Alsace-Moselle (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Discussion générale (Suite)

Mme Patricia Schillinger .  - Roland Ries devait intervenir mardi en discussion générale, il regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui ; je reprendrai une partie de son propos.

À plusieurs reprises, le droit alsacien-mosellan est revenu dans l'actualité, rappelant l'attachement des habitants de ces trois départements à leur législation locale. Je regrette que les auteurs de cette proposition de loi n'aient pas recherché le consensus ; mieux aurait valu une large concertation non partisane, alors que la commission du droit local créée par un décret du 23 janvier 2014 va se substituer à l'actuelle commission d'harmonisation du droit privé.

Puisque le débat s'est engagé dans une niche parlementaire, participons-y. Censé être transitoire, le droit local, près de cent ans après le retour de l'Alsace-Moselle à la France, perdure ; il conjugue spécificités historiques et adaptations à la modernité. Parmi ses spécificités, citons le Livre foncier et le Crédit mutuel, devenu le deuxième groupe bancaire français. Il a bien rempli son office et inspiré de nombreuses avancées du droit national dans différents domaines, comme celui des assurances, de la procédure civile, de l'autonomie communale ou de la sécurité sociale. Il y a quelques années, Roland Ries y a consacré un chapitre de son livre L'Alsace et la gauche, prônant une approche progressiste de l'identité régionale. Je rappelle que c'est un homme alors de gauche, Jean-Marie Bockel, qui a lancé ce qui allait devenir l'Institut du droit local alsacien-mosellan.

Le Conseil constitutionnel reconnaît le droit local. Celui-ci n'aurait pas dû être l'objet d'une confrontation entre la droite et la gauche. Comme pour la création des Semop, mieux aurait valu déposer deux propositions de loi identiques. M. Ries propose d'ailleurs de lancer une réflexion pour trouver un cadre institutionnel à la concertation entre parlementaires sur des sujets tels que celui que nous examinons aujourd'hui.

Le sentiment de frustration domine à la lecture de ce texte un peu fourre-tout dépourvu de vision d'ensemble ; et des domaines importants ne sont pas abordés. Le travail mérite d'être approfondi ; c'était la raison du dépôt par notre rapporteur Jean-Pierre Michel d'une motion de renvoi en commission.

Les articles premier à 3, sur les corporations, contournent la décision du Conseil constitutionnel ; nous ne pouvons prendre le risque d'une nouvelle censure. L'article 6 réintroduit la taxe des riverains que M. Marini voulait autrefois toiletter jusqu'à la supprimer... L'article 8 traite du repos dominical ; si le sujet mérite clarification, il relève par excellence des partenaires sociaux. En revanche, les articles 4, 5 et 7 sont bienvenus. Quant à l'article 9, il doit être revu.

Vous l'aurez compris, ce texte ne suscite pas mon enthousiasme. Parce qu'il faut malgré tout moderniser le droit local, je ne m'y opposerai pas tout en regrettant la méthode : l'inscription dans une niche partisane, à quelques semaines des élections sénatoriales, ne s'imposait pas. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Esther Sittler .  - Le droit alsacien-mosellan, qui cimente l'identité des trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, est souvent mal considéré ; il serait archaïque... En témoignent les propos de M. Marini sur la taxe des riverains ou ceux du rapporteur, qui témoignent d'une perception erronée de nos spécificités. Pourtant, ce droit, reconnu par le Conseil constitutionnel, est vivant et capable de s'adapter ; il est toujours en vigueur cent ans après sa naissance. En octobre prochain se tiendront des assises qui lui seront consacrées et un institut du droit local a vu le jour.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les corporations, qui considère l'affiliation d'office et la cotisation obligatoire comme des entraves à la liberté d'entreprendre, avait ébranlé le monde artisanal qui les considère comme un ciment et un outil de résistance dans un contexte de crise ; un mode de financement alternatif devait être trouvé. L'article premier du texte règle la question avec la création d'une redevance pour service rendu. Mme Pinel disait, en décembre 2012, vouloir se pencher sur la question mais rien n'est venu depuis. La réflexion du Gouvernement a-t-elle progressé ?

Avec l'article 4, nous engagerons la numérisation du cadastre et des croquis en annexe.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.  - Avec quel argent ?

Mme Esther Sittler.  - Celui des conseils généraux.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Qu'ils me le disent ! Je n'aime pas qu'on mente !

Mme Esther Sittler.  - La modernisation du repos dominical est un débat européen. L'Alsace-Moselle, attachée à son régime, ne peut rester à l'écart du mouvement. L'accord signé dans le secteur du commerce est en voie d'extension.

Nous devrons aussi actualiser notre droit des cultes lors des assises du droit local. Celui-ci a fait l'objet d'attaques violentes ces dernières années, dont une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale en janvier pour étendre la séparation de l'église et de l'État à tout le territoire. Une association musulmane a tenté de s'en servir pour attaquer Charlie Hebdo pour blasphème.

Autre domaine à moderniser, la déclaration domiciliaire, procédure qui est très utile aux communes ; il est urgent de réactiver le fichier. Merci à M. Reichardt, je voterai ce texte avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'amendement n°3 n'est pas défendu, non plus que les amendements nos1 et 2.

ARTICLE PREMIER

Mme Patricia Schillinger .  - Nous sommes tous pour un droit moderne et adapté à notre réalité. Cet article, comme les articles 2 et 3, propose un nouveau dispositif de financement des corporations. Le Conseil constitutionnel, saisi par deux artisans contraints de cotiser à deux corporations différentes, a, dans sa décision du 30 novembre 2012, considéré que la cotisation obligatoire était contraire à la liberté d'entreprendre. Mme Pinel, en janvier 2014, a rappelé que l'affectation d'une partie de la taxe pour frais de chambre de métiers aux corporations présente un fort risque d'inconstitutionnalité. Les fédérations du BTP d'Alsace s'y opposent. M. Reichardt les a-t-il consultées, entendues ? Les corporations ne représentent plus que 30 % des entreprises, et cette part va se réduisant avec le temps. La taxe accroîtra en outre les charges pesant sur les entreprises, en contradiction avec la politique menée par le Gouvernement.

Les dissolutions se multiplient. Les artisans et entrepreneurs sont défendus par des fédérations professionnelles et des syndicats nationaux, notamment dans le bâtiment, auxquels ils adhèrent librement. Monsieur Reichardt, les avez-vous consultés, entendus ? La taxe proposée alourdirait en outre la charge des entreprises, en contradiction avec la politique du Gouvernement. Je vous le répète, je suis pour un droit local qui évolue dans la concertation et conformément aux décisions du Conseil constitutionnel.

M. André Reichardt .  - Dans sa décision du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a invalidé la contribution obligatoire aux corporations, non leur fondement. Les corporations sont plus de 120 ; elles jouent un rôle éminent dans la formation initiale et continue, et notamment pour l'apprentissage. Elles élaborent des programmes de formation spécifiques pour leur métier. Le conseil régional leur a octroyé une aide durant un an pourvu qu'elles s'inscrivent dans les priorités de la région en la matière.

Avec cet article et les deux suivants, nous leur assurons un financement via la possibilité pour les chambres de métiers de les financer, ce qui est possible en droit national aux termes de l'article 23 du code de l'artisanat, et par la création d'une redevance pour service rendu qui existe ailleurs.

Oui, madame Schillinger, j'ai rencontré les corporations. Toutes approuvent ce texte, sauf quatre qui sont du bâtiment et sont affiliées à un certain syndicat national... Je ne veux pas entrer dans ce débat...

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Cette séance est pathétique. Entouré de quelques sénateurs, M. Reichardt s'entête... Il devra demander des scrutins publics sur tous les articles... et pour arriver à quoi ? Il est minoritaire ! Ce qu'il dit n'est pas exact et il le sait !

M. André Reichardt.  - Traitez-moi donc de menteur ! C'est incroyable !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Cet article revient à contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La décision du Conseil est claire : si les corporations veulent continuer à exister, qu'elles se financent elles-mêmes librement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique.  - Vous seriez marri si un ministre acceptait des articles inconstitutionnels. Trouvons d'autres solutions de financement pour les corporations. L'avis est favorable à l'amendement.

M. André Reichardt.  - Vous me renvoyez à la décision du Conseil constitutionnel de 2011. Or la redevance pour service rendu et le financement par les chambres de métiers existent dans le droit général ; le droit local n'est pas étendu, il est au contraire rapproché du droit général. La proposition de loi, en réalité, tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Elle ne conduit en aucune façon à renforcer les différences de traitement. Je m'opposerai à cet amendement de suppression.

À la demande des groupes UMP et socialiste, l'article 7 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°196 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 178
Contre 167

Le Sénat a adopté.

L'article premier est supprimé.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Défendu.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°8 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Défendu.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°9 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

ARTICLE 4

M. André Reichardt .  - L'arrêté ministériel du 16 avril 1995 a décidé l'informatisation du cadastre en France. Toutefois, dans les départements d'Alsace-Moselle, la loi sur le cadastre de 1884 associe au plan cadastral des croquis levés et cotés, réalisés par les services du cadastre et les géomètres experts, conservés dans les annexes du Livre foncier. Ces croquis constituent un élément de sécurité juridique unique en France.

Malheureusement, ces croquis s'accumulent et leur état de conservation se dégrade. Il faut donc les numériser. Cadastre et Livre foncier sont indissociables et complémentaires. Celui-là permet l'identification physique des immeubles ; celui-ci indique la situation juridique des propriétés immobilières. L'un et l'autre concordent parfaitement. La DGFiP n'est pas opposée à notre proposition mais a suggéré une autre rédaction du deuxième alinéa. D'où notre amendement n°4.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - La fiabilité de l'information fiscale est une question trop importante pour être laissée en d'autres mains que celles des agents du service du cadastre. Ce service, qui dépend de la DGFiP, fait l'objet depuis quelques années d'une politique de rationalisation ; la tentation est grande, semble-t-il, d'externaliser ses missions vers d'autres opérateurs, en particulier les notaires... Mais la fiabilité des données cadastrales repose sur la neutralité et l'indépendance des agents du service public.

M. le président.  - Amendement identique n°10, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Je ne suis pas défavorable au droit local.

M. André Reichardt.  - Permettez que nous en doutions !

Mme Fabienne Keller.  - Donnez-nous des preuves !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - J'en suis conscient, il faut numériser le cadastre. L'agglomération de Strasbourg l'a fait et financé.

Outre que l'article ne prévoit pas les ressources nécessaires, l'extension qu'il propose des missions de l'Établissement public d'exploitation du livre foncier informatisé (Epelfi) à la numérisation du cadastre conduirait à un partage de compétences entre les ministères de la justice et des finances, lesquels ne sont pas d'accord entre eux, ni sur cette extension, ni sur son financement.

Avis favorable à l'amendement n°5, identique au mien.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - La demande est justifiée, le financement n'est toutefois pas clairement défini. L'État ne dispose pas des moyens de contribuer à un investissement de 2,5 millions et à un coût de fonctionnement réel mais non encore évalué. Avis favorable aux amendements de suppression.

M. André Reichardt.  - Le rapport reconnait indispensable la numérisation des croquis cadastraux. Cette idée ne surgit pas de nulle part, en effet. L'amendement n°4 rédige, en conséquence, autrement l'article 4, conformément aux souhaits de la DGFiP.

Certes, l'Epelfi relève de la tutelle du ministère de la justice, mais je ne doute pas que Bercy s'en soit rapproché ; du moins, cela me paraîtrait normal. Pour la numérisation du Livre foncier, on n'a rien trouvé à redire à l'intervention de l'Epelfi. Il s'agit seulement d'étendre cette compétence au cadastre. L'argument de l'appel d'offres ne vaut donc guère.

La question de la participation des trois conseils généraux ne se pose pas actuellement, il appartiendra à l'administration de s'en assurer le moment venu.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Tiens, un changement de braquet !

Mme Fabienne Keller.  - Sept amendements de suppression ; le rapporteur vous propose de démonter tous les articles de cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Non, pas tous !

Mme Fabienne Keller.  - Je regrette le ton adopté par le rapporteur ainsi que l'attitude de Mme Schillinger.

Madame la ministre, que ne pratiquez-vous votre prudence financière à l'égard d'autres textes, comme la loi sur la transition énergétique...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Hors sujet !

Mme Fabienne Keller.  - ...l'écotaxe...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Est-ce du droit local ?

Mme Fabienne Keller.  - ...et d'autres textes pour lesquels les transferts sont considérables, pour les chambres de commerce, pour les collectivités locales qui assument le coût des rythmes scolaires, sans aucune compensation. J'espère que la suite du débat sera plus apaisée et constructive. (Applaudissements à droite)

Mme Patricia Schillinger.  - Je suis pour le droit local mais pas pour son appropriation par la politique politicienne.

Mme Fabienne Keller.  - Votez pour !

Mme Patricia Schillinger.  - Nous aurions pu nous rencontrer...

M. André Reichardt.  - Je l'ai proposé par écrit !

Mme Patricia Schillinger.  - ...pour approfondir chaque article, afin de trouver un consensus. Sur cet amendement, je m'abstiendrai. Je suis persuadée que, dans quelques semaines, nous trouverons un accord réunissant toutes les sensibilités.

À la demande des groupes UMP et socialiste, les amendements identiques nos5 et 10 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n° 197:

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 177
Contre 167

Le Sénat a adopté.

L'article 4 est supprimé.

L'amendement n°4 n'a plus d'objet.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

Mme Patricia Schillinger .  - L'article 6 réintroduit la taxe des riverains spécifique à l'Alsace-Moselle. Cela est surprenant car l'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010 prévoit que la taxe locale d'aménagement doit s'y substituer. En période de crise et de baisse du pouvoir d'achat, c'est un mauvais signe adressé à nos concitoyens alsaciens. En outre, cet article pose un problème constitutionnel puisqu?il tend à accroître les différences entre le droit local et le droit commun.

Le rapporteur Jean-Pierre Michel n'a pu recueillir aucun élément sur les ressources que représente cette taxe. Je suis surprise de la méthode, qui manque de concertation et de consensus. Je suis pour le droit local, je le rappelle, mais toujours dans la concertation et le consensus.

M. André Reichardt .  - La loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 a abrogé, à partir du 1er janvier 2015, la législation locale applicable à la taxe sur les riverains. Je n'ai pas la mémoire courte. Cette suppression a été décidée par le gouvernement de l'époque, sans concertation, sans évaluation. Je sais bien qui était au pouvoir alors et je ne me suis pas privé de dénoncer une erreur.

Cette taxe répercute les coûts de viabilisation d'une voie sur tous les riverains, au prorata des mètres linéaires de la parcelle située sur ladite voie. Beaucoup de maires y sont attachés. Je me souviens de l'assemblée générale des maires du Bas-Rhin et de leur approbation lorsque je leur annonçais que j'allais déposer un amendement en ce sens. Que l'Institut du droit local propose cela, ce n'est pas le fait du hasard.

Madame Schillinger, nous nous connaissons assez pour que je vous le dise en toute amitié : je ne puis accepter vos attaques sur l'absence de concertation. Je vous ai proposé par écrit, ainsi qu'à Roland Ries, de cosigner cette proposition de loi. Pas de réponse. Une deuxième fois, je vous ai sollicités. Réponse : ce n'est pas le moment ! Certes, c'était avant les élections municipales. Et maintenant, c'est avant les sénatoriales... L'inscription de ce texte dans une niche UMP ? Je n'ai pas d'autre moyen pour proposer de le discuter. Une troisième fois, je vous ai écrit pour proposer une rencontre. Toujours pas de réponse.

Il ne s'agit pas de réclamer le beurre et l'argent du beurre ! La taxe des riverains est une contribution additionnelle. Oui, les élections sénatoriales sont dans trois mois mais s'il y a approche politicienne, ce n'est pas de mon fait.

Mme Fabienne Keller.  - Bravo !

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - Restons-en au fait : cette taxe avait été instituée par l'empereur Guillaume Ier pour moderniser les environs de Strasbourg. En 2010, elle a été abrogée sur le rapport de Philippe Marini. Pour que les communes ne soient pas prises au dépourvu par cette suppression, celle-ci a été reportée au 1er janvier 2015. La rétablir maintenant serait une manière d'éloigner le droit local du droit commun. C'est donc contraire à la Constitution. C'est pourquoi je m'oppose à cet article, pour aujourd'hui et pour demain.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Avis favorable.

Mme Patricia Schillinger.  - Chaque groupe politique aurait pu proposer le même texte. Nous aurions dû prendre plus de temps pour en parler. Effectivement, il y a avait les municipales, puis les européennes, puis maintenant les sénatoriales. Le temps a manqué. Nous pouvons y revenir pour proposer un texte qui rassemble tout le monde.

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'amendement n°11 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°198 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 178
Contre 167

Le Sénat a adopté.

L'article 6 est supprimé.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

Mme Patricia Schillinger .  - M. Reichardt nous dit que cet article serait consensuel. Permettez-moi d'en douter. Il existe un fort attachement au repos dominical en Alsace. Attendons la mise en oeuvre de l'accord signé le 1er janvier 2014. Où est le consensus quand la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle est contre ? Pourquoi précipiter une décision quand l'accord des partenaires sociaux n'est pas encore entré en vigueur ?

Je me suis toujours opposée à l'ouverture dominicale des commerces, qui menace la vie familiale, culturelle, cultuelle, associative. En outre, elle fragilise le petit commerce au profit des grandes surfaces. L'OIT a adressé un carton rouge à la France à ce sujet. Ses experts dénoncent l'éloignement progressif des dérogations autorisées. Les socialistes ont toujours la même position : protéger le repos dominical. Les UMP alsaciens, en revanche, ont varié. Je reste logique : je voterai contre cet article.

M. André Reichardt .  - Les aménagements proposés par cet article sont de faible ampleur mais reconnaissent au droit local sa spécificité et garantissent un régime équilibré, en instaurant une plus grande sécurité juridique. La procédure de consultation locale est facilitée. Des règles uniformes peuvent être adoptées au sein des agglomérations, qui constituent des communautés économiques. Il s'agit de mettre fin à certaines incohérences, que l'on sache une bonne fois quelle est l'autorité compétente, le maire ou le préfet. L'ouverture des dimanches avant Noël doit être réglée par la loi sur l'ensemble des trois départements, pour éviter les distorsions de concurrence : trois dimanches d'ouverture avant Noël, six heures par dimanche travaillé et non plus selon des horaires variables d'une commune à l'autre.

Cette proposition de loi garantit aux salariés une période de travail soutenu minimale et prévoit des dérogations afin que les PME ne soient pas défavorisées par rapport aux grandes enseignes. L'article généralise aussi la fermeture du Vendredi Saint.

Une concertation insuffisante ? L'institut du droit local l'a menée. Je tiens à votre disposition l'accord signé par toutes les organisations patronales et syndicales en janvier 2014. Excusez du peu ! Je ne suis qu'un porteur, un véhicule législatif... Je ne comprends pas qu'on puisse s'opposer à cette mesure.

Mme Esther Sittler.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article est celui qui a le plus éveillé les consciences des organisations syndicales. Le repos dominical, je le rappelle, est la règle, et non l'exception.

Oui, un accord a été signé qui prévoit le volontariat des salariés et un repos compensateur, lequel peut être pris aussi bien avant qu'après le dimanche travaillé. Supprimons cet article pour juger des éventuels mérites de cet accord.

M. le président.  - Amendement identique n°12, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Les dispositions doivent évoluer mais M. Reichardt met la charrue avant les boeufs.

Le président de la chambre des métiers de Moselle, et cela m'a surpris, m'a dit clairement qu'il était opposé à toute ouverture le dimanche. Le président de la chambre des métiers du Bas-Rhin est favorable à une poursuite de la négociation. Bref, une petite négociation supplémentaire est nécessaire pour modifier le régime. C'est une question de quelques mois. D'où mon amendement de suppression.

M. André Reichardt.  - Cet accord prévoit des contreparties financières pour les salariés, déterminées par les partenaires sociaux, y compris l'UPA. Ce sont les organisations professionnelles qui ont qualité pour négocier, pas les chambres des métiers. L'institut du droit local a invité toutes les organisations représentatives. La règle, dans le droit local, est naturellement le repos dominical ; une règle à laquelle les maires ou l'intercommunalité peuvent prévoir des dérogations. Prétendre que les organisations de salariés voudraient encore attendre est faux. Une procédure d'extension est en cours. Je ne puis inscrire l'accord dans la loi...

Mme Éliane Assassi.  - C'est qu'il y a problème !

M. André Reichardt.  - Je quitterai cette séance dans les affres du doute, de l'incompréhension.

Je constate un gouffre entre ce que je vis sur le terrain et ce que j'entends ici.

À la demande des groupes UMP et socialiste, les amendements identiques nos6 et 12 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°199 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 178
Contre 167

Le Sénat a adopté.

L'article 8 est supprimé.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Cette affaire très compliquée requiert beaucoup de temps. Cet article tente de résoudre un conflit sur la difficile question de l'indivision, entre un arrêt de la cour d'appel de Colmar et la doctrine du droit local. Attendons que la Cour de cassation, saisie, statue.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Je comprends l'argument de l'harmonisation mais M. le rapporteur a raison. Tout le monde trouvera un accord après l'arrêt de la Cour de cassation.

M. André Reichardt.  - On me dit que cet amendement n'a pas été déposé assez tôt pour que le rapporteur l'étudie à fond. C'est faux, ou il faut changer les délais.

Cet article clarifie l'un des outils emblématiques de la procédure de partage judiciaire du droit local. Il résulte d'un voeu du 11e congrès interrégional des notaires de Colmar et de Metz, en novembre 2012. Il a reçu l'approbation unanime de la commission d'harmonisation du droit privé le 20 décembre 2012.

Depuis trois ans, je demande au Gouvernement de bien vouloir faire paraître le décret modernisant cette commission, désormais dénommée comité du droit local. C'est chose faite mais elle n'est composée que de juristes, à l'exception de votre serviteur qui a succédé à Hubert Haenel lorsque celui-ci est entré au Conseil constitutionnel. Reste à désigner les personnalités intuitu personae. J'imagine que Mme la garde des sceaux a d'autres priorités. Mais n'arguez pas que le comité du droit local ne se réunit pas !

J'ai beau être docteur en droit, je ne comprends pas les fondements juridiques de cet amendement de suppression.

M. Gérard Longuet.  - Bravo !

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°13 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°200 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 177
Contre 167

Le Sénat a adopté.

L'article 9 est supprimé.

Interventions sur l'ensemble

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur .  - Je demande que l'on vote pour cette proposition de loi réduite aux deux articles auxquels j'ai donné un avis favorable.

M. André Reichardt .  - Je me félicite du travail accompli ici. En dépit de ma sincérité à son endroit, je remercie le rapporteur pour son travail sur ce droit local subtil. Cette proposition de loi est réduite à la portion congrue, avec deux articles seulement.

Au moment où nous nous apprêtons à discuter de réforme territoriale, je tiens à dire mon attachement au droit local. Alors que l'on veut nous marier de force à la Lorraine, je me battrai jusqu'au bout pour le droit local.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Pourquoi pas ?

M. André Reichardt.  - Que chacun se place devant ses responsabilités.

Mme Fabienne Keller .  - Je regrette à mon tour la suppression de tous ces articles. Je remercie le rapporteur de son travail -tout entier à charge contre le droit local.

Oui, madame Schillinger, la concertation a bien eu lieu, nous avons proposé de travailler dans le consensus. Ces questions sont sur la table depuis plusieurs années et c'est bien une volonté politicienne qui vous conduit à vous opposer aujourd'hui à notre texte.

L'opposition du Gouvernement au droit local d'Alsace-Moselle risque fort d'alimenter la résistance, dans notre région, au rapprochement avec la Lorraine. Nous mesurerons bientôt la portée de ce choix du Gouvernement, qui montre ici qu'il ne respecte pas les spécificités régionales. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Gérard Longuet .  - Durant douze ans, j'ai présidé la région Lorraine. Pour ma part, si je devais trouver un motif d'adhérer à la fusion de l'Alsace et de la Lorraine, ce pourrait être l'extension du droit local d'Alsace-Moselle aux quatre départements de Lorraine. Il est fort bien accueilli par la population, du droit de chasse à l'échevinage, en passant par le concordat ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. André Reichardt.  - Très bien.

La proposition de loi est adoptée.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Merci à ceux qui ont participé à ce travail. Nous adoptons deux articles qui sont de réelles avancées, sur le cadastre, l'impôt foncier, les associations coopératives.

Autant il est utile d'être attentif au droit local existant, autant je doute que l'avenir de la République soit dans son extension ! Je rends un hommage particulier à Jean-Pierre Michel, fortement sollicité ces temps-ci. Il est en effet chargé de défendre nos valeurs sur la réforme pénale. « Une révolution n'est pas une destruction mais un approfondissement », disait Charles Péguy. Jean-Pierre Michel nous a mis sur la voie de l'approfondissement, en rappelant qu'il y a bien des alternatives à la prison, n'en déplaise à certains. Il peut maintenant aller profiter du soleil de la Haute-Saône... (Applaudissements sur les bancs socialistes) J'ajoute qu'il y a aussi du soleil en Alsace et en Lorraine.