Séparation et régulation des activités bancaires (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

Discussion générale

M. Richard Yung, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous touchons au but du processus législatif sur ce projet de loi qui a commencé le 12 décembre 2012. Une gestation de sept mois, donc. Je remercie le Gouvernement de n'avoir pas engagé la procédure accélérée, cela a permis au Parlement et aux services du ministère de travailler de façon ouverte et interactive. La CMP a largement entériné les modifications apportées par le Sénat. Des treize articles restant en discussion - sur les 92 articles du projet de loi initial, réduits ensuite à 85 - huit ont été adoptés dans la rédaction du Sénat, un dans la rédaction de l'Assemblée nationale, un a été supprimé et les trois autres ont fait l'objet d'une nouvelle rédaction.

À l'article 4 bis A, nous avons maintenu le débat annuel du Parlement sur la liste des paradis fiscaux, un instrument utile bien qu'il se soit émoussé.

À l'article 4 bis, nous avons précisé les obligations financières de transparence pays par pays, qui s'appliqueront aux grandes entreprises en alignant le régime sur la directive « CRD IV ». Je tiens à rassurer les députés ; il s'agit bien du périmètre de consolidation comptable. Nous aurons un travail de pédagogie à mener.

Avec l'article 11, nous avons interdit à un membre du Haut Conseil de stabilité financière d'être prestataire pour une banque, ce qui n'eût pas été raisonnable.

M. François Marc.  - Tout à fait !

M. Richard Yung, rapporteur.  - L'article 4 relatif au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), considéré comme contraire à l'esprit mutualiste, a fait l'objet de vives discussions. Pour moi, les caisses régionales, qui sont des banques, doivent faire l'objet d'un contrôle. Le périmètre du contrôle exercé par l'ACPR a été élargi aux assurances.

À l'article 17, nous voulions, à l'initiative de M. Caffet, un double plafond, pour les commissions d'intervention, dont l'un destiné à protéger les clients les plus fragiles. Et cela, par souci de justice sociale. Le plafond unique protégeait tout le monde et, surtout, les classes moyennes. De là des débats animés. La proposition du Sénat a été finalement adoptée par tous les partis de la majorité et au-delà. Insinuer qu'il y aurait une collusion entre majorité et opposition est malvenu. Ce n'est pas digne de notre débat.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Très bien !

M. Richard Yung, rapporteur.  - Nous faisons confiance au Gouvernement pour fixer des plafonds, à un niveau socialement juste et compatible avec l'équilibre financier des banques et nous réjouissons par avance des informations qu'il pourra nous donner.

À l'article 18, nous avons retenu le délai de l'Assemblée nationale pour l'assurance-emprunteur : dix jours ouvrés, et non dix jours calendaires.

Grâce à des explications fournies de la commission des lois, nous avons adopté l'article 23 sur l'accès au compte d'un défunt. Des voix se sont élevées contre l'utilisation de ce véhicule législatif pour un tel sujet. À mon initiative, la CMP a supprimé l'article 33 sur la monnaie électronique qui n'était pas mûr. Je suis fier de l'adoption de ce projet de loi qui, plus que la concrétisation d'une promesse de campagne, représente un grand pas pour la régulation du secteur bancaire. Je suis fier comme mon homologue de l'Assemblée nationale que le Parlement l'adopte aujourd'hui définitivement. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Jean Desessard.  - Excellent rapporteur !

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Ce projet de loi, qui marquera cette législature, entend apporter des réponses durables à la crise financière de 2008. Avec la séparation des activités spéculatives et de dépôt, le renforcement du contrôle de l'ACPR, la création d'un Haut Conseil de stabilité financière pour lutter contre le risque systémique, il remet la finance à sa juste place. C'était une ambition partagée par la majorité présidentielle.

La coopération entre le Parlement et le Gouvernement sur cette grande réforme est exemplaire, à telle enseigne que nous pouvons parler de coproduction législative.

Je pense à vos propositions sur la transparence pays par pays, réclamée par les organisations non gouvernementales, ou encore, les dispositions qui ont permis d'électrifier la barrière entre une banque et sa filiale. Nous pouvons être fiers de ce dialogue qui s'est poursuivi en CMP avec les débats sur le double plafond. Preuve que ce projet de loi, loin d'être conçu pour les banques, protègera mieux nos concitoyens, trop souvent oubliés. Le compromis auquel nous sommes arrivés est très satisfaisant, je le dis en tant que ministre de la consommation.

En ce beau jour, je vous remercie chaleureusement au nom du ministre de l'économie et des finances pour ce dialogue fructueux, qui aboutit à une réforme bancaire réussie. C'est un beau succès que nous avons accompli ensemble. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Richard Yung, rapporteur.  - Le soleil brille dans nos coeurs.

M. Jean Arthuis .  - Je me réjouis de ce compromis qui concrétise les engagements du président de la République et nos ambitions. Pressés de reprendre la discussion sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale, je ne dirai que ceci : le groupe UDI-UC votera ce texte. (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin .  - Nous avons constaté les dégâts de la faillite de Lehman Brothers et le commun des mortels en a ressenti l'impact dévastateur sur l'activité économique. Nous avons dû investir des sommes immenses pour garantir le crédit interbancaire.

Nous n'en sommes plus là aujourd'hui. Mon groupe, au fil des lectures, a marqué sa position : nous aurions voulu aller plus loin sur la séparation des activités commerciales et de dépôt conformément aux recommandations de la commission Liikanen, du FMI et de la BCE. L'efficacité du dispositif de l'Assemblée nationale ne pourra qu'être évaluée à l'aune de son application.

Je suis particulièrement heureux des avancées obtenues sur l'encadrement du marché des matières premières agricoles. Cela va dans l'intérêt des producteurs, mais aussi des consommateurs. L'article 4 quater est important, qui impose la déclaration à l'AMF de la détention d'instruments financiers comprenant des matières premières agricoles.

S'agissant du régime de résolution bancaire, l'autre grand volet du projet de loi, le travail parlementaire a permis de renforcer le contrôle par l'ACPR. La CMP a retenu le principe du double plafond pour les commissions d'intervention, cela protègera mieux les consommateurs. L'article 14 tient compte des spécificités du système mutualiste, tout en soumettant les caisses régionales au contrôle.

Dans sa grande majorité, le groupe RDSE votera sans réserve ce texte qui va vers plus de justice et de transparence.

Je m'interroge néanmoins sur son articulation avec la directive « CRD IV ». (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Jean Desessard .  - Cette réforme, attendue et nécessaire, arrive dans un contexte favorable, avec la règle Volker, la règle Vickers et le rapport Liikanen. Nos concitoyens ne veulent plus subir les effets désastreux des comportements douteux des banques, lesquelles mêlent allègrement activités de dépôt et spéculation. Non, les activités de marché ne servent pas à financer l'économie. Les banques oublient de dire que leur bilan annuel augmente deux fois et demie plus vite que le PIB mondial. Les spéculateurs ont compris que les produits dérivés sont plus rentables que le financement de l'économie. Il est inacceptable que les banques préfèrent investir dans les hedge funds que de soutenir les entreprises. D'après un laboratoire de l'ESS de Franche-Comté, 60 % des autoentrepreneurs et des TPE ne trouvent pas de prêts bancaires alors que 90 % des entreprises en France tirent leurs financements des banques.

L'enjeu n'est pas seulement économique, il est aussi démocratique. Selon le FMI, l'économie réelle mondiale représentait 44 800 millions de dollars, et l'économie financière 2 millions de milliards de dollars en 2007. Une somme gigantesque ! Voyez le fonctionnement d'une opération de private equity : le rachat et la restructuration musclée d'une entreprise pour dégager des bénéfices. C'est notre rôle de garantir que l'argent de nos concitoyens ne sert pas ces pratiques dévastatrices pour l'économie et les salariés.

Au Sénat, nous avons conscience que la régulation bancaire doit être européenne : la France ne peut pas se contenter de suivre, elle doit lancer des initiatives.

L'obligation faite aux banques de déclarer leurs avoirs dans les paradis fiscaux, l'encadrement du marché des matières premières agricoles, le plafonnement des commissions bancaires sont autant d'avancées importantes pour la protection des consommateurs.

À la lumière de tous ces éléments, les écologistes voteront pour ce projet de loi.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Très bien !

M. Jean Desessard.  - C'est un petit pas...

M. Thani Mohamed Soilihi.  - De géant !

M. Jean Desessard.  - ... une avancée pour les citoyens et le contrôle du secteur bancaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. François Trucy .  - La séparation bancaire était l'engagement n° 7 du candidat François Hollande. Finalement, les activités spéculatives ne sont que filialisées. Si ce projet de loi contient des points positifs, nous appelons à ne pas pénaliser les banques françaises dans la compétition internationale et européenne. Nous ne sommes nullement opposés à la régulation des activités bancaires. Le Sénat s'apprête à voter un texte qui s'inscrit dans la continuité de la loi de 2011.

Nous n'avions pas d'opinion tranchée sur le double plafond. Cette idée a été retenue par la CMP. Monsieur le rapporteur, quel sera le montant des deux plafonds par opération et par mois ? Car c'est là que tout se joue. Confirmez-vous les chiffres diffusés - avant que nous en soyons informés - par la presse ?

La CMP a entériné le pouvoir de contrôle de l'ACPR sur les banques mutualistes, ce que nous regrettons.

Pour finir, notre travail a été conforté par l'excellence de notre rapporteur.

Le groupe UMP s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Éric Bocquet .  - Ce projet de loi a été présenté comme l'une des plus importantes réformes du quinquennat. Dans le droit fil de la loi bancaire de 1984 et des privatisations sont apparues des entités comme BNP Paribas et le Crédit Lyonnais qui fut porté au zénith de la « banquindustrie » avant que ses mauvais placements ne le renvoient sous la tutelle du Crédit Agricole... nous avons aussi assisté à la fusion de banques et de compagnies d'assurances. Sous le quinquennat précédent, le groupe réunissant Banques Populaires et Caisses d'Épargne a été constitué sous la férule de François Pérol. Notre paysage bancaire a donc beaucoup changé. BNP Paribas dispose aujourd'hui d'un bilan égal au PIB ; la Société Générale, experte en gonflement de bilans, n'est pas en reste avec 1 200 milliards d'euros.

Tel est l'état de notre secteur financier sauvé de la thrombose en 2008 par l'argent public puis par la BCE depuis que MM. Trichet et Draghi sont revenus au principe de réalité.

Ce projet de loi est le fruit de compromis. L'article premier a consacré un faible niveau de séparation des activités, ce qui serait suffisant pour modifier l'intitulé.

Le reporting pays par pays des établissements de crédit constitue un apport essentiel. Il traduit une recommandation de la commission sénatoriale d'enquête sur la fraude fiscale et une revendication des associations. Le Haut Conseil de stabilité financière est plus collégial. D'autres progrès accessoires ont été accomplis.

Néanmoins, le texte de la CMP nous laisse sur notre faim. Il y a quelques années, la gauche sénatoriale défendait un service bancaire minimal et gratuit dont le « droit au compte » est un succédané, et pour lequel les établissements de crédit ne font guère de publicité.

Avec le double plafond pour les frais bancaires, nous n'avons encore parcouru qu'une partie du chemin. Nous y reviendrons sur le texte relatif à la consommation. Le débat sur l'assurance-emprunteur a révélé les juteux bénéfices - jusqu'à 50 % ! - qu'elle rapporte aux banques. Ce texte qui devait être emblématique laisse un goût d'inachevé. Nous nous abstiendrons avec vigilance, au risque de trancher avec le bel enthousiasme de certains.

M. Jean-Pierre Caffet .  - Plus de six mois après le début du travail parlementaire, ce texte est un motif de fierté : il concrétise l'un des principaux engagements du président de la République et marque un changement d'époque après trente années de dérégulation, dont nous payons encore le prix. Il prémunit déposants et contribuables des conséquences d'éventuelles faillites. Il est conforme à la directive CRD IV, qui contient de nouvelles dispositions en matière de transparence. Les enjeux du système bancaire sont tous pris en compte par ce projet de loi, qui comporte un volet de protection des consommateurs, que vous avez voulu dès le départ, monsieur le ministre. Les débats que nous avons eus avec les députés ont montré combien il est attendu et utile.

Les populations les plus fragiles seront protégées par un plafond spécifique par opération et par mois, et par une gamme de services bancaires de base.

Je me réjouis que le Sénat ait fait prévaloir son point de vue. Notre influence tient à la qualité de nos arguments, plus qu'à la proclamation unilatérale.

La lutte contre l'évasion fiscale et le secret bancaire sera facilitée par ce texte à l'instar du Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca) américain. Le rôle de l'ACPR et la protection des consommateurs sont accrus. Ainsi l'activité financière reviendra à sa vocation première : le financement de l'économie.

Il y aura un avant et un après le projet de loi relatif à la séparation et à la régulation des activités bancaires. Mon groupe adoptera les conclusions de la CMP. Merci à notre rapporteur pour sa qualité d'écoute et sa compétence, mises au service d'un texte difficile mais nécessaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Yannick Vaugrenard .  - Cette loi concrétise l'une des principales promesses du président de la République. Merci au ministre et à ses services, à la commission des finances et à son rapporteur pour sa bienveillance à l'égard des propositions de la commission des affaires économiques.

Il fallait réguler, dans la souplesse. Des progrès ont été accomplis dans la protection des droits des usagers des banques. Les mesures que j'avais préparées ont été retenues, comme l'encadrement des rémunérations des dirigeants, des traders et de l'ensemble des preneurs de risques au sein des banques. Le contrôle des rémunérations par l'assemblée générale des actionnaires s'appliquera aux établissements de crédit ; espérons que cette mesure aura un effet d'entraînement. Il faudra aller plus loin dans un prochain texte pour que le vote de l'assemblée générale ne soit plus consultatif mais décisionnaire.

Le double plafond est un progrès, dont bénéficieront plusieurs centaines de milliers de personnes, mais la portée réelle des dispositions que nous allons adopter dépendra des seuils fixés par décret.

Nous avons collectivement marqué un bel essai. Au Gouvernement de le transformer afin que cette réforme ambitieuse constitue un modèle pour l'Europe. Je souhaite enfin qu'un rapport d'étape soit réalisé sur la mise en oeuvre de cette loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 13

Après les mots :

4°, 7° et

insérer les mots :

des véhicules mentionnés au

Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 62

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

2° Le dernier alinéa de l'article L. 114-18 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigés : « ou de cessation de son mandat à la suite d'une décision...

Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 64

1° Supprimer les mots :

Après le premier alinéa du III

2° Remplacer le mot :

inséré

par le mot :

ajouté

M. Benoît Hamon, ministre délégué.  - Amendements de coordination et rédactionnels.

M. Richard Yung, rapporteur.  - La commission n'a pu les examiner mais l'avis est favorable. (Rires)

ARTICLE 22

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 35

Supprimer cet alinéa.

M. Benoît Hamon, ministre délégué.  - Coordination.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Favorable !

M. Jean Desessard.  - Pas vu en commission non plus !

Intervention sur l'ensemble

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'ensemble des conclusions de la CMP.

M. Jean Desessard .  - Je remercie le rapporteur de la commission des finances et celui de la commission des lois pour leur coopération qui a enrichi ce texte, fruit d'un travail participatif.

M. François Trucy.  - Très bien !

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

(Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - le projet de loi est donc définitivement adopté.

La séance, suspendue à 10 h 55, reprend à 11 h 20.