Éco-participation (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la prorogation du mécanisme de l'éco-participation répercutée à l'identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers. (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Gérard Miquel, auteur de la proposition de loi .  - Lors de la loi de finances pour 2013, le Sénat a voté un amendement prolongeant le mécanisme de l'éco-participation sur les D3E, qui n'a pu prospérer pour les raisons que l'on sait.

Nous y revenons ici. Le mécanisme visé est vertueux : il assure le financement du recyclage des déchets historiques, orphelins, avec le souci de responsabiliser les producteurs. Quatre éco-organismes ont été mis en place, l'un d'entre eux assure plus de 80 % du marché : on peut s'interroger sur le nombre des habilitations.

La performance de collecte est de 7 kg/habitant, sachant que 22 kg/habitant sont mis sur le marché. Il faut donc aller plus loin. Les collectivités territoriales jouent un rôle actif. Le traitement des collectes est assuré par des opérateurs retenus sur appel d'offre, dont des opérateurs associatifs. Écosystème a permis de soutenir ces opérateurs, dont Emmaüs, et de soutenir l'emploi -la filière représente 3 500 emplois, dont 1 500 dans l'économie sociale et solidaire.

Il faut aussi lutter contre les exportations illicites, d'autant que dans les pays de destination, le recyclage est assuré dans des conditions indignes.

Le régime en vigueur en France a permis de structurer une des filières les plus performantes d'Europe. Mais la filière des D3E est encore jeune, les installations ne sont pas amorties et toutes les capacités ne sont pas installées. La répercussion a pour contrepartie la prise en charge des déchets historiques, dont le volume reste encore très élevé : 92,9 % en moyenne. Le seuil de 50 % ne sera, au mieux, atteint qu'en 2019. Une étude de l'association CLCV indique que les consommateurs sont favorables à 85 % au maintien de l'affichage de l'éco-participation.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à proroger ce mécanisme jusqu'au 1er janvier 2020.

M. Alain Houpert, rapporteur de la commission du développement durable .  - Ce texte d'apparence modeste, aura des conséquences majeures sur la politique environnementale. En vertu du régime de la responsabilité élargie du producteur, il met en oeuvre le principe du « pollueur-payeur », conformément à la directive de 1975 sur les déchets. En France, la loi du 15 juillet 2005 a introduit le principe de responsabilité des producteurs, appelés soit à mettre en place un système propre de collecte et de traitement, soit à adhérer à l'éco-organisme agréé. Des objectifs chiffrés ont été fixés. Les D3E comprennent les gros et petits appareils ménagers et les écrans, jusqu'au simples lampes. La création de cette filière a été imposée par la directive Déchets du 27 janvier 2003 transposée par le décret du 20 juillet 2005. La nouvelle directive impose un objectif chiffré de 4 kilos par an et par habitant en 2006 et une obligation de reprise gratuite des vieux appareils. La filière française, qui est en vigueur depuis le 15 novembre 2006, repose sur quatre opérateurs, dont Écosystème. En 2011, sur 1,4 million de tonnes d'équipement, Écosystème en a traité 74 % et 6,9 kilos par habitant et par an de D3E ont été collectés. Il existe donc un gisement de valorisation. En 2011, la filière a évité 70 millions de dépenses aux collectivités territoriales et les éco-organismes ont reversé 32 millions à leurs partenaires. Elle est une filière d'emplois, comme l'a rappelé M. Miquel.

Se pose, cependant, le problème des déchets historiques, ceux mis sur le marché avant le 13 août 2005. Il serait dommageable que les producteurs cherchent à répercuter les coûts de leur traitement sur l'aval de la filière, d'où l'obligation d'afficher le montant de l'éco-contribution sur la facture. Mais ce dispositif prendra fin en 2013, alors que le stock des déchets historiques -encore très élevé : 93 % des collectes- restera supérieur à 50 % jusqu'en 2019 -date à laquelle il serait envisageable de revenir à un système de droit commun. D'où cette proposition de loi qui vise à proroger le dispositif et corriger une erreur matérielle.

On ne peut que souscrire à cet objectif. La commission du développement durable a adopté ce texte en l'assortissant d'un amendement de cohérence. Il s'agit de minimiser les coûts de fin de vie de produits tout en garantissant un recyclage de qualité, en informant mieux les citoyens et en sécurisant des opérateurs de traitement. La filière des D3E est jeune, ne la fragilisons pas par la disparition prématurée de la contribution visible. Ainsi, nous léguerons à nos enfants une belle planète. (Applaudissements à droite)

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Ce texte vise à proroger un dispositif indispensable pour la filière : la contribution visible. Il répond à l'inquiétude des acteurs, notamment des associations Emmaüs et Envie. Comme l'a rappelé M. Miquel, un amendement avait été adopté en loi de finances, qui n'a pu prospérer. Je le remercie d'y être revenu. La filière travaille pour le développement des énergies renouvelables, où nous voulons créer 100 000 emplois en trois ans, et pour l'économie circulaire. Il faut transformer nos modes de consommation, passer du tout jetable au recyclable, à la valorisation des déchets et à l'éco-conception. Derrière nos déchets, il y a des métaux, des terres rares, des emplois, non délocalisables. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », disait Lavoisier.

La France est treizième sur vingt-sept pour le taux de recyclage des déchets en Europe. D'autres pays arrivent à un taux de mise en décharge de seulement 5 %, quand nous sommes encore à 34 %. J'ai voulu que le Gouvernement propose un plan stratégique. Des réflexions sont en cours sur l'obsolescence stratégique des produits -je pense aux travaux de Jean-Vincent Placé, qui méritent d'être encouragés.

Sur la filière D3E, l'éco-contribution finance le traitement des déchets historiques. Le Gouvernement est entièrement favorable à ce texte qui repousse la date d'extinction du dispositif à 2020. Cela aidera à lutter contre les exportations illicites et à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Cette proposition de loi est très attendue par les acteurs de l'économie sociale et solidaire, porteuse d'emplois. Les déchets historiques comptent encore pour plus de 90 %. J'ajoute que la nouvelle directive imposera un taux de collecte double par rapport à celui d'aujourd'hui.

Je salue le travail du président du conseil national des déchets qu'est Gérard Miquel, sa contribution au plan Déchets 2020. J'espère que ce texte sera adopté à l'unanimité, comme en commission.

M. Jean-Claude Requier .  - La part des déchets historiques demeure très élevée. Or, ils comportent des substances dangereuses pour l'environnement et la santé et leur recyclage permet de récupérer des métaux et des terres rares.

Favoriser leur traitement évitera l'exportation vers des pays où n'existe aucune garantie : on y voit des enfants travaillant dans les décharges.

M. Miquel propose de proroger le dispositif de l'éco-contribution visible jusqu'en 2020, date à laquelle les déchets nouveaux deviendront plus nombreux que les déchets historiques.

La filière a fait ses preuves. Utile à la collectivité, elle est créatrice d'emplois et l'éco-contribution visible a une vraie valeur pédagogique, bien nécessaire alors que la nouvelle directive va doubler les exigences de recyclage.

Il faut sensibiliser tous les acteurs pour modifier les comportements. Alors que l'immatériel envahit notre univers, il faut intégrer les préoccupations environnementales sur tout le cycle de production et de consommation. Nous renouvelons constamment nos équipements, donc nos rejets. Les fabricants se ne privent pas d'user de tous les moyens pour nous pousser à renouveler nos ordinateurs. Autant de déchets qui s'accumulent. Le groupe du RDSE ne peut donc que soutenir ce texte qui met en application le principe du pollueur-payeur. Gérard Miquel fut un pionnier en matière de collecte sélective ; au départ ses propositions furent accueillies avec une certaine fraîcheur par les vieux conseillers généraux. Depuis, l'idée a fait son chemin.

Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls militaires. Le paraphrasant, j'ajoute que l'environnement est une chose trop sérieuse pour être laissé aux seuls écologistes. (Rires et applaudissements à gauche)

M. Jean-Vincent Placé.  - Rejoignez-nous !

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable.  - C'est du Mézard !

M. Ronan Dantec .  - L'amendement voté au Sénat en loi de finances fut la victime collatérale d'un débat plus général. Il n'en ira pas de même ici.

La prorogation de l'éco-participation visible sécurise le financement de la filière. Les écologistes soutiennent ce mécanisme, fondé sur le principe pollueur-payeur, d'autant que la consommation de produits de haute technologie, comme les tablettes et les Smartphones, va produire de nouveaux déchets en nombre.

Ce dispositif aide aussi à lutter contre les exportations illégales de déchets, qui s'effectuent en violation de la convention de Bâle de 1992.

Autre atout de la filière, sa dimension sociale : nous avons besoin d'emplois d'insertion.

Proroger ce mécanisme consolidera la filière HQE au moment où les objectifs européens deviennent de plus en plus ambitieux. L'enjeu économique et social rejoint les exigences environnementales, car le recyclage de métaux et terres rares est essentiel. A l'heure où l'État réduit ses dotations, il faut trouver le moyen d'éviter aux collectivités d'accroître leurs charges grâce à l'autofinancement de la filière.

J'ajoute que les consommateurs soutiennent ce mécanisme. 85 % sont favorables au maintien de l'affichage séparé de l'éco-contribution, selon une enquête de la CLVC de 2012.

Veillons, enfin, au respect de la loi : il est bien des pratiques illégales sur internet qui ne respectent pas les obligations d'affichage. Avec l'éco-conception et l'augmentation de la durée légale de garantie, on pourra lutter contre l'obsolescence programmée des produits. C'est en généralisant les comportements responsables que l'on atteindra nos objectifs. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Jacques Filleul .  - Président d'une communauté de communes, j'ai compétence sur la collecte de D3E, qui a pris sa place dans le tri sélectif. La filière a été créée en 2006, après transposition de la directive de 2002 qui vise à responsabiliser les producteurs. Elle repose sur des éco-organismes qui gèrent la collecte et le traitement, en se finançant par l'éco-participation. Les déchets sont collectés soit par les distributeurs dans le cadre du un pour un, soit par les collectivités territoriales, soit par les opérateurs de l'économie solidaire. Chaque année, ce sont 25 kg par habitant qui sont mis sur le marché ; 5,7 kg sont collectés aujourd'hui. Ce qui souligne l'intérêt du dispositif qui doit expirer cette année. Il y avait urgence à agir. Gérard Miquel, qui avait anticipé dans la loi de finances, y revient aujourd'hui.

Il faudra veiller sur l'amont pour diminuer en aval la quantité de matières à recycler. Et lutter contre la stratégie de l'obsolescence programmée, qui a un fort impact sur la création de déchets. Il faut, conformément aux ambitions du Grenelle, passer du tout jetable au tout utile, avec une société du recyclage et du réemploi. Une telle politique favorise l'emploi, en particulier dans l'économie sociale et solidaire.

Il était urgent d'agir pour conforter la filière. Ce texte apporte une réponse mais il faut, au-delà, mettre en place une politique volontariste. C'est une première pierre apportée à une grande cause. Le groupe socialiste votera ce texte.

Mme Évelyne Didier .  - Merci à M. Miquel et à M. Houpert de leur excellent travail. Depuis sa création en 2006, la filière D3E n'a cessé de se développer : fin 2010, elle touchait 59 millions de Français. Les collectivités territoriales sont responsables des deux tiers de la collecte, la distribution d'un gros quart, le reste étant collecté par les acteurs de l'économie sociale et solidaire.

Toutefois, seulement 11 % de ces déchets sont destinés au réemploi et 1,3 % effectivement réemployés tels quels. La réutilisation de pièces détachées représente moins de 0,1 % de la masse des D3E collectés, ce qui ne facilite pas la réparation d'équipements électriques et électroniques parfaitement réemployables une fois les pièces défectueuses remplacées. Il faut en finir avec l'incinération et en venir à l'éco-conception, passer d'un modèle curatif, ou l'on s'épuise à réduire des externalités négatives, à un modèle préventif.

La sophistication croissante d'équipements électroniques conduit à utiliser des métaux toxiques, mais aussi des terres rares dont la Chine est en passe de s'assurer le monopole de production. La filière de recyclage des D3E est donc une mine d'or au propre comme au figuré.

Ce texte a pour objet de sécuriser le financement de la collecte des déchets historiques jusqu'en 2020, date à laquelle ils représenteront 50 % des déchets. Au-delà, le tout est de soutenir une filière d'avenir pour notre pays, qui peut servir d'exemple à travers le monde. Le groupe CRC votera ce texte sans réserve. (Applaudissements)

M. Yves Détraigne .  - Tout a été dit sur ce sujet consensuel. En tant que maire d'une commune de Champagne-Ardenne où fut créée la première déchetterie, je ne peux qu'approuver ce texte. Le principe de la responsabilité élargie du producteur est vertueux : il envoie un signal au consommateur et finance son recyclage.

Grâce à la contribution visible, nous avons bâti une filière des D3E à haute qualité environnementale. Ses atouts sont nombreux bien qu'elle soit encore jeune et en devenir. Pour ne pas perturber sa montée en charge, votons ce texte : l'éco-contribution visible est pédagogique et garantit la répercussion sur le producteur.

Cette éco-contribution sur les D3E a été un modèle aujourd'hui étendu aux déchets d'éléments d'ameublement et aux déchets d'activités de soin à risques infectieux dont on parle pourtant depuis plusieurs années mais dont la mise en oeuvre sur le terrain semble plus compliquée que prévue. Pouvez-vous faire un bilan ?

Le groupe UDI-UC votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements)

Mme Esther Sittler .  - Il y a urgence à proroger ce dispositif de contribution visible dont tout le monde reconnaît l'efficacité.

Selon l'Ademe, entre 2006 et 2011, 1,8 million de tonnes de D3E déclarées ont été collectées, ménagers et professionnels confondus. La collecte des seuls déchets ménagers a augmenté de 7 % en 2011. Avec 6,9 kg par habitant collectés en 2011, l'objectif de collecte de 4 kg par habitant au 31 décembre 2006, fixé par la directive D3E, est dépassé. II ne s'agit toutefois que d'un premier pas car il est de 10 kg en 2014 et 14 kg en 2019. Nous en sommes encore loin.

Des questions restent pourtant non résolues dans ce texte. La responsabilité élargie du producteur repose sur les producteurs, lesquels tiennent une part réduite dans la collecte : 27 % en moyenne, 13 % pour les distributeurs sur internet. Comment les inciter à faire mieux ? Comment contraindre les distributeurs à mieux appliquer leur obligation de reprendre gratuitement les produits équivalents ?

Ensuite, nous avons des progrès à faire sur l'éco-conception. Ne faut-il pas mieux informer sur la durée de vie des produits au-delà de la garantie et soutenir la filière de la réparation ?

Enfin, la collecte des gros appareils affiche le taux le plus bas en raison des pillages de déchetteries et du vol d'équipements usagers sur la voie publique avant enlèvement par les encombrants, en vue de la récupération des métaux. Que faire pour enrayer le développement de cette filière illégale ? Nous voterons ce texte. (Applaudissements)

Mme Delphine Batho, ministre .  - Oui, il faut aller plus loin, comme l'ont souligné plusieurs orateurs. Le système du bonus-malus peut être une première réponse à l'obsolescence programmée. Il peut aussi avoir d'autres effets vertueux sur la production, s'appliquer, par exemple, aux chargeurs de téléphone non universels. Nous luttons contre la filière illégale de recyclage et menons, avec M. Valls, des opérations de contrôle pour la résorber.

Les terres rares ? J'entends mettre en place une obligation de réemploi des terres rares. Merci à Mme Didier pour ses propos ; elle connaît bien le sujet pour présider le groupe des déchets du Sénat. La filière pour les bouteilles de gaz comme celle sur les meubles, créée par un décret en décembre 2012, seront opérationnelles en 2013. Mme Sittler a raison : nous devons faire oeuvre de plus de pédagogie. C'est l'enjeu de l'éco-affichage. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Supprimer les mots :

À compter du 13 février 2013 et

Mme Delphine Batho, ministre.  - L'absence d'obligation n'empêche pas le maintien de la contribution visible. Cela étant précisé, il faut éviter de faire référence à une date dans la loi pour éviter la rétroactivité.

M. Alain Houpert, rapporteur.  - La commission n'a pu examiner cet amendement, qui me paraît de bon sens.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article unique de la proposition de loi, modifié, est adopté.

M. le président.  - A l'unanimité ! (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 50.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 22 heures.