Limite d'âge des magistrats judiciaires (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d'âge des magistrats judiciaires.

Discussion générale

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Le garde des sceaux est en déplacement en province : je vous prie de l'excuser.

Conformément au plan d'équilibre des finances publiques du 7 novembre 2011, ce projet de loi organique accélère le relèvement de la limite d'âge des magistrats judiciaires prévu dans la loi organique du 10 novembre 2010. Son texte initial ne comportait qu'un article, alignant le calendrier de relèvement de la limite d'âge par génération applicable aux magistrats sur celui prévu pour l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires. Votre commission des lois a supprimé cet article, que le Gouvernement vous proposera de rétablir.

L'Assemblée nationale lui a ajouté des dispositions provenant du projet de loi organique relatif au statut des magistrats judiciaires. Votre commission a supprimé celle relative aux magistrats placés auprès de la cour d'appel. Je vous demanderai de le rétablir.

La deuxième disposition ajoutée assouplit la règle de priorité d'affectation à la Cour de Cassation, dont les conseillers et avocats généraux bénéficient, afin de réduire les blocages. Je vous proposerai un amendement à ce sujet.

La troisième disposition modifie le fonctionnement du comité médical propre aux magistrats. La quatrième ajoute une obligation de mobilité pour l'accès aux formations hors hiérarchie.

Je souhaite revenir sur les conditions d'octroi de la Légion d'honneur aux magistrats. Avec l'article rétabli par votre commission, aucun d'entre eux ne pourrait plus être décoré ! Voulez-vous faire preuve de défiance à leur endroit ? Le statut des magistrats assure leur indépendance ; ils ne peuvent solliciter une décoration. En outre, les règles de départ apportent toute garantie. Le Gouvernement souhaite supprimer l'article 3.

Les dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale améliorent la gestion de la carrière des magistrats et augmentent son attractivité. Le Gouvernement souhaite l'adoption du projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois.  - Le Sénat est saisi d'un projet de loi organique qui fait suite aux annonces du 7 novembre dernier : il accélère le calendrier de relèvement de l'âge limite applicable aux magistrats judiciaires. L'objet initial concernait la seule réforme de l'âge limite, mais le Gouvernement a déposé tardivement des amendements relatifs au statut des magistrats, extraits du projet de loi organique sur le statut des magistrats déposé à l'Assemblée nationale, mais non inscrit à son ordre du jour.

En vertu de la garantie générationnelle, la réforme des retraites devait monter en charge par paliers, en avançant d'un mois par an la limite d'âge pour les générations nées après 1951.

Un amendement de M. Dosière a rétabli dans le texte l'interdiction de décorer les magistrats dans l'ordre de la Légion d'honneur.

Les dispositions ajoutées par amendements du Gouvernement concernent notamment les congés de longue durée ou la mobilité statutaire. La commission des lois a considéré que ces dernières dispositions posaient moins de problèmes que l'article premier.

Peut-on accepter une accélération du calendrier de la réforme des retraites, si l'on rejette celle-ci ?

La commission a supprimé l'article premier. Elle s'étonne que le Gouvernement ajoute, par amendements, des dispositions sans rapport avec l'objet du texte. Elles figurent dans un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale, mais toujours pas inscrit à leur ordre du jour...

Aucune concertation n'a eu lieu avec les syndicats de magistrats.

La commission, pragmatique, propose cependant d'adopter l'essentiel de ces dispositions, mais l'article 2 vise à gérer la pénurie par des mesures injustifiées. La commission l'a donc supprimé.

Ne pas décorer des magistrats est cohérent avec l'indépendance de l'autorité judiciaire et la séparation des pouvoirs et ne stigmatise personne. (Applaudissements)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Un an à peine après avoir défini un calendrier réformant les retraites, le Gouvernement a voulu l'accélérer. Il est vrai que le plan de rigueur pénalise toutes les catégories de Français... Mais en l'occurrence, quel est le gain attendu ? L'inefficacité est patente. Une application immédiate permettrait d'économiser 460 000 euros, indique le Gouvernement dans l'étude d'impact, mais le maintien en fonction aura également un coût et bloquera les carrières des nouvelles générations, pourtant moins coûteuses pour les finances publiques.

Et les amendements du Gouvernement introduisent des dispositions sans rapport avec le texte mais à examiner en urgence ! Pourquoi ne pas nous soumettre le projet de loi organique en attente ?

Le Gouvernement prétend qu'une concertation a eu lieu, mais aucun réel débat ne peut porter sur ces quatre dispositions.

L'urgence est compréhensible concernant les dispositions médicales, puisque la souffrance au travail s'accroît, mais les mesures relatives aux magistrats placés n'ont aucune justification car la dérive statutaire doit être contenue.

Il y a là une atteinte au statut : vous prolongez un statut précaire, sans aucune garantie de promotion à l'issue de la période. Certains avancements seront même interdits. La question mériterait au moins un débat, d'autant que les organisations professionnelles dénoncent la multiplication de ces postes d'encadrement intermédiaires. La commission supprime à bon droit l'article 2. Les articles 4 et 6 sont des cavaliers et doivent être rejetés, dans l'attente du texte qui en traite. Il n'y a aucune raison d'en discuter ici ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Vous avez souvent mesuré notre attachement à l'indépendance, à l'accessibilité de la justice et à l'adéquation de ses moyens à ses missions. Nous voterons donc le texte dans la rédaction de la commission, sans rejoindre totalement les positions du rapporteur.

Nous confirmerons majoritairement notre opposition à l'article premier, comme nous nous étions opposés à la loi organique de 2010.

Le Conseil constitutionnel a certes validé le projet de loi de finances pour 2012 mais « l'équitable, tout en étant juste, n'est pas le juste selon la loi mais un correctif de la justice légale », disait Aristote.

Quelle surprise de découvrir ce projet de loi assorti de quatre amendements moins d'une semaine après son adoption en conseil des ministres. Les amendements proviennent d'un projet de loi organique déposé en juillet à l'Assemblée nationale et toujours en attente. A quoi rime ce saucissonnage sélectif ? D'autres urgences s'annoncent, comme la simplification du droit...

Cette mauvaise façon de légiférer ne résout pas les problèmes criants de la justice et de la magistrature où la logique de la RGPP fait des ravages : en 2011, 160 magistrats entreront en fonction, pour 230 départs à la retraite.

La profession vit un profond malaise, que MM. Détraigne et Sutour ont mis en évidence dès 2009. Le recul de l'âge de la retraite entravera l'accès aux grades supérieurs. Et l'examen furtif de quelques dispositions en dit long sur la volonté du Gouvernement de mener une réforme d'ampleur. Nous ne sommes pas opposés aux dispositions médicales ; mais le prolongement de la durée des fonctions des magistrats placés n'est pas raisonnable : il ne faut pas banaliser l'instabilité des carrières.

La décoration dans l'ordre de la Légion d'honneur est une marque sociale plus qu'une preuve d'utilité ou de compétence. Selon la formule de Jules Renard, le deuil des convictions se porte en rouge à la boutonnière. N'acceptons pas non plus les inégalités de traitement avec les magistrats de l'ordre administratif, les membres des autorités administratives indépendantes, etc.

Bref, les magistrats attendent autre chose que ces quelques dispositions.

M. Roger Karoutchi.  - L'article 64 de la Constitution exige une loi organique pour toute modification statutaire des magistrats. Le principe de relèvement de l'âge de départ à la retraite a été inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale. Ce texte en tire les conséquences. Pour les magistrats nés après 1952, le relèvement de la limite d'âge interviendra donc plus tôt, à raison d'un mois supplémentaire par année à partir de 1952.

L'étude d'impact montre que l'effet sera limité, avec seulement quelques dizaines de départ en retraite. Un magistrat parvenu à la limite d'âge possède plusieurs possibilités de maintien en fonction. Cette mesure aura pour principale conséquence de réduire les dépenses des pensions des agents de l'État. Je salue les efforts du Gouvernement pour limiter l'endettement public. De 2012 à 2016, la mesure économisera 470 000 euros, c'est une bonne nouvelle.

Mais les propositions de la commission ne sont pas bienvenues.

En 1958, la limite d'âge était de 70 ans pour la majorité des magistrats ; elle fut abaissée en 1976 à 65 ans, avec quelques exceptions, avant que celles-ci ne soient limitées en 1984 au Premier président de la Cour de Cassation et au Procureur général à cette même cour.

Le groupe UMP propose de rétablir l'article premier.

L'article 3 sur les décorations publiques présente un fort risque d'inconstitutionnalité. M. Dosière, à l'Assemblée nationale, a pris l'exemple des parlementaires : mais ceux-ci n'exercent pas leurs fonctions à vie.

Mme Nathalie Goulet.  - Hélas ! (Rires)

M. Roger Karoutchi.  - Pourquoi se limiter du reste aux magistrats de l'ordre judiciaire ?

La loi de 1980 sur les magistrats placés est modifiée à l'article 2 : les intéressés occupent des emplois vacants.

En 2011, les magistrats placés représentaient 4 % des emplois. Le groupe UMP soutiendra le rétablissement de l'article. (Applaudissements à droite)

M. Patrick Ollier, ministre.  - Merci !

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous avons voté contre le relèvement de l'âge de la retraite dans le PLFSS pour 2012 ; nous voterons contre l'article premier.

Les magistrats placés, souvent des auditeurs sortis de l'École nationale de la magistrature, sont à disposition des chefs de cour pour remplir un certain nombre de fonctions. Le Conseil d'État a encadré le régime, mais le texte du Gouvernement revient sur ce régime et finalement, des magistrats pourraient effectuer presque toute leur carrière en étant placés ! Nous sommes totalement hostiles à l'assouplissement de ce régime.

Quant aux décorations, sur une loi de Mme Lebranchu, nous avions déposé avec François Colcombet, ancien magistrat comme moi, un amendement similaire, voté à l'Assemblée nationale mais rejeté au Sénat. Les magistrats sont-ils des agents publics ? Certes, mais différents de tous les autres comme les magistrats administratifs, car indépendants par statut et sans lien avec le pouvoir exécutif depuis la réforme de 2008. Les magistrats du siège ne devraient pas pouvoir être décorés : certains magistrats, parvenus au faîte des fonctions, ont décliné toute décoration et ont terminé leur carrière la robe vierge. D'autres ont reçu cette récompense...

Il n'en va pas de même à mon sens pour les magistrats du parquet ; soumis à l'autorité hiérarchique du garde des sceaux, ils rendent du reste bien des services dans de grands tribunaux. Je n'insiste pas sur le cas récent de tel grand procureur dont les réquisitoires avaient sans doute été inspirés par la Chancellerie... Pas de décorations tant que les promotions ne seront pas soumises à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en particulier : les liens avec l'exécutif doivent être coupés !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Ce projet de loi est une loi d'équité entre tous les agents publics, ceux couverts par la loi ordinaire et ceux pour lesquels nous devons passer par une loi organique.

Les organisations syndicales ont été consultées, contrairement à ce que le rapporteur affirme ; elles ont été informées du dépôt de ces amendements, qui n'ont pas été élaborées en catimini. Madame Borvo Cohen-Seat, la concertation a duré un an ! La commission permanente d'étude s'est réunie pour la dernière fois le 27 juillet 2011.

Les magistrats placés sont volontaires, je le rappelle. Certains souhaitent exercer ces fonctions. Le président Mézard a fait mine d'être surpris par les amendements du Gouvernement : il sait qu'il s'agit de quelques dispositions urgentes extraites du projet de loi organique déposé à l'Assemblée nationale. Comment faire autrement, vu l'embouteillage du calendrier parlementaire ? Il n'y a aucun saucissonnage, seulement une réponse au voeu des magistrats.

M. Mézard est presque favorable aux propositions du Gouvernement, sauf sur les magistrats placés, je l'ai senti. Merci à M. Karoutchi, qui soutient le Gouvernement. Il a compris notre logique. M. Michel est cohérent avec lui-même ; le Gouvernement aussi. Nous voulons améliorer la gestion du corps et des carrières. Il y avait urgence sur le comité médical national, l'Assemblée nationale a souscrit à nos propositions.

Les magistrats placés sont souvent excellents ; ils occupent ainsi des fonctions très diverses et effectuent de belles carrières.

Je n'apprécie pas la suspicion qui transpire des propos de M. Michel, choquants pour les magistrats. Lorsque j'étais à la Chancellerie, j'y ai côtoyé des magistrats très compétents, qui m'ont renforcé dans le respect que j'avais d'eux : à tout moment, ils défendaient leur indépendance. Si les parlementaires ne reçoivent pas de décorations, c'est qu'ils les demandent pour autrui !

Je suis très étonné par le distinguo proposé en matière de décorations publiques entre les magistrats du siège et ceux du parquet, un magistrat pouvant exercer les deux fonctions au cours de sa carrière ! Selon les fonctions -temporairement- exercées au cours de la carrière, devrait-il rendre, puis récupérer sa décoration ? (Rires et applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 2 de la loi organique n°2010-1341 du 10 novembre 2010 relative à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire est ainsi rédigé :

« Art. 2. - Par dérogation à l'article 76 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, la limite d'âge des magistrats nés avant le 1er janvier 1955 est fixée :

« 1° Pour les magistrats nés avant le 1er juillet 1951, à soixante-cinq ans ;

« 2° Pour les magistrats nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951, à soixante-cinq ans et quatre mois ;

« 3° Pour les magistrats nés en 1952, à soixante-cinq ans et neuf mois ;

« 4° Pour les magistrats nés en 1953, à soixante-six ans et deux mois ;

« 5° Pour les magistrats nés en 1954, à soixante-six ans et sept mois. »

M. Patrick Ollier, ministre.  - Cet amendement vise à rétablir l'article premier et l'excellent dispositif du Gouvernement.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - La commission dénonce l'absence de mesures prises après les réserves qu'elle avait exprimées en 2010 pour la retraite des magistrats et les polypensionnés. Si l'équité commande de traiter les magistrats comme les autres fonctionnaires, elle impose encore plus d'adopter une réforme des retraites plus juste. Défavorable.

M. Roger Karoutchi.  - La réforme allait dans le bon sens : du reste, sera-t-elle vraiment remise en cause après les élections présidentielles ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous voyons quel est votre pronostic !

M. Roger Karoutchi.  - Nous voterons cet amendement de raison, de justice et d'équité.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article premier demeure supprimé.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 3-1 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du neuvième alinéa est complétée par les mots : « , premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance » ;

2° Les deux premières phrases de l'avant-dernier alinéa sont ainsi rédigées :

« Ces magistrats ne peuvent en aucun cas exercer les fonctions prévues au présent article pendant une durée supérieure à six ans consécutifs et à douze ans sur l'ensemble de leur carrière. À l'issue de chacune de ces périodes, ils sont nommés respectivement en qualité de magistrat du siège ou du parquet du niveau hiérarchique auquel ils appartiennent dans celle des deux juridictions mentionnées au neuvième alinéa où, au plus tard quatre mois avant la fin, selon le cas, de leur sixième ou douzième année de fonctions, ils ont demandé à être affectés. »

M. Patrick Ollier, ministre.  - Retour au texte de l'Assemblée nationale sur les magistrats placés.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - L'amendement rétablit la totalité de l'article 2 dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Il ne faut pas encourager ces emplois précaires. Défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Bas, Béchu, Buffet, Cointat, Courtois, Frassa, Garrec, Gélard, Hyest, Lecerf, Lefèvre, Pillet, Portelli, Reichardt, Saugey et Vial, Mlle Joissains et MM. Fleming et Karoutchi.

Supprimer cet article.

M. Roger Karoutchi.  - Il convient de supprimer ce cavalier, introduit par ceux qui critiquent le Gouvernement d'en introduire, au profit d'un débat futur.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Nous tenons à marquer l'indépendance de l'autorité judiciaire sans exprimer plus de défiance envers les magistrats qu'envers les parlementaires. Défavorable.

M. Patrick Ollier, ministre.  - L'interdiction n'a aucun équivalent : cette mesure de défiance ne se justifie pas. L'indépendance des magistrats est garantie.

On ne saurait prétendre le contraire, sauf à être de parti pris.

Les décorations peuvent être attribuées à des magistrats ayant fait preuve de courage ou de sang-froid dans des circonstances extrêmes, telle qu'une prise d'otages ; j'ai un exemple en tête. L'interdiction de les décorer serait choquante.

À tout le moins, un débat devrait porter sur toutes les personnes exerçant une fonction de jugement. Vous auriez au moins pu consulter les organisations professionnelles, pour connaître leur ressenti...

M. François Trucy.  - À suivre la logique de la commission sur la fiabilité des personnes décorées, il faudrait étendre la mesure aux militaires ! Ceux-ci forment le gros des troupes décorées, à juste titre, car ils servent fidèlement la République...

M. Jean-Pierre Michel.  - La défiance envers les magistrats vient d'abord de ceux qui les traitent de petits pois, les insultent et mettent en cause au moindre incident leurs pratiques professionnelles -notamment le Président de la République qui est le garant de leur indépendance...

Je retire mon amendement, mais il reste que les magistrats ne sont pas des agents publics comme les autres, qu'ils ont un statut qui doit les rendre totalement indépendants du pouvoir exécutif. Mais on sait bien qu'il y a des décorations « automatiques »... La pratique actuelle est déplorable : à un certain stade de la carrière, si l'on n'a pas la rosette, on n'est rien !

Avec une lecture plus approfondie, nous aurions pu retenir une rédaction plus précise, en maintenant par exemple les décorations pour des actes exceptionnels ou de courage.

Deux des trois organisations syndicales de magistrats approuvent l'interdiction ; la troisième souhaite seulement une réflexion plus aboutie.

L'amendement n°2 est retiré.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je m'inscris en faux contre la mise en cause inacceptable du président de la République par M. Michel. Nous ne sommes pas ici à un meeting politique !

M. Jacques Mézard.  - Il est inutile d'ajouter à la méfiance qui a pu venir de l'exécutif celle de la majorité sénatoriale : on ne peut interdire aux seuls magistrats judiciaires de recevoir une décoration publique.

Une réflexion sur le sujet n'est pas à exclure, mais il n'est pas bon de prétendre que l'attribution d'une décoration porterait atteinte à l'indépendance des magistrats. Et cette affaire de décorations est-elle une préoccupation de nos concitoyens ?

Nous voterons l'amendement de suppression.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous nous abstiendrons sur l'amendement de suppression et sur l'article.

Mme Nathalie Goulet.  - Je peine à concevoir qu'un magistrat puisse être acheté par l'attribution de la Légion d'honneur. Les présentateurs de télévision qu'on décore n'ont pas fait grand-chose pour la Nation...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Chacun voit bien l'intention de M. Michel : marquer de manière symbolique l'indépendance de la magistrature, à laquelle nous sommes tous très attachés.

D'autre part, il serait mal venu d'adresser un mauvais signal aux procureurs, dont 147 viennent d'affirmer leur volonté d'indépendance ; j'ai eu l'honneur, aux côtés du président Bel, de recevoir le président de leur Conférence, qui nous a fait part de leur état d'esprit.

Nous ne mettons pas en doute l'indépendance de quiconque aurait été admis dans l'Ordre national du mérite ou l'Ordre national de la Légion d'honneur. Et nous pouvons convenir qu'une réflexion complémentaire est nécessaire, par exemple sur les autres ordres de juridiction.

Pour ces raisons, nous pourrions nous abstenir sur cet amendement de suppression.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je me rallie à cet avis, en appelant à une réflexion plus large sur les décorations aux fonctionnaires.

L'amendement n°6 rectifié est adopté.

L'article 3 est supprimé.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Notre débat aura été fécond !

L'article 4 est adopté, de même que les articles 5 et 6.

Intitulé du projet de loi

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. J.P. Michel.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature

M. Jean-Pierre Michel.  - Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Sénat se prononce non sur le texte du Gouvernement mais sur celui de la commission. J'espère qu'en modifiant l'intitulé du texte, nous inciterons le Conseil constitutionnel à revoir sa jurisprudence sur les cavaliers, qui est devenue bien erratique.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - C'est au Gouvernement qu'il revenait, par cohérence, de déposer un tel amendement...

M. Patrick Ollier, ministre.  - L'objet du texte n'a pas été altéré par les amendements du Gouvernement : il s'agit bien à titre principal d'harmoniser les dispositions relatives à l'âge de départ à la retraite des magistrats judiciaires avec celles applicables aux autres fonctionnaires.

L'amendement n°1 est adopté.

L'intitulé du projet de loi organique est ainsi rédigé.

L'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 174
Contre 164

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 18 h 25, reprend à 18 h 30.