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Table des matières



Financement de la sécurité sociale pour 2016 (Nouvelle lecture)

Discussion générale

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. Jean Desessard

M. Gilbert Barbier

Mme Corinne Imbert

Mme Laurence Cohen

M. Yves Daudigny

Mme Françoise Gatel

Question préalable

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

Mme Evelyne Yonnet

Mme Marisol Touraine, ministre

Interventions sur l'ensemble

M. Gérard Roche

M. René-Paul Savary

M. Dominique Watrin

Questions d'actualité

Sécurité

M. Louis Nègre

M. Manuel Valls, Premier ministre

Coalition internationale contre Daech

M. Guillaume Arnell

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire

Garantie jeunes

Mme Aline Archimbaud

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Radicalisation de la jeunesse

M. Christian Favier

M. Manuel Valls, Premier ministre

Services de sécurité

M. Michel Boutant

M. Manuel Valls, Premier ministre

Intervention terrestre en Syrie

M. Jean-Marc Gabouty

M. Manuel Valls, Premier ministre

Pacte de stabilité

M. Alain Chatillon

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Lutte contre le financement du terrorisme

Mme Michèle André

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Obligation de déclaration domiciliaire

M. Claude Kern

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification

Sécurité des Français de l'étranger

Mme Jacky Deromedi

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification

Violences faites aux femmes

M. Roland Courteau

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Zone de sécurité Sud

M. François Commeinhes

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification

Carte des intercommunalités

M. Philippe Adnot

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Décision du Conseil constitutionnel

Dépôt de documents

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Justice

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice judiciaire et l'accès au droit

M. Yves Détraigne, en remplacement de Mme Cécile Cukiermann, rapporteure pour avis de la commission des lois pour la protection judiciaire de la jeunesse

M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration pénitentiaire

M. Guillaume Arnell

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Jacky Deromedi

M. Henri Tandonnet

M. René Vandierendonck

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

ARTICLE 24 ETAT B

Ordre du jour du vendredi 27 novembre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 26 novembre 2015

33e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

Secrétaires : M. Philippe Adnot, M. Jackie Pierre.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Financement de la sécurité sociale pour 2016 (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Discussion générale

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Un mot introductif : il y a un lien entre les attentats du 13 novembre et ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Notre pays a été l'objet d'attaques d'une extrême violence. Demain, la nation rendra hommage à ses 130 victimes et aux centaines de blessés ; 97 sont encore hospitalisés, dont 18 en service de réanimation. Je veux rendre hommage à la mobilisation remarquable du corps médical, dont le professionnalisme force l'admiration.

Cette tragédie a mis en lumière l'importance de la gratuité des soins pour les victimes de terrorisme, disposition introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. La procédure aujourd'hui est longue et complexe. Je vous ai proposé en première lecture des mesures pour l'assouplir, à cause du caractère particulièrement exposé de notre pays - en espérant n'avoir pas à y recourir. Après les attentats, j'ai décidé, par dérogation, leur application immédiate : les victimes obtiendront une prise en charge des soins à 100 % auprès de leurs caisses habituelles et leurs indemnités journalières versées immédiatement. Un numéro de téléphone dédié est mis en place auprès de l'assurance maladie.

Ce texte comporte trois avancées majeures et d'abord la protection universelle maladie, socle d'une couverture harmonisée des assurés, qu'ils soient étudiants, salariés, retraités ou épouses, créant ainsi une véritable citoyenneté sociale. Voilà une réforme structurelle, décisive, qui fait progresser les droits de nos concitoyens.

Ensuite, nous facilitons l'accès à des complémentaires santé de qualité pour les personnes âgées et les salariés précaires. À l'Assemblée nationale, j'ai repris vos suggestions pour modifier les articles 21 et 22, équilibrant le dispositif avec les couvertures collectives de branches.

Enfin, nous créons une garantie minimum pour les impayés de pensions alimentaires, 100 euros par enfant, afin de mieux protéger les familles monoparentales - le plus souvent des femmes seules.

Nous n'oublions pas pour autant de poursuivre, pour la troisième année consécutive, le redressement des comptes sociaux : le déficit du régime général et du FSV est ramené sous les dix milliards d'euros, et la branche vieillesse est à l'équilibre pour la première fois depuis 2005. Les députés ne vous ont pas suivis sur vos propositions d'économies, les trois jours de carence dans la fonction publique et le report de l'âge légal de départ en retraite à 63 ans, mesures dont nous ne partageons pas l'orientation politique et qui demeurent de toute façon très en deçà des enjeux financiers. Je crains que ces désaccords ne soient pas résolus aujourd'hui...

Pour le reste, je salue nos débats constructifs : le Sénat avait adopté 48 articles conformes, l'Assemblée nationale en nouvelle lecture en a adopté 12 dans la rédaction de la Haute Assemblée ou tenu compte de ses travaux - c'est le cas pour les articles 21 et 22, le régime micro-social des indépendants ou l'affiliation des marins travaillant sur des navires battant pavillon d'États qui n'ont pas de convention de sécurité sociale avec la France.

Je constate que le consensus est hors de portée. Malgré nos différences et nos oppositions, j'apprécie nos échanges marqués par un respect mutuel qui doit beaucoup à la volonté personnelle du président et du rapporteur général de la commission.

Ce texte est une importante étape pour notre protection sociale. Il crée de nouveaux droits et garantit aux Français un modèle social solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Comme Mme la ministre, je veux, avant l'hommage national qui sera rendu demain aux Invalides par une France rassemblée, rendre hommage aux victimes des attentats. Les personnels de santé se sont montrés exemplaires.

En première lecture, le Sénat avait marqué son désaccord en rejetant le tableau d'équilibre. Le Gouvernement, tout en augmentant les prélèvements, a insuffisamment réduit les déficits. Illustration : en 2012, 2,5 milliards de recettes nouvelles pour 200 millions de réduction du déficit ; en 2013, 9,8 milliards de recettes nouvelles pour 3,6 milliards de réduction du déficit ; en 2014, 5,6 milliards de recettes nouvelles pour 1,3 milliards de réduction de déficits... Par son vote de première lecture, le Sénat s'est montré volontariste, afin de maîtriser les dépenses hospitalières et allonger la durée passée au travail et restaurer, sur ce dernier point, l'équité entre privé et public.

Nous avons peu de discordes de fond sur la partie législative du texte. Dès la première lecture, le Sénat a adopté la baisse des cotisations familiales et le relèvement de l'abattement de C3S.

Les autres mesures, de nature technique, font l'objet de divergences limitées. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé un compromis bien compliqué pour les gens de mer à l'article 19 : les marins seront affiliés à l'Enim, les autres au régime général. L'article 7 bis laisse quant à lui pour le moins une impression d'inachevé.

La discussion sur les complémentaires santé n'a pas réglé le problème de façon satisfaisante. Le Gouvernement avait tenu compte des réflexions du Sénat aux articles 21 et 22, mais l'Assemblée nationale a finalement adopté un dispositif complexe. Un comparateur public n'aurait-il pas abouti au même résultat.

Sur les articles 39, 42 et 49 relatifs, nous n'avons pas de désaccord de fond... Nous resterons vigilants sur leur application à la lumière du rapport à venir sur les soins de suite et de réadaptation.

Comment réduire les déficits de l'assurance maladie ? Là est la question. Certes, le texte contient 3,4 milliards d'efforts mais par rapport à la tendance de progression spontanée des dépenses... Ce qui ne ramènerait l'équilibre qu'en 2035 ! Nous avons fait des propositions : réforme de la permanence des soins, jours de carence dans la fonction publique, meilleure organisation du travail à l'hôpital, réforme du temps de travail et meilleure gestion de la hiérarchie, chasse aux actes inutiles... En ville, la Cour des comptes suggère de suivre l'exemple allemand de lutte contre les consultations répétitives.

Toutes ces mesures, madame la ministre, nous pourrions les prendre ensemble. Hélas, cela ne semble pas possible. Il est préférable que la discussion s'arrête là pour avancer sur d'autres sujets ; d'où la motion que nous avons déposée.

M. Jean Desessard .  - La sécurité sociale, qui fête ses 70 ans, procède de l'esprit du Conseil national de la Résistance. Or cet outil de solidarité doit faire face à des assauts répétés. Si le texte comporte des avancées - protection universelle maladie, contraception des mineures, extension du dépistage du cancer -, il comporte des mesures contraires à l'esprit de solidarité qui sous-tend notre modèle : baisse des cotisations familiales et suppression de la C3S au bénéfice des entreprises auxquelles on ne demande aucune contrepartie.

Mme Archimbaud avait tenté, en première lecture, de jeter les bases d'une santé environnementale. En vain. L'huile de palme restera moins taxée dans notre pays que les autres huiles.

Rétablir des jours de carence dans la fonction publique au lendemain des attentats, repousser l'âge de départ en retraite à 63 ans alors que le chômage des seniors progresse, sans parler de l'article 7 bis si scandaleux en temps de crise sociale sonnent comme des provocations.

Le groupe écologiste votera contre le texte.

M. Gilbert Barbier .  - Les quelques progrès de ce texte - protection universelle maladie, garantie des impayés de pensions alimentaires, mesures intéressantes de prévention - ne masquent pas sa fragilité financière : des déficits réduits, oui, mais à cause de 17 milliards de prélèvements supplémentaires en trois ans et du transfert de 23 milliards de dettes de l'Acoss à la Cades.

Le Gouvernement vise toujours les mêmes cibles, la médecine libérale, l'industrie du médicament, les familles. Les reformes structurelles ne sont pas mises en oeuvre, faute de courage. Alors que Jean-Marie Le Guen loue le dialogue qu'instaure le bicamérisme, nous avons eu le sentiment de voir les propositions du Sénat dédaignées. Report de l'âge de la retraite, jours de carence, allègement des cotisations des jeunes agriculteurs... De tout cela, vous ne voulez pas discuter. Et le Haut Conseil des finances publiques de déplorer des économies non documentées.

Est-ce bien nécessaire dans ces conditions de poursuivre la discussion ? Je ne le crois pas. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Corinne Imbert .  - À mon tour de tourner mes pensées vers les victimes et les personnels de santé et de saluer le bon fonctionnement du plan Blanc.

Même si ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 entend réduire le déficit à 9,3 milliards d'euros, le retour à l'équilibre ne cesse d'être repoussé, 2020 voire 2021. La promesse du président de la République n'est pas tenue.

Nous regrettons que nos propositions courageuses n'aient pas été prises en compte. L'Ondam de 1,75 % est certes proche de celui que la commission des affaires sociales avait retenu l'an dernier mais c'est au prix d'une plus forte contribution réclamée à notre industrie pharmaceutique, déjà mise à mal et qui perd du terrain face à ses concurrents. La délivrance des médicaments à l'unité ? Le problème vient moins du conditionnement que de la non observance de la prescription par les patients. Les Français mettent fin au traitement dès qu'ils vont mieux et le reprennent quand ils toussent. Les officines luttent comme elles peuvent contre le gaspillage.

Comment le pacte territoire santé II que vous venez d'annoncer - 1 000 contrats de plus pour l'installation de jeunes médecins dans des zones sous-denses - sera-t-il financé ? Nous y reviendrons. Le tiers payant généralisé ne sera pas source d'économies ; nous y voyons au contraire un facteur de dépenses supplémentaires.

La majorité sénatoriale vous proposait des mesures courageuses : la généralisation de la déduction forfaitaire de 1,5 euros pour les particuliers employeurs, le ciblage de l'aide aux seniors, le report de l'âge de départ en retraite, les jours de carence dans la fonction publique hospitalière - nous déposerons un amendement en loi de finances pour les étendre aux autres fonctions publiques - ou encore le versement de la prime de naissance avant la naissance.

Le groupe Les Républicains, tout autant attaché que vous à la sécurité sociale, soutiendra sans réserve la question préalable. (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Nous ne sommes pas parvenus à faire suffisamment bouger les lignes, d'autant que le texte du Gouvernement a été aggravé par l'opposition sénatoriale. J'ai été particulièrement choquée par les propos d'un député Les Républicains en CMP : il justifiait les jours de carence dans la fonction publique par l'absentéisme à l'hôpital, alors que les professionnels de santé n'avaient pas attendu le plan blanc pour se mobiliser après les attentats ; leur mobilisation a été exemplaire.

Un Ondam hospitalier à 1,75 % quand les urgences sont saturées, quand les lits font défaut, quand les personnels manquent ? Et tout cela, en réduisant les contributions des entreprises - que la droite sénatoriale, trouvant la réduction insuffisante, ont baissé encore. Nous, nous avons proposé de nouvelles recettes par la mise à contribution des dividendes et des retraites chapeau. Il y faudrait la volonté politique...

Comment souscrire à la poursuite de l'étranglement financier de l'hôpital public ? Avec les GHT, comment maintenir une même qualité de soins sur tout le territoire ? Ce modèle, madame la ministre, nous n'en voulons pas plus que vous n'en vouliez quand vous étiez députée : une sécurité sociale privatisée parce que les remboursements réduits chaque année imposent la souscription d'une complémentaire -  ce dont tous les Français n'ont pas les moyens. Et que dire de la réforme des allocations familiales, qui tente de récupérer un peu d'argent sur le dos des Français ?

Madame le ministre, traduisez l'hommage que vous venez de rendre aux personnels de santé et votre courrier à l'AP-HP en actes : une prise en charge des soins à 100 % et de proximité. Le groupe CRC votera contre ce texte comme en première lecture et contre cette question préalable, à l'opposé de notre vision de la sécurité sociale qui fête ses 70 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Yves Daudigny .  - La solidarité se traduit en actes : l'article 40 de ce texte s'appliquera immédiatement pour les victimes des attentats. Je salue à mon tour la mobilisation exceptionnelle des personnels de santé dans ces circonstances abominables. Que dire des trois jours de carence dans ce contexte ?

Position paradoxale que celle de la majorité sénatoriale sur ce texte, à l'image de son discours sur les forces de police : peu de désaccords sur le fond, le rapporteur général l'a reconnu, comme sur la protection universelle, le financement des SSR, la garantie des impayés de pension alimentaire, la contraception des mineures, le dépistage du cancer du sein pour les femmes à risque, mais un texte déclaré « mauvais »...

Le Sénat a utilement modifié le texte. Entre autres exemples, sur les contrats de coopération que pourront passer les ophtalmologistes.

D'emblée, la CMP a échoué. La raison ? Le tableau d'équilibre, je l'ai sur moi : il est le meilleur depuis dix ans.

M. Francis Delattre.  - Vous affirmiez la même chose l'an passé !

M. Yves Daudigny.  - On pourrait discuter des mesures de cette nouvelle politique, de la stratégie. Vous l'avez refusé. Faut-il réduire le déficit ?

M. Francis Delattre.  - Vous l'avez creusé !

M. Yves Daudigny.  - Vous n'avez pas de leçon à nous donner, je crois... Oui, il faut réduire les déficits. Le redressement n'est pas spectaculaire ? Il pourrait l'être au prix d'une réduction drastique des droits et du niveau de protection des assurés, dans une période où la sécurité sociale est plus que jamais nécessaire. Ce fut le choix de certains en 2010 avec la réforme des retraites sans prise en compte la pénibilité des métiers. Ce n'est pas le nôtre.

Le reste à charge diminue pour la troisième année de suite, le déficit de l'ensemble des régimes de base a été divisé par deux en trois ans, celui de la branche vieillesse par huit, celui de la branche famille par trois. Le régime des AT-MP est à l'équilibre. Ce n'est pas mince !

Certes, les branches maladie et vieillesse ne sont toujours pas à l'équilibre, mais les efforts sont indéniables : 3,4 milliards d'économies sur l'assurance maladie, grâce à un Ondam plus strict que jamais.

La majorité sénatoriale, elle, appelle à la maitrise des dépenses - mais fait des propositions les accroissant : suppression de la régulation du coût des médicaments contre l'hépatite C, baisse du mécanisme de la clause de sauvegarde, suppression du plafond d'exonération sur les parachutes dorés, généralisation de la cotisation forfaitaire pour le particulier employeur, extension du forfait social, suppression des charges sur les dividendes des SARL, de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine pour les Français établis hors de France... Autant de mesures à l'opposé de toute justice sociale !

Comment passer sous silence la mise en oeuvre du pacte de responsabilité, avec l'allègement de 2 milliards en 2014 et l'abattement d'un milliard sur l'assiette de la C3S. L'amélioration des comptes s'accompagne d'une démarche volontaire de traitement de la dette sociale par le transfert à la Cades, à hauteur de 23,6 milliards, avec un apurement prévu en 2017. C'est opportun, dans un contexte de taux bas.

L'Assemblée nationale a rétabli les tableaux d'équilibre et, aux articles 21 et 22, a substitué une procédure de labellisation des contrats de complémentaires santé à celle d'appel d'offres ; je m'en réjouis, pour la protection des plus de 65 ans et la prise en compte de la spécificité des mutuelles. Notre souci était de favoriser l'adhésion des salariés en contrat court à une couverture collective.

La majorité sénatoriale, traversée de contradictions, a rendu une copie hors sujet, sans aucun chiffre : un comble, pour un projet de loi de financement de la sécurité sociale ! Notre objectif est pourtant commun : inscrire dans le XXIe siècle un système de protection sociale reconnu et envié pour redonner confiance à notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Françoise Gatel .  - Je veux également, au nom de mon groupe, exprimer ma solidarité et ma gratitude à l'égard des personnels médicaux et des services de secours.

À notre grande déception, aucune des améliorations apportées par le Sénat en première lecture n'a été retenue. Le déficit de la sécurité sociale est certes en léger recul par rapport à 2014, à 12,4 milliards ; malgré les efforts consentis, nous restons loin du compte. La branche maladie concentre les deux tiers du déficit, avec un solde négatif de 6 milliards ; la branche vieillesse fait apparaitre un solde légèrement positif, dû à la réforme des retraites de 2010, mais le Fonds de solidarité vieillesse est en situation de déficit structurel... La branche famille est fragilisée : le retour à l'équilibre annoncé pour 2018 tient à des mesures pénalisant les familles et au transfert à l'État de la prise en charge de l'aide au logement.

Le transfert à la Cades de 23,6 milliards d'euros laisse entière la question de la dette sociale. Le retour à l'équilibre, prévu pour 2017, est reporté à 2020 voire 2021. Soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Si avancées il y a, elles sont minces. Pour rétablir l'équilibre, il faudra des efforts significatifs et structurels - que vous refusez.

Nous déplorons à cet égard la suppression des dispositions courageuses votées par le Sénat. D'abord, la proposition de Gérard Roche reportant l'âge légal de départ en retraite à 63 ans à compter de 2019.

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas un progrès...

Mme Françoise Gatel.  - C'est indispensable pour garantir la pérennité de notre système, avec l'évolution de l'espérance de vie.

Ensuite, les trois jours de carence pour la fonction publique hospitalière, qui n'enlève rien à notre reconnaissance à leur égard...

Mme Laurence Cohen.  - Paroles !

Mme Françoise Gatel.  - ...et qui devrait même être élargie à toute la fonction publique, par équité avec les salariés du privé.

M. Francis Delattre.  - Très bien !

Mme Françoise Gatel.  - Je regrette également la suppression de l'exonération pour les jeunes agriculteurs, ainsi que du non assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus du patrimoine des personnes non affiliées - qui répondait à une jurisprudence européenne. Je regrette que n'ait pas été retenu le dispositif incitant les médecins retraités à exercer en zones sous-dotées, qui aurait été un premier pas, facile et peu coûteux, de lutter contre les déserts médicaux.

Malgré une intention louable, l'article 19 risque de se traduire par une perte d'attractivité des gens de mer résidant en France. Le Gouvernement a proposé un compromis compliqué : affiliation à l'Enim pour les gens de mer marins, et au régime général pour les non marins. Cela manque de lisibilité, et soulève des incompréhensions.

L'article 21 instaurant un contrat labellisé pour les plus de 65 ans a malheureusement été rétabli, avec plafonnement des cotisations en fonction de l'âge. Cette segmentation de l'offre est un frein à la mutualisation du risque et à la solidarité entre actifs et inactifs, au détriment des premiers. Il faudra remettre à plat les dispositifs existants. L'article 22 limite les chèques santé aux salariés en contrats très courts, sans que vous n'en ayez évalué les effets. À coup sûr, les démarches administratives et les charges des entreprises en seront alourdies.

Le Gouvernement ne prend pas la mesure de la menace qui pèse sur notre système de santé et du poids de la dette que nous faisons porter sur les générations futures. L'esprit de solidarité, si importante en ces temps difficiles, devrait nous inciter à plus de lucidité, de courage et d'audace pour rétablir les équilibres. Elle devrait s'incarner dans un meilleur dialogue entre les assemblées parlementaires. Parce que ce n'est malheureusement pas le cas, le groupe UDI-UC votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat,

Considérant que le niveau de prélèvements obligatoires au profit des organismes de sécurité sociale a atteint un niveau record ;

Considérant qu'en dépit de ce niveau de prélèvements, les déficits, en particulier ceux de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse se stabilisent à des niveaux très élevés ;

Considérant que le retour à l'équilibre n'est constaté que pour les branches (famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles) où de réels efforts  ont été demandés aux assurés ;

Considérant que les mesures d'économies par rapport au tendanciel sur l'assurance-maladie sont à la fois insuffisantes et non-assurées et risquent de se traduire une nouvelle fois par des mesures de régulation sur l'hôpital pour « tenir » l'Ondam ;

Considérant que les perspectives pluriannuelles sont insuffisamment renseignées et ne comportent aucune information sur l'Ondam après 2016 ;

Considérant que la loi de 2014 ne suffira pas à garantir la pérennité du système de retraite à moyen terme et qu'il est nécessaire de prendre rapidement des mesures d'adaptation à l'évolution de l'espérance de vie;

Considérant, que la ponction de 0,15 point de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles au profit de l'assurance-maladie contrevient au principe d'autonomie des branches ;

Considérant que le texte n'apporte pas de réponse sécurisée à la jurisprudence européenne relative à l'assujettissement des non-affiliés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et des produits de placement ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 190, 2015-2016).

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Nous avons tous une pensée émue pour les victimes et leurs familles et témoignons toute notre gratitude aux professionnels médicaux et paramédicaux, libéraux et salariés, pour leur dévouement.

En première lecture, le Sénat a apporté une note dissonante au concert d'autosatisfaction du Gouvernement. Certes, le déficit des comptes sociaux a baissé d'un tiers en trois ans, mais il est encore de 6 milliards d'euros pour l'assurance maladie et de 3,7 milliards pour le FSV - à comparer aux 18 milliards d'euros de recettes supplémentaires mobilisées. Le retour à l'équilibre, prévu pour 2014 puis pour 2016, est désormais reporté au-delà de l'horizon couvert par la loi de programmation. Si les recettes sont là, c'est que nous récoltons les fruits de la réforme de 2010, pourtant mise à mal par l'élargissement des possibilités de départs anticipés décidé à l'été 2012. Nous savons qu'il faudra aller plus loin, nos concitoyens en sont pleinement conscients. L'immobilisme les inquiète plus qu'il ne les rassure. Chaque génération doit relever ses propres défis ; le nôtre est celui de la pérennité de notre système de retraite.

M. René-Paul Savary.  - Très bien.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Le déficit de la branche famille ne se réduit qu'au prix de coupes dans les prestations ou de mesures de trésorerie peu justifiables, comme le décalage du versement de la prime de naissance.

Notre système de santé ne restitue pas les gains d'efficience, il les absorbe : voyez la ponction opérée sur la branche AT-MP. L'extension des droits se fait au détriment de l'équilibre budgétaire - preuve que respect de l'Ondam et déficit ne sont pas antinomiques. La hausse de l'Ondam est limitée à 1,75 % certes, mais par rapport à un tendanciel moins élevé. « Poudre aux yeux », « antisocial », avions-nous entendu l'an dernier... Le Gouvernement propose le même niveau, les mêmes économies - essentiellement le virage ambulatoire...

Sommes-nous capables de proposer aux personnels hospitaliers une organisation du travail rationnelle, compatible avec leurs missions, qui ménage des temps de repos ?

On a reproché au Sénat d'avoir, supprimant les tableaux d'équilibre, adopté un texte virtuel ; c'est précisément ce qu'avait fait l'actuelle opposition après avoir remporté la majorité au Sénat ! La suppression de ces tableaux plus politiques que juridiques ne signifie ni la suppression des recettes, ni des dépenses.

La commission des affaires sociales n'a pas souhaité renouveler l'exercice de la première lecture, malgré notre désaccord persistant sur les équilibres généraux du texte. D'où cette motion opposant la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe UDI-UC)

Mme Evelyne Yonnet .  - Je me ferai l'avocate du coupable de la réduction des déficits sociaux, de 40% en trois ans. D'un côté, la majorité sénatoriale réclame 100 à 150 milliards d'économies, de l'autre, elle accroit les déséquilibres en augmentant les dépenses et en réduisant les recettes. Vous n'en êtes pas à une contradiction près !

Examinons les chefs d'accusation. Les déficits de la branche-maladie et du FSV se stabilisent à des niveaux élevés, dites-vous. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale était le plus équilibré de ces dix dernières années depuis longtemps, vous en avez supprimé les articles qui en constituaient la charpente. Vous l'avez dénaturé, détricoté. La dette se stabilise, le déficit, lui, se réduit : 15,4 milliards en 2013, 13,2 milliards en 2014, 12,8 milliards en 2015, 9,7 milliards prévus pour 2016... Grâce aux mesures du Gouvernement, le solde du régime général et du FSV retrouvera en 2016 son niveau d'avant 2008. Sans compter que depuis deux ans, les résultats sont meilleurs que les prévisions.

Vous avez noté le retour à l'équilibre des branches vieillesse et AT-MP. Soulignez-donc le courage du Gouvernement, qui a pris des mesures difficiles, demandé des efforts aux assurés. Laisser faire aurait été dramatique.

Mme Michelle Meunier.  - Eh oui.

Mme Evelyne Yonnet.  - L'actuel plan Ondam prévoit des économies pour la période 2015-2017 ; sa progression est historiquement basse, alors que l'on ouvre de nouveaux droits dans le même temps.

Le système de retraite restera à l'équilibre jusqu'en 2030. Rien ne justifie aujourd'hui de reporter l'âge de départ en retraite à 63 ans. Le compte pénibilité retraite que nous avons défendu était au contraire, lui, très attendu.

La solidarité concerne aussi les branches entre elles, d'où celle instaurée entre la branche AT-MP, excédentaire, et la branche maladie. Pour la première fois depuis 2002, la dette sociale baissera en valeur.

Au juste, que reprochez-vous à ce budget ? De lutter contre le gaspillage ? De baisser les prix des produits de santé, de renforcer l'efficience des dépenses hospitalières, de favoriser le virage ambulatoire, d'offrir de nouveau droits - PUMA, généralisation de la complémentaire santé aux plus de 65 ans et aux salariés précaires, garantie des impayés de pension alimentaire ?

Quel dommage, alors que le travail sénatorial est remis en cause, de le miner ainsi de l'intérieur (Exclamations à droite et au centre), de nous priver d'une deuxième lecture sur un projet de loi aussi essentiel, qui répond aux valeurs de solidarité et d'humanisme. Cette motion a un goût amer, car elle nous détourne de notre mandat : discuter, débattre, légiférer dans l'intérêt de la nation  (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yves Daudigny.  - Très bien.

Mme Marisol Touraine, ministre .  - Je suis bien sûr défavorable à cette motion. Nous avons déjà échangé nos arguments, les sujets de division sont connus. Je remercie ceux qui soutiennent ce texte.

Interventions sur l'ensemble

M. Gérard Roche .  - Opposer une question préalable fait partie du fonctionnement de notre assemblée, rien de plus légitime. En première lecture, nous avions proposé des économies qui dépassaient le surcoût qu'on nous reproche. Le texte du Sénat était assez éloigné de celui de l'Assemblée nationale, qui le lui a bien fait comprendre...

Je veux dire mon amertume sur le sort de mon amendement repoussant l'âge de départ en retraite. Puissions-nous y revenir : c'est une proposition efficace, juste, socialement acceptable.

Je me félicite du climat apaisé de nos débats. Trois jours après l'horreur du 13 novembre, nous nous sommes levés, à Versailles, pour chanter la Marseillaise. Nos concitoyens ont été rassurés par cet élan d'union nationale. Je fais un rêve : que les débats entre l'Assemblée nationale et le Sénat n'aboutissent plus à des constats d'échec, mais à des compromis réalistes et démocratiques.

Le groupe UDI-UC votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains)

Mme Isabelle Debré.  - Très bien.

M. René-Paul Savary .  - Nous venons de vivre un drame très douloureux.

Première observation : la motivation du personnel médical et paramédical ne dépend pas des questions d'horaires ou d'organisation du travail. Les médecins travaillent à l'hôpital parce qu'ils aiment leur métier, que leur métier a du sens.

Mme Laurence Cohen.  - Alors pourquoi leur imposer trois jours de carence ?

M. René-Paul Savary.  - Le pacte de sécurité prime sur le pacte de stabilité, a déclaré le président de la République : on ne peut pas continuer, dans le secteur social, sanitaire et médico-social, à vivre sur le dos de nos enfants.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes des experts !

M. René-Paul Savary.  - Les gouvernements précédents n'ont peut-être pas montré l'exemple. À celui-ci de faire figure de contre-exemple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Nous regrettons que nos propositions n'aient pas été reprises, et voterons cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Dominique Watrin .  - Cette question préalable nous surprend. Vous aviez refusé de voter la nôtre en première lecture.

Mme Isabelle Debré.  - Il fallait discuter !

M. Dominique Watrin.  - Parce que l'Assemblée nationale n'a pas repris votre texte, vous mettriez un terme à la discussion ? Sans doute l'approche des régionales n'est-elle pas étrangère à votre décision...

M. Francis Delattre.  - Nous avons amendé le texte.

M. Dominique Watrin.  - Vous l'avez aggravé ! Report de l'âge de la retraite, remise en cause des 35 heures sous couvert de l'instauration de jours de carence, baisse des prestations, coupes sombres dans notre système de protection sociale. Nous contestons aussi les nouveaux cadeaux aux employeurs, les exonérations massives de cotisations, sans ciblage ni contreparties. Le pacte de responsabilité aboutit à priver la sécurité sociale de recettes. Faisons plutôt porter l'effort sur les hauts salaires et les revenus financiers des entreprises, et épargnons ces sacrifices à nos concitoyens. Vous faites l'inverse ; nous voterons contre cette motion.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°74 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 188
Contre 155

Le Sénat a adopté.

Mme la présidente.  - En conséquence, le Sénat n'a pas adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale en nouvelle lecture.

La séance est suspendue à 12 h 15.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Sécurité

M. Louis Nègre .  - Monsieur le Premier ministre, le terrorisme islamiste a frappé la France, son mode de vie, son goût pour la liberté, sa jeunesse. Parmi les assassins du Bataclan, Samy Amimour, Français et ancien chauffeur de la RATP, mis en examen en 2012 à la suite d'un départ raté pour le Yémen et qui s'était vu retirer ses papiers. Comment a-t-il pu les récupérer ? Se soustraire au contrôle strict auquel il était soumis ? Se rendre en Syrie et en revenir ? Comment de tels dysfonctionnements des services ont-ils été possibles ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Toutes les questions sont légitimes, surtout de la part de la représentation nationale et des familles des victimes. J'assistais ce matin aux obsèques du fils d'amis, tué sur une terrasse de café. L'émotion, l'incompréhension, la colère dominent.

Aujourd'hui, le Gouvernement a un but : en finir avec Daech, en Syrie, en Irak -  je salue le vote plus que large du Parlement pour la poursuite de nos frappes aériennes. La traque se poursuit en France, des opérations de police ont lieu dans d'autres pays d'Europe. La coopération européenne doit se concrétiser au prochain Conseil justice et affaires intérieures : PNR, contrôle des frontières, lutte contre le trafic d'armes. Dans le même temps, le président de la République s'efforce de réunir une coalition internationale et de renforcer les moyens de la lutte contre les terroristes.

Vous n'entendrez de moi aucun mot pour mettre en cause les forces de l'ordre ni les services du renseignement, dont la tâche est extrêmement difficile. Près de 1 800 Français et résidents en France sont prêts à nous frapper. Toutes vos questions trouveront réponse, mais avant d'évoquer des failles, des erreurs - je vous trouve bien catégorique ! -attendons de savoir.

Pour l'instant, la tâche de l'État est de rendre coup pour coup, d'écraser Daech et de mettre hors d'état de nuire les terroristes. Mais je n'ai cessé de dire depuis janvier que le risque était là. J'appelle au sang-froid, à la vigilance et à l'unité dans cette guerre, que nous gagnerons ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et sur quelques bancs RDSE et UDI-UC)

M. Louis Nègre.  - Sur la lutte contre Daech, nous sommes d'accord. Mais la représentation nationale est en droit de demander comment un tel individu est passé entre les mailles du filet, tout en se moquant sur internet des contrôles « passoires ». (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Si de nouveaux évènements se produisent, que dirons-nous aux parents ? Nous n'attendons pas une nouvelle Constitution, mais des actes et des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Coalition internationale contre Daech

M. Guillaume Arnell .  - Ma question s'adresse au Premier ministre. Il y a deux jours, alors que le président de la République se trouvait à la Maison blanche, l'armée turque a abattu un avion russe - évènement sans précédent. La France mène une action diplomatique pour bâtir une coalition : le président de la République a rencontré David Cameron, Barack Obama, Angela Merkel et Matteo Renzi et il verra ce soir Vladimir Poutine - nous nous en félicitons car la Russie est incontournable. Tous ceux qui ont pour ennemi Daech doivent être associés, y compris le régime syrien, l'Iran et la Turquie.

Où en est la constitution de cette coalition ? Avez-vous pris contact avec la Turquie ? Y a-t-il un risque que la coalition en gestation soit affaiblie par les tensions entre la Turquie et la Russie ? Les divergences pourront-elles être surmontées pour détruire l'État islamique ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire .  - La France lutte contre Daech. Elle n'est pas seule. À Versailles, le président de la République avait appelé de ses voeux une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. C'est chose faite : la résolution 2249 qui appelle à intensifier la lutte contre Daech et les groupes affiliés à Al-Qaïda a été adoptée à l'unanimité vendredi dernier.

La France a aussi invoqué la clause d'assistance mutuelle de l'article 42-7 du traité sur l'Union européenne. M. Cameron présente aujourd'hui devant la Chambre des communes une stratégie de lutte contre le terrorisme, prévoyant des frappes britanniques en Syrie. Nous espérons qu'elle sera adoptée. Le président de la République a rencontré Barack Obama, Vladimir Poutine, Angela Merkel ; dimanche, il verra Ban Ki-moon mais aussi le président chinois.

L'issue de la guerre en Syrie passe par une transition politique rapide afin de permettre la réunion des forces syriennes hostiles à Daech. Il est temps d'accélérer le processus de Vienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Guillaume Arnell.  - Merci, mais vous n'avez pas répondu sur la Turquie. Sans ce partenaire, la coalition demeurera fragile.

Garantie jeunes

Mme Aline Archimbaud .  - La France est en deuil. En cette période difficile, nous devons renforcer la cohésion nationale en mettant en oeuvre la fraternité. Or d'après l'étude de 2012, quelque 15 % de jeunes ne sont ni en formation ni en étude ni en emploi. Un million d'entre eux sont en très grande pauvreté.

La garantie jeune s'adresse à ces jeunes très isolés, dans les zones rurales comme urbaines. Elle repose sur une logique donnant-donnant : durant un an le jeune, qui reçoit une aide du montant du RSA, s'engage à suivre strictement le programme tracé par une mission locale. Il bénéficie d'un accompagnement intensif. Objectif : lui rendre confiance en soi, le rendre autonome, capable d'initiative. Les effets sont très positifs. Quelles mesures prendrez-vous, madame la ministre, pour faire connaître le dispositif à l'ensemble des acteurs associatifs et sociaux ? Quelles mesures pour sensibiliser les entreprises, afin qu'elles accueillent des jeunes pour des mises en situation professionnelle ? Au mois de septembre 2015, 28 000 jeunes, sur 72 territoires, étaient concernés. Respecterez-vous l'engagement du président de la République de porter ce chiffre à 100 000 en 2017 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Vous l'avez dit, la croissance démographique est un défi pour notre économie : pour 700 000 départs en retraite, on compte chaque année 850 000 entrées sur le marché du travail. Nous faisons face à un chômage massif des jeunes peu ou pas qualifiés. C'est pourquoi, à côté de la relance de l'apprentissage et des emplois jeunes, nous avons créé la garantie jeune. Concrètement, 28 000  jeunes en bénéficient aujourd'hui ; ils seront 45 000 à la fin de l'année et 60 000 de plus l'année prochaine, sur tous les territoires volontaires - un appel à candidature a été lancé via les préfectures. La France entière sera couverte fin 2017, avec un objectif de 100 000 entrants par an. Je travaille avec Patrick Kanner, mais aussi avec les collectivités locales et les entreprises. Il s'agit de notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Aline Archimbaud.  - Merci de tenir ces objectifs ; c'est une exigence majeure.

Radicalisation de la jeunesse

M. Christian Favier .  - Le président de la République l'a dit, nous devons à nos enfants plus qu'un monde libéré du terrorisme. Passons aux actes. Depuis 2012, des engagements ont été pris, il est temps qu'ils soient tenus. Délivrons-nous du pacte de stabilité...

M. Philippe Dallier.  - Oh !

M. Christian Favier.  - ...en plus du pacte de sécurité, passons à un pacte de solidarité. Il est urgent de développer la citoyenneté, l'esprit critique, l'engagement dans une République laïque et fraternelle. Que comptez-vous faire, monsieur le Premier ministre, pour que notre jeunesse renoue avec l'espoir d'une vie meilleure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Ce que vous dites est juste, de manière générale : redonner un avenir à la jeunesse pour, l'écologie, l'emploi, la culture, les loisirs, répondre à sa demande d'engagement. C'est elle qui a été visée par les terroristes, son mode de vie, sa liberté !

Mais j'ai en tête un jeune qui a reçu une balle dans le bras et qui a vu son ami mourir à côté de lui à une terrasse de restaurant. Il m'a dit : « Surtout ne faites pas d'amalgames, nous n'en faisons pas ». On ne peut trouver la moindre excuse à ce qui s'est passé. Un jeune en difficulté, d'origine étrangère ou de confession musulmane, est-il voué à sa radicaliser ? Non ! J'en ai assez de ceux qui recherchent toujours des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s'est passé. (Applaudissements des bancs du groupe républicain et socialiste aux bancs du groupe les Républicains) Il appartiendra à l'islam de France de se lever et de dire que le terrorisme, le salafisme doivent être combattus par les armes et par les mots. (Même mouvement) Priorité à la jeunesse oui, mais priorité à une République remise debout partout ! (Même mouvement)

M. Christian Favier.  - J'espère que vous ne vous adressiez pas à nous, car il est clair à nos yeux qu'il faut combattre le terrorisme jusqu'au bout. Et ma question ne concernait pas les seuls quartiers populaires. Notre jeunesse mérite une politique ambitieuse. Elle a besoin d'être mobilisée, non seulement pour combattre le terrorisme mais pour construire son avenir... et pouvoir défendre les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste citoyen et républicain ; Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent aussi)

Services de sécurité

M. Michel Boutant .  - Les tragédies du 13 et du 18 novembre soulèvent des questions légitimes sur l'efficacité et le bon format de nos services de sécurité. Hélas, on a entendu des commentaires mal informés ou malveillants ces derniers jours. Permettez au membre de la délégation parlementaire au renseignement que je suis, au membre de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement que je suis également, de saluer l?action exemplaire de nos agents dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, au centre et sur plusieurs bancs à droite)

Depuis la déclaration de l'état d'urgence, les services ont procédé à 1 600 perquisitions administratives, 165 interpellations et à la saisie de 230 armes. Comment seront réparties les 5 000 créations de postes annoncées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Le renseignement est évidemment crucial dans la lutte contre le terrorisme. Tirant les enseignements des événements de Toulouse et Montauban, nous avons créé la DGSI et rétabli le renseignement territorial pour capter les « signaux faibles ». Après les attentats de janvier, nous avons décidé de créer 2 680 postes sur la période 2015 à 2017 dans les forces de sécurité, 400 postes dans la justice, la Défense ou encore dans les douanes. Nous avons besoin de hackers, de spécialistes des nouvelles technologies de la communication, des réseaux sociaux, et pas seulement de policiers. Ces créations de postes se sont accompagnées, pour les équipements, de 425 millions de crédits supplémentaires. Après le 13 novembre, nous avons décidé de créer 8 500 postes supplémentaires sur 2016 et 2017, pour la police, la gendarmerie, la justice, les douanes.

5 000 postes sur deux ans pour la police et la gendarmerie, 2 500 postes pour la justice, ce qui porte à 6 100 le nombre de postes supplémentaires depuis 2012. La consolidation du pôle anti-terroriste de Paris est pour nous une priorité.

Le Parlement sera saisi cette semaine des amendements qui traduisent concrètement les engagements du Gouvernement pour renforcer la sécurité.

Tous les quinze jours se tiendra une réunion à Matignon avec les présidents des assemblées, des commissions compétentes et des groupes. Tous les quinze jours aussi, en alternance, le ministre de l'intérieur recevra à Beauvau avec les responsables des partis spécialistes des questions de sécurité. Comme vous le voyez, le Gouvernement associe pleinement le Parlement et la délégation parlementaire au renseignement, que préside avec efficacité et discrétion le président Raffarin. Nous devons faire front ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe du RDSE et du groupe écologiste)

Intervention terrestre en Syrie

M. Jean-Marc Gabouty .  - L'Occident n'a peut-être pas tiré toutes les leçons des interventions calamiteuses en Irak et en Libye : il semble qu'il ait l'obsession de vouloir remplacer les dictatures, au mieux par le chaos, au pire par des régimes religieux... Celui de Bachar el-Assad a l'avantage d'être laïque et de protéger des minorités qui nous sont chères. On peut s'interroger sur l'ambiguïté des objectifs de certains pays, et le mot est faible, Turquie, Arabie saoudite, Qatar.

Nous savons que la victoire sur Daech nécessite une intervention au sol. Sur qui pouvons-nous compter pour cela ? Pas seulement sur un ensemble hétéroclite de groupes rebelles dont certains sont proches d'Al-Qaida. Sur les Kurdes, qui combattent courageusement mais dont les ambitions territoriales sont limitées ? Sur l'armée syrienne, affaiblie mais soutenue par l'Iran et la Russie ? Quelles forces armées pour intervenir au sol et reconquérir le territoire occupé par Daech ? Quel périmètre pour la réconciliation civile en Syrie que M. Fabius évoquait hier dans cet hémicycle ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - La donne a changé depuis les attentats du 13 novembre dernier. Le lendemain, les Russes ont reconnu que leur avion tombé dans le Sinaï avait été abattu par Daech. Nous coopérons depuis avec les Américains bien plus étroitement. Laissons le président de la République en parler avec Vladimir Poutine ce soir. Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l'unanimité une résolution.

Nous n'avons jamais frappé le régime syrien, nous frappons Daech en Irak et en Syrie. Nous devons rassembler une coalition, sans réanimer les fractures entre chiites et sunnites ; ce serait une erreur de se fonder sur un axe chiite Moscou-Bagdad-Téhéran, et s'allier avec le Hezbollah mérite réflexion...

Sur le sol, en Irak, il y a des troupes irakiennes, des milices chiites, de valeureux combattants kurdes qui ont repris deux villes récemment. Nous obtenons des résultats. Il faut que tous les pays disent bien que l'objectif, c'est d'écraser Daech. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Gabouty.  - Merci de votre réponse. Il faut une cohérence entre stratégie militaire et solution politique. De toute façon, on ne réconcilie que des pays qui s'affrontent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Pacte de stabilité

M. Alain Chatillon .  - Le président de la République a affirmé que le pacte de sécurité ne pouvait être sacrifié au pacte de stabilité. Où est le risque, dès lors que les dépenses supplémentaires de sécurité ne se montent qu'à 600 millions d'euros par an, soit 0,06 % du PIB, et 0,15 % des charges de l'État ?

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - Le président de la République l'a dit, le Premier ministre répété, il nous faut des moyens supplémentaires pour lutter contre le terrorisme, à l'intérieur et à l'extérieur : déjà un milliard d'euros de plus depuis janvier, entièrement compensés par des économies.

La responsabilité politique de lutter contre le terrorisme n'est pas antinomique avec la responsabilité budgétaire. Nos objectifs budgétaires seront maintenus, nous réparerons ainsi les dégâts que vous nous avez laissés... (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Chatillon.  - La dette de l'État se monte à 2 000 milliards d'euros. Nous perdons chaque seconde 2 350 euros. Que l'État lève les contraintes qu'il impose à ceux qui créent, agriculteurs, artisans, notaires, médecins ! (Applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume.  - Que ne l'avez-vous fait, vous-mêmes !

M. Alain Chatillon.  - Et qu'il s'impose la même obligation que celle qu'il impose aux collectivités territoriales : un budget en équilibre ! (Applaudissements à droite)

Lutte contre le financement du terrorisme

Mme Michèle André .  - Après les terribles évènements du 13 novembre dernier, nous devons tout faire pour protéger nos concitoyens au-delà de l'état d'urgence. La commission des finances a adopté à midi à l'unanimité les amendements du Gouvernement sur la mission Sécurité. L'un des plus sûrs moyens de lutter contre le terrorisme est de tarir ses sources de financement. Daech, entre pillages, vols d'antiquité et trafic de pétrole engrangerait 3 milliards de dollars par an.

La coopération internationale est indispensable mais chaque pays doit prendre ses responsabilités. Déjà des mesures ont été prises : abaissement à 1 000 euros du plafond de paiement en liquide, signalement à Tracfin des retraits et dépôts supérieurs à 1 000 euros. La cellule anti-blanchiment est au coeur du combat. Cependant, les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, il importe aussi de surveiller les mouvements de fonds de plus faible ampleur. Que compte faire le Gouvernement dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - L'un de nos services de renseignement les moins connus est Tracfin, qui a été mis en place il y a une vingtaine d'années pour détecter les mouvements de fonds contraires à la probité et à l'honnêteté dans tous les domaines. Nous lui avons demandé de mettre son expertise au service de la lutte contre le financement du terrorisme et de détecter non seulement les flux massifs, mais aussi les signaux faibles. Ceux qui achètent dans les pays riches des antiquités doivent se demander d'où elles viennent... Nous avons baissé de 3 000 à 1 000 euros le maximum payable en cash. Nous allons réglementer les cartes prépayées, qu'utilisent les terroristes. Nous continuerons à renforcer les moyens à la disposition de ce grand service, utile à la République, qu'est Tracfin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Obligation de déclaration domiciliaire

M. Claude Kern .  - Les heures tragiques que nous traversons nécessitent un front commun contre la barbarie.

La déclaration de domicile est obligatoire dans la plupart des pays d'Europe, quoi que tombée en désuétude en France, sinon en Alsace-Moselle. Bien des maires insistent sur son utilité.

Certes, elle pose un problème de compatibilité avec le principe constitutionnel de la liberté d'aller et venir et la loi de 1978. Sans basculer dans le tout sécuritaire, ne faut-il pas avancer et engager une réforme constitutionnelle pour rendre cette mesure possible et la création d'un fichier domiciliaire ? (Quelques applaudissements à droite)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - La députée Virginie Duby-Muller avait déposé une proposition de loi en ce sens. Les personnes arrivant dans une commune n'ont pas l'obligation de se déclarer à la mairie, mais sont appelés à le faire spontanément. Le décret du 31 décembre 1947 qui la rendait obligatoire pour les étrangers a été abrogé en 2006. La règle est en vigueur en Alsace-Moselle mais aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect. Un fichier domiciliaire reposant sur des données personnelles sans que sa finalité soit précise serait censuré par le Conseil constitutionnel. Je vous propose de poursuivre la réflexion.

M. Claude Kern.  - Je ne comprends pas cette position figée depuis quelques années. Dans le cadre de l'état d'urgence, quelle absence de vision, quel manque de courage politique... Vous annoncez une réforme constitutionnelle dont personne n'a besoin et refusez, au détriment de la sécurité de nos concitoyens, de faire évoluer le droit. (Protestations à gauche et applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Sécurité des Français de l'étranger

Mme Jacky Deromedi .  - Les Français ont été touchés dans leur chair. Le conflit est planétaire et tous ceux qui vivent hors de France deviennent des cibles, l'attentat de Bamako nous le rappelle. Ils se sentent abandonnés, avec la fermeture de treize ambassades entre 2013 et 2015, de douze autres d'ici 2017. En cas d'événement tragique, ils seront seuls et en première ligne. N'est-il pas temps de reconsidérer cette politique ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - Oui, la sécurité des Français de l'étranger est un sujet d'importance. Beaucoup d'entre eux ont manifesté leur peine après les attentats. Le Gouvernement est mobilisé pour assurer leur sécurité, le risque étant variable selon les pays. La réaction du ministère des affaires étrangères a été rapide : dès le 13 novembre, les implantations françaises à l'étranger ont été mises en état de vigilance maximale ; centres culturels et écoles ont été fermés - les établissements scolaires de Tunisie et de Bruxelles le sont encore.

Nous suivons attentivement l'état du risque. La sécurité est l'affaire de tous. L'inscription au registre ou sur Ariane est indispensable pour que l'on puisse opérer efficacement en cas de crise.

Mme Jacky Deromedi.  - Les Français de l'étranger ont droit, eux aussi, à la sécurité. Un moratoire sur les fermetures d'ambassade s'impose. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Violences faites aux femmes

M. Roland Courteau .  - Harcèlement, mariages forcés, violences conjugales, combien de femmes tombent-elles encore sous les coups de leur conjoint ou compagnon ? Combien d'enfants sont témoins ou victimes de cette violence ? Trop longtemps, on a fait silence sur ce phénomène. On aurait pu penser aussi que les préjugés sexistes s'effacent en ce XXIe siècle. Certes, le voile commence à se déchirer. Il y a eu la loi du 4 avril 2006, les réformes de 2010, 2012, 2014.

Après le 25 novembre déclaré par le Sénat Journée contre les violences faites aux femmes, quelles sont vos priorités pour 2016 contre ce mal d'un autre âge ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe écologiste)

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Je salue votre engagement de longue date, en particulier dans les écoles de votre département. Il faut parler de ces violences et les condamner. Nous avons lancé une campagne pour mieux faire connaître le 3919, numéro d'urgence.

Il faut le dire avec force : la culpabilité ne doit pas peser sur les femmes, mais sur leurs agresseurs. Le comportement d'une femme, son habillement ne justifie jamais le viol ou l'agression, que ce soit dans l'espace public ou dans l'espace privé.

Concrètement, il existe désormais 300 lieux d'accueil, 241 permanents sociaux travaillent dans les commissariats et gendarmeries pour recevoir les victimes. Nous avons besoin de tous pour faire changer d'échelle la lutte contre ces violences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Zone de sécurité Sud

M. François Commeinhes .  - Le vendredi 13 novembre, je recevais un courrier du ministre de l'intérieur opposant un refus à ma demande de création d'une nouvelle zone de défense et de sécurité Sud, sur le périmètre de la nouvelle région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. L'équité territoriale, les préoccupations des élus, tout concourt. Une région aussi vaste que le Benelux doit avoir un commandement sécuritaire spécifique. La réforme territoriale élargit les périmètres, l'État doit prendre ses responsabilités et redéfinir la carte des zones de défense et de sécurité.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - Je vous prie d'excuser M. Cazeneuve, retenu aux funérailles de victimes des attentats de Paris.

Vous souhaitez une zone de défense et de sécurité recouvrant la nouvelle région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Les sept zones de France métropolitaine ne sont pas des structures opérationnelles, elles sont un échelon de mutualisation des moyens pour soutenir les préfets de départements dans la gestion locale des crises.

La question de leur adéquation avec les nouvelles régions se pose cependant. La solution que vous proposez n'a pas été retenue : elle était déconseillée par les différents rapports et études car elle aurait entraîné une démutualisation ; surtout, il fallait maintenir, pour des raisons opérationnelles, la cohérence dans la lutte contre les feux de forêt sur l'arc méditerranéen.

M. François Commeinhes.  - J'ai déposé une proposition de loi en septembre : le débat doit avoir lieu.

Carte des intercommunalités

M. Philippe Adnot .  - Certains préfets, comme dans mon département, ne respectent pas la loi, proposent des intercommunalités de 100 km de long regroupant les deux tiers de la population d'un département, sans continuité urbaine, sans tenir aucun compte de l'avis de la CDCI. Les remettrez-vous au pas, madame la ministre Lebranchu ?

Vous avez dit hier que les communes connaitraient les conséquences de la réforme de la DGF avant de se prononcer sur la carte intercommunale. La réforme de la DGF a été reportée d'un an ; que ne reportez-vous d'autant les schémas départementaux ! (Applaudissements à droite)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Si la réforme de la DGF a été reportée, c'est dans l'attente de connaître la nouvelle carte intercommunale. Avec votre raisonnement, nous en serions encore au même point en l'an 3000... Les élus, c'est vrai, doivent avoir au préalable une idée fiable des conséquences de la réforme de la DGF, grâce à des simulations.

Vous le savez, 50 % des communes d'une nouvelle intercommunalité doivent donner leur accord, parmi lesquelles la commune centre si elle réunit plus d'un tiers de la population totale. Cela provoque quelques difficultés, des tensions dans votre département, les cas sont rares ; mais c'est la loi. Je ne peux faire plus que la rappeler. La concertation doit se poursuivre avec les élus, dont dépendent les schémas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Adnot.  - Je ne dis pas que les réformes doivent être perpétuellement reportées, mais celle de la DGF doit être connue avant que l'on puisse décider en connaissance de cause du périmètre des intercommunalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance, suspendue à 16 h 10, reprendra à 21 h 30.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 26 novembre 2015, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.

Dépôt de documents

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les contre-expertises de l'évaluation socio-économique du projet Microcarb et du projet de nouvel hôpital de Lens, accompagnées des avis du commissariat général à l'investissement.

Acte est donné du dépôt de ces documents qui ont été transmis à la commission des affaires économiques et à la commission des finances ainsi que, pour le second, à la commission des affaires sociales.

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Justice

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Le Gouvernement présentait pour cette année un projet de budget Justice en légère augmentation, même si de nouveaux crédits ont été ouverts dès mars dans le cadre du plan de lutte antiterroriste pour renforcer l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), créer des postes d'aumôniers dans les prisons mais aussi de magistrats.

Ce sont 7,9 milliards d'euros en crédits de paiements et 8 milliards en autorisations d'engagements qui sont proposés cette année. La commission des finances a approuvé ces crédits sous réserve de la traduction des engagements que le président de la République a pris devant le Congrès. L'amendement que nous présentera Mme la ministre modifie sensiblement les équilibres : 2 500 emplois sur deux ans, 267 millions d'euros de crédits supplémentaires dès 2016.

Cette fois-ci, le Gouvernement propose de renforcer les juridictions à commencer par celles chargées, directement ou indirectement, de lutter contre le terrorisme, comme les juridictions interrégionales spécialisées.

Pour le Sénat, il était urgent de mettre l'accent sur les juridictions, garantes des libertés fondamentales. Cependant, parviendrez-vous à recruter 3 450 personnes en deux ans alors que l'administration pénitentiaire puise dans le même vivier que la police, la gendarmerie et la défense ? Magistrats, greffiers, éducateurs, surveillants doivent être formés. Les écoles professionnelles auront-elles les moyens de faire face ? Pouvez-vous nous indiquer où en est la réforme de la plateforme nationale des interceptions judiciaires ? D'un coût de 140 millions d'euros, elle accuse un retard d'un an. À quelles difficultés faites-vous face ? Une fois opérationnelle, elle devrait permettre de faire des économies sur les frais de justice. D'ailleurs, quelles actions envisagez-vous afin de réduire les frais de justice, poste sur lequel des économies étaient prévues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice judiciaire et l'accès au droit .  - Ce budget a été brusquement modifié à la suite des attentats et de l'annonce de 2 500 créations d'emplois, qui s'ajoutent aux 1 584 postes déjà programmés sur la période 2015-2017. Nous ne pouvons qu'approuver ces créations indispensables. Mais comment seront-ils pourvus ? En 2014, seuls 24 postes de magistrats ont été pourvus sur les 63 annoncés ; en 2015, 34 seulement, sur les 64 prévus.

Le bleu budgétaire prévoyait de corriger à la baisse le plafond d'emplois de 324 ETPT pour l'ajuster aux réalités du recrutement et de l'affectation des magistrats. Certes, la non consommation des emplois permet de recruter des vacataires ou des auxiliaires de justice, mais on ne peut plus se satisfaire de cette situation.

Les effectifs réels de magistrats affectés en juridiction sont passés de 7 710 en 2009 à 7 458 en 2014 ; le taux de vacances est passé de 0,39 % à 5,3 %. Même baisse, de 2 %, pour les magistrats dans les services administratifs. Comment les postes annoncés seront-ils pourvus, sachant que la justice judiciaire va hériter du contentieux des étrangers, qui représente une charge de travail nouvelle, et sachant qu'il faut 31 mois pour former un magistrat ?

Quant à l'aide juridictionnelle, elle a besoin d'une évolution structurelle, qui aille au-delà du simple relèvement de l'unité de valeur.

Je conclus en rendant hommage à l'ensemble des magistrats et personnels judiciaires qui, avec des moyens plus faibles que dans bien des pays comparables, font preuve d'un grand sens du service public.

M. Yves Détraigne, en remplacement de Mme Cécile Cukiermann, rapporteure pour avis de la commission des lois pour la protection judiciaire de la jeunesse .  - Je parle maintenant au nom de Mme Cukiermann, qui vous demande d'excuser son absence.

Les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » s'élèvent à 795,6 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 2,34 % par rapport à 2015. Le plafond d'emploi de la PJJ augmente de 196 ETPT, du fait de la création de postes prévue par le plan de lutte antiterroriste. Dans ce cadre, une mission nationale de veille et d'information a été mise en place le 1er avril 2015 pour prévenir la radicalisation, et 69 référents laïcité-citoyenneté ont été créés.

Les crédits du secteur associatif habilité continuent de diminuer, alors qu'il est essentiel pour la diversification des mesures de placement. Cela conduit à diminuer le nombre de places dans les établissements habilités conjointement par les conseils départementaux.

Les acteurs de la justice des mineurs soulignent tous l'illisibilité de l'ordonnance du 2 février 1945, dont la réforme ne semble plus être à l'ordre du jour. Ils déplorent les retards d'exécution des mesures d'investigation en matière pénale et civile et ne comprennent pas les quotas accordés au secteur associatif, alors que le service public est sous-dimensionné.

En dépit de ces réserves, la commission des lois a donné un avis favorable aux crédits de la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration pénitentiaire .  - La commission des lois a émis à l'unanimité un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Un mot d'abord sur les effectifs de l'administration pénitentiaire : lorsqu'on soustrait les départs en retraite, les démissions, les lauréats qui renoncent au bénéfice de leur poste, il y a bien une perte sèche - au point que les effectifs annoncés risquent de ne pas être pourvus de manière satisfaisante. Plus on crée de places dans les prisons, plus les juges prononcent des peines de prison. Vous développez les peines alternatives à la prison, mais attention au chevauchement : les sursis à exécution sont 136 fois plus nombreux que la contrainte pénale. Est-ce une habitude prise par les juges ?

Concernant la sécurité, 1 300 téléphones portables ont été interceptés en un an dans une même maison d'arrêt. La solution est-elle la course permanente au brouillage, qui pénalise les riverains ?

Vous allez créer plus de postes d'aumôniers musulmans, c'est bien. Mais l'aumônier catholique ou protestant est entouré de toute une équipe, qui réalise un important travail social auprès des détenus ; l'aumônier musulman est seul. Aux Baumettes, 80 % des détenus musulmans font le ramadan, 30 % font la prière.

M. Guillaume Arnell .  - Gardienne des libertés individuelles et de l'état de droit, la justice est l'institution démocratique par excellence. Après les attentats, le droit doit l'emporter sur la vengeance, Thémis sur Némésis.

En ces temps de restriction budgétaire, je salue l'effort, justifié : une hausse de 1,5 % des crédits de la mission, et de 8 % sur les quatre dernières années. Le groupe RDSE a approuvé vos principales réformes : contrainte pénale, service d'accueil unique des justiciables, dématérialisation et simplification des procédures et réforme de l'aide juridictionnelle, à l'issu d'un dialogue constructif avec les avocats.

Nous approuvons la priorité donnée à la lutte contre la criminalité à grande échelle, en particulier le terrorisme, à heure où la sécurité est la principale préoccupation des Français. La justice et le renseignement doivent collaborer activement, car nos établissements pénitentiaires sont des lieux de radicalisation pour des jeunes qui sont des proies faciles. Après les attentats de janvier, l'isolement des détenus islamistes radicaux a été expérimenté à Fresnes, puis dans d'autres prisons franciliennes. Cependant, est-il normal que ces prisonniers arrivent à se procurer des téléphones portables leur permettant d'être en contact avec la Syrie, ou des publications de propagande djihadiste ? Il faut plus de moyens pour que la justice joue son rôle en matière de prévention de la récidive.

Enfin, les peines sont trop souvent inappliquées ou exécutées trop tardivement. C'est aussi le cas à Saint-Martin, pour cause de surpopulation des prisons ou de délais de jugement anormalement longs. Les services d'insertion et de probation doivent être renforcés, les peines à des travaux d'intérêt général être davantage utilisées : elles ne représentent que 4 % des peines prononcées. La création d'un centre éducatif fermé à Saint-Martin pourrait être une solution adaptée.

Enfin, la question de l'inamovibilité au bout de dix ans des magistrats pourrait être abordée. La mission de la justice, régalienne, est incommensurable. Les moyens doivent être à la hauteur des besoins. Le groupe RDSE votera ces crédits, en espérant que tout le Sénat en fasse de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UDI-UC et socialiste et républicain)

Mme Éliane Assassi .  - C'est le plan de lutte antiterroriste qui permet à la mission Justice de sauvegarder ses moyens ; l'amendement que présentera le Gouvernement, et que nous voterons, y concourt. Les moyens alloués suffiront-ils pour traiter convenablement les affaires courantes ? La médiocrité et la raréfaction des moyens de fonctionnement pèsent lourd sur les délais de traitement. Il faudrait donner aux juridictions les moyens d'accomplir correctement leur mission.

Nous regrettons que pour la quatrième année successive, les moyens supplémentaires bénéficient en priorité à l'administration pénitentiaire.

Pourtant, le manque de surveillants reste flagrant, leurs conditions de travail se dégradent : manque de personnel, heures supplémentaires, rythme harassant, pression hiérarchique...

Les moyens de la PJJ augmentent de 2,30 % - hausse absorbée par la formation à la lutte contre la radicalisation, qui concentre six postes sur soixante, et l'ouverture d'un centre éducatif fermé associatif à Marseille. Les moyens restants ne suffiront pas à répondre aux besoins ; en outre, comment seront-ils répartis entre les centres éducatifs fermés ? Les problèmes d'encadrement, le manque de projets éducatifs dans ces centres sont pointés du doigt, notamment par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous nous réjouissons de l'annonce d'une réforme de l'ordonnance de 1945 et de la suppression des tribunaux pour mineurs en 2016, même si le calendrier nous invite à la prudence.

Enfin, seul un effort financier important et suivi pourrait améliorer l'aide juridictionnelle, indispensable pour l'accès au droit. La solution pour un financement pérenne n'est pas encore trouvée, malgré l'accord avec les avocats ayant abouti au retrait de l'article 15 initial... Les efforts en matière d'accueil des justiciables et les mesures du projet de loi Justice du XXIe siècle ne suffisent pas à masquer les difficultés : c'est à l'État de prendre en charge un système de solidarité nationale pour permettre l'accès au droit de tous.

Le groupe CRC ne votera pas contre ces crédits, mais émettra une abstention d'appel.

M. Jean-Pierre Sueur .  - La réforme du Règlement est belle est bonne, mais présenter un rapport en trois minutes est un tour de force : comment développer une argumentation dans un tel laps de temps ? Et l'argumentation importe au débat. Le chronomètre prend trop de place dans nos travaux. Une minute d'écoulée, déjà... (Sourires)

Ce budget est la traduction de trois grandes lois que vous avez présentées, madame la ministre. La loi sur la prévention de la récidive d'abord, fondée sur une philosophie : la recherche d'alternatives à l'emprisonnement, avec la mise en oeuvre de la contrainte pénale, qui démarre à un rythme trop faible, certes, mais ne pourra que progresser. La loi pour la justice du XXIe siècle ensuite, pour aller vers un accès plus facile au droit. La loi sur l'indépendance des magistrats enfin, dont j'espère qu'elle pourra être complétée au plus vite par la réforme constitutionnelle sur l'indépendance du Parquet, nécessaire et à mon sens possible, quelles que soient les considérations politiciennes.

Dans le contexte de lutte contre le terrorisme, le nombre de postes dans les établissements pénitentiaires augmente : 1 584 prévus pour 2015-2017, auxquels s'ajoutent les 2 500 postes annoncés par le président de la République, soit 5 100 postes depuis 2012. Nous n'avons pas toujours connu un tel niveau de création de postes, et c'est un euphémisme.

Les alternatives à la détention sont nécessaires : contrainte pénale, mais pas seulement ; M. Portelli en a parlé. Dans notre rapport de la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes, nous avions marqué notre désaccord avec la concentration des détenus radicalisés à Fresnes. Cela a créé un effet cocotte-minute, nous ont dit les surveillants. Leur dispersion serait aussi préjudiciable : on disperserait la radicalisation. Vous avez opté pour des unités de vingt personnes - nous proposions dix - avec un suivi renforcé et un encellulement individuel. Les aumôniers de prison, comme ceux des armées et des hôpitaux, font l'objet d'un agrément de l'État. Que celui-ci soit accordé avec une extrême vigilance et s'accompagne d'une formation.

J'entends dire que des personnels affectés au renseignement pénitentiaire assumeraient d'autres missions. Je le dis avec force : renseignement et surveillance sont deux missions différentes. Vos éclaircissements, madame la ministre, seront bienvenus.

Le groupe socialiste et républicain votera ce budget qui traduit une véritable philosophie du droit.

Mme Jacky Deromedi .  - En cette période d'épreuves, le beau nom de justice nous rappelle aux valeurs de notre République. Le principe de la dignité de la personne humaine qui est gravé dans le marbre de notre Constitution doit guider notre action ; c'est tout le contraire de la barbarie. Rendons hommage à la justice républicaine et aux forces de l'ordre, qui ne doivent pas douter de notre détermination à leur apporter tous les moyens nécessaires.

Les équilibres de cette mission ont été modifiés après les annonces du président de la République au Congrès.

En 2016, le ministère de la justice disposera de plus de 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement et de 8 milliards en autorisations d'engagement.

Les économies hors titre II ne suffisent pas à respecter la trajectoire fixée dans la loi de programmation des finances publiques : l'écart sera de 58 millions d'euros. En 2014, plus de 1 400 EPTP n'ont pas été pourvus effectivement, soit 1,8 % des créations de postes annoncées. Le décret d'avance a été notifié le 18 novembre : 18 % d'annulations de crédits, soit 70 millions d'euros mis en réserve. Il n'en est que plus difficile d'appréhender la cohérence de ce budget, entre les annonces du président de la République à Versailles et la réalité des chiffres.

Il est essentiel de renforcer le pôle de magistrats antiterroristes de Paris, qui sont actuellement une soixantaine, dont 37 au TGI de Paris, 25 à la Cour d'appel et plusieurs au Parquet. Pour agir efficacement contre la pieuvre terroriste, des moyens supplémentaires sont indispensables. Les programmes dédiés à la dé-radicalisation comme les trente postes d'aumôniers sont une bonne chose. Les cellules et les espaces communs doivent être rénovés, les activités en détention développées.

Où en est-on de la réflexion sur le regroupement des détenus radicalisés ? Quels sont vos objectifs, et les mesures prises ? Sur ces questions, nos propositions sont restées jusqu'ici sans réponse.

Les services compétents doivent être coordonnés, en France et à l'étranger. Les victimes doivent être informées sur les modalités d'indemnisation et de prise en charge sanitaire. Le fonds d'indemnisation des victimes d'infraction aura besoin de moyens. Qu'avez-vous prévu pour appliquer la circulaire du 12 novembre ?

Il n'est pas facile de recruter des encadrants pour suivre les jeunes à la dérive, le turnover du personnel est important. Quelles perspectives d'évolution, après le projet de loi sur la justice des mineurs ?

L'aide juridictionnelle progresse : 25 millions d'euros de plus en 2016, 50 millions en 2017. Les mesures initiales du projet de loi ne permettaient pas une juste rémunération des avocats ; ce que vous avez corrigé après une intense mobilisation de la profession, qui a abouti à l'accord du 28 octobre.

Votre projet phare de Justice du XXIe siècle, que le Sénat a utilement amendé, sera-t-il financé comme promis ?

Le transfert de l'enregistrement des Pacs à l'officier d'état civil devait alléger la charge des tribunaux à hauteur de 79 ETP, pour un coût de 2,5 millions d'euros. Le Sénat l'a refusé, en l'absence de compensation financière de l'État. Là encore, quelles sont vos propositions ?

Sous ces réserves, le groupe Les Républicains suivra la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Henri Tandonnet .  - La menace terroriste n'a jamais été aussi élevée, mobilisant en particulier les magistrats du Parquet de Paris. Je rends hommage à l'ensemble de ces magistrats qui participent, jour après jour, à la lutte contre le terrorisme, dans un contexte budgétaire contraint. Il faut voir le dénuement de certaines juridictions : bien des magistrats travaillent avec du matériel informatique hors d'âge, et doivent compter jusqu'aux ramettes de papier.

M. René Vandierendonck.  - C'est vrai.

M. Henri Tandonnet.  - Le pire concerne les moyens humains. La vacance des postes s'est encore aggravée cette année. Le décalage systématique entre les crédits ouverts en projet de loi de finances et la réalité affecte la sincérité des prévisions. Les juges des libertés et de la détention seront bientôt compétents en matière de rétention administrative des étrangers : 25 000 dossiers par an. En auront-ils le temps ?

Après les attentats de janvier dernier, le Gouvernement avait annoncé la création de 950 emplois supplémentaires sur trois ans. Vous nous présentez aujourd'hui un amendement créant 2 500 postes supplémentaires. Nous ne pouvons que le saluer ; même si nous savons que cela ne pourra se traduire immédiatement par des magistrats supplémentaires, sachant que leur formation dure 31 mois. Sénateur du Lot-et-Garonne, je peux témoigner de la motivation des équipes de l'École nationale d'administration pénitentiaire.

La prévention de la radicalisation est le point central de la lutte contre le terrorisme, nous soutiendrons bien sûr l'amendement du Gouvernement.

En revanche, je déplore les hésitations et renoncements sur l'aide juridictionnelle. Quelle improvisation ! Il aura fallu une grève sans précédent des avocats pour que le Gouvernement renonce à financer l'aide juridictionnelle par un prélèvement sur la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa).

Ce retournement in extremis était salutaire, mais le problème du financement pérenne de l'aide juridictionnelle reste entier, d'autant que le relèvement du plafond de ressources étend l'éligibilité à cent mille nouveaux justiciables.

Le groupe UDI-UC soutiendra l'adoption des crédits de la mission, pour marquer son adhésion aux mesures présentées par le Gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme.

M. René Vandierendonck .  - La commission des lois, après le drame des attentats, n'a pas discuté longtemps de la nécessité de voter l'état d'urgence. De M. Sueur à M. Bas, chacun sait que le Sénat est l'un des garants des libertés publiques et de l'ordre judiciaire. Le ministre de l'intérieur ferait un excellent ministre de la justice...

M. Jean-Pierre Sueur.  - S'il n'y avait déjà une excellente garde des sceaux !

M. René Vandierendonck.  - ... tant il est scrupuleux en matière de droit. Au reste, la juridiction administrative est aussi un garant pour les libertés publiques. Je vous renvoie au référé-liberté que le Conseil d'État a rendu sur la jungle de Calais. Le vice-président du Conseil d'État, que M. Buffet avait auditionné sur le droit d'asile, avait vu juste !

Nous nous sommes tous mobilisés, collectivement. M. Bas, que je salue, a eu la lourde responsabilité de poser ses conditions, au nom du Sénat, pour que la justice judiciaire ne se voie pas dépouillée de ses prérogatives au profit de la justice administrative. Merci à M. Urvoas de l'avoir suivi.

Je voudrais que sur la façade du ministère, comme ici en face de moi, un compteur égrène les postes créés effectivement occupés. On s'éviterait quelques heures de débat sur le thermomètre.

Je ne connais pas de budget de la justice qui ait une telle ambition. Si vous en trouvez un, je rembourse la différence ! (Sourires)

Si M. le rapporteur général et M. le président de la commission des lois se mettent d'accord, sous l'autorité du président du Sénat, si la garde des sceaux accepte la méthode, nous pourrions mettre en place, dans la clarté et la transparence, un outil permettant de mesurer l'avancée de ce plan de rattrapage.

Le renforcement du pôle antiterroriste, indispensable, ne s'est pas fait tout seul - je vous en suis reconnaissant.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Il y a 48 heures, nous avions une réunion dense en commission des lois. Si je sais votre intérêt pour les actions du ministère de la justice, je ne pourrai pas en vingt minutes répondre à toutes vos questions. Je vous adresserai par écrit des détails, en particulier sur la rationalisation budgétaire concernant la plateforme nationale des interceptions judiciaires - les parlementaires ont droit à des informations précises.

Ce budget, qui évolue avec les 2 500 postes et 251 millions de crédits supplémentaires annoncés par le président de la République au Congrès, a une cohérence.

La justice participe directement à la lutte contre le terrorisme : enquête judiciaire, suivi des personnes emprisonnées, lutte contre la radicalisation. Dans le plan annoncé en janvier déjà, les effectifs de greffiers et de magistrats avaient été renforcés au pôle antiterroriste de Paris.

Ce budget a franchi le cap symbolique des 8 milliards d'euros, même s'il a légèrement diminué compte tenu des efforts demandés à tous les ministères. Il augmentera si le Sénat veut bien voter l'amendement que je lui présenterai.

En tout, nous créons 6 100 emplois nouveaux sur toute la législature. Ce n'est pas négligeable. Oui, l'administration pénitentiaire en absorbe une grande partie. Cependant, elle est l'une des directions de mon ministère qui a le plus important effectif ; c'est là aussi que les besoins d'investissement sont les plus forts. Mais proportionnellement, c'est la protection judiciaire de la jeunesse qui voit le plus ses effectifs renforcés ; ce seront les services judiciaires, si vous votez mon amendement.

Au reste, vous ne pouvez déplorer qu'il y ait trop peu de surveillants dans les prisons et nous reprocher de renforcer l'administration pénitentiaire. Nous nous efforçons aussi de rendre ces métiers plus attractifs.

Au-delà, ce budget traduit la réforme de la justice civile - que vous avez votée largement, à 310 voix, ce dont je vous remercie. En particulier, la médiation, notamment familiale, et la conciliation sont renforcées. Cela exige des greffiers supplémentaires. Nous avons voulu pour fusionner les juridictions sociales attendre les rapports de l'inspection générale des services judiciaires et de l'IGAS ; vous avez préféré aller plus loin et inscrire les dispositions correspondantes dans la loi plutôt que d'accorder au Gouvernement une habilitation à légiférer par ordonnances.

Ce budget traduit aussi notre engagement à lutter contre le terrorisme. Avant même le premier plan de janvier dernier, j'avais pris une circulaire en novembre 2012 pour renforcer la surveillance des prisonniers radicalisés, sécuriser des établissements - 33 millions d'euros y ont été consacrés en 2013 - et lancer un programme de formation destiné à l'administration pénitentiaire mais aussi à la protection judiciaire de la jeunesse et au secteur associatif spécialisé.

En tout, 3 800 personnes ont été formées, la cible est de 11 000 personnes sur trois ans. De là nous vient le réseau de référents laïcité-citoyenneté dont voulait nous parler Cécile Cukiermann : il appuie les éducateurs, les psychologues, les jeunes eux-mêmes.

Dès 2014, nous avons lancé un appel d'offre pour une recherche action, remportée par l'Association des victimes du terrorisme. Depuis janvier, elle est à l'oeuvre pour élaborer une formation sur les détenus et la radicalisation. L'objectif est de mieux détecter les personnes en voie de radicalisation. Déjà, les détenus très radicalisés sont isolés, transférés aussi souvent que nécessaire, maintenus dans des quartiers dédiés, séparés des autres, mais aussi, séparés les uns des autres par l'encellulement individuel.

Le renseignement pénitentiaire a été renforcé : cette année, nous passons de 70 à 159 agents spécialisés ; ils seront 185 l'année prochaine. Le nouveau plan antiterroriste s'appuie sur toutes ces démarches engagées depuis 2012.

La réforme de l'aide juridictionnelle trouverait sa source dans le mouvement des avocats... Oui et non, car on sait par nombre de rapports depuis 2001, celui de M. du Luart, celui de Mme Joissains et M. Mézard, et d'autres, que le système est à bout de souffle. C'est pourquoi j'ai augmenté son budget chaque année : il est de 394 millions d'euros aujourd'hui, contre 275 millions d'euros en 2010. L'accès à la justice, c'est aussi la suppression du droit de timbre de 35 euros, qui produisait une recette de 60 millions d'euros ; nous l'avons compensée. Nous avons relevé le plafond de revenus à 1 000 euros pour l'accès à l'aide juridictionnelle et l'avons indexé sur l'indice des prix hors tabac. Cela se traduira par 100 000 bénéficiaires en plus. Nous avons également relevé de 12,5 % la rétribution des avocats, remplaçant les dix groupes de barreaux par trois groupes et réévaluant l'unité de valeur. La modernisation passe aussi par les applications informatiques Portalis et E-A-J. Les avocats ne souhaitent pas que s'applique dès maintenant la contractualisation : les discussions se poursuivent.

Quelques mots sur l'aide aux victimes après les attentats. Ce budget, au début de notre quatrième année budgétaire, aura été doublé. Il atteint 20 millions. Nous vous proposerons 5 millions de plus pour les associations, ce qui fait partie du budget de l'aide aux victimes. L'accompagnement individualisé a été inscrit dans la loi du 17 août 2015 après une expérimentation dans huit tribunaux de grande instance. Dans tous les TGI sera ouvert un bureau d'aide aux victimes. Enfin, avec les associations, nous avons créé des référents pour les victimes de terrorisme. Voilà les grandes lignes de cette politique qui se veut volontariste et innovante.

Je salue votre constance, votre détermination et votre engagement. Vos rapports alimentent notre réflexion, que ce soit sur la réforme pénale ou la justice du XXIe siècle. Merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)

ARTICLE 24 ETAT B

M. le président.  - Amendement n°II-240, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciairedont titre 2

139 319 58348 849 583

134 919 58348 849 583

Administration pénitentiairedont titre 2

156 375 02735 933 352

83 375 02735 933 352

Protection judiciaire de la jeunessedont titre 2

6 896 0002 765 000

6 896 0002 765 000

Accès au droit et à la justice

5 000 000

5 000 000

Conduite et pilotage de la politique de la justicedont titre 2

40 513 7804 643 780

36 753 7804 643 780

Conseil supérieur de la magistraturedont titre 2

TOTAL

348 104 390

266 944 390

SOLDE

+ 348 104 390

+ 266 944 390

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'amendement intègre la hausse des crédits que j'ai mentionnée. Les 2 500 nouveaux postes sont affectés en priorité à la justice judiciaire, pour l'antiterrorisme, 1 175 ETP. L'administration pénitentiaire se voit attribuer 1 100 ETP, la protection judiciaire de la jeunesse 75 et les services généraux 150.

Nous devons faire un bond informatique, nous sommes très en retard par rapport aux cybercriminels. D'où des crédits et des effectifs pour la plateforme des interceptions judiciaires mais aussi pour l'équipement de nos magistrats : 4 000 magistrats du parquet ont été équipés de tablettes et de téléphones portables. Il y a un vrai rattrapage à faire : nous avons l'intelligence, l'expérience, la connaissance, la capacité d'anticipation, nous devons aussi avoir la technologie. Nous augmentons les frais de justice de 54 millions d'euros pour que les magistrats aient les moyens de mener leurs enquêtes, de faire procéder à des expertises, des études...

Nous renforçons également les juridictions inter-régionales spécialisées, élément important pour lutter contre le terrorisme et son lien avec la criminalité organisée. Enfin, pour l'administration pénitentiaire, des crédits sont inscrits pour la sécurité des bâtiments mais aussi pour l'attractivité des carrières.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial.  - Avis favorable. Dès janvier, je souhaitais que l'accent soit mis sur la justice judiciaire plutôt que sur l'administration pénitentiaire. Cependant, où en sommes-nous sur la modernisation des établissements ? Je vois dans votre budget que la construction d'établissements est accélérée...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Je me réjouis des créations de postes de magistrats. À quel moment les postes nouveaux seront-ils pourvus ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Plusieurs établissements pénitentiaires feront l'objet de travaux ; 4 millions de crédits de paiement sont prévus pour les études techniques. L'appel d'offres pour le centre pénitentiaire de Lutterbach a été lancé. Depuis deux ans, au sein du Conseil national de l'exécution des peines, nous réfléchissons à l'architecture pénitentiaire, à la localisation des bâtiments et à leur dimension. Ces derniers temps, nous avons eu tendance à construire dans des zones éloignées, ce qui fait obstacle aux visites, importantes pour la future réinsertion des détenus.

Grande question que la formation ! On m'a demandé de réduire la durée de celle des magistrats, qui est de 31 mois : j'ai refusé. Nos promotions sont de plus de 300 élèves magistrats ; très exactement 382 en 2015 contre 144 en 2010. L'année qui vient sera un cru exceptionnel, avec le niveau jamais atteint de 482.

Sachant qu'il y a 300 départs à la retraite par an, il aurait fallu faire beaucoup plus sous la précédente législature pour, sinon augmenter les effectifs, au moins les renouveler. Pour la première fois cette année, le solde est positif, modeste certes, 49 emplois, mais déjà 100 l'année prochaine. La formation des surveillants est, quant à elle, de huit mois.

M. René Vandierendonck.  - Nous sommes à votre disposition pour réfléchir au financement des établissements, et notamment du recours aux partenariats public-privé.

L'amendement n°II-240 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-207, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciairedont titre 2

Administration pénitentiairedont titre 2

Protection judiciaire de la jeunessedont titre 2

Accès au droit et à la justice

300 000

300 000

Conduite et pilotage de la politique de la justice  dont titre 2

300 000

300 000

Conseil supérieur de la magistraturedont titre 2

TOTAL

300 000

300 000

300 000

300 000

SOLDE

0

0

 

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - Cet amendement abonde les crédits de la médiation familiale, qui est l'un des axes du programme sur la justice du XXIe siècle. Ce mode alternatif de traitement, qui soulage les juridictions de nombreuses procédures, donne de bons résultats.

Nous prélevons de 2 % seulement les crédits du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » pour améliorer ceux du programme « Accès au droit et à la justice » de 10 %.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial.  - Avis favorable. Cela limitera les contentieux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - J'approuve votre suggestion. Cependant, permettez que je vous cherche querelle sur les chiffres. Vous prélevez non pas 10 mais 24 % des crédits de recherche du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice », si l'on retranche les rémunérations. La médiation donne de bons résultats là où elle est expérimentée, à Bordeaux ou Arras, et je suis favorable à votre proposition. Nous trouverons les 300 000 euros ailleurs que sur les études. La recherche est tellement nécessaire à la justice ! Nous avons besoin de cette pensée dynamique...

L'amendement n°II-207 est adopté.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - Merci de votre soutien à la médiation, qu'on considérait auparavant comme une lubie d'associations de féministes... et que la France a eu beaucoup de mal à considérer comme une dimension de la justice. Merci de votre action et de votre réactivité, l'amendement II-240 nous convient parfaitement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Merci.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

Prochaine séance, demain, vendredi 27 novembre 2015, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 15.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du vendredi 27 novembre 2015

Séance publique

À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Mme Françoise Cartron, vice-présidente

M. Hervé Marseille, vice-président

Secrétaires : MM. Jean Desessard et Christian Cambon

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale (n° 163, 2015 2016)

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 164, 2015-2016)

- Recherche et enseignement supérieur ;

- Défense ;

- Engagements financiers de l'État ;

- Régimes sociaux et de retraite ;

- Remboursements et dégrèvements ;

- Aide publique au développement (+ article 48).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 74 sur la motion n° 1, présentée par M. Jean-Marie Vanlerenberghe au nom de la commission des affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2016

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :188

Contre :155

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 41

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault, Président de séance

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier