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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Engagement de la procédure accélérée

Demande de constitution d'une commission spéciale

Dépôt d'un rapport

Rappel au Règlement

Mme Éliane Assassi

Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. André Trillard, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur de la délégation sénatoriale à l'outre-mer

M. Joël Guerriau, rapporteur de la délégation sénatoriale à l'outre-mer

Mme Leila Aïchi

M. Yves Pozzo di Borgo

Mme Éliane Assassi

M. Jacques Mézard

M. Michel Vergoz

M. Robert Laufoaulu

Demande de constitution d'une commission spéciale

Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines (Suite)

Mme Odette Herviaux

M. Abdourahamane Soilihi

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Karine Claireaux

M. Jacques Cornano

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Dépôt d'un document

Procédure devant le conseil de prud'hommes

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Corinne Bouchoux

M. Jean-François Husson

Mme Muguette Dini

Mme Isabelle Pasquet

M. Jacky Le Menn

Mme Anne-Marie Escoffier

Discussion de l'article unique

Conférence des présidents

Création d'une commission spéciale

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois

Sociétés d'économie mixte à opération unique (Deuxième lecture)

Discussion générale

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois

M. Antoine Lefèvre

M. Jean-Léonce Dupont

Mme Évelyne Didier

M. René Vandierendonck

Mme Anne-Marie Escoffier

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Ordre du jour du jeudi 19 juin 2014




SÉANCE

du mercredi 18 juin 2014

112e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de Mme Bariza Khiari, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean Desessard, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Ce texte a été publié ce jour. En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de ce texte.

Demande de constitution d'une commission spéciale

Mme la présidente.  - En application de l'article 16, alinéa 2 bis, du Règlement, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a saisi M. le président du Sénat d'une demande de constitution d'une commission spéciale sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions.

Cette demande a été publiée et a été notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes politiques et des commissions permanentes. Elle sera considérée comme adoptée sauf si, avant la deuxième séance qui suit cette publication, soit avant l'ouverture de la séance du lundi 23 juin, la présidence est saisie d'une opposition par le Gouvernement ou le président d'un groupe.

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'articulation du régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et la généralisation de la complémentaire santé afin d'étudier l'hypothèse d'une éventuelle évolution du régime local d'assurance maladie et ses conséquences.

Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a été transmis à la commission des affaires sociales.

Rappel au Règlement

Mme Éliane Assassi .  - Mon rappel au Règlement se fonde sur les articles 16-2 et 36 du Règlement.

Ce matin, le Conseil des ministres a adopté le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. J'ai demandé la constitution d'une commission spéciale pour étudier cette importante réforme territoriale. Comment en effet scinder la réflexion sur ce texte de celle sur un second texte, adopté lui aussi en Conseil des ministres ce matin, et dont l'examen est renvoyé à l'automne. Nos six commissions devraient être consultées tant le sujet est vaste et impacte de domaines. La création d'une commission spéciale simplifiera la tâche du Sénat. Il m'apparaît contraire à l'esprit et à la lettre de notre Constitution que la commission des lois commence dès aujourd'hui des auditions ; je demande qu'elles soient reportées.

Ma demande n'est pas excessive. Ce qui est excessif, c'est cette précipitation, deux heures seulement après l'adoption du projet de loi en Conseil des ministres. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de votre demande.

Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les zones économiques exclusives (ZEE) ultramarines.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères .  - Nous sommes un peu en retard, je vous prie de m'en excuser... En septembre 2013, la frégate Nivôse a appréhendé un navire de recherche pétrolière en train de procéder à des explorations illégales près des îles Éparses dans le canal du Mozambique, qui recèlent des richesses pétrolières et gazières importantes.

Cet exemple illustre les évolutions en cours, évolutions technologiques, économiques mais aussi juridiques depuis l'entrée en vigueur de la convention des Nations unies sur le droit de la mer qui a élargi les ZEE jusqu'à 200 milles et même 350 avec l'extension du plateau continental. Cette délimitation des espaces maritimes est un bouleversement considérable, dont nos collègues Jeanny Lorgeoux et André Trillard ont montré les risques et les menaces.

La France est une grande bénéficiaire de cette évolution. Grâce à l'outre-mer, elle dispose d'une ZEE de 11 millions de kilomètres carrés, la plus vaste du monde après celle des États-Unis, répartie sur tous les océans, souvent autour de territoires de taille réduite - parfois même sans population. Notre pays dispose ainsi d'un potentiel considérable, indispensable dans la compétition internationale.

L'exploitation de ces ressources et le développement des technologies nécessaires représentent un enjeu économique important, tout particulièrement outre-mer. Nos collègues de la délégation à l'outre-mer et les orateurs des groupes parleront de ce potentiel et des moyens de le développer. En tant que président de la commission des affaires étrangères, je tiens à mettre l'accent sur les enjeux de sécurité. La territorialisation des fonds marins et de leurs sous-sols est une cause potentielle de tensions et de conflits armés, on le voit en mer de Chine, par exemple.

Elle impose aux États qui souhaitent exploiter leur espace maritime de disposer des moyens de sa sécurisation. J'ai demandé au chef d'état-major de la Marine quels moyens seraient nécessaires pour assurer une surveillance de ces zones : six bâtiments adaptés, m'a-t-il répondu... C'est dire le niveau d'exigence et de moyens. Les capacités de certains pays à mobiliser des moyens d'exploration et de production de plus en plus loin des ports d'attache, comme celles des pirates et des terroristes à attaquer les installations offshore ou les navires les approvisionnant à partir d'États côtiers déstabilisés nous contraindront, pour assurer la protection de nos intérêts, à déployer des moyens de protection.

À mesure que les richesses sont connues les contentieux se multiplient, qui retarderont le lancement des projets d'exploitation. La protection des ZEE passe par la diplomatie et le droit, mais suppose aussi d'être en capacité de faire respecter le droit, par le recours à la force si besoin est.

Plusieurs territoires sous souveraineté française restent contestés. Certaines de nos ZEE ne font toujours pas l'objet de délimitations avec les pays voisins. Les dossiers d'extension du plateau continental sont insuffisamment soutenus. Le perfectionnement du droit international ne suffira pas. Il faut maintenir des capacités de surveillance, de contrôle et d'action.

Si nous avons réussi à ce que le Livre blanc mette en exergue les enjeux maritimes, le contexte budgétaire de la loi de programmation militaire n'a pas permis de doter notre Marine nationale des moyens indispensables. La commission que je préside réclame le maintien des moyens et dès que les conditions économiques se seront améliorées, leur accroissement, pour faire face à ces nouvelles exigences. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Oui, il faut exploiter les richesses de nos ZEE outre-mer, ce qui n'a de sens que si nous réussissons à faire respecter nos intérêts sur la scène internationale. Or les limites de notre ZEE ne sont ni clairement, ni complètement établies, tout particulièrement dans l'océan Indien, autour de Tromelin ou de Mayotte, mais aussi des Comores, qui viennent de délivrer un permis d'exploitation pétrolière dans une zone qui empiète sur notre ZEE théorique. Que se passera-t-il s'il y a découverte et mise en exploitation dans ces eaux ? Cette question se pose pour nombre de nos ZEE.

Ainsi, dans la zone Antilles-Guyane, le dialogue avec le Surinam n'a pas abouti. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la délimitation de 1992 est très défavorable à la France. En Nouvelle-Calédonie, la délimitation est faite avec les îles Salomon, les Fidji et partiellement avec l'Australie ; pour Wallis et Futuna, le travail est pour partie achevé. L'incertitude est aggravée par les interprétations divergentes du principe de l'équidistance... Il manque encore des décrets portant délimitation des lignes de base pour nombre de territoires. Il importe que les services compétents du ministère des affaires étrangères mettent les bouchées doubles pour défendre les intérêts supérieurs de la France à long terme. Sans compter que sur les quatorze demandes d'extension du plateau continental soumises par la France, quatre seulement ont fait l'objet d'une recommandation de la Commission des limites du plateau continental ; aucune n'a été traduite dans le droit par les autorités nationales. Le processus d'ensemble pourrait ne pas aboutir avant une dizaine d'années, la Commission manquant de moyens.

Sans délimitation établie, l'étendue de notre domaine maritime n'est pas opposable aux États tiers, ce qui crée de véritables zones de non-droit dans des espaces sous juridiction française.

L'affirmation de notre souveraineté impose une présence effective et visible de l'État, ce qui n'est pas simple avec des moyens insuffisants. Tout ce qui peut être fait par le droit évitera d'engager des moyens militaires sur des fondements contestables. Mais on peut s'interroger sur la volonté de certaines administrations d'affirmer notre souveraineté, laquelle est contestée, comme à Mayotte, par l'État comorien. Ce sont d'immenses zones économiques qui sont convoitées par des États comme Maurice, qui délivre des licences de pêche pour une zone qui empiète sur la nôtre, ou encore Madagascar pour les îles Éparses. L'enjeu est de taille : la ZEE à cet endroit du globe représente les deux tiers du canal du Mozambique. La zone autour de Clipperton fait l'objet d'une revendication récente du Mexique malgré un arbitrage international favorable à la France rendu en 1931. Ce territoire figure désormais dans la liste de l'article 72-3 de la Constitution, mais nous avons signé un accord de pêche particulièrement complaisant avec le Mexique, sans contrepartie véritable. Je peux citer aussi les îles Matthew et Hunter contestées par le Vanuatu.

La France doit s'intéresser davantage à la gouvernance mondiale des océans. La convention de Montego Bay a confié à l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) l'organisation et le contrôle de l'exploration et de l'exploitation du sol et des sous-sols, « pour l'humanité tout entière ». Elle a établi des réglementations sur les nodules et sulfures polymétalliques. La Russie, la Chine et la Grande-Bretagne montrent leur intérêt pour l'exploitation des fonds marins.

La France doit peser de tout son poids dans la définition d'un cadre raisonné et respectueux de l'environnement pour l'exploitation des fonds marins. Elle doit aussi être présente pour l'exploration des grands fonds, à laquelle elle consacre trop peu de moyens par rapport aux Russes et aux Chinois.

M. Joël Guerriau.  - Absolument !

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur de la commission.  - La France disposait d'une avance certaine ; elle prend du retard. Elle dispose pourtant de richesses à faire fructifier, et ne doit pas se laisser dépouiller. Relisez la parabole des talents : il ne faudrait pas que nous connaissions le sort du troisième serviteur... Il est temps de réagir. (Applaudissements)

M. André Trillard, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Nous avons besoin d'une vision à long terme pour gérer nos richesses, ce qui implique une politique globale de sécurisation. La France doit gérer un espace qui va de Saint-Pierre-et-Miquelon à la Nouvelle-Calédonie en passant par La Réunion. Sur le territoire français, le soleil ne se couche jamais. (Sourires)

La sécurité des ZEE nous impose une gestion à deux niveaux : en surface et sous la mer, où gisent des richesses économiques et minières, dans un contexte de concurrence acharnée. Leur accès, leur préservation, leur protection, celle des routes qui y conduisent, constituent des enjeux majeurs. L'Ifremer a accompli un travail remarquable d'exploration scientifique, par exemple à Wallis et Futuna.

L'approche globale est essentielle pour l'espace maritime, qui mobilise des moyens diplomatiques et militaires importants. Il faut repenser notre relation à cet espace, en établissant une stratégie nationale pour des dizaines d'années.

Les autres puissances ont bien intégré la dimension stratégique des ressources des océans, dont les terres rares - les tensions actuelles entre la Chine et le Japon en sont l'illustration. Je déplore l'insuffisance de nos efforts pour inventorier les ressources de nos ZEE - à comparer avec notre promptitude à délimiter dans ces espaces des zones de protection naturelle... Avons-nous les bons objectifs ?

Nous sommes très préoccupés par nos difficultés à maintenir nos capacités de contrôle et de surveillance. Nous avons besoin de satellites d'observation, de moyens aéromaritimes adaptés et polyvalents, d'une meilleure coordination entre les services chargés de l'action de l'État en mer. Nous nous réjouissons de la mise en place d'une organisation spécifique de la fonction de garde-côte par la Marine nationale, dont nous regrettons néanmoins l'insuffisance des moyens en équipements.

Pour protéger les 11 millions de km2 de notre ZEE, nous ne disposons outre-mer que de six frégates de surveillance - il en faudrait le double -, de deux bâtiments de transports légers, de sept patrouilleurs hauturiers que nous faisons durer, d'un patrouilleur austral, et de deux navires reconvertis en patrouilleurs... Les renforcements attendus de la LPM ne sont pas à la hauteur. Les bâtiments civils mis à disposition sont faiblement armés et ne disposent pas des capacités amphibies suffisantes. Le programme de bâtiments de surveillance et d'intervention maritime a été réduit et retardé. C'est dire que la notion de protection relève presque du virtuel. Les moyens devront être réajustés - je pense à des drones embarqués - et leur financement revu, par exemple grâce à une redevance d'exploration ou d'exploitation. Il est important en outre de se rapprocher des États riverains avec lesquels nous avons des accords de délimitation, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, par exemple.

Madame la ministre, nous attendons des réponses claires pour garantir le statut de puissance maritime de notre pays. Quels délais pour l'exploration ? Cinquante ans, cela paraît énorme. Mais nous sommes dans une logique de trois cents ans ! Merci de garder un intérêt pour cet aspect majeur de l'avenir de notre pays. (Applaudissements)

M. Jeanny Lorgeoux.  - Très bien !

M. Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer .  - J'aimerais que ce débat suscite une véritable prise de conscience, pour nos collectivités ultramarines, notre pays et pour l'Europe. Je remercie M. le président Carrère d'avoir accepté ce débat conjoint.

Face à la morosité ambiante, il faut redessiner un horizon, tracer des perspectives à court, moyen et long terme. Je remercie nos rapporteurs pour leur travail de longue haleine et leurs nombreuses auditions. Leur rapport fera date. Il dépasse l'angle habituel, limité à des problématiques spécifiques, et met en évidence les potentialités multiples de notre ZEE ; encore faut-il trouver les moyens de les valoriser, alors que la souveraineté de la France est de plus en plus contestée. Il est urgent de redresser la barre, de définir une véritable politique maritime. L'audace n'est jamais plus indispensable qu'en situation de crise.

Le rôle des collectivités ultramarines a toujours été minoré ; à l'exception de la Polynésie, elles sont davantage tournées vers leur territoire terrestre. Les aspects maritimes ont toujours été considérés de manière éparse, cloisonnée. Je déplore la faible association des outre-mer à la définition d'une politique maritime. Moins d'une dizaine de pages consacrées à l'outre-mer sur un total de 209 pour le rapport du Secrétariat général à la mer !

Des ressources halieutiques à l'exploitation des minéraux, des algues ou des énergies renouvelables, la recherche est pourvoyeuse de croissance et d'emplois pour le pays tout entier ; sans cela, la France ne pourra rester une grande puissance maritime. En cette date symbolique du 18 juin, je n'hésite pas à lancer un appel, afin que chacun ouvre les yeux. L'avenir de l'humanité se joue sur les océans ; nous avons le devoir de faire fructifier leurs richesses. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur de la délégation sénatoriale à l'outre-mer .  - Notre planète connaît une révolution silencieuse : celle du partage des océans. La course au contrôle des ressources marines et sous-marines est lancée. La Chine, le Brésil y déploient des moyens considérables. Or notre ZEE est la deuxième mondiale, après celle des États-Unis, et la plus diversifiée. Réserve de ressources énergétiques, alimentaires et minérales, source d'innovations, la mer est au coeur des défis de l'humanité pour le XXIe siècle.

La prospection la plus avancée en matière de recherche d'hydrocarbures concerne la Guyane. Plusieurs projets en sont au stade de la consultation publique. La ZEE française des îles Éparses couvre une grande partie du canal du Mozambique, où la présence de ressources pétrolières est plus que probable. Une discussion s'est également engagée entre la France et le Canada au sujet du plateau continental.

Les ZEE sont aussi des lieux propices au développement des énergies renouvelables, sujet stratégique pour les territoires ultramarins dont les difficultés d'approvisionnement énergétique contribuent au renchérissement du coût de la vie. Une mention particulière doit être faite de l'énergie thermique des mers. Des prototypes sont actuellement développés en Martinique et en Polynésie, tandis que des systèmes de climatisation de type Swac sont en service à La Réunion ou à l'hôpital de Papeete. Deux prototypes de station houlomotrice sont en outre installés à La Réunion. La conquête des eaux peut stimuler l'innovation et la création de nouvelles filières industrielles.

Les ZEE ultramarines constituent une réserve halieutique et de biodiversité, dont l'évaluation du potentiel est encore balbutiante. Je pense à la pêche et à l'aquaculture, aux algues qui ont de multiples applications industrielles - et un rendement dix fois supérieur à celui des oléagineux pour la production des biocarburants.

Les nodules polymétalliques ont pu faire rêver dans les années 1970, ils sont encore difficiles à extraire sans porter atteinte à l'environnement. Des programmes de repérage sont en cours. De même pour les sulfures hydrothermaux ou les terres rares. D'après une étude de l'université de Tokyo de 2011, les gisements de ces dernières autour des Tuamotu constitueraient une part très importante des réserves mondiales. La souveraineté de certains îlots français est contestée, ce qui n'est sans doute pas un hasard...

Toutes ces ressources portent un potentiel d'innovation considérable. La course à l'exploration et à l'exploitation est lancée. La Chine a pris de l'avance dans l'exploration des grands fonds. DCNS et l'Ifremer ont de leur côté un projet de sondage-carottage à grande profondeur.

L'une des priorités doit être de protéger les richesses de la mer. Il y a une véritable stratégie à déployer pour affirmer et assumer la souveraineté de la France sur ses territoires.

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur de la délégation.  - Que représentent six bâtiments adaptés, demandait le président Carrère ? Alors que les États-Unis ont pris la mesure de l'enjeu, la voix de la France est inaudible !

L'autre priorité est de connaître la ressource, ce qui est indispensable pour mesurer et encadrer l'effet des exploitations sur les écosystèmes. Or tous les voyants sont au rouge. La transmission des connaissances de l'Ifremer n'est même pas assurée. La France n'honore pas les engagements pris lors de l'obtention du permis d'exploration dans la zone internationale de Clarion-Clipperton en 2001, alors que celui-ci arrive à échéance dans deux ans... Le travail d'inventaire en Polynésie a été interrompu... Notre délégation lance un signal d'alarme !

La situation économique des collectivités ultramarines est extrêmement dégradée, le taux de chômage des jeunes atteint des records. L'exploitation des richesses maritimes est une occasion extraordinaire pour sortir d'un schéma économique déséquilibré et promouvoir un développement durable, fondé sur les atouts locaux. Les acteurs locaux doivent être systématiquement associés, y compris aux négociations avec les pays voisins. De même, notre pays doit dynamiser le soutien de l'Union européenne à la valorisation de l'espace maritime et favoriser la prise en compte des spécificités de nos outre-mer dans les politiques communautaires, comme celle de la pêche. Bruxelles commence à prendre conscience de l'importance des ZEE, comme en témoigne la communication en décembre 2012 sur la croissance bleue, de la Commission européenne.

Nous en appelons à un changement de regard de notre pays et de l'Europe sur les outre-mer. (Applaudissements à gauche et à droite)

M. Joël Guerriau, rapporteur de la délégation sénatoriale à l'outre-mer .  - C'est avec un vif intérêt que j'ai exploré les ZEE ultramarines, même si le voyage ne fut que virtuel. Le rapport de la délégation fait suite au brillant rapport d'information de la commission des affaires étrangères. Les gisements de ressources des zones économiques ultramarines et les retombées économiques potentielles sont énormes, en particulier pour les territoires ultramarins. La France est une puissance maritime qui s'ignore ; elle ne s'est pas préoccupée de marquer son territoire.

M. Charles Revet.  - Tout à fait.

M. Joël Guerriau, rapporteur de la délégation.  - Hormis Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie française, aucun territoire ultramarin ne dispose de frontières maritimes délimitées et donc opposables. La France, sur le programme Extraplac, a pris un tel retard que les dossiers de Wallis et Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon ne seront examinés que d'ici vingt-cinq à trente ans... face à nous, le Canada se prévaut, en attendant, de l'arbitrage de 1992.

La France n'assume pas ses responsabilités, faute de moyens militaires maritimes, les seuls à pouvoir intervenir en haute mer, contre les pirates et pilleurs. La surveillance satellitaire ne saurait suffire.

Contrairement aux États-Unis, la France ne dispose pas d'un service de garde-côtes. La mutualisation des moyens des différentes administrations trouve vite ses limites. Dans le même temps, d'autres pays s'équipent pour protéger leurs richesses maritimes, comme le Brésil, qui s'équipe de cinq sous-marins, dont un nucléaire. Notre pays ne se montre pas déterminé à faire respecter ses droits : sa souveraineté est donc défiée, voire bafouée. Le pillage des ressources halieutiques se poursuit, à Clipperton ou dans les îles Éparses, sans parler de la revendication des Comores et de Madagascar dès lors que l'on espère des ressources pétrolières dans le canal du Mozambique.

La France devait être un leader naturel ; elle est plutôt un mauvais élève, qui reste en marge des travaux de l'Autorité internationale des fonds marins. Cette instance fixe les règles d'exploration et d'exploitation des ressources de la « zone », c'est-à-dire hors zones nationales. Chargée d'élaborer la gouvernance mondiale des océans, elle fait appel à l'expertise des États : c'est un levier d'influence.

Or, malgré nos atouts, nous restons inertes : la réforme du code minier se fait attendre et la France n'a pas été en mesure d'apporter des expertises sur les ressources de la zone de Clipperton, ni même de défendre ses permis. Idem pour la recherche de nodules polymétalliques : deux campagnes françaises en quinze ans, soixante-quinze pour les Russes et les Chinois ! Ce n'est pas ainsi que la France s'affirmera dans la mise en place de la gouvernance mondiale des océans. Il sera bientôt trop tard, surtout si les États-Unis ratifient Montego Bay. L'Union européenne commence à s'intéresser au sujet. Alors que la France est quasiment la seule concernée, elle laisse les choses se décider au niveau européen !

Le Premier ministre a commandé un rapport : serions-nous sur le point de passer à l'action ? Une politique maritime parcellaire ne peut qu'échouer. La création d'une division maritime au sein du ministère de l'écologie est bienvenue. Pour qu'une équipe gagne, il faut un entraîneur. Nous sommes à un moment charnière, le moment de vérité ! (Applaudissements)

Mme Leila Aïchi .  - Je salue l'initiative de ce débat, sur une question emblématique de la course autour des matières premières, des ressources énergétiques et des terres rares. L'espace maritime de la France couvre 11 millions de kilomètres carrés. Cela lui confère un rôle particulier en matière de protection de la biodiversité. Nos eaux hébergent quantité de poissons rares, sans parler des 3 500 végétaux et 400 espèces de vertébrés qui n'existent que dans nos outre-mer. Ce potentiel extraordinaire mérite une gestion responsable. Le rapport de la délégation, Le moment de vérité, énumère les risques environnementaux présentés par les installations gazières et pétrolières offshore avec de nombreux accidents.

Les écologistes s'interrogent sur le comportement de la France dans sa propre ZEE. Je pense au contentieux entre les pêcheurs guyanais et le Gouvernement sur le permis d'exploration et de prospection, qui aura des conséquences dramatiques sur la faune et la flore.

Il est question que le volet ultramarin de la réforme du code minier se fasse par ordonnance. C'est inquiétant.

Le Conseil économique, social et environnemental recommande que la loi reprenne les objectifs de la convention sur la biodiversité ratifiée en 1994 ; renforcement de la diplomatie environnementale et de la gouvernance. La France doit défendre ses intérêts, en régulant la pêche au large de son territoire, en délimitant ses zones, en déployant des bâtiments en mer et en agissant au niveau européen contre la pêche illicite, la piraterie et le braconnage. La poursuite du système de surveillance est une première étape ; la France doit se prémunir contre toute contestation de sa souveraineté. Nous devons nous donner les moyens de nos ambitions. (Applaudissements)

M. Yves Pozzo di Borgo .  - L'invention du super conteneur des années soixante-dix a changé la donne du commerce mondial, avec un essor de la maritimisation. Le général de Gaulle estimait dans son discours de Brest que les États, à l'avenir, chercheraient naturellement à dominer les océans pour en accaparer les ressources.

Notre domaine maritime est quatre fois plus étendu que la Méditerranée, vingt fois plus que le territoire hexagonal. La seule Polynésie française est plus étendue que toute l'Union européenne. Grâce aux territoires ultramarins, notre ZEE couvre les cinq continents et tous les océans : un véritable empire maritime, de Mayotte aux Terres australes et antarctiques françaises. La richesse de ce sol marin est un atout indéniable ; or nous ne disposons pas de cartographie du potentiel d'exploration des fonds marins, notamment en matière d'hydrocarbures. Les ZEE de Guyane et de Nouvelle-Calédonie seraient très riches...

Dans les mers tropicales, la différence de température entre eaux de surface et eaux profondes pourrait être une source d'énergie très intéressante. Ne pourrait-on fixer l'autosuffisance des territoires ultramarins comme un objectif de nos politiques publiques ? C'est un programme ambitieux, non dénué de risques, étant donné la concurrence croissante entre États en matière maritime. L'interception dans le canal du Mozambique d'un bâtiment étranger d'exploration sismique illustre bien les difficultés.

La situation est difficile dans l'océan Indien, dans le Pacifique. N'oublions pas non plus le risque environnemental : la Nouvelle-Calédonie compte certes des gisements de fer et de cobalt, mais aussi notre plus grande barrière de corail... La prolifération des activités illicites pose la question de la maîtrise de zones aussi vastes et aussi éloignées les unes des autres. Les zones les plus à risque sont surveillées par des radars fixes ; les autres le sont en fonction des moyens disponibles...

Les moyens budgétaires de la Marine baissent alors que l'investissement en matière de défense est la condition nécessaire à l'exploitation économique des ZEE. Sans cet effort, elles resteront en jachère. Merci au président Carrère d'avoir si vivement réagi aux menaces pesant sur la loi de programmation militaire. Comment concilier l'exploitation des fonds marins et la protection de l'environnement ?

Sur toutes ces questions, j'aimerais entendre le Gouvernement. « La mer est un espace de rigueur et de liberté », disait Victor Hugo. À nous de faire preuve d'imagination. (Applaudissements)

Mme Éliane Assassi .  - Je me félicite de l'excellent rapport de la délégation sur les ZEE ultramarines. Sous ce vocable jargonnant se joue une grande part de l'avenir de la France et de l'humanité tout entière.

Le rapport formule dix recommandations que j'invite le Gouvernement à suivre. Notre pays possède dix-huit fois plus de mers que de terres. Les 118 îles de la Polynésie française nous octroient à elles seules une ZEE de 4,8 millions de kilomètres carrés ; les 7 kilomètres carrés de Clipperton nous valent plusieurs milliers de kilomètres carrés de zone maritime.

Ces mers regorgent de ressources minérales, de terres rares, et constituent aussi une source d'approvisionnement en énergies fossiles. En Guyane, les études prospectives envisagent la possibilité de produire 100 000 barils de pétrole brut par jour ! Ces ZEE nous confèrent une position diplomatique et stratégique considérable. Ce potentiel pourrait répondre en partie à nos besoins en matière d'énergie fossile et renouvelable. Or nous avons pris quinze ans de retard sur l'exploration de grands fonds océaniques. Aucune donnée, aucun relevé des ressources exactes. Une gouvernance dynamique pour la mise en valeur des ZEE devrait être une priorité nationale.

La défense de ces territoires passe par le développement durable, la réponse aux attentes économiques et sociales de nos concitoyens. Notre pays doit avoir une diplomatie beaucoup plus active. Pourquoi ne pas inscrire le sujet à l'ordre du jour d'un prochain Conseil européen ? La France, grâce à nos outre-mer, a le plus grand nombre d'ouvertures maritimes : elle doit jouer un rôle d'entraînement, qui renforcerait sa place au sein du Conseil. En juillet, le président de la République assistera à la conférence sur l'océan Indien ; c'est une occasion à saisir pour promouvoir ce sujet, sur lequel Paul Vergès soumettra au Sénat une proposition de résolution. (Applaudissements)

M. Jacques Mézard .  - Merci à la commission des affaires étrangères et à la délégation à l'outre-mer de nous avoir proposé ce débat.

Au moment où le Parlement s'apprête à exécuter les territoires ruraux...

Mme Éliane Assassi.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - ... il est bon de s'intéresser aux ZEE ultramarines. (Sourires) L'avenir de notre planète réside dans la richesse de nos océans. Les ressources minérales de fonds marins sont déjà un enjeu majeur. Selon la Commission européenne, 10 % des ressources minérales proviendraient de fonds marins d'ici 2030. Les sédiments marins dans nos zones polynésiennes pourraient ainsi contenir une grande quantité de terres rares. Quoiqu'il soit la deuxième puissance maritime au monde, notre pays ne semble guère enclin à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour faire valoir sa souveraineté. La seule possession ne suffit pourtant pas. Nous nous félicitons que le Gouvernement ait déposé une demande d'extension de la zone de Saint-Pierre-et-Miquelon, contestée par le Canada.

Qu'en est-il des zones poissonneuses situées au large de Clipperton, où la France a constaté, sans réagir, le pillage massif des ressources halieutiques ? Combien de zones où nos droits sont contestés ? Le Tromelin est revendiqué par Maurice, les îles Éparses (Europa, les îles Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India) par Madagascar.

Nous devons les faire valoir pour protéger nos territoires. La France doit affirmer son rôle de puissance maritime. C'est une priorité nationale, dont nos citoyens et nos politiques sont peu conscients. Et l'on réduit les moyens de l'Ifremer ! Cinq chercheurs en tout et pour tout pour conduire la recherche sur les fonds marins, c'est irresponsable !

Cette baisse des moyens fait douter de la volonté politique du ministère des affaires étrangères. Il est temps que le Gouvernement prenne des décisions sur cet enjeu de premier plan. Nos terres australes et antarctiques ne sont pas suffisamment surveillées - combien d'ailleurs de Français en connaissent les noms ? Kerguelen, Crozet, Amsterdam. Nous devons réaffirmer notre rang.

Autre point majeur, la stabilité du cadre juridique. Il sera bientôt trop tard ; c'est maintenant qu'il faut investir, affirmer la volonté politique de prendre en compte les enjeux de ces ZEE, à travers le déploiement des moyens adaptés. (Applaudissements)

M. Michel Vergoz .  - Je félicite les rapporteurs de la délégation et remercie le président Serge Larcher de nous permettre ce moment de vérité. Onze millions de kilomètres carrés, on l'a dit, c'est la deuxième zone maritime au monde. Les prétendus confettis de l'empire d'hier, qui baignent dans tous les océans, sont au coeur des enjeux mondiaux de demain. Il est acquis que la mer est au coeur de la mondialisation. Une réelle politique de développement de nos ZEE ultramarines est urgente pour les territoires d'outre-mer.

Je soutiens les dix recommandations du rapport. Mais agissons dans l'ordre : la France doit montrer, au-delà des affichages, une réelle volonté politique. Les outre-mer ne sont pas seulement une chance, un atout, ce sont aussi de véritables gisements de richesse, à mobiliser au service de la croissance de demain.

Or le doute plane lorsque les effectifs de nos forces de souveraineté baissent de 23 %, que le nombre de nos bâtiments chute de 20 %. Dans l'océan Indien, les conflits s'amplifient autour des îles Éparses et autour de Mayotte. L'île Maurice, Madagascar, les Comores contestent nos droits sur nos ZEE.

La France ne cherche pas à jouer un rôle de premier plan au sein de l'AIFM, malgré sa légitimité à le faire. Les fonds marins sont un fabuleux gisement de croissance. La compétition fait rage, le moment de vérité est là. Ne nous contentons plus de déclarations d'intention. Cette politique exige de s'exonérer des objectifs de rigueur : c'est une grande cause nationale, qui mérite de vrais investissements d'avenir. Pour la mer aussi il faudrait décliner le pacte de responsabilité ! (Applaudissements)

M. Robert Laufoaulu .  - Hier, passant devant le Petit Luxembourg, demeure liée au souvenir du cardinal de Richelieu, je me suis rappelé sa célèbre formule : « Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont souvent ignorée ». Elle est toujours d'actualité. Mais la défense de nos eaux territoriales requiert d'importants moyens. Les carences en la matière ont été soulignées. Grande ambition, faibles moyens : l'équation est compliquée.

Merci à la délégation à l'outre-mer d'avoir suscité ce débat, qui nous permet au moins de nous exprimer. Quelles suites ont été données à ses dix recommandations ? L'une d'entre elles concernait le soutien de l'Union européenne à la valorisation des ZEE : il est temps que l'Europe ouvre les yeux sur leurs atouts.

Derrière ce vocable froid, dénué de toute poésie, de ZEE se cache une fort belle et féconde réalité : la mer nourricière, formidable potentiel de développement, en Océanie tout particulièrement, où la surface de nos ZEE représente 18 % des 35 millions de km² de surface maritime.

Les terres émergées n'en représentent qu'une faible fraction. C'est donc la mer elle-même qu'il faut exploiter : poissons, minéraux, sources d'énergie. Le Grenelle, le Comité interministériel de la mer, des projets d'exploitation lancés par l'Ifremer témoignent d'un intérêt nouveau pour ces questions, mais les moyens restent insuffisants. Surtout, les ressources restent mal connues. Or une exploitation n'est durable que si l'on en mesure l'impact sur les écosystèmes. Les techniques d'exploration ou d'exploitation de grande profondeur ne sont pas encore éprouvées. Les résultats de l'étude sur l'exploitation des ressources minérales profondes sont-ils disponibles ?

Les habitants de Wallis et Futuna se mobilisent pour la préservation des coraux. La France est le quatrième pays corallien, rappelons-le. L'État ne peut prétexter de sa compétence en matière maritime - compétence d'ailleurs incertaine - pour faire fi des exigences de la population. Toute exploitation doit avoir des retombées positives pour le territoire et ses habitants.

Quand les frontières de la ZEE seront-elles définitivement fixées ? Quand les protégerons-nous efficacement de la pêche illicite ? Nous avons besoin sur ce point du soutien de l'État. (Applaudissements)

Demande de constitution d'une commission spéciale

Mme la présidente.  - En application de l'article 16, alinéa 2 bis, du Règlement, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe Union pour un Mouvement Populaire, a saisi M. le président du Sénat d'une demande de constitution d'une commission spéciale sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Cette demande a été publiée et notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes politiques et des commissions permanentes. Elle sera considérée comme adoptée sauf si, avant la deuxième séance qui suit cette publication, soit avant l'ouverture de la séance du lundi 23 juin, la présidence est saisie d'une opposition par le Gouvernement ou le président d'un groupe.

Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons le débat sur les zones économiques exclusives (ZEE) ultramarines.

Mme Odette Herviaux .  - À mon tour de remercier les présidents et rapporteurs de notre commission et de notre délégation. La mer est indispensable au redressement productif. Le rapport de la délégation appelle de ses voeux un cadre normatif favorable à une économie bleue attractive et durable, aux niveaux mondial, européen et national.

Je me limiterai à la pêche. L'outre-mer n'échappe pas à la surpêche ; malgré les centres d'études dans chaque territoire, les ressources restent mal connues.

Le programme mené en Nouvelle-Calédonie depuis 1991 mériterait d'être étendu.

Il importe de lutter contre la pêche illégale, très mal vécue par les pêcheurs locaux et qui nuit à la biodiversité. Barack Obama a affiché son volontarisme en la matière. L'installation de radars terrestres serait utile. L'avenir de la pêche ultramarine passe avant tout par un mieux-disant qualitatif. C'est l'aquaculture qui présente le potentiel le plus important.

L'application uniforme des règlements de la politique commune de la pêche menace les pêcheurs d'outre-mer, confrontés à des concurrents régionaux qui ne sont pas soumis aux mêmes normes. Ainsi, Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée exportent quatre cents fois plus que nos territoires d'outre-mer. La course au moins-disant produit des dérives inhumaines, illustrées par le scandale des pêcheurs esclaves de Thaïlande.

Les collectivités d'outre-mer doivent être associées à la définition de ces politiques. Les populations sont trop souvent éprouvées par des décisions qu'elles ne comprennent plus. (Applaudissements à gauche)

M. Abdourahamane Soilihi .  - Les ZEE sont l'un des secteurs les plus porteurs de notre économie. Or la France s'est enfermée dans des débats dogmatiques, laissant inexploitées des ressources insoupçonnées. Alors qu'un embryon de gouvernance mondiale apparaît, nous restons à la traîne.

La ZEE de Mayotte souffre d'un sentiment d'abandon. Il est temps que l'État et les élus locaux se mobilisent. Le parc naturel marin de Mayotte, premier du genre, est notre plus grande aire marine protégée, dont l'objectif est d'assurer un développement harmonieux des activités maritimes. Comment faire pour développer une pêche exemplaire, pourvoyeuse d'emplois ? Les mêmes questions ont été posées lors de notre débat de l'an dernier sur Mayotte.

L'interdiction de toute aide à la construction des navires est un non-sens outre-mer. Il faut ouvrir au nouveau département des perspectives d'avenir. Encore faut-il former les jeunes Mahorais à ces métiers.

J'invite chacun à se référer au précieux rapport de la délégation et j'appelle le Gouvernement à réparer une injustice : plusieurs navires, immatriculés à Mayotte, exploitent les ressources du large, alors même qu'ils mouillent et débarquent leur cargaison de thons aux Seychelles...

Le lagon des Comores est un haut lieu de la biodiversité, digne du patrimoine mondial de l'humanité. (Applaudissements)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Je salue les excellents rapports de nos collègues. Celui de la délégation à l'outre-mer souligne les potentialités offertes par notre ZEE, la deuxième du monde - je le répète, pour que chacun en prenne pleinement conscience.

Mayotte est le premier territoire d'outre-mer pour l'aquaculture. Les pêcheurs mahorais, qui se sont longtemps cantonnés au lagon, ont élargi leur activité en mer ouverte. Le récent parc naturel devra concilier des intérêts économiques et écologiques souvent contradictoires.

La piraterie, l'immigration clandestine se développent dans le canal du Mozambique : il faut sécuriser la zone.

La ZEE de Mayotte doit aussi être définitivement délimitée. En mars, un permis d'exploration pétrolière a été délivré aux Comores, qui empiète sur notre espace maritime. Cette insécurité juridique décourage les investisseurs.

Pourquoi ne pas confier l'administration des îles Glorieuses, dont La Réunion a la responsabilité, à Mayotte, qui en est plus proche ?

Comme La Réunion, Mayotte doit défendre ses intérêts au sein de la Commission de l'océan Indien. Nous comptons particulièrement sur la visite du président de la République aux Comores et à Mayotte, les 26 et 27 juillet. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Karine Claireaux .  - La ZEE française s'étend sur les cinq océans. C'est la deuxième mondiale, et la première européenne. De 11 millions de km² aujourd'hui, elle devrait passer, à terme, à 13 millions de km².

Sans ses outre-mer, la France ne serait pas la nation maritime qu'elle est. Or jamais la mer n'a revêtu une telle importance, liée à la mondialisation.

Je m'attarderai sur le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le tribunal arbitral de New York ne lui a accordé qu'une ZEE de 12 400 km², quatre fois inférieure à celle que revendiquait la France, ce qui ne suffit pas à garantir la pérennité économique de Saint-Pierre-et-Miquelon, ni le maintien de sa population. C'est dramatique à long terme pour un territoire qui ne demande qu'à travailler en bonne intelligence avec ses voisins, mais aussi pour la défense des intérêts de la France en Amérique du Nord. Il faudra rester ferme sur notre demande d'extension du plateau continental.

Sans attendre le verdict, explorons toutes les opportunités offertes par la position géostratégique de l'archipel. Répondons avec réactivité aux compagnies pétrolières qui déposent des demandes d'exploration ou d'exploitation. Rénovons les ports d'État, vieillissants : Saint-Pierre-et-Miquelon peut être une escale de choix dans le passage du Nord-Ouest, avec son aéroport, son hôpital, son administration. La France se doit de tenir son rang dans cette partie du monde. Saint-Pierre-et-Miquelon peut être un poste avancé pour la France et l'Europe en Amérique du Nord. Sa ZEE offre en outre une opportunité en matière de recherche, d'enseignement supérieur, de développement économique, environnemental et social et de compétitivité. Ne laissons pas passer cette occasion. (Applaudissements)

M. Jacques Cornano .  - La mise en valeur de nos ZEE doit être une priorité stratégique pour la France. Toutes les pistes doivent être exploitées pour sortir les outre-mer, et la Guadeloupe en particulier, de leur crise économique et sociale : la pêche offre un gisement d'emplois, surtout pour les jeunes.

L'accès aux eaux territoriales provoque des conflits : la délégation à l'outre-mer a souligné les problèmes posés par la délimitation et la surveillance des ZEE, en Guadeloupe notamment. Nos pêcheurs sont exposés à une concurrence illégale ; la pollution au chlordécone leur impose d'aller pêcher toujours plus loin, sur des bateaux inadaptés, au péril de leur vie et au risque de se voir infliger une amende. Cela ne peut plus durer !

Le groupe de travail sur la réforme du code minier, présidé par M. Tuot et dont j'étais membre, a procédé à de nombreuses auditions, qui ont reconnu les spécificités de l'outre-mer. Les écosystèmes sont fragiles ; l'exploration ou l'exploitation ne peut se faire à n'importe quelles conditions.

L'exploration et l'exploitation des fonds marins doivent respecter les règles environnementales, mais aussi promouvoir le développement économique, social et culturel de l'outre-mer. (Applaudissements)

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer .  - Veuillez excuser M. Cuvillier, qui défend en ce moment, à l'Assemblée nationale, l'important projet de réforme ferroviaire.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

Mme George Pau-Langevin, ministre.  - Pour ma part, je suis ravie de participer à ce débat qui intéresse tout particulièrement l'outre-mer.

Le président Serge Larcher a lancé son appel du 18 juin, appel à ouvrir les yeux sur les potentiels des ZEE. Saint-Exupéry disait : « Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, mais réveille chez les hommes le désir de la mer grande et belle ! ». C'est ce désir que s'efforce de faire naître Frédéric Cuvillier pour une politique maritime intégrée.

L'économie maritime représente en France 900 000 emplois, 564 ports, 360 millions de tonnes de marchandise. Ce potentiel doit être mieux valorisé.

Votre commission a dressé un état des lieux très complet. Activités maritimes traditionnelles, énergies fossiles et renouvelables, biotechnologies bleues : l'avenir de l'humanité se joue en mer. Pour mieux connaître et protéger les espaces, les pays s'assemblent, par des conventions régionales ou par la convention internationale de Montego Bay. C'est grâce à ses outre-mer que la France étend ses espaces maritimes sur quatre océans, avec 11 millions de kilomètres carrés de ZEE. Un député européen s'est plaint, le jour de la nomination de ce gouvernement, qu'il n'y ait pas de ministère de l'Europe, mais un ministère des outre-mer, - preuve que certains n'en voient pas l'importance. La France peut promouvoir la croissance bleue, durable, fondée sur un nouveau modèle de développement. Elle doit protéger ses ressources, avant même de prétendre les exploiter. L'affirmation de notre souveraineté exige des moyens. Le précédent Livre blanc avait prévu une baisse de 23 % des effectifs militaires stationnés en outre-mer entre 2008 et 2020. Le déficit capacitaire menaçait, comme l'a relevé le Livre blanc de juin 2013. Nous avons tenté d'y remédier par l'acquisition de trois bâtiments multidimensions. D'autres arbitrages vont être rendus. Je tiens à vous rassurer sur la surveillance de notre espace maritime, en particulier dans le canal du Mozambique et au large de la Guyane, avec le Brésil. Des actions exemplaires ont été menées, notamment par l'Osiris, pour la police des pêches.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Très bien !

Mme George Pau-Langevin, ministre.  - La protection de nos ressources suppose une délimitation nette de nos ZEE.

Le Gouvernement a pris plusieurs décrets fixant les lignes de base, et le fera en 2014 pour la zone sud de l'océan Indien. J'ai bien entendu la mise en garde biblique de M. Lorgeoux !

Votre rapport appelle à créer une instance chargée de mettre en oeuvre une stratégie maritime intégrée. Le gouvernement Ayrault avait entériné la création d'une délégation à la mer ; j'ai plaidé pour que soit nommé à sa tête un préfet connaissant bien l'outre-mer.

Vous appelez aussi à mieux valoriser la ZEE. Chaque collectivité devrait disposer d'un outil de gouvernance local pour coordonner les acteurs concernés, permettre aux investisseurs et industriels de développer leur activité, associer les collectivités aux actions de coopération régionale. Les outre-mer eux-mêmes sont historiquement et culturellement tournés vers la terre, comme le président Serge Larcher l'a souligné. Il faut que les collectivités d'outre-mer et les élus s'intéressent davantage à leur potentiel maritime. Le périmètre de la gouvernance est le bassin maritime en outre-mer, auquel correspond un document stratégique de bassin. Des conseils maritimes ultramarins sont institués. Quatre bassins ont été définis outre-mer : Antilles, sud océan Indien, Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon. La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie exercent des compétences propres et ne sont donc pas concernées par le dispositif mais sont étroitement associées aux actions de coopération régionale. La France est partie prenante d'une dizaine d'organisations au titre de ses collectivités ultramarines et y siège indépendamment de l'Union européenne.

Saint-Pierre-et-Miquelon ne nous a pas attendus pour son développement maritime. Le président François Hollande a annoncé, après avoir reçu les élus, dont Karine Claireaux, le dépôt d'un dossier devant la Commission des limites du plateau continental. C'est chose faite. C'est décisif pour l'avenir de l'archipel. Nous sommes déterminés à y poursuivre le soutien à la filière pêche. J'honorerai les engagements pris par mon prédécesseur. À Saint-Pierre-et-Miquelon, l'activité doit être relancée - plaisance, croisières, carénage par exemple. Le port de Saint-Pierre a des atouts dont il doit profiter.

Quant au développement durable et à la biodiversité, de nombreux projets transversaux existent outre-mer et associent des collectivités. La fusion des deux parcs naturels marins de Mayotte et des Glorieuses n'est pas opportune, mais il est indispensable de développer leurs synergies ; c'est d'ores et déjà largement le cas.

Le parc naturel de la mer de Corail a été créé en Nouvelle-Calédonie ; c'est la plus grande aire marine protégée de notre pays.

La réforme du code minier a été annoncée par le Premier ministre. Les partenaires privés ont en effet besoin d'un cadre normatif clair. Les travaux se poursuivent et avancent rapidement, dans le sens d'un juste retour pour les territoires, en étroite concertation avec ceux-ci.

Sur la promotion de l'économie bleue qui offre de nombreuses potentialités, plusieurs ministères pilotent un programme mené avec le CNRS et l'Ifremer, dans le droit fil du rapport d'Anne Lauvergeon de soutien à l'innovation. Chacun est conscient de l'importance des ressources minérales, rappelée par M. Pozzo di Borgo. Trois campagnes océanographiques sont prévues pour les quinze ans à venir dont la première démarrera dès 2016.

Un soutien fort de l'Union européenne aux politiques maritimes est nécessaire. Le Gouvernement s'est montré particulièrement actif, dans le cadre de la programmation pluriannuelle des fonds européens pour 2014-2020, dans les régions ultrapériphériques et les secteurs de la pêche, de l'aquaculture et de la politique maritime intégrée. Une enveloppe conséquente est prévue, ainsi que la possibilité d'allouer des aides d'État pour la pêche et l'aquaculture. Les moyens sont en hausse sensible pour l'outre-mer : 86 millions d'euros sur sept ans pour compenser les surcoûts de production et de commercialisation.

Sur Wallis et Futuna, les autorités françaises envisagent, avec les autorités américaines, un accord de pêche, qui aura des retombées financières pour le territoire.

La France est partie prenante des instances internationales dans le cadre des Nations unies. L'accord d'application de la convention de Montego Bay est en préparation. La France continuera à porter la voix d'une politique maritime intégrée, source de croissance durable. Merci pour ce débat qui met en valeur la richesse exceptionnelle que constituent pour notre pays les ZEE. (Applaudissements)

Dépôt d'un document

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l'avenant n° 2 à la convention du 27 juillet 2010 entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir, action « valorisation des instituts Carnot » et une note sur les redéploiements effectués dans la cadre de l'avenant à la convention « instituts Carnot ».

Acte est donné du dépôt de ces documents. Ils ont été transmis à la commission des finances ainsi qu'à la commission de la culture.

La séance, suspendue à 17 h 45, reprend à 18 heures.

Procédure devant le conseil de prud'hommes

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la procédure applicable devant le conseil de prud'hommes dans le cadre d'une prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié.

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Je vous présente les excuses du ministre du travail, retenu par un sommet européen. En son nom et en celui du Gouvernement tout entier, j'apporte mon soutien à ce texte du groupe radical de l'Assemblée nationale, qui comble un manque juridique certain. La prise d'acte, qui est le fait pour un salarié de prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail tout en en imputant la responsabilité à l'employeur, est heureusement rare mais ne peut être ignorée. Les risques et les conflits existent dans les relations de travail, qui doivent trouver des réponses. Parfois, cette relation ne peut se poursuivre. Le licenciement et la démission sont juridiquement bien balisés. La prise d'acte, elle, résout une situation extrême telle que mise au placard, conflit ouvert avec l'employeur... Une solution doit être trouvée, c'est le sens du recours à la justice prud'homale, à laquelle le Gouvernement est très attaché.

La prise d'acte n'appelle plus de conciliation, mais un jugement, afin de permettre à chacun de tourner la page. Il faut aller vite, car se pose la question de l'indemnisation du salarié par l'assurance chômage. Cette indemnisation est possible si la prise d'acte est assimilée à un licenciement, pas si elle est requalifiée par le juge en démission.

Cette proposition de loi fait oeuvre utile d'approfondissement de notre état du droit, dans l'esprit consensuel et réaliste bien dans la tradition du groupe radical. Le Gouvernement donne un avis favorable et soutient votre option d'un avis conforme à celui de l'Assemblée nationale, dans la clarté, la simplicité et la rapidité. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et au centre)

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Cette proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale concerne potentiellement tous les salariés, bien qu'elle vise un cas spécifique de rupture du contrat de travail, celui de la prise d'acte. Le contrat de travail est soumis au droit commun des contrats, hors dispositions spéciales relevant du code du travail. En application de l'article 1184, la résiliation du contrat de travail peut être demandée au juge compétent, en l'espèce le conseil des prud'hommes.

La prise d'acte a été forgée par la jurisprudence de la Cour de cassation, reconnaissant au salarié la capacité de constater la rupture de son contrat de travail. Si les faits qu'il invoque sont reconnus par le juge, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et ouvre droit aux indemnités habituelles. Dans le cas contraire, elle sera assimilée à une démission. La prise d'acte est ainsi la possibilité reconnue à tout salarié confronté à un employeur dont les actions font obstacle à la poursuite du contrat de travail d'y mettre fin. Aucune rétractation n'est possible, non plus que la réintégration.

Il ne s'agit pas d'une procédure sans risque pour le salarié. Un salarié ne peut bénéficier de l'assurance chômage que s'il se trouve dans un cas de démission considéré comme légitime par Pôle emploi ; dans le cas contraire, c'est seulement au terme de la procédure, si la prise d'acte est jugée fondée, qu'il percevra les indemnités chômage. La charge de la preuve repose sur le salarié ; le doute ne lui profite pas, en principe. Par trois arrêts du 26 mars dernier, la Cour de cassation a renforcé son contrôle sur les motifs invoqués par le salarié : sont écartés ceux qui, anciens, n'ont pas conduit à une rupture immédiate du contrat. Deux arrêts du 12 juin dernier ont accentué cette évolution jurisprudentielle. Dorénavant, la prise d'acte ne pourra plus être justifiée par le seul motif d'une modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur.

Cette proposition de loi ne crée pas de nouveau droit. Mais les salariés doivent attendre que le conseil de prud'hommes statue, voire que les voies de recours soient épuisées. En moyenne, le jugement est rendu en près de quatorze mois. Et 58 % des décisions font l'objet d'un appel, lequel peut durer deux ans à Paris. Le texte accélère le traitement de ce contentieux particulier. Quelle est l'importance de celui-ci ? On peut extrapoler à partir des arrêts des cours d'appel : 2 465 d'entre eux ayant fait en 2013 référence à la prise d'acte et 60 % donné lieu à appel, on peut estimer à environ 4 000 les recours prud'homaux, soit 2 % du contentieux prud'homal. La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu l'an dernier 169 arrêts où il est question de prise d'acte, soit 5 % de ses décisions.

L'obligation de conciliation est devenue purement formelle. Il est donc dans l'intérêt du salarié comme de l'employeur de prévoir la résolution de ce différent grave dans les meilleurs délais.

La justice prud'homale repose sur le paritarisme. Les organisations représentatives des salariés soutiennent ce texte, tout en regrettant le manque de moyens des conseils de prud'hommes. Les organisations représentatives d'employeurs, outre au principe même de la prise d'acte, s'opposent à la suppression de la phase de conciliation.

Ce débat ne porte pas sur les conseils de prud'hommes et leurs moyens. Cette proposition de loi apporte un aménagement procédural spécifique et bienvenu. Je vous invite à suivre la commission des affaires sociales et à adopter ce texte sans modification. (Applaudissements)

Mme Corinne Bouchoux .  - Jean Desessard a beau être irremplaçable, (sourires) il m'a demandé de le suppléer aujourd'hui. Ce sujet ne concerne que 5 % des cas soumis à la justice prud'homale, mais cela fait tout de même beaucoup de monde. Les histoires vécues sont dramatiques, les personnes concernées sont au bord du burn-out, voire du suicide ; la prise d'acte est souvent l'ultime recours. C'est dire si ce texte mérite attention et bienveillance.

Les relations du travail sont devenues stressogènes, pathogènes. La solution envisagée ici aboutit à une forme de coupe-file, les salariés qui ont pris acte passeront devant les autres ; cela nous interpelle...

Ce texte est court, parlant. Monsieur le rapporteur, existe-t-il des statistiques genrées ? Il serait utile de savoir si la prise d'acte concerne plutôt des hommes ou des femmes.

Les prud'hommes sont très embouteillés. Le système paritaire auquel nous sommes attachés doit mieux fonctionner. Cette proposition de loi ne règle en rien ce problème. À Paris, on manque tellement de temps, qu'on envoie aux salariés, qui sont en situation d'impatience et de souffrance, une lettre pour expliquer que les délais sont tels qu'on ne peut leur indiquer une date, fût-elle approximative. Cela n'est pas satisfaisant, il faudrait au moins formuler un délai approximatif, à quelques mois près.

Nous soutenons donc ce texte, même s'il ne résout rien sur le fond. À défaut de solution au problème du chômage de masse, à défaut de réforme structurelle, on se contente de rustines sur des jambes de bois. Les prud'hommes ont cruellement besoin de moyens. Une justice trop lente est injuste. Nous aurions aimé recevoir le même soutien hier soir, sur un autre texte...

M. Jean-François Husson .  - Cette proposition de loi modifie le traitement judiciaire de la prise d'acte, dont la définition par la Cour de cassation n'a pas varié depuis 2003. La jurisprudence a distingué différents types de situations qui, faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, peuvent la justifier : harcèlement, discrimination, manquements à la sécurité, non-paiement du salaire... La prise d'acte est assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à une démission selon que les griefs sont jugés fondés ou non.

Or, à partir de la date de rupture de la relation conventionnelle, le salarié ne perçoit plus son salaire. Il ne peut prétendre à des indemnités, ou à l'allocation d'aide au retour à l'emploi, puisqu'on considère qu'il a quitté volontairement son emploi. Les délais de jugement sont longs, seize mois en moyenne, souvent plus. Cette proposition de loi les limite au maximum en supprimant la phase de conciliation et en fixant à un mois le délai pour régler le litige. On ne peut laisser le salarié sans ressources pendant trop longtemps.

Nous regrettons toutefois que la phase de conciliation soit remise en cause de façon aussi radicale, c'est l'étape importante, un moment d'information, de dialogue, de recherche de sortie de crise. Le traitement de l'affaire en un mois ne permettra pas un examen approfondi, étant donné la charge des conseils prud'homaux. On peut craindre un détournement de l'objectif de la proposition de loi.

Le rapport Guillaume rappelait la nécessité de réformer les prud'hommes pour réduire les délais de jugement. Ce délai d'un mois ne me paraît pas réaliste. Le nombre annuel de recours devant les prud'hommes dans le cadre de cette procédure est évalué par le rapporteur à 4 000. Quelle est l'estimation du Gouvernement ? Ce nombre n'est pas négligeable, surtout s'il faut se prononcer dans le mois.

Ce texte pourrait instaurer une forme d'inégalité en fonction de la nature de l'acte ayant conduit à la rupture du contrat de travail. Il faudrait des mesures plus ambitieuses pour réduire les délais dans lesquels justice est rendue, ce serait plus respectueux. La proposition de loi ne remédie pas durablement au mal, notre groupe s'abstiendra. Abstention positive ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Muguette Dini .  - La prise d'acte est un mode de rupture alternatif du contrat de travail. C'est une construction jurisprudentielle bien établie, qui répond au cas particulier où la poursuite du travail est devenue impossible ou insupportable. Au salarié de réunir les preuves des faits suffisamment graves de la part de l'employeur. Ne diabolisons ni le salarié, ni l'employeur.

Cette proposition de loi risque-t-elle vraiment d'entraîner un allongement des délais de traitement des autres dossiers, et ainsi d'instaurer une rupture d'égalité dans l'accès au droit ? Toujours est-il que l'on ne peut laisser le salarié sans ressources. La procédure proposée est adaptée.

La suppression de la phase de conciliation est justifiée dans la mesure où, quelle que soit l'issue de la conciliation, la rétractation du salarié n'est pas admise. On réduirait en outre un peu l'engorgement du bureau des conciliations.

Mieux vaut avancer par petites touches efficaces, que de rester dans l'inaction dans l'attente d'une réforme générale, dont on ne sait quand elle viendra. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Isabelle Pasquet .  - La prise d'acte, antérieure à la rupture conventionnelle, est une construction jurisprudentielle, qui remonte à un arrêt de la Cour de cassation de 2002. Le salarié tire les conséquences du non-respect des obligations contractuelles de l'employeur pour mettre fin au contrat de travail. Il doit saisir le Conseil des prud'hommes - devant lequel les délais sont particulièrement longs. En attente de ce jugement - qui met souvent très longtemps à intervenir - le salarié est présumé avoir démissionné. Pendant ce laps de temps, l'insécurité financière du salarié peut le mettre en difficulté pour ses démarches.

Cette proposition de loi s'inspire de la procédure pour la requalification des CDD en CDI pour accélérer les délais.

Le groupe CRC votera cette proposition de loi - même si nous doutons que les conseils de prud'hommes puissent réellement statuer en un mois, tout particulièrement en région parisienne. Il faut avant tout renforcer leurs moyens. Nous sommes inquiets du projet gouvernemental de remplacer à terme l'élection des conseillers prud'homaux par leur nomination. Ce serait injuste, inefficace et juridiquement incertain. Les salariés sont attachés à la démocratie sociale qu'incarne la prud'homie. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jacky Le Menn .  - La prise d'acte se définit par rapport à une situation de fait. Le salarié annonce à l'employeur qu'il quitte l'entreprise ; au juge prud'homal de requalifier la rupture du contrat en licenciement sans cause, si les griefs sont considérés comme fondés, ou en démission s'ils ne le sont pas. Il appartient au salarié d'apporter la preuve des faits graves dont il accuse l'employeur : harcèlement, atteinte à la dignité, discrimination, non-fourniture de travail, etc. Découlent du licenciement un certain nombre d'indemnités que l'employeur est tenu de verser au salarié. En cas de démission, le salarié est tenu de reverser les sommes correspondant au préavis qu'il n'a pas effectué. Il ne perçoit bien entendu aucune allocation. Or, en l'attente de la décision des prud'hommes, la situation de demandeur d'emploi non indemnisé peut durer longtemps.

L'intervention du législateur s'impose, tant la situation est dommageable pour le salarié et pour l'employeur, qui doit provisionner les sommes afférentes, sachant qu'en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation de 2005, le juge des référés n'a pas le pouvoir de juger du bien-fondé des griefs du salarié. La procédure se déroule en deux phases et cette proposition de loi permet de gagner du temps sur la phase de conciliation. Elle n'a pas pour ambition de régler tous les problèmes liés aux conseils de prud'hommes. Il s'agit seulement de fluidifier une procédure, avec pragmatisme.

Cette proposition de loi, somme toute très modeste, ne concerne en outre que 4 000 salariés par an. Elle apportera un aménagement procédural spécifique bienvenu. Notre groupe la votera sans en proposer de modification. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Escoffier .  - Je salue cette initiative de Thierry Braillard et du groupe RRDP de l'Assemblée nationale. La Cour de cassation a défini les contours de la prise d'acte en juin 2003 : au conseil de prud'hommes de qualifier les griefs reprochés par le salarié à son employeur.

Certains craignent qu'une telle proposition de loi ne conduise des salariés mal intentionnés à utiliser cette procédure de manière abusive. La Cour de cassation a prévenu ce risque en précisant que des faits trop anciens ne pourraient être invoqués. Ces faits doivent en outre être d'une particulière gravité. La conciliation n'a aucun sens dans le cas d'une prise d'acte de rupture, puisque seul le juge au fond peut se prononcer.

Il faudra certes revoir tout le dispositif des prud'hommes. Ce sera l'objet d'un autre travail. Notre groupe votera avec enthousiasme ce texte-ci.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

L'article unique est adopté.

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de Mme Bariza Khiari, vice-présidente

La séance reprend à 22 heures.

Conférence des présidents

Mme la présidente.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents.

Semaine sénatoriale

MERCREDI 18 JUIN 2014

À 22 heures :

- Proposition tendant à la création d'une commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions

De 22 heures à minuit :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

- Deuxième lecture de la proposition de loi permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique

JEUDI 19 JUIN 2014

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC :

1°) Suite de la proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'agence de financement des infrastructures de transports

2°) Proposition de loi relative à la réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple de la guerre de 1914-1918, présentée par M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues

En outre, à 12 heures :

- Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

À 15 heures :

3°) Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15 :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

4°) Suite de la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin

5°) Proposition de résolution relative au financement de la protection sociale et à l'allègement des charges des entreprises présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Serge Dassault et plusieurs de ses collègues

Semaine du 23 juin et lundi 30 juin réservés par priorité au Gouvernement

LUNDI 23 JUIN 2014

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 16 heures :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale

2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies

À 21 h 30 :

3°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014

MARDI 24 JUIN 2014

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 h 30 :

1°) Projet de loi autorisant l'adhésion de la France à l'accord portant création de la Facilité africaine de soutien juridique

2°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier

3°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces

4°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier et de son protocole d'application

(Pour ces quatre projets de loi, la Conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée)

5°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées

Le soir :

6°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales

MERCREDI 25 JUIN 2014

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales

JEUDI 26 JUIN 2014

À 9 h 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition

De 15 heures à 15 h 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur la pollution de l'air

À 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite du projet de loi tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 27 JUIN 2014

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales

LUNDI 30 JUIN 2014

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 16 heures :

1°) Débat sur le bilan annuel de l'application des lois (demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois)

À 21 h 30 :

2°) Débat sur la Corse et la réforme territoriale (demande du groupe RDSE)

SESSION EXTRAORDINAIRE 2013-2014

MARDI 1er JUILLET 2014

À 15 heures et le soir :

1°) Ouverture de la session extraordinaire 2013-2014

2°) Projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (Procédure accélérée)

MERCREDI 2 JUILLET 2014

À 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

JEUDI 3 JUILLET 2014

À 9 h 30 :

1°) Suite du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

À 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 15 et le soir :

3°) Suite du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 4 JUILLET 2014

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

LUNDI 7 JUILLET 2014

À 16 heures et le soir :

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2014

MARDI 8 JUILLET 2014

À 9 h 30 :

1°) Questions orales

À 14 h 30 et le soir :

2°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2014

MERCREDI 9 JUILLET 2014

À 14 h 30 et le soir :

- Sous réserve de leur transmission, projet de loi portant réforme ferroviaire (Procédure accélérée) et proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF (Procédure accélérée)

JEUDI 10 JUILLET 2014

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF

VENDREDI 11 JUILLET 2014

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF

MARDI 15 JUILLET 2014

À 14 h 30 et le soir :

1°) Débat sur l'orientation des finances publiques et, sous réserve de sa transmission, projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 (Procédure accélérée)

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

MERCREDI 16 JUILLET 2014

À 14 h 30 et le soir :

- Discussion des articles du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

JEUDI 17 JUILLET 2014

À 9 h 30 :

1°) Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

À 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 15 et le soir :

3°) Suite éventuelle du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé l'organisation d'une séance de questions orales le mardi 22 juillet 2014, à 9 h 30.

En outre, la Conférence des présidents a décidé de s'opposer à l'engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions.

Cette décision a été notifiée à M. le président de l'Assemblée nationale.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Création d'une commission spéciale

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle, en application de l'article 16, alinéa 2 du Règlement, la proposition de création d'une commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Je soumets donc cette proposition au Sénat. Y a-t-il des oppositions ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Je suis le président de la commission des lois, qui a déjà nommé un rapporteur, lequel a commencé d'accomplir son office. Il a reçu cet après-midi en audition dix représentants des élus locaux en présence de 66 sénateurs.

M. Jacques Mézard.  - Et non des moindres !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - J'apprends aujourd'hui que les groupes UMP, RDSE et CRC ont demandé la création d'une commission spéciale. Il eût été heureux que j'en fusse informé auparavant. Soit, cette demande ne pouvait être formulée avant que le texte ne soit adopté en Conseil des ministres et il l'a été ce matin. Nos collègues préfèrent discuter à 37 de ce projet de loi plutôt qu'à 49. Puisque vous demandez s'il y a des oppositions, je réponds que je n'approuve point la création d'une telle commission. Respectueux de nos institutions, j'en prends acte.

M. Antoine Lefèvre.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Dans un esprit constructif, nous poursuivrons nos travaux sur ce sujet qui vous intéresse au premier chef, monsieur le ministre : l'organisation territoriale de la France.

Mme la présidente.  - Conformément à la décision de la Conférence des présidents, le délai limite de remise des candidatures à cette commission spéciale est fixé au jeudi 19 juin à 11 heures et la désignation des 37 membres aura lieu en séance publique à 12 heures.

La commission spéciale se réunira le lundi 23 juin à 17 heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - M. Mézard me fait observer que j'ai oublié de mentionner le groupe UDI-UC. Lui aussi a considéré souhaitable que nous discutassions de ce projet de loi à 37 plutôt qu'à 49...

Mme la présidente.  - Dont acte.

Sociétés d'économie mixte à opération unique (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique.

Discussion générale

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Le Sénat a voulu créer des sociétés d'économie mixte à opération unique (Semop) dont le principal avantage est de se composer de deux actionnaires au minimum contre sept dans les sociétés d'économie mixte locales.

Cette structure s'inscrit dans la continuité de la loi du 28 mai 2010 qui a vu la création des sociétés d'économie mixte locales.

Les Semop correspondent à une demande ancienne des collectivités territoriales. Elles sont conformes à la décision de la CJCE du 15 octobre 2009 et au Livre vert de la Commission. En conséquence, les appels d'offres doivent respecter les principes de libre concurrence, de transparence et d'égalité de traitement.

L'Assemblée nationale a substitué à la notion d'actionnaire opérateur celle d'opérateur économique ; elle a précisé que la société devait garder le même objet social durant toute la concession. Les députés se sont attachés à rendre conforme aux procédures de mise en concurrence actuelles la sélection de l'opérateur économique. De même, ils ont replacé le contrat de sous-traitance dans le droit commun. Cela, je veux le souligner, ne posera pas de difficultés. Deux hypothèses : soit la Semop sera libre de choisir les sous-traitants si elle est soumise à l'ordonnance du 6 juillet 2005 et à celle du 15 juillet 2009 ; si ce n'est pas le cas, elle devra recourir à la procédure de mise en concurrence.

En séance, les députés ont récrit l'article premier et autorisé des groupements d'entreprises à répondre à l'appel public de la collectivité. Le Gouvernement, prenant acte de l'équilibre trouvé, a présenté seulement deux amendements, dont l'un prévoit que l'organe délibérant se prononce sur le principe du recours à la Semop.

Je salue les travaux de M. Jean-Léonce Dupont et les auteurs des propositions de loi identiques. La Semop, dont l'intérêt n'est plus à démontrer, procure à la fois la maîtrise politique et la sécurité juridique. Avec ce texte, la France se dote d'un instrument qui se situe un cran au-dessus de ceux qui existent dans le reste de l'Europe, au service des projets locaux. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP)

M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois .  - L'on peut se féliciter du caractère transpartisan de ce texte déposé par M. Jean-Léonce Dupont, auquel je tiens à rendre hommage, identique à une proposition de loi de M. Daniel Raoul et de M. Antoine Lefèvre. Réjouissons-nous de ce consensus, dont on ne sait s'il durera... lors de la réforme territoriale. (Sourires)

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - On verra !

M. Antoine Lefèvre.  - C'est moins évident !

M. Jacques Mézard, rapporteur.  - En première lecture, le Sénat avait adopté cette proposition de loi à l'unanimité des suffrages exprimés. L'objectif est de créer une nouvelle forme de partenariat public-privé institutionnalisé, pour reprendre la terminologie européenne. La Commission européenne et la CJCE ont validé ce nouvel outil, qui ne remplace pas les outils traditionnels que sont les sociétés d'économie mixte locales et les sociétés publiques locales.

Il ne s'agit pas non plus de remplacer les partenariats public-privé, ni d'abandonner la délégation de services publics mais de doter les collectivités territoriales d'un nouvel outil, à l'image des sociétés publiques locales créées en 2010 qui, à ma connaissance, fonctionnent bien.

Je sais les inquiétudes des professionnels. Pour autant, le parallèle avec les contrats de partenariat ne tient pas. Les Semop porteront sur des projets moins importants ; les collectivités territoriales pourront y recourir pour faire appel à des entreprises locales : manière de redynamiser l'économie territoriale.

En première lecture, nous avons sécurisé le dispositif en assurant le respect des exigences communautaires en matière d'égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures. Nous avons retenu la dénomination de Semop plutôt que celle de « SEM-contrat ». Nous avons clarifié les différentes étapes de la création d'une Semop et de conclusion du contrat ainsi que la procédure de mise en concurrence pour la sélection de l'actionnaire privé.

À l'Assemblée nationale, la commission des lois a conforté la simplification du dispositif en réaffirmant le caractère unique de la procédure. On pourrait gloser longtemps sur son choix de substituer le terme d'opérateur économique à celui d'actionnaire opérateur mais n'y revenons pas. Elle a supprimé la possibilité d'attribuer des contrats de sous-traitance simultanément au choix de l'opérateur économique. Elle a préféré l'établissement d'un document de préfiguration prévoyant les caractéristiques, les modalités et le coût de la structure. Cela rassurera les professionnels.

Ce texte doit aboutir rapidement, afin que les collectivités locales puissent se saisir dès que possible de ce nouvel outil qui ne leur fera pas courir les risques des partenariats public-privé.

Je vous propose d'adopter le texte conforme. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE, de l'UDI-UC, de l'UMP)

M. Antoine Lefèvre .  - En deuxième lecture, je serai bref. Je me réjouis que ce texte, identique à celui que j'avais déposé, aboutisse. Il crée, en effet, un partenariat public-privé sécurisé qui existait ailleurs, mais que la France ne connaissait pas. Nos collectivités territoriales ont besoin de cet outil innovant en ces temps difficiles.

Je n'ignore pas les inquiétudes sur la question de la sous-traitance. Nos débats en commission des lois les ont levées, notre rapporteur a reçu les architectes.

Le groupe UMP votera ce texte avec conviction. (Applaudissements à droite, sur les bancs de l'UDI-UC, du RDSE, socialistes)

M. Jean-Léonce Dupont .  - À l'automne 2013, une centaine de parlementaires, députés et sénateurs de groupes différents ont pris l'initiative de déposer six propositions de lois identiques pour créer une société que notre rapporteur Jacques Mézard a, et c'est judicieux, rebaptisé la société d'économie mixte à opération unique (Semop). Bon signe, l'acronyme Semop est déjà couramment utilisé.

Le texte que nous examinons ce soir respecte les huit grands principes que nous avions fixés. Parmi eux, citons en particulier la maîtrise publique : la présidence de la structure reviendra à un élu.

Mme Escoffier, que je tiens à remercier particulièrement, puis M. Vallini, M. Mézard et d'autres ont fait des propositions utiles pour simplifier les dispositions et garantir leur appropriation rapide par les élus. Soyons clairs : la Semop sera une entreprise à part entière, et non un contrat pourvu d'un droit idoine, qui ne viendra pas « challenger » les autres formes de partenariat.

À tout vouloir border et reborder, on risque de déborder. Ne cédons pas à la tentation de verrouiller un carcan législatif qui deviendrait rapidement obsolète. Les exemples ne manquent pas. Laissons toute sa place à la liberté d'entreprendre !

Les Semop, qui existent ailleurs en Europe, sont attendues par les élus comme par les entreprises. Elles trouveront leur place, j'en suis sûr, auprès des SEM locales et des sociétés publiques locales portées sur les fonts baptismaux par M. Daniel Raoul. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont élaboré un texte court, simple et sécurisé juridiquement. Il est plus que temps de le voter ! (Applaudissements sur les bancs de l'UDI-UC, de l'UMP, du RDSE et socialistes)

Mme Évelyne Didier .  - Je ne tiendrai pas les mêmes propos que mes collègues, vous m'en voyez désolée. Que la SEM-contrat devienne Semop et que le dispositif ait été sécurisé ne change rien à notre opposition de principe. Au fond, de quoi cette proposition de loi est-elle le nom ? De la RGPP, suivie par la MAP, qui ont ravagé les collectivités territoriales et leur ont ôté l'expertise. Les Semop représentent-elles vraiment une alternative quand la collectivité territoriale peut détenir seulement 34 % du capital ? À vrai dire, l'appellation de société d'économie mixte est abusive. La Semop se rapproche davantage des partenariats public-privé que des SEM locales ou des sociétés publiques locales. Comment garantir que la collectivité territoriale fera usage du pouvoir qui est le sien avec cette prétendue minorité de blocage ? Au reste, les entreprises ne s'y sont pas trompées : elles accueillent avec enthousiasme ce nouvel outil. Encore et toujours, la privatisation rampante du service public. Et ce sont certainement les mastodontes du BTP, de l'environnement et des transports qui deviendront des partenaires parce que les PME locales n'auront pas les reins assez solides. L'ordre des architectes est très critique sur un montage qui les subordonne aux intérêts marchands.

Le groupe CRC s'abstiendra à nouveau sur ce texte trop ambigu. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. René Vandierendonck .  - Madame Didier, le parti socialiste n'est pas enthousiaste pour le partenariat public-privé vu le risque de consanguinité qu'il recèle.

Mais ce soir, et j'en remercie le président Mézard, tout ce qui de près ou de loin évoquait un cousinage avec le partenariat public-privé a été évacué du texte.

Nous avons effectué un travail « transcourant » comme le fera peut-être la commission spéciale... (Sourires) Pas facile à la commission des lois qui compte entre autres des conseillers d'État. Oui, je vous rends un hommage particulier, monsieur Mézard, ainsi qu'à Mme Escoffier. Elle a bien compris que, dans le débat sur la décentralisation, il y a des déclarations d'amour et des preuves d'amour. Des gestes concrets qui en disent plus longs que les mots. Ici, c'est la sécurité juridique d'un instrument entre la régie - je n'ai rien contre -, et la délégation de service public, - un mode médian : on donne au privé la possibilité de concourir à un service public dont la collectivité conserve le contrôle en cours d'exécution. Je donne rendez-vous, à tous ceux que le sujet intéresse, pour la transposition de la directive sur la commande publique et pour les SEM hydro-électriques lors du projet de loi sur la transition énergétique. Oui, ce jour est une date importante pour l'allègement des normes et la défense du service public. Bravo à M. Dupont ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier .  - Ce texte très attendu donne aux collectivités territoriales un nouvel outil de la commande publique. J'ai salué, dans le même lieu, mais en d'autres temps, la forte mobilisation des élus locaux autour d'un texte facilitateur pour tous les décideurs locaux.

Quelques points me semblaient alors mériter une réflexion complémentaire : le quantum de l'actionnaire public, les conditions de création et les procédures de mise en concurrence en particulier.

Monsieur le ministre, lors de votre baptême du feu, l'Assemblée nationale a adopté ce texte, le 7 mai dernier, dans un consensus que vous vous plaisiez à souligner, jugeant que c'était de bon augure pour la future réforme territoriale ?(Sourires)

Ce texte précise l'unicité de l'opération et l'interdiction faite à la société, à son terme, de se transformer en SEM locale ou en SPL et conforte l'alignement sur le droit commun, en particulier pour la mise en concurrence.

Dans sa forme actuelle, il répond aux interrogations sur l'attribution simultanée de contrats de sous-traitance. Monsieur le ministre, tous les intervenants et partenaires ont compris l'utilité de ce texte, le groupe RDSE l'adoptera. Je forme le voeu qu'il soit aussi opérationnel que celui sur la société publique locale, née dans cette enceinte, dont on ne reconnaît pas suffisamment la sagesse, la connaissance approfondie des collectivités locales, de leurs contraintes, une enceinte qui mériterait d'être plus écoutée. Aujourd'hui, monsieur le ministre, nous avons eu votre oreille et peut-être plus, votre conviction que nous devons agir ensemble pour réussir la réforme de l'action publique. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs socialistes et à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Leconte.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La création d'une société d'économie mixte à opération unique est soumise aux conditions prévues par l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales pour les contrats de partenariat.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je suis embarrassé de présenter maintenant mes amendements de témoignage sur ce texte de consensus. Je souhaite vous faire part de mes inquiétudes.

Avec la Semop un opérateur pas totalement public interviendra pour une collectivité publique. Il y aura donc un transfert d'argent, un engagement financier hors bilan.

Il serait souhaitable que la procédure de choix de l'opérateur suive le modèle des contrats de partenariat, inscrit au code général des collectivités territoriales.

Si cet amendement était adopté, il n'y aurait pas de vote conforme, mais je tenais à exprimer mon doute. Je salue le travail du rapporteur et du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, rapporteur.  - Retrait ou rejet. Vous voulez absolument assimiler ces Semop à des partenariats public-privé. Nous en avons longuement débattu en commission des lois. Votre crainte n'a pas lieu d'être : la collectivité publique établira un document de préfiguration de la constitution de la future SEM et de son projet. Faisons confiance à l'intelligence territoriale ; continuons de le dire, même si cela n'est pas entendu. Multiplier les contraintes ne rend service ni à nos collectivités, ni à l'économie de notre territoire. Un vote conforme serait un signe positif pour les élus locaux.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Pour les mêmes raisons, avis défavorable. Si nous créons ce soir, à l'initiative du Sénat, un nouvel outil, c'est justement pour éviter les risques que font courir aux collectivités les partenariats public-privé. Vos craintes sont légitimes et respectables mais infondées... Le Gouvernement soutient la création des Semop. L'exécutif fait, lui aussi, confiance à l'intelligence territoriale, il sait le sens des responsabilités des élus locaux et leur souci de bonne gestion.

M. Jean-Yves Leconte.  - Par réalisme, je m'incline... puisque tout le monde ou presque appelle à un vote conforme. Mon souci était de poser un verrou pour conjurer les risques inhérents aux partenariats public-privé, instruit par l'expérience financière de certaines collectivités.

L'amendement n°2 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Leconte.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrat confié à la société d'économie mixte à opération unique a pour objet la réalisation d'une opération de construction ou de développement de logement, ou la gestion d'un service public incluant la construction d'un ouvrage, le choix de l'équipe de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'une mise en concurrence indépendante, par la collectivité ou le groupement de collectivités à l'initiative de la constitution de la société à économie mixte à opération unique.

M. Jean-Yves Leconte.  - Après notre collègue communiste je veux rappeler que les architectes sont inquiets des conséquences pour les villes et l'urbanisme de l'action d'opérateurs qui pourraient ne plus s'appuyer sur des maîtres d'oeuvre indépendants répondant aux conditions posées par la loi sur l'architecture.

Cette inquiétude peut paraître étrange de la part d'un sénateur représentant les Français de l'étranger. Justement, je voyage dans beaucoup de pays aux règles d'urbanisme anarchiques et j'en vois les conséquences.

M. Jacques Mézard, rapporteur.  - Encore une demande de retrait, ou rejet. Le texte soumis au vote du Sénat est en parfaite adéquation avec les lois sur l'architecture.

Vous voyagez beaucoup, dites-vous. Nous, initiateurs de ce texte, sommes tous des élus locaux responsables d'exécutifs locaux. Songez-y, vous qui êtes contre le cumul des mandats. Nous avons l'expérience, sur le terrain ; nous faisons appel à des entreprises, à des maîtres d'oeuvre. Le maître d'ouvrage, croyez-nous, décide, commande, a un projet et paie.

Les architectes sont inquiets ; je sais pour avoir moi-même exercé une profession libérale que certains corporatismes s'expriment ; mais nous pouvons les rassurer car toutes les garanties sont apportées.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Je vous demande également de retirer cet amendement. Nous avons perçu les inquiétudes, en particulier des architectes, qui se sont beaucoup manifestés auprès des parlementaires et du Gouvernement. Je rappelle que la loi sur l'architecture n'est nullement remise en cause par ce texte. Je tiens à mon tour à les rassurer.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je vais retirer cet amendement aussi, sans être convaincu. La richesse du Sénat tient aux expériences différentes qu'il réunit. Les conditions d'appel aux maîtres d'oeuvre ne sont pas les mêmes, avec la Semop, que pour les autres opérations de construction. Recourir à un maître d'oeuvre indépendant demeure une garantie pour le suivi du cahier des charges car la collectivité n'a pas forcément les compétences pour le faire.

L'amendement n°3 est retiré.

L'article premier est adopté.

Les articles premier bis, premier ter et 14 sont adoptés.

L'ensemble de la proposition de loi est définitivement adopté.

M. Antoine Lefèvre.  - Bravo au président Dupont !

Prochaine séance demain, jeudi 19 juin 2014, à 9 heures.

La séance est levée à 23 h 30.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du jeudi 19 juin 2014

Séance publique

De 9 heures à 13 heures

Présidence : Mme Bariza Khiari, vice-présidente

Secrétaires : M. Alain Dufaut - Mme Marie-Noëlle Lienemann

1. Suite de la proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'agence de financement des infrastructures de transports (n° 59, 2011-2012)

Rapport de Mme Évelyne Didier, fait au nom de la commission du développement durable (n° 275, 2013-2014)

Résultat des travaux de la commission (n° 276, 2013-2014)

2. Proposition de loi relative à la réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple de la guerre de 1914-1918 (n° 212, 2011-2012)

Rapport de Mme Michelle Demessine, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 603, 2013-2014)

Résultat des travaux de la commission (n° 604, 2013-2014)

En outre, à 12 heures

3. Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

À 15 heures

Présidence : M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat

4. Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15

Présidence : M. Charles Guené, vice-président

5. Suite de la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (n° 826, 2012-2013)

Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 612, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 613, 2013-2014)

6. Proposition de résolution relative au financement de la protection sociale et à l'allègement des charges des entreprises, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (n° 566, 2013-2014)