SÉANCE

du jeudi 25 avril 2013

96e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Débat sur la loi pénitentiaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la loi pénitentiaire.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois .  - Hasard du calendrier parlementaire, notre débat s'ouvre quelques jours après la spectaculaire évasion de Redoine Faïd puis les menaces d'évasion proférées par Christophe Khider.

Plutôt que sur ce qui relève des faits divers, penchons-nous sur les difficultés structurelles de notre système pénitentiaire, très bien analysées par Mme Borvo Cohen-Seat et M. Lecerf, corapporteurs de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, à qui je veux rendre hommage pour la qualité de leur travail et pour leur grande impartialité. Je rappelle que notre commission a décidé de confier ses rapports à des rapporteurs de sensibilité politique différente.

Le premier constat est de lacune : la non-publication de plusieurs décrets d'application de la loi pénitentiaire, plus de trois ans après, deux ans sous le précédent gouvernement et un an sous celui-ci.

Les articles 7 et 86 de la loi relative à l'évaluation des taux de récidive et aux règlements intérieurs peuvent-ils rester lettre morte ?

Où en est la réflexion du Gouvernement sur l'installation de lieux de vote dans les établissements pénitentiaires ? Proposer aux prisonniers de voter par procuration est-il réaliste ? À qui le détenu donnera-t-il une procuration ? La participation des détenus aux élections de 2012 n'a été que de 5 %.

Je vous exhorte à sortir la prison de son enfermement si j'ose dire. Au-delà des coups de projecteur médiatiques, il y a une responsabilité collective à assumer, qui doit mobiliser l'ensemble des acteurs publics et la société civile.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois .  - En juillet 2012, avec Mme Borvo Cohen-Seat, nous présentions un rapport d'information sur l'application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. N'est-ce pas un atout supplémentaire du Sénat que de parvenir à des propositions consensuelles, dont nous nous sommes entretenus ensemble peu après votre arrivée à la Chancellerie, madame la ministre. J'espère que vous aurez de bonnes nouvelles à nous annoncer.

Nous attendions la publication du règlement intérieur type par catégorie d'établissement, car d'une prison à l'autre, les régimes de détention peuvent beaucoup varier, créant un sentiment d'arbitraire chez les détenus. Le législateur avait également souhaité une évaluation des taux de récidive dans les établissements pour peines, non pour dresser je ne sais quel hit-parade des prisons, mais pour savoir quelles innovations développer, sur l'exemple de la prison ouverte de Casabianda.

Sur d'autres points aussi, nous attendons. L'obligation d'activité fait l'objet d'un vaste consensus, mais son application exige une volonté politique sans faille. Des initiatives innovantes ont été prises ça et là, mais bien des efforts restent à accomplir. Nous avions préconisé, même dans les établissements à gestion privée, que les entreprises, via les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers, soient systématiquement démarchées. Nous avions demandé l'installation de locaux adaptés et une priorité pour les établissements pénitentiaires pour les marchés publics, ce qui exige une modification réglementaire. Enfin pour assurer la formation professionnelle des détenus dans les établissements à gestion déléguée, il reste à modifier les cahiers des charges.

Le régime des fouilles représente un sujet de crispation majeure avec le personnel de surveillance. Le législateur n'a pas interdit les fouilles intégrales mais leur caractère systématique, pour protéger la dignité de chacun et limiter le risque suicidaire. Des portiques équipés de scanners permettent de visualiser le contenu des corps sans que le détenu n'ait à se dévêtir. Qu'on arrête de dire qu'ils coûtent trop cher ! Il faut installer des filets de protection et donner des ordres stricts aux forces de police et de gendarmerie pour empêcher les projections dans les cours de promenade qui sont à l'origine de l'introduction de produits dangereux.

Les prisons françaises sont parmi les plus sûres du monde. Je suis frappé de la distorsion entre l'écho médiatique que rencontre une seule évasion par rapport à 100 suicides. (M. Jacques Mézard approuve)

L'étude d'impact de la loi recommandait de réduire de 80 à 60 le nombre de dossiers suivis par un conseiller d'insertion et de probation. Mille embauches étaient nécessaires, nous en sommes loin.

De même qu'une politique pénitentiaire ne se réduit pas à l'augmentation des places, une politique d'aménagement des peines ne se résume pas à l'augmentation du nombre de bracelets électroniques.

Nous souhaitons encore une meilleure prise en compte de la maladie mentale, qui pourrait commencer par l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi adoptée en 2011 par le Sénat, prévoyant l'atténuation de la responsabilité pénale pour les personnes atteintes de troubles mentaux et un renforcement de l'obligation de soins. Sénateur du Nord, je tiens à rappeler que dans les deux départements du Nord-Pas-de-Calais, se trouve le tiers des matelas à terre, c'est dire la surpopulation carcérale qui explique en partie le drame de Sequedin. La reconstruction de la prison de Loos-lès-Lille s'impose, madame la garde des sceaux.

Lors de la discussion générale, j'avais dit que si la loi pénitentiaire était un échec, ce serait la pire déception de ma carrière sénatoriale. Robert Badinter m'avait assuré qu'il s'agissait d'une grande loi. Je sais que le combat est loin d'être terminé avant que les prisons cessent d'être « une humiliation pour la République », comme vous le dénonciez il y a déjà treize ans, cher Jean-Jacques Hyest ! (Applaudissements)

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE .  - La privation de liberté ne doit jamais être le retrait des droits fondamentaux de la personne humaine. Mon groupe a toujours été soucieux en toutes circonstances du respect de la dignité de chacun. Nous avions été à l'origine de la commission d'enquête dont le titre du rapport vient d'être cité.

Je salue ceux qui ont poursuivi ce travail, le président Hyest, Jean-René Lecerf.

Nous avons demandé que se tienne aujourd'hui ce débat, pour faire le bilan de la loi pénitentiaire et que vous disiez les orientations que vous souhaitez mettre en place, madame la garde des sceaux. Le nombre de personnes détenues s'est accru de 34 % en dix ans, le taux de détention est passé de 71 pour 100 000 habitants il y a dix ans à 99 pour 100 000 habitants et le taux moyen d?occupation est de 118 %.

Douze établissements ou quartiers ont une densité supérieure à 200°%. Le phénomène n'est pas spécifiquement français, ce qui n'est pas un motif de satisfaction. La surpopulation carcérale est un défi majeur. La construction de nouveaux établissements ne l'a pas réduite. C'est une course à la mer. Le taux moyen d'occupation des maisons d'arrêt est de 135 %.

Les conséquences de cette situation sont inacceptables. Nous lisons le rapport annuel du contrôleur général des lieux de privation de liberté, auquel je tiens à rendre hommage.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Très bien !

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE.  - L'article premier de la loi pénitentiaire résume ce sur quoi nous sommes unanimes : le régime de privation de liberté concilie la protection de la société et la surveillance de la personne détenue ainsi que l'intérêt des victimes avec la nécessité de préparer l'insertion ou la réinsertion des détenus.

Après une visite aux Baumettes, le contrôleur général parlait de nouveau de privation des droits fondamentaux, de traitements inhumains et dégradants. Jean-René Lecerf a dit ce qu'il convient de faire. La psychiatrie en prison pose un énorme problème.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Eh oui !

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE.  - Tous ces éléments convergent vers la violence. Le personnel de l'administration pénitentiaire travaille dans des conditions particulièrement éprouvantes. Madame la ministre, il faut passer aux actes. Nous connaissons votre détermination. La peine de privation de liberté demeure la référence de notre droit pénal. Nous payons la facture d'une politique pénale essentiellement répressive, trop souvent dictée par des faits divers. Légiférer sous le coup de l'émotion ne conduit pas à de bonnes lois. Les peines plancher et la rétention de sûreté en attestent. Les programmes immobiliers trop importants provoquent des difficultés particulières de gestion.

Le Parlement a bien travaillé sur la loi pénitentiaire, porteuse d'espoirs à l'époque. Nous souhaitons qu'elle atteigne ses objectifs. Cela ne se fait pas en un jour mais il y faut une volonté. C'est ce que nous attendons de vous. « La prison n'est qu'un reflet démesurément grandi de la société qui produit ceux qu'elle incrimine » a dit un détenu. Merci, madame la ministre, de prendre en compte le travail du Sénat. (Applaudissements)

Mme Esther Benbassa .  - « Les enfermés demeurent transparents », a écrit Philippe Artières. On ne s'étonnera pas que la France ait attendu en vain une grande réforme pénitentiaire pendant des décennies. Lionel Jospin l'a promise puis enterrée, Jacques Chirac l'a oubliée, Nicolas Sarkozy réduite à rien. La loi de 2009 n'a pas répondu aux attentes. Elle fut élaborée dans l'urgence d'un état des lieux désastreux. Plusieurs sujets brûlants n'y ont pas trouvé leur place, repoussés à plus tard. Notre conviction est toujours que le meilleur moyen de lutter contre la surpopulation carcérale est de ne pas enfermer les personnes qui n'ont rien à faire en prison : les malades mentaux, les sans-papiers, et les courtes peines.

Il faut en finir avec les peines plancher et la justice d'abattage des comparutions immédiates, la construction d'établissements en consacrant les moyens ainsi économisés à l'amélioration de la situation des détenus, des surveillants et des travailleurs sociaux. Les écologistes, doutant de l'efficacité de ce texte, se sont félicités de la mission confiée à Mme Borvo et M. Lecerf. Leurs conclusions ne sont guère surprenantes. Le législateur doit sans délai réformer ce droit en profondeur. Les retards de la publication des décrets d'application sont justement pointés par nos collègues, ainsi que les problèmes de moyens. Moins d'un tiers des conseillers d'insertion et de probation, dont le recrutement était nécessaire, ont été embauchés.

Je retiens de leurs propositions, entre autres, l'instauration d'un revenu minimal carcéral, du référé en cas de placement en quartier disciplinaire, la modification du code de procédure pénale afin que la libération conditionnelle s'applique aux détenus de plus de 70 ans. L'État a été condamné à plusieurs reprises par le traitement qu'il inflige aux détenus les plus âgés. L'Observatoire international des prisons classe la France loin derrière ses voisins et même derrière certains pays bien moins riches et moins démocratiques, pour le sort réservé à ses prisonniers. La République peut-elle indéfiniment fermer les yeux sur ce qui se passe derrière les hauts murs gris de ses prisons indignes ?

Les réformes ne doivent pas s'empiler mécaniquement. Le Gouvernement doit renoncer à cette construction baroque, résultat de dix-huit lois pénales dictées par l'émotion, prises par le précédent gouvernement. Le tout-répressif n'a pas fonctionné. Il est urgent de donner tous les moyens nécessaires à la réinsertion. Madame la ministre, le groupe écologiste attend de vous un calendrier et le périmètre de votre projet de loi. Vous pouvez compter sur notre soutien et notre force de proposition. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Cécile Cukierman .  - Les gouvernements précédents sont restés sourds aux alertes que nous avons relayées de l'Observatoire international des prisons (OIP) et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Gagnés par la frénésie législative dans le but de réprimer plus pour enfermer plus, ils étaient incapables de comprendre les vrais problèmes liés à la politique pénitentiaire, à tel point que vous vous retrouvez aujourd'hui, madame la garde des sceaux, devant un dossier délicat, qui réclame un travail long et compliqué, mais urgent puisqu'il y va de la vie et de la dignité humaine.

L'application de la loi de 2009 se heurte à de nombreux obstacles. La question des moyens est évidemment centrale. D'eux dépend la politique pénitentiaire. Force est de constater que nous sommes loin du compte en matière de recrutement. La fouille intégrale est liée aussi aux moyens. Le portique à ondes millimétriques a été évoqué par M. Lecerf.

Sur l'insalubrité, nous ne pouvons plus nous accommoder des conditions indignes de nombreux établissements pénitentiaires et pas seulement aux Baumettes. Dans certaines prisons des travaux ont été entrepris. Quels sont les prochaines sur la liste ?

Il faut aménager la vie en prison de manière aussi proche que possible de la vie en société. L'OIP recommande de privilégier la prévention mais aussi la communication avec les détenus. La sécurité dynamique implique une détention dans des conditions matérielles appropriées. Le droit de recevoir des visites reste restreint. Il doit faire l'objet d'une politique volontariste. Seuls dix-sept établissements sont dotés d'Unités de visite familiale (UVF). Il faut supprimer le « mitard », véritable prison dans la prison, qui n'a pas sa place dans la patrie des droits de l'homme. Le nombre de suicides est révélateur des conditions indignes qui prévalent dans nos prisons.

Le travail en prison reste soustrait au droit commun, soumis à des conditions dignes du XIXe siècle. Cela nuit à la réinsertion nécessaire des détenus. En février 2013, le conseil des prud'hommes a condamné l'administration pénitentiaire pour non-respect de procédure de licenciement à l'encontre d'une détenue. Nous espérons que ce revirement jurisprudentiel ouvre de nouvelles perspectives plus favorables. Nous attendons que se prononce le Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité relative au droit du travail en prison.

L'enfermement perpétue la violence. Les peines alternatives doivent être privilégiées et l'emprisonnement constituer un dernier recours, comme l'affirme la loi pénitentiaire. Donnons à la politique pénitentiaire une orientation qui concilie humanité, respect des droits des détenus et sécurité de nos concitoyens.

M. Jean-Marie Bockel .  - Les gouvernements passent, les problèmes demeurent. En Europe, la France se distingue. J'ai défendu la loi de 2009. Je me souviens des débats parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Cela doit nous inciter à la modestie. Elle a constitué un cadre de référence. Où en sommes-nous ? Il y eut des efforts budgétaires, hier. Le rapport d'information présente des recommandations sur lesquelles nous nous retrouvons, mais le problème carcéral reste entier.

Madame la garde des sceaux, les peines alternatives ont considérablement augmenté, sous le gouvernement précédent mais le problème de la prison continuera à se poser de toute façon. Concentrons-nous là-dessus.

Le modèle des prisons ouvertes n'est pas un remède miracle mais apporte des réponses pertinentes et cohérentes. Les mesures préventives contre l'évasion ne sont pas matérielles. Elles résident dans une approche partagée de la détention. Le centre de détention de Casabianda en Corse, ouvert à la fin des années 1940, est unique. En Europe, ce modèle tend à se généraliser, en Suisse, en Autriche, au Luxembourg.

Au grand-duché, j'ai découvert qu'il y a une prison ouverte pour une prison fermée, et qu'il y a même des toxicomanes sous ce régime.

Suite au rapport que j'avais demandé à un universitaire, j'avais estimé qu'en France, on pourrait aller jusqu'à 8 à 10 %, sans viser les 30 % des pays d'Europe du Nord. La droite avait jugé cette idée trop libérale. La gauche, lorsque vous êtes arrivée, et que j'ai rencontré votre directeur adjoint de cabinet, m'a fait comprendre qu'une idée venant de la droite devait être recyclée. Soit, changez le nom si vous voulez, mais gardez l'idée d'un établissement pénitentiaire où la sanction est associée à l'apprentissage des gestes et règles de la vie en société.

Les résultats obtenus à l'étranger et en France montrent l'efficacité de ce modèle. Le nombre de suicides diminue. La prison ouverte favorise la resocialisation et la réinsertion et les relations avec l'extérieur apaisent les tensions.

Les prisons ouvertes sont souvent couplées avec les prisons fermées. Le respect de la règle est dans la tête de chacun, ce qui est le meilleur des arguments pour éviter la récidive. Le risque d'évasion est infime.

Ces établissements auraient un coût, mais moins élevé que celui des prisons fermées. Ils vont dans le sens des recommandations de M. Delarue sur la diversification de notre modèle carcéral et sont sans doute plus praticables que ce que propose certain ancien détenu, pour lequel j'ai par ailleurs de l'estime. Il est dommage que de telles expérimentations n'aient pas été lancées. On nous avait dit qu'aucun département n'en voudrait, mais je n'y crois pas : nombre d'élus locaux, dans des territoires en voie de désertification, sont prêts à les accueillir. En Corse, où le centre de Casabianda est devenu le premier producteur de porc et de lait, il n'y a pas de rejet, non plus que dans les autres pays européens où de telles prisons existent.

Ce dispositif existe, madame la garde des sceaux, développez-le, ce serait à votre honneur. (Applaudissements à droite)

M. Nicolas Alfonsi .  - Je partage l'analyse des rapporteurs et je tiens à leur rendre hommage. La situation des établissements pénitentiaires n'a guère évolué depuis des décennies. Chacun se souvient du livre de Véronique Vasseur Médecin-chef à la prison de la Santé qui en avait révélé le délabrement à l'opinion publique. La loi pénitentiaire devait apporter une nouvelle vision, apaisée, du monde pénitentiaire, selon Mme Dati. Hélas, telle n'est pas la réalité, avec une surpopulation toujours aussi mortifère. Les détenus restent livrés à eux-mêmes, et les plus dangereux sont mêlés à ceux qui n'ont commis que de menus larcins. Est-il normal que les petits caïds en ressortent avec un prestige grandi, que le prosélytisme religieux y prospère ? Nous continuons de payer la facture de la « tolérance zéro » qui voulait jeter les mineurs de 13 ans en détention !

L'univers carcéral doit être encadré par les règles de l'État de droit, la réinsertion assurée. Mais nous savons bien que ce n'est pas le cas, les établissements pénitentiaires restent trop souvent soumis à l'arbitraire, comme le note à juste raison le contrôleur général des lieux de privation de liberté à qui je rends hommage pour sa liberté de ton.

Les détenus doivent jouir de leurs droits sanitaires et sociaux et la rémunération de leur travail doit cesser d'être dérisoire. Nous attendons de connaître la décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité relative au droit du travail en prison. Il ne faut pas oublier la dimension sociale de la prison, sauf à nourrir le sentiment de révolte des détenus.

À nous, législateurs, de revisiter le droit carcéral. L'emprisonnement ne doit avoir qu'un caractère subsidiaire. Ni angélisme, ni tout sécuritaire, notre politique carcérale doit concilier protection de la société, application des sanctions, et préparation de la réinsertion dans un cadre satisfaisant pour tous les professionnels. Nous comptons sur vous pour aller au-delà de la loi de 2009 afin de fonder un régime carcéral digne de la République. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Jean-Jacques Hyest .  - Je remercie M. Assouline d'avoir poursuivi le travail de la commission des lois en nommant deux rapporteurs de sensibilités différentes. Cela permet de faire du bon travail. Nous avions ainsi voté une loi sur les sondages, jamais examinée à l'Assemblée nationale. Pourquoi ? Y aurait-il un puissant groupe de pression à l'Assemblée ?

Quand on parle prison, on en vient tout de suite, dans les médias, à l'idée des évasions. Évidemment, l'évasion choque. Il faut rattraper les détenus évadés. J'ai même connu un garde des sceaux qui avait réussi à en rattraper davantage qu'il n'avait fait de nouveaux détenus. (Sourires)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ne soyez pas méchant !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Non, d'autant que c'était quelqu'un de bien. C'était M. Arpaillange.

La loi pénitentiaire a été un changement profond et consensuel pour lequel le Sénat s'est montré plus offensif et courageux que le garde des sceaux de l'époque. On répétait qu'il fallait penser aux victimes mais il faut aussi penser à ce que vont devenir les détenus. Ce n'est pas faire de l'angélisme.

Pensons aussi aux malades mentaux dans les prisons ! Il y en a encore. En 2009, nous étions contents de nous, mais la prison n'est pas la solution. En France nous avons un problème avec la psychiatrie. Comme il y a peu de places en établissement fermé, on les met en prison. Pourtant, les pays étrangers ont trouvé des solutions.

Nous avons créé le poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté. Ses rapports sont précieux et je rends hommage au contrôleur et à toute son équipe. Il fait en sorte que la situation s'améliore progressivement. Réfléchissons avant de le fusionner avec une autre instance. Le rapport de M. Lecerf et de Mme Borvo est excellent. Je connais le problème, ayant beaucoup visité d'établissements pénitentiaires depuis 2000 et même avant.

Ne faudrait-il pas libérer les surveillants des tâches délicates en installant des portiques ? Je suis sûr que le bilan financier, grâce au gain de temps travaillé, serait positif. Pour les surveillants aussi la fouille est une pratique déplaisante.

On entend dire qu'il y a trop de prisonniers. Votre circulaire de septembre 2012, madame la garde des sceaux, disait vouloir tenir compte des places dans les établissements pénitentiaires pour préconiser des aménagements de peine, ce que recommandait la loi de 2009, qui allait jusqu'à deux ans. Nous savons bien que les courtes peines ont peu d'effets et même des inconvénients en plaçant de petits délinquants avec des détenus de toute sorte. Les petits caïds de quartier en ressortent auréolés d'une image de héros.

Le placement à l'extérieur est très faible, la surveillance électronique donne de bons résultats. M. Cabanel s'était battu pour le bracelet électronique dont ne voulait pas l'administration.

Il fallait aussi réfléchir à la libération conditionnelle. Il est dommage que les conditions matérielles empêchent la loi d'être appliquée. Essayons de faciliter cette libération conditionnelle et évitons les sorties sèches, qui favorisent la récidive.

La crise explique bien des problèmes, dont l'absence de travail et de formation professionnelle en prison.

Si l'on veut des aménagements de peine, du personnel doit être embauché dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Nous avions estimé qu'il fallait 1 000 postes ; on n'a recruté que 250 personnes. Il faut aussi davantage de juges d'application des peines parce que les juridictions de jugement prennent peu de décisions concernant l'application des peines.

Je remercie mes collègues pour leur rapport. Le Sénat sera toujours très attentif à l'application de la loi pénitentiaire. C'est une bonne loi qui met au centre du dispositif la protection de la société, en partant de l'idée que ceux qui entrent en prison doivent en sortir meilleurs. (Applaudissements unanimes)

Mme Virginie Klès .  - En dix minutes, que dire d'utile pour que les prisons de France ne soient plus la honte de la République ? Que va-t-il sortir de ce débat ? Il y aura des choix budgétaires à faire. Nous devons convaincre nos concitoyens de l'utilité de ce combat.

Ne parler que des extrêmes ne permet pas de tenir un débat serein. M. Delarue a rendu compte de la situation intolérable des Baumettes. Avec l'évasion récente, nos concitoyens disent qu'il faut enfermer, bien enfermer les prisonniers. Mais la situation des Baumettes n'est pas unique, alors que l'évasion de Redoine Faïd est un phénomène unique. Ne nous laissons pas gagner par l'émotion médiatique, qui monte en épingle des cas isolés.

Des détenus repentis luttent pour la réinsertion. Sortons des caricatures et faisons attention à notre parole.

M. Claude Dilain.  - Très bien !

Mme Virginie Klès.  - J'ai utilisé mon droit de parlementaire pour visiter des prisons et j'ai lu les rapports du contrôleur général qui rappelle le quotidien en prison. À Rennes, j'ai visité la prison des femmes, les locaux sont vieillots, l'ambiance est sereine, il n'y a pas de bruit, contrairement à d'autres prisons où le bruit est insupportable. J'ai rencontré des équipes motivées, attachées à la réinsertion des femmes emprisonnées à Rennes. J'ai vu les efforts de la direction et des équipes de surveillance, attentives à la réinsertion des condamnés, amener les détenus à communiquer avec les autres. Pourquoi ce qui fonctionne n'est-il pas récupéré dans d'autres prisons ?

Un ancien détenu vient me voir en me disant qu'il veut s'en sortir, mais qu'il a besoin d'argent, pour pouvoir se laver, payer ses voyages vers Nantes où réside sa tutrice, qu'il ne parvient pas à rencontrer. Il ne paie pas le train, donc il se retrouve avec un paquet d'amendes de la SNCF, qu'il ne peut payer. Sa tutrice finit par lui envoyer un mandat, qu'il ne peut toucher faute de pièce d'identité, qu'il ne peut se faire faire, faute d'argent pour se faire photographier. Je lui donne le nécessaire pour les photos, mais il faut trois semaines pour avoir la carte d'identité, et pendant ce temps-là il lui est toujours impossible de toucher son mandat. La voilà, la réalité quotidienne des détenus libérés.

J'ai aussi entendu des femmes victimes de violence conjugale qui n'avaient pas osé porter plainte de peur de voir leur conjoint envoyé en prison, avec ce que cela signifie en termes de perte d'emploi, de désocialisation. Pour lutter contre la délinquance, il faut que les victimes n'aient pas peur des conséquences pour les condamnés.

Il y a des héros, chez les gardiens, et aussi des brebis galeuses. Dans leur immense majorité, ils accomplissent leur travail, dans des conditions défavorables. Comment pourraient-ils, à 1 pour 120, remplir leur rôle comme ils le voudraient ? L'urgence est là, pour ramener la sécurité dans la dignité ; il faut y répondre, notamment avec des scanners. On n'est pas spécialement fier d'avoir à faire se déshabiller quelqu'un.

Pour apaiser le climat en prison, il faut privilégier l'humain et le droit. Vous ne manquez pas de volonté, madame la garde des sceaux. Comptez sur notre soutien. (Applaudissements)

Mme Frédérique Espagnac .  - Lors d'une réunion dans mon département, j'ai parlé de criminalité. On m'a dit : « En taule, on ne fait pas assez souffrir ! ». C'est caricatural, mais c'est une réalité. Comment se fait-il que pour nombre de nos concitoyens, la prison doive être un lieu de sévices, la cellule un lieu de maltraitance ?

En prison, des milliers de gardiens oeuvrent au jour le jour à la surveillance et à la réinsertion des personnes incarcérées. Je veux leur rendre hommage. Ce sont aussi des milliers de femmes et d'hommes qui, pour des raisons diverses, sont privés de liberté et qui souffrent d'atteintes à la dignité humaine. Ils se retrouvent à cinq dans une cellule de huit mètres carrés, subissent des fouilles corporelles.

La politique de réinsertion n'est pas au point. D'autres solutions doivent être expérimentées. Que dire des malades mentaux, trop nombreux dans les prisons ? Le rapport de nos collègues montre que les améliorations ont été trop limitées. Il vous revient, madame la ministre, d'améliorer la situation dans nos prisons.

Au Pays basque, nous avons connu une période de violence. Pour que l'apaisement soit complet, il serait bon que les prisonniers basques soient rapprochés de leurs familles. La question est d'autant plus sensible que l'un d'entre eux vient de mourir dans une prison parisienne. Elle doit être réglée de façon pacifique, dans le respect des principes fondamentaux des valeurs de notre République. (Applaudissements)

M. Maurice Antiste .  - La prison est un lieu qui véhicule beaucoup de fantasmes. C'est sans doute pourquoi il y a tant de normes qui s'appliquent. Mais la surpopulation carcérale est un cancer qui empêche toute évolution favorable pour les 66 995 détenus. À la Martinique, plus de 1 000 détenus pour 569 places ! Un rapport de Dominique Raimbourg à l'Assemblée nationale s'est penché sur cet établissement pénitentiaire et a proposé des pistes pour améliorer la situation. Le 20 février 2013, un rapport du jury de la conférence de consensus a été remis au Premier ministre pour une nouvelle politique de prévention de la récidive. Ces travaux sont intéressants, mais ne débouchent sur rien de concret. Un chef d'établissement disait à ce propos que « lorsqu'on érige le vertige en vertu, on a les idées à l'envers ». (Sourires) L'aménagement des prisons est une idée séduisante, mais nous bâtissons ces mesures sur le sable, du fait de l'absence de moyens.

Le 25 mars 2013, à la prison de Lille, les surveillants ont bloqué les entrées, du fait des violences de plus en plus nombreuses. Pourtant, l'établissement pénitentiaire lillois est moderne. On ne peut enrayer que difficilement les violences quotidiennes envers les personnels. En Martinique, on est passé de 60 à 130 matelas par terre, jusque dans les couloirs. Et le programme d'extension de la prison a pris beaucoup de retard, pas avant 2016, dit-on.

Comment améliorer le suivi des prisonniers et l'aménagement des peines quand les conseillers de service pénitentiaire d'insertion et de probation suivent plus de 100 dossiers ? Il faut une réflexion sur l'ensemble de la chaîne pénale, pour redéfinir le fonctionnement, les relations et les procédures. Il faut en finir avec le millefeuille français où les dispositifs s'additionnent sans se remplacer. Gardons ce qui fonctionne, écoutons le personnel. Une réforme d'envergure est nécessaire, pour lutter contre le surpeuplement carcéral.

La région Martinique a investi dans la formation professionnelle : 171 000 euros pour 1 000 détenus, prise en charge totale de l'accompagnement personnel des détenus de 18 à 30 ans. Je vous invite à mettre en place un groupe de travail sur la chaîne pénale, dont l'animation pourrait être confiée à des parlementaires. (Applaudissements)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - J'éprouve du plaisir à écouter vos interventions de qualité, qui sont la marque du Sénat sur des sujets de société très difficiles. Il nous faut être intelligibles, compris de nos concitoyens, d'autant que le sujet amène la controverse.

Le personnel a parfois le sentiment, à tort, qu'il n'est pas notre priorité. Il n'y a pourtant pas de contradiction à mener une politique carcérale cohérente tout en prenant en compte le sort du personnel et des détenus. Je salue donc l'initiative de la commission de l'application des lois.

En se saisissant de ce sujet épineux, le Parlement s'est, en quelque sorte, relégitimé. Nos chambres font parfois preuve d'un stakhanovisme législatif, puis oublient aussitôt les textes votés.

M. Claude Dilain.  - C'est la créativité législative...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il faut aller jusqu'à l'évaluation des politiques publiques. C'est un changement de culture, une révolution tranquille, il est vrai déjà amorcée par le Sénat, monsieur le président Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest.  - De longue date !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - J'étais déjà née. (Sourires)

« L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté », écrit Rousseau dans le Contrat social. En 2009 la loi pénitentiaire est venue consolider certaines orientations, mais elle a été contrecarrée par une politique pénale qui a compliqué sa lisibilité et son application par le personnel concerné.

Merci, monsieur Lecerf, d'être venu à la Chancellerie dès le mois de juillet me présenter votre rapport. Outre l'exiguïté des locaux surpeuplés, vous soulignez à juste titre le droit à la formation professionnelle... Vous avez pris le parti d'une approche globale, cohérente. Je remercie les sénateurs qui ont rendu un juste hommage au personnel pénitentiaire. Je travaille de même. La conférence de consensus illustre cette méthode. Je remercie les sénateurs de la majorité et de l'opposition qui y ont contribué. J'ai ouvert un cycle de consultations. J'ai reçu les syndicats de magistrats, de personnel pénitentiaire, de police, les associations de victimes, le Conseil national de l'aide aux victimes. Ces consultations se poursuivent.

Je tiens à cette méthode de rigueur, qui consiste à aller au-delà des idées reçues pour partager un diagnostic de l'état des connaissances pour jeter les bases d'une politique, en associant les compétences. Il n'y a pas d'évidence en la matière. Nous travaillons en interministériel. Ainsi sur le logement, nous avons demandé que des logements soient réservés aux personnes placées sous main de justice. Et aussi avec la santé, l'emploi, la jeunesse, la ville, le handicap.

Après onze mois, je veux dresser le bilan d'une politique pénitentiaire liée à la politique générale. L'une ne va pas sans l'autre, même si elles ont pu se contredire dans le passé. Les dispositifs automatiques ont eu des effets néfastes, désocialisants. La loi pénitentiaire a changé l'approche. Elle n'est pas dirigée contre le personnel pénitentiaire, dont nous entendons les demandes sur l'évolution de leur métier. L'amélioration de la condition des détenus ne peut que leur profiter à eux aussi, tout en contribuant à une diminution de la récidive.

Le premier principe est de reconnaître que le détenu est un sujet de droit. Il peut se faire domicilier dans les établissements pénitentiaires. Certains détenus n'ont pas de pièces d'identité. J'ai donné des instructions dans une circulaire d'octobre 2012 pour qu'ils soient repérés et accompagnés.

Les détenus étaient privés de possibilité de témoigner, pour protéger leur image. Ce n'est pas absurde. Mais pensons à la propre capacité du détenu d'évaluer les risques pour son image. Je vais soumettre au Parlement, dans le cadre du projet de loi sur le secret des sources, une disposition autorisant les journalistes à accompagner les parlementaires en prison.

Le maintien des liens familiaux évite l'angoisse, l'isolement. Cela pose la question de l'emplacement de l'immeuble pénitentiaire, de l'architecture pénitentiaire. Sur les unités de vie familiale et les parloirs, nous avons fourni un effort considérable ; d'ici à 2015 nous allons passer à 232, en ouvrant 131 établissements, alors qu'aujourd'hui, il n'y a que dix-neuf prisons équipées d'unités de vie familiale. Loos-lès-Lille devrait faire partie du prochain plan triennal, monsieur Lecerf. Le site est magnifique, classé monument historique. Je vous ferai passer rapidement les éléments sur lesquels nous travaillons, une fois les arbitrages budgétaires rendus.

Pour la formation professionnelle, l'administration pénitentiaire propose 700 options et 25 000 détenus en ont profité en 2012. C'est un progrès de 9,6 %, appréciable, qui doit se poursuivre. Les détenus sont mieux informés sur leurs possibilités de formation. L'expérimentation en Aquitaine et dans les Pays de la Loire sera évaluée, par une double inspection de l'Inspection générale des services judiciaires et de l'Inspection générale des affaires sociales. Sur le travail aussi, nous améliorons sensiblement nos résultats : 37,7 % des détenus ont une activité professionnelle en prison. Un peu moins de 30 000 personnes sont concernées. Des progrès restent à accomplir.

L'affaire n'est pas simple. D'abord pour une raison juridique, comme le montre le jugement cité par Mme Cukierman, qui considère que le travail en prison relève de la logique du contrat de travail. La Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet. La difficulté vient aussi de la situation économique : l'activité des détenus est rendue plus difficile en période de déprime économique. Les conditions actuelles de la loi pénitentiaire peuvent rendre attractive l'offre proposée par les établissements pénitentiaires.

La question des soins psychiatriques est épineuse. Nous avons un problème dans la société en général, dans nos établissements aussi. Il y a à Château-Thierry une concentration de détenus présentant des troubles psychiatriques et le personnel médical y est nombreux. Mais ce n'est qu'un pis-aller peu satisfaisant. Il est évident qu'il y a, dans nos établissements pénitentiaires, des personnes qui n'ont rien à y faire. C'est un vrai sujet.

Sur la suspension de peine, la procédure est longue et complexe. Des détenus décèdent encore en prison. Lorsque leur pronostic vital est engagé, ils doivent pouvoir mourir parmi les leurs. Avec Mme Touraine, nous avons mis en place deux groupes de travail : sur la suspension des peines et sur l'addictologie. Nous avons installé des référents justice dans les structures médicales. Nous proposerons au Parlement des procédures plus souples, garantissant la sécurité et la non-récidive, mais qui puissent se dérouler dans des délais raisonnables.

La ministre de la santé a pris une circulaire en janvier 2012, afin que le RSA et l'AAH puissent être versés à certains détenus. L'indigence est un facteur de vulnérabilité. L'emprise des prédicateurs islamistes radicaux est supérieure sur les personnes sans ressources. Un quart des détenus sont analphabètes ou n'ont qu'une formation très sommaire.

Sur la sécurité, des mesures sont à prendre. Elles concernent la conception et l'équipement de nos établissements. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir rappelé que notre taux d'évasion est parmi les plus faibles d'Europe. À Sequedin, nous avons maintenu les miradors, les fouilles ont lieu, il y a plusieurs portes blindées, c'est un établissement sécurisé. La sécurité même rend les plans d'évasion spectaculaires. J'ai demandé une nouvelle inspection. Le parquet et le pôle instructeur ont été mobilisés le jour même et un mandat d'arrêt européen a été lancé, nous avons envoyé une brigade cynophile pour repérer les caches d'explosifs. L'enquête se poursuit.

Il faut savoir comment les armes et les explosifs entrent dans nos établissements. Les surveillants ont formulé des hypothèses et je ne peux vous en dire plus puisque l'enquête est en cours. Nous devons trouver une bonne combinaison entre les dispositifs de sécurité passive et les compensations que l'on peut trouver à l'encadrement strict des fouilles par la loi pénitentiaire. En posant les bonnes questions, les chiffres s'affinent sur les coûts respectifs des miradors et des brigades cynophiles.

Sur 21 mesures réglementaires d'application de la loi pénitentiaire, 18 ont été prises. Je ne suis pas trop d'accord avec le Sénat à propos de l'observatoire indépendant. L'important est de disposer de chiffres fiables or nous avons l'Office national de prévention de la délinquance, pour lequel nous travaillons avec le ministère de l'intérieur car nous avons un service statistique, pas eux. Devons-nous repenser les missions et le périmètre de cet office, ou peut-on créer une structure qui écarte les suspicions et réponde aux critiques, tout en travaillant sur les données pénales ? Le logiciel Cassiopée nous permet de disposer des données de la gendarmerie à 100 % et, pour partie, de celles de la police. Nous envisageons de retravailler le décret sur cet office. Ce qui importe, c'est la stabilité, la cohérence et la fiabilité des chiffres. Au lieu d'ajouter un observatoire, faisons une offre cohérente. Un décret en moins !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous sommes d'accord.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le décret sur le règlement intérieur est signé.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je savais que vous auriez une bonne nouvelle ! (Sourires)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous avons dû tenir compte des remarques du Conseil d'État, qui ne voulait qu'un règlement intérieur type, plutôt que des règlements intérieurs par catégorie d'établissement pénitentiaire, d'où le retard. Il reste un décret sur l'expérimentation. Nous en resterons à ce qui est dans la loi. Il sera publié prochainement.

Nous travaillons avec les collectivités locales, très impliquées. Elles sont associées aux comités de pilotage des établissements pénitentiaires. Elles sont des partenaires précieux pour les travaux d'intérêt général, qui ont 30 ans cette année, pour les emplois d'avenir. Elles innovent. Nous travaillons aussi avec les associations constituées de citoyens bénévoles qui se dévouent à l'intérêt public, avec les services sociaux, qui entrent dans nos établissements. Nous avons créé des postes d'assistantes sociales.

Nous luttons contre les sorties sèches, qui atteignent encore 80 %. Il n'y a pas mieux pour la récidive ! Les centres de semi-liberté sont assez mal répartis sur le territoire. Le placement sous surveillance électronique (PSE) marche assez bien. Les citoyens pensent souvent que les aménagements de peine sont une faveur. Ce sont de vraies peines, avec des contraintes qui peuvent être perçues comme insupportables. Certains condamnés demandent à revenir en prison plutôt que de continuer à porter un bracelet électronique. Je crée 800 nouvelles places de semi-liberté dans le programme triennal. Cela permettra de limiter le recours au bracelet électronique. J'augmente le budget du placement extérieur de 12 %.

M. Alain Gournac.  - Il y en a trop peu. C'est dommage.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Je sais qu'il reste beaucoup à faire. L'activité et la formation professionnelles représentent de grands défis. J'ai besoin de votre soutien pour conquérir l'opinion publique et faire mieux accepter les choix budgétaires.

Outre-mer, les établissements ont été négligés ces dernières années. Baie-Mahault, Basse-Terre sont dans un état déplorable. Nous atteignons plus de 300 % de surpopulation carcérale ! Le taux d'aménagement des peines est très faible. J'augmente de 10 % l'effectif de juges d'application des peines.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le travail sur les peines de probation doit se poursuivre, en tenant compte des paramètres culturels, historiques, sociologiques, propres à l'outre-mer. C'est une question de crédibilité, pour les victimes notamment, qui doivent sentir qu'elles sont prises en compte.

L'aménagement ne doit pas être automatique. Nous sommes pour l'individualisation. Il faut penser au personnel chargé de l'exécution de ces peines.

Un dernier mot pour les surveillants...

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.  - Les bureaux de vote ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - C'est compliqué dans la pratique. Des réunions interministérielles y travaillent dans la perspective des prochaines échéances. Je vous ferai parvenir une note technique.

C'est sur le personnel pénitentiaire que repose l'efficacité de notre politique. Je salue aussi la qualité du travail du contrôleur général, de l'OIP, des associations, des tribunaux, des parlementaires qui vont dans les prisons et témoignent des anomalies : toutes ces personnes, tous ces regards, ces dispositifs sont une protection pour le personnel, dont nous ne devons pas sous-estimer le dévouement, la compétence, le courage. (Applaudissements unanimes)

Le débat est clos.

La séance est suspendue à midi et quart.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 15 heures.