes les autres suppressions de postes, tandis que les patrons du CAC 40 prospèrent.

Il faudrait aller vers une harmonisation européenne et même mondiale droits sociaux.

Les partenaires sociaux n'ont été consultés que sur l'équivalence des rémunérations, pas sur la deuxième partie ajoutée par la commission de l'Assemblée nationale.

Mon groupe votera évidemment contre ! (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas About.  - Une proposition de reclassement à 69 euros par mois en Inde ou à 137 euros en Tunisie appelle un constat unique : le droit du reclassement doit changer. On comprend bien l'humiliation des salariés mais les entreprises ayant présenté des offres indignes étaient paradoxalement tenues de le faire.

L'obligation mondiale a initialement été imposée par la jurisprudence pour les cadres mais la loi a érigé ce principe en sanction de licenciements économiques. Faisons notre mea culpa : notre texte adopté dans la précipitation en 2002 a eu un effet pervers aggravé par la jurisprudence puisqu'une entreprise vient d'être condamnée pour ne pas avoir proposé de postes en Romanie, rémunérés 110 euros par mois.

J'approuve l'analyse du rapporteur. La proposition de loi sanctuarise un niveau de rémunération et borne l'obligation mondiale de reclassement ; elle légalise aussi le questionnaire préalable, pour éviter les propositions indécentes.

Cependant, la rédaction du texte reste perfectible, principalement au sujet du niveau de rémunération, puisqu'elle pourrait ne plus être équivalente. En outre, aucun plancher légal ne s'imposerait à l'employeur : un comble puisque la situation contestée pourrait perdurer ! Ainsi, les employeurs devraient respecter le Smic, sauf pour permettre le retour volontaire dans leur pays d'origine de salariés expatriés en France.

Dommage que les amendements de M. le rapporteur n'aient pas été adoptés en commission. Monsieur le ministre, légiférer vite n'impose pas de légiférer mal, comme nous l'avons fait en 2002.

Ne peut-on concilier urgence et qualité législative ? Est-il impossible que l'Assemblée nationale trouve une heure pour ratifier nos modifications de ce soir ? Si c'était impossible d'ici cet été, l'Union centriste en prendrait acte et ne combattrait pas un texte qui fera les beaux jours du contentieux. (M. le rapporteur approuve)

M. Éric Woerth, ministre.  - La loi offrirait un cadre légal au questionnaire, sans exempter les entreprises de leurs obligations. Je souhaite diffuser des questionnaires, que les entreprises seraient libres d'utiliser.

Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a accepté ce texte. Pourquoi celui du Sénat est-il si fermé ? La proposition de loi n'a rien de choquant, contrairement aux propositions indécentes que les entreprises sont aujourd'hui tenues de faire !

Je remercie M. Marsin pour son analyse, de même que Mme Procaccia pour son soutien. Je parle sous le contrôle du ministre chargé des relations avec le Parlement qui connaît l'encombrement de l'ordre du jour. Le travail de la commission est considérable, mais la rédaction actuelle, déjà solide, sera encore confortée par les précisions que je donnerai lors de la discussion des amendements.

Madame David, je ne vous fais aucun procès d'intention car nos objectifs sont identiques. Vous serez sans doute rassurée d'apprendre que l'obligation de reclassement demeure.

Monsieur About, je pense que nous pourrons surmonter les difficultés d'interprétation.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. Nicolas About.  - Faute d'assurance sur la navette, je retire tous mes amendements.

Les amendements nos2, 7, 3, 4, 5, 6 et 8 sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Gournac.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux liquidations judiciaires. »

M. Alain Gournac.  - Je soutiens mon amendement.

M. Guy Fischer.  - Il est téléguidé !

M. Alain Gournac.  - Comment un liquidateur judiciaire pourrait-il faire son travail en quinze jours, les salariés devant répondre en six jours ? C'est impossible. L'équilibre financier de l'AGS en pâtira.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - La commission est favorable mais je suis réservé à titre personnel pour les raisons évoquées par M. About. Monsieur le ministre, je regrette que la navette ne se poursuive pas. Vous devriez au moins commenter les propositions de la commission.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le cas de figure envisagé est très rare : 0,1 % des licenciements économiques. Pourquoi les liquidateurs judiciaires n'interrogeraient-ils pas les salariés sur leurs souhaits de reclassement ? Appliquons la même procédure dans tous les cas.

M. Alain Gournac.  - Je retire l'amendement pour ne pas retarder l'entrée en vigueur de cette proposition de loi mais je le regrette.

L'amendement n°1 est retiré.

Vote sur l'ensemble

Mme Annie David.  - Je suis surprise par la tournure de nos débats, même si nous n'aurions pas voté les amendements de M. About. Au moins, les contentieux permettront parfois aux salariés d'obtenir gain de cause en cas de licenciements économiques, encore plus indécents que les propositions de reclassement.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous avons constitué aujourd'hui le bureau d'une commission sénatoriale sur la désindustrialisation du territoire. A la différence de Mme David, je ne me réjouis pas de la possibilité restant aux salariés d'attaquer aux prud'hommes : je sais ce qu'endurent les anciens salariés de Moulinex et les travailleurs de l'amiante. Le sort réservé à ce texte m'inquiète car il s'agit en l'état d'un cautère sur une jambe bois : je ne le voterai pas.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - L'intervention initiale de M. Woerth m'a intéressée par les questions qu'il se posait.

Aujourd'hui, je me demande ce qu'il reste de la démocratie parlementaire si les propositions de loi issues de la majorité de l'Assemblée nationale doivent impérativement être votées conformes ? A quoi sert alors le Sénat ? (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Je précise que le terme « implantation » désigne les pays. La notion de rémunération équivalente concerne un emploi de même catégorie ou similaire avec une rémunération équivalente. Le questionnaire doit être envoyé après la première réunion du comité d'entreprise.

J'en viens au Smic, un aspect clé. Une circulaire précisera les choses. Je vous associerai à sa rédaction. (M. About s'en félicite) Cela vaudra aussi pour la composition du questionnaire. J'espère que toutes ces précisions permettront une meilleure interprétation du texte.

A la demande du groupe UC, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 198
Contre 140

Le Sénat a adopté.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Renvoi pour avis

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que le projet de loi n°427 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, dont la commission de l'économie est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Prochaine séance demain, mercredi 5 mai 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 5.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 5 mai 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat (n°420, 2009-2010).

2. Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental (n°395, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°416, 2009-2010).

Texte de la commission (n°417, 2009-2010).