Ouvrages d'art de rétablissement des voies (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies.

Discussion générale

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Les infrastructures de transport répondent aux besoins de mobilité de nos concitoyens et sont un élément de compétitivité. Leur gestion pose pourtant parfois problème pour les collectivités territoriales. Cette proposition de loi règle les difficultés nées des divergences de vues entre les collectivités territoriales et les gestionnaires d'infrastructures en cas de franchissement. La jurisprudence est constante : elle impose aux collectivités propriétaires des infrastructures l'entretien des ouvrages d'art permettant leur franchissement.

Ainsi, des petites communes coupées par une autoroute, une ligne à grande vitesse ou un canal se retrouvent à devoir rétablir la route communale pour franchir cette voie. Elles n'en ont pas toujours les moyens. Mme Didier a déposé cette proposition de loi dès juillet 2011 ; après son adoption par le Sénat en janvier 2012, son parcours parlementaire s'est poursuivi, jusqu'à son adoption par l'Assemblée nationale le 23 mai dernier.

Le Gouvernement souhaite lui aussi définir un cadre clair pour résoudre les difficultés rencontrées par les collectivités les plus fragiles. Nous soutenons donc le principe de cette proposition de loi. Les amendements du Gouvernement adoptés à l'Assemblée nationale ont permis de parvenir à un point d'équilibre.

Premier point : une convention de gestion est rendue obligatoire pour toute nouvelle infrastructure de transport. Le principe selon lequel le gestionnaire de la voie nouvelle prend en charge les dépenses liées à l'ouvrage d'art devra être appliqué tel quel pour les petites collectivités mais pourra être adapté en fonction des spécificités des collectivités.

Une petite commune rurale ne peut être traitée comme un conseil général. On dénombre environ 12 000 franchissements existants pour le réseau ferroviaire, 2 000 pour les routes non concédées et 2 500 pour les voies navigables. L'État ne peut assurer seul les dépenses afférentes, qui s'élèveraient à plusieurs centaines de millions d'euros. Il faut donc identifier les situations les plus urgentes à traiter.

La proposition de loi prévoit donc un recensement des ouvrages d'art ne faisant pas l'objet d'une convention. Les situations contentieuses devront aussi trouver une solution rapide ; la proposition de loi y pourvoit.

Je remercie Mme Didier et M. Favier pour leur travail constructif. Nos échanges ont été fructueux. Ce texte pragmatique et responsable mettra fin à des situations qui inquiètent les élus locaux. (Applaudissements)

M. Christian Favier, rapporteur de la commission des lois .  - Notre Haute assemblée avait adopté cette proposition de loi en première lecture le 17 janvier 2012, à l'unanimité. Les principes régissant cette question ont été définis par une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'État : il revient aux collectivités territoriales d'assurer l'entretien des ouvrages d'art de rétablissement des voies. Or nombre de collectivités territoriales ignorent cette obligation ; face à la contrainte budgétaire, certaines collectivités réduisent, voire interdisent l'utilisation de leur voierie, d'autant qu'elles n'ont pas leur mot à dire dans la décision de couper une voie existante. Il fallait mettre fin à cette injustice. La proposition de loi prévoit une convention entre la collectivité et le gestionnaire d'infrastructure.

En première lecture, nous avions amélioré la rédaction de la proposition de loi afin de conforter le cadre protecteur pour les collectivités territoriales. Avec seize amendements rédactionnels en commission, l'Assemblée nationale a clarifié et précisé le principe de répartition des charges. En séance publique, elle a adopté huit amendements du Gouvernement pour adapter le principe de prise en charge à la diversité des situations, prévoir que la médiation du préfet soit précédée d'un avis de la chambre régionale des comptes, établir un recensement des ouvrages, prévoir une solution négociée avec l'État en cas de contentieux.

Pour ne pas retarder la mise en application de ce texte, votre commission accepte ces modifications et vous invite à voter ce texte conforme. (Applaudissements)

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M. René Vandierendonck .  - Cette proposition de loi était attendue par les collectivités territoriales ; ces cinq ans d'attente et de combat opiniâtre sont aujourd'hui récompensés. Pour une grande majorité des franchissements existants, il n'existe pas de convention de gestion entre les collectivités territoriales et les gestionnaires d'infrastructures. L'enjeu est très important, en cette période de disette budgétaire et de réforme territoriale, pour les collectivités de petite taille et aussi pour les départements, puisque plusieurs milliers de ponts porteraient aujourd'hui des routes départementales : 1 000 au-dessus du réseau routier national, 2 500 au-dessus de voies et 1 250 au-dessus de canaux.

À l'heure actuelle s'applique une jurisprudence du Conseil d'État, de 1906, très protectrice des intérêts de l'État. RFF ou VNF décident de couper une voie, et laissent les ouvrages d'art de rétablissement des voies à la charge des collectivités. Or celles-ci n'ont pas toujours les moyens d'y faire face ; souvent, elles ne sont même pas au courant de l'étendue de leur responsabilité.

Mme Évelyne Didier.  - Très juste.

M. René Vandierendonck.  - Cette proposition de loi est issue d'une négociation et d'un groupe de travail dont Mme Didier était membre. Le président de la commission des lois dit souvent qu'un bon moyen de réduire les normes serait de poser en principe que le prescripteur doit être le payeur. C'est une bonne approche. Cette proposition de loi sauvegarde l'essentiel : l'Assemblée nationale a maintenu les principes adoptés au Sénat, à commencer par la convention négociée, la prise en charge respective par le gestionnaire et la collectivité. Le Gouvernement a apporté une certaine souplesse, adaptant le principe en fonction des capacités financières de la collectivité ou de l'intérêt qu'elle peut retirer de l'infrastructure de transport. Il est prévu de recourir à la médiation en cas de désaccord dans la négociation de la convention : c'est sagesse.

S'agissant des ouvrages de rétablissement existants, l'Assemblée nationale a prévu, en l'absence de convention, sur la proposition du Gouvernement, un recensement avant le 1er juin 2018, afin de hiérarchiser les urgences et d'établir un plan pluriannuel d'investissement.

Merci, madame Didier, d'avoir tenu bon sur les situations contentieuses. Ce texte reconnaît les collectivités territoriales et assouplit leurs modalités d'intervention.

Oui, merci à Mme Didier et à vous aussi, monsieur le ministre : nous attendions cette mesure depuis des décennies ! (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Surtout dans le Nord-Pas-de-Calais !

M. Yvon Collin .  - Cette proposition est consensuelle, de la majorité à l'opposition en passant par l'Association des maires de France.

Le propriétaire de la voie portée est tenu d'en assurer l'entretien. Il n'est pas rare de voir des petites communes interdire la circulation sur un ouvrage de peur de voir leur responsabilité engagée. Certaines ignorent que, par le jeu des transferts de compétences, elles sont propriétaires d'un pont. Les transferts de compétences et de charges aux collectivités locales n'ont pas toujours été accompagnés des moyens nécessaires. Conformément aux annonces du Gouvernement, l'enveloppe normée des concours de l'État aux collectivités territoriales a diminué de 1,5 milliard d'euros en 2014. Les petites communes rurales n'ont pas les moyens financiers ni souvent techniques d'assurer la remise en l'état des ouvrages d'art concernés, sans parler des coûts de surveillance et d'entretien.

Ce texte apporte une réponse équilibrée à ces difficultés que nous rencontrons tous les jours. Il répartit les charges et prévoit une convention entre les parties et un médiateur en cas de désaccord. Les ouvrages d'art existants feront l'objet d'un recensement. En cas de situation contentieuse, une solution pourra être trouvée rapidement. Puisqu'il réalise l'équilibre entre le souhaitable et le possible, que nous recherchons tous, l'ensemble du groupe RDSE soutiendra ce texte. (Applaudissements)

M. Christophe-André Frassa .  - Cette proposition de loi est essentielle à nos communes et indispensable à nos finances publiques. La réglementation en vigueur oblige nos communes à assumer un fardeau bien trop lourd, à l'heure où leurs ressources fondent. En 2009, nous avions entamé une réflexion sur la domanialité les ouvrages d'art, sans aboutir.

Les communes n'ont qu'une alternative : soit elles engagent les dépenses obligatoires pour la sécurité des utilisateurs, ce qui les contraint à sacrifier certaines politiques communales pour équilibrer leur budget, soit elles se désengagent et interdisent la circulation sur les ouvrages d'art. Elles se retrouvent en porte-à-faux faute de moyens pour effectuer les réparations nécessaires sur les ouvrages d'art.

Ce texte instaure une obligation de conclure une convention entre les parties, non pour dédouaner les communes mais pour responsabiliser les gestionnaires d'infrastructures. L'intervention d'un tiers, en l'occurrence le préfet, après avis de la chambre régionale des comptes est souvent le meilleur moyen de régler le contentieux. Le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi.(Applaudissements)

Mme Évelyne Didier .  - Merci pour les mots sympathiques que vous avez eus à mon endroit. Si je travaille sur cette question depuis 2009, c'est que j'ai été interpellée par le maire de Vandières, en Meurthe-et-Moselle. J'ai ensuite sollicité M. Bussereau, qui a mis en place un groupe de travail. Nous avons dû convaincre l'administration -c'est un travail de longue haleine- pour imposer le principe selon lequel celui qui décide paie.

Lors de la construction d'une voie ferrée, d'une voie navigable ou d'une autoroute, le gestionnaire est souvent obligé de construire un ouvrage d'art de rétablissement de la voie coupée. Or, les dépenses afférentes sont à la charge des collectivités. Le problème est survenu lorsqu'on a transféré les routes aux collectivités locales et qu'on leur a aussi transféré les ponts.

Il fallait une répartition des charges plus simple et plus équitable. C'est à celui qui impose la construction de l'ouvrage d'art d'en assumer les charges. Nous avons trouvé un bon compromis avec le Gouvernement. Le bon sens a prévalu, je m'en félicite : le texte a été approuvé sur tous les bancs. Le Gouvernement a accepté le principe de base de la proposition de loi ; les amendements ont été longuement débattus avec le secrétaire d'État aux transports. Des compromis ont été trouvés, vous les avez rappelés. La nouvelle version du texte prévoit d'identifier et de traiter les situations les plus urgentes, contentieuses ou ne faisant pas l'objet d'une convention. Notre but est atteint : ce texte s'appliquera pour tous les ouvrages d'art futurs.

L'Association des maires de France et l'Assemblée des départements de France nous ont soutenus. Je remercie tous ceux qui ont fait avancer ce dossier. Ce texte, qui dépasse les clivages politiques, impose un principe équitable : qui décide paie. J'espère, monsieur le ministre, que les parlementaires seront associés à la rédaction du décret d'application : le diable se niche parfois dans les détails ! (Applaudissements)

M. René Vandierendonck.  - Bravo !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.  - Je me réjouis de l'adoption de cette proposition de loi, qui permettra de résoudre rapidement les problèmes en suspens et de programmer les investissements nécessaires. En tant qu'élu local, je sais combien les élus sont attachés au principe selon lequel paie celui qui décide. Souvent, c'est à l'État qu'ils le rappellent ! (Sourires) Nous ferons en sorte de vous présenter le projet de décret avant son examen par le Conseil d'État, dans la perspective d'une application rapide.

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 17 h 5.