Justice du XXIe siècle (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

L'amendement n°83 n'est pas défendu non plus que l'amendement n°82.

TITRE II (Favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges)

Mme la présidente.  - Amendement n°240, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission.

Dans l'intitulé de cette division, remplacer le mot :

litiges

par le mot :

différends

L'amendement de coordination n°240, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'intitulé du titre II, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Nous proposons de supprimer l'article 3, qui prévoit qu'à peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office, la saisine du tribunal d'instance doit être précédée d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice.

Le code de procédure civile dispose déjà que la demande en justice est formée à fins de conciliation. Mais dans les faits, les juges d'instance ne pratiquent plus la conciliation.

L'irrecevabilité d'office sera préjudiciable aux intérêts des justiciables, de même que les irrecevabilités de la commission des lois à l'égard de nos amendements...

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Seuls les litiges inférieurs à dix mille euros sont visés et des exceptions sont prévues. Aujourd'hui, un juge peut concilier.

M. Jacques Mézard.  - C'est la loi !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Cet article est essentiel pour introduire les modes alternatifs de règlement des petits litiges du quotidien. Sans cet article, plaider pour la conciliation resterait un voeu pieu. La société s'est judiciarisée, qu'on le veuille ou non : le moindre conflit de voisinage pousse les intéressés à saisir la justice. Il est temps de proposer des réponses à ces litiges. Si la conciliation échoue, le juge sera saisi. De plus, le texte prévoit des dérogations. Dans tous les cas, le droit d'accès au juge est préservé.

Mais les règlements amiables sont mieux acceptés et ont un effet plus durable. Je suis certaine que la société, que le lien social y gagneront.

M. Jacques Mézard.  - Je maintiens mon amendement.

Cet article n'est pas un progrès pour les justiciables. Un conciliateur de justice ne remplacera jamais un juge d'instance compétent qui fait de la conciliation. Et le second peut déléguer au premier. On voit bien l'objectif, sortir le contentieux du palais de justice ; ce n'est pas un progrès.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Autant j'étais favorable à certains amendements de M. Mézard, autant je ne peux voter celui-ci. La judiciarisation de notre société est croissante. Les gens s'adressent aux tribunaux pour un coq trop bruyant, des cloches qui sonnent, des tracés de clôture... Je rejoins la position du Gouvernement. Il est bon que les tribunaux se concentrent sur les affaires les plus importantes. Dans tous les cas, si la conciliation n'aboutit pas, la porte du juge restera ouverte.

M. Michel Mercier.  - Le texte renforce les pouvoirs du TGI au détriment du tribunal d'instance.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est clair !

M. Michel Mercier.  - Celui-ci ayant moins de litiges à traiter, il pourra consacrer davantage de temps à la conciliation. Il va devenir le spécialiste de la conciliation de la vie quotidienne. Nous avons tout intérêt à voir se développer les dispositions de l'article 829 du code de procédure civile.

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini.

Alinéa 1

Supprimer les mots :

À peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office,

M. Jacques Mézard.  - Amendement de repli.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable, à nouveau...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le président Mézard a de la suite dans les idées, le Gouvernement aussi. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard.  - Le Gouvernement plus la commission des lois, cela fait beaucoup pour un seul homme...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même pour vous ?

M. Jacques Mézard.  - J'ai passé comme d'autres des décennies dans les tribunaux d'instance, je vous donne rendez-vous au moment du bilan...

L'amendement n°30 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Guérini et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Mézard.  - Amendement de repli à nouveau. L'exigence de justification « d'autres diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable » n'est pas réaliste. Quelles diligences ? Effectuées par qui ? Quid de celles des conseils des parties ? Le juge appréciera, mais qu'appréciera-t-il ?

M. Yves Détraigne.  - Avis défavorable. Il ne sera pas si difficile de justifier de tentatives de conciliation. Les parties peuvent par exemple avoir conclu des conventions. L'alinéa 3 ne pose pas de problème.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable pour les raisons que j'ai déjà évoquées. Cet article est essentiel car il est porteur d'une autre culture, d'une autre démarche. Faites confiance aux juges d'instances pour apprécier les pièces qui leur seront soumises. Le Gouvernement est cohérent sur sa position.

M. Jacques Mézard.  - Il m'arrive de m'interroger sur cette cohérence... L'alinéa ouvre la porte à une large déjudiciarisation. Si c'est ce que vous voulez, dites-le ! Les juges d'instance ont déjà les moyens de mener des conciliations. Ils n'en ont pas toujours le temps...

L'amendement n°31 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

Mme la présidente.  - Amendement n°195, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 3

Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :

1° L'article L. 211-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la mission de conciliation est déléguée à un tiers, les conciliateurs exercent leurs fonctions à titre bénévole. » ;

II.  -  Alinéa 12

Rétablir le IV dans la rédaction suivante :

IV.  -  Les missions de conciliation confiées à un tiers en application de l'article L. 211-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, se poursuivent, avec l'accord des parties, selon le régime de la médiation administrative défini à l'article L. 771-3-1 du même code, à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, sauf lorsqu'elles sont exercées à titre bénévole.

Mme Catherine Tasca.  - Cet amendement précise la nature du régime de la conciliation par un tiers, qui a été rétabli par le texte de la commission des lois. Il réaffirme que la conciliation est gratuite, à la différence de la médiation. Certains déplorent le manque d'ambition de ce texte, mais le développement de la conciliation est une grande avancée qui désengorgera nos tribunaux et facilitera la compréhension de la justice par nos concitoyens. Le II de l'amendement traite des dispositions transitoires.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable à cette clarification bienvenue.

L'amendement n°195 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°142, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous souhaitons la suppression de cet article, qui est inspiré du droit collaboratif anglo-saxon.

La procédure participative, jusque-là limitée à la recherche d'une résolution amiable d'un conflit qui n'a pas encore donné lieu à la saisine du juge, serait étendue et autoriserait la conclusion d'une convention lorsque le juge est déjà saisi.

La privatisation du contentieux risque de conduire à une justice à deux vitesses et à écarter le juge de nombreuses procédures. L'équilibre entre les parties doit être garanti, et le juge doit rester l'acteur principal du mode alternatif de résolution de litiges.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement supprime l'extension du champ de la procédure participative, ce qui est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable. La procédure participative existe déjà, mais une fois que le juge a été saisi, la convention ne peut plus être modifiée. Avec l'article 5 cela devient possible.

Déjudiciarisation ? Il y a trois ans, certains voulaient déjudiciariser de nombreux contentieux, y compris le contentieux familial. J'ai refusé. Souvenez-vous de nos débats à l'Unesco de janvier 2014. D'ailleurs je n'utilise pas le terme de déjudiciarisation, car ma démarche ne vise pas à exclure le juge du règlement des litiges mais à lui réserver ceux qui nécessitent son intervention - y compris quand la conciliation a échoué. L'article 5 a été rédigé dans cet esprit.

Mme Cécile Cukierman.  - Je maintiens cet amendement. Nous refusons d'étendre le champ de la procédure participative et de nous rapprocher davantage encore du droit anglo-saxon.

M. Jacques Mézard.  - Je voterai cet amendement. La procédure participative a été créée en 2010 sur le modèle nord-américain. En 2013, on ne dénombrait que trente-deux demandes d'homologation devant un tribunal d'instance, sept devant les TGI, aucune devant les cours d'appel...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Pourquoi vous y opposez-vous alors ?

M. Jacques Mézard.  - Votre but est de sortir le plus de dossiers possible du palais de justice... Je croyais qu'on ne devait encourager que les dispositifs qui marchent. Les chiffres sont pourtant éloquents...

M. Jacques Bigot.  - Les choses évoluent ; le législateur doit fixer un cadre pour leur permettre d'évoluer. Les avocats vivent désormais mieux du conseil que du contentieux. Les gens se rapprocheront, discuteront, verront sur quels points ils peuvent s'accorder et ceux sur lesquels il faut aller devant le juge. Nous verrons ce que la pratique en fera. La convention de procédure participative fait partie des nouveaux modes de règlement des conflits.

L'amendement n°142 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°196, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est conclue pour une durée déterminée.

II  -  Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 2066 du code civil, il est inséré un article 2066 - ... ainsi rédigé :

« Art. 2066  -  Au terme de la convention de procédure participative, si les parties ne parviennent pas à un accord, les parties doivent procéder au retrait du rôle. À défaut de retrait dans les deux mois, le juge peut ordonner ce retrait. »

M. Jacques Bigot.  - Le dépôt de la convention de procédure participative ne doit pas aboutir à engorger davantage les tribunaux. D'où l'obligation de retrait du rôle par les parties en l'absence d'accord dans un délai donné.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable. Au rebours de son objectif, cet amendement allongerait la procédure pour des justiciables qui, engagés de bonne foi, ne seraient pas parvenus à un accord dans les temps.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Cette disposition est réglementaire. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°196 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°241, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission.

Alinéa 8

Supprimer les mots :

de procédure

L'amendement de coordination n°241, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 2067 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans cette hypothèse, il peut être fait application des dispositions de l'article 1566 du code procédure civile. »

M. Jean-Claude Requier.  - Les divorces par consentement mutuel représentent la moitié des divorces prononcés ; cela désengagera les tribunaux.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - C'est contradictoire avec le deuxième alinéa de ce même article 2067 du code civil. Il convient que le juge vérifie que l'accord n'est préjudiciable aux droits d'aucun des deux époux, ni des enfants. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable. J'y vois une contradiction intéressante : vous vouliez tout à l'heure supprimer la conciliation et voulez maintenant autoriser le juge à statuer sans débat. C'est contraire à notre droit et à la convention internationale des droits de l'enfant. Votre avis varie, le nôtre reste constant : favoriser autant que possible la conciliation, mais avec à la fin intervention du juge pour vérifier que l'accord est équilibré : il n'est pas rare qu'une des parties soit plus vulnérable que l'autre.

L'amendement n°32 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 6

Mme la présidente.  - Amendement n°226, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Les articles 2047, 2053 à 2058 sont abrogés.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Les articles 2047 et 2053 à 2058 du code civil sont inutiles, car ils reprennent le droit commun des contrats, et dangereux du fait de leur imprécision.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission des lois a considéré que les conséquences de ces abrogations n'étaient pas évaluées. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Seules les dispositions superfétatoires sont supprimées !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Malheureusement, il n'y aura pas de deuxième lecture : sur ces questions importantes, c'est regrettable. J'espère que les députés auront des réponses précises... Je ne peux que maintenir mon avis défavorable.

L'amendement n°226 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 est adopté.