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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Contentieux électoral

Engagement de la procédure accélérée

Nomination (Demande d'avis)

Dépôt de rapports

Décision du Conseil constitutionnel

Renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité

Conférence des présidents

Questions orales

Régime d'imposition de la filière équine

Crise de la filière porcine

Crise de l'arboriculture

Aspartame

Desserte ferroviaire du Cantal

Plage de Pampelonne à Ramatuelle

TGV Rhin-Rhône

Gaz de schiste

Pénurie de médecins à Faverges

Tribunal d'instance de Rouen

Douanes de Wallis et Futuna

Filière socio-éducative

Prévention des tsunamis

Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps)

Etablissement public Grands lacs de Seine

Buralistes

Tourisme

Ouverture des supermarchés le dimanche matin

Allocution de M. le président du Sénat

Débat préalable au Conseil européen




SÉANCE

du mardi 11 octobre 2011

4e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Contentieux électoral

Mme la présidente.  - En application de l'article 34 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi de cinq requêtes contestant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 25 septembre 2011, dans les départements suivants : Loiret, Essonne, Manche, Hauts-de-Seine, Lozère.

Engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale.

Nomination (Demande d'avis)

Mme la présidente.  - Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010, relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et en application de l'article premier de la loi du 4 janvier 1980, M. le Premier ministre, par lettre en date du 23 septembre 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière d'énergie sur le projet de nomination de M. Yves de Gaulle à la présidence du directoire du conseil de surveillance de la Compagnie nationale du Rhône.

Cette demande d'avis a été transmise à la commission de l'économie.

Dépôt de rapports

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le cinquième rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire, en application de l'article L.4111-1 du code de défense et le rapport sur le suivi de l'approvisionnement de la restauration collective en produits biologiques et de l'évolution des surfaces en agriculture biologique, en application de l'article 120 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

Le premier a été transmis à la commission des affaires étrangères, le second à la commission de l'économie.

Décision du Conseil constitutionnel

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 6 octobre 2011, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité.

Renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 6 octobre 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Conférence des présidents

Mme la présidente.  - Voici les conclusions de la Conférence des présidents :

Semaine sénatoriale de contrôle

MARDI 11 OCTOBRE 2011

A 9 heures 30 :

1. Questions orales ;

A 15 heures :

2. Allocution de M. le Président du Sénat ;

3. Débat préalable au Conseil européen des 17 et 18 octobre 2001.

MERCREDI 12 OCTOBRE 2011

A 14 heures 30 :

1. Débat sur la réforme portuaire ;

2. Débat sur la couverture numérique du territoire.

Semaines réservées par priorité au Gouvernement

MARDI 18 OCTOBRE 2011

A 15 heures :

1. Projet de loi concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale ;

2. Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la répartition des contentieux ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

3. Questions cribles thématiques sur le malaise des territoires ;

A 18 heures et, éventuellement, le soir :

4. Eventuellement, suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la répartition des contentieux ;

5. Projet de loi relatif au plan d'aménagement et de développement durable de Corse.

MERCREDI 19 OCTOBRE 2011

A 14 heures 30 :

1. Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;

2. Projet de loi relatif à l'agence nationale des voies navigables.

JEUDI 20 OCTOBRE 2011

A 9 heures 30 :

1. Suite du projet de loi relatif à l'Agence des voies navigables ;

A 15 HEURES :

2. Questions d'actualité au Gouvernement ;

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

MARDI 25 OCTOBRE 2011

A 9 heures 30 :

1. Questions orales ;

A 14 heures 30 et le soir :

2. Proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

MERCREDI 26 OCTOBRE 2011

A 14 heures 30 et le soir :

Projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament.

JEUDI 27 OCTOBRE 2011

A 9 heures 30 :

1. Suite du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament ;

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

2. Questions d'actualité au Gouvernement ;

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.

Régime d'imposition de la filière équine

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Tout d'abord, quelques mots pour féliciter Mme Khiari, notre nouvelle vice-présidente.

En réponse à Mme Panis au mois de mars, M. le ministre de l'agriculture indiquait que, pour la France, le cheval était un produit agricole et pouvait à ce titre bénéficier des taux réduits de TVA. Mais ce régime reste menacé par une décision de la CJCE du 3 mars denier, qui ne semble concerner que les livraisons, importations et acquisitions de chevaux « biens de consommation », et non les activités agricoles. Le texte visant les seuls échanges intracommunautaires, quel régime sera appliqué aux échanges franco-français ? Comment éviter une concurrence déloyale avec les autres filières d'élevage qui, elles, bénéficient d'une TVA à taux réduit ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Toutes mes félicitations à Mme la présidente !

La Commission européenne a engagé un recours en manquement contre la France pour non-transposition de la directive de 2006. Nous avons argué de l'incidence positive de l'élevage équin sur l'aménagement du territoire et de son caractère agricole. Le Gouvernement est conscient des conséquences potentielles de cette affaire pour la filière ; un groupe de travail a été mis en place avec les professionnels. Nous sommes totalement mobilisés.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Il n'y a guère d'avancées depuis mars. Mais je remercie le Gouvernement de sa détermination, à l'heure où le monde agricole connaît des difficultés considérables.

Crise de la filière porcine

M. Jean-Pierre Chauveau.  - Les producteurs porcins semblent condamnés à la baisse des prix, alors même que les matières premières se renchérissent. La concurrence internationale sévit. En conséquence, les abattoirs de proximité sont menacés, alors qu'un maillage serré réduit les coûts de transport. Les éleveurs demandent que soit clairement mentionnée l'origine française de leurs viandes et que les marges de la grande distribution soient réduites.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - L'interprofession a signé, en septembre 2010, un accord volontaire : le logo « viande de porc française » est apposé sur le produit lorsque plus de 50 % de la viande est française ; un autre accord de décembre prévoit que soit précisée « origine France » si plus de 50 % de la viande est française ou « origine UE », ou autre, si ce n'est pas le cas. Le projet de règlement adopté par le Parlement européen le 6 juillet dernier et par le Conseil les 29 et 30 septembre dernier apportera davantage de transparence. L'obligation d'indication du pays d'origine sur l'étiquetage s'appliquera pour toutes les viandes de porc, comme c'est actuellement le cas uniquement pour la viande bovine. Des dispositions similaires seront prises pour les produits transformés.

Quant aux marges de la grande distribution, elles paraissent difficiles à justifier. M. Le Maire a demandé aux distributeurs une plus grande transparence sur leurs marges nettes. Un groupe de travail ad hoc expertisera ces données et rendra ses conclusions avant la fin de l'année.

M. Jean-Pierre Chauveau.  - Il faudrait réfléchir à une caisse de péréquation au sein de la profession pour lisser les effets des bonnes et mauvaises années. Je remercie le Gouvernement de sa détermination.

Crise de l'arboriculture

M. Didier Guillaume.  - L'arboriculture connaît une crise structurelle, et a subi cet été des difficultés sans précédent. A quoi s'ajoute une crise sanitaire, celle de la sharka, maladie virale qui décime les vergers depuis vingt ans. Depuis 2003, 1 200 hectares ont été arrachés. Les collectivités agissent : la Drôme, particulièrement touchée, a dépensé 2 millions pour soutenir la filière. Un nouveau plan national de lutte a été lancé en avril dernier, dont le volet reconversion ne doit pas être négligé. Que contiendra-t-il exactement ? Les collectivités seront-elles une nouvelle fois mises à contribution ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Le plan national sharka a permis d'organiser la concertation entre pouvoirs publics et professionnels. Les barèmes d'indemnisation seront fondés sur ceux du Fonds national de garantie des calamités agricoles. Les indemnisations se feront à hauteur de 100 % de l'évaluation de la perte économique pour les vergers contaminés à moins de 10 % et ayant fait l'objet d'arrachages obligatoires dans les zones où le seuil d'arrachage a été abaissé à 5 % ou moins, ainsi que pour les arbres isolés ayant fait l'objet d'arrachages obligatoires. Les indemnisations pour les autres vergers se feront à 75 % de l'évaluation de la perte économique pour 2011 et 2012. Cette indemnisation sera portée à hauteur de 50 % de l'évaluation de la perte économique à partir de 2013.

Ces indemnisations seront financées de façon conjointe par l'État, à hauteur de 65 %, et la profession.

M. Didier Guillaume.  - L'agriculture souffre, nous le voyons bien ce matin. Cet été, dans le Rhône, l'exportation de pêches a été réduite à zéro ! Lorsqu'une crise sanitaire vient s'ajouter à la crise économique, il faut prendre des mesures fortes. La détresse des arboriculteurs est réelle, il faut leur redonner espoir.

L'agriculture, et en particulier l'arboriculture, ne doivent pas être des variables d'ajustement du budget : c'est grâce à cette filière qui a un grand avenir, que nous mangeons de bons fruits.

Aspartame

Mme Patricia Schillinger.  - D'après deux études, l'une danoise, l'autre italienne, la prise régulière d'aspartame, édulcorant intense qui envahit les produits lights, des sodas aux médicaments, pourrait avoir de graves effets sur la santé. Ces études sont contestées, mais le doute est là... N'est-ce pas l'occasion d'appliquer le principe de précaution ? Les boissons contenant de l'aspartame sont épargnées par la nouvelle taxe sur les boissons sucrées. Il faut une grille d'analyse unique pour toutes les études, et une déontologie irréprochable. L'affaire du Mediator en a clairement montré la nécessité. Que compte faire le Gouvernement pour protéger les consommateurs, particulièrement les femmes enceintes et les enfants ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - L'aspartame est utilisé pour édulcorer un grand nombre de produits. Un projet de règlement européen prévoit l'étiquetage obligatoire de toutes les denrées alimentaires en contenant. Deux études de 2010 suggérant de graves risques pour la santé, l'Anses s'est autosaisie et a estimé qu'elles n'étaient pas assez solides pour justifier une révision de la réglementation. En février 2011, l'Agence européenne a conclu de même. Mais un programme de réévaluation de tous les additifs autorisés est en cours depuis 2010 ; il sera achevé pour l'aspartame en 2012. Si ces expertises sont concluantes, nous prendrons les mesures qui s'imposent. La France a obtenu l'étiquetage obligatoire, preuve de sa vigilance !

Mme Patricia Schillinger.  - Vous n'apaisez pas mes inquiétudes... On parle d'un nouveau scandale semblable à celui du Mediator ! (M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat, en doute) Le film L'aspartame, un doux parfum de poison, montre les conditions plus que douteuses de la mise sur le marché de l'aspartame aux Etats-Unis en 1982, puis en Europe. Notre agence se serait contentée de valider la décision prise outre-Atlantique... Et on évoque des conflits d'intérêt.

Desserte ferroviaire du Cantal

M. Jacques Mézard.  - Le projet de cadencement national des TER en 2012 devrait modifier substantiellement la circulation des trains en Auvergne. La périphérie de Clermont bénéficiera d'un plus grand nombre de trains, mais le Cantal demeurera plus que jamais enclavé, avec une dégradation de l'offre de transport qui le dessert, notamment en fin de semaine. Rappelons que par la route, il faut plus de deux heures pour rejoindre une métropole régionale depuis Aurillac... Comment feront nos étudiants ? Pour eux, le train est souvent le seul moyen de transport.

Quelles seront les modifications effectives -horaires, nombre de dessertes- sur les trois lignes au départ et à destination d'Aurillac ? Enfin, pourquoi les travaux réalisés sur les lignes ne réduisent-ils pas la durée des trajets ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Le projet de cadencement en Auvergne s'inscrit dans un projet national ; il nécessite une réorganisation de l'offre sur le territoire afin d'en optimiser la desserte. Le plan de transport pour 2012 est en cours d'élaboration sous l'égide de la région Auvergne et fait l'objet d'une concertation avec les usagers et les élus. Un comité de ligne a été mis en place.

La desserte d'Aurillac n'est pas directement concernée par le cadencement qui sera mis en place en décembre 2011 ; seuls les horaires seront modifiés pour des correspondances optimisées en gares de Brive, Toulouse et Clermont-Ferrand.

Les choix du plan de transport 2012, et donc le volume de l'offre de trains TER, relèveront en dernière instance du Conseil régional.

Les pouvoirs publics sont particulièrement attentifs à ce que la mise en oeuvre du service annuel 2012 n'entraîne pas une dégradation de la desserte ferroviaire des territoires, dans le département du Cantal ou ailleurs.

M. Jacques Mézard.  - Je participe au comité de ligne ; j'y entends des propos un peu différents... Je prends acte de l'engagement du Gouvernement : aucun train desservant Aurillac ne sera supprimé, et seuls certains horaires seront modifiés.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Adressez-vous au conseil régional !

M. Jacques Mézard.  - Nous tenons le même discours au Sénat et au conseil régional ! RFF, la SNCF et le conseil régional ne cessent de se renvoyer la balle ! Nos concitoyens ne comprennent pas que les travaux indispensables, qui ont été réalisés, aboutissent parfois à augmenter le temps de trajet, et que les changements d'horaires détériorent le service.

Plage de Pampelonne à Ramatuelle

M. Pierre-Yves Collombat.  - La plage de Pampelonne est l'une des principales attractions de la presqu'île de Saint-Tropez. Cet espace naturel remarquable souffre d'une fréquentation intense et de constructions anarchiques. La commune de Ramatuelle a élaboré un schéma d'aménagement soumis à enquête publique d'août à septembre 2010, mais le ministère de l'écologie, auquel il a été transmis, n'a pas poursuivi l'instruction du dossier. Pire, il demande à la commune une nouvelle enquête publique, ce qui reviendrait à appliquer rétroactivement et illégalement la loi Grenelle II -dont le décret ad hoc n'est même pas paru ! Après le développement durable, voici qu'on invente le sur-place durable !

Le Gouvernement maintient-il sa demande de nouvelle enquête publique ? Si oui, sur quels fondements juridiques ? Si non, quand le schéma sera-t-il soumis au Conseil d'Etat ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Selon vous, la législation en vigueur n'impose pas une évaluation environnementale du schéma d'aménagement de la plage de Pampelonne. Mme la ministre de l'écologie fait une analyse différente : sur ce point, la loi Grenelle II n'a pas prévu d'entrée en application différée. Le Conseil d'État ne pouvait être saisi d'une procédure incomplète. De plus, si le schéma avait été adopté en l'état, toute personne intéressée aurait pu en contester la légalité.

Je comprends qu'un délai supplémentaire pose problème, mais l'avis de l'Autorité environnementale et la nouvelle enquête publique apporteront une plus-value. Fort du soutien technique du ministère, le dossier sera traité au plus vite.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mieux vaudrait qu'un tribunal administratif tranche ce débat... Toutes ces arguties empêchent d'améliorer la protection de ce site naturel fragile. Nous en restons, hélas au sur-place durable. Mais avec vous, nous avons l'habitude !

TGV Rhin-Rhône

M. Jean-Louis Lorrain.  - La LGV Rhin-Rhône sera ouverte en décembre. Mais les Alsaciens seront pénalisés par la suppression de la ligne Corail Paris-Troyes-Belfort-Mulhouse, dite ligne 4, dont le billet coûte plus de deux fois moins cher que le billet TGV. Je pense aussi à tous ceux qui apprécient nos marchés de Noël ou aux touristes suisses qui se rendent en Ile-de-France.

Pourtant, Mme la ministre de l'écologie s'est engagée à maintenir le trafic entre Paris et Belfort pendant dix-huit mois. ? Cette promesse sera-t-elle tenue ? Il y va de l'équilibre de nos territoires.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Le 13 décembre 2010, M. Mariani et M. Pépy ont signé une convention relative aux trains d'équilibre du territoire (TET), qui fait de l'Etat en ce domaine le responsable de l'organisation des dessertes.

La nouvelle LGV Rhin-Rhône sera la première à ne pas transiter par Paris ; le nombre de trains desservant Belfort et Mulhouse sera considérablement augmenté.

Reste que la desserte ferroviaire Troyes-Belfort correspond à un besoin d'aménagement des territoires ; une offre de service TET substantielle sur cette ligne sera conservée. Une évaluation de la fréquentation sera réalisée pour préparer le service annuel 2013.

M. Jean-Louis Lorrain.  - Je reste prudent quant aux communications de la SNCF. Notre région a déjà subi des suppressions de lignes. Si je me réjouis des nouvelles dessertes grâce à la LGV, je m'inquiète pour les petits budgets. Merci de tenir compte de tous les besoins !

Gaz de schiste

M. Claude Bérit-Débat.  - Avec de nombreux élus et associations, nous nous opposons à l'exploitation du gaz de schiste et à l'opacité qui entoure ce dossier. Le permis de recherche délivré à Cahors, qui concerne 40 communes, n'a donné lieu à aucune consultation.

La nocivité de la seule technique connue, la fracture hydraulique, est avérée ; malgré cela, le Gouvernement a accordé quinze permis. Pourquoi, après avoir refusé en juillet l'interdiction de l'exploitation préconisée par la proposition de loi de Mme Bricq, n'avoir abrogé que trois des permis ? Le Gouvernement s'est empêtré dans ce dossier. Plutôt qu'agir au coup par coup, mieux vaudrait l'interdiction pure, simple et définitive !

M. Roland Courteau.  - Tout à fait !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Après Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, je vous répète qu'aucun permis ne sera accordé dès lors que sera mentionnée la fracturation hydraulique. Les permis sont en cours de d'instruction, dix des pétitionnaires ayant fait savoir qu'ils ne maintenaient pas leur demande. Le Gouvernement a bien pour intention d'appliquer intégralement la loi, aux permis existants comme aux demandes de permis. Aucun permis exclusif de recherche n'a été octroyé depuis novembre 2010.

M. Claude Bérit-Débat.  - Pourquoi faire la distinction entre exploration et exploitation ? La seule technique connue est la fracturation hydraulique, dont tout le monde sait la dangerosité !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - C'est absurde ! Vous confondez exploitation et recherche !

M. Claude Bérit-Débat.  - Avec le groupe socialiste, nous aurons le courage d'interdire l'exploration comme l'exploitation du gaz de schiste !

Pénurie de médecins à Faverges

M. Jean-Paul Amoudry.  - Depuis juin, le bassin de Faverges, en Haute-Savoie, ne dispose plus que de six médecins généralistes ; dans trois ans, ils seront quatre. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la population vieillissante a besoin de soins de proximité. Ce déséquilibre est loin de concerner le seul département de la Haute-Savoie. La loi HPST de juillet 2009 ne suffit pas. Comptez-vous reprendre les préconisations du rapport de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales ? Que comptez-vous faire pour Faverges ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Bertrand. Le Gouvernement, conscient de ce problème, encourage les stages dans les zones de moindre densité médicale et l'exercice regroupé en maisons pluri-professionnelles de santé. Je vous renvoie sur ce point à la circulaire du 27 juillet 2010. Un projet de maison était justement à l'étude à Faverges mais les candidatures étaient trop peu nombreuses et la collectivité s'était désengagée.

Le Gouvernement a prévu d'ouvrir davantage de postes d'internes en médecine générale et propose aux étudiants des contrats de service public -bourse contre installation- : sept ont été signés en Rhône-Alpes, dont deux en médecine générale.

Le Gouvernement entend bien lutter contre la désertification médicale.

M. Jean-Paul Amoudry.  - Merci de cette réponse. Face à l'hémorragie constatée, les mesures de moyen terme ne suffisent pas. Néanmoins, je constate les efforts du Gouvernement. Quant au désengagement des collectivités locales, je note que l'accès aux soins relève de l'Etat et de la solidarité nationale...

Tribunal d'instance de Rouen

M. Thierry Foucaud.  - Le 6 juin 2011, j'ai constaté le manque de considération dont souffrent les professionnels de la justice et les justiciables à Rouen. Quelques exemples parmi d'autres : ne sont pourvus que trois postes de juge d'application des peines sur quatre ; on supprime un cabinet, soit un juge et un greffier, en raison d'une vision comptable de la justice, ce qui accroît la charge de travail des collègues ; il n'y a pas de salle d'attente au tribunal pour enfants ; l'accueil des auditeurs de justice est déplorable, comme celui des handicapés. Et l'on fait passer les détenus menottés d'un lieu à un autre, au milieu du public !

La réduction des dépenses publiques ne peut être le seul objectif en matière de justice. Le tribunal d'instance de Rouen appelle des mesures d'urgence !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser l'absence du garde des sceaux, retenu ce matin.

La circulaire du 24 février 2011 fixe à 55 le nombre de magistrats au tribunal d'instance à Rouen. On a supprimé un juge d'instruction car l'activité avait diminué de 59 % en quatre ans. Au 1er septembre, les effectifs du siège sont complets ; restent à pourvoir deux magistrats du parquet sur quatorze. La Chancellerie a acquis un bâtiment dont les travaux de mise aux normes devraient d'achever en juin 2012, y compris en ce qui concerne l'accès des personnes handicapées. L'espace ainsi libéré au Palais de justice rendra possible un redéploiement de la cour d'appel d'ici 2014.

Enfin, rappelons, au niveau national, l'effort du Gouvernement pour le ministère de la justice : une hausse de 60 % depuis 2002.

M. Thierry Foucaud.  - La situation que j'ai décrite est réelle. Magistrats, avocats et journalistes en témoignent tous. Le tribunal de Rouen « au régime sec », pouvait-on lire récemment dans la presse.

Douanes de Wallis et Futuna

M. Robert Laufoaulu.  - Malgré la bonne volonté des agents, les services de douanes de Wallis et Futuna travaillent en sous-effectif et ne peuvent simultanément contrôler les passagers à l'aéroport et les marchandises au port. Ils sont les seuls à ne pas bénéficier de RTT. Si une ligne internationale Fidji-Futuna-Wallis était créée -elle est indispensable pour le développement du territoire- nous ne pourrions pas, en l'état, assurer le contrôle des passagers. De fait, les agents de Futuna n'y sont pas formés...

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Mme Pécresse est dans la Creuse avec le président de la République. Je me réjouis de répondre à cette question sur la gestion des douanes dans un des territoires les plus éloignés de la métropole.

Un agent de catégorie A sera bientôt recruté à Wallis. Tous les agents de la brigade bénéficient des mêmes règles statutaires, dont les RTT et les stages, que leurs collègues métropolitains.

De tous les services d'Etat, les douanes sont celui qui doit s'adapter le plus à son environnement. D'où les 36 heures de formation prévues. Rien n'empêchera la création de la ligne aérienne internationale à Futuna que vous appelez de vos voeux !

M. Robert Laufoaulu.  - Merci de cette réponse commune de la ministre du budget et de celle de l'outre-mer ! Je compte sur vous !

Filière socio-éducative

M. Michel Boutant.  - Depuis des années, les assistants socio-éducatifs et éducateurs de jeunes enfants demandent leur classement en catégorie A. Comme les infirmiers hospitaliers, ils suivent une formation de trois ans après le baccalauréat.

Au reste, la directive européenne du 7 septembre 2005 justifie pleinement cette demande : la discrimination en France à leur égard doit cesser.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Le reclassement de ces professions devrait se traduire par une revalorisation indiciaire de 638 à 675 points et un coût de 32 millions.

Les syndicats estiment cette revalorisation insuffisante. Ils réclament un basculement en catégorie A. Mais celui-ci coûterait trop cher aux collectivités, d'autant que les assistants et éducateurs travaillant dans le secteur associatif subventionné pourraient être concernés. Le coût pourrait s'élever à 200 millions d'euros !

Prévention des tsunamis

M. Roland Courteau.  - Le Centre national d'alerte aux tsunamis en méditerranée (Cenalt) dont je préconisais la création sera opérationnel à la mi-2012. Je m'en réjouis car la France, comme l'a montré mon rapport, est loin d'être à l'abri de ces phénomènes, certes de plus grande ampleur dans le Pacifique. Les personnes doivent pouvoir être mises en sécurité rapidement. Souvenons-nous des 35 000 morts à Messine en 1902 !

Les côtes françaises de la Méditerranée sont basses et le rivage très peuplé durant l'été. A-t-on bien pris en compte tous ces aspects ? Des actions de sensibilisation sont indispensables dans cette région où n'existe pas de culture du risque. Comptez-vous appliquer mes préconisations en la matière ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - M. Guéant m'a priée de vous répondre que le Gouvernement est particulièrement attentif à la surveillance des tsunamis, confiée au CEA par les ministères de l'intérieur et de l'environnement. L'alerte des populations est un point crucial. Les études sur le système d'alerte des populations ont été budgétées à 850 millions, une rallonge sera possible en 2012. Le 24 septembre, devant les sapeurs-pompiers, le président de la République a rappelé son attachement à ce système. La sécurité civile passe aussi par des actions de sensibilisation à l'école avec, entre autres, la distribution de supports pédagogiques. Une meilleure culture du risque, nous y veillons !

M. Roland Courteau.  - Un centre ne suffit pas. Bien imprudents sont ceux qui misent sur la rareté de ces phénomènes car ceux-ci sont dévastateurs ! Merci, madame la ministre, de ces précisions.

Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps)

M. Jean-Pierre Vial.  - La loppsi II préconise la création d'une nouvelle autorité de régulation, le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Devant le Sénat, le Gouvernement s'était engagé à associer des représentants des organisations patronales représentatives au Cnaps. Pouvez-vous confirmer cet engagement et préciser le financement du Cnaps ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Ce décret, élaboré en concertation avec la profession, sera publié à la fin de l'année. Il prévoit huit sièges pour les organisations patronales, quatre au titre des activités de surveillance et de gardiennage, un au titre de la télésurveillance et des opérateurs privés de vidéo-protection, un pour le transport de fonds, un pour la sûreté aéroportuaire et un pour les agents de recherches privées. Trois représentants des organisations patronales figureront en outre parmi les membres des commissions régionales ou interrégionales d'agrément et de contrôle. La profession est donc pleinement associée. Le financement sera assuré par une contribution de 0,5 % sur les prestations des opérateurs et de 0,7 % des rémunérations des salariés qui exécutent de telles activités pour le propre compte de leur employeur. Elle couvrira les besoins du Cnaps.

M. Jean-Pierre Vial.  - Je souhaite que les PME soient prises en compte lors de l'affectation des sièges. S'agissant de la contribution, nous souhaitons la transparence. D'après votre réponse, elle devrait être assurée. Je m'en réjouis.

Etablissement public Grands lacs de Seine

M. Antoine Lefèvre.  - Décidément, certaines communes de l'Aisne sont dans l'oeil du cyclone : après le gaz de schistes, le réaménagement de Roissy, voici le nouveau périmètre de l'établissement Grands lacs de Seine ! Une enquête publique a été menée durant l'été, soit durant les vacances...

Les élus, les habitants, sont unanimement opposés au projet de taxe dont ils ne comprennent pas le bien-fondé. Pourquoi cet impôt déguisé ? Pourquoi cette intégration de force dans le périmètre ? Tout cela est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Pourquoi les habitants de l'Aisne devraient-ils contribuer à la prévention des crues dans la capitale ? Les Parisiens accepteraient-ils que l'on fixe, dans l'Aisne, le prix du parking dans leur ville ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - Des engagements financiers importants sont nécessaires pour protéger les ouvrages de soutien aux étiages, qui contribuent à l'alimentation en eau du département de l'Aisne. Il ne s'agit pas d'une démarche spécifique au bassin de la Seine : une telle redevance est d'ores et déjà perçue par l'établissement public « Loire » pour le soutien des étiages de l'Allier et de la Loire.

Cette contribution des usagers de l'eau ne pourra concerner que les seules dépenses relatives au soutien d'étiage. L'assiette de la redevance est constituée des volumes d'eau prélevés sur les axes soutenus par les ouvrages de l'institution, à savoir la Seine, la Marne, l'Aube et l'Yonne, mais pas la rivière Aisne. Elle ne servira pas à la prévention des inondations.

L'élargissement du financement de l'Institution pose la question de l'association des diverses parties concernées à sa gouvernance. Un comité consultatif a été créé, qui associe l'ensemble des acteurs du territoire de l'établissement, dont le conseil général de l'Aisne.

M. Antoine Lefèvre.  - Je demeurerai vigilant sur cette redevance que je conteste.

Buralistes

M. Daniel Laurent.  - Le contrat d'avenir des buralistes a été signé fin septembre. Les buralistes ont un double statut de commerçants indépendants et de préposés de l'administration. Une récente étude a confirmé le bien-fondé du monopole sur la vente du tabac et de la réglementation. Le contrat a été reconduit, mais la question de la rémunération par la Française des Jeux reste pendante. Elle reste trop faible, d'autant qu'elle ne tient pas compte de la commission prélevée sur les paiements par carte bleue, qui se sont multipliés.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - Le président de la République rencontre ce matin même un buraliste en zone rurale. Dans le cadre du plan Cancer 2, une augmentation des prix du tabac est prévue en 2011, puis en 2012. En commercialisant des paquets comportant des avertissements sanitaires et en appliquant l'interdiction de vente aux mineurs des produits du tabac, les buralistes sont des acteurs de santé publique, et contribuent à la vitalité des zones rurales.

Le contrat signé le 23 septembre repose sur quatre principes : une visibilité sur cinq ans, le soutien à la rémunération des buralistes, des aides à ceux qui rencontrent des difficultés, et une prime pour rémunérer le service rendu aux usagers, notamment en zone rurale. Sur les jeux, Mme la ministre vous répondra très bientôt.

M. Daniel Laurent.  - Je me réjouis des décisions récentes, mais j'attends une réponse sur la rémunération des jeux.

Tourisme

M. Jean-Luc Fichet.  - Le tourisme contribue à l'activité des territoires, mais les professionnels sont ballotés par les changements de réglementation. Le classement en meublé accroît la visibilité de l'offre et permet aux propriétaires de bénéficier d'une fiscalité plus favorable. Le Finistère s'était déjà engagé dans cette démarche. Un nouveau classement doit être mis en oeuvre en juillet 2012. Attention de ne pas décourager les propriétaires et les initiatives locales.

En outre, la nouvelle Agence Atout France souffre d'un budget réduit. Le budget de l'Andalousie est supérieur au nôtre !

Quelles réformes envisagez-vous ? Enfin, quid de la taxe de séjour ? Les collectivités locales, qui doivent en assurer seules le recouvrement, hésitent à la mettre en place...

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - En valeur, la France a perdu des parts de marché dans le domaine du tourisme. La réforme du classement des meublés vise à résoudre les difficultés. Grâce à l'appui d'Atout France, la dynamique est indéniable : un tiers des hôtels sont classés. Plus de 70 organismes sont désormais habilités pour faire des visites de contrôle. Mais il faut aller plus loin. M. le député Léonard a déposé une proposition de loi, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires économiques, qui prévoit de simplifier la procédure. Le classement s'appliquerait pendant cinq ans. Ces mesures sont reprises par la proposition de loi Warsmann, dont l'examen commence cet après-midi. Le débat sur la taxe de séjour est ouvert.

M. Jean-Luc Fichet.  - Les propriétaires de meublés sont inquiets. Le secteur du tourisme est soumis à une concurrence féroce : il faut l'aider. Ce sont des emplois non délocalisables !

Ouverture des supermarchés le dimanche matin

M. Ronan Kerdraon.  - Avec M. Fichet, j'adresse toutes mes félicitations à notre nouvelle vice-présidente ! A Loudéac, des dizaines de personnes manifestent chaque jour pour protester contre la décision de la direction de Carrefour Market d'ouvrir le dimanche matin. Cette décision pose un problème juridique, car il ne s'agit pas d'un commerce de détail alimentaire spécialisé. Surtout, l'ouverture dominicale aurait de graves conséquences sur la vie des salariés, et mettrait en péril le petit commerce local.

N'assiste-t-on pas à un détournement de la réglementation ? De quels moyens disposent le conseil municipal et le conseil communautaire, qui se sont prononcés contre cette ouverture, de faire respecter leur décision ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - A mon tour de féliciter Mme Khiari, qui connaît bien les sujets que nous évoquons...

Le code du travail pose le principe du repos dominical des salariés. Des dérogations s'appliquent aux commerces alimentaires et à certaines activités nécessaires à la vie sociale ; des accords professionnels peuvent aussi organiser le repos hebdomadaire. La décision de question prioritaire de constitutionnalité du Conseil constitutionnel du 5 août 2011 rappelle qu'il s'agit d'éviter une concurrence déloyale entre établissements de taille diverse.

M. Ronan Kerdraon.  - Je reste sur ma faim. Les élus locaux ont exprimé leur désapprobation mais sont désarmés. J'ai cependant saisi les préfets de la région et du département.

La séance est suspendue à midi.

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présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.

Allocution de M. le président du Sénat

M. le président.  - Les grands électeurs nous ont adressé le 25 septembre un message fort. Un intérêt nouveau pour le Sénat est né dans le pays. Nous ne devons pas décevoir cette attente, ni trahir cet espoir, mais faire vivre le changement dans un Sénat ancré dans son temps et tourné vers l'avenir. Un Sénat qui privilégie le débat à l'affrontement, qui n'est pas fermé sur lui-même mais ouvert sur la société. Notre assemblée sera ainsi respectée dans son rôle législatif et de contrôle.

Déjà, les contacts avec les présidents de groupe ont permis de mettre en place une bonne gouvernance. Le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement et entre les deux assemblées doit faire vivre un bicamérisme assumé et équilibré, dans un contexte rendu difficile par la crise. Avec M. Accoyer, nous avons décidé de nous rencontrer régulièrement.

Le Sénat doit être conforté dans ses prérogatives législatives et de contrôle. Il doit être attentif à la qualité de la loi et à sa nécessité, et le Gouvernement éviter les lois émotionnelles ou de circonstance. Nos collectivités sont submergées de normes coûteuses, souvent inutiles et inapplicables.

Je propose donc un débat sur des lois de simplification, élaborées en liaison avec les élus locaux, pour stabiliser les normes. (Marques d'approbation sur divers bancs de l'UMP).

L'équilibre de nos institutions appelle un usage parcimonieux de la procédure accélérée, que le ministre des relations avec le Parlement sera tenté de demander sous la pression des députés de la majorité : faire vivre la navette, c'est assumer le débat démocratique. Pour mieux organiser notre travail, je demande au Gouvernement un calendrier prévisionnel semestriel et je demande aux présidents de groupe et de commission de s'appliquer cet effort de programmation interne.

Le contrôle des politiques publiques doit être ambitieux et à l'abri des conflits d'intérêts -une notion à définir précisément et à étendre, dans le sens des préconisations de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêt dans la vie publique : nous devons nous appliquer ce que nous prônons pour nos concitoyens. Le Sénat doit faire évoluer les administrations, protéger les citoyens et les usagers conformément à sa tradition historique de défenseur des libertés publiques

Enfin, l'urgence écologique s'impose à nous, ainsi que M. Paul Vergès l'a rappelé dans son beau discours lors de la séance d'installation. Je proposerai donc de créer deux nouvelles commissions, comme le permet la constitution depuis 2008 et comme l'a fait l'Assemblée nationale, outre la création d'une délégation à l'outre-mer.

Pour être restauré dans son rôle de représentant des collectivités territoriales, le Sénat doit se placer au coeur du dialogue restauré entre l'Etat et les collectivités.

La réforme territoriale doit être abrogée et entièrement repensée. Allant dans le mauvais sens, elle s'est accompagnée d'une révision générale des politiques publiques aux effets dévastateurs dans les territoires, se traduisant par une réforme des services de l'Etat illisible pour nos concitoyens et préjudiciable aux collectivités territoriales. La recentralisation est une régression. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre) Je propose que le Sénat joue un rôle de premier plan dans la relance de la décentralisation.

Lorsque je l'ai rencontré, M. Fillon m'a dit que la carte intercommunale ne serait pas imposée par un passage en force. Ce qui imposera de corriger la loi. Mais ce ne sera pas suffisant.

Dès cet hiver, le Sénat pourrait organiser des états généraux des collectivités territoriales pour dresser un constat du présent et esquisser des perspectives d'avenir pour renforcer les libertés et la solidarité locales. Ainsi, la prochaine législature pourra conduire une nouvelle décentralisation à l'initiative et avec les mots du Sénat. Au centre du dispositif, un nouveau pacte financier avec l'Etat, comportant le respect de l'autonomie fiscale, le financement national des allocations de solidarité et une péréquation adaptée. Le Sénat doit aussi formuler des propositions novatrices sur la place des services publics en milieu rural et dans les zones urbaines en difficulté. Il faut par un aménagement équilibré garantir l'accès équitable aux services publics et réduire les inégalités territoriales ! Il faut en particulier conforter le soutien juridique et technique aux communes.

Le Sénat doit être l'inspirateur et le garant d'une nouvelle gouvernance des territoires et d'un nouveau pacte de confiance entre l'Etat et les élus locaux.

Enfin, notre majorité dans sa diversité veut un mode de fonctionnement interne rénové, un souhait partagé sur tous les bancs. Par respect pour l'opposition, nous avons proposé qu'elle préside la commission des finances. Pour respecter la diversité, je propose de ramener à dix l'effectif nécessaire à la constitution d'un groupe. (Mouvements divers à droite)

La rénovation du Sénat doit être visible : nous connaissons le rôle de Public Sénat. Mais il faudra mieux faire comprendre à nos concitoyens le processus d'élaboration de la loi et le travail parlementaire.

L'image de notre institution reste dégradée et le train de vie du Sénat est souvent stigmatisé dans la presse. Il faut aller vers un Sénat plu modeste, sans craindre les regards extérieurs, en particulier celui de la Cour des comptes, si la séparation des pouvoirs est respectée. Le précédent Bureau du Sénat avait opté pour un budget indexé sur l'inflation. Il faut aller plus loin et le réduire en volume. A cette fin, les programmes de travaux seront réduits au strict nécessaire pour l'entretien de notre magnifique patrimoine. Nous devrons aussi nous pencher, sans tabou mais sans céder à la démagogie ni à quelque emballement médiatique, sur la question des moyens mis à disposition des sénateurs. Un groupe de travail s'en saisira rapidement.

Le Sénat a été au rendez-vous de l'alternance ; il doit être à celui du changement. Nous avons un intérêt commun à faire vivre le pluralisme. Je souhaite également des relations confiantes, transparentes et apaisées avec le Gouvernement, pour mieux défendre l'intérêt général. Etre le président de tous les sénateurs dans un Sénat conforté, rénové et respecté, tel est le rôle que je compte assumer avec votre concours et votre aide. (Applaudissements à gauche, au centre et sur certains bancs à droite)

Débat préalable au Conseil européen

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat préalable au Conseil européen des 23 et 24 octobre 2011.

M. Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.  - Au nom de l'esprit républicain, je félicite les sénateurs nouvellement élus et le président Jean-Pierre Bel.

Les Conseils européens définissent la politique européenne et prennent des décisions souvent courageuses, aujourd'hui indispensables. L'Europe et le monde sont à un tournant de leur histoire. La « crise » actuelle nous conduit vers un monde nouveau. C'est une source d'angoisse, mais aussi une opportunité, source d'espérance. Grâce à un nouvel équilibre, nous renforcerons l'Union.

Les chefs d'Etats et de gouvernements ont pris des décisions importantes le 21 juillet, puisque le fonds européen de stabilité évolue vers un fonds monétaire européen. En outre, le « paquet de gouvernance économique » a été ratifié récemment : il concilie vigilance et correction des déséquilibres macro-économiques.

Mais il faut encore conforter le pilotage européen, comme la France et l'Allemagne l'ont reconnu. Il reste à étoffer les moyens du comité économique et financier : sans fédéralisme économique, l'Europe sera désintégrée par les spéculateurs.

Bien sûr, nous avons besoin d'une politique de croissance. A cette fin, nous devons développer notre marché intérieur -déjà le plus vaste au monde-, redéfinir la politique industrielle et obtenir une concurrence loyale.

La communication d'octobre 2010 allait déjà dans ce sens, en mettant l'accent sur certains secteurs industriels.

Nous voulons imposer à l'ensemble du monde un principe de réciprocité -le terme est peut-être impropre- pour éviter que d'autres pays ne pratiquent le dumping social et environnemental.

Loin de tout protectionnisme, il y a là un modèle incitatif pour l'ensemble du monde. Comment accepter que des entreprises chinoises construisent des autoroutes en Pologne, alors qu'elles sont aidées par l'Etat et pratiquent un dumping social ?

J'en viens au G20 qui sera préparé par le Conseil européen. Sans préparation adéquate, nous risquons un « G20 de la dette de la zone euro », désignée comme responsable de tous les maux.

Il faudra réformer le système monétaire international, renforcer la régulation financière en prolongeant les accords de Bâle 3, et réfléchir à la dimension sociale de la mondialisation : on ne peut pas parler que d'économie et de finance.

La France souhaite qu'une grande attention soit portée aux infrastructures.

Il est question depuis vingt ans de taxer les transactions financières. Si les Etats-Unis la refusent, il faudra la pratiquer en Europe. Un taux de 0,005 % risque-t-il sérieusement de faire fuir les opérateurs de Francfort à Hong Kong ou de Paris à Londres ? Il y a là aussi un impératif moral : exonérer les transactions financières de toute contribution au développement, alors qu'elles n'apportent rien à l'économie réelle et à l'humain serait contraire à notre conception de l'Europe.

Sur le plan écologique, les « 3 20 » à l'horizon 2020 au plan européen ne suffiront pas, car l'Europe, c'est 10 % seulement des émissions de gaz à effet de serre.

Durban doit prendre la suite de Kyoto. Il faut prolonger les accords de Cancun et faire évoluer la lutte contre les gaz à effet de serre vers un dispositif universel et obligatoire. L'enjeu ? L'avenir de la planète.

L'Europe n'a pas d'autre choix que de promouvoir ses valeurs de solidarité et de démocratie. (Applaudissements à droite)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Je suis très satisfait : le premier débat du nouveau Sénat est consacré à l'Europe, il se déroule dans l'hémicycle à une heure normale. (Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, s'en félicite aussi)

L'obligation de centrer le Conseil sur la situation financière montre que l'Europe ne maîtrise pas son destin : elle réagit plus qu'elle n'agit.

Avant même que les décisions du 21 juillet ne soient ratifiées, de nouvelles nécessités apparaissent !

Qui peut parler au nom de l'Union européenne ? La Commission contrôlée par le Parlement européen ? La BCE, seule instance spécifique à l'euro zone ?

Depuis qu'une proposition a été faite le 16 août, il ne s'est rien passé.

Face à la crise financière, les priorités successivement affichées sont incohérentes. Alors que la situation grecque se détériore, rien n'est décidé ! Il en résulte un pessimisme accru des citoyens. En fait, la seule décision prise est le renforcement de l'austérité : faut-il mettre à l'amende ceux qui sont surendettés ? Mieux vaudrait rendre à l'Europe des perspectives de croissance.

Monsieur le ministre, vous êtes cardiologue et non psychanalyste, mais Freud raconte dans Malaise dans la civilisation l'histoire d'un paysan avare qui chaque jour nourrit un peu moins son âne, lequel finit par mourir, et le paysan ne comprend pas. Nous agissons de même avec des mesures d'austérité qui s'enchaînant ralentissent la croissance, réduisent les rentrées fiscales et aggravent le déficit !

Pourtant, le pacte de stabilité, conclu en 1998, a été renommé « pacte de stabilité et de croissance », à la demande du gouvernement français. Ce nouveau volet a été oublié. Il ne faut pas sacrifier une génération. Quand l'Europe tergiverse sur l'aide aux plus démunis, elle adresse un signal politique désastreux. (Applaudissements à gauche et sur certains bancs au centre et à droite)

L'Europe a besoin de plus de solidarité. Sa politique régionale a besoin de moyens suffisants, notamment pour la nouvelle catégorie des « régions intermédiaires » dont la création a été approuvée au Sénat par le vote unanime d'une proposition de résolution. Pour éviter d'être tous perdants, nous devons empêcher que les Etats ne soient attaqués les uns après les autres. Karl Popper disait que les citoyens avaient besoin non de certitudes mais d'espoir. Puisse le Conseil européen leur redonner des raisons d'espérer ! (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.  - Le prochain Conseil abordera les relations économiques avec les pays tiers. Que peut-on attendre de la réunion multilatérale à Genève, après la fin des illusions soulevées par le cycle de Doha ?

L'échec de ce cycle est un sujet majeur d'inquiétude pour les pays peu développés. Dans ces conditions, les Etats privilégient les accords bilatéraux, ce qui risque de saper l'approche multilatérale du commerce. Nous devons donc nous efforcer de conclure le cycle de Doha. A cette fin, l'Europe est allée à la limite de ses possibilités, notamment dans le domaine agricole. M. Bizet avait approuvé la réduction des thèmes de négociations pour en faciliter la conclusion.

M. Jean Bizet.  - Je le maintiens.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.  - Cela peut paraître relever du bon sens mais dans le cadre du donnant-donnant, toute concession dans un domaine a pour contrepartie une autre concession ailleurs. Restreindre le jeu conduit donc à le bloquer. Au plan bilatéral, des sommets auront lieu ces prochains mois entre l'Union européenne et la Chine, puis l'Ukraine, la Russie et les Etats-Unis. Le principe de réciprocité doit prévaloir.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Très bien !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.  - Le déficit de l'Union européenne avoisine 170 milliards d'euros annuels avec la Chine. Que d'emplois perdus ! Quelque 85 % des marchés publics européens sont ouverts aux industriels des pays tiers, alors que les Etats-Unis restreignent l'accès aux marchés fédéraux. De nombreux états fédérés des Etats-Unis ferment leurs marchés publics. Le Japon n'est pas plus vertueux. La Chine n'est même pas partie à l'accord sur les marchés publics ! M. le ministre a évoqué la construction d'autoroutes en Pologne par des entreprises chinoises subventionnées par les fonds structurels européens. Il y a là du masochisme. Il faut mettre fin à ce désarmement commercial unilatéral. (Mmes Frédérique Espagnac, Marie-Noëlle Lienemann et M. Marc Daunis applaudissent) Ne soyons pas les dindons de la farce des accords commerciaux ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Ce débat surprend car nous ignorons encore l'ordre du jour du Conseil européen. Espérons que le délai sera mis à profit pour résoudre la crise de la zone euro, entrée dans une phase aiguë. Pensons à ce que l'indécision politique en mai 2010 nous a coûté !

La crise de la zone euro menace l'Espagne et l'Italie, avec un danger pour notre système bancaire. A propose du FESF, le président de la République parle d'« effet de levier ». Que recouvre cette expression ? Les Allemands sont réticents. Va-t-on vers une solution européenne pour recapitaliser les banques ? L'accord du 21 juillet serait-il obsolète ? En 2008, l'aide fut accordée aux banques sans contrepartie, ce qui n'est plus envisageable, car les peuples grondent.

La recapitalisation à reculons aggrave la crise de confiance. A Deauville, Français et Allemands ont donné l'impression de négliger leurs partenaires, ce qui a laissé des traces, comme nous le voyons aujourd'hui en Slovaquie. Evitons de récidiver.

Il est illusoire de sortir de la crise sans révision de l'union monétaire. J'ignore ce qu'est le fédéralisme économique mais je sais que toute économie est soutenue par une trajectoire budgétaire. La question des ressources propres du budget communautaire se repose. Y affectera-t-on le produit de la taxation des transactions financières ? Il avait été prévu au départ de l'affecter à l'aide au développement...

Cette taxation est envisagée depuis vingt ans, avez-vous dit monsieur le ministre. Vous oubliez la loi votée à l'Assemblée nationale en 2001... Il reste à décider du taux et de l'assiette, dont il ne faudra pas exclure les dérivés sur devises.

Qui se satisferait d'une taxe inapplicable aux dérivés ?

Les gouvernements européens sont les seuls à ne pas se soucier des effets délétères pour la croissance des cures simultanées d'austérité. La principale crainte des marchés, aujourd'hui, c'est une nouvelle récession.

Jamais on n'aborde les questions monétaires au niveau européen. Le groupe de travail Assemblée nationale/Sénat sur la crise financière a relevé que Conseil avait la faculté de formuler les orientations générales de la politique de change. Pourquoi ne les utilise--t-il pas ? Et que signifie une modification des traités ?

Je veux croire que les Européens sauront se mettre d'accord. Que pèserait une Europe rappelée à l'ordre par les Etats-Unis ou le FMI ? L'Europe doit s'affirmer au plan mondial. Cette exigence, c'est la nôtre. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le prochain Conseil européen portera sur la compétitivité économique de l'Union européenne et sa politique de croissance. Il devra aussi se pencher sur les questions urgentes. L'Europe a élaboré un modèle, mais l'axe du monde se déplace vers le Pacifique. Faisons en sorte de ne pas être soumis au condominium sino-américain ! Nous avons besoin d'une vision véritablement stratégique.

L'Europe souffre d'un déficit d'investissement et de la surévaluation du taux de change de l'euro. Depuis 2008, la parité moyenne de l'euro par rapport au dollar a été de 1,45 : si cette parité nous protège d'une augmentation subite des matières premières, elle pèse sur notre compétitivité. En la matière, le Conseil et la BCE ont une compétence partagée, mais le Conseil n'utilise pas ses prérogatives. Or sans politique de change, c'est près du quart des réserves de devises mondiales qui sont laissées au bon vouloir de nos partenaires commerciaux.

L'Allemagne et les Pays-Bas ont une balance commerciale positive, grâce à une spécialisation dans la production de machines-outils, au recrutement massif d'ingénieurs issus de l'Europe de l'est et à une modération salariale difficilement supportée par les populations. Notre balance commerciale est déficitaire de 75 milliards d'euros et nos PME souffrent du manque d'innovation, d'une fiscalité sociale anti-économique et des 35 heures... Siemens dépose chaque année l'équivalent de 60 % des brevets français... C'est en renouant avec la croissance que nous limiterons notre dépendance à l'égard des marchés.

Les centristes plaident pour une politique industrielle à l'échelle de l'Union, pour un effort commun de formation et de recherche, pour une intégration européenne plus poussée : bref, pour le fédéralisme européen.

M. Jean-Michel Baylet.  - Bravo !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - L'initiative franco-allemande d'août dernier renoue avec l'esprit communautaire ; c'est un jalon indispensable vers une coordination plus poussée des politiques économiques.

M. Jean-Michel Baylet.  - Encore très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le groupe de l'Union centriste et républicaine souhaite que la France plaide pour l'institution d'un Trésor européen, abondé par les États et apte à financer les investissements d'avenir. C'est en affrontant courageusement la crise, en l'attaquant à ses racines tout en restant fidèles à nos valeurs que nous renouerons avec la croissance ! (Applaudissements au centre)

M. Michel Billout.  - Le Conseil européen a été repoussé, le temps d'y voir plus clair sur la situation de la Grèce et la recapitalisation des banques. La crise financière, qui a des conséquences économiques et sociales désastreuses, sonne l'heure de vérité de la construction européenne. L'Union européenne est le seul espace économique qui ne se défende pas contre la spéculation des marchés sur les dettes publiques !

Lors de leur dernière réunion, M. Sarkozy et Mme Merkel n'ont rien décidé, peut-être pour ne pas mettre leurs partenaires devant le fait accompli. On parle de recapitaliser les banques, mais on ne dit pas comment ni avec quels moyens. Où est l'Europe dans tout cela ? L'Union persiste à prendre, dans le désordre, des mesures qui aggravent la situation. L'accord de juillet est déjà dépassé. Sourds aux souffrances populaires, l'Union européenne, la BCE et le FMI étranglent la Grèce, asphyxient sa croissance en reportant le paiement de la dernière tranche d'aide ; et ils réclament de nouvelles mesures d'austérité. Pour de nombreux économistes, le pays est déjà en récession... Et la contagion guette. Pourtant, la succession des plans d'austérité ne change rien à la défiance des marchés et des agences de notation, comme l'illustre la dégradation récente de la note de l'Italie. Le démantèlement de Dexia montre combien la situation devient critique pour la France, dont la notation AAA ne semble plus assurée.

Il faut prendre des mesures radicales, faire preuve de courage politique, empêcher les marchés de détruire les économies européennes. Il est urgent de modifier les traités et le statut de la BCE, afin que les Etats puissent recourir à ses crédits très bon marché : c'est le seul moyen de financer les investissements indispensables, les services publics, la recherche. Nous préconisons la création d'un fonds européen de développement, financé par une BCE autorisée à prêter à très bas taux.

Il faut également instituer une taxe vraiment efficace sur les transactions financières au niveau européen. Ce qui n'empêche pas d'agir au niveau national : interdire de façon permanente les ventes à découvert, taxer les transactions financières, réglementer la création de produits dérivés, rétablir le passeport national pour les fonds spéculatifs, empêcher les agences de notation de s'autosaisir, en finir avec la cotation en continu des entreprises. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Michel Baylet.  - M. Sarkozy et Mme Merkel se sont mis d'accord sur la recapitalisation des banques, en évitant soigneusement toute décision concrète. Mais le temps des grandes déclarations et des effets d'annonce est dépassé ! Il faut du volontarisme politique pour surmonter la crise. Or, la France et l'Allemagne divergent sur le rôle du FESF...

Les banques ont reçu beaucoup d'argent public en 2008 et réalisé depuis d'énormes profits. Il y a quelques semaines, on jurait que tout allait bien, on se réjouissait qu'elles aient passé haut la main les fameux stress tests. Mais la chute de Dexia a bouleversé le tableau. Nous réclamons depuis longtemps la séparation des activités de dépôt et spéculatives, ainsi que la taxation des transactions financières. Quant à la recapitalisation des banques, n'est-elle pas une manière d'organiser une faillite ordonnée de la Grèce ?

La coordination des politiques économiques n'est toujours pas à l'ordre du jour. Elle est pourtant indispensable, comme l'ont rappelé hier les deux nouveaux prix Nobel américains, pourtant chantres du libéralisme.

Cette crise n'est pas seulement financière : c'est une crise de la volonté politique ; son issue ne peut être que politique. La création du FESF est une avancée, mais l'accord du 21 juillet est déjà dépassé : nous ne cessons de courir après la crise. Une gouvernance économique et budgétaire commune faisant pendant à notre monnaie commune, c'est la seule façon de sortir de l'ornière. Il faut aussi impérativement mutualiser les dettes souveraines, recourir aux euro-obligations. Dommage que la France et l'Allemagne aient écarté cette perspective juste après l'avoir évoquée.

Le texte renforçant la gouvernance va dans le bon sens, mais ne concerne que le déficit, inspiré qu'il est de l'étroite vision allemande. Le nouveau pacte, déséquilibré, mettra la croissance et l'emploi en berne. Et la stratégie « Europe 2020 » ressemble plus à un catalogue de bonnes intentions qu'à une vraie vision d'avenir. Prenons garde enfin que la sortie de crise ne se fasse pas au détriment des plus fragiles !

Dans son discours sur l'état de l'Union, M. Barroso a tracé des pistes, mais la stratégie d'ensemble arrive bien tard. Il reste à espérer que les chefs d'Etat et de gouvernement prendront enfin des initiatives audacieuses. Nous plaidons pour un véritable gouvernement économique, une harmonisation fiscale, un budget européen à la hauteur des enjeux. Encore une fois, il s'agit de volonté politique. Suivons l'exemple des pères fondateurs : c'est dans les crises que les responsables politiques doivent inventer de nouveaux modèles et faire preuve de responsabilité, de volonté et de courage ! Chacun doit assumer sa part de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et ceux du RDSE)

M. Jean-François Humbert.  - Depuis un an, pour le compte de la commission des affaires économiques, je me rends dans les pays en crise de la zone euro pour dresser un état des lieux. Partout, j'ai observé le scepticisme envers la monnaie unique et le décalage entre temps politique et temps des marchés. Les parlementaires ne doivent pas sous-estimer le temps d'adaptation des populations à la nouvelle donne économique et sociale. Je comprends le désarroi des Allemands, des Finlandais et des Slovaques face au laxisme budgétaire des gouvernements grecs successifs ; je comprends aussi les crispations et les peurs des peuples qui voient leur modèle social bouleversé de fond en comble.

Face à la pression européenne, on m'a dit à Athènes que les Grecs avaient le choix entre l'Europe et la démocratie. Puissent-ils ne jamais être confrontés à cette alternative ! Il appartient certes à la Grèce de rattraper le retard qu'elle a pris en matière administrative, mais peut-elle le faire en dix-huit mois ? Faut-il céder à l'urgence des marchés, sans laisser le temps aux gouvernements d'expliquer leur politique ?

Ces temps-ci, le message européen est parasité par les déclarations des uns et des autres, au risque de renforcer la pression sur les pays en difficulté. Jacques Delors dit souvent qu'il manque une jambe à l'Union économique et financière ; il lui manque aussi une voix unique, pour réfuter les fausses prophéties et les tentations populistes. La crise est avant tout une crise de l'endettement public. Si la Grèce sortait de l'euro, c'est tout le système bancaire européen qui en serait affecté, AAA ou pas.

C'est pourquoi le deuxième plan d'aide à la Grèce doit être mis en application ; et tout effort au-delà des 21 % de décote doit être précédé de la consolidation des banques. Le renforcement du rôle du FESF est également prioritaire, car ses pouvoirs et ses moyens restent insuffisants. Sans augmenter la garantie des Etats, il faut jouer sur l'effet de levier, sans attendre d'hypothétiques euro-obligations.

La troïka exige d'Athènes l'accélération des privatisations, mais quel investisseur parierait aujourd'hui sur des actifs grecs ? A la lumière de la réunification allemande, un économiste préconise le cantonnement des actifs grecs puis le rachat de ceux-ci par une structure européenne dédiée ; le produit de la vente, estimé à 125 milliards d'euros, pourrait permettre à la Grèce de racheter une partie de sa dette. Les investissements réalisés sur ces actifs par la structure européenne permettraient de relancer l'activité et d'initier un cercle vertueux. Cela me semble judicieux. On peut aller plus loin que la mobilisation des fonds structurels.

La Grèce devra poursuivre ses efforts budgétaires, mais il faut aussi soutenir la croissance, si nous ne voulons pas que le malade meure guéri. (Applaudissements à droite)

M. Jean Louis Masson.  - Sans être anti-européen, je reste prudent devant les exhortations à renforcer l'intégration européenne à chaque crise. Je ferai preuve de la même prudence face aux discours sur la mondialisation. Ceux qui refusent de considérer l'Europe et la mondialisation comme des idéaux intangibles sont considérés comme des populistes ; mais « populiste » est de la même famille que « populaire »... Nous verrons bien si les défenseurs acharnés de l'Europe et de la mondialisation sont les seuls présents au deuxième tour de la présidentielle...

On nous serine que lorsque tout va bien, c'est grâce à l'euro ; mais quand ça va mal, ce n'est jamais sa faute. Il faut y réfléchir ! Les Etats membres ne sont-ils pas responsables de leurs difficultés ? Et la Grèce, qui a trafiqué ses comptes ? Mettons chacun face à ses responsabilités. A cet égard, l'approche allemande est plus pertinente que la nôtre. Au cours des cinq dernières années, on a fermé le robinet d'arrivée d'eau et augmenté le débit en sortie ! Et pendant ce temps, le président de la République continue de s'agiter... Que les Grecs assument leurs responsabilités...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est déjà fait !

M. Jean Louis Masson.  - ...et nous aussi.

M. Richard Yung.  - Ce débat aurait dû avoir lieu la semaine prochaine : nous n'avons encore aucune idée de l'ordre du jour du prochain Conseil européen ! (M. Roland Courteau approuve)

L'accord du 21 juillet est pour partie déjà caduc, alors que son application est incertaine : que se passera-t-il si la Slovaquie ne le ratifie pas ? A-t-on un plan B ?

M. le ministre a parlé de « fédéralisme économique », une expression ordinairement bannie. Qu'est-ce à dire ? Les chefs d'Etat se réunissent deux fois par an, mais quels pouvoirs auront-ils ? Une délégation de souveraineté dans les domaines économique et financier est indispensable pour qu'ils puissent prendre des décisions. Peut-on attendre des mois quand la maison brûle ?

Vous acceptez aujourd'hui de taxer les transactions financières. On nous a traités naguère de doux rêveurs lorsque nous la demandions. Mais quel sera le dispositif ? Quelle assiette ? Quel taux ?

Je me réjouis du rapprochement franco-allemand sur la recapitalisation des banques ; la France jusque là traînait les pieds. Est-ce l'effet Dexia ? Les banques doivent d'abord redresser leurs bilans. Je plaide pour la séparation des activités de dépôt et d'affaires. Les Britanniques viennent d'y venir. Il faut aussi veiller au respect des ratios de solvabilité de Bâle III. Les banques doivent renforcer leur capital en distribuant moins de dividendes et ne se tourner vers l'Etat qu'en dernier recours.

Je suis assez pessimiste en matière économique car nous sommes au bord de la récession. C'est vrai aussi en Allemagne. Ainsi, le moteur économique européen est grippé : les Allemands vivent largement de leurs exportations à destination de l'Union européenne, mais les Grecs n'achèteront plus de produits allemands s'ils sont ruinés ! Nul besoin d'être polytechnicien pour le comprendre. Sans délaisser l'action sur les déficits, il faut soutenir l'activité économique. Au regard de l'inflation, la « croissance » est aujourd'hui négative !

L'Europe a trop tardé face à la crise grecque. Et la situation ne fait qu'empirer. Imaginons ce que vit le peuple grec ! Les banques doivent prendre leur part du fardeau : on parlait d'une décote de 20 % ; aujourd'hui le curseur serait plutôt à 50 %. Le FESF doit être réaménagé. Il est urgent d'agir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Leonetti, ministre.  - Ce débat riche et approfondi présage bien de l'action de la France.

L'euro n'est pas en cause, ni l'Europe, mais la dette souveraine de certains pays de la zone euro. Depuis ma jeunesse, on parle de pays « émergents »... mais ils ont émergé, et nous n'avons pas su face à eux maintenir notre compétitivité. Beaucoup de démocraties ont répondu par la dette, ont soutenu par elle la croissance et aujourd'hui la situation n'est plus soutenable.

Le temps du débat politique n'est pas celui des spéculateurs. Dans un système politique morcelé comme en Europe, la réponse démocratique, logiquement, est lente.

De toute évidence, le couple franco-allemand peut répondre à la situation. Il est historiquement et économiquement légitime pour agir.

Nous sommes à la croisée des chemins : l'histoire ne se rembobine pas ; il n'y a pas moyen de reculer. La question est de savoir dans quelle direction avancer, avec quel objectif.

Mme Morin-Desailly a évoqué le déficit de la balance commerciale. Il résulte de notre compétitivité mais n'a rien d'une fatalité. (Mme Nicole Bricq approuve) En vingt ans, la Chine a déséquilibré la balance commerciale européenne de 2 500 milliards ! L'Union européenne a été trop naïve. On peut battre sa coulpe pour les fautes passées, mais il faut surtout agir, sans tomber dans l'excès de rigueur qui crée la récession ni aller à la banqueroute.

Comment effacer l'impression de retard permanent du politique ? La Slovaquie se prononce aujourd'hui. Je suis optimiste, car quelques semaines ont suffi pour qu'il soit admis d'envisager un gouvernement économique européen et la taxation des transactions financières. On peut même parler de fédéralisme économique sans être déporté au goulag ! Malgré le populisme et l'euroscepticisme, chacun a compris que nous avions le choix entre la création d'un gouvernement économique européen et la dissolution par les marchés. Qui est plus indépendant à ce jour, la France avec son AAA ou la Grèce menacée d'être réduite à la misère ? Les Grecs doivent prendre des mesures sans consulter le peuple, car l'alternative est simple : une sortie de l'euro lui imposerait une dévaluation de 40 %. La misère donc. Il serait moins coûteux d'aider la Grèce que d'affronter un effet de domino, qui pourrait affecter jusqu'à l'Allemagne. (Marques d'approbation)

L'effet de levier, je ne sais pas ce que c'est. On nous reproche d'aller trop lentement, mais pourrait-on demander au Bundestag de modifier une réforme qu'il vient d'adopter ?

Nous voulons une intégration accrue et une solidarité protégeant les citoyens et les clients des banques. Le gouvernement américain a jugé que les dirigeants avaient fauté et que la banque ne devait pas être aidée. On a vu le résultat ! Si vous avez aimé l'abandon de Lehmann Brothers, vous adorerez celui de la Grèce ! Nous devons pratiquer à la foi rigueur et solidarité.

Il faut non plus d'Europe, mais mieux d'Europe. Allons plus vite et plus loin. L'Union s'est élargie parce que la démocratie a vaincu le totalitarisme communiste et celui des fascistes. Nous devons assumer ces choix, en les corrigeant pour faire de la zone euro le pendant de la zone dollar et du yuan. Sans donner de leçons urbi et orbi, l'Europe doit défendre ses valeurs, elle n'a pas à renier le modèle qu'elle a construit, celui d?un capitalisme d'entrepreneurs et non de spéculateurs. Défendre la Grèce est un impératif du coeur et de la raison !

Monsieur Baylet, si nous surmontons la crise actuelle et faisons converger nos économies, les euro-obligations seront légitimes. Neutraliser une dette non stabilisée serait mettre la charrue avant les boeufs.

Monsieur Masson, vous n'êtes pas anti-européen ; moi non plus. Mais le choix n'est pas entre populismes !

Monsieur Yung, vous avez parlé de fédéralisme économique. Nous en parlerons ensemble, et nous serons en bonne compagnie avec MM. Chirac et Sarkozy, qui n'ont pas hésité à employer aussi le mot. Vous ne me ferez pas dire un taux ni une assiette pour la taxation des transactions financières ; je dirai seulement que nous ne sommes pas restreints. Si la France prenait cette décision seule, nous aurions sans doute un fort sentiment de solitude. Le fédéralisme économique commence avec des rencontres régulières des chefs d'État pour faire un pilotage du fonds de solidarité financière.

L'Europe franchit une étape décisive. On peut craindre le chaos, on peut également espérer une Europe fixant ses frontières, s'approfondissant et affirmant ses valeurs. Le prochain Conseil aura l'ardente obligation de décider. Historiquement, l'Europe avance d'une étape à chaque crise. Celle en cours nous permettra peut-être d'en franchir une nouvelle ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Nous allons maintenant procéder au débat interactif avec questions et réponses en deux minutes.

M. Yannick Vaugrenard.  - La crédibilité de la France est compromise par le décalage entre les discours et les décisions. La taxation des hauts revenus est très inférieure à ce que font Britanniques et Allemands. Comment parler de croissance forte en taxant les mutuelles, au détriment de la consommation intérieure ?

Un changement de politique s'impose pour recouvrer notre crédibilité au sein de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Leonetti, ministre.  - Vous m'amenez sur le marché intérieur... (Sourires)

Il est difficile de comparer les régimes des différents pays de l'Union pour ce qui concerne les retraites, la TVA, la fiscalité sur le patrimoine. Beaucoup de mutuelles ont des marges importantes et elles pourraient absorber le relèvement de la fiscalité les frappant.

Qu'est-ce qu'un riche ? Un candidat qui ne l'était pas et a fini par l'être parlait de 4 000 euros par mois. Vous voyez que la prudence s'impose... N'oubliez pas que la France consacre à la solidarité quatre points de PIB de plus que les autres États membres, Suède incluse.

C'est en menant conjointement une réduction des déficits et des investissements d'avenir que nous préservons notre note AAA.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Les mutuelles...

M. Jean Leonetti, ministre.  - Gardons à l'esprit l'exigence d'équilibre entre rigueur, croissance et solidarité.

M. Jean Bizet.  - M. Barroso n'a toujours pas répondu à la question que nous lui avions adressée en mai, alors qu'il disposait de trois mois pour le faire. Ce n'est pas convenable. Où en est-on sur le PEAD ? Avez-vous levé la minorité de blocage ?

Quid de la réglementation européenne du secteur bancaire ? Je me félicite de la protection accrue dont bénéficient les épargnants. Où en est-on de la séparation entre les activités de trading et les autres activités ?

Je remercie M. Raoul d'avoir repris à son compte notre rapport sur la préférence communautaire, devenue un principe incantatoire avec l'OMC. Je me réjouis que nous mettions cela en musique, c'est plus pertinent que les discours sur la « démondialisation » qui traduisent au mieux une méconnaissance du sujet et, au pire, un populisme méprisable.

Cela fait dix ans que le cycle de Doha a été engagé. C'est très loin et nous avons fait trop de concessions dans le domaine agricole. (Applaudissements à droite)

M. Jean Leonetti, ministre.  - La campagne hivernale de 2011 est assurée par le PEAD. En l'absence de surplus agricoles, la Cour de justice de l'Union européenne nous interdit d'acheter des aliments pour nourrir les plus pauvres. On ne peut donner des milliards aux banques et refuser toute aide aux plus démunis. (M. Jean Bizet approuve) A la demande du président de la République, je m'évertue à trouver une solution. Les plus démunis ne seront pas abandonnés. Après le changement de gouvernement danois, j'ai bon espoir.

Lorsque la banque Lehmann Brothers est tombée, Northern Roch l'a suivie dans sa chute, alors qu'il s'agissait d'une simple banque de dépôts...

La réciprocité doit assurer un commerce loyal. Cet objectif suppose aussi une taxe carbone à la frontière.

La démondialisation, je ne sais pas faire... mais cela permettra de départager des candidats socialistes ! (Rires)

M. Eric Bocquet.  - La décision de la Cour de justice européenne a été aggravée par les décisions prises par six pays européens.

Ainsi, nos concitoyens subiraient une double peine, s'ajoutant à la crise provoquée par la « concurrence libre et non faussée ».

M. Jean Leonetti, ministre.  - Le PEAD représente 400 millions de tonnes, alors que le surplus PAC se limite à 113 millions. La France récupère à peu près ce qu'elle donne. La solution simple, et même simpliste, serait de renationaliser l'aide aux plus démunis. En Allemagne, cette mission est confiée aux Länder.

Je pense que nos partenaires pourraient accepter une ligne modeste au titre de la PAC, renforcée par une mesure de solidarité. Nous espérons infléchir nos amis Tchèques et Danois.

M. Marcel Deneux.  - Il ya trois mois et demi, j'ai présenté une motion votée à l'unanimité pour stabiliser les cours agricoles... Mais je veux parler du climat. La conférence de Durban doit prolonger celles de Copenhague et de Cancun. En 2008, les émissions de gaz à effets de serre ont diminué de 6,4 % en France par rapport à 1990.

L'Europe doit se mobiliser pour proroger l'accord de Kyoto. Les Brics le souhaitent, mais certains pays d'Europe centrale semblent réticents. Est-il envisageable d'aller au-delà de Kyoto ? L'Union européenne peut-elle imposer sa politique unilatérale de lutte contre le réchauffement climatique ?

M. Jean Leonetti, ministre.  - Vous avez raison : Kyoto arrive à sa fin, alors que seules certaines émissions de gaz à effet de serre sont concernées.

Tout report des surplus menacerait la deuxième période. C'est pourquoi la France veut qu'une période de transition préserve les acquis de Kyoto et permette d'aller plus loin. Mais ni les Etats-Unis, ni le Canada, ni la Russie ne sont dans cet esprit.

M. Alain Chatillon.  - Nous devons soutenir les 2.900.000 PME françaises, en moyenne quatre fois plus petites que leurs équivalents allemands. Sur le plan salarial, il n'y a pas de distorsion, mais les cotisations sociales pénalisent nos entreprises.

Quant au soutien à la réglementation communautaire, je déplore que les hauts fonctionnaires français intervenant à Bruxelles n'aient guère de contacts avec les syndicats professionnels, contrairement à leurs homologues allemands ou italiens. Lorsque j'étais président d'un syndicat de branche, j'avais le plus grand mal à établir un contact avec nos représentants.

Enfin, il faut soutenir l'exportation des PME -mais plutôt que d'exportations, il faut parler d'internationalisation. Les ambassades doivent accueillir des jeunes qui se chargent de ce dossier.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Effectivement, les PME assurent deux tiers des emplois et 60 % du chiffre d'affaires de l'Union européenne. Il faut donc être attentif à leur environnement économique. Le Small Business Act a été adopté sous présidence française.

Nous devons mettre en place des protections et des incitations, en commençant par diminuer les contraintes administratives inutiles et en favorisant l'accès aux marchés publics. Il reste beaucoup à faire pour inciter nos PME à exporter.

Les directives européennes sont élaborées très en amont, ce qui justifie d'associer plus tôt les représentants professionnels à la réflexion.

M. Roland Courteau.  - Jusqu'en 2011, le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) venait en aide à des millions de citoyens. Le programme représente 35 % de l'aide distribuée par les quatre associations françaises concernées, la Croix rouge, la banque alimentaire, le Secours populaire et les Restaurants du coeur. Ces associations demandent qu'un dispositif renouvelé pérennise la sécurité alimentaire des citoyens européens.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Je suis en mission avec le ministre de l'agriculture pour faire aboutir ce dossier. Après l'interdiction d'approvisionner les PEAD autrement que pour les surplus agricoles, il faut trouver une faille juridique pour la campagne 2012. La Commission a proposé un dispositif à double détente, associant la PAC et la cohésion sociale. Je ne doute pas de notre succès dans la recherche d'une solution avec nos partenaires.

M. Roland Courteau.  - Le Gouvernement prendrait-il le relais ?

M. Jean Leonetti, ministre.  - Je suis trop européen pour envisager cette extrémité, mais en cas de nécessité, comment imaginer que le Gouvernement et le président de la République refuseraient ?

M. Alain Richard.  - J'aborderai la taxation des transactions financières. Vous avez évoqué le taux de 0,0005 % ; nous pensons plutôt à 0,005 %. L'enjeu est la dissuasion des mouvements spéculatifs.

Où en sont les discussions des Etats membres ? Où en est la réflexion du Gouvernement sur l'utilisation du produit de la taxe ? Sur les euro-obligations, le refus de Mme Merkel et de M. Sarkozy est fondé sur des considérations de politique interne...

Enfin, avant de parler de fédéralisme, il faudrait fédérer et associer les 27 pays de l'Union européenne aux discussions !

M. Jean Leonetti, ministre.  - La Commission propose un taux de 0,1 % sur les produits obligatoires et 0,01 % sur les produits dérivés. Un bon impôt a une assiette large et un taux bas. Les États-Unis ont déjà refusé le principe, tout comme le Royaume-Uni. Le champ de la taxe semble donc se réduire à la zone euro.

Si la taxe avait été mondiale, elle aurait pu financer des enjeux mondiaux ; étendue à toute l'Union européenne, elle alimenterait le budget communautaire ; réduite à la zone euro, son utilisation sera plus limitée. Selon les hypothèses, le produit pourrait aller de 25 à 100 milliards. Pour convaincre le maximum d'Etats, il faut commencer par un taux faible, qui pourra augmenter ensuite.

M. Christophe Béchu.  - M. le ministre a raison, la première étape est d'instituer la taxe !

J'en viens à mon sujet : la PAC. La Commission européenne dévoilera demain son projet pour l'après 2013. Notre pays engrange 9 milliards d'excédent commercial agricole. L'alimentation de la planète devient un sujet brûlant ; la souveraineté alimentaire est une préoccupation croissante. L'agriculture n'est pas une nostalgie mais un avenir ; avec l'agroalimentaire, elle occupe deux millions de Français.

Quel est l'état d'esprit du Gouvernement face à la réforme de la PAC ?

M. Jean Leonetti, ministre.  - Son état d'esprit est déterminé. Ce n'est pas une politique française mais européenne, une des rares politiques communautarisées.

L'indépendance alimentaire de l'Europe, la stabilité des prix et le maintien d'une veille sanitaire efficace exigent de préserver l'agriculture européenne. La Pologne nous suit sur ce point. La PAC a été évaluée et jugée pertinente à quatre reprises, ce qui n'est pas le cas de toutes les politiques communautaires. Pensons à la politique de cohésion territoriale : beaucoup de régions en sont sorties ; il peut y avoir là des ressources à récupérer.

La France n'acceptera pas une perspective financière qui n'assure pas la stabilité de la PAC.

Mme Maryvonne Blondin.  - Je comptais, moi aussi, vous interroger sur le PEAD. Pourquoi ne pas confirmer l'ancrage de ce programme dans la PAC, en élargissant à de nouvelles ressources ?

On parle de transférer ce programme au budget de la cohésion sociale en 2014. L'Etat français prendra-t-il le relais d'ici-là ?

Les commissaires parlementaires aux affaires européennes des 47 pays membres du Conseil de l'Europe souhaitent travailler de manière plus articulée. Comment pourraient-ils y parvenir ?

M. Jean Leonetti, ministre.  - Lorsque j'étais député, je répugnais à ce qu'un ministre se mêle du travail des parlementaires. Je reste fidèle à ce point de vue.

Nous ne pouvons pas intégrer la PEAD dans la PAC, qui a un autre objet. A partir de 2014, le PEAD doit entrer dans la politique de cohésion ; en 2012 et 2013, nous veillerons à assurer la liaison et nous nous efforcerons de surmonter la minorité de blocage. En cas d'échec, le président de la République et le Gouvernement assureront, je n'en doute pas, la pérennité des moyens.

M. Joël Bourdin.  - Les banques doivent augmenter leurs capitaux propres. On parlait jusqu'ici d'un ratio de 8 %, mais les créances des banques se sont dégradées, y compris sur des titres souverains d'où la nécessité de recapitaliser, d'autant plus que les titres souverains vont encore se dégrader.

Les banques subissent un problème de liquidités, car elles rechignent à se prêter entre elles. La solution à la crise de Dexia apportera un peu d'air.

Mais la BCE ne peut longtemps servir de station d'épuration, offrant de la bonne monnaie contre de la mauvaise dette ! Il faut rétablir la confiance.

M. Jean Leonetti, ministre.  - En effet, le système bancaire est fondé sur la confiance. Les ratios bancaires doivent être améliorés. Mais les fonds propres des banques françaises ont déjà augmenté de 50 milliards au premier semestre. Elles détiennent 10 milliards d'euros de dette grecque : elles sont donc solides.

Dexia est un cas très particulier : elle emprunte à très court terme à taux très bas et prête à très long terme à haut taux. D'où le grippage induit par la conjoncture.

Le cantonnement de la dette « pourrie » sauvera collectivités en France et épargnants en Belgique. Le prêt accordé en 2008 à Dexia par l'Etat nous a rapporté 500 millions d'euros : nous ne jetons pas l'argent par les fenêtres ! Notre but est de restaurer la confiance, car les banques prêtent moins aux autres banques, mais surtout aux entreprises et aux collectivités, d'où le risque de récession. La recapitalisation des banques est indispensable.

M. Ronan Dantec.  - A long terme, la crise climatique sera encore plus menaçante que la crise financière actuelle. Ne soyons pas trop optimistes sur les résultats européens dans la lutte contre l'effet de serre !

A Durban, il faudra restaurer la confiance entre le Nord et le Sud. Les pays africains seront très attentifs au financement du Fonds vert. Pourquoi ne pas l'abonder grâce à la taxation des transactions financières ? Sinon, comment l'Europe y contribuera-t-elle ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean Leonetti, ministre.  - Dans le meilleur des mondes, le bon exemple est suivi au lieu d'être pénalisé. Dans le meilleur des mondes, l'Europe, qui fait de grands efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, ne se heurterait pas à la concurrence déloyale des Etats-Unis et de la Chine. On aurait même une taxe mondiale pour régler un problème mondial. N'y a-t-il pas une taxe sur les billets d'avion, qui sans nuire au trafic a permis de soigner des malades du sida qui n'auraient pu l'être avec l'aide d'aucun pays, pas même de l'Europe ?

Le vrai danger serait de renvoyer à plus tard la conclusion d'un nouveau pacte, après l'échéance de Kyoto. Il faut à la fois tenir nos engagements antérieurs, et établir les bases d'un système plus contraignant.

Enfin, l'Europe devra prendre ses responsabilités et imposer une taxe carbone aux frontières. Les règles de vertu imposées à nos industries doivent s'appliquer aux produits venus d'ailleurs.

Mme Bernadette Bourzai.  - Je me réjouis des engagements pris par le ministre sur le PEAD : les associations sont inquiètes. Il ne s'agit que d'un euro par Européen !

Sur l'agriculture, M. Béchu a parfaitement décrit les enjeux !

Quid des négociations avec le Mercosur ? Dans le Massif central, l'élevage bovin est essentiel, en termes de qualité alimentaire et d'aménagement du territoire.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Certains accords de libre échange posent problème. L'accord avec le Japon est refusé, parce qu'il déséquilibrerait les marchés européens ; la négociation est bloquée avec le Mercosur car nous refusons un accord inéquitable.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Lorsqu'ils voient les Européens tergiverser sur le PEAD, les citoyens s'éloignent de l'Europe. A quand une relance du tandem franco-allemand, un primat du politique sur l'économique ou une initiative de croissance avec de grands projets ?

Le Conseil et la BCE échouent à ajuster le taux de change. Quand l'euro s'apprécie de dix centimes, face au dollar, comme ne cesse de le rappeler M. Gallois, il en coûte 10 milliards à EADS !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Encore une fois, une solution sera trouvée sur le PEAD. Le président de la République l'a assuré.

Quant à la relance politique, elle a eu lieu le 21 juillet. L'Europe est une construction complexe, mais le couple franco-allemand a toujours su sortir des crises. Les marchés financiers se plieront à la décision politique : c'est la loi de la démocratie. Il est normal de prendre le temps de consulter les Parlements, malgré le ralentissement imposé à la décision.

Les grands projets existent. Iter, GMS, Galiléo, les énergies renouvelables : c'est là que la croissance se fera demain. Mais ces domaines sont aussi soumis à la concurrence internationale. L'Europe protège ; elle projette également !

Mme Fabienne Keller.  - Je plaide moi aussi pour la taxe sur les transactions financières, pour répondre à la dictature des marchés. L'Union et les Etats membres en tireront des ressources, ainsi que la lutte contre le réchauffement.

L'enjeu est aussi moral : responsables de la crise, les financiers doivent la payer !

Une ligne rapide pérenne Paris-Bruxelles-Strasbourg permettrait de mieux relier -enfin- les deux capitales européennes, comme ce fut le cas pendant la présidence française. Il faudrait un peu de bonne volonté de la SNCF.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Vous avez raison : la crise nous donne enfin l'occasion de créer cette taxe sur les transactions financières.

Strasbourg est un symbole, car c'est là, entre Forêt noire et Vosges, que se sont succédé les plus graves tensions et qu'a eu lieu la réconciliation. Mais l'Europe, c'est aussi Bruxelles et Luxembourg.

Je plaide pour deux sessions. Les solutions pour mieux desservir Strasbourg comme vous le suggérez ou à partir de Bâle ou de Francfort sont à l'étude pour que votre ville soit à une heure des autres capitales européennes.

M. Jean-Yves Leconte.  - La crise financière menace l'euro et la construction européenne. Les euro-obligations, conformes à l'esprit de solidarité, permettraient de surmonter la crise.

Mais le partage des dettes passe par le fédéralisme social, économique et social : donc par le fédéralisme politique.

Evitons toute fuite en avant : le fédéralisme suppose d'approfondir les procédures démocratiques à l'échelle européenne. Il en va de la confiance des citoyens.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Sans harmonisation économique, fiscale et financière, il est impossible de mutualiser les dettes grecques et allemandes. Comment faire accepter aux Allemands une hausse de leurs taux d'intérêt sans imposer de discipline collective ?

Comment faire accepter aux Français que le taux d'impôt sur les sociétés ne soit que de 12 % en Irlande contre 34 % en France ? Les euro-obligations ne peuvent précéder l'harmonisation : solidarité et discipline vont de pair.

Prochaine séance demain, mercredi 12 octobre 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 45.

Jean-Luc Dealberto,

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 12 octobre 2011

Séance publique

A 14 HEURES 30

1. Débat sur la réforme portuaire.

2. Débat sur la couverture numérique du territoire.