Code forestier

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier et harmonisant les dispositions de procédure pénale applicables aux infractions forestières.

Discussion générale

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - La forêt française est un enjeu économique et écologique. Plus de 15 millions d'hectares sont concernés. La France a la troisième forêt d'Europe. C'est pourquoi j'ai fait de ce potentiel économique et écologique un objet de discussion pour offrir des perspectives à cette filière. Nous tiendrons des assises avant le printemps et intégrerons la forêt dans le projet de loi sur l'avenir de l'agriculture.

Le cadre juridique du code forestier date de l'édit de Brunoy pris en 1346, avant la fin de la guerre de Cent ans. Il y eut aussi les édits de Colbert, qui a donné à la forêt la mission de construire la flotte du roi. Le Breton que je suis ne peut ignorer que nos landes sont issues des défrichements exigés par Colbert pour construire la flotte.

Ce projet de loi s'inscrit dans cette histoire multiséculaire. J'en ai sollicité l'inscription rapide à l'ordre du jour pour marquer mon intérêt pour la forêt. Il s'agit de ratifier l'ordonnance de recodification de janvier 2012. Cette réécriture du code me donne l'occasion de saluer le travail mené au Sénat par M. Leroy dans la perspective d'une gestion durable de la forêt, conforme à ses multiples fonctions et à son enjeu économique.

Le cadre juridique des délais de paiement devait être adapté : le cycle de la forêt n'est pas celui, très court, de l'économie générale. Comme son rythme est lent, il faut y adapter la norme des délais de paiement entre la vente sur pied ou en bloc, la coupe et la réalisation. L'autre modification nécessaire concernait le transfert à la Corse de la compétence sur les pépinières d'Ajaccio, qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel pour des motifs de procédure.

Monsieur Leroy, comme vous le disiez au Conseil national de la forêt, il faudra sans doute revoir ce code après la loi d'avenir. C'est aussi une marque des évolutions nécessaires pour mettre la forêt en mesure de répondre aux défis. Notre débat d'aujourd'hui ouvre une discussion plus large sur les ambitions qu'ensemble nous allons donner à la forêt. (Applaudissements)

M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Il n'est pas si fréquent que le Sénat puisse se pencher sur les questions forestières. Et les assises forestières nous donneront l'occasion d'y revenir dans les mois qui viennent.

Avec 25 millions d'hectares dont 9 dans les outre-mer, principalement en Guyane, la France est un grand pays forestier. Notre forêt guyanaise est en bon état par rapport à d'autres forêts équatoriales. Puisque nous sommes vertueux là-bas, nous avons là un rôle mondial à jouer pour la connaissance de ces forêts.

La forêt rend d'énormes services à l'économie, à l'environnement. Vu sa place dans le cycle du carbone, elle va contre le réchauffement climatique. Elle abrite une grande biodiversité et joue un rôle social important : promenade, cueillette, chasse. Représentant un tiers du territoire métropolitain, elle est issue d'une histoire pluriséculaire. Au Moyen Âge, l'auteur d'un délit forestier était puni de mort !

Oui, l'édit de Brunoy est le premier texte national de protection de la forêt. Il y eut ensuite les décisions de Colbert. Le premier code forestier moderne date de 1827 ; il reste un monument. Protéger la forêt, nous, les forestiers, nous en sommes souciés bien avant que l'on ne parle d'écologisme et de développement durable. La France dispose d'une grande administration forestière, séculaire et dotée de fonctionnaires brillants qui viennent de recodifier le code forestier. La loi d'avenir que vous préparez monsieur le ministre, sera très importante.

La forêt publique est sous l'autorité unique de l'Office national des forêts. Entre les deux tiers et les trois quarts de nos forêts appartiennent à des propriétaires privés. On compte 3,5 millions de propriétaires pour 3 millions d'hectares. Notre forêt peut trouver un nouveau dynamisme, comme l'a montré un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental.

La forêt française est riche en emplois : 400 000 à 500 000. Ce chiffre est stable. La forêt n'a pas détruit d'emplois. Elle pourrait embaucher, avec les 20 millions de mètres cubes supplémentaires que l'on peut récolter dans les années qui viennent, sans remettre en cause la qualité, bien au contraire. Cela contribuerait au redressement de notre commerce extérieur, dont le déficit est, en la matière, de 6 milliards d'euros par an. Il faudra pour cela mieux valoriser nos bois de feuillus que nous produisons et qui doivent se substituer à l'usage des résineux, que nous importons. La loi d'avenir devra exprimer cette stratégie de relance de la filière bois.

J'essaie de persuader Bercy : la forêt ne représente qu'entre 300 et 350 millions d'euros de crédits budgétaires, dont les deux tiers pour l'ONF. Jusqu'en 1999, et depuis la Seconde guerre mondiale nous disposions du Fonds forestier national (FNN), supprimé à la suite d'une erreur collective. Même les professionnels bondissaient de joie : on supprimait une taxe ! Las, le budget de l'État ne l'a nullement compensée.

Nous avons tenté, au cours de la discussion budgétaire pour 2013, d'arracher quelques dizaines de milliers d'euros sur la vente des quotas de carbone. Le Sénat l'a voté, mais les aléas parlementaires l'ont fait tomber aux oubliettes, je me sens quelque peu fautif... (Sourires)

M. Claude Bérit-Débat.  - Il y a de quoi !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Certes.

M. Philippe Leroy, rapporteur.  - Puissions-nous pérenniser le soutien financier à la filière. Il y a tant à faire et cela ne coûte pas très cher. Je traduis la pensée de tous les bancs de cette assemblée.

Le texte qui nous est soumis est technique. Il organise le code, à la suite de la loi de modernisation de l'agriculture. Les parlementaires, qui n'aiment pas les ordonnances qui les court-circuitent, reconnaissent que, pour recodifier, il est difficile de procéder autrement, d'autant que la ratification ne se fait pas à la sauvette, comme en témoigne notre séance solennelle de ce matin. Nous avons ainsi l'occasion d'aller un peu au-delà du droit constant. C'est dans cet esprit que j'ai présenté plusieurs amendements à l'article 2, en liaison avec les services du ministère.

Je n'ai aucune critique à formuler. La commission a approuvé dans son ensemble ce projet de loi. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu aider à satisfaire les attentes de la profession, notamment pour la vente de bois. Nous clarifions le problème de la pépinière corse, qui s'enorgueillit des plus beaux pins du monde.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le laricio.

M. Philippe Leroy, rapporteur.  - Préparons ensemble la loi d'avenir sur la forêt. (Applaudissements)

Mme Bernadette Bourzai .  - Ce texte très technique a le mérite d'ouvrir un débat sur la forêt. Il met le code en conformité avec les nombreuses modifications intervenues depuis 1979 et en particulier la loi forestière de 2001, sans l'altérer sur le fond. Cet effort de clarification n'a pas été critiqué, au contraire. Nous, parlementaires, apprécions habituellement peu les ordonnances. Mais ici cette procédure est justifiée. Le consensus règne sur ce projet de loi déposé par Bruno Le Maire et mené à bien par vous-même, monsieur le ministre.

L'inaliénabilité du domaine de l'État est rappelée. La compétence de la pépinière d'Ajaccio, qui emploie cinq agents, est confiée à la Corse.

Les délais de paiement de la filière bois pour les ventes en bloc et sur pied ont justifié de nombreuses sollicitations. Le produit de la vente est extrait progressivement des parcelles, d'où un échelonnement des paiements que ne permet pas le droit actuel ; une disposition consensuelle est proposée par ce projet de loi, que la commission des affaires économiques a adopté à l'unanimité après un débat très actif.

Avec 430 000 emplois en zone rurale et quelque 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires, le poids économique de la forêt est loin d'être négligeable, comme l'a montré le Conseil économique, social et environnemental. Le bois énergie représente les deux tiers de l'énergie renouvelable utilisée en France. Ce rapport insiste sur l'insuffisante organisation de la filière bois : nous exportons des bois bruts de faible valeur et importons des bois transformés à forte valeur ajoutée. Vous proposez, monsieur le ministre, de remédier aux maux de la filière avec la future loi d'avenir. Pourquoi pas une loi entièrement consacrée à la forêt ? Peut-être l'agenda est-il déjà très chargé...

La forêt contribue à la conservation des écosystèmes et de la biodiversité. Elle stocke le carbone, purifie l'eau, enrichit les sols, offre des plantes médicinales. La diversité de ses fonctions en fait un atout considérable. Pensez, par exemple, que la ville de Munich voudrait lui confier la tâche d'épurer ses eaux usées !

Le reboisement est insuffisant depuis une dizaine d'années. Je peux vous emmener en Haute-Corrèze, vous y verrez des parcelles dévastées par la tempête de 1999, encore en vrac. Nous avons besoin d'un nouveau FFN.

La région Limousin dispose d'un haut potentiel forestier, parvenu à maturité. Mais je crains des conflits d'usage entre bois énergie et bois de construction

Je connais monsieur le ministre, votre intérêt pour la forêt. Nous vous félicitons pour les rencontres régionales que vous avez lancées. Les assises de la forêt joueront un rôle important pour la loi d'avenir. Nous apprécions votre engagement et vous soutenons avec détermination et énergie. (Applaudissements)

Mme Mireille Schurch .  - Nous nous réjouissons de ce débat sur la forêt. C'est un bien commun, un patrimoine écologique. Après la Corrèze, je veux ici évoquer l'Allier, qui comprend la plus belle chênaie d'Europe. (On feint de s'offusquer)

M. Claude Bérit-Débat.  - Et la Dordogne ?

Mme Mireille Schurch.  - Notre forêt joue un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité, la protection des sols, la régulation des grands équilibres climatiques. Elle contribue à l'attractivité du territoire. La filière bois fait travailler 430 000 personnes.

Ce projet de loi n'est pas la pierre angulaire d'une vaste réforme, mais nous permet de dessiner les perspectives de la future loi sur la forêt. Il faudra sortir d'une logique purement mercantile au profit des plans régionaux ou des stratégies locales. La logique financière et commerciale prend le dessus sur la gestion durable.

La forêt française est principalement constituée de feuillus, mais la demande porte sur les résineux. La LMA a créé un droit de préférence au profit des forestiers voisins, afin de lutter contre le morcellement de la forêt privée. Mais ce texte est contourné par des groupes financiers qui plantent des résineux en monoculture. Cet enrésinement excessif est néfaste. L'on martèle qu'il faut développer la filière bois. Oui, elle est un atout pour notre pays et nos territoires. Il y a un risque de baisse de l'âge d'exploitabilité des forêts, avec une préférence systématique pour les résineux, plus rentables à court terme. C'est l'industrie qui doit s'adapter à la forêt pour la respecter, pas l'inverse que privilégie le droit actuel.

La forêt pourrait bénéficier des crédits carbone. Si nous voulons une filière bois dépassant le stade de l'expérience, commençons par la formation, donnons confiance aux forestiers, aux scieurs. La forêt a été saignée à blanc par la RGPP. Les forestiers doutent de leurs missions, enchaînés aux objectifs commerciaux, d'où le mal-être du personnel de l'ONF, touché par de nombreux suicides.

L'ambition française en faveur de la forêt se heurte à une réalité complexe et des enjeux contradictoires. Nous attendons la loi que vous annoncez. Réfléchissons à la mise en place d'un outil de regroupement forestier, en élargissant le rôle des Safer et en confiant de nouveaux droits aux communes.

Il était nécessaire de simplifier le code forestier, comme le demandent de nombreux professionnels. Nous nous réjouissons de la simplification et de la clarification des procédures. Nous voterons ce projet de loi dans le consensus. (Applaudissements)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Avec 25 millions d'hectares, la France est le troisième pays forestier de l'Union européenne. Élu d'un département où la forêt couvre plus du quart du territoire, j'apprécie le sens de ce projet de loi. Il fallait légiférer, même si nous attendons encore la grande réforme forestière prévue dans le cadre de la loi d'avenir de l'agriculture. Je remercie le rapporteur qui, grâce à son expérience professionnelle, connaît parfaitement la forêt.

L'ordonnance a refondu une partie du code forestier de 1979. Ce n'était pas inutile. Ce texte va au-delà, en proposant quelques ajustements. L'article 2 clarifie le financement du Plan pluriannuel régional de développement forestier en le distinguant de celui du financement du Centre national de la propriété forestière. Il améliore le régime juridique du défrichement des dunes côtières, ainsi que les délais de transmission au juge des libertés et de la détention des procès-verbaux outre-mer.

Je salue le travail de la commission des affaires économiques, qui a ajouté l'article 2 bis sur les délais de paiement pour les ventes de bois en bloc et sur pied, qui devaient être adaptés. L'article 4 concerne le transfert à la collectivité territoriale de Corse de la compétence sur la production et la multiplication des plants forestiers, censuré par le Conseil constitutionnel car étranger à l'objet des lois de finances. Toutes ces dispositions votées à l'unanimité en commission sont consensuelles. C'est pourquoi le groupe UDI-UC votera ce projet de loi.

Je souhaite rappeler le rôle majeur qui pourrait jouer la forêt, mais la filière bois est sous-exploitée. Le bois est un atout considérable pour l'activité et l'emploi. Rendre la forêt plus productive est loin d'être incompatible avec ses missions écologiques et sociétales. Là comme ailleurs, il faut trouver un juste milieu. (Applaudissements)

M. Stéphane Mazars .  - Ce projet de loi technique s'inscrit dans un effort de clarification, de cohérence et d'équilibre indispensable, à l'heure où les lois s'accumulent sans souci de coordination juridique. Le Conseil constitutionnel a fait de l'intelligibilité de la loi un objectif de valeur constitutionnelle.

Notre pays dispose d'une vaste forêt, bien gérée, et de savoir-faire issus d'une longue tradition, dont nous devons tirer parti pour créer des emplois. La forêt de l'Aveyron, aussi jolie que celles de l'Allier et de la Corrèze (Sourires), est majoritairement composée de feuillus, avec des différences marquées selon l'altitude, les pentes, les descentes. Le volume annuel exploité ne porte que sur 22 % de l'accroissement naturel. Il est largement possible d'aller au-delà. En France, on s'est focalisé sur la conservation au détriment de l'exploitation, alors que l'usage du bois-matériau et du bois-énergie se développe. La demande dans la construction concerne les résineux, ce qui est un handicap commercial pour nous. Il faut relancer la politique forestière, aider la filière bois à se structurer.

Le volet forestier de la loi d'avenir est une très bonne initiative. Prenons garde à conserver un équilibre entre la forêt originaire et la forêt implantée. On renouvelle peu. L'initiative du plan carbone de la région Midi-Pyrénées est excellente.

L'emploi des techniques modernes d'exploitation est nécessaire, ainsi qu'un réseau de voirie. Le FFN a été malheureusement asséché, l'ONF saigné par la RGPP. Nulle production forestière ne sera possible si les entreprises ne peuvent recruter une main-d'oeuvre qualifiée, faute de formation adaptée. L'animation sur le terrain et des moyens supplémentaires sont indispensables.

Monsieur le ministre, vous êtes investi sur ce sujet. Vous saurez trouver les moyens financiers nécessaires pour accompagner votre légitime ambition. (Applaudissements)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

M. Joël Labbé .  - La gestion des forêts, qui représentent plus de 35 % du territoire avec les outre-mer, est réglementée depuis le XVIIe siècle et Colbert.

Nous sommes nombreux à considérer que le code forestier est inadapté. Ce texte apporte peu de changement mais quelques améliorations, comme la défense contre l'incendie, l'harmonisation et la simplification des sanctions pénales. Certains problèmes pratiques sont réglés, comme le transfert à la Corse de la compétence de production et de multiplication de plants forestiers et autres végétaux. La LME exige en outre un paiement à 60 jours après émission de la facture, inadapté à la filière : ce texte y remédie. Cela dit, il ne promeut pas la politique forestière ambitieuse que nous attendons. Les assises à venir doivent préparer la grande loi agricole annoncée.

La forêt équatoriale guyanaise - 90 % de son territoire, 8 millions d'hectares - est parmi les plus riches et les moins écologiquement fragmentées du monde. La France a un rôle fondamental à jouer sur la scène internationale. L'éco-piraterie, l'orpaillage légal ou illégal conduisent à la privatisation de certaines ressources et à la destruction de plusieurs milliers d'hectares de forêt chaque année.

La forêt joue un rôle social important, qui a été rappelé. Plus encore en Guyane, où s'y joue le sort des peuples autochtones. Or la France n'a pas encore signé la déclaration des Nations unies sur leurs droits, comme nous l'avons appris lorsque le président Bel a reçu le cacique Raoni au Sénat...

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Cela ne relève pas du ministère de l'agriculture.

M. Joël Labbé.  - En métropole, il faut une gestion plus dynamique, moderniser les scieries et les équipements de séchage, lancer une vraie filière de bois-construction, travailler avec les collectivités pour les réseaux de chaleur, développer la recherche et la formation, promouvoir une gestion durable de la filière bois-énergie, préserver la biodiversité. La protection de l'environnement est compatible avec gestion productive. La forêt génère 450 000 emplois. La France peut mieux faire encore.

Reste la question du bois de bocage, absurdement détruit par le remembrement en Bretagne et ailleurs. On le reconstitue : il est essentiel à la qualité de l'eau et aux cultures. L'agroforesterie, qui conjugue avec bonheur bois, élevage, culture et paysage, est une voie d'avenir.

Nous voterons sans doute ce texte à l'unanimité. Le Sénat va bien pour le moment... (Applaudissements à gauche)

M. Jackie Pierre .  - Le choix de codifier à droit constant par la voie de l'ordonnance est pertinent ; il ne met pas en cause les prérogatives du Parlement. Le nouveau code sera plus lisible. Philippe Leroy l'a noté, l'exercice est réussi.

M. Charles Revet.  - Il est connaisseur !

M. Jackie Pierre.  - Les quelques aménagements qu'il propose recueillent notre assentiment.

Texte important donc, mais qui n'est que d'ajustement. Manque encore une politique forestière ambitieuse. Le Vosgien que je suis peut le dire : la forêt est notre plus grande richesse et joue un rôle économique majeur. La forêt vosgienne est la deuxième surface forestière de France, avec plus de 300 000 hectares sur trois régions. Il y faut un vrai volontarisme, un agenda, des perspectives. Le Conseil économique, social et environnemental, en octobre 2012, déplorait la mauvaise valorisation de cette richesse, qui représente un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros et 400 000 emplois et joue un rôle majeur dans l'aménagement du territoire.

Or, la balance commerciale de la filière est en déficit de 6 milliards d'euros. Comment faire évoluer les habitudes de gestion, pour la rendre plus productive tout en favorisant une gestion durable ? Comment expliquer, alors que nous sommes réputés pour la qualité de nos bois, que la valeur ajoutée nous échappe ? Le futur projet de loi devra répondre à ces questions, étant entendu qu'une politique ambitieuse nécessitera des moyens supplémentaires - par le biais de l'affectation d'une part de la taxe carbone, par exemple. Le temps n'est plus à l'analyse, mais à l'action ! (Marques d'approbation à droite)

Il faut travailler à pérenniser les emplois, faire un effort de recherche, et trouver les moyens financiers indispensables. J'espère que la future loi d'avenir pour l'agriculture comportera un volet forestier ambitieux. Dans cette attente, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Charles Revet.  - Bravo !

M. Claude Bérit-Débat .  - La recodification était nécessaire et attendue. Cette refonte n'est qu'une première étape vers la redéfinition d'une politique ambitieuse.

La forêt est un héritage mais aussi un atout, à la condition qu'elle soit correctement exploitée. Mon département, la Dordogne, peut se targuer de quelques spécificités, comme les chênes truffiers. (Exclamations amusées) La filière y emploie 400 salariés mais elle est à la peine. Elle représente encore 20 % des emplois industriels du département, mais s'étiole. La tendance doit s'inverser. Nous pourrions faire progresser les chiffres de l'emploi - 400 000 aujourd'hui au plan national - si nous savions faire mieux qu'exporter notre bois brut pour importer des bois travaillés, au prix d'un déficit commercial de 6 milliards d'euros.

Nous passons à côté d'un gisement de croissance et d'emploi. Des mesures s'imposent. Au-delà de celles qui sont ici proposées, il faudrait songer à la question de l'affectation d'une part de la taxe carbone, régler le problème du morcellement des parcelles - via le droit de préférence - afin de créer une filière bois marchant sur ses deux jambes, bois-construction et bois-énergie. Il faut reconstruire l'activité sciage, développer la formation. Bref, il y a beaucoup à faire. Il y faut une vraie ambition. Les assises de mai 2013 devront y pourvoir.

Nous voterons, dans cette attente, ce projet de loi. (Applaudissements)

M. Stéphane Le Foll, ministre .  - Merci de ce consensus autour d'un nécessaire effort de codification. J'ai bien compris, à vous entendre, que nous sommes déjà entrés dans le débat sur l'avenir de la filière. La taxe carbone, l'organisation de la filière, les opportunités de certains marchés, en particulier dans la construction, la structure - entre feuillus et résineux - de notre forêt. Il va falloir s'y mettre, en tenant compte du rôle de la forêt dans la biodiversité, les paysages, sans oublier son rôle économique. Nos convergences sont la meilleure manière d'aller de l'avant.

Il fut un temps où je repiquais des arbres pour reformer les haies après un remembrement. Je me rappelle un joli procédé mnémotechnique : « Hêtre à poils, charme à dents ». Je constate que le Sénat est sur les dents pour préparer l'avenir de la forêt. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Mme Odette Herviaux .  - Nous sommes nombreux à espérer une politique ambitieuse pour la forêt. Si l'on veut créer une vraie filière, il faut travailler avec les collectivités territoriales, mener avec elles un travail important d'aide à la certification pour la construction.

Il est des situations particulières. Dans mon département du Morbihan, bien des zones boisées - traditionnellement dénommées « landes » en Bretagne - ne sont pas classées en bois : rien n'interdit en conséquence de les raser. Ce qui ne va pas sans quelques indélicatesses... Il faut une vraie politique de préservation et de classement des terrains boisés. Comme il y a beaucoup de bois non certifiés, il faut importer : c'est aberrant.

C'est un plan d'ensemble qu'il faut mettre en place. Je sais votre volonté, monsieur le ministre. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin .  - La filière bois est une filière d'avenir, mais on a du mal à faire émerger une politique nationale. Il nous manque des formations supérieures, comme a su les créer, en dix ans, le Québec, qui a aussi édicté l'interdiction d'exporter des bois non transformés.

Un mètre cube de bois capte une tonne de carbone. Créer une filière construction, c'est aussi une question culturelle. Il faut changer les représentations. Nos scieries ont besoin d'être modernisées. Et l'emboutage est chez nous le maillon manquant.

M. Jackie Pierre.  - Exact !

M. Martial Bourquin.  - Ne pourrions-nous investir pour développer toute la chaîne, afin de nous donner, en quelques années, avec l'aide du Fonds stratégique d'investissement (FSI), de la politique territoriale, une filière compétitive, créatrice d'emplois, exportatrice et permettant de construire un habitat durable ? (Applaudissements à gauche)

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 2 bis

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. P. Leroy, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 155-2.  -  Lorsque les ventes se font à un prix global déterminé au moment de la vente et sur pied, l'acheteur exploite les bois signalés ou marqués comme objet de la vente dans le respect des conditions d'exploitation définies par le contrat. Le contrat fixe, au sein de la période d'exploitation, une ou plusieurs dates auxquelles tout ou partie des bois objet de la vente seront regardés comme livrés. Ces dates de livraison constituent le point de départ des délais de règlement, sans pouvoir excéder les délais de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours mentionnés à l'article L. 441 - 6 du code de commerce, à compter de la date de livraison. Une facture peut néanmoins être émise dès la signature du contrat pour la totalité des bois vendus. »

M. Philippe Leroy, rapporteur.  - Chaque mot, en matière forestière, a une signification liée à ses usages, souvent très anciens. Le terme de permis d'exploitation, que nous avions initialement introduit, doit en l'espèce être remplacé par celui de contrat de vente.

La vente en bloc et sur pied est très répandue. Elle consiste à marquer les arbres, charge aux acheteurs de faire leur offre et d'abattre. On cherche aujourd'hui à faire évoluer ce système traditionnel, qui n'est peut-être pas le mieux adapté à la modernisation du secteur : les avis sont partagés.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis favorable à l'amendement.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Nous aurons à débattre de la question de la vente en bloc et sur pied...

Il faut avant tout rechercher la meilleure adéquation entre l'offre et la demande. Une scierie lorraine que j'ai visitée, fabriquant des planchers de chêne, passe plus de temps à ses approvisionnements qu'à la recherche de débouchés : c'est un problème. Le texte à venir apportera des réponses.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

L'amendement n°1 est adopté.

L'article 2 bis, modifié, est adopté.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

Intervention sur l'ensemble

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Au-delà du toilettage auquel nous procédons, il faudra engager une vraie structuration de la filière, en évitant à cette occasion de susciter des antagonismes. Mme Herviaux a eu raison d'en appeler à la responsabilité des collectivités territoriales. Je parle sous le regard de Colbert, créateur de la Royale, grâce aux forêts, et qui a laissé quelques traces dans les hautes vallées pyrénéennes. Ceux qui connaissent la vallée d'Aspe sauront de quoi je parle... (Applaudissements à gauche)

L'ensemble du projet de loi est adopté.

(Applaudissements ; M. le ministre remercie)

La séance est suspendue à 11 h 5.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.