Action publique territoriale (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°429, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogée.

Mme Cécile Cukierman.  - Il y a moins de trois ans, le Sénat adoptait à une courte majorité la réforme des collectivités territoriales, que nous avons combattue. Nous avons été rejoints par les centaines de milliers d'élus locaux ; un mouvement qui a été analysé comme l'une des premières raisons du basculement à gauche de notre Haute assemblée.

Le Conseil constitutionnel considère que la libre administration des collectivités territoriales relève de l'intérêt général.

L'élection par fléchage des conseillers communautaires avait suscité l'opposition de la majorité des élus locaux. Nous n'avons pas changé d'avis depuis que nous demandions l'abrogation de cette loi.

M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois.  - Défavorable. Toute loi de la République s'applique ; les dispositions sur le conseiller territorial ont été abrogées. Les métropoles ont été créées par cette loi.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.  - Il serait injuste de changer en cours de route, alors que des schémas sont en cours d'élaboration. On créerait une inégalité assez violente entre les collectivités territoriales. Nous récrivons le chapitre sur les métropoles. Au moment où nous ajoutons l'obligation d'une carte intercommunale pour l'Ile-de-France, n'allons pas la supprimer pour les autres.

M. Philippe Dallier.  - On veut faire porter à la loi de 2010 le poids de tous les malheurs du monde. Il n'y avait pas que le conseiller territorial, que vous avez supprimé. Sur l'intercommunalité, la vraie question est : pour quoi faire, avec quels moyens ? J'ai suggéré la création d'un coefficient d'intégration fonctionnel pour distinguer les intercommunalités de projets de celles qui ne sont que des coquilles vides. Il faut des intercommunalités différenciées selon la nature du territoire. C'est la thèse que je défends pour le Grand Paris.

Mme Isabelle Pasquet.  - Force est de constater l'étroite parenté du présent texte avec la réforme que la gauche avait combattue. Ils ont, en particulier, les métropoles en partage. Il convient de mettre en oeuvre un changement réel et d'écrire une nouvelle page en faveur des droits et libertés des communes, départements et régions. Nous y sommes prêts ; les travaux de notre délégation à la décentralisation peuvent être utilisés pour ce faire.

A à la demande du groupe CRC, l'amendement n°429 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 20
Contre 326

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est le changement...

M. Jean-Claude Carle.  - La loi de 2010 est une bonne loi.

Mme la présidente.  - Amendement n°430, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsqu'il est envisagé de créer une nouvelle collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier le périmètre d'une collectivité territoriale existante, il est procédé à la consultation, par voie référendaire, des électeurs inscrits dans les collectivités intéressées.

Un décret du Conseil d'État précise les conditions de cette consultation.

M. Christian Favier.  - La loi de 2010 crée de nouvelles possibilités de fusion des collectivités territoriales. La République est une et indivisible : les collectivités territoriales doivent pouvoir exister partout sur le territoire, avec les mêmes règles. Si des dérogations sont envisageables, il y faut le soutien explicite des citoyens. L'actualité, en Alsace, auparavant en Corse, a montré que les projets des élus n'avaient pas forcément ce soutien. La métropole de Lyon ne peut réduire le département du Rhône sans une telle consultation, ce ne peut être seulement un petit arrangement entre le président du conseil général et le maire de Lyon.

L'article 72-1 de notre Constitution prévoit le référendum citoyen. Nous voulons le rendre effectif.

Mme la présidente.  - Amendement n°74, présenté par Mme Pasquet.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute modification du statut ou du périmètre d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale est précédé de l'obligation de consulter les habitants par voie de référendum.

Le référendum est organisé par le représentant de l'État dans chaque commune ou dans chaque établissement public de coopération intercommunale concerné dans les deux mois qui suivent la proposition de transformation quels qu'en soient le motif ou l'origine.

Mme Isabelle Pasquet.  - Mon amendement est dans le même esprit que le précédent.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°126, présenté par M. Povinelli, Mme Ghali et MM. Andreoni et Guérini.

M. Roland Povinelli.  - Je partage l'avis de Mme Pasquet.

L'amendement n°182 n'est pas défendu.

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - Défavorable.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Il y a des élus et des collectivités qui s'engagent, il n'est pas souhaitable d'aller trop avant dans la voie de la démocratie directe au détriment de la démocratie représentative.

M. Vincent Delahaye.  - Je ne considère pas le référendum comme le summum de la démocratie. Les électeurs répondent rarement à la question posée ; ils expriment des préoccupations diverses. Les élus doivent prendre leurs responsabilités.

M. Gérard Collomb.  - Pour la métropole de Lyon, nous avons multiplié les réunions. Nous avons réuni tous les conseillers municipaux de toutes les communes et tous les conseillers d'arrondissements de Lyon. Un sondage montre que 78 % des habitants du Grand Lyon sont favorables à ce que nous faisons et à la métropole de Lyon.

M. Philippe Dallier.  - Il est très difficile de réformer en France...

M. Pierre-Yves Collombat.  - On ne fait que cela !

M. Philippe Dallier.  - ...et encore plus en matière de collectivités locales. Les citoyens ont du mal à comprendre le système, tant il est compliqué. On l'a vu en Alsace. J'ai été surpris par le résultat. On a réussi à faire peur à la population. La loi autorise les référendums locaux. N'en rajoutons pas. La démocratie représentative est la meilleure solution.

M. François Patriat.  - Le processus alsacien a été suivi avec intérêt par l'ensemble des présidents de régions de France, considéré comme exemplaire. Il s'est heurté à toutes les raisons, sauf les bonnes. Les peurs, les inquiétudes agitées ont abouti au résultat. Quand les élus locaux s'engagent pour un projet qui va dans le bon sens, je crains que le référendum soit le meilleur moyen de le faire échouer.

Mme Hélène Lipietz.  - Un sondage n'est pas l'expression de la volonté des citoyens. C'est, à la limite, de l'oligarchie.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le terme est pour le moins inapproprié.

Mme Hélène Lipietz.  - Un référendum, ce n'est pas un plébiscite. Consulter les citoyens ne nuira jamais à la démocratie. Plus on fera de référendums, moins les électeurs seront tentés d'en faire des plébiscites.

Ce texte n'est pas réellement démocratique. Comment seront élus les dirigeants de la métropole ? Le groupe écologiste votera ces trois amendements qui proposent plus de démocratie.

M. Edmond Hervé.  - Faisons très attention au vocabulaire que nous employons. Le référendum est un acte décisionnel. On ne « consulte » pas par référendum, on décide. (« Bravo ! » sur divers bancs)

Mme Cécile Cukierman.  - Je suis étonnée de ce qui vient d'être dit. En démocratie, être élu, ce n'est pas tout savoir, c'est représenter le peuple pour agir. Sur un territoire donné, l'accord des élus ne prouve rien ; ils ne doivent agir que pour les habitants. Pourquoi adopter cette posture défensive ? Que la population décide ne remet nullement en cause, en soi, les projets que vous portez. A Lyon, nous ne voulons pas un référendum pour faire capoter la métropole mais tout simplement pour consulter la population. Si le projet est bon et élaboré dans le respect de la démocratie, le référendum confie au peuple l'ultime décision.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Éclairons les grands choix des conseils municipaux. Il y a différentes façons de le faire. J'ai mené une large concertation, il y a sept ans, puis le conseil municipal a délibéré, à l'unanimité. Voter ces amendements reviendrait à organiser systématiquement un référendum sur la loi. On ne peut pas tout traiter par la voie du référendum.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne voterai pas cet amendement parce qu'il s'agit de la création d'EPCI, ce qui est de la compétence des assemblées locales. Pour autant, est-ce à dire qu'il n'y ait jamais lieu à référendum ? Je pense que non. Voyez certaines fusions de communes ou le cas alsacien. Le Gouvernement est désavoué par le peuple, faut-il « dissoudre le peuple » comme disait Brecht ? Le peuple se trompe, ou ne veut-il pas de vos réformes ?

M. Philippe Dallier.  - Il faut bien en faire.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Parce que les élites en veulent ? Vous êtes bizarres ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

Arrêtons ! On nous a fait le coup sur le référendum constitutionnel européen : le peuple n'en a pas voulu, on nous l'a fait adopter par la voie parlementaire.

M. Roger Karoutchi.  - Ce n'est pas le même texte.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Allons ! Vous, les grands réformateurs, réfléchissez. Pourquoi le peuple ne veut-il pas de vos réformes ? A jet continu, elles sont insupportables et rendent la vie difficile au peuple. Peut-être se trompe-t-il mais il est souverain et nous sommes élus pour le représenter. Le consulter est parfois le minimum dans ce qui reste de la démocratie.

M. André Reichardt.  - Vous permettez à l'Alsacien de service de dire un mot. Monsieur Collomb, méfiez-vous des sondages. Deux mois avant l'échec retentissant de la consultation alsacienne, deux sondages, l'un commandé par M. Richert, l'autre par la presse, donnaient trois Alsaciens sur quatre favorables...

Les mots ont un sens. Le processus est décisionnel. Les modalités du référendum méritent réflexion. Pour obtenir un « oui » à une question aussi importante que la fusion des collectivités, il faut, selon la loi de 2010, l'obtenir de 25 % des inscrits ; c'est un seuil élevé. Les périmètres des intercommunalités ne correspondent pas forcément au souci immédiat de nos concitoyens. Je ne voterai pas cet amendement trop général mais je souhaite, monsieur le président Sueur, que nous débattions en commission du référendum.

M. Christian Favier.  - Nous avons lancé un débat important. Nous ne sommes pas pour faire un référendum sur tout sujet. A Lyon, le sujet est considérable : il s'agit de créer une nouvelle collectivité territoriale. N'opposons pas systématiquement démocratie représentative et démocratie directe.

On ne peut déléguer aux élus la responsabilité de modifier profondément la vie de nos concitoyens sans les consulter. J'ai entendu Edmond Hervé, mais on peut imaginer des consultations qui ne soient pas décisionnelles.

Sans doute y a-t-il eu, dans certaines expériences qui se sont soldées par un échec, un déficit de débats. Songez-y, monsieur Dallier, qui proposez la disparition des départements de la petite couronne. Cela ne peut se faire sur décisions de quelques élus.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Cela relève du Parlement !

M. Louis Nègre.  - Je suis un peu étonné. Nous sommes élus au second degré. Sommes-nous représentatifs ? Si le suffrage universel direct est notre seul et unique mérite...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Nous sommes une « anomalie »... (Sourires)

M. Louis Nègre.  - Assumons la démocratie représentative. Ayons le courage de décider ; le peuple nous sanctionnera s'il le faut. Les élections servent à cela. Il y a une différence essentielle entre la France et la Syrie. A Nice-Côte d'Azur, 93 % des collectivités représentant 97 % de la population ont répondu positivement. Fallait-il un référendum ?

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - Évidemment, non !

M. Louis Nègre.  - Il y a une contradiction dans le discours écologiste. Ou on est proche de la base, ou l'on passe par le suffrage universel direct, au-dessus des maires, et l'on tue les communes, madame Lipietz. Quant au référendum, vous savez ce qu'il en est en France : la plupart du temps, c'est un plébiscite pour ou contre le pouvoir en place et non une réponse à la question posée. Ce n'est pas la panacée.

Nous représentons ici les élus au second degré, je ne comprends pas cette méfiance à l'égard des élus et de la démocratie représentative.

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. Jacques Mézard.  - Je ne soutiendrai pas ces amendements, d'abord pour des raisons de forme. L'article 11 de la Constitution définit très clairement le référendum : si le projet de loi est approuvé, le président de la République le promulgue.

Ensuite, le référendum est beaucoup plus utilisé par les pays non démocratiques, je le dis même si cela ne fait pas plaisir à Mme Lipietz -et d'ailleurs, j'en suis heureux ! (Mme Hélène Lipietz proteste)

M. Roger Karoutchi.  - Oh !

M. Jacques Mézard.  - Le référendum pour le périmètre d'une intercommunalité, ce n'est pas raisonnable. Un maire fera tout pour bloquer l'adhésion de sa commune avec de faux arguments -le prix de l'eau et les impôts augmenteront- pour conserver son pouvoir. C'est ça la réalité !

Mme Cécile Cukierman.  - Mais non ! La réalité, c'est que des maires sont obligés de rejoindre des intercommunalités contre leur gré.

Mlle Sophie Joissains.  - Notre légitimité vient du fait que nous représentons le peuple. S'il y a désaccord entre le maire et l'élu national, il faut consulter la population.

Mme Isabelle Pasquet.  - Avec la loi de 2010, une commune rattachée à la communauté d'agglomération d'Aubagne doit rejoindre la communauté urbaine de Marseille. C'est un changement historique et culturel qui justifie de consulter la population.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Bien sûr la commission des lois travaillera sur la démocratie représentative... quand elle aura suffisamment de temps à y consacrer. (Sourires)

M. Roger Karoutchi.  - Ce n'est pas pour demain !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Effectivement, nous avons beaucoup de travail. Franchement, cet amendement ne peut pas être adopté en l'état : il faudra consulter dès lors qu'une commune adhère ou se retire d'un EPCI, dès que 150 mètres carrés de terrain seront échangés entre deux communes, dès lors qu'on modifiera un article d'un statut d'un syndicat d'enlèvement des ordures ménagères !

Si on vote cet amendement, une commune de 50 habitants pourra bloquer éternellement la formation d'une intercommunalité et il faudra changer une loi de la République qui date de plus d'un siècle : quand des deux tiers des communes représentant la moitié de la population ou la moitié des communes représentant les deux tiers de la population le souhaitent, elles peuvent se regrouper. Pouvons-nous organiser 20 000, 30 000 référendums par an ? Réfléchissons aux conséquences de l'amendement.

M. Roland Povinelli.  - Je suis d'accord avec Mmes Pasquet et Joissains. Après la loi Chevènement, il a fallu décider du rattachement de ma commune, limitrophe aussi bien d'Aubagne que de Marseille. Je préférais rejoindre Aubagne pour des raisons multiples, entre autres la volonté de la population. Le préfet m'a reçu, m'a poliment écouté puis a publié un arrêté nous rattachant à la communauté urbaine de Marseille. Résultat, nous avons perdu certaines compétences et les rues n'ont jamais été aussi sales, sans parler de la réfection des routes... C'est inadmissible.

Il y aura des municipales en mars prochain. Si nous sommes écrasés par des superstructures, quel programme présenterons-nous ? Que dirons-nous à nos concitoyens ? Les communes sont le socle de la démocratie. Elles doivent pouvoir choisir leur mode de coopération. Nous aiderons Marseille, mais que Marseille s'aide elle-même ! Pourquoi Gaston Defferre a-t-il invité les grandes entreprises à s'installer en dehors de Marseille ? Pourquoi Jean-Claude Gaudin, qui est maire depuis trois mandats, n'a-t-il pas fait venir les entreprises dans sa commune ? Pourquoi se sont-elles implantées alentour ? Pourquoi les immeubles poussent comme des champignons sur certaines zones d'activités limitrophes et pas dans ma commune ? (Murmures à droite, MM. Daniel Dubois, Hervé Marseille et Mlle Sophie Joissains applaudissent)

M. Ronan Dantec.  - Je rends hommage à la position constante de certains, d'autres sont plus fluctuants. M. Sueur a raison, il faut constituer un groupe de travail pour approfondir la question des référendums locaux et apporter une proposition englobante et équilibrée : pas de minorité de blocage mais consultation de la population. Sinon, on n'en sortira pas car les défenseurs du référendum ont souvent des arrière-pensées.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - D'accord pour le groupe de travail !

L'amendement n°430 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos74 et 126 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°431, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur permettre de bénéficier de ressources propres.

Par ailleurs la compensation intégrale des transferts de compétences de l'État vers les collectivités doit être réellement assurée.

Mme Cécile Cukierman.  - La commission des lois a bien fait de supprimer l'article premier. Mais nous souhaitons poser d'emblée la question financière, très présente lors des états généraux, en affirmant les principes d'autonomie financière et de compensation intégrale des transferts de charges. Cela vaudra engagement du Gouvernement et du Sénat, qui s'est prononcé en ce sens il y a quelques semaines.

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - Ces principes sont inscrits dans la Constitution, l'amendement n'a donc rigoureusement aucune portée normative. Rejet.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Retrait. La loi fondamentale s'impose.

M. Roger Karoutchi.  - Soit, mais encore faudrait-il qu'elle soit appliquée !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Elle ne le sera pas davantage !

M. Roger Karoutchi.  - Peut-être. Le problème est que les transferts sont réalisés non dans un souci d'efficacité mais pour se défaire de charges considérées comme trop lourdes par l'État et ne s'accompagnent pas du transfert des ressources correspondantes. Et ce, quel que soit le Gouvernement, de droite comme de gauche.

M. René-Paul Savary.  - C'est un excellent amendement qui devrait d'ailleurs être soumis à l'article 40 puisque l'insuffisance de la compensation est permanente ! (Rires sur les bancs CRC et aux bancs des commissions et du Gouvernement) Les dépenses pour les collèges ont augmenté, j'en sais quelque chose dans mon département. Il manque entre 4,8 milliards et 5,4 milliards d'euros pour l'APA, le RSA et la PCH. Que le Gouvernement crée un groupe de travail. L'ADF s'interroge : quel intérêt pour les départements à servir le RSA à robinet ouvert ? Il n'y a aucune valeur ajoutée. Les départements n'ont plus les moyens d'assurer leur compétence d'insertion professionnelle, asséchés par le RSA qui coule à flot. Le constat est partagé, il est temps d'agir ! (M. Roger Karoutchi applaudit)

M. Edmond Hervé.  - Cet amendement est excellent parce qu'il apporte des précisions. Écrire « pour leur permettre de bénéficier de ressources propres », c'est reprendre l'autonomie fiscale dont le Conseil constitutionnel n'a pas voulu, inscription à laquelle, critiquant le gouvernement Jospin, l'UMP s'était opposée en 2002. Il y avait eu, à l'époque, un débat sémantique sur les ressources propres des collectivités et sur la part déterminante ou prépondérante que constituaient les dotations. Au nom de la liberté communale, vous avez récusé la part « déterminante ».

Madame la ministre, il ne peut y avoir de réforme de la décentralisation sans réforme de la fiscalité locale.

Mes chers collègues, je vous mets en garde : le jour où l'on publiera le détail de la taxe d'habitation, vous aurez du mal à en justifier le montant. J'ai toujours plaidé pour une taxe d'habitation assise sur les revenus.

M. Daniel Dubois.  - On ne peut pas parler de décentralisation sans parler de la question financière. Les propos de M. Karoutchi ne sont pas rassurants. Que fera-t-on demain pour faire fonctionner nos collectivités territoriales au-delà des grands principes ?

M. Philippe Dallier.  - Rationnaliser.

M. Daniel Dubois.  - Le texte ne rationalise rien. Je voterai, à titre personnel, cet amendement.

MM. Philippe Dallier et Jean-Jacques Hyest.  - Mais non !

M. Dominique de Legge.  - Effectivement, il faut distinguer autonomie financière et autonomie fiscale. Cela dit, nous sommes parfois contradictoires : les mêmes, dont je suis, veulent l'autonomie fiscale et des dotations de l'État car les territoires, qui supportent de lourdes charges, ne sont pas forcément les plus riches. Rectifiez l'amendement pour ne pas confondre l'autonomie fiscale et l'autonomie financière.

Mlle Sophie Joissains.  - Je voterai ce bon amendement qui rappelle l'écart entre ce que la République fait et ses obligations.

M. Louis Nègre.  - M. Hervé évoque l'indexation de la taxe d'habitation sur le revenu. Je connais une personne qui possède un vaste appartement à Paris mais ne déclare aucun revenu. Alors, comment ferons-nous ? (Exclamations)

Mme Éliane Assassi.  - Elevons le débat !

Mme Cécile Cukierman.  - Nous avons repris l'expression d'autonomie financière parce qu'elle figure dans le texte récemment voté par le Sénat. Je vous propose d'intégrer vos remarques en deuxième lecture.

M. Philippe Dallier.  - L'amendement ouvre un beau débat. Le voter ne serait cependant pas sérieux : on ne peut laisser un texte non normatif sortir du Sénat.

Tout ce qui relève de la solidarité nationale doit rester au niveau de l'État, voilà le débat ! On ne se sortira pas autrement du système mis en place en 2004. Les présidents de conseils généraux ont accepté ces transferts qui gonflaient leurs budgets mais aujourd'hui, on ne sait pas comment en sortir.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Nous avons eu ce débat un nombre incalculable de fois : faut-il l'autonomie fiscale ou financière ? Élu conseiller général en 1982, je sais que l'autonomie fiscale a diminué. On nous a retiré la vignette, la part salaires de la taxe professionnelle... Il y a de grandes injustices entre les départements, selon qu'ils ont une population vieillissante ou en perte d'emploi. Mais passons à l'ordre du jour... (Mouvements divers)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Halte au feu ! Plutôt que de nous concentrer sur les articles supprimés avec raison par la commission, débattons de ceux qui restent...

M. Vincent Capo-Canellas.  - Nous voulons tous l'autonomie financière ; la renforcer par ce moyen n'est pas opératoire puisque l'amendement ne fait que réaffirmer un principe existant et battu en brèche.

Trouvons des dispositions concrètes pour lui donner corps, c'est cela notre devoir de législateur.

M. Christian Favier.  - Loin de moi l'idée d'allonger le débat. (Marques d'ironie sur plusieurs bancs) Je veux, par précaution, mettre en exergue un principe. Les départements sont échaudés : le mien enregistre un écart de 80 millions d'euros entre la compensation et le service du RSA. Nous sommes tout à fait d'accord pour transférer le RSA aux métropoles puisqu'elles s'occuperont de solidarité ! (Rires)

M. Gérard Collomb.  - Exactement !

M. Philippe Dallier.  - Enfin, nous nous rejoignons !

L'amendement n°431 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°432, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La commune occupe une place fondamentale dans l'architecture locale de notre République. Elle est le pivot de l'organisation et du dialogue territorial, située au plus près des besoins des populations et un premier échelon de la vie démocratique.

Aussi l'intercommunalité doit être un outil de coopération et de développement au service des communes, dans le respect du principe de subsidiarité.

M. Christian Favier.  - Encore une question de principe : réaffirmer le rôle des communes, mises à mal par des décennies de dotations en baisse et les fusions forcées de la loi de 2010. Maintenons la position que le Sénat a exprimée récemment dans la résolution qu'il a adoptée, à la suite des états généraux.

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - Cet amendement, qui a une réelle valeur déclaratoire, n'a pas de portée normative. Défavorable.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Même avis. Je rappelle à la Haute assemblée que ce sont les maires qui votent les transferts de compétences au sein des EPCI. Le principe de subsidiarité est reconnu.

M. Ronan Dantec.  - Dire que la commune est le premier échelon suppose qu'il y a en ait un deuxième : l'intercommunalité. J'aurais aimé que ce fût mentionné dans l'amendement.

M. Daniel Dubois.  - Je voterai cet amendement...

M. Philippe Dallier.  - C'est le printemps !

M. Daniel Dubois.  - ...peut-être déclaratif mais fondamental : les 36 000 communes de France, disons-le clairement, sont menacées !

Prenons la Somme, qui compte 790 communes : dans la conférence territoriale, nous aurons un représentant de la ville-centre, un de la communauté d'agglomération -c'est la même personne- et un seul élu pour représenter 80 % de la population ! Autant dire qu'on institue des réserves d'Indiens ! (Applaudissements à droite) Bientôt, nous viendrons ici avec des plumes. S'il n'y a plus d'élus dans les communes rurales, on s'en mordra les doigts. On est en train de commettre une erreur historique. Je propose d'ajouter dans l'amendement que l'intercommunalité est au service des habitants.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Philippe Adnot.  - Cet amendement a beau être déclamatoire, il me va très bien. Il proclame que l'intercommunalité n'est pas une entité autonome de plus. Je le voterai.

M. Roger Karoutchi.  - Voilà !

M. Louis Nègre.  - Nous pouvons nous retrouver : la commune reste la base de la vie démocratique, comme nous l'avons écrit à l'article premier de la charte de Nice métropole-Côte d'Azur. Preuve qu'on peut défendre la métropole et la commune !

Mlle Sophie Joissains.  - Avec MM. Dubois et Adnot, je voterai cet amendement.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il y a ce qu'on dit et ce qu'on fait... Si nous en sommes là, la raison en est simple : nous avons adopté des dispositions ruralicides. Franchement, arrêtons de nous faire plaisir et de préparer les prochaines échéances électorales.

M. René-Paul Savary.  - Il n'y a pas de mal à se faire plaisir...

M. André Reichardt.  - Allons, on peut défendre la commune -en laquelle nous croyons...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Moi aussi, j'y crois !

M. André Reichardt.  - ...sans avoir d'arrière-pensée électorale.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mettez vos actes en accord avec vos paroles.

M. André Reichardt.  - Je suis cohérent : je veux la clause de compétence générale pour les communes, pas pour les départements et les régions. (On approuve à droite)

M. Gérard Roche.  - Je voterai cet amendement pour rendre service au Gouvernement : les élus des petites communes craignent la mort de la ruralité ; ils sont, pour la plupart, socialistes. Avec cet amendement, vous les rassurerez.

M. Dominique de Legge.  - Cet amendement intéressant rappelle que l'intercommunalité est un outil de coopération où le principe de subsidiarité s'applique. Il prend date pour les deux textes suivants de l'acte III de la décentralisation.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Le principe de subsidiarité s'applique dans les intercommunalités. Dans les faits, des petites communes ne pouvaient pas créer une crèche pour deux ou trois familles ou organiser les transports scolaires. Il avait d'abord été envisagé de procéder à des fusions de communes pour régler ce problème mais cela créait de très grandes communes. La solution qui est apparue est celle de l'intercommunalité.

Je suis d'accord sur le fond : la commune est effectivement la base de l'organisation républicaine. Je confirme les déclarations que j'ai faites naguère. Nous étions contre la loi de 2010 qui, avec l'amendement Pélissard, mettait en cause les communes. Cet amendement est déclaratif mais son adoption ne me gênera pas... Même si, en droit, il ne tient pas.

L'amendement n°432 est adopté et devient un article additionnel.

(Applaudissements à droite)

ARTICLE PREMIER

M. Bernard Cazeau .  - Cet article rappelait le principe de libre administration des collectivités territoriales affirmé à l'article 72-3 de la Constitution. La commission a jugé qu'il était superfétatoire de l'écrire dans la loi. J'invite mes collègues à lire l'arrêt du Conseil d'État du 29 juin 2011 concernant la commune de Mons-en-Baroeul.

Il est nécessaire de réaffirmer au juge le nouvel état d'esprit qui nous anime depuis l'élection présidentielle. Le président de la République a dit ne pas croire à l'uniformité et appelé à la confiance et à la clarté. La confiance, c'est le principe de libre administration ; la clarté, c'est la définition du rôle de chacun. Un an plus tard, nous y sommes. D'où l'amendement de rétablissement que je présenterai.

L'amendement n°179 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°238 rectifié bis, présenté par MM. Cazeau, Mazuir, Boutant, Daudigny et Jeannerot, Mme Bonnefoy, M. Krattinger, Mme Blondin, MM. Marc, Miquel, Bérit-Débat, Vairetto et Eblé, Mme Nicoux, MM. Mirassou, Rainaud, Le Menn, J. Gillot et Lozach, Mme Durrieu, MM. Camani, Rome et Labazée et Mme Bataille.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Sur le territoire de la région, les collectivités territoriales coordonnent leurs interventions avec celles de l'État et organisent librement les modalités d'exercice de leurs compétences définies au sein de la conférence territoriale de l'action publique.

La définition des chefs de filat n'a pas pour effet de remettre en cause le principe de la non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.

M. Bernard Cazeau.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°778, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Sur le territoire de la région, les collectivités territoriales coordonnent leurs interventions avec celles de l'État et organisent librement les modalités d'exercice de leurs compétences dans le cadre d'un pacte de gouvernance territoriale débattu au sein de la conférence territoriale de l'action publique. 

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - L'article premier posait les principes. Nous pensons que les collectivités territoriales doivent articuler leurs interventions avec celles de l'État dans le cadre de ce que nous avons appelé un pacte de gouvernance territoriale. Actuellement, les petites communes rurales n'ont pas la possibilité de donner un avis, faute de lieu pour le faire. C'est un progrès que de définir un lieu où les exécutifs peuvent se parler, avec le souci de la belle clause de subsidiarité que vous venez d'évoquer. La coordination des compétences porte aussi sur celles qui sont partagées avec l'État, dont la présence est parfois souhaitable, pour ne pas laisser les régions et les agglomérations seules -songez aux pôles de compétitivité.

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - L'article 72 de la Constitution dit du chef de file qu'il organise les modalités de l'action commune lorsque les compétences sont partagées. Dès lors, il ne nous a pas paru opportun de rétablir l'article premier.

La coordination voulue par le Gouvernement peut être mise en oeuvre de façon souple en faisant confiance à l'intelligence territoriale. Retrait, sinon rejet.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - J'aurais souhaité que M. Cazeau retirât son amendement pour se ranger à l'avis du Gouvernement. Je ne retirerai pas le nôtre.

Je comprends les motivations de la commission des lois. L'article premier avait le mérite de poser un lieu de discussion ; aujourd'hui, tout se passe de façon implicite. La notion d'accord est importante pour tout le monde, citoyens compris, afin qu'on sache comment les collectivités territoriales gèrent les compétences qu'elles ont désormais toutes de droit. Ce peut être aussi utile pour les entreprises de savoir que les crédits Oseo relèvent de la région mais que pour agrandir un atelier, il faut s'adresser à l'agglomération ou au département ; la subsidiarité serait plus claire et cela ferait taire certaines critiques souvent entendues sur les cofinancements. Je sais les collectivités très soucieuses de l'efficacité de la dépense publique. Mon amendement est une forme d'hommage à la sagesse des élus de ce pays.

M. Bernard Cazeau.  - J'ai pensé qu'il fallait mieux prévenir que guérir. Les grands principes de la loi ne devront pas être laissés aux juges. Ceux qui définissent le chef de filat apparaissent fragiles. L'amendement du Gouvernement peut me rassurer. Je retire mon amendement.

L'amendement n°238 rectifié bis est retiré.

M. Vincent Delahaye.  - Je m'inquiète de la philosophie de ce projet de loi pour la qualité de notre démocratie locale. On ne cesse de rajouter des structures parce qu'on n'a pas le courage de faire des choix de fond ; on invente des conférences, des pactes, des plans ; l'objectif de clarification et de simplification est perdu de vue. C'est dangereux, à terme, pour notre démocratie. Les taux de participation aux élections locales baissent, et ce n'est pas fini si on continue comme cela ! Le pacte de gouvernance piloté de fait par la région est malvenu. Je félicite la commission des lois d'avoir supprimé l'article premier.

M. René-Paul Savary.  - Le Gouvernement essaie de reprendre la main. On ne peut y être favorable. Madame la ministre, ce ne sont pas de pactes dont nous avons besoin, mais de sous ! (Rires et applaudissements à droite)

Il faut faire confiance aux élus, ils sont capables de s'organiser. Combien de fois utilisons-nous la clause de compétence générale ? Exceptionnellement ! Raison pour laquelle il faut la maintenir ! Sans elle, M. Adnot n'aurait pu créer l'Université technologique de Troyes.

Le pacte de gouvernance, où il y aura un seul élu représentant les communes rurales, ne les associera pas vraiment. Dans tous les départements les associations de maires fonctionnent bien, les élus ruraux savent, quand il le faut, trouver leur président de conseil général ou régional... Les financements croisés sont une manière d'acter l'intérêt d'un projet, son inscription dans une stratégie. En Champagne-Ardenne, nous avons accueilli l'école centrale, Agro-Paris-Tech, le département était chef de file et j'ai été suivi par la région et l'agglomération rémoise, dont je ne partage pas les opinions politiques : nous travaillons ensemble pour bâtir l'avenir. Laissez-nous des marges de liberté. Je voterai contre l'amendement du Gouvernement.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Notre commission a bien fait de supprimer cet article qui posait un problème de coordination des collectivités territoriales entre elles, mais aussi avec l'État. La décentralisation, ce n'est pas la confusion des tâches. Chaque fois que l'État a un problème et qu'il n'a pas les sous, il tend la main ! (Marques d'approbation à droite) Après transfert de compétences, les collectivités sont libres d'agir comme elles l'entendent dans le respect de la légalité et les limites de leurs ressources. Le transfert se négocie avec l'État, mais pas dans le cadre d'un pacte ou d'une conférence présidée par le préfet. S'il reste des délégations de compétences à réaliser, avec les ressources correspondantes, pas besoin d'une telle conférence.

A quoi sert ce pacte ? Il faudra déjà un mandat pour l'établir, puis on le récusera... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Un deuxième mandat pour le tribunal administratif et un troisième pour changer la loi ! (Sourires)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Franchement ! Passons-nous de tous ces schémas qui s'empilent et de ce pacte de gouvernance, comme l'a fait la commission. Organisons la coordination pour faciliter les choses, pour une fois !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Nous souscrivons à la position de la commission, nous débattrons ensuite du chef de filat. La sanction infligée à ceux qui ne signent pas le pacte est une sorte d'abomination...

M. Roger Karoutchi.  - Tout le monde s'accorde à reconnaître la qualité des élus mais on prétend qu'ils ne savent pas se servir du téléphone, du fax, d'internet pour entrer en contact les uns avec les autres... On empile des contraintes et des schémas, des trucs et des machins : on en a dénombré onze en Seine-et-Marne ! Ces structures ajoutées les unes aux autres étranglent la démocratie locale. Faites-la respirer ! Un peu d'air ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Merci de défendre la position de la commission.

M. Ronan Dantec.  - Nous sommes dans le vif du sujet. Quelle est la plus-value de ce projet de loi pour l'action publique ? A entendre tous et chacun, notre pays va bien...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas ainsi qu'il ira mieux !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ni mal ! Cela n'a rien à voir.

M. Roger Karoutchi.  - De la croissance, plutôt qu'un pacte de gouvernance !

M. Ronan Dantec.  - Les territoires ruraux ne sont pas en souffrance, l'étalement urbain est un fantasme, il n'y a aucune déperdition de l'action publique... Tout va pour le mieux, on ne touche à rien...

Ou bien on restructure l'organisation territoriale en supprimant un échelon mais on est loin très loin d'un consensus ; tout le monde connaît la position des écologistes. Ou bien on fait le pari de l'intelligence collective ; mais où sont alors les lieux de coordination efficaces ? Le pacte répond à cette question. Si la clause de compétence générale revient, il faut un lieu de coordination.

Le maire d'une petite commune appelle le président du conseil général et tout est réglé ? Cela ne se passe pas ainsi dans la réalité. Combien de collectivités se regardent en chiens de faïence, voire s'opposent les unes aux autres pour des questions politiques ou de territoires ? A l'université, on a tellement multiplié les échelons que les chercheurs perdent leur temps de réunion en réunion. Il faut un lieu d'échanges : c'est l'intérêt du pacte. Il y aura d'autres propositions pour renforcer les capacités d'oeuvrer collectivement. Le groupe écologiste soutient la solution du Gouvernement -peut-être sera-t-il le seul. (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Christian Favier.  - Notre groupe soutient le rapporteur. (MM. René Vandierendonck, rapporteur, et Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, remercient) L'amendement du Gouvernement modifie légèrement son texte initial mais ne change pas le fond bureaucratique du problème.

Les rapports avec l'État ? Il faut d'abord que celui-ci assume ses responsabilités. On a décroisé les crédits lors du transfert des routes nationales aux départements en jurant que jamais on ne solliciterait les conseils généraux pour le réseau conservé par l'État. Quelques mois plus tard, l'État vient nous dire : si vous voulez que tel ou tel tronçon d'autoroute, dont tous les habitants ont besoin, soit réalisé, il faudra y contribuer...

Si on est favorable à la décentralisation, on fait confiance aux élus.

M. Dominique de Legge.  - Le président de la République a appelé le Gouvernement à un grand choc de simplification.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - D'où la conférence !

M. Dominique de Legge.  - Je n'ai pas l'impression que vous l'avez entendu, contrairement au président et au rapporteur de la commission des lois. Supprimer l'article premier, voilà un choc de simplification...

Chacun sait que le vent breton a soufflé sur l'élaboration de ce texte. Or la multiplication des schémas en tout genre en Bretagne...

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Partout !

M. Dominique de Legge.  - ...rajoute tant à la confusion...

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Justement !

M. Dominique de Legge.  - ...qu'on ne sait plus qui fait quoi. Qui dit structures dit réunions. Quel élu d'une petite commune peut en tenir trois dans la semaine ?

La position de la commission des lois est la bonne. (Mlle Sophie Joissains applaudit)

M. Louis Nègre.  - Je soutiens la commission des lois. Madame la ministre, vous êtes animée de bons sentiments mais tous ces schémas incompréhensibles ne sont pas virtuels, ils sont assortis de sanctions dans les articles suivants. Évitons de manier le gros bâton !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - M. Delahaye a raison : si l'on supprime la clause de compétence générale, plus besoin de concertation, ni de chef de file, ni de conférence.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est clair !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Si l'on supprime les départements, comme le souhaite M. Dantec, il n'y a plus besoin de discuter au niveau de la région de l'accompagnement de Pôle emploi ou des CFA... Mais comment la politique de la région en matière de formation professionnelle sera-t-elle relayée sur le terrain ?

Oui, monsieur de Legge, il y a trop de schémas ! Dans ma région, il y a le schéma des éoliennes, le schéma de la trame verte, que sais-je encore. Ils sont imposés pour que chacun puisse savoir quelle est la politique de l'autre. Souvenez-vous, nous avons vu fleurir des guides pour que les collectivités territoriales puissent s'y retrouver... Un seul schéma ? Je pense qu'on y arrivera...

Simplifier, c'est l'idée de la convention. Coordonner, c'est l'idée du pacte, un débat entre État, régions, départements, communes, pour dire qui fait quoi, au-delà des coups de téléphone chers à M. Karoutchi. Sur certains grands projets, nous nous retrouverons nécessairement quand il faudra signer les contrats de projet État-régions. Mais quand les communes rurales seront-elles interrogées en amont sur l'économie de ces contrats ? Jamais ! Où sont-elles interrogées ? Nulle part. Posons-nous la question. Il est des projets qui ont des impacts sur tout le monde.

Au lieu de multiplier les schémas, réunissons-nous autour de grands projets, des objectifs d'une mandature, de l'usage des fonds européens. Où, quand et comment en discute-t-on aujourd'hui ? Nulle part.

Si nous revenons à la clause de compétence générale, nous devons échanger. La présence de l'État vous choque ? Nous la voulons pour qu'une région, un département, une agglomération puissent demander une délégation de compétences. Nous n'avons pas parlé d'expérimentation pour en éviter les conséquences constitutionnelles. Quand vous demandez une délégation de compétences, les communautés de communes rurales sont impactées. Où, quand, comment peuvent-elles en discuter avec la région ? Il suffit d'en parler avec le ministre, m'a dit tel président de région... Mais quand aura-t-il discuté stratégie économique avec les représentants des collectivités territoriales concernées ?

Faire confiance à l'intelligence territoriale : le rapport Belot affirmait que « l'exercice de compétences négociées » nécessitait « une coordination des politiques d'investissement et l'articulation des schémas locaux ». C'est bien pour cela qu'elle avait proposé une conférence des exécutifs... L'idée vient de vous, en quelque sorte... Et si vous vous êtes trompés, l'erreur a été commise de manière totalement transpartisane... S'il s'agit de sémantique, si vous avez d'autres solutions, je suis prête à les étudier.

L'existence de sanctions vous choque ? Il y a des cofinancements qui peuvent aboutir à un certain gaspillage de l'argent public... L'autofinancement d'une communauté d'agglomération sera toujours plus important que celui d'une communauté de communes rurales...

Alors, oui, arrêtons de multiplier les schémas et veillons à l'utilité de la dépense publique, dans l'intérêt même des petites communes rurales.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Les élus, qui travaillent dans le cadre de leur liberté, ont toute faculté pour s'entendre et dialoguer les uns avec les autres. La construction que vous avez proposée est complexe et contraignante, à telle enseigne que nous l'avons qualifiée de polysynodie. Lisez l'alinéa 9 : combien de projets, de schémas, de conseils, de conférences ? Le pacte les compile... Quel manque de souplesse, de simplicité ! Ce dispositif illisible porte atteinte à une saine conception des libertés locales. (Applaudissements à droite)

Trop de temps sera consacré à élaborer ces schémas d'organisation, de simplification et de rationalisation -bel oxymore ! Cela n'enlèvera rien, madame la ministre, à notre solidarité sur d'autres points mais la position du Sénat et de sa commission des lois est claire. Elle correspond à l'esprit de la décentralisation. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - C'est à partir du texte initial du Gouvernement, que vous avez jugé trop lourd, trop complexe, que vous vous êtes prononcés. Vous l'avez simplifié et amélioré. J'ai expliqué que le Gouvernement est en accord avec cette simplification.

M. Vincent Delahaye.  - Vous ne retirez pas votre amendement ?

L'amendement n°778 n'est pas adopté.

L'article premier demeure supprimé.

ARTICLE 2

M. Christian Favier .  - Votre analyse du rétablissement de la clause de compétence générale, madame la ministre, nous inquiète. Car vous la restreignez en rappelant des règles de droit très contraignantes dans l'étude d'impact. Si l'on vous suit, sa suppression était purement symbolique, sans réelle portée juridique, hors quelques espaces interstitiels. De là à dire que son rétablissement a la même portée... Demain, sa place sera encore plus étroite dès lors que toutes les compétences seront réparties... De toute façon, les collectivités territoriales n'auront plus les moyens de l'exercer...

Pour nous, cette clause à valeur constitutionnelle est consubstantielle à la gestion des collectivités territoriales. Faute de cette clause, toutes nos collectivités territoriales ne pourront intervenir que dans des champs restreints, déterminés par la loi -ou dans le silence de la loi. Notre conception est bien plus large, elle justifie l'intervention des collectivités y compris dans des domaines dont la compétence ne leur a pas été attribuée. La mission de l'élu local, c'est de répondre aux besoins de ses concitoyens, de remplir aussi un devoir d'humanité.

La séance est suspendue à midi et demi.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.