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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Saisine du Conseil constitutionnel

Organisme extraparlementaire (Candidatures)

Dépôt d'un rapport

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Reconversion des militaires

Discussion générale

Discussion des articles

Piraterie (Deuxième lecture)

Discussion générale

Discussion des articles

Mise au point au sujet d'un vote

Adaptation au droit européen

(Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Vote sur l'ensemble

Organisme extraparlementaire (Nominations)




SÉANCE

du mercredi 22 décembre 2010

57e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 14 heures 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi : le 21 décembre 2010 d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés et soixante sénateurs de la loi de finances pour 2011 ; le 22 décembre 2010 d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi de finances rectificative pour 2010.

Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Organisme extraparlementaire (Candidatures)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission nationale des politiques de l'État outre-mer.

Les commissions des affaires sociales, de l'économie, des finances et des lois ont présenté chacune des candidatures pour deux titulaires et deux suppléants. La commission de la culture et la commission des affaires européennes ont présenté chacune des candidatures pour un titulaire et un suppléant.

Ces candidatures sont les suivantes :

Titulaires : Mme Catherine Procaccia, MM. Serge Larcher, Georges Patient, Daniel Marsin, Eric Doligé, Marc Massion, Christian Cointat, Mme Jacqueline Gourault, MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani et Simon Sutour.

Suppléants : Mmes Anne-Marie Payet, Gélita Hoarau, MM. Claude Lise, Michel Magras, Roland du Luart, Mme Michèle André, M. Nicolas Alfonsi, Mmes Eliane Assassi, Lucienne Malovry et Colette Mélot.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur le suivi de l'objectif de baisse d'un tiers de la pauvreté en cinq ans établi en application de l'article L. 115-4-1 du code de l'action sociale et des familles.

Ce rapport a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en procédure simplifiée, de huit projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de conventions internationales. Je les appelle successivement.

Projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens.

L'article unique du projet de loi est adopté.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de l'Inde.

L'article unique du projet de loi est adopté.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention des Nations unies de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation.

L'article unique du projet de loi est adopté.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire.

L'article unique du projet de loi est adopté.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée de flux migratoires et au développement solidaire.

L'article unique du projet de loi est adopté.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

L'article unique du projet de loi est adopté.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d'autre part.

M. Didier Boulaud.  - Je me réjouis que cet accord soit enfin ratifié, mais je déplore que la France soit le dernier pays de l'Union européenne à le faire. Intervenus militairement dans les Balkans, nous devrions aujourd'hui faire preuve de plus de diligence...

L'article unique du projet de loi est adopté.

M. le président.  - J'appelle le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République Slovaque relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

L'article unique du projet de loi est adopté.

Reconversion des militaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la reconversion des militaires.

Discussion générale

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération.  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre d'État, ministre de la Défense, qui assiste aux obsèques du second maître Lefort, tué en Afghanistan le 17 décembre.

Quatre militaires sur cinq quittent l'armée au terme de carrières courtes ; l'existence de telles carrières est nécessaire pour conserver une armée jeune et opérationnelle. Aussi l'aide à la reconversion est-elle un droit et une nécessité.

Cette nécessité est plus criante que jamais aujourd'hui, car la charge des allocations chômage des anciens militaires pèse de plus en plus lourd sur le budget du ministère de la défense : elle est passée en six ans de 75 à 110 millions ; surtout, la loi de programmation 2009-2014 prévoit de diminuer le nombre de postes de 54 000, dont les trois quarts de militaires.

Le ministère a pris des mesures fortes depuis plusieurs années, le renforcement du dispositif d'aide à la reconversion et la création en 2009 de l'Agence de reconversion de la défense (ARD). Les résultats sont globalement satisfaisants : 69 % des militaires sont reclassés -71% des officiers et 50 % des hommes du rang. Cependant, seuls 35 % des militaires ayant quitté les armées avant quatre ans d'ancienneté trouvent un emploi, et le reclassement dans la fonction publique est inférieur de moitié à l'objectif fixé. Des mesures complémentaires étaient nécessaires. D'où le présent projet de loi.

Désormais, le congé formation sera fractionnable par journées dans la limite de 120 jours ouvrés, contre six mois consécutifs au maximum aujourd'hui ; il sera ouvert dans la limite de 20 jours aux volontaires ayant moins de quatre ans de service -cette population est fortement exposée au chômage.

Le projet de loi institue également deux dispositifs expérimentaux : le congé pour création ou reprise d'entreprise, inspiré de celui de la fonction publique, d'une durée maximale d'un an renouvelable, ouvert aux militaires après huit ans de carrière ; la possibilité de cumul de l'activité militaire et d'une activité d'auto-entrepreneur, offerte aux militaires à moins de deux ans de la retraite ou de la fin de l'engagement ou à ceux bénéficiant d'un congé de reconversion. Bien sûr, l'autorisation expresse du commandement sera requise.

Deux séries d'articles additionnels ont été ajoutés, d'abord pour assouplir le dispositif d'emplois réservés dans la fonction publique ; ensuite pour permettre aux agents du ministère de se reconvertir dans le cadre d'opérations externalisées, pour une mise à disposition auprès de prestataires privés -par exemple pour l'opération Balard- ou d'établissements publics du ministère.

Je remercie le président de Rohan, ainsi que tous les membres de la commission pour leur coopération fructueuse avec mes services. M. Dulait a été très efficace ! (Applaudissements à droite)

Avec ce texte, nous complétons les outils de reconversion indispensables à la gestion des armées et nous répondons aux aspirations des militaires. C'est d'autant plus nécessaire à l'heure d'une forte réduction du format de nos armées. (Applaudissements à droite)

M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Nous abordons un grand sujet et un petit texte, cela n'a rien de péjoratif à l'heure de l'inflation législative que nous regrettons souvent. Un petit, texte, mais des dispositions nécessaires.

Les armées prennent à la société une partie de sa jeunesse pour quelques années avant de la lui rendre : la mission sociale des armées est une évidence. Elles pourront d'autant mieux recruter qu'elles sauront reconvertir. Or, nos armées se seront séparées de 54 000 hommes à l'horizon 2014.

Nous devons veiller à la cohérence de l'action des pouvoirs publics. La réforme en cours inquiète les familles à l'heure de la crise et du chômage. Les armées ne recrutent ni ne forment pour reconvertir, mais pour que les soldats puissent accomplir au mieux leur mission. C'est dire qu'il faut concilier les aspirations individuelles et les besoins de l'institution, concilier les nécessités du recrutement et de la formation et celles de la reconversion.

Les résultats des différents dispositifs mis en place sont satisfaisants, sauf pour les militaires du rang, moins encore pour ceux ayant moins de quatre ans d'ancienneté. Le reclassement dans la fonction publique, comme il fallait s'y attendre, n'atteint que la moitié de l'objectif ; alors que les administrations diminuent leurs effectifs, les anciens militaires ne sont pas accueillis à bras ouverts... Cependant, le nombre de militaires devenus fonctionnaires est passé de 1 000 à 2 000.

Ce texte comporte bien des aspects réglementaires, témoin d'un appétit bien français pour la norme et les statuts...On est parfois loin de l'esprit comme de la lettre de l'article 34 de la Constitution... Si Portalis disait que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, je pense que ce texte est nécessaire. La commission des affaires étrangères n'a pas estimé utile, à l'unanimité, de présenter des amendements. Je vous propose donc le vote conforme.

Cependant, monsieur le ministre, comment votre ministère entend-il financer la reconversion, alors qu'il manque régulièrement 250 millions au Titre II ? Le resoclage annoncé en loi de finances de 113 millions ne nous rassure pas complètement. Plus généralement, une certaine incertitude demeure sur le bouclage financier des réformes en cours. Malgré la baisse des effectifs, la masse salariale s'est maintenue depuis trois ans. Comment le titre II sera-t-il financé en 2011 ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour ne pas devoir abonder l'an prochain le budget en dernière minute, comme cette année ?

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Chaque année, 35 000 militaires quittent nos armées, principalement des militaires du rang âgés en moyenne de 25 ans. D'où l'importance de la deuxième carrière. Il faut donc trouver l'équilibre entre l'intérêt porté à ceux qui partent et celui dû à ceux qui restent.

La création de l'Agence de reconversion de la défense a permis une rationalisation des structures ; c'est un succès. Les militaires du rang doivent pouvoir faire valoir leurs compétences, au-delà des secteurs de l'armement et de la sécurité, dans les domaines de la logistique, du génie, de l'informatique.

Ce texte est d'une portée limitée, mais utile. L'Assemblée nationale l'a utilement complété. Le groupe centriste le votera.

Cependant, j'aimerais évoquer deux pistes complémentaires. La défense militaire française doit s'inscrire à la fois dans l'Alliance atlantique et dans l'Europe de la défense -c'est la doctrine centriste. Si l'armée joue un rôle très différent dans la société en France et aux États-Unis, nous pourrions nous inspirer du modèle américain tout en l'adaptant, en particulier pour la délivrance de bourses universitaires avant, pendant et après la période militaire. Chez nous, la reconversion est préparée pendant les douze ou derniers dix-huit mois de service, il faudrait y penser plus tôt, voire dès l'engagement. L'armée forme dans les métiers techniques et l'ingénierie, c'est un atout pour la reconversion.

Des partenariats seraient donc intéressants à développer entre l'armée et l'université -monsieur le ministre, y songez-vous ? Le rapport de la commission n'est pas très disert sur le sujet...

J'aimerais connaître aussi votre position sur les échanges intra-communautaires entre jeunes officiers européens dans le cadre d'Erasmus-militaire, un acquis de la présidence française de l'Union pour le développement d'une culture commune de défense. Le couple franco-allemand avait montré la voie. De fait, les recruteurs sont sensibles à cette expérience internationale, qui comprend des modules de formation académique. Seulement 60 % des États membres reconnaissent la formation initiale des autres États. J'espère qu'un second souffle sera donné à Erasmus-militaire avec, je l'espère, la participation de la Grande-Bretagne. (M. André Dulait, rapporteur, applaudit)

M. Didier Boulaud.  - La reconversion des militaires est une donnée clé de la défense, elle concerne les femmes et les hommes qui forment la communauté des militaires. Quoique limité, ce texte est nécessaire. Je déplore cependant que nous l'examinions si longtemps après la création de l'Agence de reconversion en juin 2009 et le décret de mars 2010 ; il eût été logique de procéder autrement.

Votre gouvernement nous a plongés dans la disette budgétaire, les caisses sont vides ; c'est dire que de nouvelles économies devront être trouvées sur le budget des armées -on parle de 3,9 milliards, voire de 6. Les militaires feront les frais de la baisse du nombre de fonctionnaires, alors que le marché de l'emploi est plus difficile que jamais.

La professionnalisation, qui a mis nos armées sous tension, a coûté plus cher que prévu et les économies attendues ne sont pas au rendez-vous. On annonce la suppression de 54 000 postes supplémentaires et une vague d'externalisations : fidèles et bons élèves, les armées vont suivre, mais non sans souffrir.

Raison de plus pour donner les moyens nécessaires à la reconversion. La qualité de la reconversion a un impact direct sur le recrutement et la fidélisation. L'aspect « gestion ressources humaines » est essentiel pour éviter la perte de compétences -sans oublier l'impact financier, puisque le ministère indemnise les anciens militaires non reconvertis.

La loi de programmation est caduque, ou au moins obsolète ; la commission des finances évoque le risque de cannibalisation de l'équipement par le fonctionnement, car ces crédits seront encore amputés d'ici 2013.

Trois questions, monsieur le ministre. Le ministère envisage-t-il un nouveau plan de restructuration avec de nouvelles suppressions d'emplois ? Quel avenir pour la reconversion et ses moyens, alors que la RGPP, dans ce domaine comme dans d'autres, développe sa logique suicidaire ? Enfin, la réduction du format des armées a-t-elle permis de renforcer la dimension opérationnelle des forces par rapport au soutien ?

Je conclurai par un hommage aux femmes et aux hommes qui engagent leur vie pour défendre notre pays, en particulier aux 52 d'entre eux qui ont perdu la vie en Afghanistan -ce qui ne dispense pas de s'interroger sur nos missions dans ce pays.

M. François Fortassin.  - A mon tour, je rends hommage à tous les militaires engagés sur les théâtres extérieurs, en particulier à la 52ème victime que nous déplorons en Afghanistan. Risquer sa vie fait partie de la condition militaire, cela emporte une reconnaissance concrète de la Nation. Ce texte y contribue.

Chaque année, 35 000 militaires quittent l'armée, en majorité après moins de quatre ans de service. Très encadrés dans l'armée, les soldats ont parfois du mal à retrouver la vie civile et une forme de liberté qui ne rime pas toujours avec responsabilité -sans parler des traumatismes vécus en opération.

En 2009, 8 % des anciens officiers et 19 % des ex-militaires du rang étaient au chômage ; c'est trop ! La qualité du recrutement et celle du reclassement sont liées, l'enjeu de la reconversion est donc collectif. Depuis 2008, le nombre de candidats à la carrière militaire ne cesse de baisser. L'Agence de reconversion a obtenu des résultats corrects globalement, mais pas pour les militaires du rang qui ont peu d'ancienneté. L'assouplissement du congé de reconversion va donc dans le bon sens. L'Assemblée nationale a amélioré le congé pour création ou reprise d'entreprise.

Cependant, monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur le financement de ces mesures : quels en sont les coûts prévisionnels ? Comment les financerez-vous ?

Nous avons débattu de l'Otan, de la défense anti-missile, du Moyen-Orient, en bref de questions stratégiques. Aujourd'hui, notre débat est très concret, il concerne la vie même des hommes et des femmes qui s'engagent pour notre pays. Nous devons veiller aussi à bien articuler la présence militaire dans nos communes avec la vie de la cité.

Les élus entretiennent des relations cordiales avec le monde militaire, mais la population est moins impliquée.

Bien que ce texte ne comporte pas d'avancée décisive, les progrès qu'il apporte méritent son vote. (Applaudissements)

Mme Michelle Demessine.  - Je m'associe à l'hommage que mes collègues viennent de rendre aux militaires les plus exposés. Notre engagement en Afghanistan est lourd en pertes humaines ; il n'est guère approuvé par nos concitoyens.

La reconversion des militaires a pris une dimension nouvelle avec la suppression du service militaire en 1996.

Jusqu'à présent, le dispositif de reconversion, quoique modeste, fonctionne correctement, mais il et inadapté aux nouveaux défis à relever. Ce texte est donc bienvenu, mais il reste insuffisant et largement virtuel. L'étude d'impact est édifiante !

Pourquoi une loi pour un résultat aussi minime ? M. Dulait a rappelé que ce texte comportait des dispositifs techniques à la portée limitée. Nous sommes loin de l'article 34 de la Constitution.

Vu les suppressions d'emplois envisagées, il faudrait un dispositif plus énergique.

Aujourd'hui, seuls 70 % des militaires ayant quitté l'armée réussissent une reconversion civile. Au demeurant, l'ensemble des prestations de reconversion est aujourd'hui réservé aux militaires ayant au moins quatre ans d'ancienneté, ce qui exclut 38 % des partants. Il fallait donc assouplir le dispositif -ce texte y pourvoit largement au profit de jeunes gendarmes faiblement diplômés.

Pour le congé en faveur de la création ou de la reprise d'une entreprise, fallait-il une loi vu qu'une vingtaine de militaires seront concernés chaque année ? Ce texte comporte des mesures de détail, qui ne sont pas à la mesure du problème.

A quoi bon cette loi, vu l'insuffisance chronique des crédits d'accompagnement ? Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire a bien insisté dans son rapport du mois de juin sur la nécessité d'adopter tout un ensemble de mesures. En l'état, le groupe CRC-SPG s'abstiendra.

M. Jacques Gautier.  - Le ministre de la défense est à Lorient pour rendre hommage à l'officier de marine décédé en Afghanistan. Avec le groupe UMP, je rends hommage à nos soldats en Opex.

La reconversion des militaires est indispensable à la vie même de l'institution. Ce projet de loi ne peut donc être qu'une première étape. Quelle place les anciens militaires peuvent-ils occuper dans la vie civile ? Quel doit être le profil de notre armée dans les années à venir ?

Le modèle « armées 2015 », avec moins de soldats et plus de technologies, s'est avéré inadapté au rôle qu'entend jouer notre pays et au besoin d'une force de projection.

Dix ans après la fin du service militaire, les armées subissent une crise identitaire alimentée par l'ampleur des restructurations. Je me félicite que les économies ainsi obtenues servent à revaloriser la condition militaire. C'est un cercle vertueux ! Mais aujourd'hui il faut revenir aux fondamentaux : le soldat en Opex.

Actuellement, beaucoup de militaires quittent l'armée, où le nombre de contractuels va croissant. Une société pacifiste ne simplifie pas la reconversion des anciens militaires.

Ainsi, l'engagement se fait pour une période toujours plus courte. Pour favoriser la reconversion, il importe de donner une formation aisément valorisable dans la vie civile. La fin des contrats devra se traduire par une validation des acquis de l'expérience, ouvrant droit, si besoin, à une nouvelle formation.

Ce projet de loi comporte de nouveaux dispositifs, adaptés à la réalité militaire, ainsi qu'au monde du travail. La reconversion doit s'accompagner d'une reconnaissance de la société. Expérience républicaine, respect de l'autorité, don de soi et aptitude à gérer les conflits : autant de qualités qui pourront s'exprimer lors des journées de la citoyenneté. L'expérience américaine est pleine d'enseignements. Il serait intéressant de connaître la situation professionnelle des jeunes vétérans du Rwanda, de Bosnie-Herzégovine, du Tchad et d'Afghanistan ! Il serait intéressant de le savoir car ce sont les ambassadeurs des armées au sein de la société.

Certaines formations militaires techniques sont d'application immédiate. Les Opex devraient être reconnus sur un CV comme expérience internationale. La gestion des troupes n'est rien d'autre que le management enseigné dans les écoles de commerce.

En Opex, nos soldats sont reconnus pour leur sens de l'humain et leur bonne approche des populations. Pour faciliter leur reconversion, il importe de renforcer leurs connaissances des civilisations locales. Il faut aussi renforcer leur formation en anglais, dès lors que nous avons réintégré le commandement intégré de l'Otan.

L'armée forme des militaires, mais aussi des citoyens !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Très bien !

M. Jacques Gautier.  - Qu'un ancien militaire soit fier de son passé, fût-il bref ! Il nous appartient, à nous politiques, de tisser le lien entre l'armée et la Nation. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bernard Piras.  - A mon tour, je rends hommage à nos soldats, avec une pensée particulière pour les familles des deux soldats récemment tombés en Afghanistan. J'approuve l'intention du projet de loi, mais ses moyens étant à due concurrence, les bonnes dispositions législatives resteront inopérantes. Le contexte budgétaire n'incite pas à l'optimisme.

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Vous avez tort !

M. Bernard Piras.  - Je le souhaite pour la France !

La possibilité d'une sortie par le haut est déterminante pour l'attractivité de l'institution militaire. Or, la conjoncture et la RGPP rendent la reconversion complexe, d'autant plus que les suppressions de postes se multiplient. J'ajoute que le repyramidage du corps aura un coût.

Les perspectives spontanées de la reconversion ne sont pas identiques pour les hommes du rang, les sous-officiers et les officiers.

Le chef d'état-major de l'armée de terre nous a dit que le turn over actuel était trop élevé, obligeant à un effort excessif pour le recrutement et la formation. Nos armées supporteraient difficilement un nouveau tour de vis pour leurs effectifs.

Comme le reclassement dans la fonction publique ne répond pas aux attentes, il faut s'orienter plus vers le marché du travail privé qui n'est guère favorable. Même si l'Agence de reconversion semble donner de bons résultats, on n'en est qu'à un taux moyen de 69 % de reclassement.

Nous voulons une armée jeune, alors que la diminution des recrutements nous conduit à un vieillissement accéléré des cadres. Quelle sera l'incidence de la réforme des retraites ?

Quelle sera l'incidence de la présente loi sur la déflation des effectifs ? (Applaudissements à gauche)

M. André Dulait.  - Monsieur Fortassin, la poursuite du recrutement s'est maintenue, avec 1,8 candidat pour un poste d'homme de rang dans l'armée de terre. Le véritable défi, c'est la fidélisation.

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Je remercie tous les orateurs pour le climat de ce dialogue, ce qui, au demeurant, ne me surprend pas.

Monsieur le rapporteur, l'insuffisance de 200 millions constatée en 2010 sur plus de 11 milliards d'euros est sans rapport avec la reconversion, qui n'a pas connu de baisse de crédits : pour moitié, elle provient de dispositions sans rapport avec le ministère -comme l'amiante, l'indemnisation du chômage, ou la réintégration de l'Otan.

M. Didier Boulaud.  - Une mesure qui coûte cher !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Mais qui est bienvenue. Et pour moitié de mesures relevant du ministère comme le versement d'indemnités de départ, de mobilité, de préparation opérationnelle. C'est ce qui avait été indiqué à M. Arthuis pendant le débat budgétaire .

J'en viens à l'évolution prévisionnelle de la masse salariale : maintenue en valeur depuis trois ans -un cas unique dans le budget de l'État, elle baissera de 200 millions chaque année à partir de 2011 grâce à la suppression récurrente d'emplois.

Monsieur Pozzo di Borgo, des partenariats avec l'université existent, par exemple à la DGA et au service de santé des armées. La valorisation des acquis de l'expérience est largement utilisée.

Un Erasmus militaire a été proposé par la présidence française de l'Union. Le rapport que vous avez rédigé a été précieux. Comme vous le savez, de nombreux échanges ont lieu entre nos écoles d'officiers et celles de nos partenaires européens.

Cela dit, nous souhaitons renforcer ce dispositif à l'intention de tous les militaires, notamment de ceux quittant l'armée après n'y avoir passé que quatre ans.

Monsieur Boulaud, je ne répondrai pas à vos critiques qui font partie de la vie démocratique.

Je vous indique simplement que l'armée n'envisage pas de nouvelles restructurations ; la loi de programmation a fixé des objectifs, il faut s'y tenir.

La chaîne de reconversion passera de 680 à 525 personnes, mais le dispositif a été rationalisé autour d'une Agence unique structurée en trois niveaux : un centre national, dix pôles régionaux et 78 antennes locales. Cet effort de rationalisation n'a pas vocation à poursuivre la baisse des effectifs.

M. Didier Boulaud.  - Aéroport de Paris et la DDE aussi ont rationalisé. On voit le résultat !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - M. le rapporteur a répondu à M. Fortassin au sujet du recrutement.

Madame Demessine, je suis navré d'être en désaccord avec vous, mais ce dispositif n'est pas virtuel : il est bien réel.

Pourquoi une loi ? Parce que seule une loi peut compléter, ou modifier, la législation en place. J'ajoute que la réalité du progrès n'est contestée par personne.

Aux possibilités actuelles manquent le congé pour création ou reprise d'une entreprise -accordé aux salariés du privé, ainsi qu'aux fonctionnaires civils.

Grâce à l'ensemble du dispositif, les résultats sont là, avec 69 % de succès en moyenne, même si on peut espérer faire mieux.

M. Bernard Piras.  - 50 % !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Pour les hommes du rang, c'est ce qui justifie ce projet de loi.

Merci, monsieur Jacques Gautier, d'avoir insisté sur la valorisation de l'expérience acquise en Opex. Il est bon d'avoir rappelé que l'armée formait aussi des citoyens.

Monsieur Piras, les militaires contribuent comme tous à consolider notre système de retraite par répartition. L'allongement de la durée est donc exigé de tous. C'est un motif supplémentaire pour voter ce dispositif de reconversion. (Applaudissements UMP)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

L'ensemble du projet de loi est adopté.

Piraterie (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer.

Discussion générale

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération.  - Vous le savez : la piraterie prend une ampleur sans précédent dans le Golfe d'Aden et l'Océan indien, menaçant le commerce mondial et l'aide humanitaire. La France participe à l'opération Atalante, lancée en 2008 conjointement avec l'Espagne. Avec 800 arrestations en deux ans, 140 présumés pirates ont été appréhendés par les moyens français. J'ai une pensée pour les équipages de nos deux navires déployés au large de la Corne de l'Afrique.

Nous intervenons auprès du Puntland, du Kenya et des Seychelles, pour accélérer le traitement judiciaire des pirates soumis à ces autorités. Cette action est largement couronnée de succès, mais 90 % des individus interceptés sont relâchés. Ainsi, 700 pirates auraient été relâchés au cours du premier semestre 2010. Il faut donc de nouveaux moyens juridiques. Tel est l'objet de ce texte.

L'incrimination de piraterie avait disparu de notre droit pénal depuis 1835. Le projet de loi se réfère à la convention de Montego Bay. Au demeurant, il est déjà possible de poursuivre des pirates pour détournement de navires, prises d'otages et violence en bande. C'est ce qui a été retenu contre les quinze auteurs d'acte de piraterie compromis notamment dans l'affaire du Ponant.

Le texte accorde des pouvoirs de police judicaire aux commandants de navires français. Il dispose que les auteurs et complices appréhendés par des agents français pourront être jugés par des juridictions françaises.

Ensuite, conformément à l'arrêt Medvedyev de la Cour européenne des droits de l'homme, ce projet de loi impose au commandant du navire d'informer le procureur de la République en cas de mesure de coercition. S'ajoutent des conditions sur le déroulement de la mesure de coercition, dont le juge des libertés et de la récidive devra être saisi dans les 48 heures.

Je remercie la commission, son président et son rapporteur, pour le travail conduit dans un esprit de consensus tout au long de cette navette fructueuse. Ainsi, ce texte équilibré conforte l'action de l'État en mer, dans des conditions respectant la personne humaine.

Il faut combattre avec détermination la piraterie, de retour en ce début de XXIème siècle. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Alors que la piraterie semblait avoir disparu, plus de 4 000 actes de piraterie ont été recensés en vingt ans ; au cours de la dernière année, 159 navires ont été attaqués et 49 capturés.

Actuellement, 21 navires et 498 otages sont aux mains des pirates, qui réclameraient 80 millions d'euros. Le Golfe d'Aden est le premier concerné; la piraterie est devenue une menace sérieuse pour le commerce maritime des marchandises. La France n'est pas épargnée.

Depuis l'abolition de la « guerre de course » par la Déclaration de Paris, en 1856, notre pays a toujours joué un rôle majeur dans la lutte contre la piraterie. En 2008, nous avons été à l'initiative de l'opération Atalanta. Pour m'être rendu moi-même dans le Golfe d'Aden, je salue d'abord l'action des commandos marine et du GIGN dans la libération des otages. (M. Jacques Gautier applaudit)

Ce texte introduit un cadre juridique permettant de réprimer la piraterie, la loi de 1825 ayant été abrogée en 2007. L'acte de piraterie en haute mer et dans les eaux territoriales d'un État y est défini, ainsi que la compétence quasiment universelle de nos juridictions pour juger les pirates, dès lors qu'ils auront été appréhendés par des Français et à défaut d'entente avec un autre État pour l'exercice de sa compétence : les Seychelles, par exemple, ont décidé de juger elles-mêmes les pirates.

Cependant, huit pirates sur dix sont relâchés. Le secrétaire général de l'ONU a remis, en juillet dernier, un rapport envisageant la création d'un tribunal régional : quelle est la position de la France ?

Le projet de loi vise également à mettre en place un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre des actions de l'Etat en mer. Il s'agit ainsi de répondre aux griefs formulés par la Cour de Strasbourg dans son arrêt Medvedyev du 29 mars 2010.

Ce texte définit un cadre légal suffisant organisant la privation de liberté à bord d'un navire. Le Sénat a renforcé les garanties ; l'Assemblée nationale nous a suivis en tout point, de l'information du procureur -garantissant le traitement homogène des cas- à l'intervention de l'autorité judiciaire et à la reconnaissance comme pupilles de la Nation des enfants de victimes de la piraterie.

L'Assemblée nationale a modifié le texte pour le cas, improbable, où un aéronef serait attaqué par un autre aéronef ; elle a remplacé les termes « sérieuses raisons » -mauvaise traduction de la convention de Montego Bay- par « motifs raisonnables ».

Je salue à mon tour l'esprit consensuel de nos travaux. La commission a adopté ce texte à l'unanimité ; j'espère qu'il en ira de même aujourd'hui ! (Applaudissements)

M. Michel Boutant.  - Le quotidien londonien Lloyd's List vient de placer en quatrième position de sa liste des 100 principaux acteurs du transport maritime mondial le dénommé Garaad Mohammed, l'un des plus renommés des pirates somaliens. C'est dire l'importance prise aujourd'hui par la piraterie...

Bien sûr, tous les pirates ne font pas fortune. La pauvreté est, en Somalie, le terreau de la piraterie.

Cependant, le nombre d'otages augmente : 300 marins seraient retenus en otage, et leur sort ne suscite guère d'intérêt.

Il était urgent de légiférer. La piraterie n'est pas cantonnée aux romans de Stevenson -on célébrait d'ailleurs le mois dernier les 150 ans de sa naissance- ou aux superproductions hollywoodiennes : elle revient ! Les médias en parlent depuis 2008, mais elle était réapparue depuis longtemps.

La piraterie, comme la plupart des formes de criminalité, est bien souvent symptomatique de situations de détresse et de pauvreté. Loin de moi l'intention de justifier la piraterie, mais il faut souligner que la situation somalienne n'est pas pour rien dans son développement. La prise du Ponant a ému notre opinion publique : cette loi est bienvenue.

Cependant, elle comporte encore des points d'ombre. Ainsi, la Cour de cassation a rappelé, le 16 décembre, que le ministère public n'était pas une autorité judicaire, confirmant l'arrêt Medvedyeiv de la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci avait estimé illégale la retenue d'un navire de marins soupçonnés de trafic de drogue, sans intervention d'une autorité judiciaire authentique.

Ce texte ne pénalise pas suffisamment les droits des personnes. Le droit de défense par un avocat n'y apparaît pas, un amendement socialiste en ce sens ayant été repoussé. Certes, il est difficile de faire venir un avocat sur le navire, tout comme le procureur : une communication par satellite est possible, pourquoi ne pas la prévoir ?

Nous sommes critiques, car nous sommes des parlementaires attachés à la qualité de la loi. Conscients de l'urgence, nous souhaitons un cadre juridique sûr contre la piraterie. A défaut, les sociétés militaires privées, qui escortent déjà bon nombre de navires, se développeront.

En juillet, l'ONU a formulé des recommandations contre la piraterie, soulignant le rôle à jouer par les États des régions concernées. Le Kenya vient d'instituer une autorité ad hoc financée par la lutte contre le trafic de drogue : c'est un bon exemple de coopération. La Somalie doit disposer d'installations pénitentiaires modernes ; nous devons l'y aider.

Certes, ce texte a le mérite de combattre la piraterie, mais arracher sa feuille ne soigne pas un arbre malade : avec l'ONU, nous devons éliminer les causes de la piraterie, en aidant les États concernés à extirper la misère, terreau de la piraterie. Ce projet de loi est un premier pas dans la bonne direction, mais il nous faut maintenant avancer sur ce chemin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Fortassin.  - Longtemps, la mer fut un espace libre, dominé par le droit du plus fort. Qui ne se souvient de ces histoires de pirates qui faisaient nos délices, il y a trois quarts de siècle ?

M. André Trillard.  - Chut ! (Sourires)

M. François Fortassin.  - Les pirates ne sont pas nés aventuriers mais la misère et l'instabilité politique ont privé les pêcheurs de leur activité halieutique, les contraignant à se tourner vers le grand banditisme. Je n'excuse personne en le disant : il faut empêcher et punir la piraterie, certes, mais aussi lutter contre le sous-développement.

Il faut combattre la pauvreté, aider les pêcheurs à vivre de la mer, par la pêche !

La mer doit être sécurisée. C'est difficile. Ce texte y contribue ; notre groupe fera le pas, de l'abstention positive à l'acceptation !

Mme Michelle Demessine.  - Quatre amendements introduits par les députés précisent utilement le texte adopté par le Sénat, mais ne modifient pas notre appréciation formulée en première lecture. Je pense toujours qu'il était nécessaire de combler certaines lacunes de notre législation et qu'il y avait urgence à l'adapter en raison de la recrudescence des actes de piraterie.

En effet, la situation s'aggrave ; près de 700 marins sont détenus par des pirates somaliens. Grâce à ce texte, nos tribunaux pourront juger ces crimes. Surtout, un régime juridique sui generis est défini pour la consignation à bord, avec l'intervention du juge. Cependant, la qualité d'autorité judiciaire du parquet est contestée, ce qui menace le dispositif dans son ensemble.

La piraterie perdurera si la pauvreté elle-même ne recule pas.

Le problème est en mer, la solution est à terre ! Or, faute de volonté politique, la lutte contre la misère n'est pas prioritaire : les pirates ont de beaux jours devant eux ! Je pense en particulier à ce pirate somalien qu'un journal anglais a classé quatrième personnalité du trafic maritime mondial !

La lutte contre la piraterie doit être juridiquement sûre. En première lecture j'avais fait part des craintes de mon groupe sur la possible utilisation de cette législation à l'égard des immigrés clandestins que je ne considère pas comme des délinquants mais comme des victimes. Bien que nos craintes demeurent, le groupe CRC-SPG votera ce texte au nom de l'efficacité dans la lutte contre la piraterie maritime. (Applaudissements à gauche)

M. André Trillard.  - Ce texte nous revient de l'Assemblée nationale avec seulement quelques amendements rédactionnels : c'est dire la qualité de notre travail et de celui de la commission ! (Sourires) Ce texte est symbolique autant que technique.

Le trafic maritime représente 90 % du trafic mondial des marchandises. L'élu de la Loire Atlantique qui vous parle, ne peut être insensible à sa réussite.

En participant à l'opération Atalanta, la France a démontré que, malgré l'euroscepticisme en matière de défense, on peut agir contre la piraterie, à plusieurs pays européens et envoyer un message fort aux pirates. Que les racines de la piraterie plongent dans la misère n'interdit pas d'agir contre les pirates.

Tous les navires sont menacés, aussi bien ceux de tourisme que ceux qui transportent de l'aide humanitaire. Des rançons sont systématiquement demandées, et les primes d'assurances augmentent à due concurrence. Mais des navires demeurent retenus, faute de moyens pour les libérer. Des centaines de marins de pays pauvres croupissent en fond de cale, attendant un geste de leur gouvernement !

Certes, il n'y a pas de profil type du pirate, mais la piraterie est devenue une sorte de fonds d'investissement, donnant accès à bien des ressources, notamment militaires. Les puissants hors-bords surarmés d'aujourd'hui sont loin des embarcations de flibustiers du passé, même si la témérité des pirates d'aujourd'hui n'est pas si éloignée de celle de leurs prédécesseurs! Merci d'avoir accepté mon amendement autorisant la saisie et la destruction des embarcations.

N'oublions pas non plus, que ces détournements de navires peuvent avoir des conséquences catastrophiques en termes humanitaires et économiques mais aussi écologiques : les détournements de supertankers nous poussent à nous interroger sur les transports de marchandises stratégiques...

La menace de piraterie existe dans nos eaux territoriales, en particulier dans l'Océan indien. Nous devons agir dans ce cas aussi, en nous inspirant de Montego Bay. Cependant, ce texte ne le prévoit pas ; je le regrette. La Marine nationale a les moyens d'appréhender les pirates. La marine marchande a constaté des actes relevant du banditisme maritime, mais les commandants n'ont pas de pouvoir de police judiciaire. Est-il opportun de priver en eaux territoriales les bâtiments de guerre de l'autonomie juridique et opérationnelle dont ils disposent en haute mer pour appréhender des pirates?

Comme nous nous félicitons des avancées qu'apporte ce projet de loi, le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Faut-il un tribunal régional, comme le propose le secrétaire général de l'ONU ? Le projet de loi renforce nos capacités juridiques : le thème des tribunaux régionaux n'est pas de notre ressort. M. Jack Lang, conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU, travaille à un rapport sur le traitement judiciaire des pirates : ses conclusions sont attendues le mois prochain. La France considère que la lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden passe par l'implication de la Somalie, quitte à créer une juridiction somalienne ad hoc en dehors du territoire somalien. En attendant, il faut développer les accords judiciaires et pénitentiaires avec les Etats de la région.

Faut-il étendre ce texte à nos eaux territoriales ? Il concerne la haute mer. Cependant, comme en matière de lutte contre le narcotrafic et contre le trafic d'êtres humains, ce texte crée un dispositif spécifique. Dans les eaux territoriales françaises, le code pénal et le code de la défense s'appliquent. La Marine nationale peut intervenir, car cette action n'est pas réservée aux officiers de police judiciaire.

Je me réjouis du vote positif des groupes socialiste et CRC-SPG. L'évolution jurisprudentielle que vous citez, madame Demessine, ne remet pas en cause le dispositif. Il faut, bien sûr, encourager le développement et lutter contre la misère, mais la lutte contre la piraterie ne saurait se limiter à ces objectifs. La France agit en Somalie, pour permettre la formation d'un gouvernement fédéral de transition et la constitution d'un État digne de ce nom. Pour mener une politique de développement, encore nous faut-il des interlocuteurs... (Applaudissements à droite et au centre)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article 2 est adopté, ainsi que l'article 6

L'ensemble du projet de loi est adopté.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Lors du scrutin sur l'amendement n°49 rectifié ter à l'article 13, Mme Gourault et M. Merceron souhaitaient voter pour.

M. André Trillard.  - Même mise au point : sur les amendements n°s3 rectifié et 49 rectifié à l'article 13, M. Martin souhaitait voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point.

La séance, suspendue à 17 heures 30, reprend à17 heures 35.

Adaptation au droit européen

(Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la CMP sur la proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne.

Discussion générale

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission de l'économie, en remplacement de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la CMP.  - Le 6 septembre, j'ai déposé avec MM. Longuet et Bizet une proposition de loi tendant à rattraper notre retard dans la transposition de textes communautaires, retard qui fragilise notre position dans les institutions de l'Union européenne comme la sécurité de notre droit et expose la France à des amendes.

Je me félicite donc du vote qui pourra intervenir aujourd'hui.

Le texte d'aujourd'hui assure la coordination législative de trois textes législatifs distincts, la présente proposition de loi, la proposition de loi Warsmann et l'ordonnance du 21 octobre 2010 ; il a été en outre enrichi à l'initiative du Gouvernement pour autoriser celui-ci à transposer plusieurs directives.

Le recours aux ordonnances a suscité certaines critiques, auxquelles je veux répondre. Sur la forme, la délégation législative n'a pas empêché le débat et le Gouvernement a pris soin de présenter ses demandes d'habilitation dès l'examen du texte en commission. Sur le fond, il était urgent d'agir pour éviter des pénalités élevées pour retard de transposition. Je remercie M. le ministre pour l'engagement pris hier devant l'Assemblée nationale de transmettre systématiquement au Parlement les projets d'ordonnances. Le ministre de l'énergie a annoncé de son côté la constitution d'un groupe de travail sur la transposition de la directive « Énergie ». Nous avons également obtenu du Gouvernement qu'il nous transmette un calendrier prévisionnel des directives à prendre. J'ajoute que nous débattrons encore sur le fond lors de l'examen des lois de ratification.

L'Assemblée nationale, puis la CMP, n'ont modifié que la rédaction des dispositions adoptées ici en matière d'urbanisme. L'Assemblée nationale a introduit davantage de souplesse encore dans la procédure applicable aux Scot et Plu pour intégrer les dispositions de la loi Grenelle II ; nous avions ici souhaité donner du temps aux élus. La CMP a repris cette rédaction très opportune.

Remerciant M. Sido pour son travail, j'ai la conviction que cette proposition de loi, contrairement à ce qui est dit, honore le Parlement et illustre sa volonté de se saisir pleinement des questions touchant au respect par la France de ses engagements européens. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.  - Cette proposition de loi permettra de transposer plusieurs textes européens. Elle a vu le jour grâce à MM. Longuet, Bizet et Émorine, que je remercie pour cette initiative à l'origine d'un travail intense et conjugué du Gouvernement et du Parlement.

Ainsi, notre pays respectera ses engagements de transposition. Inévitablement, le texte aborde des sujets disparates. Ayant été dix-sept ans parlementaire, je comprends les réserves suscitées par l'habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnances. Je m'engage à vous communiquer les projets d'ordonnances et à vous informer désormais tous les deux mois de l'état d'avancement des transpositions dans le domaine des transports dont j'ai la responsabilité, afin que vous ne soyez plus contraints de légiférer « l'amende sous la gorge ». (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Michel Billout.  - Cette proposition détient sans doute le record du texte adopté le plus vite, après son dépôt le 6 septembre dernier.

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission de l'économie.  - C'est ça l'efficacité !

M. Michel Billout.  - Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle devait être souhaitée par le Gouvernement !

Sur la forme, le détournement de l'initiative parlementaire n'est pas satisfaisant ; la législation par ordonnance ne l'est pas davantage, non plus que le recours à la procédure accélérée pour une proposition de loi. Le retard de transposition n'est pas un argument acceptable pour dessaisir le Parlement. Une plus grande implication en amont de la commission des affaires européennes est indispensable.

Dans un rapport élaboré ès-qualité comme président de la Délégation aux affaires européennes, M. Haenel indiquait, en 2007, que la loi de transposition devait être la règle et l'ordonnance l'exception, la solution de dernier ressort. L'engagement du Gouvernement de prendre en considération les observations des parlementaires avant la saisine du Conseil d'État prête à sourire... En définitive, le seul facteur d'unité des dispositions du texte tient à l'absence de liens entre les unes et les autres.

Le titre premier transpose plusieurs directives dans le domaine de l'environnement. La transposition du paquet « climat énergie » aurait mérité un débat approfondi, notamment sur la pertinence du marché des quotas d'émission, dont on peut penser qu'il alimentera la spéculation financière. Nous nous élevons également contre la transposition de directives relatives au marché intérieur de l'électricité et du gaz, qui réintroduit par la fenêtre une disposition que nous avions sortie par la porte de la loi Nome.

Au titre II, nous contestons la transposition fragmentée de la directive « Services », alors que la plupart des États membres ont choisi des lois-cadres. Alors que l'Europe connaît une grave crise, conséquence du renoncement du pouvoir politique face aux marchés financiers, il est temps que l'Union européenne renonce au dogme de l'ultralibéralisme. Nous regrettons que le Gouvernement refuse d'affronter le débat. Nous regrettons aussi la poursuite de la libéralisation du secteur aérien.

Enfin, le dernier titre, qui vise à répondre à l'inquiétude des élus sur l'application de la loi Grenelle II, est clairement un cavalier législatif.

Ce texte résulte d'un dévoiement de l'initiative parlementaire. Nous refusons que le Parlement soit transformé en chambre d'enregistrement. Nous ne pouvons accepter ce dispositif au moment où les citoyens européens paient une crise qu'ils n'ont pas provoquée ! Par manque de courage, le Gouvernement se cache derrière sa majorité pour continuer de mener une politique qui a conduit la France et l'Europe à la récession.

Mme Bariza Khiari.  - Ce texte met à bas le mythe de l'hyper-parlement auquel jeune parlementaire, j'ai eu la faiblesse de croire. Notre institution devient malléable et corvéable à merci. Avec ce texte qui s'est transformé, comble de la supercherie, en proposition de loi d'habilitation, nous sommes les complices d'un hara-kiri parlementaire. Le Gouvernement a joué au coucou dans cette affaire.

Corvéables nous le sommes, car des dispositions analogues figurent dans trois véhicules législatifs différents et nous avons dû participer de mauvais gré à cette course à l'échalote, où la proposition de loi la plus rapidement votée gagnerait et ferait tomber les autres ! Quatre des huit articles du texte initial figuraient dans la proposition de loi Warsmann ; beau contre-exemple de la simplification du droit.

Certes la transposition de directives européennes a pris du retard et la France a déjà versé 30 millions d'euros de pénalités -un peu moins que le budget du tourisme... Tandis que le Gouvernement fait des économies sur la CMU et s'accroche au bouclier fiscal, la décence voudrait qu'il prît ses responsabilités et ne mît pas la France en situation de payer en raison de son incurie. Je ne peux croire qu'il vienne de découvrir le fonctionnement des institutions de l'Union... Toujours est-il que la crainte de sanctions financières nous oblige à légiférer avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Au demeurant, le plus coûteux dans le retard de transposition est la moindre crédibilité de la France. Au moment où le moteur de l'Europe est grippé, les États membres fondateurs devraient être exemplaires, qu'il s'agisse du respect des calendriers et procédures ou de la qualité du débat démocratique. Le déficit démocratique entretient le désamour européen.

A cet égard, la transposition fractionnée, en tous petits morceaux, de la directive « Services » n'est pas de nature à relancer l'envie d'Europe. La méthode est scandaleuse pour la clarté du débat citoyen. Comme le relevait le président Bizet dans son rapport d'information, « l'éclatement de transposition en plus d'une dizaine de textes permet de noyer le débat et d'éviter la mobilisation des acteurs sociaux ». On sait d'où vient la directive « Services »... Je tiens à rendre hommage au travail d'Evelyne Gebbhart, eurodéputée allemande membre du SPD, qui a eu la lourde charge de conduire les négociations autour de la refondation du texte Bolkestein. Il a porté ses fruits puisque le principe du pays d'origine a été supprimé et que les services d'intérêt général ont été retirés du champ d'application de la directive.

Le Gouvernement a refusé une loi-cadre, il nous inflige maintenant l'ordonnance. Dans une note de fin 2007, le service juridique du Sénat faisait le bilan de la législation par délégation : 29 lois d'habilitation de 1981 à 2003, 38 de 2004 à 2007... Les homologations législatives multiplient, sous prétexte d'encombrement législatif. Or, nous nous passerions volontiers d'examiner chaque année une loi sur l'immigration, nous pourrions ne pas nous intéresser à la sécurité des manèges ni aux chiens dangereux, toutes matières de nature réglementaire. A force de transformer le Parlement en relais médiatique d'une politique d'affichage, le Gouvernement, par la cadence qu'il nous impose, nous interdit de travailler dans la sérénité.

Comment discuter au fond le texte hétérogène et touffu d'aujourd'hui ? Le texte de la CMP n'a plus rien à voir avec la proposition de loi initiale. Si je conviens que pour certaines dispositions l'intervention du législateur n'est pas utile, il en va tout autrement pour le paquet « Climat énergie ». La proposition de loi d'habilitation en procédure accélérée est un monstre législatif.

Je terminerai par des points de satisfaction. L'adoption de notre amendement sur les Scot et les PLU est un réel soulagement pour les collectivités locales ; surtout, je me félicite de la suppression de la condition de nationalité pour les géomètres-experts, pour l'introduction de laquelle je remercie M. Hervé Maurey. Je me réjouis que seule la condition de diplôme soit retenue. Les discriminations légales légitiment les discriminations illégales. La proposition de loi que j'avais déposée, votée ici à l'unanimité, relative à la suppression des conditions de nationalité, a connu un sort peu enviable à l'Assemblée nationale. Mais je constate que ses articles sont repris un à un au fil des textes. Il est même assez réjouissant de vous voir aujourd'hui, monsieur le ministre, défendre un article que vous avez tant critiqué lorsque vous étiez député...

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État.  - Je me bonifie.

Mme Bariza Khiari.  - Au total, le groupe socialiste souhaite qu'une telle aberration législative ne se reproduise pas. Il votera contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

Vote sur l'ensemble

M. Pierre Hérisson.  - La France a totalisé la moitié des condamnations pour défaut de transposition. Cette situation est source d'incertitude juridique, sans parler de l'image de notre pays et du mauvais signal envoyé aux pays candidats ou aux nouveaux États membres.

On peut regretter que l'initiative parlementaire doive se substituer à celle du Gouvernement, mais le temps est compté. Le réalisme et l'efficacité doivent primer. Espérons qu'à l'avenir le Gouvernement déposera des projets de loi en temps et en heure !

Conscient de l'urgence et de ses responsabilités, le groupe UMP votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

Organisme extraparlementaire (Nominations)

M. le président.  - Les commissions des affaires sociales, de l'économie, des finances et des lois ont présenté chacune des candidatures pour deux titulaires et deux suppléants pour la Commission nationale des politiques de l'État outre-mer. La commission de la culture et la commission des affaires européennes ont présenté chacune des candidatures pour un titulaire et un suppléant pour le même organisme.

La Présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame :

Mme Catherine Procaccia, MM. Serge Larcher, Georges patient, Daniel Marsin, Eric Doligé, Marc Massion, Christian Cointat, Mme Jacqueline Gourault, MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani et Simon Sutour, membres titulaires ; et Mmes Anne-Marie Payet, Gélita Hoarau, MM. Claude Lise, Michel Magras, Roland du Luart, Mme Michèle André, M. Nicolas Alfonsi, Mmes Éliane Assassi, Lucienne Malovry et Colette Mélot, membres suppléants.

Prochaine séance, mardi 11 janvier 2011 à 9 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 15.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 11 janvier 2011

Séance publique

À 9 HEURES 30

Questions orales.

À 14 HEURES 30

Débat sur l'indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l'eau.

DE 17 HEURES À 17 HEURES 45

Questions cribles thématiques sur le trafic des médicaments.

À 18 HEURES

Débat sur l'avenir de la politique agricole commune.

À 19 HEURES

- Désignation des 24 membres de la mission commune d'information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d'évaluation des médicaments, révélés à l'occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d'une molécule prescrite dans le cadre du diabète commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d'y remédier en tant que de besoin ;

- Désignation des 26 membres de la mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux.