Politique industrielle (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la politique industrielle. Nous sommes diffusés en direct sur Public Sénat et en différé ce soir sur France 3.

M. Raymond Vall.  - La loi Grenelle II va permettre à la France de rattraper son retard mais sans doute pas de se doter d'une réelle politique environnementale. Notre pays est à la traîne pour l'éolien. Notre pays doit rénover son appareil de production et son habitat, notamment tertiaire, pour limiter les gaz à effet de serre. Notre industrie devrait se positionner sur ces marchés porteurs.

Le développement d'offres énergétiques nouvelles constitue un puissant levier de croissance. Les pôles de compétitivité devraient venir en aide à cette filière, en liaison avec les pôles d'excellence rurale. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - M. Estrosi, retenu par le CIADT qui se tient ce jour, n'a pu être parmi nous à son grand regret. La France a décidé de faire des éco-industries un des chantiers de innovations industrielles. Il en va de 280 000 emplois d'ici 2015. Les crédits du grand emprunt sont destinés en grande partie à l'éco-industrie. Nombre de pôles de compétitivité sont reconnus de par le monde pour leur dynamisme. Enfin, 500 millions de prêts verts seront débloqués d'ici l'été pour l'éco-industrie.

M. Raymond Vall.  - Merci, madame la ministre. Sur le terrain, la conjonction entre les pôles d'excellence ruraux et les pôles de compétition est insuffisante. Nous risquons la désertification.

M. Alain Chatillon.  - Les états généraux de l'industrie ont mentionné que nous avons perdu bien plus d'emplois ces dernières années que nos amis allemands.

Oséo a permis à plus de 16 000 entreprises de consolider divers emplois. Les PME sont les seules créatrices d'emplois dans notre pays : il faut les aider.

Nos voisins, eux, aident leurs entreprises. Allez-vous mener une politique dynamique sur ce dossier ? Notre industrie aéronautique traverse une grande crise : le civil finance, pour la première fois de notre histoire, le militaire. Allez-vous aider Airbus et permettre un meilleur équilibre entre civil et militaire ? (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Rendons hommage à Oséo pour la façon dont ses crédits ont été utilisés. Le fonds stratégique d'investissement y a également eu sa part. Les banques se sont engagées auprès des PME suite au plan de soutien.

L'année dernière, de nombreuses PME ont bénéficié du soutien de l'État pour exporter. Leur efficacité en est renforcée, je puis en témoigner.

Sur l'aéronautique, il y a effectivement un nouvel équilibre entre civil et militaire. Pourtant, ce secteur s'est bien organisé en filière entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants.

M. Alain Chatillon.  - Des efforts supplémentaires doivent être faits pour mieux réorienter l'épargne. Les sociétés de capital risque doivent apporter le nerf de la guerre. Enfin, de grâce, mettons en oeuvre une réelle politique industrielle européenne !

M. Jacques Berthou.  - L'Ain est un département industriel : les conséquences de la désindustrialisation y sont plus fortes qu'ailleurs. Des secteurs majeurs, comme la plasturgie et le bois, sont en difficulté. Certains bassins sont durement atteints : Oyonnax, Bellegarde, Bourg-en-Bresse, Le Bugey.

La situation préoccupante de mon département reflète celle de la France. Pourquoi nos exportations se sont-elles effondrées ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Concernant la plasturgie, la France est au cinquième rang mondial et au deuxième rang européen ; Oyonnax est un pole majeur. Compte tenu du nombre d'entreprises concernées, nous entendons faire rayonner nos compétences.

Deux nouveaux projets seront financés par le fonds unique d'investissement.

Au-delà des dispositions générales prises par le ministre de l'industrie pour la filière textile, M. Estrosi a bien l'intention de venir en aide à votre département. Il est prêt à aider l'entreprise Lejaby à sortir de ses difficultés actuelles.

M. Martial Bourquin.  - La désindustrialisation de l'Ain connaît une très forte ampleur. Nous avons donc demandé la création d'une mission d'information sur ce phénomène qui provoque tant de chômage et qui nuit au développement des PE et des PME. Nous devons tout faire pour relancer la dynamique industrielle que nous avons perdue.

M. le président.  - Le Sénat sera très attentif aux conclusions de la mission, qui rassemble des collègues de toutes sensibilités et dont le rapporteur est M. Chatillon.

Mme Isabelle Pasquet.  - Le Président de la République ne manque pas une occasion d'afficher son ambition d'une France présente dans le concert des nations. Le 4 mars, il a, dans mon département, défini la nouvelle donne de la politique industrielle du Gouvernement.

Pourtant, sa politique tarde à faire sentir ses effets : sur le terrain, nous constatons la multiplication des fermetures d'entreprises. Ainsi, à Marseille, l'entreprise Legré-Mante a fermé dans l'indifférence des pouvoirs publics, et ses anciens propriétaires s'apprêtent à lancer une juteuse opération immobilière. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - La justice a prononcé il y a un an la liquidation de l'entreprise Legré-Mante : le Gouvernement n'a pas à commenter cette décision.

Le Gouvernement fait tout pour rattraper le retard de compétitivité de la France, notamment face à l'Allemagne. Il a nommé un médiateur de la sous-traitance. Les objectifs fixés par le Président de la République montrent que la politique industrielle est de retour, mais il s'agit d'un travail de longue haleine. La production industrielle et les exportations commencent à augmenter, signe que nous gagnons du terrain. (Applaudissements à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Depuis vingt ans, la recherche de la rentabilité financière tient lieu de politique industrielle. Alors que la formation est essentielle, les filières technologiques agricoles et professionnelles voient leurs crédits diminuer.

M. Jean Arthuis.  - « La politique industrielle est de retour » : nous nous en réjouissons. Pourtant, certains impôts pèsent sur la production. Dès lors que nous sommes en économie mondialisée, taxer la production, c'est rendre la délocalisation impérative pour les entreprises. Et ce sont toujours les consommateurs qui paient, en définitive, l'impôt sur la production, qui se retrouve dans le prix de vente ! Sortons du politiquement correct, rompons les tabous et osons imaginer d'autres financements !

N'est-il pas temps d'instaurer une TVA sociale ? Je veux bien un autre nom mais ouvrons ce débat ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Je salue la ténacité de M. Arthuis. A titre personnel, je ne suis pas loin de penser comme lui... Depuis deux ans, la fiscalité a évolué : nous l'adaptons à la mondialisation. Ainsi en est-il de la suppression de la taxe professionnelle et du crédit impôt recherche.

Tout ce que nous faisons pour favoriser l'innovation ou assouplir les 35 heures permet de nous adapter à la mondialisation. C'est l'un des grands enjeux des états généraux de l'industrie. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis.  - Je souhaite que vous fassiez partager votre sentiment au Gouvernement.

Sur le crédit impôt recherche, nous espérons que Mme Pécresse nous aidera à y voir clair : il faut qu'il bénéficie aux industries françaises plutôt qu'à celles implantées à l'étranger, notamment en Europe centrale. (Applaudissements à droite)

M. Claude Bérit-Débat.  - La désindustrialisation n'est pas qu'un mot, c'est une réalité que la Dordogne subit de plein fouet. De 12 000 salariés en 1980, la production manufacturière est passée à 1 000. Les ateliers SNCF, Philaposte, Marbot-Bata, qui a perdu les commandes de l'armée, la Société nationale des poudres et explosifs, aujourd'hui vendue à la découpe ; la responsabilité de l'État est engagée dans les suppressions d'emplois.

On ne résoudra pas un problème en l'ignorant. Il faut des solutions pérennes. Quelles sont vos propositions ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - La société Marbot-Bata a été massivement soutenue par l'État pour le chômage partiel et la formation. M. Darcos avait fait part de la détermination du Gouvernement à obtenir de la direction une amélioration des mesures qu'elle envisageait. Cette détermination demeure : 2 millions sont prévus pour le territoire de Neuvic sur l'Isle afin d'y faire revenir de l'activité. Il n'est pas question de faire évoluer l'implantation de Philaposte en Dordogne mais seulement de la moderniser. Sur la Société des poudres et explosifs, nous sommes attentifs aux conséquences des cessions envisagées.

M. Claude Bérit-Débat.  - Plus de la moitié des 1 000 emplois menacés dans mon département le sont directement par l'État. J'ai bien connu -et battu !- M. Darcos mais Margot-Bata a reçu l'extrême onction parce que l'État n'a pas commandé les chaussures prévues pour l'armée ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Serge Dassault.  - Nos coûts de production sont trop élevés, c'est pourquoi nos exportations diminuent. On ne travaille plus assez en France ! (« Ah ! » sur les bancs socialistes) Les charges sur les salaires sont les plus élevées du monde, ce qui s'ajoute aux 35 heures, imposées par Mme Aubry pour des raisons électoralistes. Il faut diminuer les charges indues, ce qui permettra de récupérer 30 milliards, développer la robotisation...

M. Daniel Raoul.  - Avec les robots, vous serez tranquille !

M. Serge Dassault.  - ...dévaluer l'euro, améliorer le climat social, supprimer l'ISF qui a fait fuir des milliers de Français, et je n'ai pas le temps de tout énumérer.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Tout un programme ! Le Gouvernement et le Président de la République sont clairs dans l'objectif : restaurer la compétitivité de la France est le fil directeur de toute politique industrielle. Grâce au crédit impôt recherche, la recherche développement de l'industrie française a été stimulée dans des secteurs porteurs. La réforme de la taxe professionnelle apporte 12 milliards aux entreprises et 18 d'ici 2014. La loi Tepa a assoupli le droit du travail, avec la défiscalisation des heures supplémentaires. Il est vrai que le montant des charges sociales est une question -clé.

Nous visons à la robustesse et à la stabilité de l'euro, comme le président Sarkozy et la Chancelière Merkel l'ont obtenue ce week-end, à l'occasion d'une crise qui aurait pu être dangereuse.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Il y a quelques jours, les chaînes de l'A320 ont été arrêtées par une grève des ouvriers de Toulouse, qui mettaient en cause la politique industrielle de l'entreprise, qui a supprimé 5 000 emplois directs et autant chez les sous-traitants.

La stratégie industrielle et commerciale d'Airbus manque de lisibilité, en particulier sur le partage des tâches avec Hambourg. L'État en est actionnaire ; il doit parler haut et fort pour dissiper les inquiétudes, tant des salariés d'Airbus que de toute la région toulousaine, dont cette entreprise est le vaisseau amiral. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement n'a pas à se prononcer sur le dialogue social interne à cette entreprise essentielle à notre politique industrielle. Outre la mobilisation du grand emprunt pour la région de Toulouse et de Bordeaux...

M. Jean-Louis Carrère. - L'Aquitaine !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. - ...compte tenu de l'extrême importance de l'exportation pour ce secteur, nous avons mobilisé de façon exceptionnelle les crédits Coface.

Le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés pour cette filiale d'excellence de l'industrie française.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le crédit accordé aux déclarations d'intention est faible. Rien n'empêchait hier le Gouvernement d'imposer à Airbus un autre plan que le plan Power 8. Aujourd'hui, l'État actionnaire a le devoir de parler plus haut, plus fort et plus souvent ! (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Merci, madame la ministre de vous être prêtée à cet exercice.

La séance est suspendue à 17 heures 45.

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présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 18 heures.