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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Question prioritaire de constitutionnalité

Questions orales

Continuité écologique des cours d'eau

M. Rémy Pointereau

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Desserte ferroviaire de la Seine-Maritime

M. Charles Revet

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Lignes à haute tension

M. Philippe Kaltenbach

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Gestion des milieux aquatiques

M. Hervé Poher

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Effectifs de gendarmerie dans la Nièvre

Mme Anne Emery-Dumas

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Papeterie Arjowiggins de Wizernes

M. Jean-Claude Leroy

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Exonération du CFE pour les auto-entrepreneurs

M. Yvon Collin

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Imposition des pensions allemandes en France

Mme Claudine Lepage

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Accord de libre-échange transatlantique

M. Gérard Bailly

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Établissements de santé en zone de faible densité

M. Alain Bertrand

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Maternité des Lilas

Mme Laurence Cohen

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Interdiction du DEHP dans les services hospitaliers

Mme Patricia Schillinger

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Biologie médicale

M. Jacques Mézard

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Frais pour le CAP et le BEP

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Donations aux musées

M. Vincent Eblé

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Tuberculose bovine

M. Henri Tandonnet

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Décès d'un ancien sénateur

Véhicules électriques (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur de la commission du développement durable

M. Ronan Dantec

M. Louis Nègre

M. Jean-Claude Merceron

Mme Évelyne Didier

M. Jean-Claude Requier

M. Michel Teston

M. Arnaud Montebourg, ministre

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Intervention sur l'ensemble

M. Jean-Claude Lenoir

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

Engagement de procédure accélérée

Protection des navires (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. Charles Revet

M. Jean-Marie Bockel

Mme Évelyne Didier

Mme Leila Aïchi

M. Yvon Collin

M. Jean-Jacques Filleul

Discussion des articles

ARTICLE 12 BIS

ARTICLE 34

Avis sur une nomination

Comptes bancaires inactifs (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

M. Hervé Maurey

M. Éric Bocquet

M. Francis Delattre

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 4

ARTICLE 12

ARTICLE 13

Accord en CMP

Ordre du jour du mercredi 4 juin 2014




SÉANCE

du mardi 3 juin 2014

104e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 9 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Question prioritaire de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du lundi 2 juin 2014, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le second alinéa de l'article 272 du code civil (Sommes non prises en considération pour le calcul de la prestation compensatoire).

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle seize questions orales.

Continuité écologique des cours d'eau

M. Rémy Pointereau .  - Le principe de continuité écologique des cours d'eau, issu de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, dite Lema, implique la libre circulation dans les cours d'eau des espèces et des sédiments. Depuis plusieurs mois, ce principe est remis en cause par l'Association pour la défense et le développement touristique du Cher, qui a lancé une pétition. Je m'en fais le porte-voix. Ses arguments sont techniques et juridiques, le combat est économique.

Si la continuité écologique présente des avantages lorsque les cours d'eau sont en débit normal, elle est en revanche source de graves désagréments en cas d'étiage sévère. Or ces cas se multiplient depuis quelques décennies. La continuité écologique devient alors un piège pour toutes les espèces aquatiques.

En outre, la continuité écologique est sans effet sur la qualité chimique de l'eau qui diffère de la qualité écologique. C'est la principale menace pour la santé des humains et des poissons. Enfin, d'après le Conseil d'État, la directive sur l'eau n'impose nullement la continuité écologique. En ce domaine comme dans d'autres, la France va au-delà de ce qu'impose l'Europe...

Le principe de continuité écologique interdit la pratique des réserves d'eau, pourtant encouragée auprès des particuliers. L'été, la suppression des seuils et des barrages sur les cours d'eau est une catastrophe : elle fait obstacle au maintien des berges de nos rivières.

Je demande donc au Gouvernement d'assouplir le principe de continuité écologique et de faire appliquer la loi modifiée uniformément sur tout le territoire. À l'heure où la crise sévit, et le Cher n'y échappe pas, faut-il dépenser des millions d'euros pour casser des barrages réalisés il y a plus de quarante ans ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Mme Royal vous prie d'excuser son absence et vous répond que l'amélioration de la qualité de l'eau et la restauration des milieux aquatiques nécessitent des mesures diverses, réunies dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage). La continuité écologique en est l'un des paramètres importants.

Les poissons ont besoin de circuler de leurs lieux de reproduction à leurs lieux de croissance, d'alimentation et de repos, ce que les barrages et autres obstacles interdisent. La qualité des habitats aquatiques dépend également des transports sédimentaires. D'où le plan de restauration de la continuité écologique lancé en 2009.

La loi est appliquée avec pragmatisme et selon le principe de proportionnalité. Les effacements sont limités aux ouvrages abandonnés et hors d'usage ; ils ne sont pas systématiques. Ils ne portent nullement atteinte aux activités économiques et ne doivent en aucun cas le faire. C'est d'autant plus important que les deniers publics se font rares.

M. Rémy Pointereau.  - Je crois tout de même qu'il faudrait amender le texte car 20 % du financement des effacements incombent toujours aux syndicats et aux communes. Les agences de l'eau devraient plutôt se concentrer sur l'assainissement collectif et les stations d?épuration. Il est bon que les barrages ne soient pas systématiquement effacés : l'administration doit avoir une approche au cas par cas.

Desserte ferroviaire de la Seine-Maritime

M. Charles Revet .  - La Seine-Maritime a été un département pionnier en matière de ligne ferroviaire puisque le réseau a commencé à y tisser sa toile dès 1856. En 1960, il fallait compter une heure quarante-cinq pour couvrir la distance Paris-Le Havre ; aujourd'hui, le temps de trajet dépasse souvent deux heures, voire deux heures quinze, en raison de l'engorgement à l'entrée de la ceinture parisienne -presqu'autant que pour Paris-Strasbourg... Les usagers sont exaspérés. Quant au tronçon Rouen-Dieppe, il a été délaissé : la SNCF y a supprimé cinq trains Intercités, proposant à la place des TER et des liaisons par autobus. La SNCF a investi 510 millions d'euros pour acquérir du matériel thermique mais n'a pas pris en compte le cadencement des trains sur cette ligne, a réduit le service et orienté les voyageurs vers des autobus ou des TER bondés.

Vétusté également sur la ligne historique Fécamp-Bréauté, longue de 19,6 km et sur laquelle les trains sont contraints de ralentir en raison de l'état de la voie. Des travaux sont programmés, semble-t-il pour 2014-2015. Les usagers, dont l'Association de défense du fer en Caux, s'interrogent, à moyen terme, sur la pérennité de cette liaison essentielle pour le désenclavement de Fécamp.

La région a cofinancé une étude sur le devenir des liaisons ferroviaires en Pays de Caux, en évoquant notamment une liaison Le Havre-Gravenchon via la plaine alluviale, un allongement de la ligne Le Havre-Rolleville jusqu'à Criquetot-l'Esneval et Goderville, avec raccordement à la ligne Fécamp-Bréauté-Gravenchon. Les usagers s'interrogent sur les conditions d'une amélioration sensible des services de transport par le rail. Des incertitudes pèsent sur les lignes au départ du Tréport.

La réactivation du réseau secondaire à partir des lignes existantes en site propre permettrait non seulement de réduire la circulation automobile mais aussi à certaines familles de se dispenser d'un second véhicule. Cela pourrait également dégager des sillons sur la ligne Le Havre-Paris pour le développement du fret -ce n'est pas à négliger. Un raccordement aux transports tramway-train pourrait être envisagé par raccordement aux lignes tramway de la ville du Havre. Qu'entend faire le Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - En lançant quatre lignes à grande vitesse en même temps au détriment de l'entretien et de la remise à niveau de l'existant, la majorité précédente nous a laissé un lourd héritage ; j'essaie depuis deux ans de remettre de l'ordre dans les priorités.

La SNCF et la région ont trouvé un accord fin 2013 pour relancer deux allers et retours sur la ligne Rouen-Dieppe. Le Gouvernement a choisi d'investir 510 millions d'euros dans la modernisation des trains d'équilibre du territoire : depuis plus de trente ans, il n'y avait pas eu de commande de matériel roulant, et je ne peux rattraper en quelques mois le retard accumulé.

Tout est fait pour optimiser le réseau : c'est le sens du plan Investir pour la France lancé par Jean-Marc Ayrault.

Les problèmes sont réels sur la ligne Paris-Le Havre. La ligne nouvelle Paris-Normandie a été classée prioritaire ; j'ai demandé au préfet Philizot et à RFF de mener les premières études, afin que les zones de passage sur trois des sections soient choisies en 2016.

Sur la ligne Bréauté-Fécamp -merci de ce voyage imaginaire...-, la situation n'est certes pas satisfaisante. Il appartient aux collectivités territoriales, en partenariat avec l'État, de réfléchir aux évolutions souhaitables du réseau secondaire. Mais de tels travaux, qui visent à répondre aux besoins du quotidien, prennent du temps.

M. Charles Revet.  - La réactivation du réseau secondaire libérerait des sillons pour le fret : n'oublions pas cette complémentarité importante pour les ports. Nos aînés ont doté la France d'un extraordinaire réseau secondaire de 10 000 kilomètres, qui dessert tout le territoire. Les cars sont polluants et peuvent être pris dans les embouteillages...

Lignes à haute tension

M. Philippe Kaltenbach .  - Un rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) de 2010 préconise de ne plus construire de bâtiments accueillant des publics sensibles -jeunes enfants, femmes enceintes, personnes âgées- dans une zone d'exclusion de cent mètres située de part et d'autre d'une ligne à haute ou très haute tension. Cet avis a été repris dans un rapport de 2011 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Que faire, cependant, des sites existants ? Un collège et une maternité sont concernés dans ma ville de Clamart. J'avais proposé que le gestionnaire du réseau de transport d'électricité remette au Gouvernement et au Parlement un rapport recensant les lignes à haute et très haute tension survolant des sites sensibles et évaluant le coût de leur enfouissement ou de leur déplacement. Un état des lieux est évidemment indispensable. Pourtant, mes amendements successifs, en 2011 puis 2014, n'ont pas prospéré, tant est grande la puissance des lobbies... Le Gouvernement restera-t-il inerte ? Peut-on interdire la construction mais tolérer l'exposition des bâtiments existants ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Je vous prie une nouvelle fois d'excuser Mme Royal. L'instruction du Gouvernement du 15 avril 2013 recommande d'éviter d'exposer inutilement de nouvelles populations aux champs électromagnétiques des lignes électriques, sur le fondement du principe de précaution. La mesure concerne les constructions nouvelles, non les bâtiments existants.

En l'état actuel des connaissances scientifiques, rien ne permet de décider de mesures d'éloignement des lignes à très haute tension. Toutefois, l'État travaille à lever les doutes. Il a commandé une étude à l'Anses, qui rendra ses conclusions en juin 2015. Il a également mis en place un dispositif de contrôle et de surveillance du réseau par le décret du 1er décembre 2011 qui identifie les ouvrages susceptibles d'exposer continument les populations à des ondes. L'opérateur a jusqu'au 31 décembre 2017 pour effectuer les mesures initiales, à partir desquelles le Gouvernement bâtira sa politique.

En complément de ces mesures, collectivités territoriales et associations -et, à travers elles, les particuliers- peuvent solliciter directement et gratuitement des mesures auprès de RTE.

M. Philippe Kaltenbach.  - Les élus peinent à expliquer que l'interdiction ne s'applique pas aux établissements existants, comme le collège du Petit-Pont, à Clamart. L'enfouissement ou le détournement de la ligne coûterait 25 millions à la commune, ce qui est hors de notre portée. Nous ne laisserons pas RTE nous bercer de belles promesses, il faut lui mettre la pression et accélérer le travail de recensement.

Gestion des milieux aquatiques

M. Hervé Poher .  - À partir du 1er janvier 2016, les communes et leurs groupements deviendront compétents pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Pour ce faire, les EPCI pourront créer une taxe. Dans la zone des wateringues du Nord et du Pas-de-Calais, unique en France, cela pose problème puisque les sections gestionnaires vivent grâce à une redevance demandée à tous les habitants de la zone -soit 400 000 personnes. Ils risquent de payer deux fois... Quelles dispositions peuvent être prises pour éviter une double imposition qui suscite un sentiment d'injustice et d'incompréhension ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Les catastrophes récentes montrent que la France n'est pas à l'abri des inondations. La nouvelle compétence confiée aux communes et aux EPCI par la loi Métropoles ne remet pas en cause les missions et obligations des riverains, y compris les sections de wateringues qui sont des associations de propriétaires.

La redevance est perçue pour services rendus aux propriétaires riverains ; la taxe est une contribution fiscale de tous les redevables assujettis aux taxes locales sur le territoire de la collectivité. La première finance des travaux définis par les associations syndicales de propriétaires ; la seconde finance notamment le renouvellement des installations et est d'ailleurs facultative : les collectivités ne la lèveront que si la redevance « wateringues » ne suffit pas. Vous pouvez être rassuré.

M. Hervé Poher.  - Merci de cette réponse complète, qui me laisse toutefois perplexe. Le système des wateringues remonte à Louis-Philippe. Il est à bout de souffle et le ministère nous a demandé, en 2007, de le refondre. Les départements finançaient. Qu'adviendra-t-il quand ils auront disparu ?

Les EPCI seront contraints de lever la taxe s'ils reçoivent cette nouvelle compétence. Les sommes ne sont sans doute pas considérables : 6,92 euros par famille, le prix d'un paquet de cigarettes. Mais c'est une question de principe : les gens, dans le Nord, ont parfois la tête près du bonnet... Il serait dommage qu'élus et services de l'État soient confrontés sur ce dossier à un problème social...

Effectifs de gendarmerie dans la Nièvre

Mme Anne Emery-Dumas .  - Quelque 83 % des habitants de la Nièvre vivent en zone gendarmerie. Mon département est rural, où les zones d'intervention sont très étendues. D'où une inquiétude face à une possible baisse des effectifs, alors que de nouvelles formes de délinquance se développent, comme le vol de matériel agricole ou l'abattage et le dépeçage de bétail au pré.

Les élus nivernais ont réagi, en signant une convention avec le groupement de gendarmerie départementale. Toutefois, les acteurs locaux ne peuvent remplir leurs missions que si l'État garantit un niveau suffisant de présence sur le terrain. La Nièvre compte actuellement un gendarme pour 795 habitants, soit un chiffre inférieur à la moyenne nationale. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Le ministre de l'intérieur, M. Cazeneuve, retenu, a le souci de la sécurité dans les zones rurales, comme votre beau département de la Nièvre.

En ville comme à la campagne, chacun a droit à la sécurité. La RGPP a fait d'immenses dégâts, en supprimant 13 700 postes entre 2007 et 2012 -une baisse sans précédent. Depuis 2012, les départs à la retraite sont remplacés et 500 postes sont créés chaque année ; le Gouvernement a fait le choix de revenir dans des territoires abandonnés par la précédente majorité.

Il y a aujourd'hui un gendarme pour 798 habitants dans la Nièvre, au lieu d'un pour 801 en 2012 et un pour 925 en moyenne nationale. Le taux de criminalité y reste plus faible qu'ailleurs, 16,28 atteintes aux biens pour 1 000 habitants contre 21,55 en moyenne hors département d'outre-mer.

La gendarmerie adapte en permanence son dispositif territorial. Les regroupements sont indispensables pour s'adapter aux évolutions de la population et de la délinquance. Aucun projet de dissolution d'unité ou de baisse des effectifs dans la Nièvre n'est actuellement en cours. Le Gouvernement ne ménagera aucun effort pour assurer la sécurité des Français, où qu'ils vivent sur le territoire.

Mme Anne Emery-Dumas.  - Merci. J'espère que l'adverbe « actuellement » vaut pour longtemps...

Papeterie Arjowiggins de Wizernes

M. Jean-Claude Leroy .  - La vente de la papeterie Arjowiggins à Wizernes -ou, à défaut de repreneur, sa fermeture- a été annoncée le 10 avril 2014. Le groupe papetier Sequana, propriétaire d'Arjowiggins, s'est engagé dans une restructuration des divisions graphique et papiers de création, à laquelle appartient l'usine wizernoise, celle-ci produisant essentiellement des papiers couchés, comme les papiers glacés.

Plusieurs éléments ont été mis en avant pour justifier cette décision. Le premier est la baisse des ventes de papiers d'impression et d'écriture, en régression de 8 % par an depuis 2008, avec une baisse des volumes de 5 % attendue pour les trois prochaines années. La surproduction qui s'en suit tire les prix vers le bas. Les coûts de production sont élevés pour la pâte à papier, les produits chimiques et l'énergie, qui constitue un poste important. Ceci a entraîné, il est vrai, une baisse du chiffre d'affaires du groupe Arjowiggins en ce qui concerne l'usine de Wizernes, des pertes estimées à 13 millions d'euros en 2013. Au-delà, l'erreur principale du groupe aura été d'appauvrir son budget recherche et développement.

Le 24 mai dernier, grâce aux travailleurs de l'entreprise, des milliers de personnes ont pu visiter le site et constater la modernité de ses installations.

D'autres données plaident pour le maintien de l'activité de la papeterie wizernoise. Les carnets de commande sont pleins, l'appareil de production est flexible et en bon état. La recherche d'un repreneur est donc légitime. Pourtant, les organisations syndicales doutent de la volonté de la direction en raison, notamment, des clauses de non-concurrence qui pourraient décourager les repreneurs potentiels.

Les 307 salariés du site de Wizernes sont inquiets pour leur avenir. Celui des sous-traitants est menacé. Que compte faire l'État, qui intervient par BPI interposée, pour sauver le site ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Je vous prie d'excuser M. Montebourg. L'annonce du groupe Sequana de la fermeture de trois sites le 10 avril 2014 fait suite à la publication de mauvais résultats pour 2013 : 300 millions d'euros de perte nette, après 123 millions d'euros en 2012. Le groupe emploie 10 500 collaborateurs dont 2 900 en France, ce qui a conduit le ministère à se mobiliser très tôt.

Sequana a obtenu l'accord des banques et de ses actionnaires pour une restructuration de sa dette et une augmentation de capital, à laquelle BPI France souscrira. Le groupe a mandaté un cabinet spécialisé et l'Agence française pour les investissements internationaux aide à la recherche d'un repreneur, y compris non-papetier. Un travail est entrepris par le commissaire au redressement productif et la Direccte pour anticiper les difficultés des sous-traitants.

Exonération du CFE pour les auto-entrepreneurs

M. Yvon Collin .  - La loi de finances rectificative pour 2013 a une nouvelle fois prolongé l'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les auto-entrepreneurs, remettant ainsi en cause le principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales, qui ont à leur charge la moitié de ce dégrèvement. Le RDSE s'y était opposé. Après la stabilisation des normes, à quand la stabilisation fiscale ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Eckert. Dans l'attente du nouveau barème de la CFE, l'article 55 de la loi de finances rectificative pour 2013 a en effet prolongé l'exonération de contribution pour les auto-entrepreneurs. En droit, le Conseil constitutionnel a jugé que la participation financière des collectivités territoriales au coût d'un dégrèvement décidée par l'État n'était pas, en soi, contraire à leur libre administration. Vous voilà libéré d'un doute. La répartition de ce dispositif provisoire est équilibrée : 50 millions d'euros par les collectivités territoriales, 70 millions par l'État.

Enfin, les collectivités territoriales n'ont pas subi de perte : elles ont été simplement privées de l'opportunité d'une nouvelle recette par la prolongation de l'exonération de 2013. Ce ne sera pas le cas en 2014.

Je ne doute pas que vous soyez attaché au maintien de très petites entreprises artisanales sur notre territoire.

M. Yvon Collin.  - Qu'on me comprenne bien : il ne s'agissait pas de tirer sur les autos-entrepreneurs mais de plaider pour une stabilisation des ressources des collectivités territoriales en cette période difficile.

Imposition des pensions allemandes en France

Mme Claudine Lepage .  - À la fin de décembre 2013, le ministre de l'économie et des finances français et son homologue allemand ont conclu un accord de principe sur l'imposition des retraites allemandes des travailleurs frontaliers résidant en France.

Près de 50 000 Français doivent déclarer leurs pensions de retraite en Allemagne, depuis 2005, bien que le trésor allemand n'ait commencé à exiger les sommes dues qu'à partir de 2010. Le brutal versement des arriérés a été problématique. De plus, cette imposition était vécue comme une injustice car, considérés comme non-résidents par le centre des impôts allemand, les retraités ne bénéficiaient pas des abattements.

Grâce à cet accord, les retraites versées aux résidents français seront soumises à l'impôt français. Cependant, seuls les travailleurs frontaliers sont mentionnés dans le communiqué du ministre. Qu'en est-il des autres ? Où en sont les négociations sur les modalités techniques du dispositif ? Quelle est la date d'entrée en vigueur envisagée ? Enfin, une solution est-elle prévue pour les retraités devant encore s'acquitter de lourds arriérés ? Quelles sont les contreparties demandées par l'Allemagne ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Les modalités d'imposition relèvent de la souveraineté de l'État allemand. L'accord prévoit une compensation financière versée à l'Allemagne en contrepartie du droit exclusif reconnu à la France d'imposer toutes les pensions de source allemande, que leurs titulaires soient frontaliers ou non. Les modalités techniques, vous vous en doutez, sont complexes ; nous nous attachons à aboutir à un accord au plus vite.

Mme Claudine Lepage.  - Je retiens que les travailleurs autres que frontaliers sont inclus dans le dispositif. Merci !

Accord de libre-échange transatlantique

M. Gérard Bailly .  - Ma question concerne l'accord de libre-échange transatlantique négocié par la Commission européenne dans la plus grande discrétion. Le sujet est vaste, je me limiterai à ses conséquences pour la filière bovine.

De la viande américaine pourrait être importée, à doits nuls, par centaines de milliers de tonnes, produites selon des normes bien différentes de celles imposées à nos professionnels. Ces négociations interviennent après l'accord obtenu en octobre 2013 avec le Canada, qui prévoit l'ouverture du marché européen à 65 000 tonnes de viande bovine canadienne à droits nuls et sans aucune réciprocité en termes de contraintes de production.

Ces négociations font peser sur la filière bovine française et européenne une double menace. Sur le plan économique, de telles importations, à droits nuls, seraient particulièrement destructrices pour la filière. Parce que les systèmes de production du Canada, des États-Unis ou du Mercosur ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, leurs viandes sont extrêmement compétitives. Cela crée une situation de concurrence déloyale.

Sur le plan sociétal, alors que les professionnels français mettent tout en oeuvre pour restaurer la confiance des consommateurs, comment justifier la commercialisation sur notre territoire de viandes produites à partir d'animaux traités aux antibiotiques, engraissés en parcs d'engraissement pouvant contenir jusqu'à 30 000 bovins ?

Après l'affaire de la viande de cheval, les consommateurs français se disent opposés à 82 % à l'introduction en France de viandes produites à partir d'animaux nourris au maïs ou soja génétiquement modifié, avec utilisation d'antibiotiques ou autres activateurs de croissance.

Ce sacrifice de la viande bovine française est d'autant plus malvenu que ce secteur est l'un des rares à n'être pas délocalisable et qu'il est indispensable à la viabilité de nos territoires ruraux. Où en sont les négociations ? Quelle position la France entend-elle défendre ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Fleur Pellerin. Le Gouvernement est très attaché à protéger la santé des consommateurs, un sujet qui me préoccupe en tant que médecin.

Dès l'ouverture des négociations sur le traité transatlantique, la France a demandé davantage de transparence. La Commission européenne a organisé des réunions pour informer les professionnels et la société civile, nous continuons de plaider en ce sens.

Les conditions d'élevage sont en effet très différentes de part et d'autre de l'Atlantique. L'élue rurale que je suis sait que la filière bovine est essentielle à nos territoires ruraux. C'est à la demande de la France, avec le soutien de l'Irlande et de la Pologne, que la viande bovine a été classée « produit sensible » et doit faire l'objet d'un traitement spécifique sous forme de contingent tarifaire. La France souhaite un contingent minimal ; elle entend que les concessions faites au Canada ne créent pas un précédent.

Nous aurons soin de ne pas déstabiliser la filière française. Je vous rappelle d'ailleurs que la préservation des acquis des consommateurs européens, qu'il s'agisse de la protection de leur santé ou de l'environnement, figure explicitement dans le mandat de la Commission. Les actes législatifs européens tels que l'interdiction de la viande aux hormones ne font pas partie des négociations. Le contingent octroyé au Canada n'est d'ailleurs ouvert qu'à la viande bovine issue d'animaux élevés en conformité avec ces règles. Vous pouvez être rassuré.

M. Gérard Bailly.  - Merci pour cette réponse positive. L'agriculture ne doit pas constituer une variable d'ajustement de l'industrie et des services. A côté de l'exception culturelle, il y a en quelque sorte une exception « agriculturelle » française à défendre... Les éleveurs entretiennent 13 millions d'hectares de notre territoire, l'enjeu est aussi bien environnemental que sanitaire, comme vous l'avez signalé en tant que médecin.

Établissements de santé en zone de faible densité

M. Alain Bertrand .  - L'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 dispose : « Lorsqu'elles répondent à des critères d'isolement géographique, les activités mentionnées au 1° de l'article L. 162-22 exercées par des établissements de santé, situés dans des zones à faible densité de population, peuvent être financées selon des modalités dérogatoires aux articles L. 162-22-6 et L. 162-22-10, sous réserve que les prestations d'hospitalisation assurées par ces établissements et la situation financière de ceux-ci le justifient ». Autrement dit, ces établissements pourraient échapper à la T2A ; c'est vital pour la Lozère et les territoires hyper-ruraux. Un décret doit déterminer les modalités dérogatoires de financement. Quand sera-t-il publié ?

M. Jacques Mézard.  - Excellent !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Marisol Touraine, dont je vous prie d'excuser l'absence, a voulu tenir compte de la spécificité de ces établissements ruraux. Pour eux, la T2A ne convient pas, effectivement. On ne peut pas leur demander de multiplier des actes...

La difficulté est d'établir la liste des établissements concernés par ces modalités dérogatoires, lesquelles visent à éviter la formation de déserts médicaux. La Lozère semble correspondre à ce cas.

Pourquoi le décret n'est-il pas encore publié ? Parce que la ministre a voulu une concertation avec les fédérations hospitalières. Elle présentera un décret en Conseil d'État avant l'été. Cette mesure s'inscrit, notez-le bien, dans une réforme plus large, celle du financement des établissements de santé.

Avec Marisol Touraine, je salue votre engagement en faveur de votre territoire, sur tous les dossiers.

M. Alain Bertrand.  - Merci pour votre réponse.

Maternité des Lilas

Mme Laurence Cohen .  - Depuis plus de quatre ans, l'avenir de la maternité des Lilas est plus qu'incertain et fait l'objet de rebondissements multiples. Nombre de couples font le choix de cette structure réputée pour ses méthodes innovantes et humaines depuis cinquante ans.

En 2007, l'ensemble des autorités reconnaissant la vétusté des locaux et leur inadéquation, un projet de reconstruction du bâtiment est acté. Des études de faisabilité sont réalisées et le permis de construire est acquis en juin 2011. Parallèlement, grâce au soutien de la municipalité des Lilas, le nouveau terrain est en phase d'acquisition et la promesse de vente signée. 1,5 million d'euros seront alors investis pour ce projet.

En juillet 2011, tout est prêt pour une réouverture en 2013, quand le directeur général de l'agence régionale de santé décide de suspendre le projet.

En septembre 2012, au lendemain de la signature de la convention d'adossement institutionnel de la maternité des Lilas avec le groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, l'ARS annonce la reconstruction de la maternité et le déblocage de 6 millions d'euros. Cela ne se concrétisera jamais.

Dans une lettre de juin 2013, l'ARS annonce l'arrêt définitif du projet de reconstruction et propose une solution alternative : le transfert au centre hospitalier de Montreuil. L'argument avancé par l'ARS est le déficit de 2 millions d'euros de la maternité des Lilas, sans vouloir voir que ce déficit est le résultat de mesures nouvelles qui lui ont été imposées. Le projet médical ne pourra pas être respecté dans les locaux du CHI de Montreuil.

Le 6 mai 2014, le groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon a annoncé qu'il se retirerait de l'association Naissances, qui regroupe la maternité des Lilas, l'hôpital des Diaconesses et l'hôpital de la Croix Saint-Simon, à la fin du mois d'août 2014.

Cette décision est lourde de conséquences : soit c'est la disparition pure et simple de la maternité des Lilas, soit son rattachement au groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, mais sans le centre d'interruptions volontaires de grossesse actuellement présent à la maternité des Lilas.

Si cela se confirmait, c'est plus de 1 000 IVG annuelles qui ne pourraient plus se faire, dans un contexte régional et national où l'accès aux centres d'IVG est de plus en plus difficile.

Alors que les parlementaires viennent de voter la suppression de la notion de détresse concernant les IVG, alors que le remboursement à 100 % est désormais inscrit dans le code de la sécurité sociale, la disparition de cet établissement serait pour le moins paradoxale.

Conformément à l'engagement, en date du 8 mars 2012, de François Hollande, entendez-vous reconstruire la maternité des Lilas ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - La maternité des Lilas est effectivement pionnière, même si ses méthodes innovantes se sont largement diffusées. Le soutien des pouvoirs publics ne s'est jamais démenti : après une aide à l'investissement de l'État de 6,6 millions d'euros, la maternité ne fonctionne aujourd'hui qu'avec l'aide de l'ARS : 2 millions en 2012, 2,5 millions en 2013, 2 millions en 2014.

Nul ne conteste la vétusté de ses locaux. Leur reconstruction aux Lilas coûterait 24 millions d'euros, sans que la maternité soit propriétaire des murs. C'est pourquoi il est envisagé de la transférer à Montreuil, dans des locaux vacants dont la rénovation ne coûterait que 8 à 10 millions d'euros. L'autonomie et le projet médical de l'établissement ne seraient nullement remis en cause.

La ministre s'est engagée à soutenir le projet à hauteur de 10 millions. Elle ne s'oppose pas à la reconstruction aux Lilas, à condition que son coût soit réduit et que d'autres financeurs se manifestent.

Enfin, personne ne peut nier que la ministre ait fait de l'IVG un droit à part entière.

Mme Laurence Cohen.  - Cette réponse peut paraître rassurante. Toutefois, la ministre fait fi de la démocratie sanitaire : tous les personnels s'accordent à dire que cette maternité ne pourra pas remplir ses missions à Montreuil.

Quant à l'IVG, la ministre a certes pris des mesures. Pour autant, le nombre de centres ne cesse de se réduire. Il est temps que le Gouvernement cesse de faire la sourde oreille.

Interdiction du DEHP dans les services hospitaliers

Mme Patricia Schillinger .  - L'article 3 de la loi du 24 décembre 2012 prévoit, à compter du 1er juillet 2015, d'interdire l'utilisation de tubulures comportant du DEHP -du phtalate- dans les services de pédiatrie, de néonatologie et de maternité.

Les entreprises qui fournissent les dispositifs médicaux ne seront pas en mesure de fournir le nouveau matériel pour juillet et d'assurer pleinement la sécurité des patients. Les effets à long terme des produits de substitution au DEHP ne sont pas connus. Par exemple, il n'existe pas d'alternative au DEHP pour les durées de conservation des globules rouges jusqu'à 42 jours. De plus, des études complémentaires doivent être réalisées pour la résistance et la fiabilité des produits, qui nécessitent un délai supplémentaire de deux ans.

La situation est identique pour les dispositifs médicaux cardiovasculaires. Les entreprises n'ont pas la capacité d'opérer le changement technologique, d'ici à juillet 2015. De plus, la loi ne précise pas quels types de tubulures sont concernés. Dans la transfusion sanguine, il s'agit d'un ensemble. Les poches de sang, tubulures, embouts, canaux ne peuvent être considérés individuellement.

Le Gouvernement envisage-t-il de reporter cette interdiction ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - La restriction d'utilisation du DEHP - qui ne concerne pas son utilisation dans les poches destinées à contenir des produits sanguins labiles-, demandé par l'Europe dès 2008, est nécessaire pour les nouveau-nés et les personnes fragiles. Un risque particulier d'intoxication aigüe existe pour les nouveau-nés en soins intensifs placés en services de néonatologie.

Marisol Touraine est, dans ces conditions, déterminée à une application de la loi dès le 1er juillet 2015.

Mme Patricia Schillinger.  - Soit, mais vous ne m'avez répondu sur le type des tubulures concernées. Raisonnons selon le principe risque-bénéfice : on ne peut pas se passer d'un dispositif médical, contrairement à un jouet. Il faut faire attention aux produits de substitution : ils pourraient être plus nocifs que le DEHP.

Biologie médicale

M. Jacques Mézard .  - Contrairement à ses voisins, la France a privilégié une biologie médicale de proximité. Hélas, elle n'a pas été à l'abri de la financiarisation. La loi du 30 mai 2013, prétendument, devait y mettre fin. Un an après, que constatons-nous ? Seul avec le groupe CRC, le groupe RDSE vous l'avait prédit, le phénomène n'a fait que s'accélérer. C'est que des lobbies efficaces aux courroies de transmission bien introduites avaient été entendus...

Résultat, les laboratoires de proximité doivent vendre à des groupes financiers qui licencient et suppriment des sites ; ils deviennent de simples centres de prélèvement ou des boîtes aux lettres, le rôle des personnels se limitant à envoyer les prélèvements à des plates-formes et les patients se réduisant à des codes-barres...

Le Gouvernement va-t-il prendre des mesures pour préserver les laboratoires de proximité et lutter contre les groupes financiers qui ont mis le grappin sur ce secteur ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Quels sont les objectifs de la loi de 2013, dont j'ai été la rapporteure à l'Assemblée nationale ? Garantir la qualité des analyses pour éviter des résultats erronés, catastrophiques pour la santé ; empêcher la financiarisation du secteur qui demeure en France une activité médicale, et non commerciale. La loi interdit la constitution de monopoles sur un territoire.

L'accréditation, je vous rassure, est en bonne voie pour la plupart des laboratoires. Son coût, facturé par le Cofrac, représente 0,25 à 0,50 % du chiffre d'affaires. Ces dépenses d'équipement et de rénovation affectent plus particulièrement les laboratoires qui ne s'étaient pas engagés dans une démarche d'amélioration avant la réforme, alors qu'elle était hautement recommandée. Regroupement ne signifie pas financiarisation : de nombreux petits laboratoires ont fusionné, consacrant des collaborations antérieures, et le nombre d'établissements est passé de 4 000 à 1 300 sans que le nombre de sites soit réduit.

Marisol Touraine est à votre disposition pour examiner avec vous les problèmes qui pourraient se poser dans le Cantal.

M. Jacques Mézard.  - Autant je peux entendre une réponse médicale, autant la réponse technocratique ne me satisfait guère. La réalité, dans le Cantal et ailleurs, est la reprise forcée de petits laboratoires par des grands groupes financiers -inutile de citer leurs noms, vous les connaissez. Est-ce ce que souhaite un gouvernement de votre sensibilité ?

Frais pour le CAP et le BEP

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Depuis cinq ans, l'académie de Paris, Créteil, Versailles demande aux familles dont les enfants s'inscrivent aux épreuves du CAP et du BEP d'en rembourser les frais. C'est illégal -l'accès aux épreuves est gratuit- et discriminatoire -les élèves s'inscrivant au baccalauréat ne sont pas concernés.

Comment en est-on arrivé là ? Depuis 2008, le service inter-académique des examens et des concours s'est vu attribuer l'organisation des épreuves du CAP et du BEP, sans moyens nouveaux. Cette réorganisation, réalisée dans le cadre de la RGPP, s'est en effet accompagnée de suppressions de postes d'agents.

A la session 2009, les familles dont les enfants voulaient s'inscrire aux épreuves de CAP et de BEP se sont vu demander une participation aux frais d'affranchissement de 4 euros.

Depuis 2011, les établissements assurent eux-mêmes non seulement la distribution des diplômes aux lauréats mais aussi des différentes relances auprès des élèves, de la distribution des différentes convocations et de l'acheminement de l'ensemble des documents en direction des établissements centres d'examens. On a réclamé, en Ile-de-France, aux familles la somme de 5 euros.

Allez-vous faire cesser ces pratiques discriminatoires inacceptables ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Les élèves de CAP et de BEP sont nos futurs artisans, commerçants, ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs, qui feront la richesse du pays. Benoît Hamon, qui vous prie d'excuser son absence, veut comme vous faire vivre le principe de gratuité posé à l'article L. 132-2 du code de l'éducation. La pratique des frais n'étant nullement isolée et variant selon les académies et les examens, la Direction générale de l'enseignement scolaire va faire un état des lieux et soumettra des propositions au ministre.

Le Gouvernement est attaché à la gratuité, qui a multiplié par trois le nombre de bacheliers en quarante ans et élevé le niveau des diplômés plus que dans les autres pays d'Europe.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Merci de cette réponse. Tout de même, nous sommes dans un jeu de dupes : on demande aux chefs d'établissements des sommes pour l'affranchissement ou encore le matériel utilisé pour les épreuves... Certains, qui le refusent, s'engagent dans un bras de fer avec les Siec. Cela ne favorise guère l'organisation sereine des épreuves dont la tenue approche... Il faut mettre rapidement bon ordre dans ces pratiques parfaitement connues des académies.

Donations aux musées

M. Vincent Eblé .  - La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités autorise la signature des pactes familiaux pour les donations faites aux musées. Désormais, la valeur des oeuvres prise en considération sera celle du moment de la donation et non plus la valeur au moment du décès du donateur. Cette disposition est essentielle pour les musées car la valeur des oeuvres d'art augmente presque toujours. Bien que cette mesure réduise significativement le nombre de litiges avec les familles, elle ne les annule pas complètement.

Le Gouvernement envisage-t-il d'autoriser les conservateurs territoriaux à émettre un avis négatif en cas d'absence de consensus familial ? Cela évitera à certains musées de voir leur collection remise en cause lors du décès du donateur.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - La loi Perben prévient les contentieux liés à l'augmentation de la valeur des oeuvres. La signature d'un pacte successoral renforce les garanties des musées. L'appréciation de la valeur des oeuvres au moment de la donation doit être approuvée de tous.

Cependant, des héritiers réservataires inconnus peuvent apparaître au moment du décès. La sécurité n'est donc pas totale. Le recours systématique au pacte successoral serait disproportionné mais recommandé pour les donations importantes ou à la valeur vénale exceptionnelle, ou impliquant la construction d'un musée ou l'aménagement d'une partie dédiée.

Les musées ont la faculté de refuser des dons, avant comme après l'examen de la commission des acquisitions. Dans sa circulaire du 3 novembre 2009, la directrice des musées nationaux les invite à la prudence, notamment en cas de doute sur l'accord des héritiers. L'avis du conservateur doit aussi porter sur la sécurité juridique des donations.

M. Vincent Eblé.  - Merci de cette réponse qui intéressera les professionnels.

Tuberculose bovine

M. Henri Tandonnet .  - En application d'un arrêté du 15 septembre 2003, le département du Lot-et-Garonne est soumis à la règle de l'abattage total du troupeau dans les cas de détection de tuberculose bovine sur un animal. Il existe aujourd'hui un rapport de 1 à 2 entre le nombre de bovins confirmés positifs et le nombre de bovins abattus selon le principe de précaution.

Outre la perte financière que ces abattages représentent, les éventuelles indemnisations s'ajoutent au résultat de l'exercice et augmentent les charges. Un éleveur met des années à reconstituer un troupeau et, en général, abandonne l'élevage...

L'abattage systémique n'est pas obligatoire en Dordogne et en Côte-d'Or. Éleveurs et organisations agricoles du département du Lot-et-Garonne souhaitent bénéficier de la procédure d'abattage partiel.

Est-il prévu de mieux indemniser les éleveurs, voire de revoir l'arrêté de 2003 ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Des dérogations sont prévues pour protéger des espèces locales dans le cadre d'un protocole expérimental en Dordogne et en Côte-d'Or. Les résultats nous conduisent à revoir l'arrêté de 2003.

Un abattage partiel sera désormais autorisé, à condition -je vous en avertis- de satisfaire à un protocole très lourd. Le ministère veillera à ce que cela ne rende pas l'assainissement moins efficace, au préjudice des autres troupeaux.

Les départements volontaires, dont le Lot-et-Garonne fait partie, pourront s'engager dans cette voie avant l'été.

M. Henri Tandonnet.  - Merci de cette annonce. On sait que cette mesure avait été prise à l'époque dans le contexte de la maladie de la vache folle. Les éleveurs ne supportent plus de voir des troupeaux entiers abattus sans raison.

La séance est suspendue à 11 h 40.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jacques Bérard, qui fut sénateur du Vaucluse de 1986 à 1995.

Véhicules électriques (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public.

Discussion générale

M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique .  - Le véhicule électrique est un choix technologique mais aussi politique. La France doit prendre sa place dans cette révolution dont nous nous saisissons afin d'en accélérer le cours. Nos constructeurs ont pris des décisions en faveur des véhicules électriques. La France est déjà championne dans la compétition de l'électro-mobilité. Renault, avec la Zoé, et son allié Nissan, avec la Leaf, sont les pionniers de cette mutation. Les ventes progressent fortement, plus vite que n'avaient progressé celles des véhicules hybrides quand ils ont été lancés. À l'encontre du pessimisme ambiant, je tiens à dire que les véhicules électriques connaissent un succès éclatant. Le rythme de vente aux États-Unis est le double de celui des véhicules hybrides. Comparons des choux avec des choux et pas des carottes avec des poireaux ! De même, en Europe, les ventes ont été multipliées par vingt entre 2010 et 2012 et l'on prévoit 35 millions de véhicules électriques en circulation dans le monde en 2022. Les véhicules électriques s'imposent dans les flottes privées, publiques et chez les particuliers. Ils ne sont pas l'apanage des métropoles urbaines, loin de là.

Renault vend les trois quarts de ses Zoé dans la France des petites villes, là où les transports en commun ne peuvent pas être parfaitement développés. La chaîne du véhicule électrique n'est pas seulement une révolution technologique mais aussi sociétale, en faveur de transports sans émission de carbone ni nuisances sonores. Le véhicule électrique, c'est aussi le plein à 2 euros, et le prix des batteries est destiné à baisser sensiblement. Ces véhicules sont d'ores et déjà compétitifs et nous avons calé notre bonus écologique de 6 300 euros sur les petits modèles thermiques comparables, la 208 et la Clio.

Dès lors que 85 % des Français parcourent moins de 65 kilomètres par jour, il n'y a pas besoin d'avoir des bornes électriques partout. Il suffit de les disposer au bon endroit : c'est l'esprit de cette proposition de loi.

Pratiquant moi-même l'électro-mobilité au volant de ma Zoé de fonction, j'ai pu mesurer les possibilités de ce véhicule, redécouvrant le plaisir de conduire et la liberté, l'alliance de la nervosité et de la douceur, de l'agressivité et de la délicatesse.... (Sourires)

Le préfet Francis Vuibert est le chef de projet de notre plan d'action en faveur des batteries, pour retrouver notre souveraineté en la matière. Avec le CEA et Renault-Nissan, nous investissons sur tous les segments. Ainsi, celui qui achète une Zoé achète une voiture assemblée à Flins avec des moteurs fabriqués à Cléon. Je me réjouis d'ailleurs de la relocalisation industrielle de Renault, jusqu'à 700 000 véhicules par an contre 500 000 il y a deux ans. En outre, nous avons utilisé le levier de la commande publique : 25 % des nouveaux achats concernent des véhicules électriques. La flotte de l'Élysée donne l'exemple, et plusieurs ministres et députés roulent en Zoé. Je ne sais pas ce qu'il en est des sénateurs... (Exclamations)

L'objet de cette proposition de loi de Mme Frédérique Massat est de faciliter le développement des véhicules électriques en densifiant le réseau de bornes de recharge, dont la carte est un peu en peau de panthère. Nous disposons déjà du plus grand réseau de points de charge : 8 000, soit en régie des collectivités territoriales, soit grâce à Autolib. Il faut poursuivre ce déploiement des bases de recharge en 8 heures et en moins de 4 heures. C'est la mission de M. Francis Vuibert.

La Poste, les grandes surfaces, les opérateurs de parking ont été sollicités. J'ai demandé l'abaissement du cahier des charges de l'Ademe pour utiliser les 50 millions de subventions dans le cadre des investissements d'avenir. Le seuil de population de 200 000 habitants sera supprimé au profit d'un seuil de densité : une borne pour 3 000 habitants.

Cette proposition de loi supprime la redevance d'occupation du domaine public. Les communes resteront toutefois libres d'accepter ou le refuser. Le financement reposera sur les porteurs du projet. Ce modèle est ainsi équilibré. L'État assure un contrôle pour veiller à la bonne répartition du réseau : le colbertiste assumé que je suis y tenait. Nous soutenons cette initiative. Le Gouvernement compensera les pertes éventuelles des collectivités.

Je salue la qualité des travaux en commission et les amendements de clarification adoptés à l'initiative du rapporteur, M. Filleul. Ce texte est très concret et sera très utile. (Applaudissements)

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur de la commission du développement durable .  - Ce petit texte d'un seul article aura de grands effets. La mesure proposée est simple, technique et politique ; elle sera lourde de conséquences. Notre pays est leader en matière d'électro-mobilité et de transition énergétique. Le véhicule électrique n'est déjà plus le véhicule du futur mais bien celui d'aujourd'hui. Il s'agit de développer cette filière d'excellence, source d'emplois, en nous appuyant sur nos constructeurs. Ce faisant, nous respectons aussi la future directive relative aux utilisations de carburant.

Avec 25 000 véhicules, les véhicules électriques représentent 0,5 % du parc automobile, en hausse de 50 % depuis 2012, mais les premiers chiffres de 2014 témoignent d'une fragilité due au prix des batteries, qui devrait toutefois baisser avec l'effet de série. (M. Arnaud Montebourg, ministre, approuve)

Le coût d'un véhicule électrique s'élève à 13 000 euros après déduction des aides, sans compter les frais d'entretien et 150 euros de charges par mois. Tout cela reste perçu comme moins rentable qu'un véhicule thermique. Il faut mieux communiquer et expliquer que les véhicules électriques reviennent moins cher et sont plus robustes que les véhicules classiques, avec moins de maintenance. C'est une culture qui n'a pas encore été intégrée. Toutefois, le principal obstacle est l'absence d'un réseau de bornes suffisamment dense.

L'autonomie des batteries s'accroît : 120 kilomètres actuellement en moyenne, mais Renault développe de nouveaux modèles avec une autonomie qui devrait atteindre les 300 kilomètres. Guère plus de 10 % des bornes se trouvent sur le domaine public ; l'essentiel du chargement se fait au domicile ou sur le lieu de travail. Pourquoi ne pas rendre ces bornes éligibles aux certificats d'économie d'énergie ?

Beaucoup de citoyens ne franchissent pas le pas du véhicule électrique car ils ont peur de tomber en panne loin de chez eux. On compte 8 000 bornes ; 3 760 ont été installées sur les territoires, avec un soutien de l'Ademe ; 1 500 dossiers sont en cours d'instruction ; s'y ajoutent 5 000 bornes Autolib. Ce réseau, le premier en Europe et le troisième au monde, reste insuffisant. Surtout, fruit d'initiatives disparates, il manque de cohérence et d'équilibre sur le territoire. On risque de se retrouver avec une nouvelle fracture territoriale : si l'on compte 2 710 bornes en Poitou-Charentes, il n'y en a qu'une trentaine en Champagne-Ardenne.

Cette proposition de loi, adoptée le 6 mai à l'Assemblée nationale, répond à cette insuffisance en accélérant le déploiement des bornes et en assurant un maillage territorial cohérent et équilibré. Aujourd'hui, seules les collectivités territoriales peuvent installer des bornes. Cette proposition de loi autorise l'État et les opérateurs publics ou privés à installer des bornes sur le domaine public sans acquitter de redevance. Notre commission a étendu le champ de l'exonération aux domaines de l'État et des EPCI. Les opérateurs devront soumettre un plan aux ministres de l'industrie et de l'écologie qui en apprécieront le caractère national. Notre commission a précisé qu'un projet d'intérêt national s'entendait comme un projet concernant au moins deux régions et dont la répartition des bornes est équilibrée. La deuxième condition est d'avoir soumis leur plan à une concertation, notamment avec les électriciens. Nous avons ainsi supprimé la mention des réseaux de gaz, non concernés.

Cette exonération de redevance sera incitative et favorisera les investissements à long terme. Les bornes coûtent en effet entre 12 000 et 35 000 euros, selon leur rapidité. C'est un pari industriel sur l'avenir. Ce texte, conforme aux préconisations du Livre vert de M. Louis Nègre...

M. Charles Revet.  - Très bon rapport !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.  - ...n'entrave pas les initiatives des collectivités territoriales. Il s'agit de parvenir à une borne pour 3 000 habitants. Les initiatives de l'État ou des opérateurs n'entreront pas en concurrence avec celles des collectivités territoriales mais seront complémentaires. Bref, nous sommes devant un texte équilibré et pragmatique.

Je conclurai avec quelques questions. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les candidatures d'opérateurs qui se profilent ?

Nous sommes nombreux à regretter que le décret relatif au bonus écologique n'englobe pas les cas de locations longue durée ou avec option d'achat. Allez-vous le modifier ?

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - J'ai des réponses ! (Sourires)

M. Charles Revet.  - On va tout savoir !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.  - L'exonération de la redevance d'occupation du domaine public pourrait avoir des incidences financières pour les collectivités territoriales. Pouvez-vous vous engager à ce que l'État compense bien ces pertes éventuelles ?

Enfin, l'État prendra-t-il en charge lui-même les zones blanches résiduelles ? Nous y tenons beaucoup. (Applaudissements)

M. Ronan Dantec .  - Cette proposition de loi vise à développer la filière du véhicule électrique en levant le principal frein, la crainte de la panne sèche. Une mutation industrielle est en cours. Contrairement à ce que prétendent certains écologistes, il n'y a pas de lien, à mon sens, entre développement du véhicule électrique et survie industrielle du nucléaire : cela peut aussi se faire avec les énergies renouvelables. Explorer le développement du véhicule électrique est de bonne politique. Pollution atmosphérique, flambée du prix du pétrole, changement climatique, tout cela impose des mutations. Ne retardons pas les échéances. Les dénis de réalité ne conduisent qu'à des surcoûts.

Notre période rappelle celle des débuts de l'automobile, propice en inventions. En 1900, on pouvait croiser les Serpollet-Peugeot avec leur chaudière à vaporisation instantanée, les voitures à moteur à explosion à allumage électrique et refroidissement à eau, ceux qui avaient un moteur à cycle thermodynamique à quatre temps, avec carburant au gaz ou au carbure de pétrole. Le rapport de Mme Keller souligne que la voiture de demain sera le fruit d'innovations. Mais ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier. Les véhicules électriques ne sont pas la panacée et ont des défauts : faible autonomie des batteries, pollution de ces batteries, etc. Étudions aussi les usages : l'usage partagé et urbain est le meilleur pour les véhicules électriques. Gare aux surinvestissements !

Il s'agit de mieux adapter l'offre et la demande, de les mettre en réseau pour faire baisser les coûts. Les véhicules électriques pourront même servir d'appoint à l'occasion pour recharger le réseau.

Les écologistes sont favorables à une combinaison de solutions pour favoriser la mobilité durable : véhicules électriques, covoiturage, auto-partage, taxe poids lourds, bonus-malus écologique. Ce dernier instrument doit être utilisé pour soutenir le développement des véhicules électriques mais aussi pour lutter contre la pollution émise par le parc Diesel vieillissant. Les mesures à prendre sont diverses et exigent une vision d'ensemble. Notre responsabilité est de lancer une stratégie cohérente d'investissements. (Applaudissements à gauche)

M. Louis Nègre .  - Je remercie mes collègues de la commission du développement durable pour la qualité du travail de coproduction législative et salue tout particulièrement M. Filleul et le président Vall. (On renchérit sur de nombreux bancs)

La filière des véhicules électriques est une vraie filière industrielle d'avenir et d?excellence. Les constructeurs français captent 80 % de ce marché ; la France est le premier marché du véhicule électrique en Europe et le troisième mondial. Nous avons des atouts considérables : une ingénierie et un centre de recherches renommés ; un constructeur mondial avec une politique très volontariste ; un mix énergétique favorable, non producteur de gaz à effet de serre car à base d'énergie nucléaire ; une politique industrielle d'État qui, malgré quelques ralentissements malheureux, trace sa route depuis le Grenelle en passant par le Livre vert, jusqu'à la mission Vuibert et l'inscription, en 2013, de cette filière dans les investissements d'avenir, qui illustrent un volontarisme d'État, aux résultats significatifs, majeurs pour une hausse des ventes de 50 % depuis deux ans. À terme, on estime que les véhicules électriques représenteront 10 à 15 % du parc. Au cours des trois premières années, la croissance a été vingt fois supérieure à celle des véhicules hybrides. La France doit conserver sa place de leader dans l'électro-mobilité.

Les collectivités territoriales agissent, à l'instar de la métropole Nice Côte d'Azur, que vous n'avez pas citée. À l'initiative de M. Estrosi, ancien ministre de l'industrie, elle s'est équipée du premier système d'auto-partage de véhicules électriques, avec 198 voitures, 66 bornes et 132 places de recharge privée. L'engouement des Azuréens se comprend. La grande majorité des Français -85 %- font moins de 65 km par jour. Le véhicule électrique est un véhicule adapté à ce mode de déplacement. J'ai aussi testé le véhicule électrique : il assurait l'essentiel de mes déplacements dans mon département. Les véhicules électriques sont aussi adaptés aux besoins en milieu rural. Qui aurait cru que 75 % des Zoé seraient vendues dans des petites villes,

Pourtant, seuls 25 000 véhicules électriques sont en circulation, loin des deux millions envisagés dans mon Livre vert. Les collectivités territoriales n'ont utilisé que 12 millions d'euros sur l'enveloppe de 50 millions mise à disposition par l'État. Le réalisme conduit à développer à marche forcée la politique conduite depuis quatre ans, l'Europe nous y invite en préconisant 55 000 bornes. Aussi l'UMP accueillera-t-elle favorablement ce texte.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Louis Nègre.  - Cette proposition de loi représente un outil supplémentaire, modeste, certes, mais qui a le mérite d'exister. Son objet est d'exonérer de redevance d'occupation du domaine public l'État et les opérateurs. Cette dérogation aux règles du droit commun pour soutenir concrètement un projet d'intérêt national est conforme aux décisions du Conseil constitutionnel.

À l'heure où nous prônons une économie décarbonée, où l'objectif de transition écologique s'impose, cette mesure est nécessaire.

L'avenir de notre filière automobile et ses emplois en dépendent. Maintenons notre avance en ce domaine. Nous évoluons, le ministre l'a rappelé, dans une compétition mondiale. Nos amis allemands viennent d'achever l'équipement en bornes rapide d'un tronçon de 420 kilomètres entre Dortmund et Munich...

Si la plupart des rechargements s'opèrent à domicile ou sur le lieu de travail, il n'en reste pas moins que la création d'un réseau est éminemment souhaitable. Avec un État stratège -j'ai moi aussi une vision colbertiste dans certains domaines-, nous devrions pouvoir disposer d'un programme national, global et cohérent, de l'ordre de 4 500 bornes. Il n'a pas vocation à se substituer à l'action des collectivités territoriales mais à la compléter pour répondre aux besoins des usagers.

Des problèmes demeurent toutefois, des inquiétudes aussi, et d'abord sur la qualité de la concertation avec les collectivités territoriales. Leur connaissance du terrain évitera tout doublon ou manque préjudiciable. Je plaide pour un vrai partenariat, en amont, afin d'éliminer toute zone blanche, notamment en milieu rural.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Louis Nègre.  - Nous nous rapprocherons ainsi d'un service universel qui ouvrira un droit d'accès à tous. La tarification, aussi, devra être unitaire, dans notre République une et indivisible.

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Bien sûr !

M. Charles Revet.  - Très important !

M. Louis Nègre.  - Nous attendons, monsieur le ministre, un engagement ferme du Gouvernement sur ces points. Seul un maillage de qualité et égalitaire assurera le succès de l'opération.

Cette proposition de loi est nécessaire mais elle n'est pas suffisante. Nous sommes à une période charnière, critique pour la filière. Le premier trimestre 2014 a vu les ventes chuter de 30 % : alerte rouge ! Malgré les mesures incitatives prises, un premier signal négatif a été donné avec la baisse de la subvention de 7 000 à 6 300 euros. Vous connaissez pourtant la sensibilité psychologique des Français en la matière ! C'est surtout l'instabilité de l'engagement de l'État qui a été mal vécue.

Les freins demeurent nombreux ; plus grave, les industriels en viennent à douter. Nous devons plus que jamais poursuivre une action volontariste, c'est-à-dire marcher au canon, franchir le plus vite possible des étapes supplémentaires.

Je ferai pour cela quelques propositions : d'abord, conquérir les esprits par une campagne de communication pédagogique vigoureuse en s'appuyant davantage sur les associations spécialisées. Deuxième mesure, actualiser le Livre vert, qui sert de vade mecum aux collectivités territoriales. Le monde a changé en quatre ans. Troisième mesure, faciliter le déploiement des infrastructures privées, par exemple en rendant les bornes éligibles aux certificats d'économie d'énergie. Quatrième mesure, soutenir les infrastructures 100 % privées par une réglementation plus simple du droit à la prise dans l'habitat collectif ou par des aides financières. Cinquièmement, accentuer le soutien aux flottes d'entreprises, notamment par la réécriture du fameux décret Bonus sur la location longue durée et la location-vente avec option d'achat. Sixièmement, mettre en place des mesures incitatives au plan local pour aider les collectivités à agir.

Plus que jamais, il faut persévérer si nous voulons que cette filière réussisse. En bref, reprenons la devise des jeux olympiques : Citius, altius, fortius ! L'UMP soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Merceron .  - Le développement du véhicule électrique doit être une priorité en termes de développement durable et économique. Il est devenu consensuel, nous nous en félicitons.

Lors du débat du débat du 21 mai dernier sur le climat et l'énergie, Mme Jouanno rappelait l'attachement du groupe UDI-UC à la politique énergétique européenne et au rôle des régions et des territoires, qui sont, après l'Europe, l'échelon pertinent. L'Europe doit construire une politique énergétique fondée sur le développement des sources d'énergie propre et de maîtrise de la consommation. Il nous faut promouvoir les modes de transport alternatifs, dont le véhicule électrique. L'avenir de la filière industrielle française dépend en outre de notre capacité à innover et à accompagner nos constructeurs -avec des emplois à la clé. La France a une base industrielle, un savoir-faire en matière énergétique et d'aménagement urbain. Je regrette la liquidation récente de Visa électrique -preuve que le secteur est encore fragile et qu'il mérite d'être accompagné.

Nous ne partons pas de rien. Dès le Grenelle, les acteurs se sont entendus pour lancer une vraie filière décarbonée autour du plan Borloo ; en 2009, le pacte automobile s'est traduit par l'émergence d'une offre industrielle ainsi que par des achats coordonnés, publics et privés, et la mise en place d'infrastructures de recharge. Le rôle moteur de l'Ademe doit être salué. Le programme Véhicule du futur a été doté de 50 millions dans le cadre des investissements d'avenir. Le troisième appel à manifestation d'intérêt devrait permettre à de nombreux territoires d'être couverts, pour atteindre 14 000 bornes en 2016. Reste qu'il faut densifier encore le maillage.

L'innovation en matière énergétique viendra des territoires, j'en suis convaincu. Faisons confiance à l'intelligence territoriale. Or la proposition de loi organise une dérogation pour occupation de l'espace public en faveur de l'État et des opérateurs. Les nouveaux projets ne devront pas venir concurrencer les projets locaux existants : attention à ne pas trop recentraliser la prise de décision, au risque de ralentir les initiatives locales. En Vendée, le Sidev, syndicat départemental que je préside, est compétent pour l'installation des bornes de recharge. Il a publié, en juin 2013, avec l'aide de Renault, un schéma départemental d'implantation de 350 bornes sur 191 communes. Il se déploiera en trois phases de 2014 à 2016. Pour l'utilisation, une charge accélérée, de moins d'une heure, coûtera 3 euros ; une charge normale, 1 euro environ. La première borne a été inaugurée le 26 mai dernier. J'en suis fier car c'est un projet local innovant pour tout un département.

Même si je regrette que cette proposition de loi ne s'inscrive pas dans le cadre plus large de la loi de transition énergétique, que nous attendons, le groupe UDI-UC la soutiendra. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Évelyne Didier .  - La filière française du véhicule électrique constitue un gisement d'emplois ; les constructeurs français comptent 80 % de parts de marché au plan national. L'enjeu est aussi écologique : la moyenne de nos émissions de CO2 dans le secteur automobile reste de 176 grammes par kilomètre ; nous devons atteindre 130 grammes en 2020...

Le véhicule électrique jouera un rôle essentiel dans la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre ; il en va de la santé de nos concitoyens, ce qui n'est pas anodin. Pourtant, on ne compte que 8 000 bornes de recharge. Cette faiblesse d'implantation est un frein au développement des véhicules électriques, sans parler du prix, de l'autonomie ou même du problème culturel.

Il est bien que l'État reprenne la main, même si la forme de la proposition de loi nous prive d'étude d'impact. Le Gouvernement arguait naguère que les collectivités locales devaient rester seules compétentes... Sa volonté affirmée de développer un réseau de bornes qui soit accessible à tous est donc un progrès. Il pourra passer par un opérateur national, dans lequel il détiendra, directement ou indirectement, une participation, par exemple via l'Ademe ou la CDC. Le projet de l'opérateur devra être validé par le ministère de l'énergie et par celui de l'environnement. Cette garantie est insuffisante : nous voudrions également une garantie en matière d'aménagement du territoire. Les parlementaires doivent être mieux associés. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements. Après le scandale Écomouv', comprenez que nous soyons vigilants...

Les grands opérateurs privés, Bollaré ou Renault-Nissan, seront les seuls à pouvoir se porter candidats. Mais le réseau n'est pas si complexe, il aurait fallu soutenir les plus petites entreprises et le tissu local. En outre, si les collectivités locales seront associées, rien ne garantit la politique tarifaire. Quel contrôle public sur l'opérateur ? À l'Assemblée nationale, vous avez simplement assuré que le Gouvernement garantirait un tarif « à peu près » égal sur le territoire et un maillage « à peu près » équilibré. Quelles obligations pèseront sur les opérateurs pour éviter les zones blanches ? Sans elles, les bornes seront implantées là où elles seront rentables. Une fois de plus, on fait confiance au privé pour assurer une mission d'intérêt général ; nous en connaissons les résultats...

Le groupe CRC votera toutefois ce texte, au regard des enjeux écologiques et parce qu'il soulagera les collectivités territoriales qui n'auront pas à investir. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Requier .  - Cette proposition de loi est cruciale, elle nous invite à un choix stratégique. Oui ou non, donnerons-nous sa chance à l'électro-mobilité ? Un tel choix doit être courageux, réfléchi et éclairé. La France dispose d'atouts formidables, des entreprises de renommée mondiale. Face à une industrie de plus en plus sinistrée, nous devons soutenir la filière automobile électrique, qui est un gisement extraordinaire d'emplois. Il en va aussi du respect de nos engagements internationaux en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2040 -le trafic routier est responsable à 95 % de ces émissions. Le dernier rapport du Giec de mars 2014 est alarmant : sans un changement rapide, la hausse des émissions mondiales de gaz à effet de serre conduira à une augmentation de la température de 3,7° à 4,8°... C'est bon pour la vigne du nord, pas pour le reste... (Sourires)

De plus, l'avènement de la mobilité décarbonée est un moyen efficace de lutte contre la pollution atmosphérique ; il y a urgence. Élégante et silencieuse, la voiture électrique participe aussi à la lutte contre les nuisances sonores liées au trafic routier. Enfin, argument décisif, la réduction de notre dépendance au pétrole et aux pays producteurs. Ce mode de transport est adapté à la majorité des utilisateurs : l'autonomie moyenne est de 120 kilomètres, 87 % des trajets en Europe sont inférieurs à 60 kilomètres, on l'a dit.

Il faut gagner la bataille de l'opinion, surtout vu la position de leader des constructeurs français. Il est temps que le secteur décolle. Cela suppose le déploiement d'un réseau de bornes de recharge suffisant. La voiture est associée à l'idée de liberté -« le Français aime la bagnole » disait le président Pompidou...

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Ça n'a pas changé !

M. Jean-Claude Requier.  - Levons la crainte de la panne à cause d'une batterie à plat... Dans les Causses de mon département, on peut attendre longtemps avant d'être dépanné... (Sourires) Cette proposition de loi, qui parachève l'édifice des mesures de soutien existantes, est de bon sens. Défenseurs de la ruralité et de l'hyper-ruralité, nous sommes favorables à ce texte. Cette proposition de loi réaffirme le rôle stratège de l'État, garant de l'intérêt général. Elle est de bon augure, à quelques semaines de l'examen de la loi de transition énergétique. Le groupe RDSE la votera. (Applaudissements)

M. Michel Teston .  - Le développement du véhicule électrique est un enjeu énergétique, écologique et industriel majeur. La voiture électrique ne représente pourtant que 0,5 % du parc automobile français, la faute en est au coût élevé des batteries et à la faiblesse du réseau de bornes de recharge. D'où cette proposition de loi. Il s'agit d'autoriser le lancement d'un opérateur national, ou de plusieurs, chargé(s) d'assurer un maillage national en complément du réseau de proximité assuré par les collectivités territoriales. Il s'agit aussi d'améliorer la coordination des initiatives locales. La France a intérêt à avancer rapidement, dans l'attente d'une prochaine directive européenne.

L'opérateur national serait exonéré de la redevance pour occupation du domaine public. La vigilance s'impose, concernant d'abord l'accès équitable des citoyens aux infrastructures, ensuite le respect du principe d'égalité devant les charges publiques. C'est dire que services et tarifs devront être homogènes sur tout le territoire. Ce ne sont pas des contraintes mais un moyen de favoriser l'électro-mobilité en France.

Deuxième sujet de vigilance, le respect des règles de concurrence dans la gestion des services d'attente et des services de mobilité -je pense à l'auto-partage-, sur le modèle des actuelles stations-services. N'y a-t-il pas un risque de disparité de concurrence par rapport aux autres services implantés sur le domaine public qui, eux, payent la redevance ?

À l'initiative de M. Filleul, dont je salue l'excellent travail, la commission du développement durable du Sénat a modifié le texte, précisant que la répartition des bornes doit s'effectuer dans le respect d'un aménagement équilibré du territoire. Elle a en outre prévu la compensation, par augmentation de la DGF, de la perte de recettes pour les collectivités locales découlant de l'exonération de redevance. Ce sont des garanties supplémentaires. Enfin, le porteur de projets, les collectivités locales et l'ensemble des acteurs devront se concerter : c'est un point important pour parvenir à un maillage équilibré.

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Arnaud Montebourg, ministre .  - Je remercie l'ensemble des intervenants pour cette convergence de vues. Un mot sur l'esprit évolutif du Gouvernement sur ce dossier : il y a dix-huit mois, nous avions dit devant l'Association des maires de France que nous faisions confiance aux collectivités locales. Depuis, les règles décourageantes de l'Ademe ont été modifiées pour être plus incitatives. Mais, donner la compétence à 36 000 communes, 36 000 souverains, 36 000 décisionnaires qui n'ont pas forcément la même vision, les convaincre prendrait plus de temps que de vous convaincre vous, parlementaires, qui êtes les représentants de ces territoires.

J'ai appelé l'auteur du Grenelle, Jean-Louis Borloo, pour en parler. Il n'y a pas d'inconvénient à ce que l'État rende cohérent les offres de bornes sur le territoire, comble les trous, organise un réseau national avec pour objectif qu'il y ait une borne tous les 60 kilomètres. Cet objectif n'a pas à figurer dans la loi, comme on l'avait fait pour les points Poste. Ce n'est pas la responsabilité du législateur mais celle, opérationnelle, d'un gouvernement qui vient en soutien des collectivités locales ; il ne les dépossède pas de leurs compétences en appuyant sur l'accélérateur de l'électro-mobilité. La compétence est concurrente, comme disent les juristes. Il y a de nombreuses raisons à soutenir ainsi politiquement l'électro-mobilité, l'indépendance énergétique, la lutte contre la pollution...

Je salue les collectivités locales qui se sont engagées : Nice, monsieur Nègre, mais aussi la région Nord-Pas-de-Calais. Elles ont la compétence, le Gouvernement les encourage mais prend les choses en main pour garantir un maillage national. Nous agissons tous ensemble ; si certains font plus, tant mieux.

J'en viens à cette affaire des zones blanches. Pour nous, le véhicule électrique est un véhicule de travail là où manquent les transports en commun. C'est donc, par définition, un véhicule de la ruralité. Ayant été moi-même, pendant dix-sept ans, un élu rural, je veux faire mentir la croyance qui veut que le progrès soit d'abord pour les villes ! L'électro-mobilité répond à l'ultra-ruralité. C'est pourquoi il n'y a pas de zones blanches dans notre projet. Si nous avons mis l'État dans l'affaire, c'est pour éviter toute fracture territoriale. Nous disons à tous les Français : où que vous soyez, vous aurez une borne de recharge à moins de 60 kilomètres.

Il n'y aura pas d'appel d'offres : ce seront des offres spontanées, que nous agréerons si et seulement si l'équilibre territorial est respecté. C'est une vision extrêmement moderne ! Il y a un agrégat de constructeurs, Renault-Nissan, BMW et Volkswagen autour d'EDF d'un côté, et M. Bolloré de l'autre -il a l'expérience d'Autolib- avec un projet de 16 000 points de charge sur tout le territoire national. Il est propriétaire d'une technologie qui a fait ses preuves contre nos concurrents asiatiques. Il ne demande aucune subvention : il ne cherche pas à gagner d'argent avec ce service puisque c'est lui qui vendra les batteries -elles sont fabriquées près de Quimper, à Ergué-Gabéric. (Mme Maryvonne Blondin renchérit)

Bien sûr, les collectivités locales auront leur mot à dire. Comment faire autrement ? Ce sont elles qui connaissent les flux, le trafic, le terrain. Quel opérateur se priverait de leur connaissance des territoires ? Qui investirait 10 000 euros par borne sans coopérer avec elles ? On peut se faire confiance ! S'il y a désaccord, l'État sera le dernier arbitre -mais je pense que vous pourrez parfaitement vous entendre avec les opérateurs.

L'état des dossiers de l'Ademe ? Quelque 12 millions ont été dépensés sur l'enveloppe de 50 millions, 6,7 millions sont en instruction -le seuil a été abaissé, ce qui facilitera les choses.

L'élargissement des certificats d'énergie à tous les acteurs privés ? Après Auchan, M. Leclerc l'a demandé ; nous étudions cette piste qui est du ressort du ministère de l'environnement mais à laquelle le ministère de l'économie est favorable.

Un décret est en circulation en ce moment, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014, pour revenir au périmètre initial sur le bonus écologique : les ventes en contrat de location longue durée seront comprises dorénavant.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.  - Merci.

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - L'avenir du véhicule électrique ? Il est assuré avec une hausse de 78 % des ventes dans toute l'Europe. La France dispose d'une avancée considérable sur le mass market, confortons-la ; le grand luxe revenant aux Américains avec la marque Tesla.

Merci, monsieur Nègre, de votre travail sur le Livre vert qui s'actualise de lui-même. La France représente le référentiel de l'électro-mobilité. Les Allemands disposent de 2 100 bornes de recharges publiques ; ils annoncent un projet sur un seul axe. Loin de la France et de ses 8 000 bornes. Enfin, n'oublions pas, dans nos raisonnements, les constructeurs étrangers qui produisent sur notre territoire : Toyota, qui a récemment recruté 400 personnes sur une ligne de montage des Yaris, ou encore Daimler et sa Smart électrique en Moselle. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par M. Nègre, Mme Masson-Maret et MM. D. Laurent et Grignon.

Alinéa 1

Après les mots :

des personnes publiques,

insérer les mots :

pour une durée fixée par décret en Conseil d'État,

M. Louis Nègre.  - Amendement de principe : l'exonération doit être bornée dans le temps. Il faut épargner les deniers publics.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.  - Dans un premier temps, les investissements ne seront pas rentables. Ils le deviendront certainement mais il est difficile de dire à quelle échéance. De plus, la rentabilité sera forcément différente d'une zone à l'autre. Le moment venu, nous pourrons revenir sur cette exonération. Retrait, sinon défavorable.

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - L'opérateur national devra gagner sa vie à partir d'un réseau national. Il prendra un risque, il gagnera son pari s'il gagne la bataille de l'opinion... Faisons donc un deal de principe : l'opérateur a besoin de stabilité fiscale, un thème cher à votre coeur (sourires), pour consentir des investissements de trente ans. Aussi, je vous prie instamment de retirer votre amendement.

M. Louis Nègre.  - Les élus sont précautionneux des deniers publics, peut-on le leur reprocher ? Vous avez entendu mon appel à la stabilité fiscale, et c'est heureux. Je m'incline.

L'amendement n°5 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Avant d'approuver ces projets, les ministres chargés de l'industrie et de l'environnement viennent soumettre pour avis les éléments constitutifs du cahier des charges des projets retenus aux commissions parlementaires concernées dans chacune des chambres parlementaires.

Mme Évelyne Didier.  - Les commissions parlementaires, à tout le moins, doivent être associées au projet de cahier des charges du futur opérateur. Existera-t-il un site internet cartographiant l'emplacement des bornes ?

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Il existe déjà.

Mme Évelyne Didier.  - Notre souci est le maillage territorial et des tarifs modérés.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.  - Le Gouvernement a pris des engagements, notamment sur les zones blanches. Dans ces conditions, un avis obligatoire des commissions parlementaires ne s'impose peut-être pas. Retrait ? Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Nous partageons le même souci. Raison pour laquelle nous mobilisons la nation à travers une campagne de promotion pour l'électro-mobilité, le système du bonus-malus, des achats publics et un réseau maillé avec une borne tous les 60 kilomètres. Le Gouvernement vous donnera toutes les informations sur l'avancement de ce projet ; les collectivités territoriales auront tout loisir de s'exprimer.

Je m'engage, en quelque sorte, à une information en temps réel. La meilleure assurance est qu'un GIE a été constitué avec EDF pour géolocaliser les bornes directement sur le tableau de bord des conducteurs. Retrait ?

Mme Évelyne Didier.  - Je n'insiste pas puisque vous me donnez toutes les garanties. Trois ans, toutefois, cela paraît bien court pour un tel investissement. Nous verrons bien...

L'amendement n°1 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Merceron et les membres du groupe UDI-UC.

Alinéa 3

Après le mot :

concerné,

insérer les mots :

les personnes morales de droit public mentionnées à l'article L. 2224-37 du code général des collectivités territoriales dont le projet a déjà fait l'objet d'une délibération de l'organe délibérant,

M. Jean-Claude Merceron.  - Les collectivités territoriales qui se sont lancées dans des projets locaux doivent être associées à la concertation. Ne pénalisons pas ces territoires qui travaillent à l'aménagement de notre pays.

M. le président.  - Amendement identique n°3 rectifié, présenté par MM. Requier, Barbier, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard et Tropeano.

M. Jean-Claude Requier.  - Toutes les collectivités doivent participer à la concertation. Nous mettons tout de même un frein : l'organe délibérant doit avoir pris une délibération. La proposition de loi s'inscrit dans cette démarche ; insistons-y, ce n'est pas inutile.

M. le président.  - Amendement identique n°4, présenté par M. Besson.

M. Jean Besson.  - C'est le même amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°6 rectifié, présenté par MM. Pintat et Revet.

M. Charles Revet.  - Oui, les communes doivent être associées, comme elles le sont avec les syndicats d'électricité.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.  - Ces quatre amendements intéressants sont satisfaits par le texte : communes et EPCI sont mentionnés à l'alinéa 3. Qui plus est, l'Ademe est consulté sur tous les projets, y compris ceux en cours d'instruction. Retrait, sinon défavorable.

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Même avis. Ne multiplions pas les obstacles quand nous avons besoin d'aller vite. À l'évidence, les opérateurs auront besoin des collectivités territoriales et de connaître l'état du réseau d'électricité, ne serait-ce que pour des questions d'ampérage. Misons sur la confiance.

M. Jean-Claude Merceron.  - Je maintiens mon amendement : ce sera plus clair en l'écrivant dans la loi.

M. Jean Besson.  - Je fais de même.

M. Charles Revet.  - Même chose.

Les amendements identiques nos2 rectifié, 3 rectifié, 4 rectifié et 6 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Amendement technique et politique puisqu'il s'agit de lever le gage.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur.  - Évidemment favorable.

L'amendement n°7 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

Intervention sur l'ensemble

M. Jean-Claude Lenoir .  - On a beaucoup parlé des véhicules électriques cet après-midi, peu de l'électricité... Je salue l'enthousiasme du ministre. Les statistiques sont formelles : la circulation stagne en Ile-de-France depuis dix ans ; elle augmente, en revanche, en zone rurale pour des raisons évidentes : besoin de joindre les services publics, d'aller au travail... Un appel d'offres pour l'installation de bornes en zone rurale serait nécessaire. Qui dit véhicule électrique dit production d'électricité ! D'où viendra l'électricité pour alimenter les véhicules électriques ? Il faudrait l'équivalent de douze réacteurs nucléaires de type EPR ou, pour ne pas froisser notre collègue écologiste, M. Dantec, qui s'est montré curieusement le moins favorable à cette proposition de loi, 10 000 éoliennes offshore. Nous en sommes loin... Rien que pour Paris, un à deux EPR seraient nécessaires. Quid du transport de l'électricité ? Il faudra des réseaux intelligents. Le développement de ces véhicules impose donc de lourds investissements...

Nous avons besoin de développer une filière industrielle. La solution à laquelle vous pensez, monsieur le ministre, nous aidera à y réussir. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La proposition de loi est adoptée.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Conformément à l'article 9 du Règlement, la commission des affaires étrangères ainsi que la commission de la culture ont respectivement été invitées à présenter une candidature.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par le Règlement.

Engagement de procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi autorisant l'approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967 sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux déposé sur le Bureau du Sénat ce jour.

Protection des navires (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires.

Discussion générale

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - L'accord en CMP n'a pas été difficile à obtenir en raison du consensus sur ce texte, les votes à la quasi-unanimité dans chacune des deux chambres l'avaient montré.

Le Sénat avait approuvé les améliorations apportées au texte par les députés, par exemple pour placer symboliquement la protection des hommes avant celle des biens ou sur le rôle du comité d'alerte sur la définition des zones de piraterie.

J'avais salué le choix de la codification effectué à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Chanteguet. Nous avons voulu prolonger ce travail en laissant le coeur du projet de loi dans le code des transports pour placer dans le code de la sécurité intérieure ce qui relève de la régulation classique d'une activité privée de sécurité. La commission mixte paritaire a avalisé ce choix, je salue la sagesse des députés.

La CMP a adopté quelques modifications en élargissant la contribution au CNARS à toutes les entreprises, qu'elles soient françaises ou non, à l'article 3, en levant les ambiguïtés concernant le rôle du capitaine pour l'emploi de la force en cas de légitime défense à l'article 21 et, enfin, en définissant la notion d'incrimination à l'article 34 bis relatif au contrôle des douanes.

Ce projet de loi, sans régler tous les problèmes liés à la piraterie, marquera un progrès. Il est très attendu. J'invite le Gouvernement à publier les décrets d'application dans les plus brefs délais et le Sénat à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements)

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Merci de votre implication. Le texte, qui est le fruit d'un engagement pris par tout le Gouvernement après le conseil interministériel de la mer renforcera la sécurité de nos navires et la compétitivité de notre pavillon.

C'est un impératif : ce matin encore, un tanker a été attaqué dans le détroit de Malacca. L'enjeu est économique, il y va de notre compétitivité.

Au cours de la discussion parlementaire, les tâches respectives du capitaine et de l'armateur ont été clarifiées ; c'est heureux. Le recours à la force, cela a été confirmé, sera autorisé dans le seul cadre de la légitime défense, ce qui différencie l'activité de protection de celles de nos forces de sécurité. Point important car cela lève la crainte d'un détournement d'une activité de service public au profit du privé. La détention des pirates respectera les droits de l'homme.

Ensuite, un seuil minimal de trois gardes de sécurité par navire sera exigé. Naturellement, ils pourront être plus nombreux. Enfin, je salue le travail de codification. Ce texte réunira une fois de plus, je l'espère, le Sénat. Il constitue un signal attendu. Je présenterai simplement deux amendements de forme.

Je suis sensible à votre appel à une publication rapide des décrets d'application. J'y répondrai car c'est un gage de crédibilité et le moyen d'aider les professionnels à anticiper la mise en place du dispositif. Il y a le décret pris après avis du Conseil d'État et ce qui relève de mesures réglementaires simples. La concertation avec les professionnels, engagée depuis janvier, se poursuivra avec une réunion à la fin du mois pour tirer les conséquences des modifications législatives intervenues. L'objectif est de saisir le Conseil d'État avant l'été pour une publication à la rentrée. Grâce à des décrets simples, nous préciserons le nombre d'hommes à bord ou la définition des navires concernés.

Sur le référentiel, le travail interministériel a été dense et précis, avec une participation active de tous les acteurs concernés. La confiance a régné durant les réunions entre institutionnels et professionnels ; c'est la condition de l'efficacité de ce dispositif.

Le monde de la mer attendait fébrilement ce texte, dont dépend notre compétitivité. Le Sénat a fait preuve de son sens des responsabilités, personne ne doutait d'ailleurs qu'il en soit autrement. Poursuivons pour la France et le pavillon français ! (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet .  - Ce projet de loi comportait des imperfections que nous avons levées en première lecture au Sénat. La complexité du titre II, en particulier, posait problème. Le groupe UMP s'est réjoui de sa simplification : désormais, une autorisation d'exercice, un certificat et une carte individuelle pour les agents seront exigés. Cela ne constituera pas un obstacle pour ces agences habituées à de telles procédures. Nous avons trouvé le bon équilibre, la CMP l'a heureusement conservé.

Si nous comprenons l'interdiction d'afficher la qualité d'ancien militaire ou d'ancien agent des forces de sécurité pour les agences de sécurité, nous regrettons que le débat ait été écarté. Nos partenaires étrangers, eux, peuvent faire mention de cette qualité ; ce qui entraîne une distorsion de concurrence.

Il était trop lourd de fixer les zones par décret : l'Assemblée nationale a confié cette tâche à un comité réunissant professionnels et pouvoirs publics. Ce sera plus souple. Fallait-il fixer dans la loi un nombre minimal d'agents ? La question reste posée. Les professionnels en sont satisfaits, tant mieux. Le groupe UMP soutient pourtant globalement ce texte.

Seuls les articles 3, 21 et 34 bis ont été modifiés en commission mixte paritaire. Les modifications à l'article 3 ne changent rien au fond : la contribution au fonds de sécurité ne sera pas limitée aux entreprises françaises.

Nous avions des doutes sur le caractère évasif de l'article 21 et nous dénoncions le fait que la combinaison avec l'article 27 ne donne pas toutes les garanties légal. Certes, la rédaction nouvelle de cet article 21 sécurise davantage le travail des entreprises de sécurité. Toutefois, nos interrogations sur l'exercice des pouvoirs de police n'ont toujours pas trouvé de réponse.

C'est notre seule réserve sur ce texte satisfaisant que l'UMP votera. Je salue l'esprit de concorde qui a prévalu en commission mixte paritaire, alors même que des divergences étaient apparues sur la codification. Le travail n'est pas fini. Nous attendons les décrets. Il faut aussi mener une politique coordonnée avec les États concernés. Ce midi, l'ambassadeur du Nigéria m'a dit toute l'importance qu'il y attachait.

M. Jean-Marie Bockel .  - Le projet de loi répond à une attente des acteurs du secteur : les 264 actes de piraterie commis en 2013 appelaient une réponse forte. Alors que 90 % du transport mondial se fait par voie maritime, la présence de gardes armés à bord, déjà autorisée par une dizaine de pays européens, sécurisera nos approvisionnements et renforcera la compétitivité de notre pavillon, dans un secteur porteur de croissance et d'emploi.

À mon tour de saluer l'esprit de consensus en commission mixte paritaire, qui a débouché sur un texte équilibré, reprenant les apports de l'Assemblée nationale sur la définition du nombre des hommes armés à bord ou les obligations du capitaine, ou ceux du Sénat, distinguant dispositions relevant du code des transports et du code de la sécurité. Le cadre juridique est celui de la légitime défense. Il est urgent que la France définisse toutefois un cadre juridique adapté pour ces entreprises de sécurité. Je me félicite des annonces de M. Cazeneuve en ce sens : un chapitre de la nouvelle loi de sécurité intérieure y sera consacré.

Ne soyons pas naïfs, ce texte ne suffira pas à lui seul à faire reculer la piraterie, mais il va dans le bon sens. La circulation maritime est le poumon de l'économie mondialisée. Nous devons soutenir les pays du golfe de Guinée face à la recrudescence de la piraterie.

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. Jean-Marie Bockel.  - La commission des affaires étrangères y réfléchit. Le Parlement, dans un souci de compromis et de pragmatisme, a su rédiger un texte équilibré. Notre groupe le votera.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Mme Évelyne Didier .  - Ma vision sera différente...

M. Charles Revet.  - Pas possible ! (Sourires)

Mme Évelyne Didier.  - Je suis sceptique quant à l'atteinte des objectifs économiques et en termes d'emplois. En effet, l'attractivité des pavillons de complaisance, à commencer par le pavillon britannique, s'accroît au détriment de nos armateurs. Depuis 2008, 2 600 emplois ont été supprimés dans la marine marchande française. Celle-ci est menacée de disparition par une concurrence mondiale qui dégrade l'emploi. Le renforcement de la sécurité ne suffira pas pour inverser la donne, même si le texte de la CMP apporte des clarifications bienvenues.

Les mesures proposées seront-elles efficaces pour la sécurité ? Nos doutes tiennent au nombre de gardes embarqués, à la multiplicité des langues parlées, à celle des instances de décision à bord, à la responsabilité du capitaine, à l'incompatibilité de telles missions avec le régime juridique de la légitime défense, à l'absence de garanties concernant la formation et l'aptitude des agents recrutés. De plus, ce texte s'inscrit dans une marchandisation de la sécurité privée.

4

Selon l'Organisation maritime internationale, l'État du pavillon devrait décourager le port et l'usage d'armes à feu par les marins, sous peine d'une escalade de la violence. Au sens du droit international, l'exercice d'une mission de surveillance armée dans les espaces internationaux et dans les mers territoriales étrangères doit être considéré comme l'exercice d'une prérogative de puissance publique. La France s'expose, avec ce texte, à une difficulté juridique. La convention des Nations unies sur le droit de la mer dispose que la haute mer est affectée à des fins pacifiques. Dans une résolution du 2 juin 2008, le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas autorisé l'usage de la force dans ce cadre par des sociétés privées, estimant qu'il s'agissait d'une mission régalienne. L'agrément national des gardes privés à bord de navire ne dispense pas du respect des conventions internationales. Certains pays interdisent d'ailleurs la présence de gardes armés dans leurs eaux territoriales.

Le groupe CRC, hostile à la privatisation de missions régaliennes, votera contre ce texte. Vous m'en voyez désolée, monsieur le ministre.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État.  - Pas tant que moi !

Mme Leila Aïchi .  - Les écologistes reconnaissent la menace représentée par la piraterie. Toutefois, nous regrettons que la question soit abordée sous le seul angle sécuritaire ; nous aurions souhaité une discussion plus globale.

En CMP, deux points ont fait débat. Il revient à l'armateur de définir le nombre d'hommes armés à bord. En outre, à l'article 21, de nombreuses interrogations subsistent : l'application du cadre de la légitime défense crée des ambiguïtés. Je regrette que les craintes du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentations n'aient pas été entendues. Ne laissons pas à des acteurs privés le soin de définir les modalités d'usage de la force.

Les sénateurs écologistes s'abstiendront donc. Nous saluons l'effort d'équilibre en CMP, notamment sur la codification. Les garanties supplémentaires apportées au cours du débat ont été conservées, c'est bien. Toutefois, les impératifs budgétaires ne doivent pas nous forcer à renoncer à notre marine nationale.

Ce texte fait fi de l'échelon européen et de la nécessité d'une sécurité européenne. De plus, il aurait dû s'accompagner d'une politique plus large en faveur du développement économique des pays concernés. Ne restons pas prisonniers d'une politique symbolique et passéiste. (Applaudissements sur les bancs CRC et RDSE)

M. Yvon Collin .  - Le droit de la mer s'est bâti sur les coutumes. C'était simple : « pas de quartiers ! ». (Sourires) Les actes de piraterie sont en recrudescence et menacent la sécurité des États et des approvisionnements, sans parler des prises d'otages. Loin de Rackham le Rouge, il s'agit d'une nouvelle forme de terrorisme !

Les forces publiques sont très sollicitées. Le Royaume-Uni, l'Espagne, le Danemark ont déjà autorisé la présence de sociétés de protection privée à bord. Si l'État délègue une partie de ses missions régaliennes, il régule les conditions d'obtention de l'agrément et instaure de nombreuses garanties : l'encadrement de l'usage des armes, le contrôle administratif, les sanctions disciplinaires seront dissuasives. La protection des marins a permis de réduire les actes de piraterie au large de la Somalie de 237 en 2010 à 15 en 2013. Le RDSE votera ce texte à l'unanimité.

M. Jean-Jacques Filleul .  - Ce texte était très attendu par les professionnels. Les pirates sont devenus des entreprises terroristes dynamiques. Alors que d'autres pays européens ont autorisé le recours aux sociétés de sécurité privées, nos armateurs ont été longtemps réticents mais nos forces publiques ne peuvent pas tout faire. Il était urgent de légiférer.

L'Assemblée nationale a fait primer de manière bienvenue la protection des hommes sur celle des biens. S'agissant de la codification, le Sénat a préféré une solution médiane, au profit de la lisibilité de la norme. La commission mixte paritaire a travaillé en ce sens. À l'article 21, elle a inscrit l'action des agents privés dans le cadre de la légitime défense et ainsi supprimé les distorsions dont pâtissaient les entreprises françaises. Les moyens du CNAPS ont été augmentés. Un comité tripartite aidera le Gouvernement à définir les navires concernés

Le recours à des agences privées complétera l'action de la Marine nationale. Comme le rapportait Mme Herviaux, il n'est pas question d'abdiquer un élément de souveraineté, il ne s'agit pas d'une privatisation de missions régaliennes. Alors que le président Carrère s'était inquiété du respect de la loi de programmation militaire, je note avec satisfaction que le président de la République a déclaré que les engagements votés seraient tenus. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Discussion des articles

ARTICLE 12 BIS

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

1° Remplacer les mots :

Au premier alinéa

par les mots :

À la première phrase du premier alinéa

2° Compléter cet article par les mots :

et, à la seconde phrase, après les mots : « et déposée », sont insérés les mots : « , sauf pour l'activité mentionnée au 4° de l'article L. 611-1, ».

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État.  - Il n'y a pas de raison de ne pas étendre cette disposition aux personnes morales.

Mme Odette Herviaux, rapporteure.  - Favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

ARTICLE 34

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Remplacer la référence :

616-1

par la référence :

611-2

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État.  - Nous corrigeons une erreur de référence.

Mme Odette Herviaux, rapporteure.  - Favorable.

L'amendement n°2 est adopté.

Le texte ainsi amendé est adopté dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire.

La séance est suspendue à 18 h 10.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Avis sur une nomination

M. le président.  - La commission du développement durable a émis, lors de sa réunion du 27 mai 2014, un vote favorable par 7 voix pour, 0 voix contre et 2 votes blancs en faveur de la nomination de M. Stéphane Saint-André en qualité de président du conseil d'administration de l'établissement public Voies navigables de France.

Comptes bancaires inactifs (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence.

Discussion générale

M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Je veux saluer la qualité du travail de nos deux assemblées. L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur de l'époque, Christian Eckert, a abouti à une proposition de loi de très grande qualité, inspirée par l'expertise de la Cour des comptes et celle du Conseil d'État, enrichie en commission et en séance. Je veux dire aussi la qualité des échanges que nous avons eus avec les services du ministère tout au long de la procédure.

Le Sénat a préservé l'équilibre du texte ; il en a étendu le périmètre aux coffres-forts et a amélioré l'accès à l'information des différents acteurs. Certains regrettent que nous ne soyons pas allés plus loin ; je crois pourtant que nous avons fait bouger quelques lignes avec le souci de proportionner les obligations faites aux professionnels aux enjeux. Le texte avait d'ailleurs été adopté ici à l'unanimité.

Peu de points restaient à trancher en CMP. Celle-ci a simplifié à certains stades de la procédure les modalités d'information des titulaires d'un compte inactif et des bénéficiaires d'un contrat d'assurance vie en déshérence. Elle a précisé les modalités de liquidation des engagements exprimés en unités de comptes avant leur dépôt auprès de la CDC.

Sur les coffres-forts en déshérence, la CMP a précisé le sort de ceux dont le contenu n'aurait pas été vendu aux enchères après deux tentatives. Elle a repoussé la date d'entrée en vigueur du raccourcissement de la durée maximale des plans de surendettement au 1er juillet 2016 et prévu l'entrée en vigueur, dès le 1er janvier 2015, de certaines dispositions propres à améliorer l'information des professionnels, ainsi que du plafonnement des frais précomptés. Le champ de ce plafonnement a été précisé.

Ce texte réglera de manière définitive le problème des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance vie en déshérence au profit des bénéficiaires et, à défaut, de l'État, pourvu que les professionnels respectent leurs obligations et que le contrôle soit efficace. Je vous invite à l'adopter ainsi que les amendements rédactionnels déposés par le Gouvernement -à l'unanimité, je l'espère. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - Je salue l'accord en CMP. L'injustice des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance vie en déshérence mobilise les parlementaires depuis de nombreuses années. Le débat a trop duré. Cette initiative parlementaire de grande qualité traite le sujet de manière parfaitement satisfaisante.

La proposition de loi définit enfin ce qu'est un compte bancaire inactif. Elle prévoit un ensemble d'obligations à la charge des banques, en particulier la consultation annuelle du Répertoire national d'identification des personnes physiques pour vérifier que le titulaire du compte n'est pas décédé, le recensement des comptes inactifs, le plafonnement des frais et le transfert des fonds à la CDC. Le Sénat a trouvé une solution pragmatique pour la gestion des coffres-forts en déshérence ; le Gouvernement s'en félicite.

S'agissant des contrats d'assurance vie en déshérence, la loi de séparation bancaire n'avait traité la question qu'en partie. La proposition de loi prévoit de nouvelles obligations pesant sur les assureurs, un renforcement des contrôles, la revalorisation, le plafonnement des frais de gestion, ainsi que l'obligation de transfert des sommes détenues à la CDC. Les notaires réglant une succession pourront consulter les fichiers de l'administration fiscale recensant les comptes bancaires et les contrats d'assurance vie.

Le Sénat a étendu l'obligation de revalorisation post mortem des contrats d'assurance vie dépourvus de valeur de rachat, ce qui permet de traiter de manière identique tous les contrats et d'éviter un manque à gagner pour les bénéficiaires.

La mission confiée à la CDC donnera au nouveau dispositif toute son efficacité, grâce à un guichet unique. La bonne application du principe de prescription trentenaire devrait permettre à l'État de récupérer des recettes qui lui reviennent de droit.

La date d'entrée en vigueur du raccourcissement des plans de surendettement est repoussée au 1er juillet 2016 : le Gouvernement en est d'accord.

Ce texte protège les clients et préserve les intérêts financiers de l'État : je le soutiens avec ardeur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Hervé Maurey .  - Lors du vote de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, le rapporteur de la CMP indiquait que ce texte réglait de manière définitive la question. Je serai plus mesuré et plus prudent. Oui, il comporte des avancées, apporte des solutions concrètes au problème des avoirs inactifs et couvre un large champ. À l'initiative du Sénat, il plafonne les frais de gestion, comme le souhaitait la Cour des comptes ; il assure la revalorisation minimale post mortem des contrats et interdit aux professionnels de réclamer toujours de nouvelles pièces ou des pièces identiques pour retarder le règlement.

Il fait la transparence sur les contrats d'assurance vie non réclamés. C'était un point primordial de ma proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 29 avril 2010 et reprise depuis dans la loi bancaire, mais de façon insuffisante. L'encours de ces contrats serait de 5 milliards d'euros -4,6 milliards, selon l'ACPR. Un rapport sera remis au Gouvernement et à l'autorité de contrôle. Mais la transparence sur les flux est tout aussi indispensable : je me félicite de l'adoption de mes amendements sur ce point. D'autres, toutefois, n'ont pas survécu à la commission mixte paritaire. Je persiste à penser que l'information aux ayants droit devrait se faire par recommandé et au moment même où un compte est identifié comme inactif -la CMP n'a retenu cette obligation que pour l'article 12 et non pour la procédure de droit commun. Je regrette que l'obligation de recherche de titulaires et ayants droit de ces comptes n'ait pas été réaffirmée. Les assureurs sortent par le haut d'une situation dont ils sont responsables et échappent aux sanctions : c'est une sorte d'amnistie. (M. François Marc, rapporteur, proteste)

La recherche frénétique de ressources pour remplir les caisses de l'État l'a emporté sur le souci de la protection des épargnants. C'est là la ligne de fracture entre nous... Les résistances des professionnels ne sont pas levées. Il faudra être vigilant sur l'application de ce texte. L'ACPR semble enfin jouer son rôle -elle a imposé récemment une amende record. Je compte sur le rapport prévu et sur la publication rapide des décrets d'application. Je n'oublie pas vos engagements du 7 mai, monsieur le ministre, sur les courriers retournés à l'expéditeur avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » ; plus la recherche est précoce, plus elle est efficace.

Mon enthousiasme est mesuré, donc, car j'aurais aimé un texte plus protecteur des épargnants. C'est une étape et non un aboutissement. Je le voterai en vous donnant rendez-vous pour poursuivre le combat. (Applaudissements)

M. Éric Bocquet .  - Les comptes dits inactifs ne l'étaient pas pour tout le monde... Cette proposition de loi, si elle est encore trop timide, va dans le bon sens. Elle vient combler une lacune. La loi de séparation bancaire avait mis en lumière des pratiques parfois discutables, pour ne pas dire plus...

La commission mixte paritaire est arrivée à un compromis, à un moyen terme. Manque encore de vraies sanctions des agissements ne respectant pas les règles légales et déontologiques de la finance. Les contrats en déshérence et comptes inactifs sont une source de recettes gratuites pour les établissements de crédit qui continuent de percevoir des frais de gestion sur ces comptes, une gestion automatisée qui, en réalité, ne leur coûte rien tandis que les fonds déposés à la BCE portent rémunération... Il faudra y revenir.

Une grande banque française risque d'être condamnée à une très forte amende aux États-Unis, équivalente à son résultat 2013, privant ses actionnaires de juteux dividendes... Nous avons toujours dénoncé les agissements des établissements de crédit contraires à l'intérêt général ; mais la justice américaine, derrière des considérations morales ou politiques, ne cherche-t-elle pas à mettre en difficulté un des adversaires de son système financier ? (Sourires)

Ne manquons jamais de rappeler aux banques leur très grande responsabilité dans le financement de l'économie. Les clients doivent pouvoir leur faire confiance en toute circonstance. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Francis Delattre .  - Cette affaire des comptes inactifs est un vieux marronnier législatif... Le groupe UMP a voté ce texte en première lecture.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Absolument ! Ne boudons pas notre plaisir. Il est si rare... (Sourires)

M. Francis Delattre.  - Il protège les droits des épargnants et de leurs ayants droit et préserve les intérêts financiers de l'État. La CMP est parvenue à un accord, technique et politique.

M. François Marc, rapporteur.  - Très bien !

M. Francis Delattre.  - Un certain nombre d'avancées sont dues au Sénat. Les frais ne pourront être prélevés par l'assurance pour financer son obligation de recherche et d'information en cas de contrat d'assurance vie non réclamé. L'information des ayants droit connus sera obligatoire pour les comptes bancaires dits inactifs. Le délai de dépôt des avoirs à la Caisse des dépôts et consignations est allongé afin de laisser davantage de temps pour rechercher les ayants droit, notamment en cas de successions complexes ou internationales. L'établissement d'un fichier unique tenu par la CDC simplifiera grandement les choses et renforcera la transparence : c'est une excellente innovation.

Nous regrettons toutefois que l'information des ayants droit ne soit pas plus large ; que la mention expresse, à l'initiative de Philippe Adnot, de l'obligation de contrôle régulier, par l'ACPR, des obligations des assureurs ait été supprimée. Elle eût été utile au regard des observations de la Cour des comptes.

L'extension de la prescription trentenaire aux coffres-forts en déshérence est bienvenue pour les finances de l'État. À la commission des finances, nous étions entrés difficilement dans ce sujet...

M. Michel Sapin, ministre.  - Logique quand il s'agit de coffres-forts ! (Sourires)

M. Francis Delattre.  - ...avant de nous apercevoir que de nombreux coffres-forts restaient effectivement en déshérence. Combien cela rapportera-t-il à l'État ? Mystère...

L'équilibre du texte a été préservé, une grande partie des avancées du Sénat retenue par la CMP. Cet accord entre nos deux assemblées n'est pas fortuit, au regard du contexte actuel. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer de la levée de tous les obstacles juridiques qui pèsent encore sur ces mesures ? Le groupe UMP adoptera cette proposition de la loi. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant le texte après l'Assemblée nationale, se prononcera par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 18, première phrase

Après le mot :

natures

insérer les mots :

ou versement de produits ou remboursement de titres de capital ou de créance

M. Michel Sapin, ministre.  - Amendement de coordination, comme les trois suivants, après le travail scrupuleux de vos deux assemblées.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 19, seconde phrase

Supprimer les mots :

ou disposition

II.  -  Alinéa 32

Supprimer les mots :

mentionnées au deuxième alinéa

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 2 et 8

Compléter ces alinéas par les mots :

ou versement de produits ou remboursement de titres de capital ou de créance

II.  -  Alinéa 12, seconde phrase

Remplacer les mots :

deuxième et dernier

par les mots :

trois derniers

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par les mots :

et à l'exception de l'article 12 bis A qui entre en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi

M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la CMP.  - Favorable aux quatre amendements.

L'ensemble du texte issu des travaux

de la CMP, modifié, est adopté définitivement.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement et à l'amélioration du statut des stagiaires, est parvenue à un accord.

Prochaine séance mercredi 4 juin 2014 à 14 h 30.

La séance est levée à 22 h 5.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 4 juin 2014

Séance publique

À 14 heures 30 et le soir

Présidence : M. Jean-Claude Carle, vice-président

Mme Christiane Demontès, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean Desessard

M. Gérard Le Cam

- Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'économie sociale et solidaire (n°544, 2013-2014)

Rapport de M. Marc Daunis, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°563, 2013-2014)

Avis de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n°565, 2013-2014)

Texte de la commission (n°564, 2013-2014)