Fiscalité des intercommunalités

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème « Nouvelles organisations intercommunales et harmonisation de la fiscalité locale » à la demande du groupe UDI-UC.

Mme Françoise Gatel, au nom du groupe UDI-UC .  - La loi NOTRe a lancé un très vaste chantier de réforme des intercommunalités. Au premier janvier, le nombre d'EPCI à fiscalité propre sera réduit de 40 %.

L'application de la loi NOTRe nous a convaincus que la perfection n'était vraiment pas de ce monde. Certains préfets ont voulu créer des intercommunalités XXL, à caractère disparate. La proposition de loi de Jacqueline Gourault et Mathieu Darnaud devrait en faciliter la gouvernance.

En mars, le président d'une métropole de plus de 400 000 habitants accepte avec enthousiasme l'intégration d'une commune de 1 200 habitants ; en juin, il revient en arrière pour des raisons fiscales. Chacun mesure les effets désastreux pour la commune d'un tel revirement.

La recherche de la neutralité fiscale pose d'autant plus problème dans un contexte de réduction de dotation de l'État, d'extension des compétences et des dépenses obligatoires.

On nous a vanté « l'acte III de la décentralisation » mais on a omis de prendre en compte les conséquences fiscales de la recomposition de l'intercommunalité. Il a déjà fallu cinq ans pour absorber la réforme de la taxe professionnelle. L'État a voulu faire de l'intercommunalité la gare de triage des redistributions fiscales mais cela ne fonctionne pas du fait de la disparité des communes. Les exonérations de taxes foncières ont envoyé un mauvais signal.

Comment deux intercommunalités fusionnées peuvent-elles voir leurs recettes réduites par les variations d'attributions de compensation ? Neutraliser les effets nécessite une large majorité au Conseil communautaire, difficile à obtenir. L'intercommunalité peut devenir un lieu de péréquation sauvage...

M. Jacques Mézard.  - « Sauvage » est le mot.

Mme Françoise Gatel.  - ...et de calcification des égoïsmes communaux. Ce n'est pas au EPI de jouer le rôle de variable d'ajustement. S'agissant des dotations de l'État, les fusions de groupements ont des impacts importants en raison notamment des variations de potentiel fiscal. Or le jeu se joue à enveloppe fermée, et dépend du nombre d'intercommunalités.

Le débasage du taux de taxe d'habitation départemental en cas de fusion d'EPCI est prévu par le code des impôts, mais dans certains départements, les DGFip le refusent.

L'incapacité de lissage crée une hausse de la fiscalité insupportable pour certaines collectivités territoriales et crée des crispations. Laissons le choix de lissage aux élus.

Et que dire des prélèvements sur les dotations forfaitaires aux communes pour leurs dépenses d'aide sociale ? Certains EPCI les reversent traditionnellement aux communes. Comment étendre à l'EPCI le cadre de la taxe de séjour avant le 1er janvier 2017 ? Quant à la fiscalité des ménages, l'article du CGCT est encore inapplicable faute de doctrine...

Le taux moyen pondéré peut être artificiellement rehaussé par une fusion, certaines communes ayant intégré dans leur fiscalité les sommes nécessaires à l'exercice de compétences transférées, comme le traitement des ordures ménagères.

Les nouveaux Schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) entreront en vigueur dans six mois et manque encore une étude des impacts financiers et fiscaux de la loi NOTRe. Nous l'avions pourtant dit, il faut répondre aux questions : qui fait quoi, comment, avec quoi ? Or la loi NOTRe a traité tous les sujets sauf de la fiscalité.

À quelques mois du débat budgétaire, j'espère que le Gouvernement saura tenir compte de ces remarques. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE)

M. René Vandierendonck - Très bien !

M. Jacques Mézard .  - Madame la ministre, vous qui êtes pour la suppression des départements et la dévitalisation du Sénat, vous verrez que nous avons encore de l'avenir !

M. Philippe Dallier.  - Cela commence fort !

M. Jacques Mézard.  - L'introduction des seuils artificiels fragilise les collectivités territoriales, comme l'a signalé l'Association des maires de France (AMF).

L'application de la loi NOTRe renforcera les distorsions fiscales, compte tenu de l'historique des collectivités territoriales, des différents statuts des collectivités territoriales, des délais, des contraintes de l'application de la réforme dans un contexte tendu de ces dotations.

Mme Gatel a très bien rappelé l'acte 3 de la décentralisation, vraie tragédie pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur tous les bancs hormis ceux du groupe socialiste et républicain)

M. Claude Raynal.  - Ce n'est pas du tout exagéré !

M. Jacques Mézard.  - Les élus devront manoeuvrer dans tous ces taux et assiettes pour éviter que les contribuables locaux ne soient pénalisés. L'harmonisation fiscale dès la première année est décisive.

Il y a le discours officiel : « Cela va mieux ». Et il y a la réalité du terrain. (Approbation à droite) La DGfip est incapable de donner des éléments aux élus. Les cabinets privés ne peuvent pas les aider davantage, faute de pouvoir être partout à la fois. Vous découvrirez, madame la ministre, ces réalités de terrain à la fin de l'année et début 2017. De nombreuses délibérations devront être prises dans la précipitation, comme pour la fixation de bases minimum pour la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Le Sénat a voté un texte pour reporter d'un an l'application de cette loi. Le Gouvernement n'en a pas voulu, voilà la réalité. Et les difficultés seront de plus en plus lourdes dans les mois qui viennent. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE)

Le Gouvernement est incapable de donner les explications techniques justifiant les dotations qui nous seront affectées.

M. Charles Guené.  - Exact.

M. Jacques Mézard.  - Les communautés d'agglomération seront les principales victimes des choix réalisés il y a un an et demi, quand le Gouvernement a fait en sorte qu'un grand nombre de communautés d'agglomération deviennent des communautés urbaines.

Nous attendons aujourd'hui des réponses précises à des questions précises. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE)

M. Charles Guené .  - L'application des nouveaux périmètres aboutira à une réduction de 2 065 à 1 240 EPCI, le nombre moyen de communes intégrées passera de 17 à 29. C'est une révolution quasi copernicienne dans la géographie et la culture locale ! Dans un contexte de crise et de baisse des dotations, on imagine le son mélodieux du concept d'harmonisation fiscale.

En voulant des intercommunalités XXL, on impose le mariage de la carpe et du lapin, sans que les conjoints puissent envisager un positionnement stable et conforme à leurs morphologies respectives, ni faire bon ménage, avec des conditions de majorité très strictes. Les accords locaux sont quasi inapplicables en cas de fusion de collectivités territoriales de taille très hétérogène.

Dans ces conditions, il serait bon que les pôles d'équilibre territorial rural (PETR) cessent d'être considérés comme des obstacles à la structure intercommunale : ils peuvent constituer une bonne transition vers cet eldorado, voire une alternative. L'administration devrait les favoriser plutôt que de leur chercher des poux juridiques !

Il faudrait généraliser le modèle de l'intercommunalité à fiscalité professionnelle unique, qui concerne actuellement 60 % des EPCI, la proportion devant atteindre 72 % en 2017 ; il restera alors 304 groupements à fiscalité additionnelle. Une simplification s'impose ! Nous regrettons de n'avoir pas fait coïncider la réforme des dotations avec celle-ci.

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

M. Charles Guené.  - Assurons plus de souplesse pendant la période de fusion, pour utiliser des leviers utiles comme la taxe sur le foncier bâti pour disposer d'un taux plus important et neutraliser les écarts. Idem pour la CVAE.

Cela suppose la généralisation des attributions de compensation. Il conviendrait d'instiller plus de souplesse, notamment dans la période charnière des fusions, pour alléger parfois cette tutelle. Cela permettrait d'actionner des leviers utiles, comme l'unification des taux de la taxe sur le foncier bâti, totalement ou seulement pour la fraction acquittée par les entreprises, et cela par simple jeu des attributions de compensation. Celles-ci représentent 9,3 milliards d'euros reversés aux communes sur les 14,6 de fiscalité hors DCRTP.

Les DGFip doivent nous communiquer les informations avant le 1er octobre. Nous sollicitons votre concours pour plus de souplesse et des délais fiscaux adaptés. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nathalie Goulet .  - Devant la situation de fait accompli, le désarroi et le découragement des maires, j'avais proposé une question d'actualité sur ce sujet. Merci au groupe UDI d'avoir proposé ce débat.

L'augmentation des quatre taxes résultant des fusions de communes, c'est de l'usure : à Vimoutiers, la taxe d'habitation est passée de 9,98 % à 16,57 %, la taxe foncière sur le bâti de 4,71 % à 19,09 %, la taxe foncière sur le non bâti de 5,58 % à 16,09 %, la cotisation foncière des entreprises de 8,19 % à 15,23 % ! On augmente les taux et on laisse de côté les bases.

Il n'y a aucun suivi de la réforme de la taxe professionnelle. Une commune telle que Coulimer subit une hausse énorme du Fngir.

Autorisez donc les préfets à distraire une partie de la DETR pour mettre des experts comptables à disposition des communes. Permettez aux communautés de communes d'établir une comptabilité analytique, par commune, pour que chacun y voie clair. Reconnaissez aux associations départementales des maires le rôle d'interlocuteurs naturels des préfets. Autorisez, sous le contrôle du préfet, les communes et EPCI à partager librement leurs ressources et leurs charges. Les maires vous en seront reconnaissants. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Éric Bocquet .  - Ce débat procède du constat obligé d'une situation prévisible. L'une des incitations au développement de l'intercommunalité a toujours été de gratifier les participants de quelques menus avantages en termes de dotations. L'intégration fiscale la plus forte est encouragée. Quand l'intercommunalité fut encouragée, elle allait de pair avec une réforme fiscale affectant singulièrement les recettes de taxe professionnelle du fait de la suppression de la base salaires. Et cette fois, c'est dans le contexte de disparition de la taxe professionnelle, avec une contribution économique territoriale bien moins dynamique. Le gel, puis la baisse, des dotations a incité les élus locaux à augmenter la pression fiscale.

Depuis toujours, nous sommes partisans de la décentralisation mais cela ne peut signifier un simple transfert de charges de l'État aux collectivités territoriales !

À Saint-Pierre des Corps, l'agglomération possède la compétence économique si bien que l'existence d'un service économique peut sembler superflue. Elle a au contraire tout son sens vu ce qu'un tel service apporte de connaissance du tissu économique, pour la qualité de la main d'oeuvre, pour les conseils qui peuvent être apportés aux acteurs économiques. Les dirigeants des entreprises se tournent vers les maires qui doivent trouver un effort éthique : nous, élus, sommes là pour agir.

L'avantage comparatif des taux d'imposition s'estompe de plus en plus, et forme les différences entre structures intercommunales. Cela augmente la part de la fiscalité pesant sur les ménages.

La fiscalité locale est indissociable de toutes les difficultés des collectivités territoriales. Pour plus de compétitivité des territoires, on a baissé le rendement de la CET par rapport à la taxe professionnelle. L'essentiel de la contribution est arbitrairement réparti.

Aujourd'hui les entreprises peuvent s'en abstraire. Plutôt que d'inciter à l'investissement productif, la contribution économique territoriale est devenue un encouragement à l'investissement de simple remplacement des capacités actuelles et à l'externalisation accrue des fonctions de l'entreprise.

M. René Vandierendonck.  - Très bien.

M. Éric Bocquet.  - Ce n'est que justice que la collectivité territoriale assure les services dont les entreprises ont besoin. Tirons les conséquences sur les évolutions cadastrales.

La semaine dernière, un sondage a rappelé l'attachement très fort de nos concitoyens aux structures communales et intercommunales. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur quelques autres bancs)

M. Claude Raynal .  - Le débat de ce matin, une semaine après le Congrès des maires, a bien des choses à clarifier. La nouvelle carte intercommunale entrera en vigueur au 1er janvier 2017. Des ajustements seront nécessaires lors de la prochaine loi de finances. Le 1er janvier 2017 sera le terme d'un processus long, avec plusieurs textes législatifs. C'est une réforme territoriale profonde qui sera réalisée, une nouvelle étape de l'intercommunalité avec une meilleure coopération au sein de projets de territoires.

Toutes les communes de France appartiennent à une intercommunalité. On aura désormais 1 200 intercommunalités, contre 2 000 avant. Les métropoles démontrent aussi la capacité d'adaptation institutionnelle du Gouvernement. Voyez le statut sui generis de Paris et Lyon et Aix-Marseille-Provence. (On ironise au centre et à droite) Les communes nouvelles fédèrent les hommes et les projets de départements en territoire rural.

Ces réformes nécessitent des ajustements. La référence institutionnelle pourra avoir des effets importants comme la généralisation de la fiscalité professionnelle unique. Nous avons à terme 72 % de groupements à fiscalité unique, contre 60 % aujourd'hui, ceux à fiscalité additionnelle passeront de 753 à 304.

Il existe encore huit catégories même si la fiscalité mixte se généralise. Simplifions rapidement la catégorisation des groupements en deux ou trois groupes. Le contexte actuel est très différent du premier schéma départemental de coopération intercommunale de 2010. À terme, le nombre de groupements est divisé par deux. Les projets de fusion sont plus complexes, bloc à bloc, ou après éclatement des communautés existantes, avec des modifications de compétences, etc. Les délais sont courts, alors qu'il faudra tenir compte des conséquences fiscales au 1er janvier 2017.

Fiscalement, est généralisée la fiscalité professionnelle unique. Les conséquences des fusions sont importantes pour les collectivités territoriales et les citoyens avec de nombreux changements de catégorie juridique. Nous recherchons tous la neutralité fiscale et financière. La loi offre différentes possibilités d'ajustement des taux, mais la convergence des taux nécessite une unification des politiques d'abattement communautaires, faute de quoi il faudra accepter un report d'un an. Il est possible de neutraliser les variations de taux par des attributions de compensation, mais cela nécessite une majorité des deux tiers des conseillers communautaires et l'accord de toutes les communes concernées. Peut-être faudrait-il rendre la procédure obligatoire ?

L'harmonisation des taux de cotisation foncière des entreprises ne semble pas poser problème. Peut-être faudrait-il en revanche donner plus de temps pour vérifier les politiques d'exonération de CFE et de CVAE.

S'agissant de la cotisation minimale à la CFE, elle demeure la première année puis, à défaut de nouvelle grille d'imposition, une nouvelle base minimale égale à la moyenne des bases minimales existantes s'appliquera automatiquement. Il peut en résulter des écarts importants pour les contribuables.

Depuis la loi de finances rectificative 2015, l'intercommunalité peut instaurer une nouvelle grille d'imposition. Mais les bases ne peuvent changer de plus de 5 %. Faisons évoluer le dispositif.

Le partage de la CVAE pour des intercommunalités à fiscalité additionnelle peut faire l'objet d'ajustements. Ayons un débat sur les conditions de lissage.

La question du rebasage du taux de taxe d'habitation des communes est extrêmement embrouillée et l'administration fiscale elle-même n'a pas une position claire. Le mieux serait sans doute de rendre le débasage automatique, quelle que soit la date de création du groupement

La réforme de la DGF fait l'objet de travaux au Sénat et à l'Assemblée nationale. La référence de la dotation de centralité sera aussi examinée.

Le président de la République a annoncé que l'effort des collectivités territoriales serait de 300 millions d'euros contre 620 millions d'euros prévus initialement.

Au-delà de la loi, les communes et les intercommunalités doivent adapter ces nouvelles organisations intercommunales. Faisons-leur confiance. Les pactes doivent être noués dans chaque intercommunalité avec les communes membres. Seule la concertation permettra une péréquation la plus efficace.

Dans un rapport, l'OCDE souligne la nécessité de renforcer les investissements à l'échelon intercommunal. (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Poher .  - Plutôt que de jongler avec des acronymes financiers incompréhensibles, je vous raconterai la folle vie d'une petite communauté de communes qui a vu le jour en 1997. Je l'appelle « La Petite Cécé ». (Marques de curiosité amusée) Elle n'est pas loin d'une grande ville, plutôt rurale : bourg-centre de 5 000 habitants, la plus petite commune compte 80 habitants, le tout noyé dans une agriculture omniprésente. Son père fondateur voulait qu'elle soit un peu plus grande pour pouvoir montrer un certain poids face à l'agglomération voisine ; c'était sans compter sur des rancoeurs ancestrales, sur une politisation inadéquate et sur un préfet qui n'avait pas aidé en jurant que jamais l'État ne forcerait une commune à entrer contre son gré.

La Petite Cécé compte 15 communes, 15 000 habitants, dans un territoire de projet. Tout se passait harmonieusement, hormis un faux pas dans les ordures ménagères, même si elle n'était pas très riche.

Chapitre 2, le premier mariage. En 2013, La Petite Cécé est âgée d'à peine 16 ans. Le préfet lui demande de rendre service : « Il y a à côté de chez vous, une communauté de communes qui n'est pas très bien financièrement et nous allons la faire disparaitre. Pouvez-vous intégrer huit de ses communes ? » Mais là, commencèrent à apparaitre quelques problèmes : intégration du personnel, taux d'imposition différents, avantages financiers issus de leur vie antérieure. Heureusement, c'était une intégration et dans une intégration, les entrants doivent respecter les conditions du recevant. En 2014, la Petite Cécé passe de 15 à 23 après un mariage de commodité.

Chapitre 3 : un deuxième mariage à la suite de la loi NOTRe. (Rires)

Mme Françoise Laborde.  - C'est de la polygamie !

M. Hervé Poher.  - Or à côté de la petite communauté de communes, un EPCI trop petit est sollicité. Petit mais très très riche. La Petite Cécé passe de 23 à 28, élabore un contrat de mariage. Mais impossible d'avoir une estimation de la dotation globale de fonctionnement, de la péréquation. On découvre des absurdités. La Petite Cécé mariée à une commune riche risque d'être plus pauvre qu'avant. Imaginez : deux mariages en trois ans ! (Rires)

Une intercommunalité n'est pas qu'un trait de stabilo. Il faut laisser du temps, ne pas omettre le poids des habitudes locales, ne pas s'abandonner aux algorithmes, ne pas laisser les comptables tuer les philosophes ! (Applaudissements admiratifs sur tous les bancs)

M. François Commeinhes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je félicite Hervé Poher qui a décrit la situation avec humour. Je parlerai de la refonte précipitée de la carte intercommunale dans un contexte financier difficile.

Dans l'Hérault, le préfet va au-delà des préconisations de la loi NOTRe. Or la fusion, au vu des écarts de taux, peut modifier de façon importante la pression fiscale. L'écart de taux de la CFE n'atteint que 15 %, ce qui empêche le tissage permis par la loi. La neutralité affichée par le Gouvernement est un voeu pieux... L'Association des communautés de France rappelle que le financement des compétences nouvelles peut se traduire par des hausses de fiscalité.

D'autres questions se posent : évolutions des nouveaux paniers de ressources et de charges, agrégation des dettes et des budgets, recettes et dépenses issues de la fusion, programmes d'investissement en cours...

Les redécoupages en cours de mandat sont une aberration qui va jusqu'à remettre en cause le pacte fiscal et financier au sein des EPCI. Cette complexité pousse beaucoup d'entre eux et de CDCI à souhaiter un report des échéances, faisant écho à la proposition de loi de M. Mézard. Il faut entendre le message des élus des territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Joël Guerriau .  - Les implications fiscales et financières de la nouvelle carte intercommunale issue de la loi NOTRe n'ont pas été évaluées.

En Loire-Atlantique, nous faisons face en la matière à des difficultés ; les mécanismes de lissage sont difficilement lisibles et éloignent les citoyens du fait intercommunal. Ces problèmes techniques fragilisent la viabilité de certains projets de fusion. Les racines en sont profondes, notamment parce que les ressources du bloc communal ont été définies dans un autre contexte économique et avec des dotations de l'État qui suivaient l'inflation... La fiscalité locale est archaïque et inadaptée, l'acte III de la décentralisation ne s'en est pas préoccupé. Comment faire converger les fiscalités sans pénaliser population et entreprises ? Comment en répartir le produit ? Quelle gouvernance pour décider de la répartition ? Quel calendrier, quelles mesures de transition ?

Plus le territoire intercommunal est large, plus il risque d'être hétérogène. Les communes les plus peuplées ne sont pas nécessairement les plus dynamiques économiquement. Attention au « big is beautiful »... La solidarité intercommunale doit jouer, mais dans quelles proportions et conditions ? Le passage de la fiscalité additionnelle à la fiscalité unique n'est pas sans effet sur les dotations et la péréquation. Comment parvenir à une gouvernance où les communes sont justement représentées ?

La réforme de la fiscalité locale est inenvisageable à un an de l'élection présidentielle. Il faut du temps, du dialogue, de la stabilité. La solution n'est-elle pas de s'inspirer de ce qui est fait pour les communes nouvelles, attribuer un bonus, faire un geste financier particulier pour faciliter les fusions ou extensions les plus déséquilibrées ? Nous y reviendrons lors de la réforme de la DGF.

En attendant, madame la ministre, entendez nos inquiétudes. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Daniel Chasseing .  - Depuis plusieurs années, les élus sont continuellement en réunion pour appliquer les réformes voulues par les gouvernements successifs. Ils demandent la fin de ce chamboulement continuel et davantage de stabilité. Chaque année, des réformes... Le Sénat a joué un rôle décisif en maintenant le département et le seuil de 5 000 habitants pour les communautés de communes en zone de montagne. Le seuil de 20 000 peut conduire à des territoires immenses. Nos compatriotes veulent des EPCI à taille humaine et une fiscalité acceptable, le soutien de l'État ; ils souhaitent avoir leur mot à dire.

Les communes nouvelles permettent de rationaliser les investissements, mais la baisse importante des dotations - 26 milliards sur quatre ans - oblige ou à augmenter les impôts locaux, ou à freiner les investissements, souvent les deux... Les hiérarques parisiens reprochent aux intercommunalités d'avoir trop embauché. Mais elles ont mis en place de nouveaux services au public pour développer les territoires et y maintenir la vie. Pour éviter la désertification, il faut maintenir la médecine de premier recours, créer des zones franches, lutter contre les zones blanches - mais les collectivités territoriales doivent avancer 20 à 30 % de l'investissement, des sommes souvent considérables pour les EPCI ruraux.

Une autre épreuve attend les élus et la population, la nouvelle fiscalité liée aux fusions. La Corrèze est passée de vingt à neuf intercommunalités, avec les bouleversements fiscaux qui s'ensuivent. Les recettes fiscales des communes peuvent beaucoup diminuer... ou la CFE augmenter très sensiblement. La résolution de ce problème est capitale.

Le reste de l'année 2016 doit être consacré à faire le point pour éviter de mauvaises surprises à nos concitoyens. L'État doit être présent, les petits EPCI ne peuvent pas se payer de bureaux d'étude. L'échéance du 1er janvier 2017 est trop proche ; comme l'a proposé M. Mézard, l'échéance doit être repoussée d'un an.

Les élus souhaitent le maintien des départements en zone rurale, le maintien des incitations à la création des communes nouvelles, surtout de la stabilité et le soutien de l'État. L'État doit avoir la volonté politique d'aménager tous les territoires, d'y maintenir l'activité et la vie. (Applaudissements des bancs du groupe RDSE au groupe Les Républicains)

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - Dans le contexte de profonde réorganisation de la carte intercommunale, ce débat est opportun. Le président de la République, lors de son discours de clôture du Congrès de l'AMF, a répondu aux attentes des élus en diminuant de moitié la contribution du bloc communal au redressement des finances publiques l'an prochain, qui sera d'un milliard d'euros au lieu de deux milliards. Le Fonds exceptionnel de soutien à l'investissement est reconduit et porté à 1,2 milliard, dont 600 millions d'euros pour les petites villes et la ruralité ; l'enveloppe de la DETR, portée à un milliard d'euros, permettra de financer les contrats de ruralité.

Le président de la République a aussi annoncé un projet de loi spécifique de réforme de la DGF, en laissant le temps au Parlement et au Comité des finances locales de la préparer. Pour être moi-même élue locale, je partage l'expérience du président Mézard. Des travaux sont en cours dans les deux assemblées, dont le rapport de MM. Mézard, Dallier et Guené. Il y a là des pistes de réflexion intéressantes. L'article 150 du projet de loi de finances pour 2016 prévoit le lissage des catégories d'EPCI pour éviter les ressauts de DGF.

Une réforme du zonage des ZRR s'imposait. Le Gouvernement a proposé d'aller vers davantage de simplicité et d'équité. Le classement en ZRR se fera à l'échelle des EPCI, et sa durée sera alignée sur celle du mandat municipal. Adoptée par le Parlement en 2015, la réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2017.

Un mot de la gouvernance, sujet évoqué notamment par Mme Gatel. À la suite de la question prioritaire de constitutionnalité du 20 juin 2014, MM. Richard et Sueur ont déposé une proposition de loi pour réintroduire la possibilité de conclure des accords locaux, tout en respectant la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le texte a été promulgué le 9 mars 2015. Même si les dispositions du nouveau texte ne répondent pas à toutes les situations, c'est la meilleure solution possible au regard des marges très étroites que laisse le Conseil constitutionnel.

Concernant la fin anticipée des mandats, le Conseil d'État a approuvé en creux la disposition en refusant de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. Si, dans certains cas, la nouvelle représentation n'est pas totalement satisfaisante, elle s'applique ; je suis prête à examiner d'autres options pourvu qu'elles soient constitutionnellement solides. Une proposition de loi a été déposée par Jacqueline Gourault qui prévoit, sans modifier les règles de répartition, d'ajuster le tableau de la loi du 16 décembre 2010. Nous en reparlerons.

La fiscalité locale représente une part importante du financement du bloc communal : 63,4 milliards d'euros en 2015, soit 58 % des recettes réelles de fonctionnement. L'État y participe à hauteur de 10 milliards par le biais des dégrèvements. Avec 53 milliards d'euros, la fiscalité directe locale en constitue la part la plus importante. C'est un élément fort de la libre administration des collectivités territoriales. Les recettes sont dynamiques, qui ont augmenté de 4,6 % en 2015 sous l'effet de la progression des bases. La fiscalité est un rouage essentiel de la démocratie de proximité, tout particulièrement en ce moment.

Les citoyens contribuables sont d'autant plus soucieux de bonne gestion qu'ils en voient les effets. Mais l'équité territoriale n'est pas toujours au rendez-vous, les bases sont inégalement réparties ; et les communes qui ont les plus fortes recettes ne sont pas nécessairement celles qui en ont le plus besoin. En outre, une concurrence mal maîtrisée peut se développer entre les territoires... État, régions, départements agissent pour leur aménagement ; et la péréquation atténue les effets négatifs, mais la meilleure réponse, c'est le développement de l'intercommunalité.

Après la loi NOTRe, les préfets ont fait des propositions sur le fondement du seuil de 15 000 habitants. Les schémas d'intercommunalité ont été arrêtés le 31 mars, conseils municipaux et organes délibérants des EPCI doivent se prononcer. La consultation actuelle devrait aboutir à 1 300 EPCI au 1er janvier 2017, contre 2062 aujourd'hui. Les intercommunalités dites XXL, le Pays basque et le Cotentin, sont le reflet de projets de territoire porté par une large majorité d'élus. Il y aurait 14 EPCI de plus de cent communes, neuf existent déjà. La CDCI est souveraine et le préfet n'y vote pas, je le rappelle. Les EPCI « XXL » émanent d'une volonté des territoires.

M. Charles Guené.  - Pas tous...

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Le rôle de l'État est d'accompagner au mieux les mutations. Une circulaire donne des délais et de la souplesse pour la prise de compétences des ensembles fusionnés. Les services de l'État ont de même instruction d'aider les communautés à anticiper, de les informer sur les enjeux financiers et patrimoniaux. Des fiches techniques font le point des différentes questions, fixation des taux, attributions de compensation, financement des transferts... Des hausses d'impôt trop brutales nuiraient à l'adhésion aux projets de regroupement, nous en sommes tous convaincus.

Dans les EPCI à fiscalité professionnelle unique, une intégration sur douze ans est d'ores et déjà possible si les écarts de taux pour chaque taxe excèdent 10 %. C'est à ce genre de dispositions qu'il faut recourir plutôt qu'à un report généralisé de la réforme. Le président de la République l'a dit, nous n'y sommes pas favorables.

Ce qui été voté doit être appliqué, un ajournement serait contreproductif ; il faut désormais de la stabilité et de la lisibilité. Le Gouvernement est prêt, en revanche, à envisager des aménagements. La période de lissage de cinq ans pour le versement transport pourrait être allongée. De même, en matière d'attribution de compensation, il importe de voir si le droit actuel est suffisamment souple pour que les communes qui le souhaitent puissent neutraliser les conséquences du nouveau périmètre intercommunal sur les taux d'imposition la première année du regroupement. Les textes pourront évoluer en tant que de besoin pour rendre effective une mise en oeuvre sans brutalité des nouvelles fiscalités intercommunales.

Plusieurs intervenants ont évoqué la généralisation de la FPU, proposition issue de l'excellent rapport Raffarin-Krattinger de 2013. Le sujet mérite d'être examiné. La pertinence des différentes catégories d'EPCI doit aussi être interrogée dans un souci de simplification.

Mme Gatel m'a interrogée sur la taxe de séjour. Il est envisagé de repousser la date limite au 15 janvier en cas de fusion.

Mme Goulet a évoqué la question des communes nouvelles, à laquelle le Gouvernement est attentif. Nous accompagnons la proposition de loi Sido sur les communes associées. À Vimoutiers, les services fiscaux ont transmis des simulations sur les effets du regroupement sur les taux d'imposition - qui peuvent, je le rappelle, être lissés sur douze ans. Il y a en réalité peu de solutions... sinon la difficile actualisation des valeurs locatives...

Mme Nathalie Goulet.  - Bel effort !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Une commune qui quitte un EPCI pour un autre peut récupérer son prélèvement au titre du Fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR). Sur délibérations convergentes, il peut être transféré à l'EPCI à compter de la deuxième année, et nous envisageons de le rendre possible dès la première année.

Des cas de hausse des taux ont été cités. L'alignement est un élément de la solidarité entre les territoires, un outil d'atténuation de la concurrence.

La refonte de la carte intercommunale sera mise en oeuvre le 1er janvier 2017. Le Gouvernement a mené des actions d'adaptation et en envisage d'autres. Je suis attentive à tous vos questionnements, pour une mise en place de la réforme la plus harmonieuse possible. C'est la feuille de route de mon ministère, l'engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)