Logement étudiant (Questions cribles)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le logement étudiant.

M. Claude Kern .  - Le logement est un sujet de préoccupation majeure pour les Français à cause de la hausse constante des loyers et du manque dramatique de constructions nouvelles. Et ce, encore plus pour les jeunes pour lesquels le taux d'effort représente 22 % ; pour les étudiants, il est de 53 % du budget à Paris. Le prix des loyers des petites surfaces a augmenté de 3,1 % lors de la dernière rentrée. En région parisienne, seuls 3 % des étudiants sont logés en résidence universitaire. La caution locative étudiante est une avancée mais ne résout pas le problème de l'offre. Le « Plan 40 000 », qui fixe des objectifs ambitieux, est nécessaire. Je crains néanmoins qu'il ne manque de financements.

Où en êtes-vous de ce plan ? Quels sont les moyens alloués ? Ne pourrait-on prendre en compte les besoins des étudiants dans les projets d'aménagement et de développement durable ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports .  - Avec le « Plan 40 000 », le Gouvernement a véritablement fait du logement étudiant une priorité. Quel est son bilan ? C'est 8 500 nouvelles places en Crous en 2013, dont 3 900 constructions et 4 600 réhabilitations ; 8 130 nouvelles places pour 2014, dont 2 241 constructions et 4 071 réhabilitations. Ces chiffres ne concernent que les logements en Crous ou gérés par les Crous. En complément, 7 661 logements HLM ont été financés en 2013. À l'été 2014, on en comptait déjà 1 938. Malgré ces chiffres positifs, il convient de rester vigilant. En effet, certains projets sont bloqués. C'est inacceptable, le Premier ministre l'a dit il y a quelques jours. Chacun doit prendre ses responsabilités.

M. Claude Kern.  - Je note les efforts fournis. Un regret, cependant : sans mettre en doute vos compétences, je regrette que la ministre en charge du dossier n'ait pas pris la peine de se déplacer au Sénat pour ce sujet si important.

M. Jacques Grosperrin .  - Quelque 1,1 million d'étudiants sont logés dans le privé, 180 000 peinent à réunir la caution demandée par le bailleur. La garantie locative étudiante devrait représenter une avancée pour les moins de 28 ans. Hélas, le retard de l'application de la loi Alur n'a pas permis aux étudiants d'en profiter dès la rentrée. Je m'étonne aussi du plafonnement des loyers exigé par ce dispositif. Quel sera la montée en charge de ce mécanisme ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Je m'étonne de votre étonnement. Auparavant, il n'existait que le Locapass. Les étudiants disent « Bravo ! », on aurait pu espérer que le Sénat en fasse de même. Le fonds de garantie a été alimenté par l'État, la Caisse des dépôts et consignations, les régions et les cotisations des étudiants concernés. Le dispositif fonctionne, et c'est très bien car de nombreux étudiants ne trouvent pas à se loger faute de caution. Oui, l'État se porte garant. Peut-on lui faire confiance ? Ce n'est pas au Sénat qu'on peut poser cette question ! L'État assume toujours ses engagements.

M. Jacques Grosperrin.  - Soit, mais le coût de ce dispositif est très élevé pour une efficacité hasardeuse. Il faudrait lutter contre les causes profondes du problème.

M. Jacques Mézard .  - Ma question porte sur le logement étudiant dans les antennes universitaires dites délocalisées, c'est-à-dire dans les villes moyennes. Ce sont les conseils généraux, les agglomérations, les communes qui financent ces antennes : les locaux d'enseignement, de restauration et le logement étudiant. Nous sommes là à la limite de nos compétences et nous avons les plus grandes peines du monde à faire intervenir les Crous.

Les nouvelles très grandes régions, par leur puissance, sont censées apporter à nos territoires ruraux les moyens dont ils manquent. Sera-ce bien le cas ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de clarification des compétences touchant ce domaine ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Si je répondais à cette question, vous seriez le premier à dire que le Gouvernement préempte le débat au Sénat sur le projet de loi NOTRe sur lequel vous porterez, je n'en doute pas, un regard acéré.

Les régions participent déjà au logement étudiant. Il n'y a pas de raison que la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne n'en fasse pas de même ou qu'elle oublie Aurillac. Plus les régions seront importantes, plus les économies d'échelle permettront de dégager des moyens. La ville d'Aurillac n'est pas oubliée dans le « Plan 40 000 » avec deux opérations en cours : une extension de 40 places sur la rentrée 2015, liée à l'école d'infirmière, et une antenne de l'Aspe.

M. Jacques Mézard.  - En grand sportif, vous savez botter en touche ! (Sourires) Pour nos territoires ruraux, il est important qu'une véritable clarification soit faite sur la compétence universitaire. Nous avons besoin de matière grise et, pour cela, du soutien de l'État. Là-dessus, toujours pas de réponse. (Applaudissements sur les bancs RDSE, au centre et à droite)

M. Joël Labbé .  - Les conditions de vie des étudiants se dégradent à un point tel que notre système scolaire aggrave les inégalités. Le nombre d'étudiants augmente de 2 % par an, mieux que la croissance économique. C'est là une véritable richesse. Si ce n'est qu'un tiers d'entre eux vivent en famille, un tiers en location ou en résidence universitaire et un tiers en logement privé. On étudie pour éviter le chômage et on se retrouve à devoir travailler pour étudier, un comble ! Les loyers les plus élevés au mètre carré sont ceux des plus petites surfaces. Devant cette situation, une seule solution : l'encadrement des loyers, indispensable pour les petits logements qu'occupent les étudiants. Quand mettrez-vous en place cette mesure ? Les étudiants ont le plus grand besoin de cette bouffée d'air pur.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - J'ai omis de vous prier d'excuser Mme Fioraso, en déplacement en Argentine.

« Plan 40 000 », caution locative étudiante, 55 000 nouveaux boursiers : autant de preuves de la priorité donnée par le Gouvernement à la jeunesse. La loi Alur est mise en place de façon pragmatique. Concernant l'encadrement des loyers, une expérimentation sera menée à Paris à partir de 2015. Toutes les agglomérations qui le voudront pourront le faire aussi. L'agglomération lilloise s'est dite intéressée. Ce sera du cas par cas, pragmatique, en lien avec les observatoires des loyers.

M. Joël Labbé.  - Je ne vous mettais pas en accusation : effectivement, des efforts sont faits. Il n'en reste pas moins que l'encadrement des loyers doit être rapidement mis en place.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - J'interpelle le Gouvernement sur le logement étudiant à partir de l'exemple de la résidence universitaire d'Antony qui couvre onze hectares et représente plus de 2 000 logements. Un accord de 2013 prévoit son transfert à titre gratuit à l'intercommunalité. Résultat, seul un bâtiment a fait l'objet d'une réhabilitation. Des démolitions sont prévues avant que les nouvelles constructions ne sortent de terre. Le Gouvernement doit se montrer plus exigeant, à moins que, comme le président du conseil général, M. Devedjian, il ne veuille la fin de cette résidence.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Dans le « Plan 40 000 », 19 342 places sont prévues en Ile-de-France pour 2017. La convention entre l'État et les collectivités lie réhabilitation, démolition et construction pour un total de 3 780 logements. L'État a exigé que le bâtiment G de la résidence Jean Zay - puisque tel est le beau nom de cette résidence universitaire - ne soit pas démoli avant le lancement de la réhabilitation des 311 studios du bâtiment A. La réunion du comité de suivi a été reportée pour obtenir des engagements et un calendrier précis des collectivités. L'État, vous le voyez, est ferme et exigeant.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il doit l'être : pour l'heure, 548 chambres ont été détruites alors que la crise du logement sévit. Les réhabilitations, souvent, s'accompagnent d'une hausse des loyers. 40 000 logements ne suffiront pas tant la pénurie est grande. Or le logement conditionne l'accès aux études.

Mme Dominique Gillot .  - La répétition a parfois du bon. Alors que le logement représente 50 % du budget des étudiants, le Gouvernement a pris un faisceau de mesures pour le logement étudiant. S'agissant du « Plan 40 000 », il semble que l'objectif soit en passe d'être atteint. Aussi vais-je vous interroger sur une autre disposition, la garantie locative étudiante.

À Paris, le coût moyen d'un logement étudiant dans le parc locatif privé est de 633 euros et les bailleurs demandent que le garant dispose d'une rémunération d'au moins 2 500 euros, ce qui est insupportable pour beaucoup de familles. C'est pourquoi le président de la République a annoncé le 8 septembre la généralisation à tout le territoire de la caution locative étudiante et l'assouplissement de ses critères d'attribution.

Mme Fioraso a souhaité que le délai soit ramené de 72 à 48 heures. Où en est-on ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Souvent, les parlementaires ne s'intéressent guère aux trains qui arrivent à l'heure. Merci de vous y intéresser, vous. Alors que 600 demandes ont été déposées en 2013 durant la phase d'expérimentation, aucune défaillance n'a été constatée. En septembre 2014, plus de 5 000 demandes ont été déposées, 2 658 ont d'ores et déjà été acceptées. Le traitement des dossiers par les Crous est en moyenne de 48 heures. Le montant de la garantie comme celui de la cotisation demandée aux étudiants est modulé selon qu'on se trouve en province, en Ile-de-France ou à Paris intra-muros.

Le dispositif monte donc en puissance et traduit une véritable volonté politique.

Mme Dominique Gillot.  - Merci pour ce volontarisme, nous en avons bien besoin en ces temps difficiles. Cette mesure utile mérite d'être mieux connue car c'est un réel soutien à la vie étudiante.

M. Alain Fouché .  - Le Gouvernement a annoncé en 2013 le « Plan 40 000 ». C'est nécessaire car le logement représente 50 % du budget des étudiants en Ile-de-France et les loyers à la relocation ont augmenté de 50 % en dix ans à Paris. Sous la précédente majorité, un plan de 5 000 places nouvelles par an était prévu mais cet objectif n'a pas été atteint. Où en est-on du « Plan 40 000 » ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Comme vous le reconnaissez, le plan Anciaux n'a pas tenu ses promesses. Le « Plan 40 000 », lui, tient ses objectifs pour 2013 et 2014. La moyenne doit être de 8 000 logements par an.

Pour tenir cet objectif, les ministres de l'enseignement supérieur et du logement ont confié en 2013 à M. Marc Prévôt la mission de recenser les opérations pouvant contribuer à la réalisation de ce plan.

42 916 constructions neuves doivent pouvoir être livrées avant le 31 décembre 2017, dont 30 000 logements Crous. Sur ces 42 916 places, 19 342 sont en Île-de-France. La programmation des constructions est la suivante : 6 021 en 2013, 5 380 en 2014, 9 263 en 2015, 9 046 en 2016 et 13 206 en 2017. Pour 2013, 9 500 places ont été créées au sein des Crous et 8 130 pour 2014 à quoi il faut ajouter les logements étudiants dans le privé.

Nous avons constaté des blocages, d'où la nomination de M. Prévôt.

M. Alain Fouché.  - C'est un excellent préfet. J'espère que le « Plan 40 000 » tiendra ses objectifs, c'est indispensable pour les étudiants qui, trop souvent, vivent dans des conditions indignes et paient des loyers surélevés.

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Ma question se situe dans la lignée des précédentes. La mission de M. Prévôt, qui n'est pas préfet mais haut fonctionnaire au ministère du logement, est primordiale car l'échec des plans précédents était souvent dû à des écarts entre annonces et réalisations. Les engagements régionaux sont-ils à la hauteur des engagements nationaux ? Les simplifications administratives, sur les normes pour les personnes handicapées par exemple, ont-elles été prises ?

La loi Alur prévoit de nouvelles dispositions pour les résidences universitaires. Où en est-on ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Les 49 916 places seront réalisées de manière échelonnée d'ici 2017.

Un décret sera pris très prochainement pour appliquer les nouvelles dispositions de la loi Alur ; en attendant, il faut passer par le conventionnement. Sur le blocage de certaines opérations, le Premier ministre y travaille avec M. Mandon.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je salue ce travail à marche forcée pour le logement étudiant.

M. Joël Labbé.  - Très bien !

Mme Colette Mélot .  - À mon tour d'insister sur la nécessité de construire des logements étudiants. Les loyers ont explosé mais aussi les charges locatives : entre 10 et 14 % d'augmentation ! Or le nombre de places en résidence Crous demeure insuffisant. Plus d'un million d'étudiants sont logés dans le parc privé. Le président de la République a annoncé la création de 40 000 places, ce qui représente 25 % du parc géré par les Crous. Comment le Gouvernement compte-t-il le financer, en ces temps de disette budgétaire ? Les logements étudiants seront-ils intégrés au 25 % de logements sociaux exigés par la loi SRU, comme le demandent les élus locaux ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Le mode de financement du logement étudiant est le PLS depuis la circulaire de 2003, pérennisée en 2005. Dans certaines zones tendues, le recours au PLU-S est possible. L'aide publique est en moyenne de 40 000 euros par logement, dont la moitié provient de l'État, via des aides fiscales.

Mme Colette Mélot.  - Merci de ces précisions sur le financement. J'attends toujours une réponse sur l'intégration du logement étudiant dans les 25 % de logement social exigés par la loi SRU.

La séance, suspendue à 15 h 50, est reprise à 16 heures.