Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Au nom du Sénat, je salue la présence de M. le Premier ministre (applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs à droite) et des très nombreux ministres et ministres délégués qui nous font l'honneur de leur présence.

J'exprime une pensée particulière, comme je l'ai fait hier, pour nos collègues qui ont fait leur entrée au Gouvernement. Je veux aussi saluer chaleureusement nos trois collègues qui ont retrouvé leur mandat sénatorial après avoir été ministres dans le précédent gouvernement : Michel Mercier, Gérard Longuet et Henri de Raincourt. (Applaudissements) J'ai une pensée aussi pour Hélène Lipietz, devenue sénatrice après la nomination de Mme Nicole Bricq au Gouvernement. (Applaudissements)

Nous allons entendre la déclaration de M. le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

Au moment où nous reprenons nos travaux, je forme le voeu que nous puissions travailler ensemble dans le dialogue et la concertation avec le Gouvernement, dans le respect de l'opinion de chacun et avec la volonté de laisser du temps aux délibérations du Sénat.

Le Sénat contribuera à la qualité des textes. Il exercera pleinement sa fonction de contrôle afin de jouer un rôle constructif. Nous souhaitons tenir toute notre place car nous sommes tous attachés à un fonctionnement harmonieux de nos institutions comme au bicamérisme, même s'il mérite d'être rénové. Le Sénat de la République est au-dessus des alternances et des effets de mode. C'est le résultat d'une longue histoire, d'une originalité faite d'expérience, de diversité et d'autonomie.

J'espère que le Gouvernement pourra prendre en considération les réflexions et analyses que nous avons exprimées au cours de la session précédente, durant laquelle le Sénat n'a pas cessé de travailler. Alors que le temps législatif était momentanément suspendu, nous nous sommes consacrés au contrôle et à l'évaluation. Cinq missions communes d'information et deux commissions d'enquête ont poursuivi leurs travaux ; sans oublier ceux des commissions permanentes, de la commission des affaires européennes, de la délégation sénatoriale à l'outre-mer et de la commission pour le contrôle de l'application des lois. Au total, ce sont 93 actions de contrôle qui aboutiront dans les prochaines semaines.

Le Sénat a ainsi rempli son rôle constitutionnel, mais aussi son rôle politique. Il souhaite contribuer aux débats inhérents à un changement, changement de président de la République, changement de majorité à l'Assemblée nationale.

Comme vous le savez, nous avons lancé une vaste consultation des élus locaux, car le Sénat est au coeur du dialogue entre l'État et les collectivités territoriales. Après des rencontres départementales entre les élus et les acteurs du développement local en septembre, les états généraux de la démocratie territoriale, qui se tiendront les 4 et 5 octobre, seront l'occasion, pour les élus, d'exprimer en toute liberté leurs préoccupations et leurs aspirations.

Il est de la responsabilité du Sénat de préparer la grande réforme territoriale qui rétablira la confiance entre les acteurs locaux et l'État. Je suis sûr que le Gouvernement sera à l'écoute de nos attentes et de nos idées.

Dans cette période importante, soyez assuré, monsieur le Premier ministre, de notre souci constant d'agir pour le bien commun et celui de la France, compte tenu de la situation que nous savons difficile.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre .  - (Vifs applaudissements à gauche) Je suis heureux de vous saluer, ému de parler pour la première fois devant la Haute assemblée. Si j'ai choisi de venir devant vous après le vote de confiance à l'Assemblée nationale, c'est pour témoigner du respect de mon gouvernement envers le Sénat et les sénateurs, qu'ils soient de gauche ou de droite. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs à droite)

Hier, par la voix de M. Fabius, je ne vous ai rien caché des difficultés qui nous attendent. Je veux parler un langage de vérité, combattre l'esprit de résignation et appeler à la mobilisation de toutes les forces de la France. Je suis convaincu que le Sénat prendra toute sa part au redressement du pays.

En élisant M. Hollande à la présidence de la République et en lui donnant une large majorité à l'Assemblée nationale, les Français ont fait le choix du changement. Un changement dont les prémices sont venues du Sénat en septembre 2011. (Applaudissements à gauche) Je veux saluer le président Bel qui a su, dans le respect des traditions républicaines, mener la transition et donner l'image d'un Sénat modernisé. Que la Haute assemblée soit au-dessus des modes, voilà qui me convient !

Je suis, comme vous, attaché au bicamérisme. (Applaudissements à gauche) L'expérience et l'expertise des sénateurs nous aideront à produire des textes de qualité, applicables et utiles aux Français. Les travaux et les contributions du Sénat, qui rejoignent bien souvent les préoccupations du Gouvernement, seront pour lui une source d'inspiration constante.

Je m'engage à associer le Parlement le plus en amont possible pour préparer les grandes décisions. C'est une bonne manière de renforcer son rôle.

Le président de la République a fixé le cap, celui du redressement de notre pays dans la justice. C'est la feuille de route du Gouvernement. Avec vous, nous relèverons ce défi pour redonner à des millions de Français des raisons de croire dans l'action publique.

La situation de notre économie oblige mon gouvernement à agir sans tarder : agir contre le chômage, qui touche aujourd'hui près de 3 millions de personnes dans notre pays ; agir contre la désindustrialisation et le recul de notre compétitivité, qui se traduisent par un déficit commercial record et la multiplication des plans sociaux ; agir contre l'augmentation massive de la dette publique, dont le poids aujourd'hui écrasant absorbe une grande partie de la richesse produite. Depuis 2007, la dette de la France a augmenté de 600 milliards d'euros ; et les intérêts de la dette représentent 50 milliards d'euros par an, plus que le budget de l'Éducation nationale !

Je refuse de reporter un tel fardeau sur les générations futures. C'est une responsabilité collective que doivent porter tous ceux qui ont une responsabilité devant les Français, au premier chef les représentants de la souveraineté nationale.

Je ne sous-estime pas l'impact de la crise financière mondiale. Tous les gouvernements, quelle que soit la majorité en place, sont confrontés à de rudes réalités, notamment dans les pays de la zone euro. Mais je crois aussi que la situation économique dont nous héritons est le produit d'erreurs passées, de choix injustes et inefficaces. (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Avec le président de la République, nous avons proposé un autre chemin. Les Français nous ont fait confiance. Les engagements que nous avons pris seront tenus.

Le président de la République avait dénoncé, pendant sa campagne, la généralisation de l'austérité en Europe et annoncé son intention de mobiliser les dirigeants européens en faveur de la croissance. Je le redis devant la Haute assemblée, le vote des Français a fait bouger les lignes en Europe ! (Applaudissements à gauche ; rires et exclamations à droite) Le Conseil européen des 28 et 29 juin a adopté un pacte de croissance d'un montant de 120 milliards d'euros. C'est un levier de mobilisation, c'est un succès pour la France et pour tous les Européens qui croient à l'avenir de notre projet commun. Personne n'est indifférent au Conseil des 28 et 29 juin. J'ai toujours dit que l'élection du président de la République créerait un nouvel espoir en Europe. Eh bien, nous y sommes ! (Applaudissements à gauche ; exclamations ironiques à droite)

Je demanderai au Parlement de se prononcer sur l'ensemble des textes issus de cette renégociation européenne : le pacte de croissance, la taxe sur les transactions financières, la supervision bancaire et le traité de stabilité budgétaire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - La règle d'or !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Je vous inviterai à approuver cette nouvelle étape de la construction européenne, qui est celle de l'intégration solidaire.

Mais je le redis encore, c'est un engagement du président de la République et la mission de mon gouvernement : il faudra maîtriser les dépenses publiques. (« Ah ! » à droite)

M. François Patriat.  - La droite ne l'a jamais fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Le projet de loi de finances rectificative, qui a été adopté ce matin en Conseil des ministres, sera prochainement soumis au Parlement. L'objectif sera de réduire le déficit public, dès 2012, à 4,5 % de la richesse nationale. Et nous reviendrons à l'équilibre à l'horizon 2017. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

L'ambition de mon gouvernement est de gouverner dans la durée, de réussir le changement. Et sans maîtrise des comptes publics, il n'y a pas d'action dans la durée possible. Nous ne sommes pas à un tournant mais dans la cohérence des engagements pris devant le peuple français ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

La réforme fiscale est l'une des grandes priorités du Gouvernement. Ses objectifs sont clairs : mobiliser de nouvelles recettes, mettre à contribution ceux qui ont été exonérés jusqu'à présent de l'effort collectif, épargner les classes moyennes et populaires. (Même mouvement)

Le projet de loi de finances rectificative intègre ces priorités. Le Gouvernement propose de revenir sur l'allégement de l'impôt sur la fortune. Les ménages qui lui sont assujettis peuvent contribuer davantage à l'effort national ! (Même mouvement) Nous proposons aussi de supprimer définitivement le bouclier fiscal et de mettre à contribution les grandes entreprises bancaires et pétrolières.

En revanche -là sont la cohérence et la justice-, la hausse de la TVA, programmée pour la rentrée par le précédent gouvernement sera abrogée. (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Qu'en pense M. Migaud ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013, les revenus du capital seront imposés au même titre que ceux du travail. L'impôt sur le revenu sera rendu plus progressif et plus juste. Pour les plus riches, une tranche d'imposition à 45 % sera créée, et pour les revenus annuels supérieurs à un million d'euros, une imposition supplémentaire à 75 %.

En nous donnant une majorité, les Français ont fait le choix de la justice !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - La méthode de mon gouvernement est connue : dire la vérité, dialoguer, négocier.

M. Jean-Claude Gaudin.  - On verra !

M. Jean-Michel Baylet.  - ça change !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Le changement ne se décrète pas. Il est un mouvement porté par tous les corps intermédiaires, les partenaires sociaux, les élus locaux, les associations. Le Sénat, je le sais, est attaché à cette conception de la démocratie. Une démocratie apaisée, où le pouvoir d'un seul ne s'impose pas à la délibération collective, où l'esprit systématique de division ne l'emporte pas sur la recherche de la cohésion sociale nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

Oui, c'est vrai, j'appelle à un changement des pratiques, je souhaite que la culture de l'accord s'impose peu à peu. Mon gouvernement donnera toutes ses chances au dialogue social. La grande conférence sociale qui aura lieu dans quelques jours illustrera ce changement de méthode, comme la consultation sur la refondation de l'école que j'ouvrirai demain. C'est la priorité donnée à la jeunesse. Nous ne pouvons pas accepter le maintien de l'échec scolaire à un tel niveau, ni le creusement des inégalités sociales et territoriales.

Nous assumons la création de 60 000 postes supplémentaires sur la durée du quinquennat : l'école bénéficiera enfin d'une priorité ! (Applaudissements à gauche ; protestations à droite) Le Gouvernement concentrera son effort sur l'enseignement primaire et les premiers cycles de l'université, car c'est dans les premières années que se construit la réussite des élèves.

Mlle Sophie Joissains.  - Des mots !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Ce n'est pas du discours. Vous, vous avez détruit 60 à 80 000 postes dans l'éducation nationale ! (Applaudissements à gauche)

M. François Patriat.  - Et ils en sont fiers !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Un nouvel élan sera donné à l'éducation prioritaire.

Nous ne pouvons accepter que le chômage des jeunes soit à un tel niveau, un niveau incroyable dans un pays comme la France ! Nous mènerons le combat et y mettrons les moyens. C'est le sens du contrat de génération et des 150 000 emplois d'avenir pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et faciliter leur accès au logement. (Exclamations à droite)

Autre grand chantier, le redressement productif. (On ironise à droite) Nous ne pouvons accepter le décrochage de l'industrie française, la baisse de sa compétitivité, les difficultés des PME. Vous en êtes tous convaincus pour être en contact avec les territoires. Ce chantier est immense : la part de l'industrie est passée de 26 % à 13 % en dix ans, 750 000 emplois ont été détruits ! (Exclamations à droite, où on invoque les 35 heures) Dire la vérité vous gêne ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts) Nous mettrons enfin la finance au service de l'économie réelle. Nous mobiliserons une partie de l'épargne populaire et créerons une banque publique d'investissement avant la fin de l'année (Même mouvement)

Nous voulons une véritable diplomatie économique pour regagner des parts de marché et lutter contre les pratiques déloyales. C'est Mme Bricq, ancienne sénatrice, qui en est chargée. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations amusées à droite)

Il n'y a pas de fatalité au creusement de notre déficit commercial et aux plans de licenciements. C'est le sens de notre pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.

La transition écologique et énergétique sera également une priorité. L'objectif de mon gouvernement est de développer une économie verte fondée sur l'innovation technologique, qui sera créatrice d'emplois qualifiés et diminuera notre empreinte écologique. (Applaudissements sur les bancs Verts) Nous engagerons un programme massif d'économies d'énergie. Nous mettrons en oeuvre un plan ambitieux de développement des énergies renouvelables. La part du nucléaire dans la production d'électricité passera de 75 % à 50 % à l'horizon 2025. (Même mouvement)

Nous mettrons en place une tarification progressive du gaz, de l'électricité et de l'eau, autant de biens qui ne peuvent être livrés à la seule loi du marché. Dans ces secteurs, les inégalités sont devenues criantes et insupportables ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

Je voudrais terminer mon discours en adressant un message particulier au Sénat (« Ah ! » à droite), représentant des collectivités territoriales de la République. Car je veux vous parler de nos territoires. (Exclamations et marques d'ironie à droite) Je pensais que seuls les députés étaient dissipés, mais les sénateurs de droite le sont visiblement aussi. (Sourires)

Le redressement du pays passe par l'action des collectivités locales, de métropole et des outre-mer. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts) Leur investissement public et la vigueur de la démocratie locale sont des atouts essentiels. Je crois, moi aussi, à l'intelligence des territoires. Partout, les collectivités s'engagent : investissements dans le très haut débit, soutien aux PME innovantes, à des projets d'excellence dans le domaine du développement durable. Je pourrais multiplier les exemples.

La future banque publique d'investissement travaillera au plus près des territoires, en liaison avec les régions. Je ne veux pas d'un outil centralisé. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Pour répondre aux besoins de logements, l'État mettra ses terrains vacants gratuitement à disposition des collectivités locales, afin de permettre la réalisation de programmes de construction et d'aménagement urbain respectueux de la mixité sociale. J'y tiens, même si je sais les conservatismes forts. Je fais confiance aux collectivités locales pour saisir cette chance. Nous avons un objectif de construction de 500 000 logements, dont 150 000 sociaux. Le Gouvernement proposera en outre de multiplier par cinq la sanction à l'encontre de ceux qui ne respectent pas la loi SRU. (Applaudissements à gauche)

Je veux bâtir avec les acteurs de la démocratie territoriale une relation de confiance. Les collectivités, de même que le Parlement, ne sont pas des faire-valoir. Le maire de Nantes que j'ai été jusqu'à la semaine dernière a trop souvent regretté le manque de considération de l'exécutif pour l'action des élus locaux. Ce sont des élus de proximité qui ont la confiance de leurs concitoyens, ils savent les dégâts de la crise dans les quartiers comme dans les zones rurales, ils savent l'exigence de justice.

C'est la raison pour laquelle je veux préparer, avec mon gouvernement, une nouvelle étape de la décentralisation qui donne toute leur place aux libertés locales. Je recevrai ce mois-ci les associations d'élus et poursuivrai les consultations à la rentrée, je m'appuierai sur les conclusions des états généraux de la démocratie locale organisés à l'initiative du président du Sénat. Un projet de loi sera déposé avant la fin de l'année. Comme tout projet de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales doit vous être soumis en premier lieu, le Sénat sera porteur de la réforme territoriale. (On s'en réjouit à gauche)

Les citoyens attendent de cette nouvelle étape de la décentralisation que l'État et les collectivités locales mènent une action plus lisible, plus efficace et moins coûteuse. En tout cas, que l'argent public soit préservé... (Mouvements divers à droite)

Nous créerons le Haut conseil des territoires. (Marques d'ironie sur les mêmes bancs) Cette instance de concertation et de proposition permettra aux représentants des élus de se réunir régulièrement avec ceux de l'État ; elle s'appuiera bien sûr sur le Sénat, comme le Président de la République l'a indiqué à Dijon le 3 mars dernier.

Quant au conseiller territorial, la loi qui l'a créé sera abrogée. (Vifs applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)

Nous modifierons le mode d'élection des conseillers généraux (« Ah ! » à droite) pour permettre une meilleure représentativité des assemblées départementales et aussi...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La parité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - ...pour davantage de parité. (Applaudissements à gauche) La modification du mode de scrutin et du calendrier des élections cantonales et régionales sera élaborée de manière transparente, dans la concertation...

Voix à droite.  - Et dans la justice, encore ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Nous renforcerons la légitimité démocratique des structures intercommunales. L'introduction du suffrage direct pour les agglomérations les plus importantes sera inscrite à l'ordre du jour de la concertation. Je m'engage à associer le Parlement étroitement à toute modification d'importance.

M. Didier Boulaud.  - Voilà qui va nous changer !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Pour que les parlementaires se consacrent pleinement à leur mission, et pour répondre à l'exigence de proximité formulée par les citoyens à l'égard des élus locaux, il sera mis fin au cumul entre un mandat de parlementaire et l'exercice de fonctions exécutives locales. Cette réforme sera applicable en 2014. (Applaudissements sur certains bancs à gauche ; on s'amuse à droite de ce peu d'enthousiasme)

Mme Natacha Bouchart.  - C'est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Il n'y a pas de raison que les parlementaires ne suivent pas les mêmes règles que les ministres. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts) Nous confierons de nouvelles responsabilités aux collectivités, par transfert de compétences ou par délégation. C'est cela la décentralisation ! Avec le même souci de transparence et de justice... Il n'y a pas de recette miracle ; de là l'expérimentation pour ceux qui souhaiteront exercer une nouvelle compétence.

L'année 2013 sera celle de la concertation et de la discussion sur tous ces sujets. Les collectivités locales et les élus sont prêts à prendre toute leur part de l'effort national de redressement des comptes publics. Les grandes associations d'élus, en particulier l'AMF, l'ont dit. En contrepartie, les collectivités bénéficieront d'une plus grande visibilité, gagneront en autonomie et en responsabilité. C'est l'objet du pacte de confiance que je souhaite établir entre elles et l'État. Pour avancer, il faut se dire les choses clairement. Les concours financiers de l'État seront maintenus en valeur pour la période 2013-2015, dans la péréquation. Votre assemblée, je le sais, est prête à faire preuve d'audace et d'innovation.

Je sais les collectivités locales confrontées à des difficultés de financement. Le Gouvernement suit avec attention l'évolution de la situation. Votre commission des finances a été informée hier de l'évolution du dossier difficile de Dexia. L'État a mis en place un dispositif exceptionnel et débloqué une enveloppe de financement sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts. Nous demanderons aux banques de respecter leur engagement de maintenir, voire d'accroître leur offre de crédit. La Banque postale, qui vient de lancer une première offre de crédit à court terme, la complétera en partenariat avec la Caisse des dépôts.

Je tiens à ce que cette nouvelle étape de la décentralisation marque un progrès vers l'égalité entre les territoires. Égalité notamment dans l'accès aux services publics ; je pense particulièrement à nos concitoyens des quartiers populaires et des zones rurales. Il y a toujours une bonne raison de ne rien faire. Quant une partie du peuple se sent abandonnée, les mots de liberté, égalité, fraternité n'ont plus de sens. Avec le Sénat, je veux rendre concrète cette belle idée de la République ! (Applaudissements à gauche)

Nous voulons l'égalité entre tous les territoires qui font la France. Je salue les sénateurs des outre-mer où, je l'ai dit hier, l'État entend promouvoir de nouvelles orientations.

Je veux, enfin, que la décentralisation et la réforme de l'État marchent au même rythme. Je veux un État stratège, garant de la cohérence des politiques publiques et de la solidarité entre les citoyens et les territoires. Restaurer la puissance publique est un impératif pour nos concitoyens, mais aussi pour les agents des trois fonctions publiques. Nous avons besoin d'une fonction publique respectée, j'ai confiance en elle ! (Applaudissements à gauche)

Quant au redressement productif de la France...

M. Christian Cointat.  - Où est le ministre ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Je vous prie d'excuser certains membres du Gouvernement, qui assistent aux obsèques d'Olivier Ferrand.

A côté des plans sociaux qui font la une, cinquante emplois disparaissent ici, une centaine là. Raison pour laquelle nous avons nommé des commissaires à l'industrialisation auprès des préfets. Les collectivités territoriales seront associées au traitement et au suivi des dossiers difficiles.

J'ai confiance dans nos atouts, dans la vitalité de nos territoires. J'ai confiance dans la capacité de notre peuple à se rassembler, à mobiliser ses talents, à repartir de l'avant. La politique du Gouvernement est marquée du sceau de la justice, de ces valeurs de la République qui ont inspiré le rêve français, ce rêve auquel nous voulons croire encore et toujours. Je sais que nous pouvons réussir le redressement de la France ! (Les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissent longuement)