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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier A (Suite)

Questions d'actualité

Retraites (1)

Mme Annie David

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. 

Retraites (2)

M. Alain Vasselle

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Rendre les points du permis

M. Raymond Vall

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

Gouvernance de la RGPP

M. Jean Arthuis

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

Retraite (3)

Mme Raymonde Le Texier

M. François Fillon, Premier ministre

Industrie automobile

M. Alain Gournac

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Médias et groupes industriels

Mme Catherine Tasca

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Aidants aux personnes âgées

Mlle Sophie Joissains

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité

Retraites (4)

M. Claude Jeannerot

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Bioéthique

M. Philippe Darniche

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Demande de priorité des articles 5 et 6

Article premier A (Suite)

Hommage à une délégation australienne

Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (suite)

Article premier A (Suite)

Organisation des débats

Discussion des articles (Suite)

Article premier A (Suite)

Décision du Conseil constitutionnel

Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier A (Suite)

Article 5 (Appelé en priorité)




SÉANCE

du jeudi 7 octobre 2010

4e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée portant réforme des retraites.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion des amendements.

Article premier A (Suite)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Depuis que le Gouvernement a commencé à proposer cette réforme, il est resté constamment ouvert au dialogue. Il a déjà accepté divers aménagements du projet de loi après discussions avec les partenaires sociaux. (M. Charles Revet approuve) Le dialogue s'est poursuivi avant et pendant le débat à l'Assemblée nationale ; sur la pénibilité, nous avons triplé le nombre de personnes pouvant prendre leur retraite à 60 ans à taux plein. Au Sénat, le Gouvernement a accepté plusieurs propositions de votre commission. Tous ces changements poursuivent un seul objectif : renforcer encore et toujours l'équité de notre système de retraite.

Mme Christiane Demontès.  - Il en a besoin !

M. Éric Woerth, ministre.  - Je vous propose aujourd'hui deux amendements du Gouvernement pour rendre la réforme encore plus juste. (Mouvements divers à gauche) Ils vous seront remis dans la matinée.

M. Guy Fischer.  - Tout de suite !

M. Éric Woerth, ministre.  - Les inégalités salariales, de carrière et de retraite entre hommes et femmes sont une réalité ; c'est bien pourquoi le texte initial comportait des mesures pour y remédier. De nombreux parlementaires ont estimé qu'il fallait apporter une réponse aux mères de famille nombreuse qui ont interrompu leur vie professionnelle pour élever leurs enfants, de même qu'aux parents d'enfants handicapés.

L'écart de salaires, c'est la cause principale de l'écart des pensions.

M. Guy Fischer.  - 20 % !

M. Éric Woerth, ministre. - Nous avons eu six lois sur le sujet et six échecs. Le Gouvernement a prévu pour la première fois de pénaliser les entreprises qui n'agissent pas pour réduire les écarts de salaires entre sexes.

Les femmes sont souvent obligées d'interrompre leur carrière pour élever leurs enfants. Des mécanismes compensatoires existent, mais les mères de famille de trois enfants nés avant 1955 n'en ont pas bénéficié à plein. Nous voulons répondre à cette iniquité.

Le premier amendement permettra aux mères de trois enfants et plus nées entre 1951 et 1955 de continuer à bénéficier d'une retraite à taux plein à 65 ans. (Applaudissements à droite) Le deuxième maintient à 65 ans la retraite à taux plein pour les parents ayant élevé un enfant lourdement handicapé. (Applaudissements à droite)

Le financement de ces mesures est prévu. Une réforme juste, c'est d'abord une réforme qui garantit son propre financement. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Il manque 4 milliards !

M. Éric Woerth, ministre.  - On ne peut continuer à financer par l'emprunt les retraites à partir du mois de novembre chaque année. (Applaudissements à droite) Nous proposons donc de nouvelles recettes à hauteur de 340 millions pour financer ces mesures d'un coût total de 3,4 milliards d'ici 2022. Les nouveaux prélèvements n'entreront pas dans le bouclier fiscal.

Les prélèvements sociaux sur le capital seront augmentés de 0,2 point, pour un produit de 200 millions ; le taux du prélèvement forfaitaire sur les plus-values immobilières sera aligné sur celui des autres plus-values, soit 19 %, pour 140 millions.

M. Guy Fischer.  - Là, la droite n'applaudit plus !

M. Éric Woerth, ministre.  - Ces deux mesures sont des avancées majeures. (Applaudissements à droite tandis qu'on le conteste vivement à gauche) Elles montrent que le Gouvernement est à l'écoute...

M. Jean-Louis Carrère. - De la droite !

M. Éric Woerth, ministre. - ...des mécontentements et des inquiétudes de la rue, de l'Assemblée nationale et du Sénat. Elles montrent son désir de justice et sa volonté d'un dialogue constructif. (Mêmes mouvements) Il fallait répondre à l'iniquité faite aux mères ayant élevé trois enfants.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et aux autres ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Voilà les propositions du Gouvernement, faites en concertation avec la majorité sénatoriale. (Applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - M. le ministre vient de faire la démonstration des conditions scandaleuses dans lesquelles les parlementaires sont traités. (Applaudissements à gauche) Ce débat va être très long Si nous devons attendre le début de chaque séance pour découvrir les amendements du Gouvernement...

M. Adrien Gouteyron.  - Vous voudriez qu'il n'y en eût pas ?

M. Guy Fischer.  - Le Gouvernement essaye de contrer le mouvement de fond qui se dessine pour le 12 octobre. Ce n'est pas avec ces mesurettes (protestations à droite) qu'il y parviendra.

M. Charles Revet.  - Vous le direz aux mères de familles : elles apprécieront !

M. Guy Fischer.  - C'est aux parlementaires de trancher ; le dialogue n'a pas à se faire avec la droite seule. (Exclamations à droite)

La majorité voudrait désamorcer le mouvement de fond qui est en train de monter du pays. Mais vous n'avez pas parlé du recul de l'âge de départ à la retraite. (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite) Là est le problème. Il faut la retraite pour tous à 60 ans. (Nouvelles exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Irresponsable !

M. Guy Fischer.  - Ne sous-estimez pas les appels à des grèves reconductibles. Vous verrez la France se lever ! La France va résister ! (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Demontès.  - J'avais demandé la parole pour faire un rappel au Règlement ; je le ferai tout à l'heure. Dans l'immédiat, je veux réagir aux annonces de M. le ministre, avec un « a » minuscule.

M. Woerth dit que les mères, que les parents d'enfant handicapé qui se sont arrêtés pour élever leurs enfants sont traités de façon injuste. Pourquoi avoir attendu ce matin pour s'en apercevoir ? Fallait-il attendre le petit-déjeuner de l'Élysée ? Fallait-il attendre la mobilisation des salariés ? Ces annonces ne sont pas des avancées, mais le maintien de dispositions qui existent aujourd'hui, la renonciation à un recul social.

Les femmes ne seront pas dupes. La mesure est réservée aux femmes nées entre 1951 et 1955 ! Comme si tous les problèmes étaient réglés pour celles qui sont nées ensuite ! Peut-être que, demain ou après-demain, cette mesure sera étendue aux femmes nées en 1960 ! Cette façon de travailler n'est pas sérieuse. On prend les parlementaires pour moins que rien ! Ce mépris du Parlement et des Français est inacceptable ! (Applaudissements à gauche)

M. Claude Domeizel.  - Le Sénat est déconsidéré par de telles annonces de dernier moment. Et quelles annonces ! Alors que nous demandons, que la rue demande de maintenir les 60 et 65 ans, vous nous annoncez que les 67 ans seront ramenés à 65 ans pour les mères de famille ayant élevé trois enfants, et seulement pour celles nées entre 1951 et 1955. C'est un leurre ! Un jour peut-être cette disposition sera censurée par le Conseil constitutionnel -et vous nous direz que vous n'y êtes pour rien. On se moque de nous ! Nous nous battrons pour revenir à la retraite à 60 ans. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Cette mesurette touche 130 000 mères, avez-vous dit. Et toutes les autres, toutes celles qui sont pénalisées, qui subissent des discriminations, qu'en faites-vous ? Ne croyez pas qu'avec ces amendements vous allez nous amadouer ! Vous présentez en outre le financement de cette mesure de façon truquée. (Applaudissements à gauche)

Je demande une suspension de séance pour que nous puissions examiner ces amendements dont nous ne savons encore rien. Combien de parents d'enfant handicapé seront concernés ? Que veut dire « lourdement handicapé » ? Encore une fois, il s'agit de mesures injustes. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Hier soir, nous avons constaté la volonté du Gouvernement d'entraver le débat parlementaire. (On le conteste à droite) Ce matin, il nous demande de nous prononcer sur des amendements dont nous ne savons rien et qui passent totalement à côté de ce que dit la rue. Il y a une volonté délibérée de dénaturer le fonctionnement du Parlement. Vous suivez la feuille de route de l'Élysée et vous allez continuer à distiller des mesures pour désamorcer les conflits. Mais le démineur que vous êtes sur ordre est démuni de ses outils ; tout va vous exploser à la figure ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - On est à front renversé. Je me souviens comment la majorité sénatoriale s'était mobilisée à l'époque de la décentralisation proposée par M. Defferre. Aujourd'hui, elle nous accuse d'user d'artifices qu'elle-même met en oeuvre pour nous contraindre.

Sur le fond, on joue là un jeu scélérat. Depuis le début, vous ne pensez que communication et nous, qu'à la réforme. (On se gausse à droite) Mais les mesurettes que l'on vous a soufflées à l'Élysée ne répondent pas aux problèmes.

M. Xavier Bertrand hier soir nous a expliqué une nouvelle fois qu'il n'y avait qu'un seul projet dans ce pays pour réformer les retraites. Mais il y en a un autre ! (On en doute à droite) Sur les dates, c'est 60 et 65 ans. (Exclamations à droite) Le financement du système est possible. Quand on entend que nos mesures sur les stock-options ne sont pas sérieuses, je m'étonne ! Au regard des efforts demandés à la Nation, il ne serait pas anormal de les taxer à 50 % ! Et le bouclier fiscal ? Si vous voulez qu'on débatte des modalités de financement, nous y sommes prêts. Vous verrez qu'il y a bien deux projets et que le nôtre est le meilleur. (Applaudissements à gauche)

M. André Lardeux.  - Ce débat est surréaliste. Je veux remercier le ministre pour ses annonces, qui n'ont rien de mesurettes. Hier, l'opposition les estimait essentielles ; ce matin, elle les critique. Qu'elle ait le courage de voter contre et les Français jugeront ! Vos déclarations montrent que vous êtes embarrassés. Le spectacle donné au pays ce matin est pitoyable et dévalorise le Parlement.

Un dernier mot : c'est un grand avantage de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser... (Applaudissements à droite)

Mme Samia Ghali.  - Monsieur le ministre, vous ne comprenez pas les femmes ni ne savez leur parler. Les mères de famille sont souvent obligées de rester à la maison pour garder leurs enfants, parce qu'elles ne trouvent pas de place en crèche. On ne parle pas non plus des personnes âgées dont elles s'occupent. Et qu'est-ce qu'un enfant « lourdement » handicapé ?

Certes, certaines femmes choisissent de rester à la maison, ont du temps pour faire du sport ou d'aller chez la manucure parce que leur mari gagne bien sa vie, mais pas toutes, loin de là ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - M. le ministre fait ce matin de la réclame : il nous a proposé un spot publicitaire en direction des ménagères de 55 ans ! (Rires à gauche)

M. Jean-Pierre Bel.  - Depuis hier, vous dressez un décor, une mise en scène. Nous voulons un débat sur le fond...

M. Alain Gournac.  - Avec les banderoles !

M. Jean-Pierre Bel.  - ...tandis que vous voulez passer en force, au galop. Ce texte mérite qu'on y passe le temps qu'il faut. Un collègue de la majorité a parlé de débat surréaliste : est-ce parce que nous nous exprimons comme nous l'entendons ? Les Français ne sont pas dupes. Vous essayez de faire croire que le Gouvernement avance, quand il se contente de reculer un peu moins.

Cette théâtralisation des débats, cette volonté de priver l'opposition d'apprécier les propositions du Gouvernement, m'appellent à demander une suspension de séance.

M. Alain Gournac.  - Obstruction !

Mme Isabelle Pasquet.  - Il ya quelques jours, en commission, vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il n'était pas possible de prendre des mesures en faveur des femmes car la Cour de justice des communautés européennes nous sanctionnerait, et que le risque existait de voir remises en cause toutes les majorations tendant à réduire les inégalités. Avec vos amendements, voulez-vous les remettre en cause ? (Applaudissements à gauche)

Y a-t-il un lien de cause à effet entre vos annonces et les grèves reconductibles qui se préparent ?

Pourquoi jeter de l'huile sur le feu, monsieur le ministre ? Les propositions du Gouvernement méritent d'être examinées, mais elles ne régleront rien des inégalités salariales.

Mme Isabelle Debré.  - Je suis effarée par ce que j'entends. (Exclamations à gauche) Nous travaillons pour sauvegarder le système par répartition. (On le conteste sur les mêmes bancs) Nous travaillons pour nos enfants, nos petits-enfants. Hier, j'ai entendu M. Peyrelevade, qui n'est pas de notre parti ; lui qui a fait passer la retraite à 60 ans trouve normal qu'on recule aujourd'hui les âges de départ et de taux plein à 62 et 65 ans. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Qu'est ce que ça prouve ?

Mme Isabelle Debré.  - Les interventions de l'opposition sont irresponsables. (Le brouhaha couvre la voix de l'oratrice) Je remercie le ministre de ses propositions ; la commission va en débattre. A titre personnel, je les voterai. Il est à l'honneur du Sénat d'avoir su convaincre le Gouvernement que ces mesures étaient nécessaires. (Applaudissements à droite)

M. Nicolas About.  - Je suis très heureux que le Gouvernement retienne les propositions de l'Union centriste pour les parents d'enfant handicapé...

M. René-Pierre Signé.  - C'est le début du ralliement !

M. Nicolas About.  - Je suis heureux si le Gouvernement se rallie au groupe centriste... Merci au Gouvernement de nous avoir entendus. Les parents qui s'arrêtent pour s'occuper d'un enfant lourdement handicapé ne doivent pas être pénalisés. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - C'est la moindre des choses !

M. Nicolas About.  - Le Gouvernement a repris notre amendement.

Mme Annie David.  - Ou est-il ?

M. Nicolas About.  - Relisez-le : il a été déposé il y a une semaine ! C'est presque toujours la mère qui interrompt son activité pour s'occuper de ses enfants, mais la législation européenne nous oblige à faire référence au « parent ». (Applaudissements à droite)

M. Martial Bourquin.  - On nous parle du mauvais spectacle que donnerait le Sénat. Sommes-nous coupables de défendre pied à pied des acquis sociaux, ce que des millions d'hommes et de femmes ont gagné au fil de l'histoire ? Nous n'avons pas la même conception du débat démocratique. Je vois des lois passer à toute vitesse, on est à flux tendu en permanence. C'est le Gouvernement qui donne du Parlement une image catastrophique.

M. Nicolas About.  - Vous vouliez un référendum hier !

M. Martial Bourquin.  - J'ai entendu M. About, je vois la stratégie qui se met en place : au Sénat, il y aurait une ouverture pour les femmes. Se moque-t-on du monde ? La majorité des Français veulent que l'on débatte de la réforme des retraites en partant d'un principe simple : la justice.

Comment d'un côté accepter le bouclier fiscal, les stock-options et de l'autre les métiers difficiles, les 3 x 8 ? Et on pousse le cynisme jusqu'à demander une carte d'invalidité, alors qu'on sait très bien qu'il existe des métiers pénibles...

Il est encore temps de rediscuter de fond en comble cette réforme et d'aborder la question du financement sans allonger la durée de cotisations. Je suis élu d'un grand bassin industriel ; quand on parle de deux ans de plus, c'est un drame pour beaucoup. Nous voulons une autre réforme des retraites, juste, solidaire, qui ne soit pas à 85 % par les salariés. Il y a dix-huit mois, tout le monde voulait taxer les banques, les retraites chapeau, les bonus ; on ne les taxe toujours pas. Ce Gouvernement est celui des possédants et pas celui du peuple. (M. Dominique Leclerc, rapporteur, rit tandis qu'on applaudit à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Avant d'entrer au Sénat, je me faisais une certaine idée du Parlement. En enseignant l'éducation civique, j'apprenais à mes élèves le rôle du pouvoir législatif... (On ironise à droite) Mais il y a loin des principes à la réalité ! Je vois aujourd'hui le mépris dans lequel on tient le Parlement. (Exclamations à droite)

Réformer les retraites imposait un consensus national, des compromis collectifs : négocier, ce n'est pas consulter ou informer, monsieur le ministre. Le débat a été escamoté à l'Assemblée nationale et il en va de même ici.

De l'échec ou de la réussite de cette réforme dépend la fin du quinquennat et sans doute les élections de 2012 ! Le matraquage médiatique est sans fin et sans relâche pour nous convaincre qu'il n'y a pas d'autre solution. (M. Alain Gournac s'exclame) Gouvernement et Medef s'entendent comme larrons en foire pour favoriser la mise en place d'un régime par capitalisation.

Mme Demontès et M. Bel vous ont dit qu'un autre projet est possible. Si vous nous en laissez le temps, nous vous dirons comment préserver le système par répartition et comment le financer ! (Applaudissements à gauche)

Mme Claire-Lise Campion.  - Les femmes de France qui ont interrompu leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants ne sont pas que 130 000, elles ne sont pas toutes nées entre 1951 et 1955. Nombre de femmes recherchent en vain une place en crèche pour leur enfant et doivent se résoudre à rester à la maison.

Il faut chercher des solutions pour concilier vies familiale et professionnelle, pas s'en tenir à de telles annonces-réclames !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ce débat est très mal engagé. Je ne reviens pas sur la provocation d'hier soir : vous n'avez pas daigné répondre à nos prises de parole sur l'article premier A ni à nos amendements.

Vous avez peur du mouvement social, de son ampleur, de sa durée, de sa radicalisation.

Votre méthode est purement comptable et financière : comment combler un déficit sans toucher au capital ? Pour trouver les sommes qui vous manquent, vous bricolez des mesurettes qui ne règlent rien au fond.

Ce n'est pas comme cela que vous vous en sortirez ; nous serons présents jusqu'à la fin des débats, qui s'annoncent longs ! (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Vous ne comprenez que le rapport de forces : comme vous craignez un blocage du pays, vous annoncez des mesurettes destinées à une partie des femmes. Comme vous êtes les théologiens du marché et les mandants de vos amis du Fouquet's (protestations à droite, approbations à gauche) vous ne pouvez même pas imaginer que l'on puisse faire une autre réforme que la vôtre, brutale et injuste ! (Applaudissements à gauche)

M. Yves Daudigny.  - La démocratie ne peut fonctionner si la majorité ne respecte pas l'opposition. Le mépris est insupportable, celui de M. Lardeux tout à l'heure, celui de la droite pour nos propositions, celui du Gouvernement pour le Parlement. Les limites de l'exécutif, du législatif et même du judiciaire deviennent floues. Nous ne nous laisserons pas faire ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacky Le Menn.  - J'ai l'impression d'être dans un magasin de farces et attrapes.

La farce, c'est le ministre qui prend la parole pour annoncer des mesures...alors que la presse répétait depuis quelques jours que le Gouvernement allait annoncer quelque chose !

L'attrape -en fait, l'attrape nigaud-, c'est de faire apparaître comme une grande avancée ce qui relève du jeu de go et des principes de Sun Tse : effectuer de petits reculs pour réaliser l'essentiel de ses objectifs ! Et bien sûr, nos collègues centristes applaudissent des deux mains ! Reste que le Gouvernement a trouvé ce matin des ressources supplémentaires... là où nous répétons qu'elles existent. Nous avons des solutions, vous refusez de les regarder en face.

Ce que vous donnez est donc à prendre. Mais reculer n'est pas avancer : des millions de femmes resteront pénalisées.

Quand nous avons eu un débat sur le handicap, dans la petite salle cachée, au sous-sol du Sénat, il était clair que les associations de handicapés refusaient votre projet.

Deux points sont essentiels pour nous : la retraite à 60 ans sans décote pour les travailleurs...

M. Christian Cambon.  - Ce n'est pas ce que dit Strauss-Kahn !

M. Jacky Le Menn.  - Lui, c'est lui ; moi, c'est moi ! (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - A mon tour, je demande une suspension de séance.

La notion de « lourdement » handicapé est excessivement floue, ce qui est inadmissible pour un sujet pareil qui ne devrait pas faire l'objet de gesticulations médiatiques.

Pourquoi n'avoir pas proposé ces mesurettes dès le passage à l'Assemblée nationale ?

M. le président.  - Comme vous êtes nombreux à vouloir parler, j'attends pour suspendre.

M. Philippe Dallier.  - Puissent nos collègues de l'opposition y rester longtemps pour continuer à nous faire la leçon ! (Exclamations à gauche) Jamais, jamais, jamais vous n'avez eu le courage de traiter le dossier des retraites. Hier, M. Rocard n'a rien fait. (Vives protestations à gauche) Aujourd'hui, vous dites aux Français qu'il n'est pas nécessaire de faire quoi que ce soit. (Nouvelles protestations à gauche ; applaudissements à droite) Vous voulez faire croire, messieurs les donneurs de leçon, qu'il suffirait d'accroître toujours les prélèvements. Cela suffit ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - En tant que sénateur qui a trente trois ans de mandat, j'insiste pour que nous nous comportions de façon digne. La France nous regarde ; nous sommes le Sénat, pas l'Assemblée nationale ! Respectons-nous les uns les autres et sachons raison garder.

M. René-Pierre Signé.  - M. Dallier devrait savoir que ce n'est pas en haussant le ton qu'on donne force à ses arguments. Votre réforme est inacceptable et inacceptée par les Français, mais le ministre ne nous écoute ni ne nous répond. Nous avons demandé hier un référendum ? Parce que vous ne voulez pas écouter le Parlement.

M. Nicolas About.  - Vous voulez demander aux Français s'ils veulent la retraite à 55 ans ?

M. René-Pierre Signé.  - Point de caricature, je vous prie !

Avec le report de la retraite au-delà de 60 ans, ce sont les femmes surtout qui seront pénalisées. Nous savons tous que c'est l'augmentation du taux d'emploi des plus de 50 ans qui conditionne la viabilité de la retraite.

Vous préparez une redistribution à l'envers : les ouvriers, les femmes, les petits salaires devront travailler plus tard pour que les cadres puissent partir en retraite au même âge qu'auparavant.

Nombre de ceux qui auront eu une carrière difficile préféreront partir avec une décote.

Le Président de la République avait promis de ne pas toucher à la retraite à 60 ans : votre politique est celle du mépris et de l'hypocrisie ! (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - Au cas où certains parlementaires croient que c'est encore eux qui font la loi, je leur apprends que selon le site Nouvelobs.com, « Nicolas Sarkozy a demandé au Gouvernement de déposer des amendements en faveur de certains parents ». CQFD !

M. Charles Revet. -  C'est quand même nous qui décidons !

Mme Raymonde Le Texier.  - Annoncer comme une avancée des amendements qui sont sous le coude depuis des semaines est un peu humiliant pour nous et pour les Français. Nos concitoyens ne demandent pas des placebos, ils veulent que ce ne soit pas toujours les mêmes qui paient, avec leurs deniers, avec leur travail, avec leur santé. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Bérit-Débat.  - M. Dallier nous fait la leçon.

M. Gérard Longuet.  - Il a raison !

M. Claude Bérit-Débat.  - Il nous demande ce que nous proposons : pour l'instant, nous ne vous entendons pas beaucoup !

En fait, vous êtes dans le registre de la comédie. Le ministre s'aperçoit ce matin que son projet de loi est injuste. Il dépose donc deux amendements sur les mères de famille nombreuse, si elles sont nées entre 1951 et 1955, et sur les handicapés, si leur handicap est « lourd », ce qui manque pour le moins de précision ; mais il y avait longtemps que les associations avaient attiré votre attention sur ces problèmes !

Vous restez aveugles et sourds à la protestation qui s'élève du pays.

La retraite à 60 ans, nous sommes fiers de l'avoir soutenue. Cela ne nous empêche pas de vouloir réformer les retraites -mais de manière juste, pas en faisant payer 85 % du total aux salariés. Le financement que nous proposons est équilibré et pérenne.

La réforme que vous proposez n'est pas pérenne : elle n'est censée valoir que jusqu'en 2018. Vous feriez mieux de nous écouter ! (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - Il y a le fond, dont nous allons encore discuter. Il y a la forme, qui nous touche tous ici, de droite comme de gauche. Il n'est pas normal qu'arrive en plein débat, après un travail approfondi en commission, une dépêche de l'AFP en provenance de l'Élysée annonçant que Nicolas Sarkozy a décidé le dépôt de deux amendements... C'est du jamais vu !

Et l'article 40 sera-t-il opposé à ces amendements comme il l'est aux nôtres ? (Exclamations à droite)

Une autre dépêche, également en provenance de l'Élysée, annonce un financement par un prélèvement sur le capital ; en une nuit, 3,4 milliards ont été trouvés ! C'est encourageant ; quand les Français manifestent, on trouve 3,4 milliards : d'autres milliards pourront être trouvés !

La violence de M. Dallier est inadmissible... (Exclamations à droite)

M. le président.  - Je vous en supplie, pas d'interpellation entre collègues ! Veuillez conclure.

M. David Assouline.  - ...alors qu'il a su se révolter quand l'Élysée est intervenu de façon inadmissible dans le débat sur le grand Paris.

M. le président.  - Concluez.

M. David Assouline.  - Nous appelons l'ensemble des sénateurs à se révolter. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Longuet.  - C'est une vieille méthode de l'art oratoire des préaux : plus le message est creux, plus la voix est forte ! (Rires à droite)

L'annonce de ce matin prouve que le message du Sénat a été entendu. L'exécutif travaille avec sa majorité, quoi d'étonnant à cela ? Cela choque une gauche qui a utilisé les ordonnances en décembre 1981 pour faire passer la retraite à 60 ans sans débat parlementaire.

Profitez de la suspension de séance pour retrouver la sérénité sans laquelle aucun travail parlementaire n'est possible. (Applaudissements à droite)

M. Roland Courteau.  - Plus le message est creux, plus la parole est forte ? Je vous renvoie le compliment !

Nous ne proposons rien, Monsieur Dallier ? Hier, nous n'avons cessé de proposer...

M. Christian Cambon.  - Plus d'impôts !

M. Roland Courteau.  - ...nos solutions pour un projet alternatif juste, efficace et durable !

Après l'essorage de 2003, c'est aujourd'hui le matraquage !

Vous ne tenez aucun compte des différences entre les espérances de vie des catégories socioprofessionnelles ; vous allez demander 500 euros par an aux bénéficiaires du bouclier fiscal. C'est la solidarité à l'envers !

Je veux enfin tordre le cou à quelques canards.

La retraite à 60 ans n'existe qu'en France ? Non, c'est le cas en Belgique, au Canada, au Japon !

L'âge de pension complète est le plus bas au monde en France ? Non : il est aussi de 65 ans au Canada, au Japon, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne...

Enfin, l'alternative n'est pas entre votre réforme et le chaos mais entre une réforme injuste, inéquitable et inefficace, la vôtre, et une réforme juste, équilibrée et durable, la nôtre. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Vous vouliez hier déposséder le Sénat en demandant un référendum. (Exclamations à gauche) Attendons demain pour savoir où vous en serez. Hier soir, vous avez fait de l'obstruction en demandant le quorum ; ce matin, vous voulez que le débat avance et vous reprochez à la majorité de l'entraver. C'est curieux.

Vous passez votre temps à donner des leçons, alors que vous n'avez jamais rien fait pour réformer les retraites. (Protestations à gauche) Il y a beaucoup de paradoxes dans votre attitude.

En présentant, ce matin, nos amendements, j'ai prouvé mon respect du Sénat. Respectez aussi le Gouvernement qui a également le droit de déposer des amendements. Le Gouvernement prend en compte la discussion générale et propose d'avancer. Nous sommes respectueux du rôle des uns et des autres.

Le Président de la République, le plus démocratiquement élu du pays, peut aussi s'exprimer et répondre aux questions que vous posez.

Quand vous avez abaissé l'âge de la retraite, vous l'avez fait par ordonnance. (Les protestations de la gauche couvrent la voix du ministre, applaudi à droite)

Cela ne vous a pas gêné de considérer que des gens qui avaient commencé à travailler à 14 ans devaient cotiser quarante six ans. C'était alors beaucoup plus lourd que ce que nous proposons aujourd'hui. (Vives protestations à gauche)

Il y a eu hier un rapport très intéressant du Fonds monétaire international (exclamations à gauche) -vous voyez où je veux en venir- qui juge ce que nous proposons à la fois suffisant pour assurer les retraites et préférable à la baisse des pensions voulue par Mme Aubry. Le FMI salue nos efforts.

M. Alain Gournac.  - Qui dirige le FMI ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Un membre éminent du PS. (Applaudissements à droite)

Pour négocier, il faut qu'il n'y ait pas de tabous.

J'ai reçu Mme Aubry dès avril ; je lui ai proposé d'avancer ensemble. Elle a refusé de parler de l'âge. Mais comment parler des retraites sans parler de l'âge ? !

Mme Bariza Khiari.  - L'âge légal !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous proposons de faire avancer ce texte vers toujours plus d'efficacité et de justice. Vous ne devriez pas faire d'obstruction systématique sur un tel sujet.

Il y a une injustice entre hommes et femmes ; nous la prenons en compte comme nous prenons en compte la situation des parents de handicapés. C'est le sens de nos amendements. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - J'informe le Sénat que le groupe CRC-SPG a déposé ce jour, à 9 h 25, cinq sous-amendements à l'amendement n°598 du président Nicolas About et de l'Union centriste.

Ces sous-amendements reprennent le contenu de certains des amendements du groupe CRC-SPG dont l'examen a été réservé après l'article 33 à la suite de la demande de la commission des affaires sociales, acceptée par le Gouvernement.

En ce sens, ces sous-amendements viennent en contradiction avec la décision de la Conférence des Présidents qui, lors de sa réunion d'hier soir, a pris acte de cette décision de réserve en refusant la rectification de certains des amendements du groupe CRC-SPG pour les transformer en paragraphes additionnels à l'article premier A. De plus, elle avait considéré qu'ils ne s'appliquaient pas à l'article en discussion.

Pour cette raison, ces cinq sous-amendements ne peuvent être reçus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Provocation !

M. le président.  - Non : j'applique les décisions de la Conférence des Présidents.

M. Guy Fischer.  - Après la Conférence des Présidents, nous avons réfléchi et transformé nos amendements en sous-amendements. Il est inadmissible qu'on nous empêche d'amender le texte. A l'évidence, on veut nous bâillonner !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Parlement ne prend pas ses ordres au FMI. (Applaudissements à gauche)

Depuis trois jours, nous demandons un débat de fond car manifestement, votre réforme est jugée injuste et inefficace par nos concitoyens.

Nous demandons un débat sur le financement, la Conférence des Présidents l'a refusé : ce n'est pas surprenant, la majorité y est surreprésentée ! Nous avons donc déposé des sous-amendements à l'amendement centriste sur les financements ; les refuser est un abus de pouvoir. (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Après la suspension de séance pour les réunions de groupe, je demanderai une suspension de séance pour que la commission puisse examiner les deux amendements du Gouvernement.

Sur le fond, toutes les propositions du groupe CRC seront étudiées. Sur la forme, vos sous-amendements sont irrecevables. Puisque, de toute façon, vos propositions seront étudiées, il est choquant de vouloir les faire passer au moment qui vous convient, en les faisant rentrer par la fenêtre. (Exclamations sur les bancs CRC, applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce sont des sous-amendements !

M. le président.  - Je suspends la séance jusqu'à 15 heures.

La séance est suspendue à 11 h 30.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Retraites (1)

Mme Annie David .  - (Applaudissements à gauche) Ce matin, a été annoncée par le Président de la République une avancée sur les retraites : seules 130 000 femmes -sur 30 millions- sont concernées pour 320 millions par an, soit moins que ce que coûte le bouclier fiscal !

N'est-ce pas pour contrer la mobilisation qui ne cesse de croître ? Cette manoeuvre ne répond en rien à la demande des Français de bénéficier de la retraite à 60 ans.

Une autre répartition de la richesse est possible. Pour vous c'est pas touche au bouclier fiscal, pas touche aux niches fiscales et sociales ! Pas touche aux parachutes dorés ! Au mépris de la Constitution, le Sénat refuse de discuter de nos amendements qui proposent des financements assis sur les revenus du capital.

M. Guy Fischer.  - C'est scandaleux !

Mme Annie David.  - Quand allez-vous écouter le peuple et taxer les revenus financiers ? Il est temps encore de retirer votre projet de loi et d'engager des négociations ! (Vifs applaudissements à gauche ; plusieurs sénateurs CRC scandent : « Retirez ce projet ! »)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique - Nous écoutons sans cesse ! (« Non ! » à gauche) Depuis le mois d'avril, nous réfléchissons à ce texte. On ne peut accepter les déficits sans fin, lourdement accrus par la crise et ne rien faire.

Nous écoutons les sénateurs (on le conteste à gauche) la majorité, le Président du Sénat, cher Gérard Larcher. (« Oh ! » à gauche) Il faut effectivement prendre en compte certaines inégalités qui touchent les femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants.

Les femmes nées entre 1951 et 1955 ont moins de trimestres de cotisations ; nous en tirons les conséquences : elles n'iront que jusqu'à 65 ans pour toucher une pension à taux plein. Même chose pour les parents ayant élevé des enfants lourdement handicapés.

Retraites (2)

M. Alain Vasselle .  - (Applaudissements à droite) Si le Gouvernement était resté l'arme au pied, le système des retraites était condamné. Vous avez courageusement pris vos responsabilités.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est du violon !

M. Alain Vasselle.  - C'est la réalité ! (Applaudissements à droite)

Non seulement vous allez maintenir le niveau des pensions mais vous proposez des mesures d'équité. Vous l'avez fait à l'Assemblée nationale avec la pénibilité (on le conteste vivement à gauche) et vous le ferez au Sénat (exclamations prolongées sur les mêmes bancs) pour les femmes, pour les chômeurs, les séniors en fin de droits, pour ceux qui souffrent.

L'approche du Gouvernement n'est pas seulement comptable, elle est aussi humaine. (Exclamations à gauche)

Pouvez-vous tordre le cou à cette idée fausse diffusée par l'opposition et les médias selon laquelle il suffirait de faire payer les banques et les riches pour financer les retraites alors que ce doit être l'effort de tous ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique .  - Avec cette réforme nous voulons sauver le système par répartition. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous allez le tuer !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous voulons encore plus de justice. (On se moque à gauche) La première des injustices serait de ne pas financer le système par répartition, qui protège les plus faibles.

Les Français qui ont commencé à travailler très tôt pourront partir plus tôt. Cela ne gênait pas la gauche naguère que ceux qui ont commencé à travailler à 14 ans cotisent 46 ans ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite) La pénibilité sera également prise en compte.

Au Sénat, nous allons améliorer la justice sociale. Vous l'avez fait pour les victimes de l'amiante et vous allez le faire pour les parents d'enfants handicapés, pour les femmes qui ont élevé trois enfants, pour les chômeurs séniors. La justice, c'est la marque de fabrique du Sénat. (Applaudissements à droite)

Rendre les points du permis

M. Raymond Vall .  - Il convient d'assouplir les règles de récupération des points du permis de conduire sans remettre en cause la politique ferme de lutte contre les infractions routières. Avec le recul, il apparaît judicieux de mettre un terme à certains effets pervers tels que la conduite sans permis ou le trafic de points sur internet ou dans les familles, organisé par ceux dont le permis de conduire est un permis de travailler.

Il faudrait ramener à un an au lieu de trois le délai pour récupérer un point perdu. Nous avions voté ce texte au Sénat. Nous attendons que l'Assemblée nationale tranche. Il est regrettable que cette mesure ait été adoptée contre l'avis du Gouvernement.

Le but est de sauver les vies humaines ; or nombre de points sont perdus pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la sécurité. Pourquoi ne pas réfléchir intelligemment à l'assouplissement de cette réglementation ? (Applaudissements sur certains bancs à gauche, au centre et à droite)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports .  - Il y a trente ans, nous comptions 16 000 morts sur les routes. Jacques Chirac avait fait de la lutte contre l'insécurité routière une grande cause nationale et ce nombre était passé de 8 000 à 4 000 entre 2002 et 2007. En 2008, nous devions en déplorer encore 4 275 et 4 273 en 2009.

Les résultats pour les six premiers mois 2010 sont excellents, même si le mois de juillet a été catastrophique. Nous devrions atteindre les 3 000 morts cette année : c'est encore trop, mais ce serait mieux.

Il faut éviter tout laxisme. Le Sénat a voté un amendement, la commission des lois de l'Assemblée l'a modifié et le Gouvernement, qui ne veut donner aucun signe de faiblesse, fera toutefois un geste de compréhension lors de la deuxième lecture de la Loppsi : tout automobiliste pourra regagner un point s'il n'a pas commis d'infraction dans l'année. Nous continuerons à faire preuve de fermeté pour sauver des vies humaines et améliorer la sécurité routière. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

Gouvernance de la RGPP

M. Jean Arthuis .  - Ma question porte sur la gouvernance de la RGPP. (« Ho ! » à gauche) Je ne veux pas remettre en cause cette politique mais sa conduite : les arbitrages sont rendus par le Comité de modernisation des politiques publiques mais j'ai l'impression que les ministres fonctionnent indépendamment les uns des autres. Dans mon département, qui supprime un TGI, qui un régiment... Chacun conduit sa propre politique sans prendre en compte les mesures prises par les autres. Il faut éviter que tout soit regroupé sur le même territoire, au détriment des autres... Je demande donc un arbitrage du Premier ministre. J'espère qu'il y a bien un pilote dans l'avion de la RGPP ! (Applaudissements au centre)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État .  - Bon anniversaire, d'abord. (« Ah ! » à droite) Nous voulons maîtriser les dépenses, vous le savez. La phase de la RGPP est incontournable. L'objectif est simple : moins de fonctionnaires et mieux payés.

M. Guy Fischer.  - Ben voyons !

M. Jacques Mahéas.  - Donc, moins de professeurs devant les élèves !

M. François Baroin, ministre.  - Nous avons beaucoup avancé : création de Pôle emploi dans les départements, multiplication des télédéclarations d'impôts; il n'y en aura bientôt plus du tout sur papier. Le but est l'amélioration des services publics de proximité. Le 28 septembre, nous avons signé un accord avec divers organismes -EDF-GDF, Pole emploi, Cnav, Cnam...- pour mutualiser les prestations offertes aux usagers.

M. le président.  - Concluez !

M. François Baroin, ministre.  - Cette politique est conduite sous l'autorité du Premier ministre, en partenariat avec les élus. S'il faut plus de coordination, nous le ferons ! (Applaudissements à droite)

Retraite (3)

Mme Raymonde Le Texier .  - Les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Telle est votre maxime. En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s'engageait à maintenir la retraite à 60 ans. Le Président trahit sa parole.

Avec ce projet de loi, injuste et inefficace, vous transformez les jeunes retraités en vieux chômeurs. Vous aggravez les inégalités entre les Français : un ouvrier a sept ans d'espérance de vie de moins aujourd'hui ; et demain ? Le travail est de plus en plus précaire aujourd'hui et vous demandez maintenant aux plus fragiles de régler la facture ! Quant aux femmes et aux parents d'handicapés, ils bénéficieront de mesures... qu'ils ont déjà ! (Applaudissements à gauche)

Vous appliquez la maxime de Coluche : faire payer les pauvres parce qu'ils sont plus nombreux. Vous les multipliez ! Et ce ne sont pas les mesurettes de ce matin qui changent les choses !

85 % des efforts reposent sur les salaires tandis que le capital ne participera qu'à 15 %.

Vous voudriez mettre à bas le système par répartition, vous ne vous y prendriez pas autrement. Allez-vous enfin retirer votre texte pour revivifier notre pacte social ? (« Non ! » à droite ; applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre .  - (Applaudissements à droite) Vous m'interrogez sur le respect des engagements. En 1993, le gouvernement Balladur s'est engagé à allonger la durée des cotisations de 37 ans et demi à 40. Vous promettiez de revenir dessus et après 1997, vous n'avez pas trouvé un jour en cinq ans pour le faire. En 2003, vous avez combattu la réforme que je défendais avec Jean-Pierre Raffarin en promettant de l'abroger. Au lieu de quoi, vous considérez aujourd'hui que l'allongement de la durée de cotisation est partie intégrante de toute réforme des retraites !

En 2007, vous avez combattu la réforme des régimes spéciaux. En parlez-vous dans votre programme ? Allez-vous revenir dessus ? Vous dites que le système est injuste. Vous vous étiez engagés depuis toujours à régler le problème des longues carrières mais vous n'avez rien fait au pouvoir.

Taxer le capital, les stock-options ? Que ne l'avez-vous fait alors ? En 2000, sous l'autorité de M. Fabius, vous avez même pris une décision qui aboutissait à alléger la fiscalité sur les stock-options ! Alors, ne nous parlez pas de respect des engagements ! Vous avez toujours promis ce que vous n'avez pas fait ! (Applaudissements à droite)

C'est l'honneur du Président de la République et du Gouvernement de présenter ce projet de loi pour assurer le paiement des pensions. (Les sénateurs UMP et M. Nicolas About se lèvent et applaudissent longuement tandis que les sénateurs CRC protestent bruyamment)

Industrie automobile

M. Alain Gournac .  - Mon département est le premier département automobile de France et le berceau de l'automobile du futur. La prime à la casse...

M. Didier Boulaud.  - C'est le Gouvernement qui partira bientôt à la casse !

M. Alain Gournac.  - ...a donné un souffle nouveau à un secteur stratégique que le Président de la République, au travers du plan ambitieux lancé en 2008, a voulu sauvegarder. (Applaudissements à droite)

Des prêts bonifiés ou participatifs ont été accordés aux constructeurs pour le développement des véhicules décarbonés ; il est prévu la construction de 2 millions de véhicules électriques et hybrides en 2020. Je salue l'action de M. Nègre qui a été chargé d'une mission en ce domaine. (On se gausse à gauche) Innovants et audacieux, les constructeurs français sont les mieux placés pour développer la voiture du futur. Pouvez-vous nous indiquer les actions que le Gouvernement envisage pour améliorer les dispositifs existants en faveur du développement des véhicules décarbonés ? (Applaudissements à droite)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie .  - La crise n'a pas épargné l'industrie automobile mais le Président de la République et le Gouvernement ont pris des mesures fortes ; elle est devenue l'une des plus performantes d'Europe et du monde. Deux des six milliards de prêts accordés ont déjà été remboursés avec intérêts par anticipation. Nous organisons la sortie progressive de la prime à la casse, celle-ci ayant eu des résultats positifs ; jamais, depuis 1993, les ventes n'ont été aussi élevées qu'en 2009.

Le Président de la République et le Premier ministre ont fixé un objectif aux industriels : présenter au Mondial de l'automobile une gamme innovante et diversifiée pour partir à l'assaut du marché mondial. Les constructeurs l'ont tenu. Avec Jean-Louis Borloo, nous avons débloqué 250 millions pour aider les constructeurs, dont 108 ont déjà été consommés.

Enfin, dans les Yvelines comme ailleurs, nous voulons défendre le « fabriqué » en France en aidant les constructeurs, les équipementiers et les PME innovantes. Pour la première fois sont recréés des emplois industriels. Il y a quelques années, Lionel Jospin disait que l'État ne peut pas tout faire ; quand la volonté politique est là, il peut agir ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Médias et groupes industriels

Mme Catherine Tasca .  - Il y a un mal bien français dans le monde de la communication : les liens étroits entre le pouvoir politique et les groupes industriels possédant des médias et vivant de la commande d'État. Les conflits d'intérêt qui en résultent sont patents. Après avoir mis la main sur les nominations dans l'audiovisuel public, Nicolas Sarkozy a tenté de peser sur le rachat du Monde. La concentration possible aux mains du groupe Dassault du Figaro et du Parisien-Aujourd'hui en France est inquiétante et devrait interpeler le Gouvernement sur sa responsabilité en matière de pluralisme. Il faudrait être bien naïf pour ne pas y voir la tentative d'orienter l'information à la veille du long processus électoral à venir. Fantasme ? Ce Gouvernement n'a cessé d'affaiblir les dispositifs anti-concentration.

Il y a plus pervers encore que les concentrations de capitaux : les médias sont liés à des groupes industriels qui vivent de la commande publique. Le droit des Français à être bien informés doit être respecté. Le professionnalisme des journalistes ne suffit pas à empêcher les dérives.

Seule la loi peut assurer le pluralisme de la presse. L'article 34 de la Constitution confie au législateur la fixation des règles relatives au pluralisme et à l'indépendance des médias. Que pensez-vous du sort du Parisien ? Allez-vous étendre à la presse écrite les règles anti-concentration pour mettre fin à des conflits d'intérêts scandaleux ? Faute d'agir, le Gouvernement serait complice des atteintes au pluralisme. (Applaudissements à gauche)

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser le ministre de la culture, qui est au Salon du livre de Francfort.

A la lecture des médias et en regardant la télévision, il me semble que le pluralisme n'est pas menacé. (Applaudissements à droite) Avec des mots d'une violence rarement atteinte, on assiste même à une entreprise de déstabilisation qui menace la démocratie... (Exclamations à gauche)

Les états généraux de la presse ont répondu par avance à vos questions. Leurs conclusions ont été plutôt bien reçues, dont le renforcement de la protection des sources des journalistes. (Exclamations à gauche)

En France, le marché des quotidiens est moins concentré par exemple qu'en Grande-Bretagne. Trois entreprises engagées s'intéressent à la cession du Parisien ? Tant mieux... Vous avez l'indignation sélective. Quand M. Bergé rachète Le Monde, cela ne vous choque pas, non plus que quand M. de Rothschild apporte des millions à Libération. (Exclamations prolongées à gauche) Faisons confiance aux journalistes pour préserver leur indépendance ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Aidants aux personnes âgées

Mlle Sophie Joissains .  - (Applaudissements à droite) Se tenait hier la première journée nationale des aidants, ces personnes qui accompagnent les personnes âgées ou handicapées. La loi HPST a pris en compte l'hébergement temporaire médicalisé, mais les décrets ne sont pas encore publiés. Comment allez-vous débloquer la situation ? (Applaudissements à droite)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité .  - Le Président de la République a fait de la lutte contre la maladie d'Alzheimer une priorité absolue. Le plan lancé en 2008 permet le développement de structures de répit et d'hébergement temporaire. La première journée nationale des aidants a montré leur importance. Le décret relatif à la tarification sera prochainement soumis à la concertation. Il ne doit pas alourdir les charges des départements, tout en rendant l'hébergement temporaire financièrement accessible.

Un travail d'analyse est en cours au sein de la CNSA. L'offre d'hébergement existe mais l'accessibilité n'est pas encore optimale. Nous travaillons à mieux faire connaître ces hébergements temporaires aux familles. Des plateformes de répit seront financées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ; 95 % des places d'Epad ont été notifiées le 1er janvier 2010. (Applaudissements à droite)

Retraites (4)

M. Claude Jeannerot .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Depuis mardi, le Sénat se penche sur le projet de réforme des retraites. La France nous regarde avec espoir. Nous socialistes ne voulons pas seulement nous opposer, nous proposons un autre projet juste, efficace et durable. Contrairement à vos affirmations, nous avons beaucoup fait pour les retraites : nous sommes fiers d'avoir mis la retraite à 60 ans. (Applaudissements à gauche)

Depuis mardi, la question de l'emploi est omniprésente. La pérennité des retraites passe par une politique de l'emploi active. Or, le chômage ne cesse d'augmenter : la barre des 10 % de chômeurs a de nouveau été franchie en août ; un jeune sur quatre est sans emploi. Et que faites-vous ? Vous réduisez drastiquement le nombre de contrats aidés et les moyens de Pôle emploi ! A quand un grand plan national pour l'emploi des jeunes ? C'est le préalable à toute réforme des retraites juste socialement et financièrement pérenne. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique .  - Bien évidemment, la clé de tout, c'est l'emploi. Nos systèmes sont financés par la masse salariale. Nous sommes d'accord là-dessus. C'est d'ailleurs le bon sens.

Nous avons pris en compte les prévisions du COR. Notre politique de l'emploi est active, nous avions réussi à faire baisser le chômage. La crise l'a fait remonter mais il baisse de nouveau. (On le conteste à gauche) Vous semblez le regretter. (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Les chômeurs sont de moins en moins indemnisés !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous allons aider les entreprises à créer des emplois pour les seniors. A 55 ans, on a encore beaucoup à donner à son entreprise et à son pays. (Applaudissements à droite) Il faut adapter les conditions de travail, c'est tout. Ce n'est pas parce qu'on va partir plus tard qu'il y aura moins de travail pour les jeunes, contrairement à cette vieille idée fausse du partage du travail, au nom de laquelle vous avez voulu les 35 heures. (Applaudissements à droite)

Bioéthique

M. Philippe Darniche .  - Début septembre, vous avez dévoilé les grandes lignes de la révision des lois bioéthique. Nous avons été associés à l'élaboration de ce texte.

Je me réjouis que l'intérêt primordial de l'enfant à naître ait été préservé en maintenant l'interdiction de la gestation pour autrui et que l'on n'ait pas accepté l'extension de diagnostic préimplantatoire à la trisomie 21. Il reste à mes yeux un sujet d'inquiétude majeur : la recherche sur l'embryon. Si l'interdiction reste la règle, des dérogations seront possibles au nom, non plus de « progrès thérapeutiques majeurs » mais de « progrès médicaux majeurs ». Pourquoi maintenir un principe d'interdiction si on le vide de sa substance ?

De nouvelles pistes peuvent être explorées avec par exemple les cellules iPS ; les recherches dans ce domaine sont prometteuses. Pourquoi ne pas maintenir le principe d'interdiction ferme de la recherche sur l'embryon ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports .  - Le 20 octobre, je présenterai le projet de révision des lois bioéthiques en conseil des ministres. Il a fait l'objet d'un travail extrêmement approfondi, notamment grâce à Mme Hermange. Nous avons réaffirmé les grands principes : respect de la dignité de la personne, refus de toute marchandisation du corps humain et du dumping éthique. Le texte prévoit des avancées importantes, comme la possibilité de dons croisés d'organes ou la possibilité de lever l'anonymat des donneurs de gamètes à la condition expresse de leur consentement.

On parle de « progrès médical » lorsque l'angle thérapeutique n'est pas encore complètement éclairé. Sur la recherche embryonnaire, nous avons maintenu le principe de l'interdiction mais des dérogations -très encadrées- sont nécessaires si nous voulons que la France reste un grand pays de recherche. (Applaudissements à droite)

La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 30.

Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur la réforme des retraites.

Discussion des articles (Suite)

Demande de priorité des articles 5 et 6

Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales.  - Je demande la priorité des articles 5 et 6...

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales.  - ...qui pourraient être examinés à la reprise de ce soir.

M. Guy Fischer.  - Respectez le débat parlementaire ! (Exclamations sur les bancs CRC ; applaudissements sur les bancs UMP)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Le Gouvernement est évidemment favorable à cette priorité. (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Cette séance de l'après-midi commence par un coup de force du Gouvernement et de la présidente de la commission des affaires sociales.

M. Josselin de Rohan.  - C'est le Règlement.

M. Guy Fischer.  - A 13 h 30, Mme Dini nous annonce en commission que les articles 5 et 6, articles scélérats, seraient appelés en priorité. Ce devait être à 16 h 30. Devant notre vive opposition, vous avez reporté à cette soirée ce débat emblématique. Il aurait fallu le faire en plein jour, devant les Français !

Nous vous demandons de respecter l'ordre normal du débat.

L'exécutif du Sénat se plie aux injonctions de l'Élysée. Vous redoutez la mobilisation massive des Français le 12 octobre. Vos manoeuvres ne tromperont pas les Français. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Apprendre lors d'une réunion de travail sur deux amendements du Gouvernement que nous allions étudier dès ce soir les articles 5 et 6 est inacceptable. Des collègues inscrits sur ces articles ne sont pas là. (On feint de le regretter à droite)

La réalité est claire : cela vous déplaît beaucoup que nous puissions nous exprimer. Si nous avons pris du retard hier soir, ce n'est pas de notre fait, mais à cause du président de séance, qui nous a refusé une suspension de cinq minutes... Si nous avons passé la matinée à débattre comme nous l'avons fait, c'est parce que le ministre a annoncé le dépôt de deux amendements.

En fait, vous voulez que les articles 5 et 6 soient votés avant le 12 octobre pour pouvoir dire aux salariés que leur manifestation ne sert plus à rien ! Vous dites aux salariés : « circulez, il n'y a rien à voir » Joli sens du dialogue social ! Vous encouragez la radicalisation du mouvement, à croire que c'est le but recherché, pour récupérer l'électorat que vous avez perdu.

Ce que vous faites aujourd'hui, monsieur le président, c'est ce qu'a fait le président de l'Assemblée nationale en refusant la parole aux députés ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Nous déplorons une nouvelle manoeuvre du Gouvernement pour éviter le débat de fond. Vous désorganisez le débat en appelant en priorité des articles que nous devions étudier dans plusieurs jours, alors que vous avez déjà déclaré irrecevables plusieurs de nos amendements.

Quand nous avons voulu débattre avec M. Le Maire des retraites agricoles, celui-ci nous a renvoyés au présent projet de loi. Le débat sera réduit si vous opposez l'article 40 à nos propositions alors que les voix des agriculteurs ruinés s'élèvent dans tout le pays. La Confédération paysanne se mobilise, quatre paysans sont en grève de la faim.

M. le président.  - M. Romani ayant été mis en cause, il me semble normal qu'il puisse s'exprimer.

M. Roger Romani.  - L'intervention de M. Godefroy me surprend. Je me suis contenté, hier soir, d'appliquer le Règlement. Alors que le scrutin public avait commencé, M. Sueur a demandé une suspension de séance ; elle n'était pas de droit, je l'ai refusée. Vous avez demandé une vérification du quorum : j'ai suivi la procédure.

Hier soir, nous avons subi les leçons de M. Sueur. J'avais une haute opinion de M. Godefroy, je suis plus que déçu. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

Article premier A (Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°819.

Mme Raymonde Le Texier.  - Rappel au Règlement !

M. le président.  - Vous pouvez expliquer votre vote.

Mme Raymonde Le Texier.  - Je veux faire un rappel au Règlement.

M. le président.  - Non : soyez raisonnable !

L'amendement n°819 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°756.

M. Guy Fischer.  - Le rapporteur souligne que les cotisations versées servent immédiatement à payer les pensions et à ouvrir droit à pension future.

La rédaction retenue met en cause la solidarité intergénérationnelle, au nom d'un principe « d'équité » bien trop flou. C'est l'égalité qui doit être le principe.

Ce n'est pas l'allongement de la durée des cotisations qui résoudra le problème des retraites. Il faut un nouveau partage des richesses, un partage juste, efficace. Les Français rejettent votre scénario catastrophe. Les richesses nouvelles créées par les salariés vont aux seuls patrons !

M. François Autain.  - Est posé un débat de fond qui nous amène à réfléchir sur notre démographie et notre économie. La situation démographique de la France est loin d'être celle de l'Allemagne, de l'Espagne ou de l'Italie. Alors que la population de nos voisins risque de se contracter, la nôtre continue de se développer, grâce à la fois au solde des naissances et au solde migratoire.

A la différence de ce qui se passait encore dans les années 1970, 80 % des femmes en âge de travailler ont un emploi. La formation des jeunes s'est considérablement renforcée : depuis 1968, le nombre d'étudiants a décuplé.

A écouter les pères la rigueur, nous devrions nous lamenter sur le coût du travail... comme s'il n'y avait pas de gain de productivité ! Mais le monde du travail sait pertinemment que les technologies et les formations sont considérablement supérieures à ce qu'elles étaient autrefois. L'ouvrier qui faisait une automobile il y a un demi-siècle en fait désormais cinq !

M. Claude Domeizel.  - Je voterai l'amendement, mais je veux revenir sur l'organisation de nos travaux. Vous commencez par réserver l'examen des articles additionnels. Première désorganisation de nos travaux. Vous continuez en exigeant la priorité sur les articles 5 et 6. Nos interventions sont préparées par nos collaborateurs ; laissez-leur le temps de le faire.

Nous discutons le texte de la commission, que nous ne connaissons que depuis vendredi.

Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales.  - C'est déjà pas mal !

M. Claude Domeizel.  - L'exécutif doit marquer son respect pour le Parlement, les sénateurs et leurs collaborateurs. Si l'on était logique, on suspendrait la séance pour nous permettre de préparer nos interventions sur les articles 5 et 6 : je dois faire d'ici ce soir ce que j'avais prévu de faire ce week-end.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

L'amendement n°756 n'est pas adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Puisque l'amendement n°598 a reçu un avis favorable, je retire l'amendement n°551 rectifié bis mais maintiens l'amendement n°552 rectifié ter qui pose une question de principe.

L'amendement n°551 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°56.

M. Ronan Kerdraon.  - Certes, les déclarations de principe ne suffisent pas, mais elles permettent de rappeler certaines évidences.

Les annonces de ce matin ne sont pas des avancées mais de la poudre aux yeux. Les femmes resteront les premières victimes de votre projet. Elles occupent 82 % des emplois à temps partiel et gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes. Atteindre 62 % des pensions des hommes n'est pas un but enviable ! Le relèvement à 67 ans de l'âge de départ à taux plein touchera principalement les femmes. La Halde y a insisté. En fait, votre réforme perpétue, voire aggrave, les inégalités.

Mme Claire-Lise Campion.  - Les pensions servies aux femmes demeurent bien inférieures à celles des hommes. L'allongement des durées cotisées ne suffira pas à combler l'écart des pensions, du fait du temps partiel, qui touche 18 % des salariés -dont 82 % de femmes !- contre 8 % naguère.

M. Guy Fischer.  - Nous voterons l'amendement n°56.

La France a encore d'importants efforts à fournir pour obtenir l'égalité salariale entre hommes et femmes. L'écart est de 19,2 % ! Quand allez-vous sanctionner les entreprises qui discriminent les femmes ?

M. Muzeau remarquait en 2006 que toutes les lois tendant à faire respecter l'égalité salariale entre les deux sexes sont inefficaces. C'est que l'on refuse de sanctionner les entreprises.

Le Medef a su vous convaincre de renoncer à agir. Nous voterons cet amendement qui réaffirme le principe d'égalité.

M. David Assouline.  - Ce sujet est incontournable pour toute réforme concernant les retraites. Autrefois, on considérait que l'homme seul travaillait et subvenait aux besoins de sa famille. Depuis, les choses ont évolué...

A l'heure actuelle, un retraité sur deux touche 900 euros et un sur trois, 700, alors que l'Union européenne a fixé le seuil de pauvreté à 890 euros. Heureusement que la solidarité familiale peut jouer !

Retarder l'âge de départ possible à 62 ans est une régression terrible, même en comptant votre annonce de ce matin : comment osez-vous la présenter comme une avancée ?

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

Hommage à une délégation australienne

M. le président.  - J'ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation du Parlement australien conduite par M. Michael Forshaw, sénateur et président de la commission des affaires étrangères.

Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie que nos collègues portent à notre institution. Au nom du Sénat de la République, je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos deux pays et je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. J'associe à cet hommage M. Leclerc, notre rapporteur, qui préside le groupe d'amitié France-Australie. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent)

Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (suite)

Article premier A (Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°1170.

Mme Odette Terrade.  - L'inégalité salariale entre hommes et femmes reste un problème majeur. Les propositions pour sanctionner les entreprises se multiplient, tandis que se prolongent les délais pour les mettre en oeuvre. De toute manière, il ne s'agirait que d'obligation de moyens, pas de résultats.

La jurisprudence étend à juste titre le champ des comparaisons en parlant de responsabilités similaires. Il est temps que le législateur se saisisse de cette question.

Mme Annie David.  - Les femmes subissent le temps partiel imposé et des différences de salaires qui atteignent 19,8 %. En 2007, M. Sarkozy déclarait cela « scandaleux » et s'engageait à ce que l'égalité salariale entre hommes et femme « soit totale d'ici 2010 ». Où en est-on ? Le projet de loi qui devait en traiter est retardé, tandis que vous multipliez les textes en procédure accélérée. Des pénalités sont prévues dans l'article 31, qui pourraient atteindre 1 % de la masse salariale... si n'est pas adopté un plan d'action, formule vague à souhait !

Vous pourriez nous présenter un cavalier gouvernemental de plus pour faire avancer dans les faits l'égalité salariale.

M. Marc Daunis.  - Les inégalités sont graves et persistantes. Les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons. Si elles sont 71 % d'une génération au bac, elles ne sont que 40 % en classe préparatoire et 23 % en école d'ingénieur. Première inégalité.

Deuxième inégalité : 60 % de la validité des acquis de l'expérience concerne les femmes.

Troisième inégalité : le taux de chômage des femmes reste de 11 % contre 9,7 % pour les hommes. Les emplois non qualifiés concernent pour 60 % les femmes, et même pour les deux tiers dans le tertiaire.

Bref, le diplôme obtenu par une femme est moins valorisé que celui d'un homme. Un homme bachelier de 40 ans a 13 % de chances de devenir cadre contre 6 % pour une femme.

C'est dire l'importance de cet amendement. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°1170 n'est pas adopté.

L'amendement n°317 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°59.

M. Ronan Kerdraon.  - Nous sommes fiers de la retraite à 60 ans : c'est une conquête sociale qui a fait preuve de son efficacité économique. Remettre en cause cet acquis, c'est ne pas tenir compte du fait que deux tiers des 55 ans sont au chômage, c'est méconnaître les aspirations des Français. Il y a un temps pour travailler et un temps pour se reposer.

L'usure au travail existe toujours, même si elle a pris davantage une dimension morale et psychologique. La souffrance pousse de nombreux salariés au suicide et dans la dépression.

L'allongement de la durée de la vie implique le recul de l'âge légal, nous dit-on. C'est une idée reçue. On ne peut toujours demander plus à ceux qui ont moins. L'espérance de vie des ouvriers est très inférieure et il faut retenir le critère d'une vie en bonne santé. De plus, les retraités participent pleinement à l'activité économique, culturelle et surtout associative de notre pays. La retraite est un dû. Votons cet amendement ! (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - Il faut mettre fin à cette attaque cynique contre l'acquis du CNR. Vous voulez voler les Français des dix dernières années en bonne santé qu'ils ont à vivre.

Ne maintenir le départ à 60 ans que pour ceux qui sont déclarés à 10 % invalides est inacceptable : ceux qui exercent un métier pénible ne pourront donc prendre leur retraite que parce que malades. Les salariés ont droit à une retraite décente. (Applaudissements sur les bancs CRC)

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

Organisation des débats

M. le président.  - La Conférence des Présidents qui s'est tenue le 6 octobre avait laissé ouverte la question de la séance de samedi.

Le Président du Sénat me fait savoir qu'après avoir consulté la président de la commission des affaires sociales et les présidents de groupes, il apparaît nécessaire pour le bon déroulement de nos débats de siéger vendredi dans la nuit et de recommencer lundi à 10 heures au lieu de 14 h 30. Acceptez-vous ces propositions ? (Assentiment)

Dans ce cas, il n'y aurait pas Conférence des Présidents demain.

Discussion des articles (Suite)

Article premier A (Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°60.

M. Guy Fischer.  - L'amendement n°60 porte sur la retraite des femmes qui perçoivent une pension très inférieure à celle des hommes.

Cette situation n'est pas acceptable et des amendements devraient améliorer les choses. Lundi dernier, cinq membres du Gouvernement, dont M. Woerth, se sont exprimés dans un grand quotidien du soir. Selon eux, les écarts seraient en train de s'estomper. Mais pourquoi plus de 30 % des femmes ne prennent-elles leur retraite qu'à 65 ans? Pourquoi avoir augmenté, comme en 1993 et en 2009, la durée des cotisations ?

Les femmes qui partent avant 67 ans subissent de plein fouet la décote. Moins de la moitié des femmes valident une carrière complète à 65 ans.

Soit il faudra travailler jusqu'à 67 ans pour éviter une décote trop lourde, soit partir à 62 ans avec une pension qui se sera effondrée. C'est de la précarité qui s'ajoute à la précarité. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Raymonde Le Texier.  - L'écart entre les retraites des hommes et des femmes ne se résorbe pas. Si une femme s'arrête pour mettre au monde un enfant, elle n'a droit ni à une prime ni à une promotion, comme elle pourrait y prétendre, à son retour. Et c'est pareil si elle recommence alors que ses enfants paieront nos retraites.

M. le ministre nous dit que les écarts de salaires à l'embauche n'existent quasiment plus. C'est faux. Ils persistent, et de manière caricaturale. Nous avons tous des exemples de ce type en mémoire. Votons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Cazeau.  - En se focalisant exclusivement sur les enjeux financiers, cette réforme fait l'impasse sur les enjeux sociaux. Elle favorise ceux qui sont en haut de l'échelle. La France a l'un des systèmes les plus défavorables aux classes moyennes. De nombreuses femmes touchent des pensions inférieures au seuil de pauvreté. Nos propositions sont donc justes et raisonnables. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°746.

Mme Annie David.  - Cet amendement traite de la solidarité intergénérationnelle qui doit passer par une réelle politique de l'emploi.

La crise a entraîné, avec la destruction de 680 000 emplois, une perte de 600 millions dans les caisses de retraite. Le plein emploi est donc nécessaire. Or, les jeunes et les seniors sont touchés par un chômage de masse. Ils veulent pouvoir travailler pour cotiser. Une politique de l'emploi stable et bien payé est nécessaire, mais vous faites l'inverse. Pôle emploi, qui transforme des CDI en CDD, devrait d'ailleurs donner l'exemple. Les suicides qui s'y multiplient doivent vous interpeller, monsieur le ministre. Voulez-vous que l'exemple de France Télécom s'y généralise ?

Rien à voir avec les exigences du Medef que vous écoutez avec complaisance.

Mme Isabelle Pasquet.  - Un grand nombre de jeunes sortis du système scolaire sans formation sont au chômage. Dans les zones sensibles, la jeunesse tente pourtant de se former. Et c'est pourquoi elle manifeste autant contre cette réforme. Ces jeunes savent que les pensions qui leur seront versées ne leur permettront pas de vivre. Avec votre politique, ils savent qu'un long chemin de croix les attend. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. David Assouline.  - Un mot sur la jeunesse : aujourd'hui, on sent qu'elle est en mouvement. Elle est concernée par ce débat. Les jeunes savent qu'en commençant à travailler à 30 ans, ils n'auront donc pas leurs quarante annuités avant 70 ans. Veut-on retarder jusque-là l'âge de leur retraite ?

L'ensemble de la jeunesse se sent concernée par ce « trou » d'avenir devant elle. Nous discutons de son avenir. Il n'y a pas de réforme possible sans qu'elle y adhère. Si les jeunes n'ont pas confiance, le système, dont ils se détourneront, va péricliter de lui-même. Il faut donc voter cet amendement.

M. Jean Desessard.  - Notre société aime la jeunesse, mais pas les jeunes. Elle les infantilise.

M. Alain Gournac.  - C'est vrai.

M. Jean Desessard.  - Elle considère qu'ils ne savent pas travailler : dans un premier emploi, un jeune touche 40 % de moins que le salaire moyen ; de mon temps, l'écart n'était que de 10 %.

Le ministre du travail nous parle de mesures pour favoriser le travail des seniors. Si de telles mesures sont suffisantes pour faire travailler un senior à 60 ans, pourquoi ne pas faire de même pour les jeunes de 23, 24 ou 25 ans ? Répondez, monsieur le ministre, à cette question que je vous ai déjà posée. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°746 n'est pas adopté.

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 7 octobre 2010, une décision du Conseil concernant la conformité à la Constitution de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Acte est donné de cette communication.

Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier A (Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°757.

Mme Odette Terrade.  - L'amendement n°757 confirme le principe de répartition qui fonde notre système de retraite. Les pensions du régime général doivent être suffisamment élevées par rapport aux salaires de référence.

La réduction des inégalités devrait être l'objectif de votre réforme. Hélas, tel n'est pas le cas avec votre politique de l'emploi désastreuse.

L'accroissement de la précarité, l'augmentation du chômage frappent les plus modestes. Mais votre objectif n'est-il pas de baisser le montant des pensions pour que les futurs retraités se tournent vers la capitalisation ? De quelles garanties disposeront-ils ? Les exemples étrangers font réfléchir nombre de nos concitoyens. Il faut faire prévaloir en tous domaines le principe de solidarité.

L'amendement n°757 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°745.

M. Guy Fischer.  - L'amendement n°745 propose qu'une pension ne puisse être inférieure à 75 % du Smic.

Des centaines de milliers de salariés ne peuvent se contenter de retraites de misère. Ce serait inacceptable. L'équité n'est pas l'égalité : il faut donner plus à ceux qui ont moins.

Ne vous interdisez pas de prendre des mesures en faveur de l'équité ! Ne vous liez pas les mains. Nous aurons de plus en plus de retraités pauvres. En Grande-Bretagne ou aux USA, des gens de plus de 70 ans sont obligés de travailler : le régime par répartition montre ainsi toute sa vertu.

L'amendement n°745 n'est pas adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - J'ai déjà expliqué mon vote.

M. Éric Woerth, ministre.  - J'avais donné au départ un avis négatif sur l'amendement n°552 rectifié ter. Je le remplace par un avis positif : cet amendement cadre bien avec l'amendement n°598.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Moi aussi !

Mme Annie David.  - Je regrette que vous n'ayez pas utilisé le mot « genre plutôt que « sexe ».

L'amendement n°552 rectifié ter est adopté.

L'amendement n°760 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°320 rectifié.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°61.

Mme Raymonde Le Texier.  - Un petit moment de joie dans cette vie de brutes : M. le ministre va vous encourager à voter cet amendement n°61 puisqu'il a été favorable à l'amendement n°552 rectifié ter.

Votre amendement de ce matin est tragique, monsieur le ministre, puisqu'il ne concerne que les femmes nées entre 1951 et 1955. Plusieurs sénatrices sont dans ce cas.

A l'époque, les femmes se mariaient à 18 ans. Résultat : elles ne peuvent bénéficier de cette mesure. C'est un piège... que je ne qualifie pas.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Quelle honte !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est illogique.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°598.

M. Nicolas About.  - Cet amendement doit être adopté.

M. Guy Fischer.  - Ou bien M. About ignore la réalité, ou bien il ment. Je ne puis le croire. (Sourires)

M. Nicolas About.  - « Mentor », peut-être... (Sourires)

M. Guy Fischer.  - Les efforts qu'il fait pour nous faire avaler la potion amère de la réforme me font penser à un mensonge par omission. Les retraités ne vont pas disposer d'une pension confortable. L'indexation sur les prix, le recul de l'âge des retraites et cette réforme vont interdire aux Français de toucher des pensions supérieures à 50 % de leur salaire. Cet amendement ne transpose-t-il pas le système des retraites fédérales aux États-Unis ?

M. Nicolas About.  - C'est pourquoi il faut augmenter les cotisations.

M. Guy Fischer.  - Deux tiers des 55-60 ans ne sont déjà plus en activité. Malgré le plan senior, la tendance ne s'inverse pas, ou peu, je le reconnais, mais trop faiblement encore. Cet amendement ne nous convient pas car il y aura un effet d'éviction.

L'amendement n°598 est adopté, les groupes socialiste et CRC s'abstenant.

M. le président.  - Amendement n°754, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La pérennisation des régimes de retraite par répartition nécessite la mise en oeuvre d'une politique permettant d'instaurer un niveau élevé d'activité et une qualité de l'emploi satisfaisante pour tous les salariés, notamment en pénalisant les entreprises qui ont un recours systématique aux contrats précaires. »

M. Bernard Vera.  - Il faut pénaliser les entreprises qui ont recours à des emplois précaires. Plus les emplois sont mal rémunérés, plus la pension sera faible.

Le niveau d'activité est essentiel. La proportion des licenciements double après 57 ans, M. Wauquiez en convient mais il accuse la proximité du départ à la retraite à 60 ans. Les entreprises avancent d'autres raisons pour expliquer ces licenciements, notamment la crise. Le coût de recrutement des seniors, qui partiraient ensuite rapidement à la retraite, serait également prohibitif.

Le chômage des plus de 50 ans a augmenté de plus de 17 % en un an. Le projet de loi va encore aggraver la situation de ces personnes. Le Gouvernement montre ainsi son incapacité à présenter une politique de l'emploi digne de ce nom.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Avis défavorable : la réforme des retraites n'a pas pour objet de répondre à la crise sociale.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - Cet amendement a une importance cruciale pour un régime par répartition équitable. Vous maintenez le mot mais le videz de son sens par votre politique de l'emploi.

Il faut pénaliser les entreprises qui recourent systématiquement aux emplois précaires. Et, là-dessus, les salariés du privé n'ont rien à envier aux fonctionnaires : 16 % des employés de la fonction publique sont en CDD. A l'hôpital, il est question de supprimer 20 000 emplois dans les années qui viennent...

Il est temps que le Gouvernement revoie sa copie (marques d'impatience à droite) et sa politique de l'emploi. Vous pourrez mesurer le 12 octobre l'anxiété des Français.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

L'amendement n°754 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°820, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Pour ce faire, la part patronale des cotisations sociales est augmentée sur une durée de trois ans dans les proportions de l'augmentation de la part salariale depuis 1980.

Un décret précise les modalités d'application du précédent alinéa.

Mme Annie David.  - Le taux de la cotisation patronale stagne depuis 1980 quand celle des salariés a augmenté de 40 %, sachant que ceux-ci ont dû payer aussi CSG et CRDS -qui sont intégrées dans le bouclier fiscal, ce qui signifie que les plus riches ne participent pas au financement de la protection sociale.

Le taux de la CSG a très fortement augmenté depuis 1990. On a ainsi assisté au fil des années à un transfert du financement des retraites vers les salariés et les familles.

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Une telle disposition relève du PLFSS : défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - Le taux de cotisation patronale à l'assurance vieillesse n'a pas bougé depuis 1980, quand celui des salariés augmentait de 40 %.

M. Gérard Longuet.  - Il me semble que vous avez gouverné entre-temps...

M. Guy Fischer.  - S'y ajoutent la CSG et la CRDS, qui rapportent beaucoup. Avec un taux identique pour tout le monde, la CSG est injuste par construction, d'autant plus que les entreprises ne sont pas touchées, alors qu'elles participent à la production de richesses. La productivité a augmenté de 50 % en 25 ans ; il fut une époque où les salariés bénéficiaient d'une part croissante des richesses qu'ils créaient. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Notre génération a vu l'ascenseur social fonctionner ; c'est fini. La richesse est accaparée par les actionnaires et les banquiers ; le partage de la valeur ajoutée devient de plus en plus inégalitaire.

Les bénéfices des entreprises du CAC 40 ont augmenté de 85 % au premier semestre, sans que les salariés en profitent. La richesse produite a été confisquée.

M. Éric Woerth, ministre.  - Les entreprises subissent une cotisation de 1,60 % déplafonnée, ne l'oubliez pas. La répartition entre le capital et le travail est stable depuis trente ans.

L'amendement n°820 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°821, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Afin de satisfaire la réalisation de ce principe, il est mis fin aux mesures générales d'exonérations de cotisations sociales.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - La Cour des comptes évalue à 172 milliards les niches fiscales et sociales qui profitent aux entreprises -et pas à l'emploi. Les taux effectifs de cotisations patronales de sécurité sociale au niveau du Smic sont passés de 34,62 % à 4,38 % entre 1980 et 2006 alors que, dans le même temps, les taux de cotisations salariales sous le plafond sont passés de 12,8 % à 21,5 %. Je cite la commission des comptes de la sécurité sociale. De réforme en réforme, les dépenses sociales sont de plus en plus supportées par les salariés, au profit de la capitalisation boursière et des marchés financiers.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Défavorable à ces dispositions financières.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La multiplication des exonérations revient à un transfert financier vers les entreprises au détriment des ménages.

M. Gérard Longuet.  - Il faut bien financer les 35 heures !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Si elles favorisaient la compétitivité et l'emploi, cela se saurait ! La Cour des comptes a dénoncé ce « dispositif incontrôlé », « au coût très élevé » et à « l'efficacité incertaine ».

Si l'intéressement était soumis à cotisation au même titre que les salaires, 7 milliards viendraient abonder la protection sociale. Les exonérations ne cessent de s'élever tandis que la dette de l'État envers le régime général s'accroît -elle s'élevait à 5,8 milliards en 2008.

M. Jean Desessard.  - Le rapporteur justifie son refus par le fait qu'il s'agit de finances. Dans vos journaux, il est écrit que nous ne faisons pas de propositions et quand nous en faisons, vous refusez de les entendre !

Les socialistes ont un projet. Pas mal. Les communistes aussi. Pas mal non plus. On va pouvoir s'entendre. (Rires) Les Verts aussi ont un projet ! Pour l'horizon 2020, nous retenons le scénario C du COR, le plus pessimiste. Et nous récupérons 8 milliards en réduisant les exonérations de cotisations sociales et en augmentant les prélèvements sur l'intéressement et les retraites chapeau. Demain, je vous donne tous les détails pour le reste du financement ! (Sourires ; applaudissements à gauche)

M. Robert del Picchia.  - Kerviel vous a aidés ?

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est étrange que les problèmes financiers n'aient pas lieu d'être dans ce débat ! Prenez la loi Tepa : elle a créé de ruineuses exonérations des heures supplémentaires, dont le quota est loin d'être pleinement utilisé partout.

Mme Samia Ghali.  - Il faut trouver des assiettes justes, efficaces et dynamiques. C'est ce que nous proposons. Selon vous, ce serait principalement aux salariés de contribuer. Nous mettons à contribution les plus favorisés, en relevant la fiscalité des stock-options, bonus et autres parachutes dorés, et en touchant aux superprofits des banques.

L'amendement n°821 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°822, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

À cette fin, l'État garantit le droit pour tous à un emploi de qualité.

Mme Évelyne Didier.  - Cet article premier A ne figurait pas dans le projet de loi du Gouvernement, alors qu'il était inscrit en préambule de la loi de 2003. Il a fallu que le groupe GDR de l'Assemblée nationale insiste pour que soient réinscrits ces principes posés par le CNR au sortir du terrible traumatisme qu'avait été la guerre. Un jeune ministre disait naguère que les valeurs du CNR étaient désuètes...

L'article premier A est un trompe-l'oeil, qui masque la véritable philosophie du texte. Cet amendement est issu de notre proposition de loi, un projet alternatif que vous avez refusé d'examiner, dans lequel nous entendons orienter l'argent des cotisations sociales vers l'emploi et les salaires plutôt que vers le capital. N'oublions pas qu'un million d'emplois, ce sont 15 milliards pour les cotisations sociales, dont 6 pour les retraites. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable.

M. François Autain.  - Ce Gouvernement en fin de vie n'avait pas inscrit cet article premier A dans son projet, alors que son Premier ministre l'avait fait dans son texte de 2003. Cette déclaration solennelle, issue du programme du CNR, déplait à certains, comme M. Denis Kessler, responsable du cinquième groupe mondial d'assurances et grand pourfendeur du programme du CNR. Notant la profonde unité, en dépit des apparences, des projets successifs du Gouvernement, il précise dans Challenges : « il s'agit de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du CNR ». Comment ensuite vous croirions-nous ?

Les 680 000 emplois détruits depuis dix-huit mois pèsent lourd dans la situation de notre régime de retraites. L'industrie a encore perdu 40 000 emplois depuis le 1er janvier. (M. Jean Desessard le confirme) Le Président de la République vante la valeur travail mais ne songe qu'à la contredire.

L'amendement n°822 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°823, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

À ce titre, il est progressivement mis fin, dans un délai de deux ans, aux mécanismes individuels ou collectifs, de retraite faisant appel à la capitalisation.

Mme Annie David.  - Votre avant-projet faisait opportunément mention de votre volonté de valoriser l'épargne-retraite, à laquelle était consacré un titre entier. Il fallait cet article, a dit le rapporteur, pour lever certaines inquiétudes. Peine perdue ! A marche forcée, vous voulez favoriser l'épargne retraite dans les entreprises, quitte à nier la liberté du choix des salariés. Les sommes consacrées à la capitalisation -système opaque, coûteux et aléatoire, comme l'a montré l'affaire Enron- sont perdues pour la répartition. Qu'en sera-t-il demain des grands principes de l'article premier A ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Je veux vous sauver malgré vous... Allez expliquer aux fonctionnaires que vous supprimez leur régime additionnel ! Défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le régime des retraites en France est à 97 % public. La capitalisation est marginale. On ne va pas empêcher les gens de cotiser secondairement à un régime complémentaire par capitalisation !

L'amendement n°823 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°846, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Afin d'assurer la réalisation de cet objectif, les sommes affectées au fonds de réserve des retraites sont mises en réserve et ne pourront être mobilisées qu'à compter du 1er janvier 2020.

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous sommes attachés au régime par répartition qui repose sur des valeurs de solidarité intergénérationnelle. Nous voulons apporter des garanties : il serait inopportun de piocher dès à présent dans le fonds de réserve des retraites.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°846 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je mets aux voix l'ensemble de l'article premier A modifié.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Nous aurions aimé pouvoir voter un article réaffirmant l'attachement de la Nation au principe de répartition. Si nous ne le faisons pas, ce n'est pas dû au mépris ni à l'agressivité du ministre. Vous nous objectez sans cesse qu'avec la réforme de 1981, ceux qui avaient commencé à travailler à 14 ans ont dû cotiser 46 ans.

M. Gérard Longuet.  - Ça fait mal, n'est-ce pas ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Avant 1981, c'était 51 ans ! Et demain ce sera 53 !

Dans un article déclaratif comme celui-ci, qu'est-ce que cela vous aurait coûté d'accepter d'inscrire l'objectif d'égalité entre hommes et femmes ? Mais vous nous avez présenté ce matin un amendement qui ne concernera que 130 000 femmes ! C'est le même état d'esprit qu'avec la pénibilité : vous ne voulez considérer que 30 000 personnes -en invalidité !

Votre conception est claire : c'est aux salariés de payer ! Cet article premier A est contredit par tout le reste du texte, qui construit le système le plus rétrograde, le plus régressif et le plus défavorable d'Europe. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements à gauche)

M. Jacky Le Menn.  - Un article comme celui-ci n'a de sens que comparé à l'ensemble du texte. Il ne suffit pas de belles proclamations initiales si ensuite, on va contre.

Nous demandons une garantie de santé, cela suppose que les employeurs fassent le nécessaire. Une retraite où l'on se retrouve, une retraite point trop tardive et qui soit prise par des personnes en bonne santé, ce n'est pas négligeable !

Il y a une incohérence entre les objectifs que vous annoncez et ce que vous faites ensuite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous regrettons de ne pas voter cet article premier A, que nos amis du GDR de l'Assemblée nationale ont fait inscrire dans le texte. Il faudrait d'ailleurs le reporter à la fin, comme vous avez fait pour nos articles additionnels sur le financement, pour voir si le contenu de la réforme va dans le sens de cette proclamation de principe.

Vous avez refusé tous nos amendements qui donnaient un peu de chair à cette déclaration liminaire.

Pourquoi avoir refusé d'inscrire le droit à la retraite dans cet article ? Parce vous liez la retraite à la durée de cotisation. Vous inspirez-vous de Bismark qui, alors qu'on lui précisait que l'espérance de vie était de 65 ans, avait fixé l'âge de départ à la retraite à cet âge-là ?

Vous ne cessez de répéter que nous ne sommes plus en 1945. C'est vrai : la part des revenus du capital a pris une proportion gigantesque. Il faut modifier les choses, mais vous vous y refusez.

Que n'ai-je entendu sur l'égalité homme-femme ! Les sénatrices de droite réclament à cor et à cri cette égalité, mais vous refusez d'agir. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article qui aurait pu nous unir s'il n'était insincère. (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Nous ne sommes pas dupes des manoeuvres du Gouvernement, face à la montée des mécontentements. Avec ce préambule déclaratif, vous tentez de masquer votre double échec : des inégalités de plus en plus flagrantes et des pensions en diminution. Vous organisez les dysfonctionnements futurs pour mettre en place la retraite par capitalisation.

Cet article préambule est hypocrite. Il faut un effort financier équitablement réparti.

Comment parler de réforme juste quand ce sont les plus fragiles qui vont financer le système ? Nous ne sommes pas dupes de cet article. Une autre réforme est possible. Revenez sur le péché originel qu'est le bouclier fiscal. Après une vie de labeur, les Français ont droit au bouclier social. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Cet article grave dans le marbre de grands principes mis à bas par les autres articles de ce projet de loi ! Il faut 45 milliards pour sauver la retraite par répartition : nous en sommes loin ! En fait, pour équilibrer les comptes, il ne faudrait pas augmenter l'âge légal du départ à la retraite de deux ans, mais de huit ; c'est impossible.

Puisque vous êtes insensibles à la justice, (« oh ! » à droite) puisque l'efficacité économique est votre crédo, écoutez-nous ! Il faudra remettre sur le métier cette réforme. (Exclamations à droite)

Nous ne pourrons pérenniser ce système par répartition que si nous prenons en compte le facteur capital, qu'il faut taxer.

Nous proposons d'en ponctionner une partie pour financer la retraite par répartition. D'ailleurs, pour financer les amendements de ce matin, vous êtes allés de ce coté... Encore un effort, messieurs de la droite !

M. Jean Desessard.  - Je ne vais pas être long. (« Très bien ! » à droite)

Je dois voter au nom des sénateurs Verts : faut-il voter cet article ou non ? Certes, il affirme l'attachement du Sénat au système par répartition. Bravo ! Mais je ne le voterai quand même pas. Pourquoi ? Parce que nous faisons aujourd'hui de la politique spectacle. (Applaudissements à droite) Certains ministres sont excellents dans l'exercice : M. Woerth, par exemple, est un grand communicant. Il aurait pu nous présenter ces deux amendements en commission. Non, il a préféré attendre la séance publique !

En fait, M. Bizet a vendu la mèche : il nous a dit que la droite avait décidé d'aligner la France sur le reste du monde pour la rendre compétitive. Comme il y a des acquis sociaux en France, le patronat s'efforce de les casser. (Applaudissements à gauche) Le gaullisme social qui s'allie aux communistes pour créer la retraite par répartition, ce n'est plus d'actualité !

Comme vous êtes des communicants et que vous voulez donner satisfaction aux centristes un jour sur deux, vous présentez deux amendements, mais qui ne concernent qu'une minorité ; vous aviez fait de même pour le RSA des jeunes.

Je m'abstiendrai donc. (« Ah ! » à droite ; applaudissements à gauche)

M. Gérard Longuet.  - Ce débat a été long et utile. Je suggère au groupe UMP de voter unanimement cet article important qui affiche des convictions que je m'étonne que la gauche n'ait pas le courage d'afficher publiquement. (Exclamations à gauche)

Cet article réaffirme le pacte intergénérationnel, ce qui n'allait pas de soi. La nouvelle génération pouvait se retourner contre nous en refusant les dettes que nous lui avions léguées. En rappelant ce pacte, on recrée cette obligation mutuelle.

Les écologistes veulent respecter la terre, considérant que nous l'empruntons à nos enfants. Il en va de même avec les retraites : il ne faut donc pas transmettre des dettes aux futures générations.

Il s'agit ici de rappeler la dignité des travailleurs qui doivent bénéficier de retraites justes. Dès 1937, le régime par répartition a commencé à être mis en place. Le CNR l'a généralisé sous l'impulsion d'Alfred Sauvy : le système par répartition est un système de solidarité où ceux qui travaillent payent pour ceux qui ne travaillent plus.

Mes collègues centristes ont évoqué l'avenir du régime. C'est le but de cet article : nous devons tenir compte des efforts accomplis dans la vie professionnelle et personnelle de chacun.

Il faut consolider le pacte intergénérationnel en refusant d'envoyer à nos enfants et petits-enfants la facture de nos propres faiblesses ! (Applaudissements à droite)

M. Yves Daudigny.  - Le fait que nous ne puissions voter cet article n'est pas le signe d'un manque de courage, mais de notre lucidité : votre réforme est un immense gâchis !

Un vaste débat aurait dû être mené dans le pays. Vous avez préféré construire une vaste dramaturgie politique dont les ficelles sont tirées par l'Élysée. Votre scénario conduit le Parlement à approuver des amendements rédigés ailleurs et réduit les syndicats à un rôle de faire-valoir.

Peut-être votre texte sera-t-il adopté, mais votre victoire sera une victoire à la Pyrrhus. (Applaudissements à gauche)

L'article premier A, modifié, est adopté.

M. le président.  - La séance reprendra à 21 h 55 pour examiner l'article 5, appelé en priorité.

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 21 h 55.

Article 5 (Appelé en priorité)

M. Guy Fischer.  - A la suite du coup de force de la commission des affaires sociales et de sa présidente, nous abordons cette nuit les deux principaux articles du projet de loi. Manoeuvre grossière, qui témoigne de l'inquiétude du Gouvernement ! Après avoir concédé quelques mesures ce matin pour tenter de désamorcer la grogne, vous tentez de faire voter le relèvement de l'âge légal avant mardi. Cette mesure idéologique est révélatrice de votre conception de la société.

Nous avons des propositions différentes des vôtres. C'est une malhonnêteté de votre part que de prétendre que l'opposition ne formule pas de propositions ! Après le couperet du président Accoyer, vous tentez ici d'empêcher une discussion suivie sur le financement d'une réforme dont nous ne nions pas la nécessité.

Ne vous en déplaise, l'allongement de la durée de vie n'est pas une catastrophe économique, mais elle exige une nouvelle politique de l'emploi ! Même des membres de la majorité s'interrogent sur vos propositions de financement. Votre réforme est injuste et inéquitable, puisqu'elle pèse à 85 % sur les salariés et à seulement 15 % sur les revenus du capital.

Le relèvement de l'âge légal est une posture idéologique et votre réforme est injuste et inefficace. En maintenant les seniors au travail, vous empêchez l'entrée des jeunes dans la vie active !

Nous ne vous laisserons pas fuir le débat ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Isabelle Pasquet.  - Bafouant les déclarations passées de Nicolas Sarkozy, le Gouvernement se réjouit du passage à 62 ans. Un seul ministre se fait discret, M. Besson, qui en 2003, spécialiste au parti socialiste des questions sociales, critiquait une réforme des retraites injuste et non financée, et opposait au recul de l'âge de la retraite l'impossibilité faite aux seniors de rester dans l'emploi. Le taux d'activité des plus de 50 ans est le plus bas d'Europe. La Poste pousse les salariés âgés vers la sortie ; il en est de même à France Telecom. On marche sur la tête ! Ce sont 600 000 seniors qui vivent sous le seuil de pauvreté ; votre projet de loi n'est qu'une machine à fabriquer de nouveaux pauvres, tout en maintenant le bouclier fiscal pour les plus riches ! Nous sommes décidément contre le recul de l'âge légal. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacky Le Menn.  - On vit plus longtemps ; il est donc normal de travailler plus, dites-vous, en invoquant le bon sens. Pourtant, c'est se tromper d'objectifs. Ce ne sont pas les gains d'espérance de vie qu'il faut partager, mais les gains de productivité ! Mais pas question pour le Gouvernement de déplaire au Medef et au CAC 40 ! On préfère reculer l'âge de départ des soutiers du monde du travail. On sauvegarde le capital, qui nourrit la spéculation irresponsable !

Si l'espérance de vie a beaucoup progressé en cinquante ans, c'est grâce à la chute du taux de mortalité infantile.

L'important, c'est l'espérance de vie -en bonne santé- à 60 ans ! Dans la définition restrictive de l'Insee, une personne en rémission d'un cancer est en bonne santé... Cette espérance de vie en bonne santé est très inégalitaire, selon les métiers et les catégories socioprofessionnelles.

Ce n'est pas l'amendement gouvernemental déposé à la hâte ce matin qui va désamorcer le mécontentement populaire. Nombre de travailleurs ne profiteront pas de leur retraite à 62 ans car ils seront morts !

Cet article déplorable met fin à une grande conquête sociale. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Domeizel.  - Toutes les avancées en matière de conditions de travail sont dues à la gauche ; tous les reculs, à la droite.

M. Alain Gournac.  - Et de Gaulle, il n'a rien fait ?

M. Claude Domeizel.  - Ils vous faut remonter bien loin ! Ces vérités vous gênent !

M. Alain Gournac.  - Ce n'est pas la vérité !

M. Claude Domeizel.  - Les congés payés, la retraite à 60 ans, les 35 heures... (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Laissez-moi rire !

M. Claude Domeizel.  - Vous aimez rappeler que la retraite à 60 ans a été mise en oeuvre par ordonnance. C'était une promesse électorale ! En 1981, le Président de la République a tenu ses promesses ; il en va tout autrement aujourd'hui ! Nos concitoyens sont attachés à cet acquis.

A entendre le ministre, le gouvernement Jospin n'aurait rien fait ! Vous êtes bien contents de vous servir du FRR, du COR ! En 1997, la sécurité sociale accusait un déficit de 54 milliards. Au départ de Lionel Jospin, l'équilibre était de retour grâce à notre politique pour l'emploi. Vous avez trouvé une situation excédentaire pour le régime général ; vous nous le rendrez en déficit. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Pourquoi commencer avec les articles 5 et 6 ? C'est que la question de l'âge légal est la seule qui vous intéresse : la manoeuvre vise à tout boucler avant mardi. Quelle mauvaise manière faite au Parlement ! Votre plan communication du week-end est prêt : une fois cet article voté, vous pourrez expliquer qu'il ne sert plus à rien de manifester mardi.

Le progrès social est une constante du XXe siècle. La réduction du temps de travail est le résultat d'une suite de conquêtes : divisé par deux en un siècle ! Chaque étape de ce parcours s'est heurtée à l'opposition du patronat, qui refuse, encore aujourd'hui, le progrès social. La politique du Front populaire a été accusée d'avoir ruiné l'économie et préparé la défaite de 1940 ! Toujours les mêmes arguments ! En réalité, la division par deux du temps de travail s'est accompagnée de l'augmentation de la richesse par habitant, multipliée par huit en un siècle !

Le passage à 60 ans en 1981 instaurait un véritable droit au repos pour les travailleurs. Les choses n'ont pas changé.

Six salariés sur dix liquident leur retraite alors qu'ils ne sont plus en activité. A 60 ans, un ouvrier et un cadre ont une espérance de vie de sept ans différente.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. David Assouline.  - Ce relèvement de l'âge légal est une injustice flagrante qui ne règle rien.

M. le président.  - Je n'en voudrai à aucun d'entre vous si vous respectez vos temps de parole (sourires) : ainsi tous les inscrits pourront-ils s'exprimer ce soir !

Mme Patricia Schillinger.  - Cet article 5 est au coeur de l'injustice. Il aurait été plus innovant d'instaurer un système individualisé, laissant à chacun de nos concitoyens le choix de partir à 60 ans s'il le souhaite. C'est une mesure d'équité pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, souvent les plus modestes, pour ceux qui sont usés par le travail. Le Président Sarkozy nous a trompés, après avoir donné, le 23 janvier 2007, sa parole que la retraite à 60 ans serait maintenue !

Pour s'adapter à notre société, il faut de l'audace, imaginer de nouveaux moyens de financement. Réduire la solidarité collective est votre seule réponse...

Les exemples étrangers ne sont pas à notre désavantage. L'effort doit être partagé, les solutions existent : il faut taxer le capital comme le travail ! En limitant les salaires au profit des actionnaires, on limite les cotisations et on creuse les déficits ! Nous vous proposons donc une mesure d'équité : 25 milliards à l'horizon 2025. Votre réforme est la plus dure de toutes celles menées en Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Raymonde Le Texier.  - Mme Jarraud-Vergnolle ne pouvait être là ce soir, du fait du bouleversement de l'ordre du jour.

Dans un pays reconnu pour la productivité de ses salariés, comment comprendre, demande-t-elle, que le Gouvernement cherche à pénaliser les femmes, les carrières longues, les seniors ? L'augmentation du taux d'emploi des jeunes et des seniors conditionne toute réforme des retraites, d'autant plus que votre financement est assis presque exclusivement sur les salaires.

Vos accord collectifs non contraignants sur l'emploi des seniors ont prouvé leur inefficacité.

L'acquis social du droit à la retraite à 60 ans a été bénéfique. L'âge détermine le comportement du consommateur : le troisième âge dispose d'un pouvoir d'achat élevé, qui a de nombreux besoins à satisfaire, par exemple en matière de tourisme ! Or, 89 % de ses dépenses s'effectuent sur le territoire national. Votre réforme va affaiblir le secteur du tourisme qui emploie, ne l'oubliez pas, 822 000 personnes ! Votre réforme va lourdement pénaliser ce secteur. C'est un aspect particulier du problème, qui n'est peut-être pas le plus important, si l'on pense aux futurs retraités qui auront à peine de quoi vivre. Mais de grâce, n'agissez pas dans l'urgence. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Ronan Kerdraon.  - M. le ministre a annoncé que le texte serait « amélioré » par le Sénat : quel honneur ! Mais nous ne sommes pas dupes : les soi-disant avancées, qui viennent en réalité de l'Élysée, ne changeront rien au fond du texte !

Le passage à 62 ans ne règle pas la question financière : elle ne fait que transférer les charges à l'Unedic et aux collectivités locales, qui devront payer le RSA aux seniors pendant deux ans de plus -un coût estimé à 265 millions par Pôle emploi.

La retraite doit être choisie et adaptée à la personne.

Votre réforme pénalise les carrières longues, qui cotisent à vide. Et que dire des 414 000 apprentis qui ne cotisent qu'un trimestre par année de travail ?

Le taux d'emploi des 55-65 ans est l'un des plus bas d'Europe ! Il y a trois ans d'écart entre la fin de l'activité et l'âge de la retraite, trois ans de galères, que vous voudriez encore allonger !

Il faut de toute urgence favoriser l'accès des jeunes à l'emploi.

Nous vous demandons de maintenir la retraite à 60 ans, d'écouter les manifestants, de cesser ce mépris envers les plus fragilisés de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

Mme Bernadette Bourzai.  - Le recul de l'âge légal va pénaliser tous ceux qui ont commencé à travailler tôt et exercé des métiers pénibles, et ceux qui ont eu des carrières en dents de scie.

Les femmes seront les premières victimes. Leurs salaires sont de 27 % inférieurs à ceux des hommes, entre emplois peu qualifiés et temps partiels subis.

La discrimination n'est pas qu'indirecte, notamment dans les plus petites entreprises, qui échapperont aux pénalités en cas de non-respect des règles en matière d'égalité salariale.

L'arbitrage dans le couple se fait encore au détriment de la femme ; après s'être arrêtée plusieurs années, il lui est difficile de retrouver un emploi. Ces deux années supplémentaires allongent la période de précarité et permettent mécaniquement de réduire les pensions !

C'est un aveu d'impuissance. L'égalité salariale fait l'objet d'un combat depuis des décennies. Pensez-vous qu'il suffit de la décréter ? Les Français ne sont pas dupes.

La Halde a dénoncé en septembre ces discriminations inacceptables !

M. Bernard Cazeau.  - Notre système de retraite est confronté au vieillissement de la population et à la situation dramatique de l'emploi. Mais votre projet de loi ne répond qu'aux exigences des agences de notation.

Il ne résout rien et accroît les injustices. Les travailleurs aux carrières incomplètes seront les premières victimes, à commencer par les femmes, dont nombre tomberont dans la précarité. L'espérance de vie d'un ouvrier n'est pas celle d'un cadre : sept ans de moins ! Cette réforme va accroitre les disparités en fin de vie. Ceux qui ont commencé jeunes supporteront l'essentiel du coût de la réforme : ils paieront plus pour recevoir moins !

Une telle réforme exigeait un large débat préalable. Les Suédois ont débattu trois ans avant de réussir leur réforme des retraites, par consensus. Mais 2012 approche et vous voulez tenir les promesses faites aux plus privilégiés : cessez de critiquer la gauche qui a créé le FRR, que vous êtes bien contents d'utiliser ! Assez de suffisance, assez de fanfaronnades, comme le Premier ministre encore cet après-midi au Sénat : il n'a pas à être fier d'une telle réforme !

Mme Odette Terrade.  - « Retraites : les femmes payent le prix fort », pourrait-on intituler cet article ! Les écarts de pensions entre hommes et femmes sont énormes. Comment vivre dignement avec 790 euros par mois, sans pension de réversion ? Porter l'âge à 62 ans va obliger les femmes aux carrières incomplètes à des choix cornéliens : travailler jusqu'à 67 ans ou rester plus longtemps aux minima sociaux ! C'est un scandale. Les inégalités se creusent aussi vite que les profits du CAC 40 s'envolent !

La note sera salée pour les femmes. Même amendée, votre réforme est bien loin de compenser dans le système de retraite les nombreuses inégalités dont les femmes sont victimes pendant leur vie active (éducation des enfants, travail domestique) avec la difficulté centrale de concilier vie professionnelle et vie familiale. Il faut aller vers l'égalité des genres. Le système de retraite ne peut corriger toutes les inégalités mais il ne peut les ignorer.

M. Yves Daudigny.  - Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent qui change de sens. Après avoir promis de ne pas toucher à l'âge légal, le couperet est tombé. A l'évidence, votre gouvernement est dans la stratégie, et seulement dans la stratégie.

M. Gérard Longuet.  - C'est mieux que la tactique à courte vue !

M. Yves Daudigny.  - Quand l'opposition veut débattre projet contre projet, on demande la réserve de ses amendements relatifs au financement ; et comme elle continue à résister, on demande la priorité sur les articles 5 et 6. Pas de dialogue : seul compte pour vous le rapport de force !

Mais point n'est besoin de reculer l'âge de la retraite. Alors que votre politique des cadeaux fiscaux a ruiné la France, le seul remède que vous avez trouvé c'est de faire payer plus ceux qui vont devoir travailler plus.

Cette réforme est la plus brutale et la moins crédible d'Europe. Elle n'est pas totalement financée : rien n'est assuré après 2018 et vous aurez vidé le FRR. Elle reporte la dette, contrairement à ce que vous affirmez.

Le maintien à 60 ans n'est pas la caricature que vous décrivez : il s'agit d'un projet crédible. Ce n'est pas d'une augmentation de l'âge légal dont notre pays a besoin mais d'emplois ! La réforme des retraites vaut mieux qu'un rafistolage cynique et injuste. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Teston.  - Cet article est inacceptable. Ce recul, fut-il progressif, nous inquiète en raison de la situation du marché du travail, notamment des plus de 50 ans. Les chiffres sont connus, notamment celui du taux de chômage des plus de 50 ans, qui a augmenté de 17 % entre juillet 2009 et juillet 2010. La Halde et l'Organisation internationale du travail publient chaque année un baromètre sur les discriminations dans les entreprises : la discrimination en raison de l'âge arrive au troisième rang !

Est-il pertinent de reculer l'âge légal ? De nombreux salariés de plus de 50 ans voudraient travailler plus longtemps. Mais faute d'emplois, c'est l'Unedic qui devra payer. On assistera à un transfert de charges : la réforme des retraites va coûter entre 440 et 530 millions à l'assurance chômage. M. Fillon a d'ailleurs prévenu les partenaires sociaux le 16 septembre...

A l'inverse, le projet du parti socialiste prévoit une politique volontaire de l'emploi des seniors. Nous demandons la suppression de l'article 5. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Vera.  - Comment financerez-vous votre réforme ? Votre projet n'en dit mot. Vous préférez rallonger la vie professionnelle des salariés : le passage à quarante annuités, la prise en compte des vingt-cinq meilleures années et l'indexation sur les prix ont déjà eu pour conséquence de faire baisser les retraites de 10 % en moyenne, et même de 25 % pour ceux qui n'ont pas de carrière complète. Aux mêmes causes les mêmes effets : les articles 4, 5 et 6 vont entraîner un écrasement des retraites.

Pourtant notre pays n'a jamais été aussi riche. Les profits des entreprises du CAC 40 ont récemment explosé. Deux actifs produisent autant que trois actifs de 1983. Et les choses vont encore s'améliorer. Et on veut nous faire croire que la seule solution est de repousser l'âge légal ! C'est une posture idéologique. Pour éviter à Nicolas Sarkozy de revenir sur la promesse qu'il a faite au Medef de ne pas augmenter les impôts, vous faites payer les salariés. Souvenez-vous de ses documents de campagne, de ses déclarations sur la retraite à 60 ans : je ne le ferai pas, je n'en ai jamais parlé au pays, je n'en ai pas le mandat !

Au final, vous allez priver les salariés de deux années de vie à faire autre chose que travailler. Mais il manquera toujours au moins 2,5 milliards pour équilibrer votre réforme. De nouveaux mauvais coups vont encore pleuvoir dans les années à venir -il ne faudra pas attendre 2018. Nous ne voterons pas cet article 5. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous voici au coeur du projet gouvernemental qui détruit le droit à la retraite pour tous à 60 ans. Comme si cette régression sociale ne suffisait pas, l'article 4 allonge la durée des cotisations et le coup de grâce est donné avec le report de l'âge du taux plein. Bref, soucieux avant tout des agences de notation et des marchés financiers, le Gouvernement sacrifie les salariés.

Cette réforme est d'autant moins admissible qu'elle ne prend pas en compte la pénibilité. Un exemple : le métier d'enseignant. Comment imaginer se trouver devant une classe jusqu'à 67 ans ? Arrivés à un certain âge, beaucoup d'enseignants souhaitent quitter un métier pénible et fatigant. Ce métier autrefois valorisé est dénigré, la fin de carrière est mal vécue. Enseigner, c'est être présent, écouter les élèves et les familles, gérer les tensions, alors qu'il y a toujours moins de postes. Le stress est épuisant. Les professeurs des écoles entrent dans la vie active assez tardivement, 27 ans en moyenne ; un tiers partent déjà avec décote. Il leur va falloir travailler plus longtemps. Cette profession est en train de se dégrader. Or les enseignants forment les jeunes citoyens. Ils jouent un rôle déterminant pour notre pays. Pour toutes ces raisons, je suis opposée à cet article. (Applaudissement sur les bancs CRC)

Mme Annie David.  - Les ouvriers meurent à 62 ans, je n'ai aucun problème pour leur offrir la possibilité de partir en retraite à 60... On ne sait si ces propos de M. Bouygues père, dans les années 1970, étaient une boutade ou un constat...

Depuis plusieurs mois, on nous dit que l'allongement de la durée de vie implique un recul de l'âge de la retraite. Il faut se rappeler qu'en 1981, lorsque la gauche a décidé la retraite à 60 ans, elle a aussi créé la cinquième semaine de congés payés et la semaine de 39 heures... Les mêmes discours ineptes lui ont été servis en ces occasions qu'en 1936 ou pour les 35 heures, ou encore pour les contrats de solidarité.

Sans dispositif permettant aux salariés de plus de 50 ans de se maintenir dans l'emploi, on ne fera que les précariser un peu plus. On vit moins longtemps quand on a été mineur ou peintre en bâtiment qu'instituteur ou technicien à EDF. Il ne faut pas aggraver ces injustices. Cet article 5 n'est pas tolérable. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Vous avez tout fait pour écourter le débat à l'Assemblée nationale et vous faites de même ici. Est-ce dû à votre inquiétude devant la montée du mécontentement dans le pays ? Nous sommes entrés en résistance et disons notre ferme opposition à cet article, qui marque un recul social sans précédent.

Vous voulez nous priver de tout débat sur le financement des retraites, mais notre détermination à vous porter la contradiction est intacte. Avec la réforme constitutionnelle, le Parlement devait pouvoir maîtriser son ordre du jour ; il n'en est rien. Vous avez cru envoyer un signal aux manifestants avec vos amendements de ce matin ; la mobilisation n'en sera que plus forte si vous nous forcez à voter ces articles. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Une réforme juste et efficace est possible. Vous nous dites qu'il faut suivre l'exemple des autres pays européens, mais si l'Espagne a dû réformer ses retraites, c'est qu'elle était l'otage de puissances financières.

M. Philippe Dallier.  - Elle a pourtant un gouvernement socialiste...

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Avec cette réforme, vous appauvrissez les pauvres et vous enrichissez les riches ! La France n'aurait plus les moyens de payer les pensions ? C'est faux, elle n'a jamais été aussi riche et productive ! La réalité, c'est que vous avez accordé des cadeaux fiscaux aux riches et aux entreprises. Voyez le rapport de la Cour des comptes : 172 milliards de manque à gagner pour l'État.

Il faudrait travailler plus, se soigner moins pour être plus productif ? Et pourquoi pas se hisser au niveau de l'Asie du sud-est ? Nous ne sommes pas dupes : vous voulez déconstruire notre société. Qui partira à la retraite avec le nombre de trimestres que vous exigez ? Certains font des métiers qui ruinent leur santé ; vous voulez qu'ils travaillent deux ans de plus. Est-ce vraiment le destin des travailleurs dans un pays riche comme le nôtre ? La question première est bien celle de l'emploi. Puisque vous ne savez comment vous y prendre, laissez-nous faire ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Bernard Angels.  - Ceux qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont les parcours les plus chaotiques devront travailler jusqu'à 67 ans. Vous refusez de voir la réalité économique du pays. Les seniors peinent à garder leur travail. Seuls 40 % sont encore au travail à 58 ans. Que vont faire les autres entre 58 et 62 ans ? Deux ans de plus au RMI, au RSA ou au chômage !

Ce ne sont pas vos mesurettes qui vont changer la situation. Vous reprenez à votre compte le discours du Medef qui veut le recul de l'âge légal tout en continuant de mettre les seniors à la porte. L'assurance chômage va connaître de lourds déficits !

Pas de meilleur moyen pour pérenniser notre système de retraite que de mener une véritable politique de l'emploi. Vous en êtes loin ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Bariza Khiari.  - Cela fait huit ans, huit ans de trop, que vous êtes au pouvoir. Le bilan est édifiant : tous les compteurs sont au rouge. Une réforme des retraites est certes nécessaire mais les Français veulent une réforme juste. Les 60 ans sont un bouclier social que vous voulez dynamiter !

Vous soumettrez les salariés à la double peine. Vous confondez pénibilité et invalidité : c'est consternant. Et vous mettez à contribution les collectivités car 60 % des plus de 55 ans sont au chômage : ils devront passer deux ans de plus par la case RMI ou RSA.

C'est l'État providence, l'héritage du CNR que vous voulez démanteler. La seule solution est une politique active de l'emploi. Je vous entends encore dire que vous iriez chercher la croissance avec les dents, qu'il fallait travailler plus pour gagner plus. Sans croissance riche en emplois, votre réforme échouera comme celle de M. Fillon de 2003.

Nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Samia Ghali.  - Nous voulons défendre les hommes et les femmes qui demandent notre protection : les 60 ans sont le bouclier social des plus modestes. Deux ans de plus serait insupportables pour eux.

Votre dispositif « carrières longues » n'est pas pertinent. Allez-vous demander à celui qui a commencé à travailler à 18 ans de cotiser 44 ans ? Votre projet, c'est la redistribution à l'envers. Ce système est profondément injuste et anti solidaire. Nous le refusons.

Cet article n'est pas fait pour ceux qui ont beaucoup donné à la France. Il faut le retirer. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je veux parler ce soir avec une certaine émotion. Je me souviens du jour où l'Assemblée nationale a voté la retraite à 60 ans. J'étais alors député. Un collègue du département du Nord est monté à la tribune et a parlé de son père ouvrier qui s'était battu toute sa vie pour la retraite à 60 ans et était mort avant de l'avoir connue. Quand Nicolas Sarkozy a dit que la retraite à 60 ans avait été une erreur, j'ai pensé à toux ceux pour qui la retraite à 60 ans était le résultat de décennies de luttes.

M. Christian Cambon.  - Que dit Strauss-Kahn ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai parlé avec des chefs d'entreprise de PME du bâtiment. Ces patrons connaissent bien leurs compagnons. Qui ici dira à un maçon qui a commencé à travailler à 16 ans qu'il ne peut plus partir à 60 ans ? Nous pensons qu'il faut maintenir le droit à la retraite à 60 ans en considération de toutes celles et ceux qui ont travaillé tôt et qui ont assuré la croissance de ce pays.

Quand vous parlez de pénibilité, je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur le ministre. C'est humilier ces travailleurs de leur demander d'aller voir le médecin pour prouver qu'ils sont bien cassés, bien blessés, à bout de forces ! (Applaudissements à gauche) C'est le métier qui est pénible !

Le vote pour la retraite à 60 ans a été un vote historique. Il ne faut pas revenir sur cela. S'il faut une réforme, elle doit être juste. J'espère que nous serons entendus ici et avec les millions de Français qui le demandent avec leur coeur et le désespoir de leur colère. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Il y a un problème d'information. Ce que vous dites n'est pas la réalité. (Applaudissements à droite) Le maçon dont vous parlez a eu une carrière longue : il prendra sa retraite à 59 ou 60 ans, pas à 62 ! On peut polémiquer mais faisons-le sur des exemples réels. Le dispositif carrières longues existe, même si ce n'est pas grâce à vous ; nous le préservons et l'étendons même à ceux qui ont commencé à 17 ans. Vous pouvez rassurer votre maçon, monsieur Sueur. (Exclamations à gauche)

Posez la question de l'espérance de vie : elle est différente en fonction du sexe, en fonction des catégories sociales, en fonction du lieu d'habitation. L'espérance de vie à 60 ans a considérablement progressé : depuis 1982, elle a augmenté de cinq ans. Les 60 ans de 1981, c'était en réalité un âge plus avancé que les 62 ans que nous proposons ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Marc Daunis.  - Passons à 57 ans alors !

M. Éric Woerth, ministre.  - Enfin, vous avez une curieuse opinion des médecins. Il serait humiliant de passer devant un médecin ? Pour bénéficier de mesures en faveur de la pénibilité, il faut simplement pouvoir la prouver. Nous avons retenu un taux d'incapacité à 10 %, car sont ainsi intégrés les troubles musculo-squelettiques.

Pour avoir, un débat constructif, il faut dire des choses exactes. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un maçon partira à 62 ans !

M. Jean-François Voguet.  - Ce discours réactionnaire fait honte au monde du travail. Il est une catégorie de salariés qui va subir de plein fouet les effets de la potion libérale que vous allez leur administrer : les femmes. En 1968, le taux d'activité féminin était inférieur à 50 % ; aujourd'hui, il est de 80 %. Cette féminisation est malheureusement allée de pair avec la précarisation de l'emploi, le temps partiel imposé, les inégalités salariales.

Les comptables cyniques qui ont conçu ce texte se rendent compte que plus le temps passe, plus les femmes ont des carrières à taux plein ; comme elles vivent plus longtemps que les hommes, il était urgent d'agir ! Vous avez sorti la calculette et vous avez proposé deux ans de plus. Jolie manière de remercier les femmes françaises d'avoir pris leur part dans la croissance. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Pignard.  - Depuis des heures, je vous écoute. Je veux faire entendre la petite musique centriste. Nous voteront cet article pour deux raisons. La démographie tout d'abord. Le CNR, c'était 1945. Le monde a changé depuis. Certes, le taux de fécondité est élevé dans notre pays même s'il n'est pas suffisant pour assurer le renouvellement des générations.

En 1945, on entrait dans un métier jeune et on prenait sa retraite à 65 ans. Comparons ce qui est comparable : voulez-vous que tous les jeunes entrent aujourd'hui à 14 ans dans la vie professionnelle ? (Exclamations à gauche)

Et puis, le monopole du coeur n'est pas à gauche, pas plus que celui de la jeunesse. Je pense aux jeunes, à mes enfants, aux générations auxquelles j'ai enseigné -j'aurais volontiers exercé trois ans de plus. Ne les pénalisons pas par les dettes que nous leur lèguerions. (Nouvelles exclamations à gauche ; applaudissements prolongés au centre et à droite)

Prochaine séance demain, vendredi 8 octobre 2010, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 8 octobre 2010

Séance publique

A 9 HEURES 30, A 14 HEURES 30, LE SOIR ET LA NUIT

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).

Rapport d'information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).