Justice du XXIe siècle (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 8

M. Yves Détraigne, rapporteur .  - Cet article se situe dans le droit fil du rapport que j'ai cosigné en 2013 avec Virginie Klès, qui préconisait le regroupement du tribunal des affaires de sécurité sociale, du tribunal du contentieux de l'incapacité et de certaines compétences de la commission départementale de l'aide sociale, en juridiction unique échevinée. Le rapport Marshall allait dans le même sens.

Le texte de la commission des lois évite de renvoyer vers une ordonnance - dont le texte d'habilitation était particulièrement peu précis - et propose la création d'une juridiction rattachée au tribunal de première instance, présidée par un magistrat, et dont le greffe serait assuré par celui du tribunal de grande instance.

Un tel tribunal préserverait les qualités des juges des tribunaux sociaux et conforterait les mécanismes amiables existants en droit de la sécurité sociale. Les publics des commissions départementales de l'aide sociale et des tribunaux des affaires de sécurité sociale sont en grande partie les mêmes : orientons-les vers une structure unique. À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé l'habilitation à réformer les commissions départementales de l'aide sociale qui figuraient dans le projet de loi portant adaptation de la société au vieillissement, renvoyant semble-t-il au présent projet de loi.

Mme Éliane Assassi .  - Cet article est important. La réforme soulève le problème des moyens de la justice sociale et celui de son accessibilité. Les juridictions sociales rendent un demi-million de décisions par an, soit autant que les juridictions pénales, sur des dossiers d'accident du travail ou de prestations sociales. Leur répartition doit être adaptée à la diversité des bassins d'emplois ; la réforme de la carte judiciaire due à Mme Dati reposait sur des critères simplistes. Il faut mettre fin à la pénurie actuelle, scandaleuse. Or le présent article a été insuffisamment préparé, faute de concertation préalable.

Mme Gisèle Jourda .  - Nous sommes nombreux à avoir été sollicités sur cet article par des associations d'accidentés de la vie. Quid de la formation des magistrats et des assesseurs appelés à connaître ces dossiers ? Quid de la procédure particulière devant le tribunal du contentieux de l'incapacité ? Du déroulement des expertises et de leur rémunération ? Des audiences foraines ? Pouvez-vous rassurer le personnel ? Comment s'organisera la période transitoire ? Comment seront gérés les stocks ?

M. Jean-Pierre Sueur .  - Pierre Joxe, dans Soif de justice, estime que les juridictions sociales sont maltraitées car elles sont « la justice des pauvres et le parent pauvre de notre justice ». Il se dit bouleversé par ces mères de famille perdues dans les lacs de la procédure ; Mon ami Pierre Joxe en arrive à la conclusion qu'il faut une réforme profonde. Madame la ministre, vous avez le courage de l'engager. Il y a une logique à rendre le tribunal de grande instance compétent. Le problème réside dans le « rattachement » décidé par la commission des lois, bien imprécis.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand, Collombat et Guérini.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître en premier ressort :

1° Des litiges relevant des matières mentionnées à l'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale et de ceux relevant du contentieux technique de la sécurité sociale défini à l'article L. 143-1 du même code, à l'exception du 4°  ;

2° Des litiges relatifs à la protection complémentaire en matière de santé et à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé prévues respectivement aux articles L. 861-1 et L. 861-3, d'une part, et à l'article L. 863-1, d'autre part, du code de la sécurité sociale.

II.  -  Les cours d'appel sont compétentes pour connaître des appels interjetés contre les décisions rendues dans les matières mentionnées au I du présent article.

M. Jean-Claude Requier.  - Transférer les compétences sociales au tribunal de grande instance constitue le premier pas vers la simplification attendue de notre système judiciaire, à condition de maintenir la présence des assesseurs des tribunaux sociaux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°197, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le texte prévoit de transférer les compétences sociales au tribunal de grande instance ; je regrette que la commission des lois s'y soit opposée : le justiciable n'aurait plus à saisir de nombreuses juridictions différentes, cela simplifierait les procédures, harmoniserait la jurisprudence et serait source d'économies de fonctionnement. Toutefois, les spécificités des juridictions sociales doivent être préservées et le tribunal de grande instance devra être déchargé d'un certain nombre d'autres tâches.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le texte de la commission des lois n'est pas contraire à celui du Gouvernement : il est plus précis puisqu'il précise les contours de la réforme au lieu de les renvoyer à une ordonnance.

M. Charles Revet.  - Les ordonnances, ça suffit !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°228, présenté par le Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'article 8 fixe le cadre de la réforme des juridictions sociales en redessinant les missions du TGI ; l'article 52 du titre VII sollicite une habilitation à prendre des ordonnances. À ce stade, nous attendons les résultats d'une mission confiée aux inspections générales des services judiciaires et des affaires sociales. La complexité de la répartition du contentieux social - le « maquis » dénoncé par certains - rend le sujet particulièrement délicat. Ces contentieux concernent surtout des personnes vulnérables ; or le délai moyen est de dix-neuf mois devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale et de douze mois devant les tribunaux du contentieux de l'incapacité. C'est une violence considérable, à laquelle nous souhaitons remédier.

La question de l'échevinage ne se pose plus guère, non plus que celle de la formation des assesseurs, qui pourront être formés à l'École nationale de la magistrature. Les particularités de la procédure pourraient être maintenues - la question se pose cependant du caractère facultatif du ministère d'un avocat.

Ancienne députée moi-même, je connais la réticence extrême des parlementaires à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, surtout lorsqu'elles emportent de telles conséquences ; mais en l'absence des conclusions de la mission d'inspection, il était plus prudent de se contenter de fixer des principes dans la loi et de laisser à des ordonnances ultérieures le soin de préciser les choses. Je m'engage à vous transmettre le détail de mes réflexions sur le contenu des ordonnances, avec la force du précédent, car je l'ai toujours fait.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous poursuivons le même objectif, c'est incontestable. Le législateur, vous le savez, préfère toujours aller au bout de sa compétence plutôt que de sauter dans l'inconnu. Cette réforme n'est pas une demi-mesure. Menons-la au bout de sa logique.

Vous demandez un délai pour prendre des ordonnances ; nous vous en donnons un pour prendre des décrets... Nulle précipitation de part et d'autre. Quoi qu'il en soit, d'ici à 2017, les moyens devront être réunis pour une mise en oeuvre effective de la réforme.

M. Charles Revet.  - Madame la ministre, vous avez été parlementaire. Les demandes d'habilitation à légiférer par ordonnances se multiplient et concernent de plus en plus de textes, bientôt tous ! Si vous aviez été en possession des résultats de la mission d'inspection, vous nous les auriez opposés pour justifier votre demande d'habilitation ! J'ajoute que si la procédure accélérée n'avait pas été engagée, nous aurions pu y travailler au cours de la navette et trouver un terrain d'entente.

Les amendements identiques nos22 rectifié, 197 et 228 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°242, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission.

I.  - Alinéa 2

Après la référence :

IV

insérer les références :

du titre IV du livre Ier

II.  - Alinéa 76

Remplacer la référence :

L. 142-18

par la référence :

L. 142-19

III.  - Alinéa 99

Remplacer le mot :

première

par le mot :

deuxième

IV.  - Alinéa 100

Après le mot :

phrase

insérer les mots :

du premier alinéa

L'amendement de coordination n°242, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°124 rectifié, présenté par MM. Bignon, Masclet et Grosdidier, Mmes Gruny et Cayeux et MM. Vasselle et Lefèvre.

Alinéa 36

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Une cour nationale spécialement désignée connaît en appel des jugements rendus ...

M. François Grosdidier.  - Nous défendons le maintien d'une cour d'appel spécifique pour le contentieux de la sécurité sociale. Celui-ci, très spécialisé, ne mobilise que quatre magistrats. Supprimer cette spécificité ne renforcerait aucunement la proximité puisque la procédure est écrite, et ferait perdre la compétence technique. Au lieu de cela, nous proposons de transformer la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail en Cour nationale de la sécurité sociale.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement va à l'encontre aussi bien de la commission que du Gouvernement. Nous considérons qu'il est préférable de confier au tribunal de grande instance le contentieux social en premier ressort et de maintenir des juridictions spécialisées en appel. Retrait ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il ne s'agit pas de supprimer la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail mais de rassembler les compétences sociales au sein du pôle social du tribunal de grande instance et de maintenir des juridictions spécialisées en appel. L'argument de la proximité n'est pas complètement indifférent. Convenez-en, car le justiciable peut vouloir assister à l'audience. Retrait ?

L'amendement n°124 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°144, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 62

Supprimer le mot :

religieusement

Mme Éliane Assassi.  - Le serment a été modifié en 2007 : l'adverbe « religieusement » en a été retiré. Il convient de le faire ici aussi. Notre groupe est soucieux de limiter l'intrusion de religieux, aussi minime soit-elle, dans les services publics.

Mme la présidente.  - Amendement n°143 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 64

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'exercice des fonctions d'assesseur ne peut être une cause de sanction ou de rupture du contrat de travail. Le licenciement d'un assesseur est soumis à la procédure d'autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail pour les conseillers prud'hommes.

Mme Éliane Assassi.  - La rédaction de la commission des lois omet d'accorder un statut de travailleur protégé aux salariés assesseurs, comme cela existe pour les conseillers prud'hommes.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°144 puisque nous avons adopté un amendement similaire hier dans le cadre de la loi organique. Même avis sur l'amendement n°143 rectifié.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'amendement n°144 est cohérent avec les dispositions adoptées dans la loi organique. Je ne peux évidemment pas être hostile à l'amendement n°143 rectifié, mais il porte sur la rédaction de la commission, que le Gouvernement ne souhaitait pas voir retenue...

L'amendement n°144 rectifié est adopté, de même que l'amendement n°143 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous voterons contre cet article, car la rédaction de la commission des lois a été conservée...

L'article 8, modifié, est adopté.

ARTICLE 9

Mme la présidente.  - Amendement n°198, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 211-4 du code de l'organisation judiciaire, il est inséré un article L. 211-4-... ainsi rédigé :

« Art. L. 211-4-...  -  Le tribunal de grande instance connaît des actions en réparation d'un dommage corporel. »

M. Jacques Bigot.  - Le projet initial d'article 9 conférait la compétence exclusive pour la réparation du préjudice corporel au tribunal de grande instance en modifiant l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire. La commission des lois a validé l'exclusivité de cette compétence mais en l'excluant de celle du tribunal d'instance. Cet amendement l'inscrit dans un nouvel article L. 211-4-1 du COJ.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - C'est contraire à la position de la commission des lois, qui a privilégié la lisibilité du dispositif. Il s'agit d'une dérogation aux compétences du tribunal d'instance. En outre, cet amendement ne précise pas que le tribunal de grande instance aurait une compétence exclusive en matière de réparation de dommages corporels. Les justiciables risquent dans ce cas de ne pas savoir qui saisir lorsque les dommages sont inférieurs à 10 000 euros.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable pour une raison légistique : cet amendement améliore opportunément la rédaction de l'article.

M. Jacques Mézard.  - Le TGI est la juridiction de droit commun, il a donc compétence générale, sauf pour les contentieux expressément confiés au tribunal d'instance. Ne renversons pas les principes !

M. Jacques Bigot.  - Le code de l'organisation judiciaire définit malgré tout des domaines de compétences du TGI. Si l'on préfère modifier les compétences du tribunal d'instance, je suis prêt à retirer l'amendement, l'essentiel est de simplifier les choses.

L'amendement n°198 est retiré.

L'article 9 est adopté.

ARTICLE 10

Mme la présidente.  - Amendement n°145, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Les transferts de contentieux entre tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance obéissent à une logique purement gestionnaire. Rien ne justifie le transfert des compétences du tribunal de police, juridiction de proximité. Craignant un démantèlement progressif de la justice de proximité, nous proposons de supprimer cet article.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Ce transfert rationalisera notre organisation judiciaire et évitera aux Parquets de faire la tournée des tribunaux d'instance sur un contentieux devenu résiduel. La commission des lois aimerait cependant en savoir plus sur l'incidence de la réforme en termes financiers et de ressources humaines : l'étude d'impact est bien maigre à ce propos...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'argument de la proximité peut s'entendre, mais ces affaires peuvent avoir des conséquences plus graves que certaines affaires correctionnelles : pensez aux violences aux personnes. Leur transfert au TGI se justifie, avis défavorable.

Le dialogue de gestion, Monsieur le rapporteur, permet de définir les besoins pour aboutir à la « CLE », circulaire de localisation des emplois. Les contraintes sont réelles, mais le recrutement des magistrats et de greffiers en nombre important permettra bientôt de combler les manques.

Enfin, le budget pour l'immobilier des tribunaux de police s'élèvera en 2016 à quelque huit millions d'euros.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

L'amendement n°23 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°199, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Bigot.  - Le tribunal d'instance est le tribunal de la proximité. Or une contravention, certes non négligeable, est moins sévèrement réprimée qu'un délit. Le justiciable doit ressentir que, s'il est convoqué au TGI, c'est pour une affaire grave, délictuelle.

Enfin, transférer le tribunal de police au TGI, au sein d'un pôle pénal c'est le placer sous la supervision du procureur, ce qui représente un changement non négligeable et nous semble malvenu.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Vos inquiétudes sont légitimes, il n'est pas indifférent en effet que des affaires de gravité inégale soient jugées par des juridictions différentes. Mais chacun pourra se référer à l'intention du législateur : il ne s'agit pas, ici, de se montrer plus sévère qu'il ne convient à l'égard des contrevenants. Retrait ?

M. Jacques Bigot.  - Il existe déjà des audiences à juge unique au sein des TGI. La confusion me paraît dangereuse : au cours de la même audience, le même juge statuera successivement comme juge correctionnel et comme juge du tribunal de police.

L'amendement n°199 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier et Vall.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 3421-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, sous réserve du troisième alinéa, la première infraction constatée est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « de ce délit » sont remplacés par les mots : « du délit prévu au premier alinéa » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est informé du nombre d'infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants. » ;

2° Après l'article L. 3421-1, il est inséré un article L. 3421-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 3421-1-...  -  Dans le cas prévu à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 3421-1, la contravention est accompagnée des coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. » ;

3° Au second alinéa de l'article L. 3421-2, les mots : « lorsque le délit a été constaté » sont remplacés par les mots : « lorsque l'infraction a été constatée » ;

4° Au début du premier alinéa de l'article L. 3421-4, les mots : « La provocation au délit prévu » sont remplacés par les mots : « La provocation à l'infraction prévue ».

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement, présenté à plusieurs reprises, ici même, et encore il y a peu dans le cadre du projet de loi de santé publique, vise à réprimer la première consommation de drogue illicite par une sanction proportionnée, effective, donc facile à appliquer, soit une amende de la troisième classe.

Selon l'Observatoire de la toxicomanie, la consommation de cannabis est en hausse constante. Il faut réagir. Que nul n'y voie un premier pas vers la dépénalisation ; mais la réponse pénale actuelle est une impasse, M. Milon le disait déjà en 2011. L'hétérogénéité de la réponse pénale qui prévaut actuellement est malvenue.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement reprend en effet, une proposition de loi adoptée par le Sénat en décembre 2011, jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. M. Mercier, alors garde des Sceaux, s'y était déclaré défavorable : le déclassement en contravention serait contraire à la fermeté qu'il convient d'afficher contre la toxicomanie. En outre, vous ne distinguez pas entre les drogues. L'ordonnance pénale permet déjà un traitement rapide, simple et souple dans la plupart des cas. La mesure proposée interdirait de surcroît le placement en garde à vue des personnes concernées, au risque de laisser les forces de l'ordre désarmées face aux trafiquants. Ces arguments restent toujours aussi valables, avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. En effet, vous ne distinguez pas entre les drogues, et n'autorisez pas à prononcer des peines telles que la confiscation ou l'obligation de suivre un stage.

La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) rendra d'ici à la fin de ce mois un rapport à ce sujet, après un travail de près d'un an. Attendons-le.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

Les articles 11, 12 et 13 sont successivement adoptés.

21

Les modalités de l'action de groupe en matière de discrimination doivent nous prémunir contre les dérives des États-Unis. La commission des lois a donc donné un avis favorable aux amendements qui allaient dans ce sens : agrément national aux associations autorisées à les engager, limitation de l'action de groupe aux préjudices à caractère individuel et touchant des personnes physiques - non les joueurs de pétanque ou les amateurs de corrida -, limitation dans le temps de l'adhésion au groupe, interdiction de tout démarchage juridique, rôle des syndicats. L'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'action de groupe, en accord avec le Gouvernement, interdira la rétroactivité.

Deux voies sont possibles, madame Gruny : celle que vous proposez ou celle qui consiste à encadrer strictement la procédure. Je vous demande de retirer votre amendement au bénéfice des autres, dont vous êtes signataire pour partie.

Mme Pascale Gruny.  - Les explications du président Philippe Bas m'incitent à retirer mon amendement. Attention cependant car les class actions ont fait beaucoup de dégâts dans les entreprises.

L'amendement n°68 rectifié est retiré.

ARTICLE 19

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° L'action ouverte sur le fondement du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation.

M. Jacques Mézard.  - Le socle processuel prévu par les articles 19 à 42 du projet de loi doit s'appliquer à l'action collective en matière de consommation et de concurrence.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable. L'action de groupe consommation répond à un régime particulier.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Prenons le temps d'évaluer ces procédures créées il y a peu.

M. Jacques Bigot.  - L'action de groupe doit être déclinée dans tous les domaines ; cela justifie le souhait de Jacques Mézard. Cela dit, il serait difficile de le satisfaire sur le champ.

L'amendement n°36 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°179, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° L'action ouverte sur le fondement de l'article 225-1 du code pénal.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement harmonise et complète la liste des motifs de discrimination qui peuvent fonder une action de groupe devant le juge judiciaire en procédant à un renvoi à l'article 225-1 du code pénal, qui comporte une liste plus exhaustive et vise notamment les victimes de discrimination en raison de leur état de santé, VIH ou cancer, qui sont fort nombreuses.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'amendement manque son objectif. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. La formulation de la commission me semble couvrir tous les cas prévus par des dispositions législatives.

Mme Esther Benbassa.  - À ma connaissance, non, même si je peux me tromper...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - La lutte contre les discriminations nécessite un socle procédural qui unifie notre droit, trop segmenté. C'est mieux pour le justiciable, pour la société, pour la justice. Aujourd'hui les règles procédurales varient selon les matières - il est vrai que nous avons des codes différents...

Un des premiers intérêts de l'action de groupe est de rassembler les actions individuelles et de faciliter l'administration de la preuve. Le cas que vous citez est couvert par la loi. On pourrait aussi bien en citer une dizaine d'autres.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - En effet, cet amendement est satisfait, tous les cas de discriminations reconnus par la loi sont couverts.

L'amendement n°179 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

ARTICLE 19 BIS

L'amendement n°93 rectifié est retiré.

L'article 19 bis est adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné aujourd'hui 71 amendements, il en reste 153.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 5 novembre 2015, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques