Garde à vue (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 15

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :

« Art. 4.-I. - Le mineur de dix-sept ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de treize ans à dix-sept ans contre lequel il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement peut, pour les nécessités de l'enquête, être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder douze heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder douze heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à l'une des personnes visées au II du présent article.

« II. - Lorsqu'un mineur est retenu, l'officier de police judiciaire doit informer immédiatement de cette mesure les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur.

« III. - Dès le début de la retenue prévue au I, le procureur de la République ou le juge chargé de l'information doit désigner un médecin qui examine le mineur dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article 63-3 du code de procédure pénale.

« IV. - Dès le début de la retenue, le mineur doit être immédiatement informé de son droit à être assisté par un avocat ; il peut demander à s'entretenir avec un avocat, dans les conditions prévues à l'article 63-4 du code de procédure pénale. Lorsque le mineur n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui sont alors avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés de la retenue en application du II. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Au fil des modifications de l'ordonnance de 1945, les droits des mineurs ont été réduits. Le Conseil constitutionnel a pourtant censuré l'extension de la garde à vue aux mineurs de 13 ans. Il y a un an, la Défenseure des enfants avait mis en garde contre la garde à vue trop systématique des mineurs, à la suite d'une affaire impliquant une jeune fille de 14 ans. Les mineurs en conflit avec la loi restent des enfants et doivent être traités comme tels.

Nous supprimons la possibilité de mettre un mineur en garde à vue mais maintenons la possibilité exceptionnelle de retenir le mineur à disposition d'un OPJ.

L'amendement n°143 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La garde à vue du mineur cesse de plein droit si un examen médical n'a pas été effectué dans les six heures qui suivent le début de la mesure de garde à vue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Aux termes de l'article 4, le mineur de 16 ans peut demander un examen médical mais ce droit n'est pas toujours respecté, comme l'a dénoncé la CNDS qui rappelle le caractère absolu des droits des mineurs en garde à vue. Le Comité européen pour la prévention de la torture préconise un rappel de règles en la matière.

M. le président.  - Amendement n°144 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la seconde phrase du V, les mots : « au procureur de la République ou au juge d'instruction du lieu d'exécution de la mesure » sont remplacés par les mots : « au juge chargé de l'information ou au juge des enfants » ;

M. Jacques Mézard.  - Il s'agit de concilier la garde à vue avec les spécificités de la justice des mineurs. Notre amendement renforce les garanties qui bénéficient aux mineurs, dont la responsabilité est atténuée. La présentation physique du mineur doit se faire devant un magistrat spécialisé.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa du VI est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cet enregistrement est considéré comme une formalité substantielle au sens de l'article 171 du code de procédure pénale. » 

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous reprenons la jurisprudence, notamment les arrêts du 3 avril 2007 et du 26 mars 2008 de la Cour de cassation.

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 9 

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

4° Le VII est ainsi rédigé :

« VII. - Les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale ne sont pas applicables. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale sont particulièrement attentatoires à la liberté individuelle et ne sauraient se justifier pour un mineur.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du quatrième alinéa du VI, les mots : « impossibilité technique » sont remplacés par les mots : « cause insurmontable » et les mots : « de cette impossibilité » sont remplacés par les mots : « de cette cause ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La circulaire du 9 mai 2001 précise que « seule une cause insurmontable qui fera l'objet d'un avis au magistrat compétent et d'une information spécifique du mineur pourra justifier l'absence d'enregistrement ». L'absence d'enregistrement des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ne peut donc se justifier en raison d'une simple impossibilité technique.

L'amendement n°145 est retiré.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Dans le droit actuel, la garde à vue des mineurs est possible à partir de 13 ans ; les mineurs de 10 à 13 ans peuvent faire l'objet d'une retenue de 24 heures maximum, pour des crimes punis de plus de cinq ans.

Le régime, validé par le Conseil constitutionnel, est bien encadré. Défavorable à l'amendement n°56.

Les représentants légaux d'un mineur de plus de 16 ans pourront demander pour lui un examen médical ; si l'enquêteur passait outre, il risquerait la nullité. La décision ne peut dépendre du médecin. Défavorable à l'amendement n°58, ainsi qu'à l'amendement n°144 rectifié.

L'amendement n°59, qui traduit une jurisprudence de la Cour de cassation, entraînerait un risque d'interprétation a contrario. Défavorable.

Le régime dérogatoire peut s'appliquer aux mineurs de 16 à 18 ans : défavorable à l'amendement n°57.

La commission avait émis un avis favorable à l'amendement n°60 mais il y a un risque d'interprétation concernant l'interrogatoire des majeurs dont le régime sera différent. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le projet de loi renforce les garanties en matière de garde à vue des mineurs mais il faut conserver ce régime, compte tenu du développement de la délinquance des mineurs. Défavorable aux amendements nos56, 58, 144 rectifié, 59 et 57. Sur l'amendement n°60, la circulaire du 9 mai 2001 prévoit que seule une cause insurmontable justifie l'absence d'enregistrement. La rédaction actuelle de l'article 4 de l'ordonnance de 1945, qui résulte de la loi de 2007, rend toutefois cette circulaire caduque... Avis défavorable : il s'agit pour le Sénat de confirmer ses positions antérieures.

L'amendement n°56 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos58, 144 rectifié, 59 et 57.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faudra m'expliquer pourquoi tant de mineurs de 15 ans se sont retrouvés placés en garde à vue abusivement... Comment va-t-on réduire leur nombre ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Ce sera l'objet d'une prochaine loi.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

Article 15 bis

M. le président.  - Amendement n°161, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 8

Insérer vingt-et-un alinéas ainsi rédigés :

III bis. - Le dernier alinéa de l'article 627-5 du même code est ainsi rédigé :

« S'il décide de ne pas laisser en liberté la personne réclamée, le procureur de la République la présente au juge des libertés et de la détention qui ordonne son incarcération à la maison d'arrêt. Toutefois, s'il estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie au regard des principes édictés à l'article 59 du Statut de Rome, le juge des libertés et de la détention peut soumettre la personne réclamée, jusqu'à sa comparution devant la chambre de l'instruction, à une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 138 et 142-5. Les dispositions de l'article 696-21 sont applicables. »

III ter. - L'article 695-28 du même code est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa  ainsi rédigé :

« À la suite de la notification du mandat d'arrêt européen, s'il décide de ne pas laisser en liberté la personne recherchée, le procureur général la présente au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège désigné par lui » ;

2° Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « le procureur général » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui » ;

3° Au quatrième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le procureur général ».

III quater. - L'article 696-11 du même code est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À la suite de la notification de la demande d'extradition, s'il  décide de ne pas laisser en liberté la personne réclamée, le procureur général  la présente au premier président  de la cour d'appel ou au magistrat du siège désigné par lui » ;

2° Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « le procureur général » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui ».

III quinquies. - Au premier alinéa de l'article 696-20 du même code, les mots : « ou la modification de celui-ci » sont remplacés par les mots : « de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ou la modification de ceux-ci ».

III sexies. - L'article 696-23 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et son placement sous écrou extraditionnel » sont supprimés ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Après avoir vérifié son identité, le procureur général informe la personne réclamée, dans une langue qu'elle comprend, de l'existence et du contenu de la demande d'arrestation provisoire. S'il décide de ne pas la laisser en liberté, le procureur général la présente au premier président de la cour d'appel ou au magistrat désigné par lui, qui statue conformément aux dispositions de l'article 696-11. »

III septies. - Au troisième alinéa de l'article 706-71 du même code, les mots : « ou d'un mandat d'arrêt européen » sont remplacés par les mots : « d'un mandat d'arrêt européen, d'une demande d'arrestation provisoire, d'une demande d'extradition ou d'une demande d'arrestation aux fins de remise, à la présentation au juge des libertés et de la détention, au premier président de la cour d'appel ou au magistrat désigné par lui en application des articles 627-5, 695-28, 696-11 et 696-23 si la personne est détenue pour une autre cause ».

III octies. - Au premier alinéa des articles 627-9 et 696-32 du même code, après les mots : « La mise en liberté », sont insérés les mots : « ou la mainlevée ou la modification du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ».

III nonies. - À la première phrase du deuxième alinéa des articles 695-28 et 696-11 du même code et au troisième alinéa des articles 695-34 et 696-19 du même code, les mots : « à l'article 138 » sont remplacés par les mots : « aux articles 138 et 142-5 ».

III decies. - À l'avant dernier alinéa de l'article 695-28 du même code et au dernier alinéa de l'article 696-11 du même code, après les mots : « sous contrôle judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence sous surveillance électronique », et sont ajoutés les mots : « ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ».

III undecies. - Au premier alinéa de l'article 695-35 du même code et aux premier et quatrième alinéas des articles 695-36 et 696-21 du même code, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : « ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ».

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement tire les conséquences de l'arrêt Moulin rendu le 23 novembre 2010 par la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'entraide judiciaire internationale. Il appartiendra au procureur de la République, s'il n'entend pas laisser en liberté la personne interpellée, de présenter sans délai l'intéressé à un magistrat du siège afin que ce dernier décide d'un éventuel placement sous écrou extraditionnel ou sous contrôle judiciaire.

Le Gouvernement n'a eu de cesse d'appliquer immédiatement la jurisprudence !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Favorable à ces coordinations opportunes.

L'amendement n°161 est adopté.

L'article 15 bis, modifié, est adopté.

L'article 15 ter demeure supprimé, de même que l'article 15 quater.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°146 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 269 du même code est complété par les mots : « , ladite maison d'arrêt étant située dans le ressort du tribunal de grande instance dont relève la cour d'assises ».

M. Jacques Mézard.  - L'accusé renvoyé devant la cour d'assises doit, dès que sa mise en accusation est devenue définitive, être transféré dans la maison d'arrêt du département où se tient son procès. Il s'agit d'éviter des déplacements éprouvant et coûteux. C'est une mesure de sagesse et d'aménagement du territoire.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Outre que cet amendement est de nature réglementaire, il ne présente guère de lien avec le projet de loi. Sans doute est-ce un amendement d'appel... Retrait ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - C'est un amendement très intéressant, je ne dis pas intéressé. M. Vall est cosignataire ; à ma connaissance, il n'y a pas de maison d'arrêt dans le Gers et tout s'y passe bien. Je répondrai à M. Mézard. Retrait ?

M. Jacques Mézard.  - Temporaire !

L'amendement n°146 rectifié est retiré.

Article 16

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le budget affecté à l'aide juridictionnelle est très insuffisant. L'accès au droit est pourtant une priorité. Le mécontentement gronde dans les barreaux. La question de la rétribution des avocats est un point de tension. Il convient de les rémunérer plus justement et de prévoir le financement de toute extension de l'aide juridictionnelle. L'étude d'impact publiée n'est pas satisfaisante.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - La loi assure une implication équitable entre les avocats des missions éligibles à l'aide juridictionnelle. Une participation effective et équitable de tous les avocats est assurée soit par la prise en charge de dossiers éligibles à l'aide juridictionnelle, soit par une participation financière volontaire. Cette participation, répartie entre les avocats prenant en charge des dossiers éligibles à l'aide juridictionnelle, alimente un fonds autonome.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'aide juridictionnelle n'est pas une priorité de l'État. Le régime repose sur la bonne volonté de la profession. Il faut améliorer le taux horaire de référence, via un fonds dédié. Il faut par ailleurs une répartition plus équitable au sein de la profession.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La question du financement de l'aide juridictionnelle est complexe. En 2010, la totalité des crédits étaient consommés dès octobre ! Le Sénat s'est penché sur la question avec le rapport du Luart. Les pistes sont nombreuses.

Le présent projet de loi n'est pas le véhicule adapté. La question doit faire l'objet d'une concertation avec la profession. Retrait, sinon rejet. Monsieur le garde des sceaux, toutes les conséquences financières de cette réforme concernant l'aide juridictionnelle ont-elles été évaluées ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Retrait, sinon rejet. La réforme de la garde à vue aura un coût important : il va falloir porter le financement de l'aide juridictionnelle de 15 à 80 millions. Seule une loi de finances peut traiter de cette question.

J'ai commencé à rencontrer les représentants des avocats ; il faudra faire de vrais efforts pour que chacun puisse être défendu correctement.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - J'espère que le Gouvernement se penchera sur le sujet et que nous pourrons bientôt en débattre.

L'amendement n°61 est retiré.

L'article 16 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le juge judiciaire peut soulever d'office l'ensemble des vices qui affectent la procédure de placement et de déroulement de la garde à vue.

II. - Constitue une nullité faisant nécessairement grief à la personne placée en garde à vue notamment :

1° La méconnaissance des dispositions relatives aux conditions de placement en garde à vue et l'absence de proportionnalité dans leur mise en oeuvre ;

2° Le retard ou l'absence de notification ou de la mise en oeuvre des droits en garde à vue ;

3° La mise en oeuvre disproportionnée des fouilles et des mesures de sécurité ;

4° Le non-respect de la dignité humaine, notamment en ce qui concerne les conditions matérielles de la garde à vue ;

5° Le non-respect des dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous précisons la liste des nullités qui font nécessairement grief. L'effectivité des dispositions du projet de loi en dépend.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'article 102 du code de procédure pénale et la jurisprudence constante de la Cour de cassation suffisent. Attention à la tentation de l'exhaustivité... Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n° 62 n'est pas adopté.

L'article 17 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°162, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code des douanes de Mayotte est ainsi modifié :

1° L'intitulé du paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XI est complété par les mots : « et retenue douanière » ;

2° Le 3 de l'article 193 est abrogé ;

3° Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XI est complété par dix articles 193-1 à 193-10 ainsi rédigés :

« Art. 193-1. - Les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière.

« Art. 193-2. - La durée de la retenue douanière ne peut excéder vingt-quatre heures.

« Toutefois, la retenue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si les nécessités de l'enquête douanière le justifient.

« L'autorisation est accordée dans les conditions prévues au II de l'article 63 du code de procédure pénale.

« Art. 193-3. - Dès le début de la retenue douanière, le procureur de la République dans le ressort duquel est constaté le flagrant délit en est informé par tout moyen.

« Il est avisé de la qualification des faits qui a été notifiée à la personne. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues à l'article 193-6.

« Si la mesure doit être exécutée dans un autre ressort que celui du procureur de la République où l'infraction a été constatée, ce dernier en est informé.

« Art. 193-4. - La retenue douanière s'exécute sous le contrôle du procureur de la République qui assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne retenue.

« Il peut se transporter sur les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer les procès-verbaux et registres prévus à cet effet.

« Art. 193-5. - La personne placée en retenue douanière bénéficie du droit de faire prévenir un proche et son employeur, d'être examinée par un médecin et de l'assistance d'un avocat dans les conditions et sous les réserves définies aux articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3 et 63-4-4 du code de procédure pénale. Les attributions conférées à l'officier de police judiciaire par les articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4-2 et 63-4-3 du même code sont exercées par un agent des douanes.

« Lorsque la personne est retenue pour un délit douanier mentionné au dernier alinéa de l'article 282 ou à l'article 283 du présent code ou pour un délit connexe à une infraction mentionnée à l'article 706-73 du code de procédure pénale, l'intervention de l'avocat peut être différée dans les conditions prévues aux sixième à huitième alinéas de l'article 706-88 du même code. 

« Art. 193-6. - La personne placée en retenue douanière est immédiatement informée par un agent des douanes, dans les conditions prévues à l'article 63-1 du code de procédure pénale :

« 1° De son placement en retenue ainsi que de la durée de la mesure et de la prolongation dont celle-ci peut faire l'objet ;

« 2° De la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;

« 3° Du fait qu'elle bénéficie des droits énoncés à l'article 193-5 du présent code ;

« 4° Du fait qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

« Mention de l'information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal et émargée par la personne retenue. En cas de refus d'émargement, il en est fait mention.

« Art. 193-7. - Les articles 63-5 et 63-6 et le premier alinéa de l'article 63-7 du code de procédure pénale sont applicables en cas de retenue douanière.

« Les mesures de sécurité mentionnées à l'article 63-6 du même code sont limitativement énumérées par arrêté du ministre chargé des douanes.

« Les attributions conférées à l'officier de police judiciaire par l'article 63-7 du même code sont exercées par un agent des douanes.

« Art. 193-8. - Le procès-verbal de retenue douanière est rédigé conformément au I de l'article 64 du code de procédure pénale.

« Figurent également sur un registre spécial tenu, éventuellement sous forme dématérialisée, dans les locaux de douane susceptibles de recevoir une personne retenue, les mentions prévues au premier alinéa du II du même article 64.

« Art. 193-9. - À l'issue de la retenue douanière, le procureur de la République peut ordonner que la personne retenue soit présentée devant lui, un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale ou qu'elle soit remise en liberté.

« Lorsque les personnes retenues sont placées en garde à vue au terme de la retenue, la durée de celle-ci s'impute sur la durée de la garde à vue.

« Art. 193-10. - En cas de flagrant délit douanier commis par un mineur, la retenue douanière se déroule dans les conditions prévues à l'article 4 de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement procède à l'intégration formelle des dispositions modifiant la retenue douanière dans l'ordonnance du 12 octobre 1992 relative au code des douanes applicable à Mayotte.

M. le président.  - Sous-amendement n°173 à l'amendement n°162 du Gouvernement, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

Alinéa 15 de l'amendement n° 162

1° Première phrase

Remplacer les mots :

un proche et son employeur

par les mots :

un proche ou son curateur ou son tuteur, de faire prévenir son employeur

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Lorsque la personne placée en retenue douanière est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.

Le sous-amendement n°173, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'amendement n°162, sous-amendé, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

Article 18

M. le président.  - Amendement n°180, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions de la présente loi sont applicables aux mesures de garde à vue prises à compter de son entrée en vigueur.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - A titre personnel, favorable.

L'amendement n°180 est adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

Seconde délibération

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - En application de l'article 43-4 du Règlement du Sénat, je demande une seconde délibération sur l'article 7 du projet de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il y a en effet une incohérence dans ce que nous avons voté à l'article 7 : avis favorable.

La seconde délibération est ordonnée.

M. le président.  - Amendement n°A-1, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 5

Remplacer les mots :

l'officier de police judiciaire à débuter l'audition

par les mots :

sur demande de l'officier de police judiciaire, que l'audition débute

II. - Alinéa 6

Remplacer les mots : 

l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions

par les mots : 

sur demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l'avocat lors des auditions

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Seul un officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue. Il est évident que c'est l'OPJ qui dirige l'enquête mais il peut être assisté d'un APJ qui peut auditionner, sous la responsabilité et le contrôle de l'OPJ. Il y a 163 000 APJ, contre 53 000 OPJ.

En revanche, l'OPJ seul peut demander le report de l'avocat au procureur de la République. Il faut réécrire l'article en ce sens.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Je porte la responsabilité de cette seconde délibération avec M. Mézard... Supprimer les termes « APJ » prêtait à confusion. L'amendement du Gouvernement rappelle sans ambiguïté que seul l'OPJ place en garde à vue mais ne méconnaît pas que l'APJ peut mener les auditions. En tout état de cause, tout est soumis au procureur de la République. A titre personnel, favorable.

M. Jacques Mézard.  - Il ne faudrait pas que l'on modifie le rôle des APJ, qui ne peuvent réaliser que certains actes, sous le contrôle des APJ. Je lis dans l'objet de l'amendement que c'est « la pratique courante » que les APJ auditionnent les gardés à vue dans le cadre de l'article 20 du code. Attention !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Seules les paroles que je prononce devant le Sénat m'engagent. L'OPJ est le patron, secondé par l'APJ. Les choses sont claires.

L'amendement n°A-1 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Alain Anziani.  - Cette réforme vous a été imposée d'abord par la Cour européenne des droits de l'homme puis, surtout, par le Conseil constitutionnel, enfin par la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais vous réformez a minima : deux pas en avant, un en arrière, comme un danseur de tango...

Nous déplorons l'insuffisance du pouvoir du juge judiciaire. Il fallait des seuils de déclenchement de la garde à vue bien plus élevés. Un suspect doit disposer de droits. Or, il n'aura pas droit à un avocat...

A l'heure du vote, nous regardons les deux plateaux de la balance.

Sur l'un, les points positifs : présence de l'avocat, pas de garde à vue sans peine d'emprisonnement encourue.

Dans l'autre plateau, il y a l'inconstitutionnalité et l'inconventionnalité de ce texte. Au surplus, il y a le risque d'une garde à vue à deux vitesses : une pour les riches, une pour les pauvres. Pendant des années, nous avons combattu pour la présence de l'avocat ; pendant des années, vous nous l'avez refusée : nous ne pouvons voter contre. Nous nous abstiendrons donc.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La majorité s'obstine à confier au procureur le contrôle de la garde à vue. Sans une véritable réforme du parquet, il n'y aura pas de refonte de la garde à vue. Le texte est frileux : la personne gardée à vue ne pourra pas bénéficier pleinement de l'assistance d'un avocat.

Encore une fois, la France s'isole, en choisissant d'aller contre la Convention européenne des droits de l'homme et en adoptant des mesures inapplicables.

Hélas, nos débats n'ont pas permis de revenir sur cette réforme a minima. D'où l'abstention négative des sénateurs Verts, en espérant que nous déclencherons une dynamique de changement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cette réforme sous contrainte est loin de ce que nous espérions. Un beau jour, vous serez bien obligés de confier la garde à vue au juge des libertés et de la détention ! Si vous vouliez réduire le nombre de gardes à vue, il fallait réserver celle-ci aux infractions punies de trois ans au moins d'emprisonnement. Vous n'avez eu de cesse de créer des dérogations. Le garde des sceaux a même tenté de réduire de deux à une heure le délai laissé à l'avocat pour atteindre le lieu de la garde à vue ! Cela montre bien que tout cela ne vous plait pas... Enfin, sans moyens supplémentaires, la réforme restera théorique.

Nous sommes donc dans l'embarras. Je note également qu'aucun de nos amendements n'a été accepté. (M. Michel Mercier, garde des sceaux, le conteste) En tout cas, ceux qui l'ont été ne mangeaient pas de pain ! Au risque de ne pas être compris, et en attendant de voir le texte dont nous débattrons en seconde lecture, le groupe CRC s'abstiendra. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Le groupe RDSE, à l'unanimité, s'abstiendra. Cette abstention, ni négative, ni positive, sanctionne le fait que cette avancée -la présence de l'avocat- était rendue obligatoire par les décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et de la Cour de Strasbourg. Résultat, vous avez avancé à reculons. Ce texte sera appliqué plus facilement dans les métropoles que dans les territoires ruraux. Je vous rappelle que le Gouvernement voulait ne laisser qu'une heure à l'avocat pour arriver !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'était la volonté de certains...

M. Jacques Mézard.  - C'était un amendement du Gouvernement ! Et vous ne ferez pas l'économie d'un débat sur le statut du parquet. En refusant nos amendements sur le JLD, vous créez de l'insécurité juridique. Enfin, le moyen de limiter le nombre de gardes à vue était de les limiter aux infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement.

Pour conclure, vous n'êtes pas allés au bout du chemin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Détraigne.  - Ce projet de loi, sans être parfait, a été enrichi par le débat parlementaire : l'audition libre, tant décriée, a disparu ; la personne gardée à vue aura droit à un avocat ; le respect de la dignité de la personne est inscrit dans la loi. Peut-être serons-nous amenés à compléter ce texte dans quelques années. Mais le mieux est parfois l'ennemi du bien... Faisons confiance aux OPJ pour utiliser au mieux cette nouvelle procédure, créatrice de droits.

Le Gouvernement devra dégager les moyens nécessaires pour que la réforme s'applique de manière uniforme sur le territoire ; les barreaux devront s'organiser. Nous en jugerons dans quelques mois. Dans l'immédiat, le groupe UC votera ce texte qui représente une avancée importante. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Pillet.  - Ce texte est un exercice aussi difficile que celui de rendre la justice... Cette réforme apporte des garanties au gardé à vue -on lui notifie qu'il a le droit de garder le silence- et à l'avocat. Il met fin à la solitude du gardé à vue, qui provoquait des ravages. Nous n'échapperons pas à une refonte totale de notre procédure pénale. Un jour, peut-être, voterons-nous la création du juge de l'enquête et des libertés, à la fois Maigret et Salomon.

Dernier point, l'égalité des armes avec les droits accordés aux victimes. Seul cet aspect peut susciter l'adhésion de l'opinion populaire à cette réforme. Les deux plateaux de la justice sont également garnis ; le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

L'ensemble du projet de loi est adopté, les groupes CRC, socialiste et RDSE s'abstenant.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Merci aux présidents de séance, à la commission des lois et aux sénateurs qui ont fait vivre ce débat. Ce texte n'est pas du marbre ; il évoluera à mesure que change la société. Tout ceux qui me connaissent savent que je ne travaille certainement pas sous contrainte ! (Applaudissements à droite et au centre)