SÉANCE

du mardi 9 décembre 2014

38e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Bruno Gilles, Mme Colette Mélot.

La séance est ouverte à 17 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)

Interventions sur l'ensemble

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les interventions sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.

Je veux d'abord vous remercier, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, pour votre présence assidue au banc du Gouvernement, et pour les débats de haute tenue que nous avons eus ensemble. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Je veux dire notre satisfaction que le Sénat ait examiné l'ensemble de ce projet de loi de finances, y compris les dépenses, car il fallait, dans cette période de contrainte budgétaire, montrer notre capacité à proposer des économies.

Le texte porte la marque du Sénat et de la nouvelle majorité. Sur des sujets complexes et sensibles, nous avons évité les postures politiques et trouvé des terrains d'entente par-delà les clivages : ainsi sur l'investissement des PME, la répartition du prélèvement sur les CCI et les chambres d'agriculture ou le financement des collectivités territoriales.

La deuxième partie témoigne de nos différences politiques, mais nos positions se sont parfois rejointes, par exemple sur l'enseignement supérieur et la recherche.

Je veux vous remercier, madame la présidente de la commission des finances, pour la part que vous avez prise avec votre autorité naturelle à nos débats, parfois sereins, parfois passionnés, mais toujours de grande qualité. Merci à tous les rapporteurs d'avoir pris leurs fonctions si rapidement, merci à tous les collègues qui ont participé à nos travaux. Merci à M. le président du Sénat, aux présidents de séance, à vous-même, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos services.

Ce budget n'est sans doute pas celui que la majorité sénatoriale aurait élaboré. (On renchérit à gauche) Les règles constitutionnelles nous empêchaient de revoir le budget de fond en comble, ainsi avons-nous rejeté les missions sur lesquelles nos divergences étaient grandes. Nous avons voulu réduire la fiscalité sur les classes moyennes et les familles, favoriser l'investissement des entreprises, notamment industrielles, et des collectivités territoriales.

Ces mesures réduisent les recettes ; c'est qu'il est temps d'engager des économies pérennes. Le collectif montrera que le dynamisme de nos dépenses de personnel et de fonctionnement pèse sur nos finances. C'est pourquoi nous avons voulu ralentir le Gouvernement et rétablir trois jours de carence dans la fonction publique. Nous avons voulu ralentir la croissance des emplois aidés et freiner la dérive de l'AME.

Au total, avec le rejet de plusieurs missions, le solde n'a plus grande signification - il en allait de même lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, dans une configuration comparable. Nous irons plus loin dans le sens des économies, ce qui ne relève pas du seul projet de loi de finances. La commission des finances, dans le cadre de sa mission de contrôle, fera des propositions

Sur certains points, nos échanges avec le Gouvernement ne nous ont pas tout à fait rassurés. Il faudra veiller à l'exécution du budget.

Nous montrons ainsi que d'autres choix sont possibles, pour redresser nos comptes publics et notre compétitivité. Je vous invite à voter ce projet de loi, modifié par le Sénat. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances .  - Pour la première fois depuis 2011, nous avons conduit ce projet de loi de finances à bon port ; c'est pour moi un motif de satisfaction. Il nous a fallu siéger trois samedis de suite, mais toutes les missions ont pu être examinées à la date prévue, grâce à l'autodiscipline des orateurs et à la vigilance des présidents de séance. Nous n'avons pas, cependant, bridé la discussion : un grand nombre d'amendements ont été adoptés, notamment en seconde partie.

Je veux remercier tous les intervenants, les 82 rapporteurs pour avis, et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

Je veux remercier les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement, parfois en nombre - M. Macron, Mme Royal sont venus accompagnés de leurs secrétaires d'État -, et tout particulièrement vous-même, monsieur Eckert, qui avez défendu les positions du Gouvernement et non celles de « Bercy ».

Le fonds de soutien aux collectivités territoriales pour la mise en place des rythmes scolaires a été pérennisé.

Merci au rapporteur général d'avoir toujours fait preuve d'ouverture d'esprit. (Applaudissements à droite et au centre) Nos échanges respectueux nous ont parfois permis d'aboutir à un consensus.

Je connais les contraintes d'une majorité sénatoriale d'opposition. La majorité sénatoriale actuelle a exprimé par ses votes des positions que nous ne partageons pas : alourdissement de l'impôt des plus modestes, réforme hasardeuse de l'AME, ponctions sur les fonctionnaires, limitation des emplois aidés... Je regrette aussi le rejet de certaines missions. Quand le déficit repassera-t-il sous les 3 % ? Faut-il aller plus vite ? Nous attendons toujours les réponses de la majorité sénatoriale sur ces points.

Je me retrouve davantage dans le texte issu de l'Assemblée nationale. Nul ne s'étonnera que je vote contre ce projet de loi modifié. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. Jacques Mézard .  - Oui, pour la première fois depuis trois ans, nous arrivons au terme du marathon budgétaire. Sur la forme, la satisfaction est générale. Sur le fond, nos dissensions, réelles, sont légitimes en démocratie. Le budget est contraint par le contexte économique européen, la spirale déflationniste qui éloigne les perspectives de reprise et rogne nos efforts structurels. La BCE vient encore de réduire ses prévisions de croissance. Le pacte de stabilité et de croissance n'est pas un carcan : nous devons utiliser au mieux sa flexibilité.

Plus qu'une sortie de crise, nous devons esquisser la réinvention de notre modèle. Ce budget est une occasion perdue pour revoir en profondeur la fiscalité des ménages. L'impôt sur le revenu est mité par niches et exonérations, qui en font porter trop fortement le poids sur les classes moyennes. Le Gouvernement fait les fonds de tiroir, en ponctionnant opérateurs et organismes chargés du service public. Un accord a été trouvé pour opérer des prélèvements - exceptionnels - sur fonds de roulement tout en maintenant les taxes affectées.

À l'exception des budgets prioritaires, toutes les missions voient leurs crédits baisser. Nous ne comprenons pas que ce soit le cas pour l'enseignement supérieur et la recherche. De même, il est dommage de pénaliser les artisans qui partent à la retraite.

Les représentants de l'opposition nationale proposent de faire, qui 50, qui 80, qui 130 milliards d'euros d'économies. Dénonçant les hausses d'impôt, ils oublient qui avait lancé le mouvement en 2011...

Y a-t-il une si grande divergence sur les solutions à apporter à la crise ? Les principales mesures adoptées par la majorité sénatoriale - AME, jours de carence... - constituent plutôt des totems que l'ébauche d'une politique différente.

Nous nous sommes opposés à l'érosion de l'autonomie des collectivités territoriales, qui assument 70 % de l'investissement public. Une hausse de la fiscalité locale et une baisse de l'activité, notamment dans les travaux publics, sont inévitables. La réduction de la DGF a été atténuée et l'on aboutit à un résultat proche de ce que nous demandions.

La majorité sénatoriale a préféré freiner la péréquation, elle qui avait créé le FPIC en période de restriction ; il nous paraît au contraire plus juste de renforcer la péréquation - même si les outils actuels, et notamment le FPIC, doivent être réformés d'urgence.

M. Michel Bouvard.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Je me félicite que l'on libère les énergies du secteur clé qu'est le logement. La majorité du groupe RDSE ne se retrouve pas dans le texte du Sénat ; notre vote sera le même que sur la première partie. (Applaudissements sur les bancs du RDSE ainsi que sur un grand nombre de bancs socialistes)

M. Philippe Adnot .  - Je veux tout d'abord saluer la libération de Serge Lazarevic.

Merci, monsieur le président, d'avoir obtenu que nous puissions aller au bout de cette discussion budgétaire. J'aurais voté contre le texte du Gouvernement, regrettant tout particulièrement la baisse des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que l'insuffisance des crédits pour soutenir les entreprises. Je serais plus enclin à voter le texte du Sénat, mais, en tant que président d'une assemblée, je ne peux me résoudre à voter un texte qui ne prend pas en compte tous les budgets à financer. Je m'abstiendrai donc, quitte à voter contre en deuxième lecture si nos propositions ne sont pas prises en compte.

M. François Zocchetto .  - Quelle chance vous avez, monsieur le ministre, d'élaborer ce budget alors que les taux d'intérêt sont historiquement bas, tout comme le cours du pétrole, que l'euro a perdu 10 %, que la Commission européenne réduit notre contribution au budget européen. C'est important, la chance, et pourtant, cette chance, vous ne la saisissez pas. Le Gouvernement est prisonnier de sa majorité pour qui les mots de mérite et de réussite, d'entreprise et de récompense sont indécents. La fuite en avant fiscale, qui continue malgré les promesses de pause, est devenue insupportable. Sans effet, puisque le rendement des impôts décroît.

Ceci est une loi de finances par obligation, pour autoriser la perception des impôts et qui n'est pas de nature à restaurer la confiance indispensable.

La majorité sénatoriale vous propose un choc. Saisissez l'occasion, monsieur le ministre ! Nous avons redonné du souffle au quotient familial, enrayé la baisse des dotations aux collectivités territoriales, soutenu l'investissement des PME industrielles.

Malgré des délais très contraints, nos propositions sont documentées et chiffrées. Nous avons brisé des tabous. Le ministre du budget reconnaît lui-même que le CICE aurait dû faire baisser le coût du travail en contrepartie d'une hausse de la TVA. Qu'est-ce d'autre que la TVA anti-délocalisation que nous défendons depuis des années ?

J'entends ceux qui cherchent les milliards d'économies manquants. Au sein de la majorité sénatoriale, nous sommes tous d'accord pour dire que la dépense publique pèse trop lourd et étouffe notre économie. Mais la Lolf ne permet pas au Parlement de débattre du périmètre d'intervention de l'État.

C'est votre gouvernement qui est responsable devant l'Assemblée nationale. Le Sénat ne saurait s'y substituer. Il peut s'efforcer en revanche de combler les carences de votre politique. Je veux dire nos inquiétudes pour les soldats français : 10 % des recettes de la défense restent incertains, alors que nos troupes sont engagées dans 28 Opex, dont les très difficiles opérations du Mali, de la Centrafrique, de l'Irak. C'est inacceptable.

Il fallait que le Sénat fasse de nouveau entendre sa voix. Ce texte n'est pas idéal...

M. David Assouline.  - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. François Zocchetto.  - Ce n'est pas celui que nous aurions élaboré. La balle est dans votre camp. Pour l'heure, le groupe UDI-UC votera ce texte modifié. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Bruno Retailleau .  - Ce débat s'est poursuivi jusqu'à son terme, et le texte final n'a plus rien à voir avec le texte initial.

M. François Marc.  - Hélas !

M. David Assouline.  - Il est indigeste !

M. Bruno Retailleau.  - Pourquoi ? Parce que la politique économique du président de la République ne marche pas : un demi-million de chômeurs de plus depuis 2012, même le ministre du travail reconnaît l'échec !

M. David Assouline.  - Vous n'avez pas fait mieux !

M. Bruno Retailleau.  - Pour la première fois depuis 2010, le déficit ne sera pas réduit en 2014 et la dette atteindra bientôt 100 % du PIB.

M. Daniel Raoul.  - La dette que vous avez laissée ! (M. David Assouline renchérit)

M. Bruno Retailleau.  - La croissance est en panne faute de réformes structurelles. Le président de la République et le Gouvernement ont une vision météorologique de l'économie : après la pluie, viendra forcément le beau temps. (M. François Marc s'exclame)

Le budget du Gouvernement est en trompe-l'oeil. Nul ne croit en votre trajectoire budgétaire : prévisions de croissance et recettes sont surestimées. Il ne faut pas s'étonner que le matraquage fiscal entraîne la baisse des rendements. Seuls 3,5 milliards d'euros d'économies sont le fait de l'État. Le reste des 21 milliards vient de ponctions sur les collectivités territoriales, les opérateurs, l'assurance-maladie, les entreprises.

Face à ce constat, nous aurions pu, comme la majorité sénatoriale de 2011, rejeter 22 missions sur 32 et voter 32 milliards d'impôts supplémentaires. Nous avons fait au contraire le choix de la responsabilité.

Nous avons rejeté quelques missions symboliques. Celle de l'Écologie, après le fiasco de l'écotaxe - j'entends encore la ministre de l'écologie affirmant qu'il y avait un problème constitutionnel ! L'Afitf étant de ce fait asséchée, nous avons voté contre ces crédits. Quant à la mission « Défense », quelle légèreté dans la réponse du président de la République au président Larcher ! (Vives protestations sur les bancs socialistes ; applaudissements sur les bancs UMP) Ce fut un cas de conscience de voter contre le budget de la Défense, (on ironise à gauche) mais nous avons voulu dire à nos soldats que le milliard promis par le Gouvernement était un miroir aux alouettes.

Pour les collectivités territoriales, il aurait été simple de refuser toute économie. Nous ne l'avons pas fait : l'effort doit être équitablement réparti, et il est heureux que le Sénat ait ralenti la baisse des dotations.

Merci au groupe UMP. Merci à Mme la présidente de la commission des finances d'avoir animé nos débats, dans des délais courts. (Applaudissements) Je salue le rapporteur général (applaudissements au centre et à droite), mon vice-président Philippe Dallier très présent dans ces débats, les rapporteurs spéciaux, et tous nos collaborateurs. (M. Jacques-Bernard Magner ironise)

Nous voterons fièrement ce budget responsable et bon pour le pays. (Applaudissements prolongés au centre et à droite)

M. Jean Germain .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Si le texte final est bien celui de la majorité sénatoriale, on est fort loin de l'imagination au pouvoir... Voilà des semaines que les ténors de la droite réclament plus de 100 milliards d'euros d'économies ciblés. Et voilà trois semaines que la majorité sénatoriale affirme qu'elle n'est pas en mesure d'élaborer un contre-budget. Personne ne croit à vos arguments constitutionnels. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Que de critiques sur notre politique économique ! Mais nous ne voyons ici aucune contre-proposition, seulement des contradictions.

À l'heure où l'on décerne à Stockholm le prix Nobel à deux Français, Jean Tirole et Patrick Modiano, le débat est-il à la hauteur ? Le Sénat tient-il son rang ?

M. Philippe Dallier.  - Posez-vous la question !

M. Jean Germain.  - Pas moins de neuf missions ont été rejetées : 105 milliards d'économies d'un coup... Ce fut une solution de facilité, évitant à la droite des choix difficiles. Sauf à considérer que nos travaux sont destinés à la confidentialité, cette issue est de nature à jeter le doute sur la capacité du Sénat, du Parlement et des politiques en général à peser sur le réel. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Suppression de 45 000 emplois aidés, de 9 500 postes d'enseignants, du budget de la défense - pour la première fois depuis des années. Malgré la réponse du président de la République au président du Sénat, deuxième personnage de la République, la droite décide de faire sauter le budget de la défense ! (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)

Et je poursuis : stigmatisation des fonctionnaires avec le ralentissement du glissement vieillesse-technicité (protestations à droite) pourtant soumis au gel des salaires depuis trois ans, stigmatisation des demandeurs d'asile (exclamations à droite) fléchage de 550 millions d'euros de baisses d'impôts des ménages modestes vers les ménages aisés : belle conception de la redistribution !

Pour rétablir notre compétitivité, aucune proposition non plus. C'est le groupe socialiste qui a fait adopter un amendement en faveur des PME industrielles. Et comment comprendre que ceux qui soutenaient les bonnets rouges déplorent aujourd'hui l'abandon de l'écotaxe ? (On renchérit sur les bancs socialistes)

Nous voulons une baisse de la fiscalité sur les ménages modestes, une réduction raisonnée des dépenses (exclamations à droite) : le groupe socialiste a soutenu la ligne du Gouvernement, tout en proposant des ajustements. Il soutient l'investissement local. (Marques d'ironie à droite)

Méfions-nous des comparaisons. On voit aujourd'hui les difficultés de la Grande-Bretagne, de l'Italie, présentées comme les parangons de la réforme : un déficit de 5,6 % outre-Manche, une dette de 133 % du PIB outre Alpes. En France, le rééquilibrage budgétaire est bel et bien engagé. (Exclamations à droite)

Nous voterons résolument contre le texte de la majorité sénatoriale. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Gattolin .  - Il est heureux que notre débat soit allé jusqu'à son terme. Ainsi, les députés devront-ils se pencher sur notre amendement, adopté à la quasi-unanimité, pour maintenir les taxes affectées aux collectivités territoriales. Idem pour les mesures favorables à la qualité gustative et sanitaire de notre alimentation.

Quel sens, pourtant, donner à ce budget, privé de ses principales missions ?

Les écologistes partagent le souhait de limiter la baisse des dotations aux collectivités territoriales, marque du réalisme d'élus locaux. Mais avec la majorité sénatoriale, c'est « Honni soit l'État qui mal dépense, louées soient, au contraire, les collectivités ! ». Entre ses bonapartistes et ses girondins, la droite devra choisir un jour.

Réduire le budget de l'AME ? Au moment où les pandémies et Ébola menacent, quelle inconscience, quelle absurdité !

Supprimer 9 500 postes dans l'Éducation nationale, alors que les journaux regorgent de reportages montrant que les classes manquent d'enseignants, alors que l'Éducation nationale est, à l'évidence, un service public fondamental pour la cohésion de la République ?

Supprimer des dizaines de milliers d'emplois aidés dans le secteur non marchand, à l'heure où le patronat dit qu'il ne peut plus embaucher ? Les Français qui recherchent un emploi apprécieront d'être ainsi sacrifiés sur l'autel du dogmatisme !

Tout cela pour 500 millions d'euros d'économies seulement, sans parler des nombreuses missions dont les crédits n'ont pas été adoptés.

En 2011, nous en avions rejeté, c'est vrai, car nous considérions les crédits trop faibles. Or si l'article 40 interdit d'augmenter les crédits, rien n'interdit de prévoir des économies ! Quelle incohérence, sur la mission « Défense » ou la mission « Enseignement supérieur et recherche » ! Un mystère mallarméen, disais-je lors de l'examen de la contribution au budget européen. À ce stade, c'est au surréalisme que je pense et j'ai envie de dire, avec Magritte : ceci n'est pas un budget ! (Exclamations sur divers bancs)

Où est votre ligne politique ? Est-ce que l'UMP n'est pas assez majoritaire ? Entre droite bonapartiste et girondine, il faut choisir !

Faire peser sur les ménages les exonérations accordées aux entreprises ne permet pas de financer la transition énergétique. Nous ne retrouvons pas ici les orientations qui nous sont chères. Nous voterons résolument contre ce texte, dont nous dénonçons la duplicité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Thierry Foucaud .  - Au-delà même des recommandations de la Commission européenne, le Sénat vote un budget excédentaire de plus d'un point de PIB !

M. François Marc.  - Bravo ! Belle performance ! (Sourires sur les bancs socialistes)

M. Thierry Foucaud.  - Le débat budgétaire a été mené à son terme par le Sénat et le groupe CRC constate que le Gouvernement n'a demandé de seconde délibération que pour constater les effets des votes intervenus : il a préféré voir la droite sénatoriale faire son affaire de la loi de finances. Ni le texte initial, ni le texte final n'apportent de réponse satisfaisante aux attentes des Français. La cure d'austérité imposée n'a pas les effets escomptés. Le projet de loi de finances rectificative en témoigne.

Si par malheur, les choix de la majorité UMP-UDI se concrétisaient, ce serait zéro euro pour les artistes et les créateurs, zéro pour les demandeurs d'asile, zéro pour l'écologie, zéro pour les handicapés et les personnes âgées, zéro pour la défense du travail !

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Philippe Dallier.  - Quelle caricature !

Mme Éliane Assassi.  - Non, c'est la vérité !

M. Thierry Foucaud.  - Les chantiers de logements sociaux seraient immédiatement arrêtés, comme ceux des tramway ou des bus en site propre ; il faudrait cesser de verser l'AAH ou le RSA ! Les universités, le CNRS fermeraient leurs portes. La droite s'est attaquée à l'AME, déjà bien malmenée, à la formation des enseignants. Pourtant, la droite professe que le niveau des élèves baisse, sur le refrain éculé du « c'était mieux avant ! » (Voix à droite : « Eh oui ! ») Sans doute quand la France comptait 250 000 étudiants et non 3 millions ! Mais les temps changent. Or la droite supprime des milliers de postes d'enseignants.

À propos des collectivités locales, limitation ne veut pas dire rejet mais acceptation : la droite sénatoriale, faisant fi de la position de milliers d'élus locaux et de l'AMF, a accepté la baisse de la DGF ; vous n'avez pas respecté la demande de vos propres mandants, faisant des services publics locaux l'un des responsables des déficits. Aveuglés par votre idéologie bruxelloise, vous préférez taper dans la poche des collectivités locales, des salariés et des retraités plutôt que d'aller chercher l'argent où il se trouve. De façon caractéristique, le dernier amendement du rapporteur général réclamait un rapport sur l'imposition des patrimoines - que certains bourgeois estiment sans doute trop lourd !

M. Pierre Charon.  - Oui.

M. Thierry Foucaud.  - Quel salarié ayant 22 ans d'ancienneté dans son entreprise pourrait obtenir une décote de 3 % l'an de son imposition ?Les votes de la majorité sénatoriale auront montré que la réduction des dépenses publiques n'est pas la voie de la réduction de la dette. Il faudrait 40 ans de cette purge pour l'apurer ! C'est du côté des recettes qu'il faut chercher - nous vous avons fait des propositions, monsieur le ministre. « À force d'accumuler les crédits d'impôts, il n'y aura plus d'impôt sur les sociétés », disait Gilles Carrez ! On peut dire la même chose de l'impôt sur le revenu. C'est en supprimant ces crédits d'impôts, en faisant des choix de gauche, que l'on remettra le pays sur les rails.

Nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs CRC et quelques bancs socialistes)

M. Stéphane Ravier .  - Malgré quelques améliorations du Sénat, ce budget s'inscrit dans la lignée de ceux qui ont défait la France, ces budgets que vous, vraie gauche et vous, fausse droite (exclamations et protestations sur de nombreux bancs) avez votés pendant 40 ans, des budgets déficitaires qui engraissent les banquiers, qui ne permettent pas de retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi, qui mettent à mal notre modèle social en opposant les territoires entre eux, qui affaiblissent les missions régaliennes de l'État, à commencer par la défense nationale, des budgets adoptés à des fins électoralistes(« Ouh ! » à gauche) au point que la chancelière allemande se croit obligée de nous faire la leçon. Ces budgets - votés sous la dictée des commissaires de Bruxelles (« Ah ! » à droite) sous la surveillance de leur oeil droit et de leur oeil gauche (exclamations à gauche) - ces budgets font le bonheur des financiers et le malheur de la France, mais peut-être est-ce le dernier avant la mise sous tutelle de la France ! (Exclamations) Comment mener une politique économique sans indépendance monétaire , commerciale et budgétaire ? (« C'est fini ! » à gauche)

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Stéphane Ravier.  - Des pistes existent : fermer nos frontières... (Brouhaha à gauche, où l'on souligne que l'orateur a dépassé son temps de parole) ... pour reconquérir notre souveraineté.... (Murmures de protestations croissants sur la plupart des bancs)

M. le président.  - Concluez, je vous prie !

M. Stéphane Ravier.  - ... avec la priorité nationale et la réduction de l'immigration (même mouvement) et un budget consacré aux besoins des Français !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Merci des propos aimables que vous avez eus à mon égard et pour mon équipe. À mon tour de saluer la qualité des débats, de remercier la présidente André, le rapporteur général, l'ensemble des intervenants, ainsi que la présidence.

Nous en sommes à notre quatrième rendez-vous - après le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le projet de loi de programmation des finances publiques, la première partie de la loi de finances, puis l'ensemble du projet de loi de finances. Il y en aura un cinquième très prochainement.

À l'issue de la première partie, j'avais constaté l'absence de remise en cause fondamentale des choix du Gouvernement. Changement de méthode, certes, mais pas de volume sur l'impôt sur le revenu, ou sur les CCI.

J'attendais avec impatience la deuxième partie. Vous aviez adopté une loi de programmation sans trajectoire budgétaire pour les trois prochaines années, sans proposition alternative...

M. Francis Delattre.  - C'est à force de vous fréquenter !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - ... sans documents probants.

M. Francis Delattre.  - Nous vous les avons demandés, vous ne nous les avez pas fournis !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Et là, nous nous retrouvons avec une loi de finances sans solde - ou plutôt avec un solde qui ne veut rien dire, (M. Francis Delattre proteste derechef) qui fait abstraction de dépenses qui représentent 100 milliards d'euros environ. Ce budget inapplicable conduirait à ne pas payer des centaines de milliers de fonctionnaires...

M. Francis Delattre.  - Vous en avez recrutés tellement !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Rejeter des missions, soit, mais ne rien proposer en face ! Vous auriez pu indiquer de combien vous auriez souhaité majorer les dépenses militaires, ou de combien vous vouliez baisser telle ou telle mission ! (Protestations à droite)

Vous supprimez 156 millions d'euros de dépenses sur l'AME. Quels étrangers allez-vous refuser de soigner ? Ceux qui sont en instance de départ ?

M. Francis Delattre.  - Ils ont la CMU ! Vous ne connaissez même pas le dossier !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Et les fameuses réformes structurelles ? Vos incantations, c'est un peu court ! Quelles réformes structurelles ? Sur les retraites, sur le temps de travail, sur les missions de l'État, rien ! Je souhaite un vrai débat avec de vraies propositions, pour la clarté et la crédibilité de la politique face à une société qui doute. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. le président.  - Avant de mettre au vote l'ensemble du projet de loi de finances pour 2015 dans sa rédaction issue de nos travaux, permettez-moi de me réjouir que le Sénat ait pu, pour la première fois depuis 2011, examiner l'ensemble de ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Éliane Assassi.  - Vu le résultat...

M. le président.  - Je me félicite de la participation importante à la discussion : 246 sénateurs sont intervenus au cours des débats, je salue les 49 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, 27 de la majorité sénatoriale et 22 de l'opposition, et les 82 rapporteurs pour avis.

Je remercie particulièrement Mme la présidente de la commission des finances et le rapporteur général. Ils ont constitué un véritable duo au sein duquel l'harmonie s'est installée au-delà des divergences politiques.

Je rends également hommage aux vice-présidents qui se sont succédé au plateau.

Enfin, je voudrais dire ma reconnaissance aux ministres et particulièrement à vous, monsieur le secrétaire d'État au budget, qui avez été très présent.

Je me félicite de ce que le Gouvernement n'ait pas recouru au vote bloqué, ce qui permet au Sénat de voter sur l'ensemble du projet de loi tel que nous l'avons amendé. J'en avais exprimé le souhait au président de la République et je suis heureux que cet engagement institutionnel, respectueux d'un bicamérisme équilibré, ait été tenu.

Je suis persuadé que ce travail aura été utile.

Place au scrutin public à la tribune, qui est de droit.

Il va être procédé à l'appel nominal ; en commençant par la lettre « G ». (Vives exclamations)

Il est procédé à l'appel nominal, suivi d'un contre-appel.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n° 72 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 189
Contre 153

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

Prochaine séance demain, mercredi 10 décembre 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 30.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques