Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.

Discussion générale

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - La CMP n'a eu qu'un seul article à examiner, le Sénat n'ayant modifié que l'article premier. Nous nous félicitons du respect des objectifs votés en LFSS, avec même une amélioration d'1,4 milliard par rapport aux prévisions initiales et de plus de 4 par rapport à l'année précédente. Cette année encore, l'Ondam devrait être respecté.

Toutefois, le déficit reste excessif. Il faudra donc s'interroger sur la mobilisation de nouvelles recettes pour assurer la pérennité de la sécurité sociale.

Instituant la prime de partage du profit, l'article premier a été adopté par la CMP dans la rédaction du Sénat.

Cette prime sera versée en cas d'augmentation significative des dividendes, elle sera obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le dispositif sera négocié dans chacune d'entre elles. La prime ne pourra se substituer à aucune rémunération. Elle ne sera grevée d'aucune charge, hors CSG, CRDS et forfait social. Ce sera une mesure pérenne à compter du 1er janvier 2011. Si la négociation interprofessionnelle aboutit, une nouvelle loi pourra améliorer le dispositif, avant le 31 décembre 2013.

Cette mesure pourrait représenter 2,8 milliards pour 4 millions de salariés. Elle devrait dynamiser la croissance mais il s'agit d'une nouvelle niche, alors que l'urgence est au retour de l'équilibre des comptes. Elle devrait donc être neutralisée dès que possible.

Ce collectif social était une première. Cette approche a le mérite de la transparence et de la clarté. Puissent tous les gouvernements persévérer dans cette voie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.  - Le principe de cette prime est simple : si le dividende augmente pour les actionnaires, les salariés aussi doivent obtenir plus. La motivation est la justice et l'équité, pas le pouvoir d'achat. J'ai toujours cru que la participation et l'intéressement amélioraient notre cohésion sociale. Si une nouvelle négociation professionnelle la rend possible, viendra une nouvelle loi. Les trois quarts des patrons de PME ont dit leur intention d'accorder cette prime. Le bon sens et la justice l'emportent, contre toutes les caricatures, avec l'approbation de 62 % des Français ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Annie David.  - Nous étions contre en première lecture, nous le restons, malgré ces 62 % ! Vous pouvez toujours nous juger caricaturaux...

En première lecture, le ministre nous a dit que le président de la République avait voulu que s'engage une meilleure répartition des fruits de l'effort collectif -il y a deux ans. Pourquoi avoir tant attendu s'il s'agissait de renforcer le pouvoir d'achat ? La proximité de la présidentielle, peut-être...

La baisse du pouvoir d'achat n'atteindrait que deux à trois points ? Cela représenterait, en tout état de cause, près de 60 milliards ! Le vrai enjeu est celui de la répartition entre dividendes et salaires. La part de ces derniers est passée, en vingt-huit mois, de 46 % à 38 % de la valeur ajoutée.

La tendance principale est à un transfert des salaires vers les profits : les salariés travaillaient 72 heures par an pour les actionnaires en 1980, mais 189 heures en 2008 !

Les « trois tiers » de M. Dassault sont quand même plus ambitieux que votre prime, dont il est à craindre que beaucoup d'employeurs la considéreront comme valant augmentation de salaire. C'est celui-ci qui doit rester la rémunération normale du travail. Les primes, flexibles et individuelles, ne contribuent pas au financement de la sécurité sociale.

Selon la Cour des comptes, les niches sont la cause principale du déficit. Au lieu de les supprimer, vous en créez une nouvelle. Comment parler de partager la richesse quand 20 millions de salariés non plus que les retraités ni les bénéficiaires de minima sociaux ne bénéficient de votre prime, les fonctionnaires étant victimes d'une baisse de leur pouvoir d'achat à cause du gel de leur rémunération ?

Avec la récente proposition de loi transformant temporairement les contrats à temps partiel en contrats à temps plein, vous faites preuve encore d'un semblant de générosité : une fois les besoins passés, les salariés retourneront à leur précarité. Les travailleurs ont besoin de substantielles augmentations de salaires.

Nos amendements étaient réalistes ; vous n'avez pas daigné y répondre sérieusement. Le Gouvernement devrait nous remettre un rapport sur les effets réels des niches fiscales. On verrait sans doute que les assistés ne sont pas ceux que vous dénoncez.

Nous appelons à une responsabilité sociale des entreprises. La part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est près de deux fois supérieure à leurs cotisations sociales. On pourrait donc instaurer une contribution spécifique sur les dividendes. De même tous les revenus du travail, y compris indirects, devraient être soumis à cotisation sociale : je pense à l'intéressement et à la participation, comme à l'épargne salariale.

Si les défenseurs de la participation veulent vraiment une répartition des richesses, qu'ils plafonnent la distribution des dividendes ! Les groupes du CAC 40 ont dégagé 75 milliards de bénéfices, dont 35 pour les actionnaires.

Nous voterons contre ce texte non parce qu'il ne bénéficiera qu'à une minorité de salariés...

M. Alain Gournac.  - 4 millions !

Mme Annie David.  - ...mais parce qu'il est possible d'instaurer un juste partage des richesses profitant aux salariés, aux comptes sociaux et à l'investissement. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - Avec 350 millions de dettes représentant 152 % de son PIB, la Grèce fait trembler l'Europe. La France atteindra les 90 %. Le Gouvernement aurait pu saisir l'occasion de ce collectif social pour poser de vraies questions : la santé ne peut-elle se gérer que de façon libérale ? Peut-on réformer les retraites sans repenser le travail pour que les jeunes y accèdent et que les seniors y restent ? Au lieu de quoi, on crée une niche sociale !

L'accès aux soins diminue, l'hôpital est en crise, les urgences sont saturées, les assurés sont pressurés, et vous ne pensez qu'à raboter les droits des associés sociaux. Le déficit social n'est « que » de 19,5 milliards. Il n'y a pas de quoi applaudir. M. Vasselle dit lui-même que la trajectoire du déficit n'est pas modifiée et qu'il en résultera une nouvelle dette qui n'est pas soutenable dans la durée. Le discours nous est servi à chaque PLFSS. Si un nouveau transfert n'est pas soutenable, pourquoi le refaire à chaque fois ?

Donner des étrennes n'a pas le même sens que négocier une politique salariale. Au mieux ne seront concernés que 4 millions de salariés sur 25, par cette prime dont les modalités seront à la main du patron, sans qu'on se préoccupe du fonctionnement du marché du travail.

Le tapage fait autour de cette prime est déjà un vrai bénéfice pour les tenants de la droite qui se proclame décomplexée, et qui l'est.

Une firme comme Total, dont le profit pour 2010 atteint 10 milliards et qui ne paie pas d'impôt, n'est pas concernée par cette prime ! Et le montant peut être modulé selon l'ancienneté, le niveau du salaire et demain peut-être le mérite ?

Et vous créez une nouvelle niche. Le Gouvernement est si timoré face aux rentes de situation, qu'il en crée de nouvelles !

Pour ma dernière prise de parole, j'aurais préféré voir traduite une ambition à la hauteur des besoins en matière de santé. Malheureusement, le Gouvernement s'en tient aux effets d'annonce -contre quoi nous voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Daudigny.  - On donne 82,3 milliards aux actionnaires, rien aux salariés ! Le président de la République est le premier à s'en étonner. On nous dit aujourd'hui qu'il n'est pas question de pouvoir d'achat mais de justice et d'équité.

Ce projet donne d'une main, rendra-t-il après de l'autre ? Tout est à craindre... Nous sommes surtout inquiets de voir se créer une nouvelle niche sociale, sans qu'aucune autre ne disparaisse. En évaluer le coût ne saurait suffire. À force de multiplier les lois comme des petits pains, le Gouvernement ne s'y retrouve plus. C'est ainsi qu'il crée cette niche deux jours après avoir fait adopter la « règle d'or », censée le protéger contre ses propres démons.

Ces rectifications en cours d'année ont quelque chose de prématuré. Le seul élément d'ampleur qui subsiste est le déficit de 17 milliards à l'horizon 2014. Le Gouvernement se contente de prendre régulièrement la température de l'Ondam et de conclure qu'il faut soigner le patient en le purgeant.

Je voterai contre, comme l'a annoncé Raymonde Le Texier, à qui je rends hommage pour son engagement, et la pertinence de ses interventions : j'ai appris mon travail de parlementaire à ses côtés depuis trois ans. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je partage ce propos élogieux.

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. Alain Gournac.  - Je remercie le ministre pour son action en termes de justice sociale, ainsi que le rapporteur pour son travail et la clarté de ses explications.

Encore modestes, les signes d'embellie de notre économie sont un encouragement à l'action du Gouvernement.

Cette prime, dont la presse a beaucoup parlé, revalorise la valeur travail ; elle va dans le sens de la participation et de l'intéressement. Cette nouvelle niche fiscale stimulera notre économie. Elle concernera directement 4 millions de salariés : ce n'est pas rien !

Nos deux assemblées ont abouti à un consensus. Le groupe UMP votera avec enthousiasme ce projet de loi.

En application de l'article 59, les conclusions de la CMP sont mises aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 177
Contre 152

Le Sénat a adopté.

La séance est suspendue à 15 h 25.

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La séance reprend à 15 h 30.