Action publique territoriale (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

Discussion générale

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - Il y a un an, le 5 octobre exactement, le président de la République partageait avec nous tous sa conviction que les territoires sont un atout pour le redressement de notre économie. A la suite des états généraux, qui furent un grand succès, il a tracé les lignes d'un projet pour les territoires auquel nous n'avons cessé de nous référer.

L'élargissement et l'assouplissement du droit à l'expérimentation existeront demain si le Parlement accepte de faire des Conférences territoriales de l'action publique (CTAP) le lieu d'expression des initiatives locales, pour faire valoir la responsabilité de chacun tout en organisant finement les délégations de compétences, au niveau infrarégional, auxquelles les collectivités territoriales pourront se porter candidates -c'est une forme d'expérimentation, à défaut de pouvoir inscrire celle-ci dans la Constitution.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Belle obstination...

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Nombre de réformes de l'action publique ont été d'abord conduite par l'expérimentation, du RSA à la révision des valeurs locatives en passant par la régionalisation des transports de personnes, avec la volonté de permettre à certains l'exercice de nouvelles responsabilités. Le XXIe siècle doit voir s'affirmer en France la logique du contrat. L'État doit d'adapter, devenir partenaire de l'action publique territoriale. Les CTAP consistent à consacrer un peu de temps aux accords de gouvernance pour en gagner beaucoup ensuite, sans avoir, pour chaque projet, à se demander qui fait quoi et qui finance quoi. Il s'agit de valoriser la confiance entre les exécutifs et de libérer les incitations locales.

Un point de désaccord demeure entre nous, qui porte sur les incitations à entrer dans le jeu collectif. Nous avons voulu une solution qui combine l'efficacité de l'organisation avec le maintien de la clause de compétence générale et l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité sur une autre.

Le pacte de confiance et de responsabilité avec les collectivités territoriales passe par la réforme de la péréquation, qui progresse encore cette année, avec en ligne de mire la révision des valeurs locatives des habitations et la réforme de la DGF. Pour la révision des normes, le bilan est positif. Le futur Conseil national de l'évaluation des normes, né de l'initiative du Sénat, verra le jour d'ici la fin de l'année. Le Premier ministre a réformé le Conseil national du sport, de sorte que les élus pourront saisir directement le Conseil national des normes -je vois que M. Sueur et Mme Gourault s'en réjouissent. Nous devons aller vite, d'où la demande d'habilitation à légiférer par ordonnance. La machine est en marche.

Autre principe affirmé par le président de la République le 5 octobre 2012, la clarté. Nous devons sortir de la confusion des responsabilités. L'article 2 définit ainsi des chefs de files. Nous avons avancé dans la création des métropoles, en affirmant que des territoires pouvaient s?organiser différemment selon qu'ils sont majoritairement urbains ou ruraux. Notre feuille de route s'est largement inspirée de vos travaux. Le Premier ministre nous a donné l'assurance que le deuxième volet de la réforme, qui donnera leur contenu aux missions de chef de file des régions et des départements, serait examiné dès janvier prochain.

Dans le titre premier de ce texte, un amendement fondamental offre la faculté aux collectivités territoriales de proposer des rationalisations de l'exercice des compétences. Les élus veulent moins de schémas, de paperasse, plus de latitude pour l'action. Il semble pertinent de s'inspirer du Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse ou du Sdrif, deux documents à la fois plus efficaces sur le terrain qu'un simple schéma régional mais aussi plus respectueux des stratégies des collectivités que les directives territoriales d'aménagement (DTA). C'est le chemin que je vous invite à suivre.

La Commission européenne a présenté, en mai, un projet de directive sur la planification spatiale maritime et la gestion intégrée des zones côtières, où la question de la gouvernance est majeure. D'où la mission confiée à Mme Herviaux sur celle des ports maritimes. Les élus devront se saisir, dans les conférences territoriales, de cette question, faute de quoi la directive ne pourrait s'appliquer en France.

Sur l'intégration intercommunale, le Sénat veut s'en tenir au volontariat mais le Gouvernement veut un pas supplémentaire. C'est la garantie d'un meilleur service et d'une meilleure intégration. Partout, cependant, les communes seront préservées.

Pour Paris, Lyon et Marseille, le débat est différent. Après la suppression du Grand Paris au Sénat, j'ai voulu ouvrir des pistes, M. Dallier s'en souvient... Une majorité de parlementaires d'Ile-de-France s'accordaient sur la timidité du premier projet. Mon objectif a été ne pas laisser une page blanche, en rapprochant, sans cesse, des positions au départ très éloignées -n'est-ce pas, monsieur Karoutchi.

M. Roger Karoutchi.  - Je n'ai encore rien dit !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Les uns voulaient une métropole à la lyonnaise, d'autres la fusion de la région et des départements, d'autres encore en tenaient pour une communauté urbaine. A l'issue de la première lecture au Sénat, j'ai proposé une solution à l'Assemblée nationale, inspirée des métropoles de droit commun mais prenant en compte quatre impératifs : un périmètre clair et lisible, une efficacité pour le logement, une exigence de péréquation et, condition sine qua non, une région qui ne soit pas à deux vitesses. Les intercommunalités de grande couronne doivent atteindre une taille leur permettant de faire valoir leur politique et leurs projets dans le concert régional.

Votre commission a, hélas, supprimé les articles 10 et 11 relatifs à la structuration intercommunale en grande couronne : nous voulons les rétablir. L'article 12 crée l'EPCI à statut particulier du Grand Paris, sur le périmètre de Paris et des départements de la petite couronne, organisé en territoires qui exerceront les compétences classiques à l'exception des missions stratégiques que sont l'habitat, le logement, l'environnement et l'aménagement. J'espère qu'en faisant un pas vers la reconnaissance institutionnelle des territoires, nous pourrons trouver un accord.

La solution adoptée à l'Assemblée nationale est certainement perfectible. Les amendements de votre commission des lois ont fait une métropole moins intégrée ; le Gouvernement cherchera avec les volontaires -il y en a- une forme plus construite. L'article 13 crée enfin un document dédié au logement en Ile-de-France, le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement.

Comme partout, l'intercommunalité est une solution contre les particularismes et les égoïsmes locaux. L'intercommunalité, c'est bien mais en Ile-de-France, c'est mieux. La Métropole du Grand Paris, c'est la plus importante opération de péréquation jamais réalisée en France.

Pour Lyon, j'ai grande confiance, monsieur Mercier. Seules quelques précisions restent à régler.

Nous conclurons le débat sur deux articles majeurs, la dépénalisation du stationnement payant, d'abord. Les propositions portées par les associations d'élus sont enfin concrétisées dans un texte, même s'il reste quelques doutes à lever sur les modalités concrètes de mise en oeuvre. Je suis favorable à une expérimentation du dispositif sur quelques territoires, nous avons deux ans pour cela. Le Premier ministre a toujours demandé que ces dispositions soient financièrement neutres pour l'État.

Les pôles ruraux, ensuite. C'est le Sénat qui les a inventés. La dynamique engagée en 1995 avec les pays était un bon moyen de mener des projets communs. Demeurent quelques dissensions avec les députés. Reste que demain, c'est la présence effective des services publics qui garantira le pacte républicain. La solidarité territoriale, la présence des services publics, c'est le rempart contre les extrémismes qui surfent sur la peur d'un abandon par l'État.

Telle est la position que je défends. Tel est le sens du nouveau modèle français voulu par le Premier ministre : des services publics forts, un État stratège, une meilleure coopération entre élus, fonctionnaires et citoyens, pour redresser notre pays et permettre à nos concitoyens de vivre bien. La modernisation de l'action publique, ce n'est pas moins de politiques publiques mais des services publics plus efficaces, plus proches des citoyens et, finalement, moins coûteux. Le Gouvernement tiendra les engagements pris le 5 octobre par le président de la République, qui a choisi d'entendre et de respecter la voix de toutes les composantes du Parlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes et communistes)

M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois .  - Ce projet a été adopté ici le 6 juin en première lecture à une large majorité des votants, après que la ministre avait donné des garanties sur le calendrier, le volet simplification des normes et le statut de l'élu local.

Nous avons inscrit la deuxième lecture dans la même logique que la première : faire confiance à l'intelligence territoriale en nous appuyant de façon non hémiplégique sur les principes fondamentaux qui gouvernent l'approche du Sénat. Où nous avions trouvé un accord, l'Assemblée nationale nous a suivis : vote conforme sur Marseille, précisions allant dans notre sens sur la dépénalisation du stationnement, création des pôles ruraux. Nous avons donc été entendus là où nous avions travaillé à une proposition construite. Restait la page blanche de Paris... L'Assemblée nationale l'a remplie. Nous nous sommes appliqués, en deuxième lecture, sans dénaturer la position de l'autre chambre, à entendre les attentes des territoires.

Pour Paris, nous avons respecté la solution de l'EPCI à fiscalité propre en proposant, pour respecter les dynamiques intercommunales, des compétences obligatoires limitées ou stratégiques, en évitant le conflit avec la région, en prévoyant des compétences complémentaires mais à la demande des communes, en rendant possible, à la discrétion de celles-ci, la construction d'une intercommunalité de proximité à leur convenance. L'association Paris Métropole sera représentée dans la commission ad hoc.

Sur le périmètre, nous avons entendu toutes les intercommunalités et les présidents de conseils généraux. Nous apportons des garanties. Et le système de péréquation va permettre d'avancer dans la construction d'une grande métropole.

Des contributions de plus en plus solides sont venues en cours de discussion. La dépénalisation du stationnement a été rendue possible par le concours du Gouvernement, des inspections générales et du Conseil d'État, aides précieuses qui nous permettent de proposer aujourd'hui un système structuré.

La création des pôles ruraux, très discutée, a recueilli l'adhésion de la commission du développement durable. C'est encourageant.

Sur les problématiques de gestion des eaux, la commission m'a autorisé à mettre au débat une proposition complète, appuyée sur les travaux passés de MM. Nègre et Collombat, pour apporter garantie d'efficacité et moyens pérennes.

Sur la conférence territoriale, madame la ministre, pourquoi changerions-nous d'avis ? Nous voulons un système simple, sans risque de tutelle ni de curatelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Pour le Haut conseil des territoires, je vous donne acte de la prise en compte de la volonté du Sénat de voir évaluer les normes. Introduire certains éléments du volet financier pouvait aussi paraître judicieux. Reste qu'une disposition, introduite par le rapporteur de l'Assemblée nationale, a irrité ici beaucoup de nos collègues : il y est question de la disparition du cumul des mandats, qui ferait que le Parlement ne serait plus le lieu où seraient représentés les exécutifs locaux... (On s'amuse à droite) Si bien que notre commission a trouvé une majorité pour supprimer ce Haut conseil.

Telles sont les bases de notre discussion. Je sais qu'on peut être tenté, ici ou là, de coaguler des votes sur une vision ou une autre... Pensons toutefois à ne pas nous priver des moyens de faire valoir nos positions en CMP. N'allons pas voter des dispositions qui seraient les cousines germaines de celles qui ont été écartées précédemment. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre et à droite)

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - La commission des affaires économiques s'est saisie de l'article 12, sur le Grand Paris, de l'article 13, relatif au schéma régional de l'habitat et de l'hébergement, de l'article 13 bis, de l'article 18 bis, sur l'Epadesa, et de l'article 19 bis sur l'Établissement public de Paris-Saclay.

Sur le Grand Paris, il faut partir d'un constat : le rejet net du Sénat de la proposition initiale du Gouvernement. A partir de ce rejet, qualifié par certains d'électrochoc, il y avait deux options. Soit le Gouvernement faisait voter son texte par l'Assemblée nationale, soit il prenait en compte la position du Sénat et proposait un autre texte à l'Assemblée nationale. C'est, heureusement, la deuxième solution qu'il a choisie. Certains collègues, qui avaient violemment rejeté ce texte...

M. Jean-Pierre Caffet.  - ...y reviennent.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.  - ...y reviennent en effet. C'est surprenant.

M. Vincent Capo-Canellas.  - C'est vous qui avez changé d'avis !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.  - Le texte de l'Assemblée nationale présente bien des avancées. Sur le périmètre, d'abord, critiqué par Philippe Dallier et d'autres. Ce n'est plus l'unité urbaine. Le périmètre est désormais clair et stable, ce sera Paris et la petite couronne. Plus important encore, la création d'un EPCI à fiscalité propre fait de la métropole de Paris une métropole vraiment intégrée. Sur le logement, par exemple -et l'on sait combien la situation est grave en Ile-de-France-, c'est un comité régional composé de l'État, des départements, de la métropole et des EPCI de la grande couronne qui élaborera le schéma. Je vois là les prémices de cette autorité régionale que nous proposions, avec Gérard Roche, dans notre rapport sur la loi Dalo.

Autre avancée, les maires participeront directement à l'exécutif, et non plus par représentation. Enfin, grâce aux conseils de territoires, les dynamiques engagées ne sont pas cassées. Je salue la commission des lois qui leur a confié la compétence de la politique de la ville et veux ici rendre hommage à M. Vandierendonck, qui a mené de main de maître un travail difficile. Chacun sait qu'il est indestructible...

Tout n'est pas réglé par cette loi. Mais je me félicite de l'existence d'une mission de préfiguration qui permettra de poursuivre le débat en dehors du Parlement.

L'article 13 bis, qui fusionne les établissements fonciers publics d'État, a été voté presque conforme par l'Assemblée nationale. La région Ile-de-France est la seule de France à avoir plusieurs de ces établissements. On ne peut construire une politique équilibrée et solidaire sans un outil foncier adapté. Je vous appelle à voter l'article 13 bis. Sur l'article 19 bis, que nous devons à l'initiative de Jean-Vincent Placé, j'avais dit nos craintes de voir disparaître la double tutelle du ministère en charge de l'urbanisme et de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle est conservée. Nous pouvons suivre. J'espère que le Sénat adoptera ce texte et qu'il ira jusqu'à Paris... (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable .  - Notre commission s'est saisie pour avis des deux questions de la dépénalisation du stationnement et des pôles ruraux et s'est également penchée sur la question de la compétence des métropoles et des communautés urbaines en matière de distribution d'électricité et de gestion des milieux aquatiques. La commission des lois lui a délégué au fond les articles 8 bis et 17. L'intermodalité, à l'article 8 bis, est essentielle mais il faut mieux associer les départements et les OAT à l'élaboration du schéma régional. Quant à l'article 17, relatif au Grand Paris, il n'a pas soulevé d'objection.

Je remercie le Sénat dont le vote sur la dépénalisation du stationnement nous a beaucoup aidés pour la suite de nos travaux. Après ce vote qualifié d'historique par certains, le Premier ministre a confié une mission à l'inspection générale, qui a conclu que la réforme est possible sous réserve d'ajustement et à condition de prendre le temps.

Une autre piste, maintenant la pénalisation, a été soumise par le Gouvernement à l'examen du Conseil d'État, qui a conclu qu'elle pouvait être conforme à la Constitution sous certaines conditions. Mais cette piste, si elle réduirait en effet les écarts de tarification, ne permettrait pas un contrôle effectif, seul susceptible d'assurer une rotation effective des véhicules en centre-ville. La commission du développement durable maintient donc sa position en faveur d'une pleine dépénalisation, qui revient à une véritable décentralisation -peut-être la seule disposition décentralisatrice du texte... L'Assemblée nationale nous a d'ailleurs largement suivis. Nous avons longuement rencontré les inspecteurs généraux pour tenir compte, dans notre amendement, de leurs observations.

La redevance de stationnement deviendra une redevance d'occupation du domaine public. Les agents devront être assermentés et un rapport sera remis au Parlement sur la possibilité de recourir à des moyens de contrôle électroniques. La commission du développement durable, contrairement à la commission des lois, préférerait dispenser ceux qui formulent un recours de la contribution à l'aide juridictionnelle.

D'autres ajustements devront être faits par voie réglementaire, notamment pour permettre à la justice administrative d'absorber ce contentieux. L'application a été retardée de vingt-quatre mois.

Quel impact sur le compte d'affectation spéciale « Stationnement routier » ? Nous verrons en projet de loi de finances.

Le deuxième grand sujet qui a mobilisé notre énergie est celui des pôles ruraux que les députés ont rebaptisés et rendu plus contraignants, privant les élus de marges de manoeuvre. Un syndicat mixte pourrait se transformer en pôle contre la volonté de ses membres. La commission a, au contraire, voulu requérir l'approbation unanime des membres et rendre facultative la compétence relative au Scot. Le pôle pourrait être constitué en syndicat mixte fermé ou ouvert.

Ces pôles ne doivent pas être conçus comme la préfiguration d'une nouvelle carte intercommunale. Dans un esprit de compromis avec l'Assemblée nationale, nous proposons de les renommer « pôles ruraux d'équilibre et de solidarité territoriale ».

Seul l'octroi aux métropoles et communautés urbaines de la distribution d'électricité peut leur permettre de mener une politique énergétique ambitieuse. Nous avons donc voulu rétablir ce principe. Les communes membres d'un syndicat mixte compétent dans ce domaine s'y feront représenter par la métropole ou la communauté urbaine.

Je finirai par la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. L'étude de l'impact financier du transfert de cette compétence nous a été transmise très tard mais semble sérieuse. Cette politique doit pouvoir s'appuyer sur des outils juridiques adaptés, mais aussi sur des financements suffisants, sachant que le coût sera très différent selon qu'on sera dans le bassin ligérien ou dans une zone peu irriguée. L'amendement n°392, de M. Collombat, prévoit une taxe unique pour la financer, plafonnée à 40 euros par habitant : c'est intéressant mais les 600 millions qu'on peut en attendre au niveau national répondront-ils aux besoins des bassins ?

Il est enfin indispensable de renforcer la solidarité départementale. Nous voterons ce projet de loi auquel la commission du développement durable a apporté une forte contribution. (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation .  - La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation rassemble des sénateurs de tous bords et privilégie le consensus. Ses travaux ont enrichi ce projet de loi.

Ce débat illustre le fait que le Sénat porte, sur les collectivités territoriales et la décentralisation, un regard qui n'est pas exactement (sourires) celui de l'Assemblée nationale. Nous nous montrons capables de dépasser les clivages politiques. Nous faisons confiance à l'intelligence territoriale. Et nous avons une connaissance intime du terrain, d'où notre pragmatisme.

C'est pourquoi nous voulons réintroduire plus de souplesse, de confiance et de réalisme dans ce texte.

Il faut défendre l'armature traditionnelle de la décentralisation, par réalisme, et le principe de libre administration des collectivités territoriales. La création automatique des métropoles, la rigidité de certains aspects des pôles ruraux, la remise en cause des intercommunalités qui se sont construites en grande couronne sont contraires à notre vision. Le chef de filat est le meilleur moyen de mener une politique publique. L'État doit être régulateur, non tuteur. Enfin, il faut laisser place à une diversité de statuts : voyez l'exemple de Lyon.

Les intercommunalités doivent être préparées à assumer des responsabilités de plus en plus importantes, mais il faut respecter les communes et ne pas déshabiller les maires. (Marques d'approbation sur divers bancs)

Le Haut conseil des territoires était une idée de notre délégation. C'est une instance de concertation. (Exclamations à droite) Si vous craigniez que le Sénat soit dépossédé de ses prérogatives, pourquoi avez-vous accepté la création du comité de finances locales ? (Mêmes mouvements)

J'espère que nous allons voter un texte et pas, comme en première lecture, rendre copie blanche sur une partie du projet de loi. Si nous avions voté autrement en première lecture, nous serions en meilleure posture pour traiter le problème de Paris ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche et au centre)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - En première lecture, nous nous sommes honorés d'élaguer le texte du Gouvernement. A l'Assemblée nationale, il y a eu de légères régressions... En deuxième lecture, nous avons le même souci de simplification. Pourquoi s'acharner à créer des conférences territoriales ? Il y a, dans chaque région, un conseil régional, un conseil économique, social et environnemental, un conseil de développement régional. Quelle utilité aurait cette nouvelle instance, chargée d'élaborer des projets de schémas ou des schémas de projets (rires) que les départements, communes et intercommunalités devraient ensuite adapter ? (Applaudissements à droite) Ne confondons pas séparation et confusion des pouvoirs. Il est naturel que les collectivités se concertent ; elles n'ont pas besoin d'une telle structure pour le faire. C'est une certaine conception des libertés locales qui nous anime.

Ce qui compte le plus, dans un tel texte, c'est la vision. Nous voulons, en France, des régions fortes, pour l'économie et pour l'emploi. Les nôtres n'ont pas assez de moyens ni de compétences. Les Länder allemands peuvent facilement aider les PME.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Faites du droit, monsieur le président. L'Allemagne est une fédération !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Régions et communautés forment un couple important ; c'est pourquoi on a raison de soutenir la création de onze métropoles et d'intercommunalités à statuts divers. C'est complémentaire. Dans leur multiplicité même, nos 36 700 communes ne peuvent dialoguer efficacement avec les régions. Je me réjouis donc de la création des pôles de développement rural. Nous sommes pour un réseau structuré de communautés qui collaborent.

Quant aux départements, M. Vandierendonck mériterait d'être nommé diplomate...

M. Roger Karoutchi.  - Ambassadeur au Vatican ! (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La France a besoin des départements, pour la cohésion sociale mais pas seulement.

Les communes, elles, devaient, dans le projet initial, être gratifiées du chef de filat pour la qualité de l'air et la mobilité durable... Le Sénat a préféré leur donner aussi des compétences en matière de services publics locaux et d'aménagement local du territoire.

Nous tenons au volontariat pour la transformation des intercommunalités en métropoles. (On s'en félicite sur divers bancs) De même, pour la transformation des communautés d'agglomération en communautés urbaines.

Sur Marseille, nous avons eu de longs débats. Grâce au Sénat, il y a eu des avancées, grâce à M. le rapporteur, à Mme la ministre et au Premier ministre. Nous resterons attentifs à la mise en oeuvre de ces dispositifs.

Pour ce qui est de Lyon, je rends hommage au travail accompli. N'envisageons pas l'avenir de la décentralisation uniquement par des processus centralisés. Il peut y avoir des initiatives locales ! Voyez les expérimentations menées en Ille-et-Vilaine.

M. Edmond Hervé.  - C'est évident !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - De même, la fusion des départements alsaciens et de la région, si elle avait abouti.

Sur Paris, il faut avancer. La commission des lois a trouvé un accord pour créer une métropole efficace, focalisée sur trois compétences structurantes et articulée avec les communes, leurs syndicats et les conseils du territoire. Tout n'est pas figé ; nous pourrons arriver à une solution pertinente.

Nous attendons l'adoption définitive des deux propositions de loi sur les normes et celle de ce qu'on appelle le « statut de l'élu ». Notre proposition de loi doit être rapidement examinée par l'Assemblée nationale car elle est un complément nécessaire au présent texte.

Ce que nous construisons doit être lisible. Il faut avoir les idées claires pour promouvoir la décentralisation et l'aménagement du territoire du XXIe siècle. Et il est important que le Sénat, s'il veut peser, n'arrive pas en CMP avec une page blanche. (Applaudissements sur quelques bancs à gauche)

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

M. Philippe Darniche .  - Le texte présenté par le Gouvernement ne fait qu'étouffer un peu plus notre pays sous une avalanche de normes. Vous voulez créer un monstre administratif qui substitue à la démocratie représentative métropole, conseils territoires, Haut conseil... Au royaume de Kafka et Ionesco, votre loi serait reine !

Mlle Sophie Joissains.  - Bravo !

M. Philippe Darniche.  - Vous découragez ceux qui veulent se mettre au service des Français. C'est la fin des maires bâtisseurs. Le maire sera réduit à recevoir les plaintes sociales.

Les collectivités territoriales seront bientôt incapables de mener à bien leurs missions. Nous avons besoin d'économies et de simplification ; vous faites le contraire. Chaque nouvel organisme est un nouveau poste de dépense.

Le Sénat avait confirmé que les communes resteraient la cellule de base de l'organisation territoriale. Ce projet de loi les tue et le projet de loi Alur enfonce le clou. (Applaudissements sur certains bancs à droite) Je suis maire, fier de l'être, et j'ai peur de ce que vous préparez. (Mêmes mouvements)

Mme Hélène Lipietz .  - J'ai fait un rêve étrange et improbable...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - « Pénétrant » !

Mme Hélène Lipietz.  - ...où les métropoles étaient généreuses et solidaires, écologiques et sociales, polycentriques, mêlant dynamisme et équilibre ; dont les représentants et les exécutifs étaient élus et paritaires. Et je me suis réveillée, ankylosée de m'être endormie sur le texte fleuve des métropoles.

Nous avons examiné un texte prétendant interdire le cumul des mandats et l'on ne fait ici que multiplier les fonctions.

L'élection indirecte n'est qu'un pâle reflet de la démocratie directe. (Protestations sur de nombreux bancs) Ce texte éloigne les décideurs des citoyens : véritable déni de démocratie. Il y avait eu des avancées à l'Assemblée nationale mais le Sénat apparaît une nouvelle fois comme un bastion conservateur de vieux hommes blancs, allergiques à tout partage des choix politiques. (Exclamations sur de nombreux bancs) J'ai dit « apparaît ».

Les paroisses du Moyen Age étaient des lieux de démocratie. Pendant un siècle, les communes ont montré que la démocratie de proximité était possible. Les métropoles sont un recul : on n'avait jamais vu cela depuis la Renaissance : un homme seul, non élu, sera donc à la tête, pendant six ans, d'un territoire aussi grand ! Le doge de Venise était renouvelé tous les ans, quand il n'était pas, entre-temps, rejeté par son peuple, ou même assassiné.

J'espère que vous voterez nos amendements sur les conseils de développement, pour promouvoir la démocratie participative à défaut de la représentation.

M. Bruno Sido.  - C'est le désordre organisé !

Mme Hélène Lipietz.  - Sur les métropoles, il est étonnant de ne pas avoir attendu les conclusions de la mission de préfiguration.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Heureusement que le Parlement peut encore décider !

Mme Hélène Lipietz.  - Le système si complexe que nous allons mettre en place sera inefficace et coûteux. L'organisation des services de l'État n'est pas modifiée : c'est inquiétant, au vu du dernier rapport de la Cour des comptes. Mon rêve risque donc de devenir un cauchemar...

M. Jean-Jacques Hyest .  - La Seine-et-Marne est diverse. Je ne citerai pas les mêmes faits historiques...

L'article 35 AA, qui prévoit l'élection de deux représentants des métropoles au suffrage universel direct, est une première attaque contre les communes. L'AMF s'est émue de cet ajout de l'Assemblée nationale, dont on ne parle guère.

M. Louis Nègre.  - C'est le meilleur moyen de tuer les communes ! (M. Bruno Sido approuve)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Il est vrai que la pensée unique privilégie plutôt la région et l'intercommunalité, bientôt la supra-communalité, au détriment du département et de la commune, institutions jugées peu modernes pour avoir constitué depuis deux siècles l'architecture de la République décentralisée. Le Sénat, dont de beaux esprits souhaitent la disparition, ou au moins l'affaiblissement, est aussi visé par la création de ce Haut conseil des territoires, dont notre commission des lois a heureusement limité les ambitions.

Un consensus a été trouvé à Lyon. A terme, la métropole deviendra une collectivité territoriale de plein exercice. C'est une véritable innovation, comme l'eût été l'Alsace devenue collectivité unique.

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'électeur est fantasque...

M. Jean-Jacques Hyest.  - En région parisienne, on laisse à l'abandon la grande couronne. Que deviendront les départements et les intercommunalités ? Certes, Paris et la petite couronne ont des intérêts communs, mais la coopération intercommunale n'y est pas généralisée et Paris n'y est pas associée. Une métropole semblable à celle de Lyon y est inenvisageable.

M. Philippe Dallier.  - Mais si !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Semblable à celle de Marseille ?

Mlle Sophie Joissains.  - Surtout pas !

M. Jean-Jacques Hyest.  - On peut aussi continuer à ne rien faire, comme depuis trente ans. Il y a des différences considérables. Beaucoup d'élus souhaiteraient la création d'un syndicat mixte, avant celle d'une métropole.

La commission des lois a voulu une structure plus ou moins intégrée, aux compétences limitées, mais son texte n'est pas parfait car, dans le même temps, la fiscalité est intégralement transférée. Il faudra beaucoup d'efforts pour que chacun s'y retrouve et que les communes conservent des responsabilités.

Ne retardons pas les mutations nécessaires, ne différons pas les décisions ! (M. Jean-Pierre Caffet approuve)

Reste un point important : la lutte contre les inondations. Si je comprends que certains territoires sont particulièrement touchés, n'allons pas jeter par-dessus bord les nombreuses initiatives positives engagées sur le terrain. (M. Charles Revet approuve)

Telles sont mes réflexions. C'est dans un esprit ouvert que nous entamons ce débat dont nous regrettons, néanmoins, qu'il soit tronqué, puisque nous restons en l'attente de deux textes à venir.