Flashball et Taser (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle huit questions cribles thématiques sur l'utilisation du Flashball et du Taser par les forces de police. Merci à chacun de respecter son temps de parole.

Mme Anne-Marie Payet.  - Face aux violences envers les personnes détentrices de l'autorité publique, certains élus locaux ont souhaité doter leurs polices municipales de moyens de force intermédiaires, Flashball et Taser. Suite aux observations du Conseil d'État, l'armement des polices municipales a fait l'objet du décret du 26 mai 2010. Quelles conditions prévoit-il pour la formation et l'utilisation de ces moyens par les polices municipales ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - L'équipement des polices municipales par ces armements est à la diligence du maire et conditionné à une convention avec l'État ; il doit être proportionné aux missions accomplies. Une formation préalable est assurée par le CNFPT complétée par une autre session, deux fois par an.

Chaque utilisation doit faire l'objet d'un rapport écrit au maire, lequel présente à son tour un rapport annuel au préfet et au procureur de la République.

Les conditions d'emploi sont les mêmes que pour la police et la gendarmerie nationales. À ce jour, dix-sept communes sont équipées.

Mme Anne-Marie Payet.  - Merci pour cette réponse précise.

M. François Fortassin.  - L'utilisation du Taser aurait, à l'étranger, provoqué la mort de plusieurs centaines de personnes. En France, il y a déjà eu des morts : cette arme est dangereuse. Elle est parfois utilisée dans des situations qui ne le justifient pas. Elle inflige des souffrances aux personnes que les forces de police cherchent à neutraliser. Le comité contre la torture de l'ONU s'est inquiété de cette forme de torture infligée et des risques mortels qu'elle fait encourir.

Pourquoi ne pas préférer la prudence, en suspendant l'usage de cette arme ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Quelle alternative proposez-vous, autre que les armes à feu ? Ces armes à létalité réduite ne peuvent être utilisées qu'en situation de légitime défense.

En 2010, 3 400 Flashballs équipaient la police et la gendarmerie ; ils ont été utilisé 1 481 fois, contre 1 600 fois en 2009 ; les 3 006 lanceurs de balles défense n'ont quant à eux fait l'objet que de 491 utilisations ; quant aux 4 051 Taser, ils ont été utilisés à 815 reprises, contre 907 en 2009.

Ces armes, depuis 2006, ont été utilisées à 12 000 reprises, donnant lieu à 22 incidents -soit un taux de 0,290 seulement.

M. François Fortassin.  - Quand il y a des morts avec des armes traditionnelles, on parle de « bavure », mais quand c'est à cause du Flashball ou du Taser, ça paraît moins grave ! (Exclamations) Or il y a d'autres moyens d'être dissuasifs !

M. Antoine Lefèvre.  - L'emploi des moyens dits intermédiaires est encadré, mais des incidents conduisent nos concitoyens à s'inquiéter.

Quel est le cadre réglementaire de l'usage de ces armes ? Quel contrôle, notamment a posteriori ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - L'usage de ces équipements est encadré par la loi, par la définition de la légitime violence et de l'état de nécessité. Les instructions d'emploi sont mises à jour : en 2009 pour la police, en 2010 pour la gendarmerie.

La traçabilité est totale : une puce enregistre tous les paramètres de tir, une caméra associée au viseur filme l'intervention.

A ce jour, aucun décès n'a été imputé par la justice à l'emploi de ces armes.

M. Antoine Lefèvre.  - Merci. Peut-être faudrait-il davantage communiquer sur la réglementation.

M. Charles Gautier.  - Les forces de l'ordre doivent avoir les moyens de se protéger et de protéger la population. Cependant, le Flashball et le Taser, quoi que ce soient des armes non létales, peuvent entraîner la mort et le comité de l'ONU contre la torture alerte sur les risques liés à leur usage. Ces armes sont dangereuses. Ce fut une erreur, de la part de l'État, que de considérer qu'elles ne sont pas létales. Entendez-vous la réparer ? Quant aux polices municipales, elles doivent rester des forces de proximité, contribuant à la tranquillité publique, sans confusion possible avec les forces de l'ordre nationales. Si leurs rôles sont mieux distingués, grâce à la signature de conventions, les choses iront mieux. Monsieur le ministre, comptez-vous uniformiser les textes sur l'usage de ces armes de quatrième catégorie ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Les moyens de forces intermédiaires sont la seule alternative, en matière de légitime défense, à l'usage des armes à feu. Dix-neuf agents ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions en 2010 et 12 870 blessés. Quant aux moyens dont nous parlons, cinq affaires ont donné lieu à enquête judiciaire et administrative dans la même période. Les forces de l'ordre sont très contrôlées : 2 698 policiers ont été sanctionnés, près de 3 000 gendarmes. Nous débattons avec les ONG, notamment Amnesty International, pour prendre en compte leurs remarques.

M. Charles Gautier.  - Vous ne me répondez pas sur les polices municipales. La confusion fait courir plus de risques aux policiers municipaux. A force de diminuer les forces nationales, je crains un transfert de compétences, sans recours à la loi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Taser X-26 et le flashball sont des armes dangereuses, mais chaque fois qu'on s'en inquiète le ministre nous répond que toutes les précautions sont prises, et qu'en France les modèles utilisés sont moins puissants qu'aux Etats-Unis. Or, ces armes ont fait deux morts -à Colombes et à Marseille- et deux blessés graves -à Montreuil.

Monsieur le ministre, entendez-vous interdire l'usage de ces armes lors des manifestations sur la voie publique, ainsi que le recommande la Cnds ?

On ne peut pas savoir si une décharge électrique délivrée par ces armes risque d'être ou non létale. Il n'est pas inscrit sur le front des personnes visées qu'elles souffrent par exemple d'insuffisance cardiaque.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - A Marseille et à Colombes, la procédure judiciaire est en cours : je ne me prononcerai pas.

Le pistolet électrique ne doit pas être utilisé pour le maintien de l'ordre, sauf légitime défense. Les policiers et gendarmes sont de plus en plus souvent agressés, on cherche à les blesser voire à les tuer. Mon devoir est de les protéger. Des voyous n'hésitent pas à tendre des guets-apens, à utiliser des armes de guerre. Dans 54 % des cas, l'usage du Taser est lié à la volonté de réduire l'agressivité des personnes, et le taux d'arrestation dépasse 97 %.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les policiers eux-mêmes s'interrogent sur l'utilité de ces armes. De plus en plus d'opérations de maintien de l'ordre vont être confiées au privé : allez-vous autoriser les officines privées à se doter de ces armes ?

Mme Catherine Procaccia.  - Le flashball et le Taser sont des alternatives aux armes à feu, mais n'en sont pas moins dangereux : c'est pourquoi il faut en encadrer l'usage. Monsieur le ministre, la formation continue est-elle obligatoire ? Comporte-t-elle des mises en situation précises ?

Sur internet, les Taser sont en vente libre pour les personnes majeures, on n'exige qu'un permis de chasse et une pièce d'identité pour le flashball. Je n'ai pas poussé la conscience professionnelle jusqu'à en commander un. Entendez-vous y remédier, sachant que l'usage de ces armes par les particuliers est sûrement plus dangereux que par les forces de l'ordre ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Pour tous ces équipements, une formation initiale obligatoire est prévue, validée par une habilitation individuelle. Le maintien de celle-ci est conditionné à une formation individuelle annuelle. Le problème d'internet m'a été signalé, mais ces armes ne sont pas en vente libre : il faudra saisir, au cas par cas, le parquet.

Je réponds à M. Gautier : un décret de mai 2010 aligne le dispositif applicable à la police municipale sur celui de la police et de la gendarmerie.

Mme Catherine Procaccia.  - Tapez « Taser » ou « Flashball » sur internet : vous serez édifié, monsieur le ministre. Il est très simple de s'en procurer un. Ces armes sont à la portée des particuliers, elles le sont aussi à celle des polices privées...

Voix à droite.  - Combien ça coûte ?

Mme Catherine Procaccia.  - Quatre cents euros.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et il y aura des soldes... (Sourires)

Mme Dominique Voynet  - L'utilisation des armes de quatrième catégorie nous interpelle. On nous a dit qu'elles évitaient l'usage des armes à feu et épargneraient des vies. Le terme d'armes non létales est abusif : ces armes peuvent tuer, et plus fréquemment blesser et handicaper. Chaque mois apporte la preuve de leur dangerosité. En dix-huit mois, à Montreuil, deux jeunes gens ont été gravement blessés, l'un a perdu un oeil, l'autre a subi trois interventions chirurgicales et gardera des séquelles au visage. Dans les deux cas, les fonctionnaires, qui encadraient une manifestation, ont tiré au jugé, dans le tas, et n'étaient pas en situation de légitime défense. Des deux fonctionnaires en cause, l'un a été mis en examen et l'autre le sera inévitablement. Est-ce ce que nous voulons ?

Le manque de formation des agents -deux demi-journées- est criant. Tout cela expose nos forces à des risques juridiques et moraux disproportionnés. Quand reconnaîtrez-vous enfin la dangerosité de ces armes ? L'alternative pour la surveillance des manifestations, c'est le renforcement des effectifs, la formation, la proximité.

Vous créez une confusion des rôles entre polices nationale et municipale. A Montreuil, c'est elle qui vendredi dernier a dû maîtriser des braqueurs ; la police nationale n'est intervenue que vingt minutes plus tard.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Vos propos préjugent les résultats de l'enquête. Je vous invite à plus de prudence -en homme prévenu ! (Sourires) Les policiers mis en cause ne seront pas « inévitablement » mis en examen, comme vous l'insinuez.

Deux jeunes gens ont été blessés à Montreuil les 8 juillet et 14 octobre. J'ai demandé que soit diligentée une enquête. Si elle révélait un usage inapproprié des armes, je prendrai des mesures. On n'a enregistré depuis 2006 que 22 incidents sur 12 000 utilisations : c'est trop, mais c'est peu.

Un moratoire, une interdiction ? Encore une fois, l'alternative est entre ces équipements et les armes à feu. Et mon devoir est de ne pas laisser sans moyens de protection ceux qui assurent la sécurité de nos concitoyens.

Quant aux polices privées, madame Borvo Cohen-Seat, elles n'ont pas le droit d'utiliser des armes de quatrième catégorie.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ces armes ont tué : c'est la preuve de leur dangerosité. Les procédures doivent aller à leur terme.

Le vrai problème est celui des effectifs : les citoyens en sont les premières victimes, on s'en aperçoit tout particulièrement en banlieue !

Mme Catherine Troendle.  - Nos forces sont confrontées à des violences de plus en plus graves. La France a choisi de les doter d'armes non létales de quatrième catégorie, pour assurer leur sécurité et celle de nos concitoyens. Ces armes sont largement moins dangereuses que les armes à feu. Quel bilan tirer de leur emploi ? La traçabilité de leur usage est assurée, avez-vous dit ; existe-t-il un service statistique traitant les données recueillies ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Notre choix est clair : équiper nos forces de sécurité de lanceurs de balles de défense et de pistolets à impulsion électrique pour éviter l'usage des armes à feu en cas de légitime défense. Nos forces sont confrontées à des situations de plus en plus difficiles. On cherche parfois à blesser, si ce n'est à tuer les fonctionnaires de police et de gendarmerie. À Grenoble, un policier a échappé miraculeusement à la mort : un délinquant l'avait visé à la tête.

L'usage des armes à feu doit être réservé aux situations les plus graves. C'est pourquoi des moyens intermédiaires sont indispensables. Les précautions requises sont prises : les données sont enregistrées et dûment conservées pour analyse.

La séance est suspendue à 17 heures 45.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 18 heures 10.