Transport public particulier de personnes (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.

Discussion générale

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Cette proposition de loi est le résultat d'un remarquable travail de concertation mené par le député Grandguillaume dans un contexte tendu. Contrairement à ce que soutiennent certains acteurs du secteur, elle reçoit l'approbation très majoritaire des organisations syndicales et professionnelles.

Le secteur du transport public particulier de personnes connaît un développement heurté. Certes, des acteurs nouveaux et des services innovants apparaissent ; mais cela se traduit par la déstabilisation du secteur, la paupérisation des professions historiques et la création d'emplois vite devenus précaires.

Ce texte est un texte d'équilibre pour que chacun puisse travailler à un rythme de travail et à un salaire décents. Le problème est mondial : au Royaume-Uni, le juge a reconnu la qualité de salarié à un chauffeur de VTC ; aux États-Unis, un juge a refusé d'homologuer une transaction car l'indemnité ne prenait pas en compte la gravité du préjudice subi. Partout s'impose la nécessité d'une régulation.

Ce qui est particulier à la France, c'est le détournement de la loi Loti, la création d'emplois de chauffeur avec pour seules conditions la détention d'un permis de conduire et un certificat médical. La fraude est massive, comme l'a elle-même noté votre commission. Le secteur ne pourra se développer que dans un climat apaisé, avec la prise en compte par les plateformes des conditions sociales des conducteurs.

Je suis depuis le mois de mars en charge de la coordination interministérielle, au travers de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. Il est temps de penser le secteur comme un tout cohérent et d'envisager sa structuration durable.

J'avais dressé une feuille de route, abordant tous les sujets, et ouvert une concertation avec tous les acteurs : taxis, VTC, chauffeurs Loti. Quatre groupes de travail ont été constitués autour de l'accès au métier, du contrôle, de la gouvernance et du fonds de garantie pour les taxis. Il fallait que la confiance revienne. Le 7 juillet, je les ai tous réunis autour de la table : c'était inédit ! Une prise de conscience a bien eu lieu, celle d'une responsabilité collective pour l'avenir du secteur. Il fallait avancer vite.

Les traductions concrètes de cette concertation sont déjà visibles. Une nouvelle signalétique des VTC, plus claire et plus sécurisée, sera en vigueur dès le début de 2017. Un référentiel commun sanctionné par un examen commun a été établi. Le Gouvernement souhaite charger les chambres des métiers d'organiser ce dernier. Les critiques et les craintes que j'entends sont infondées : on entendait les mêmes lorsqu'il avait été question de les charger de la formation des autoentrepreneurs ; on n'en entend plus parler... La commission a supprimé l'article 6, estimant que cela relevait du pouvoir réglementaire. Je n'entrerai pas dans ce débat juridique mais réaffirme le choix du Gouvernement des chambres de métiers.

La loi de 2014 prévoyait déjà une base de données sur les licences de taxi. Elle vient enfin d'être constituée. Grâce à elle et aux 900 000 données qu'elle contient, nous aurons une meilleure vision du secteur et pourrons mieux légiférer.

Cette proposition de loi vise à décloisonner, à rapprocher les règles, à renforcer la régulation des plateformes, à éviter les détournements du code des transports et du code du travail. Ainsi l'utilisation du statut de chauffeur Loti sera interdite pour l'activité de VTC, pour éviter la concurrence déloyale. La loi Loti a été détournée par les plateformes pour embaucher des conducteurs sans les former, confrontées qu'elles sont à un turnover important. Nous prévoyons une phase de transition pour permettre aux conducteurs Loti sans casier judiciaire de basculer vers le statut VTC.

Les plateformes ne peuvent se considérer comme de simples intermédiaires rémunérés à la commission. Il est normal que les conducteurs respectent les mêmes règles d'accès aux professions du secteur. 10 000 personnes réussiront l'examen d'accès au statut de VTC en 2016. Cela couvre les besoins exprimés par les plateformes. Mais un examen par mois est organisé pour les VTC et seulement un par an pour les taxis. Est-il dès lors anormal de demander à chaque candidat de passer une épreuve pratique ?

La proposition de loi autorisera l'État à collecter les données du secteur pour nourrir les travaux de l'Observatoire.

Certains doutent de l'opportunité de légiférer à nouveau. Mais le secteur évolue vite avec l'irruption des smartphones et des applications. Il fallait revoir le cadre fixé en 2009 qui a ouvert la porte à l'invasion des plateformes sans l'anticiper. La loi de 2014 était une étape, elle ne tournait pas le dos à la modernité. J'ai lancé le 4 octobre un nouveau service ouvert aux taxis volontaires pour que les consommateurs puissent commander le taxi le plus proche depuis leur téléphone. Il se met en place à Paris, Marseille ou Lyon. La loi doit favoriser l'innovation tout en accompagnant le développement du numérique.

Toutes les professions doivent pouvoir se développer, dans des conditions de concurrence juste, saine et équilibrée, de sorte que ce développement profite aux usagers comme aux chauffeurs.

Le Gouvernement soutient le texte de Laurent Grandguillaume. La commission du Sénat a apporté des améliorations même si je ne partage pas certaines de ses orientations. J'espère que nous nous retrouverons autour des objectifs que sont la régulation, la responsabilisation et la simplification, dans le respect de tous les acteurs et de la sécurité des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. René Danesi applaudit aussi)

M. Jean-François Rapin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Deux ans à peine après la loi Thévenoud, nous examinons un nouveau texte - dans les mêmes conditions... M. Grandguillaume, dont je salue le travail, a oeuvré dans un contexte difficile, les objectifs étant de responsabiliser les plateformes, de protéger les conducteurs et de mettre fin aux détournements de la loi Loti. Un texte d'apaisement était nécessaire. Nous regrettons toutefois la méthode employée. Une simple feuille de route a été publiée et, avec le choix d'une proposition de loi, vous vous êtes privés de l'avis du Conseil d'État et nous avez privés d'une étude d'impact.

L'article premier renvoie à un décret les nouvelles obligations imposées aux plateformes. Lesquelles ? J'ai interrogé vos services... En vain ! Quid des contrôles ? À mes questions précises, je n'ai obtenu que des réponses au conditionnel... La loi Thévenoud avait elle aussi été examinée dans la précipitation... Et deux de ses dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel... Le texte de l'Assemblée nationale comportait de sérieuses fragilités juridiques... La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a supprimé les mesures d'ordre réglementaire, conformément à la volonté du Sénat de bien différencier les responsabilités respectives du pouvoir exécutif et du législateur. Nous préférons le bon sens à la posture.

Les sanctions prévues à l'article premier ne sont pas conformes au principe de prévisibilité des sanctions et de proportionnalité des délits et des peines. Inutile de légiférer à la hâte si le texte doit être censuré par le Conseil constitutionnel...

M. Philippe Dominati.  - C'est sûr !

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - C'est pourquoi la commission a supprimé l'amende de 300 000 euros, préférant des contraventions au cas par cas, plus efficaces.

La commission a supprimé l'article 2.

À l'article 4, nous avons réduit de six mois la période transitoire pour éviter la création d'entreprises dans le seul but de bénéficier d'effets d'aubaine.

Nous avons supprimé l'article 6 qui donne compétence aux chambres des métiers et de l'artisanat pour l'organisation des examens. Cela relève du pouvoir réglementaire.

La loi n'est ni un étalage ni un affichage, en période pré-électorale : elle doit être claire, précise, aisément applicable. Un texte de bonnes intentions, certes louables, un texte d'apaisement est nécessaire. Mais il faut surtout qu'il soit appliqué. J'ai rendu visite aux « Boers », à Roissy. Ils attendent des moyens et des effectifs supplémentaires. Nous devrons aussi prévoir des sanctions adaptées et dissuasives pour éviter les contournements de la loi.

Qu'en est-il enfin du fonds de garantie pour les taxis ?

M. Jérôme Bignon.  - Bonne question.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Certes la procédure accélérée permettrait à l'Assemblée nationale d'avoir vite le dernier mot ; mais le débat que nous avons ici est nécessaire. Il y va de l'honneur du Sénat et du respect de la Constitution. (Bravos et applaudissements au centre et à droite)

M. Guillaume Arnell .  - N'ayant pas pris part au débat sur la loi Thévenoud, je découvre ce sujet complexe, dans un Sénat en état de siège.

Un véritable bouleversement de notre économie traditionnelle est en cours. Le secteur des transports de particuliers est en pleine mutation, sous l'effet de la révolution numérique.

Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne sont aucunement concernés. Je vous parle donc sans parti pris. Ni le conservatisme que représente le monopole des taxis, - source de conflits actuels - ni le laisser-faire concédé aux seuls acteurs du marché - qui favorise la loi du plus fort - ne sont satisfaisants. Nous avons besoin d'une réforme par la régulation gage d'une concurrence saine et équilibrée, pour pacifier la situation présente et faire cohabiter en bonne intelligence les deux professions qui peuvent et doivent se compléter...

M. Jean-Jacques Filleul.  - Absolument !

M. Guillaume Arnell.  - Les taxis ont fait des progrès évidents, pour améliorer la qualité de leurs prestations, grâce à l'entrée des VTC sur le marché. Il en reste à faire, par exemple sur les frais d'approche, les types de véhicules, la propreté, la courtoisie, mais cela demeure le libre choix de la profession.

Je regrette moi aussi l'utilisation d'une proposition de loi et l'absence d'étude d'impact sur le sujet, qui eût été pourtant bien utile. Le bon équilibre entre la liberté d'entreprendre et l'intérêt général est assurément difficile à atteindre.

La suppression de l'amende de 300 000 euros, disproportionnée, celle de l'article 2 sur la communication des données personnelles, ou la précision apportée à l'article 3 concernant l'exclusivité des chauffeurs vont dans le bon sens.

Les chauffeurs sont confrontés à une certaine paupérisation. Ce texte est loin d'épuiser la question : un troisième texte sera indispensable pour traiter de l'épineuse question de la fiscalité.

Le groupe du RDSE, où se retrouvent plusieurs approches différentes de ce texte, se déterminera en fonction de l'évolution des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les bancs UDI-UC) Les VTC ont obligé les taxis à bouger, à se réformer. Il en était besoin. Le numerus clausus, même s'ils n'aiment guère l'entendre, posait un problème d'offre. Leur niveau de service a tendance à s'améliorer, et cela doit continuer. Les deux secteurs doivent se développer de manière harmonieuse.

Je me réjouis que ce soit votre ministère, monsieur le ministre, qui soit concerné, et non pas celui de l'intérieur, car la question des taxis et des VTC relève à coup sûr de la mobilité et non pas de l'ordre public.

Ce texte tente d'apaiser, comme la proposition de loi Thévenoud. De proposition de loi en proposition de loi, cependant, on peut continuer longtemps ainsi, on n'arrivera pas à stabiliser la situation - il faudra y revenir...

Mme Nicole Bricq.  - Oui.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Le Gouvernement marche, en quelque sorte, au bruit, répondant aux manifestations successives des uns et des autres, alors qu'il faudrait fixer un cadre qui réponde vraiment aux mobilités d'aujourd'hui, avec les moyens technologiques du XXIe siècle. À cet égard, ce texte n'est qu'un cautère sur une jambe de bois.

Il faut entendre la désespérance des taxis, leur assurer un avenir - ce texte ne dit rien sur la modernisation des taxis ni sur la reprise des licences, je le regrette. Estime-t-on que le système des licences est amené à se tarir un jour ? Dans ce cas, il faut le dire et agir en conséquence. Bref, cette proposition de loi essaie d'apaiser mais n'y parvient pas.

Je vous accorde cependant un crédit : cet équilibre imparfait, inconfortable, instable existe. Vous avez posé au Sénat et à la commission une vraie difficulté : comment améliorer un texte bancal ? Le rapporteur a eu une analyse juridique, ôtant les éléments du domaine réglementaire pour les renvoyer au Gouvernement, au risque de toucher à l'équilibre global.

M. le ministre nous dit que l'opposition n'est pas entre VTC et taxis, mais entre ceux-ci et les plateformes : c'est habile, mais un peu court, car on oublie alors de dire tout le reste.

J'ai déposé un amendement en faveur de BlaBlaCar, cette réussite française. À quoi bon déstabiliser cette entreprise, leader mondial dans son secteur sur son marché intérieur, en prévoyant qu'un décret viendra réglementer plus tard son activité, la plongeant dans l'incertitude.

Certes, les VTC ont dévoyé le statut Loti. Mais d'autres remplissent de vrais besoins, notamment en Île-de-France, (Mme Nicole Bricq approuve) qui correspondent parfois aux services de la Loti.

Enfin, avec l'élévation du seuil à huit passagers, ce texte tuera des entreprises qui fonctionnent ; qui travaillent bien, dans la légalité, en ne transportant pas plus de sept passagers c'est dommage. (Applaudissements sur la plupart des bancs au centre et à droite)

M. Jean Desessard .  - Ce texte vient compléter la loi Thévenoud votée en 2014 en réponse à un contexte social tendu. Depuis l'arrivée des VTC en 2009, puis l'installation d'Uber à Paris en 2011, le secteur est en pleine confusion.

Le texte comporte cinq améliorations significatives : les plateformes auront un statut de centrales de réservation, avec des obligations de bons sens et des responsabilités accrues, à l'égard du client, en matière d'assurance responsabilité civile professionnelle ou de respect des normes pour les chauffeurs ; l'ouverture des données - qu'il faudra rétablir  - améliorera la connaissance par les pouvoirs publics de ce domaine d'activité ; l'interdiction des clauses d'exclusivité ou des objectifs d'activité dans les contrats entre plateformes et VTC, afin de préserver une concurrence libre et non faussée et d'éviter la constitution d'oligopoles ; les chauffeurs Loti ne pourront plus travailler dans les 61 agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants - c'est simple mais efficace ; tous les chauffeurs seront soumis à un tronc commun d'aptitude, à la charge des chambres de métiers, ce qu'il faudra également réintégrer à ce nouveau dispositif du texte.

La réflexion lancée par le Gouvernement sur la création d'un fonds de compensation par le rachat des licences de taxis est à saluer. J'avais proposé, lors de l'examen de la loi Thévenoud, que les détenteurs de licences puissent convertir celle-ci en droit à la retraite. Car la distorsion de concurrence entre un taxi qui doit débourser jusqu'à 400 000 euros pour une licence et un VTC qui ne doit verser que 100 euros pour sa carte professionnelle est insupportable et ne peut plus durer.

Il faudrait encourager les coopératives, moteurs de l'économie collaborative. Le texte de l'Assemblée nationale régule, responsabilise et simplifie, en accompagnant efficacement la modernisation du secteur ; le groupe écologiste y est favorable mais réserve son vote sur le texte de la commission en fonction de son évolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE ; M. Jean-Jacques Filleul applaudit aussi)

M. Jean-Jacques Filleul .  - En 2009, la loi Novelli a bouleversé le secteur du transport particulier de personnes, historiquement organisé sur la distinction traditionnelle entre taxis et remises (petite ou grande).

Après le développement du numérique, les VTC connaissent un essor impressionnant. La demande accrue de mobilité bouleverse les professionnels - taxis, VTC, Loti - qui fournissent un service très proche. Sans doute faudra-t-il bientôt établir un cadre général. La loi Thévenoud établissait un premier équilibre entre VTC et taxis, en les rapprochant - avec notamment le retour à la base. Ce texte de compromis a réglé les conflits de l'époque ; mais dès son adoption, j'avais, comme rapporteur, prévu qu'il faudrait y revenir, et notamment se pencher sur le cas des Loti, qui en principe doivent transporter plus d'une personne, mais fraudent souvent avec l'assentiment des plateformes. C'est ce contournement de la loi que nous devons empêcher ; nous devons mieux aider les chauffeurs, aux prises avec des plateformes cupides, et tombant dans la précarité.

Interdire les Loti dans les grandes agglomérations et harmoniser l'accès au secteur, voilà qui représente un équilibre qui ne favorise ni les uns ni les autres.

Merci à M. le rapporteur qui a eu à coeur de respecter cet équilibre, malgré les nombreux amendements qui auraient pu le rompre. Le texte a fait l'objet de nombreuses consultations et d'une large concertation. Il ne cherche pas à freiner les nouvelles mobilités, mais à les accompagner. Régulation et concertation, c'est ce que nous défendons. Le groupe socialiste proposera de rétablir l'article 2, tel que voté par l'Assemblée nationale, même si je ne suis pas insensible à l'amendement du rapporteur, qui doit être examiné avec attention, monsieur le ministre. Nous déposerons également un amendement à l'article 8 sur les terminaux de paiement dans les taxis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

Mme Évelyne Didier .  - Nous avons apprécié le travail très approfondi de notre rapporteur. Les manifestations encore aujourd'hui, font la Une des journaux et embouteillent les grandes villes : on oppose VTC et taxis, anciens et modernes.

En réalité, il s'agit de la réaction des chauffeurs à la précarisation induite par le système Uber, une forme d'esclavage des temps modernes.

La France n'est pas seule touchée. Le 28 octobre, un tribunal britannique a condamné Uber à considérer ses chauffeurs comme des salariés. Or payés à la tâche dans un « partenariat » où le chauffeur est un « client », l'embauche est un « enrôlement » et le licenciement, une « désactivation » : eh oui, l'évolution du vocabulaire est toujours significative !

Les différences entre statuts peuvent expliquer que les chauffeurs peinent à trouver un terrain d'entente. Le Gouvernement a cessé de considérer ce secteur comme un service public, mais comme un marché, donc, à ouvrir à la concurrence.

Les chauffeurs de VTC qui avaient d'abord vu dans Uber une possibilité d'avoir une autorité facile, ont désormais compris qu'on les avait attirés pour mieux les asservir, qu'ils sont tous dans la même galère et qu'ils ont intérêt à défendre collectivement leur métier, leur dignité et leurs droits.

La réalité, c'est celle du système Uber, fondé sur l'exploitation des hommes, la régression des droits sociaux et des droits du travail, l'enrichissement de quelques-uns au détriment du plus grand nombre ainsi que sur la délocalisation des profits vers les paradis fiscaux, pour échapper à l'impôt.

Les plateformes perçoivent aujourd'hui leurs 20 % sans aucunement se préoccuper de la qualité du service, ni des dérives comme la conduite sans permis ou les trafics de tout genre.

Pourquoi notre rapporteur n'a-t-il pas trouver de terrain d'entente avec l'auteur de la proposition de loi ? Il faut aller plus loin sur les plateformes. Derrière ce monde sans usine et sans salarié, il y a cette ubérisation généralisée, le contrôle progressif de l'économie par la data, selon laquelle les hommes sont de simples consommateurs producteurs de données, destinées à leur tour à augmenter la consommation, un monde où l'État sera à son tour progressivement remplacé par les Gafa. Nous n'en voulons pas !

Monsieur le ministre, l'autocontrôle n'est pas de mise. Monsieur le rapporteur, il faut plus de « Boers » et un fonds de garantie, c'est certain.

Notre groupe est favorable à la proposition de loi Grandguillaume, mais est très réservé quant au texte de la commission. (MM. Jean Desessard et Hervé Poher applaudissent)

M. Cyril Pellevat .  - Taxis et VTC doivent pouvoir cohabiter, à Paris comme dans d'autres grandes villes. Le rapport Thévenoud évaluait qu'il y avait trois chauffeurs VTC pour mille habitants à Paris, contre dix à Londres et treize à New York. Personne ne vole les clients de l'autre. Mais la France a peur de la nouveauté, de la concurrence ; alors elle réglemente et réglemente trop.

Nous ne devons pas nous opposer à la création d'emplois ; or c'est le secteur des VTC qui en a le plus créé : 68 000 selon le rapport Thévenoud.

Mme Nicole Bricq.  - Oui.

M. Cyril Pellevat.  - Les VTC ont un impact favorable sur l'environnement : ils auraient permis de réduire de 30 000 le nombre de véhicules en région parisienne. (Mme Nicole Bricq le confirme)

La loi Thévenoud avait tenté de donner un cadre à la concurrence entre taxis et VTC, sans avoir l'impact attendu. Laurent Grandguillaume entend à présent créer les conditions d'une concurrence saine avec cette proposition de loi.

Je me félicite que l'article premier ait été sensiblement réécrit par le rapporteur ; je proposerai toutefois que les plateformes soient qualifiées d'intermédiaires et non d'organisateurs de transports.

M. Michel Bouvard.  - Très bien !

M. Cyril Pellevat.  - L'interdiction d'activité des Loti à partir de juillet 2017 dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants vise à tenir une promesse hâtive faite par le Premier ministre lors d'une manifestation violente des taxis.

La date du 1er janvier 2017 est inappropriée car en période électorale aucun Gouvernement ne prendra un décret. Je propose de poser les conditions de la transition entre le régime de la Loti et celui des VTC dans un délai de 12 mois, avec application pleine de la mesure sous 24 mois. Des milliers d'entreprises et de chauffeurs vont être victimes des changements d'organisation et de l'incapacité des préfectures et chambres des métiers et de l'artisanat à juguler l'afflux de candidats. Je ne peux pas me résoudre à mettre ainsi 10 000 personnes au chômage.

Je conçois que le statut actuel prévu par la loi Thévenoud ne soit pas parfait, néanmoins il permet aux VTC d'être salariés. En l'état actuel du droit, je pense que le statu quo aurait mieux valu que la suppression.

En revanche, un vrai statut de VTC salarié aurait été opportun : dommage de n'avoir pas saisi cette occasion. Les chauffeurs de VTC, menacés par la paupérisation comme les taxis, aspirent à une meilleure protection, à plus d'indépendance, de liberté, et à des salaires plus élevés.

Le durcissement et l'organisation des examens, alors que le secteur est en plein boom, qui plus est, confiés à des chambres des métiers et de l'artisanat, traditionnellement proches des taxis, inquiètent à juste titre les VTC.

La commission a supprimé l'article 6 en renvoyant au Gouvernement le soin de prendre un texte réglementaire. Je vous annonce qu'il l'a déjà fait ! J'ai sous les yeux le compte-rendu d'une réunion qui s'est tenue le 25 octobre en préfecture du Rhône, pour communiquer aux acteurs du secteur la future organisation de l'examen VTC par les CMA, sur le format d'un tronc commun VTC-taxis. La simple lecture de ce document et l'état d'avancement du dispositif démontrent le peu d'intérêt que porte le ministère aux travaux du Parlement !

La création d'une épreuve pratique va augmenter le coût et emboliser l'accès à la profession.

Les VTC, ensuite, servent d'ascenseur social. Ne le détruisons pas. Mon groupe suivra le rapporteur. À titre personnel, j'aurai parfois des positions différentes.

Il existe de nombreuses TPE et PME françaises dans le secteur, où l'on n'entend souvent prononcer que le nom d'une seule firme américaine. Non, les VTC, ce ne sont pas seulement Uber. (Mme Nicole Bricq le confirme) Je n'oppose pas VTC et taxi. Ils peuvent cohabiter, j'en suis certain. Au lieu de brider le secteur des VTC, nous devrions favoriser la modernisation des taxis, les encourager en ce sens pour simplifier leurs statuts, et résoudre le problème des licences. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Yves Roux .  - Faut-il que le législateur se saisisse très vite de chaque demande de modification des législations relatives au transport public de particuliers ?

À Londres, l'ancien maire Boris Johnson souhaitait contingenter le nombre de VTC, car leur croissance récente aurait augmenté les embouteillages dans la ville ainsi que le nombre de voitures garées illicitement.

Des licences d'entreprises de transport de particuliers ont été retirées durant des périodes déterminées en Chine ou à New Delhi, à des fins de régulation du secteur.

Un tribunal britannique vient de considérer des chauffeurs Uber comme des salariés.

Mme Nicole Bricq.  - Ce sera jugé en appel !

M. Jean-Yves Roux.  - Les législations qui visent ce secteur en pleine expansion évoluent toujours dans le même sens, celui de la régulation.

Afin de prendre en compte la demande générationnelle et touristique d'une montée en gamme globale des services, nous proposons de systématiser la possibilité de recourir au paiement bancaire dans les taxis.

Nous ferions une erreur en ne voyant dans cette proposition de loi qu'un accord entre taxis et VTC. Car ces derniers vont se diffuser en province avec des risques pour l'aménagement du territoire : 33 % des personnes auraient utilisé les transports en commun en l'absence de VTC. Cela montre que l'usage des VTC est aussi corrélé à une baisse de l'usage de certains des modes alternatifs à la voiture personnelle. L'article 2 est donc indispensable.

Le rapport d'Yves Krattinger, de janvier 2012, montrait déjà la voie en recommandant une approche multimodale. Peu d'études existent sur ce sujet. C'est pourquoi je défends l'idée que les collectivités territoriales disposent de données publiques, pour exercer pleinement leur action au service des usagers mais aussi de l'aménagement du territoire.

Cette loi conforte un secteur de l'économie collaborative, décentralisée et exigeante, qu'il faut accompagner. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État .  - Je n'ai jamais considéré que le Sénat était une chambre d'enregistrement : notre débat en apporte une nouvelle preuve, éclatante. Certes, il y a des problèmes juridiques ; mais n'oublions pas l'équilibre politique du texte - M. Capo-Canellas l'a brillamment montré. Merci à tous de n'être pas tombés dans la caricature, selon laquelle il y aurait d'un côté le monde moderne et, de l'autre, des gens qui traînent les pieds.

L'intervention de M. Pellevat est très intéressante : il est réticent à l'idée de légiférer tout en concluant « mais quand même, on aurait mieux fait de créer un statut de VTC salarié ». C'est aller plus loin que nous mais c'est bien, à la fin, tout le problème, comme dirait Mme Didier.

Certains, même dans les rangs de la gauche, présentent le salariat comme une contrainte. Or ce fut une conquête ! Ce fut la réponse de la gauche et de la démocratie chrétienne quand, au début du XIXe siècle, la plupart des gens étaient des journaliers. Ne prônons pas, au nom de la modernité, des solutions qui seraient un tel retour en arrière. Cela ne signifie pas qu'il serait impossible d'avancer.

Même si comparaison n'est pas raison, je pense à ce qui se passe avec les livreurs à domicile. Cette nouvelle forme de travail a certes créé des milliers d'emplois - jusqu'au jour où un accident révèle que le jeune livreur gravement blessé n'est couvert par aucun droit ; ni rente d'accident du travail, ni prise en charge. Il faudra trouver des réponses à de telles situations. Le salariat ou pas, il faudra avancer.

Le fonds de garantie pour les taxis faisait partie de la feuille de route. Le périmètre pouvait être variable et nous ne sommes pas parvenus à un consensus.

J'ai demandé à l'ensemble des organisations professionnelles - et elles sont nombreuses - de me présenter leurs propositions par écrit afin qu'elles puissent être consultées sur le site du ministère. Vous pouvez voir qu'on est loin du consensus, notamment sur la question cruciale : qui doit payer ? VTC seuls, VTC et taxis ? Le débat n'est pas clos.

Le Gouvernement anticiperait la mise en oeuvre de la loi ? Oui, c'est la vérité. Mais vous ne pouvez pas reprocher au Gouvernement de mettre trop de temps à écrire les décrets d'application et en même temps de se préparer ! La nervosité est excessive : le tribunal administratif a repoussé, heureusement, un recours contre l'organisation de l'examen en novembre et non en octobre comme prévu...

La concurrence, quand elle est saine, peut profiter au client, c'est certain ; cependant, comme le dit M. Arnell, que fait-on pour lutter contre la paupérisation des chauffeurs ?

Nous devons trouver une organisation. J'étais plus pessimiste en commençant qu'aujourd'hui, car j'ai vu la responsabilité des professionnels, leur volonté de parvenir à une solution.

Les chauffeurs VTC ne détournent pas consciemment la loi Loti, ils ne la connaissent pas ; ce qui se passe, c'est que les aspirants chauffeurs se font démarcher, les plateformes leur proposent d'utiliser le Loti. Or il y a peu de cas de figure où les pouvoirs publics sont confrontés à un tel détournement de la loi. Lorsque nous nous en sommes aperçus, nous avons constaté aussi que la liste des chauffeurs ne nous était pas accessible, car la loi n'avait pas prévu son propre détournement.

Devrons-nous légiférer encore ? Probablement. Dans quel sens ? Cela reste à déterminer. Le sujet est important dans tous les pays ; nous devrons nous nourrir de l'expérience de ce qui se fait ailleurs. Le mot que j'entends partout, c'est « régulation ». Ce n'est pas là archaïsme, nous ne pouvons laisser perdurer les tensions  - et je préfère aussi débattre pour construire une solution durable. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. Hervé Maurey, président de la commission .  - Nous n'avons pas eu de réponses à quelques questions : pourquoi le Gouvernement s'est-il caché derrière une proposition de loi ? Pour éviter le Conseil d'État ? Éviter de faire une étude d'impact ? Vous avez annoncé une architecture globale, mais quelle sera-t-elle ? Vous dites vouloir de nouvelles règles de salariat, mais pour faire aussitôt marche arrière. Rien non plus sur l'indemnisation des taxis, faute de consensus, dites-vous. C'est un peu court ! Dans la loi sur la République numérique, vous avez tenté de faire passer plusieurs mesures à la hussarde : heureusement que, par hasard, nous étions en séance à ce moment-là ! Nous légiférons aujourd'hui en procédure accélérée, le rapporteur n'a eu que quinze jours et nous avons manqué de temps pour approfondir l'examen de certains amendements.

L'article premier nous demande, à la hussarde encore, un blanc-seing pour recourir au décret. Nous voulons simplement éviter que ce texte ne soit censuré par le Conseil constitutionnel, comme l'a été, en partie, la loi Thévenoud à la suite de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité.

Vous avez reconnu que nous étions loin de la caricature et avions préservé l'équilibre de ce texte. Je salue l'approche pragmatique de M. Filleul.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État .  - Vos questions sont toujours intéressantes. (Sourires) Pourquoi une proposition de loi ? Il y avait conflit social, un médiateur a été nommé, il a engagé le dialogue, alors que les professionnels ne s'y retrouvaient guère entre les trois ministères chargés de la gestion. À la suite de quoi, il a déposé une proposition de loi. Rien de plus normal et je ne vois pas ce qui vous choque. Le droit d'initiative parlementaire doit être utilisé si l'on ne veut pas qu'il tombe en désuétude.

Sur le fonds de garantie, je cherche comme vous une solution, sans être fermé : faites-moi des propositions, c'est dans le débat.

Travail à la hussarde ? L'Assemblée nationale en a parlé en juillet et la rapporteur a commencé ses auditions début septembre, c'est raisonnable dans la situation que nous connaissons et la qualité du travail réalisé le montre bien. La critique sur le travail « à la hussarde » est parfois justifiée mais ne la maniez pas de façon systématique. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Retailleau, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, M. Nègre, Mme Lamure, MM. Laménie, Vaspart et Bouchet, Mme Giudicelli, M. de Raincourt, Mme Chain-Larché, MM. César, P. Leroy, Mayet et Pinton, Mmes Hummel et Deroche et MM. D. Robert et Husson.

I.  -  Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Ils ne sont pas effectués dans le cadre d'un covoiturage, tel qu'il est défini à l'article L. 3132-1 du présent code.

II.  -  Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

M. Patrick Chaize.  - Cette proposition de loi exclut les services privés de transport. Il n'est dès lors pas nécessaire d'inclure le vrai covoiturage pour lutter contre le faux, zone grise qui se situerait entre le vrai covoiturage et le transport public particulier de personnes. Le covoiturage est clairement défini à l'article L. 3132-1 du code des transports.

Nous sommes cohérents avec la loi relative à la République numérique.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°8 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, Mme Jouanno, M. Médevielle, Mme Billon, MM. Cadic, Bockel et Guerriau et Mme Joissains.

M. Vincent Capo-Canellas.  - N'allons pas nuire ainsi à une entreprise française dynamique qui s'étend à l'étranger ! Pourquoi changer notre réglementation alors que les règles sont claires ?

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéas 13 à 19

Remplacer ces alinéas par trois alinéas rédigés :

« Art. L. 3141-2.  -  Le professionnel mentionné à l'article L. 3141-1 s'assure du respect, par les conducteurs qu'il met en relation avec des passagers, des règles régissant, le cas échéant, le contrat de transport et des règles d'accès aux professions et aux activités de transport routier de personnes.

« Ce professionnel prend des mesures afin de prévenir l'exécution de déplacements dans des conditions illicites.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, détermine les modalités d'application du présent article, en tenant compte des caractéristiques du service de mise en relation, notamment ses règles d'utilisation, le caractère professionnel ou non de l'activité des conducteurs et la nature des relations contractuelles entre le conducteur et le professionnel, ainsi que des caractéristiques des déplacements. Ce décret en Conseil d'État détermine également les conditions dans lesquelles est vérifié le respect des obligations prévues au premier alinéa du présent article.

Mme Évelyne Didier.  - Nous souhaitons rétablir le texte de l'Assemblée nationale : de nombreux acteurs, des statuts épars, une grande dépendance des chauffeurs : il faut intervenir.

Le décret d'application en Conseil d'État va plus loin dans l'énoncé des nouvelles obligations de contrôle des conducteurs par les centrales que la liste limitative proposée par le rapporteur. Les professionnels souhaitent continuer à travailler à la réglementation : le dialogue doit continuer, ce que la rédaction de l'Assemblée nationale favorise.

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 13 à 19

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 3141-2. - Le professionnel mentionné à l'article L. 3141-1 s'assure du respect, par les conducteurs et les entreprises de transport qu'il met en relation avec des passagers, des règles régissant, le cas échéant, le contrat de transport et des règles d'accès aux professions et aux activités de transport routier de personnes. Ce professionnel prend des mesures afin de prévenir l'exécution de déplacements dans des conditions illicites.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, détermine les modalités d'application du présent article, en tenant compte des caractéristiques du service de mise en relation, notamment ses règles d'utilisation, le caractère professionnel ou non de l'activité des conducteurs et la nature des relations contractuelles entre le conducteur et le professionnel, ainsi que des caractéristiques des déplacements. Ce décret en Conseil d'État détermine également les conditions dans lesquelles est vérifié le respect des obligations prévues au premier alinéa du présent article.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Votre commission a souhaité définir dans la loi les obligations imposées aux plateformes de mise en relation au lieu de les définir par voie réglementaire comme prévu initialement. Or ces obligations sont insuffisantes pour prévenir toute pratique illicite. Le Gouvernement prévoit de reprendre dans le décret d'application les points de contrôle suivants : la possession d'un permis de conduire valide, la possession de la carte professionnelle pour les conducteurs de taxis et de VTC, les caractéristiques du véhicule pour les VTC, la validité de l'assurance du véhicule, le contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle en cours de validité. Cela nécessite un travail très technique en concertation avec les professionnels concernés.

Voilà pourquoi il est préférable que ces dispositions soient précisées par voie réglementaire. Si vous ne nous suiviez pas, vous prendriez un grand risque.

M. Jean Desessard.  - Très bien.

Mme la présidente.  - Amendement n°62, présenté par M. Rapin, au nom de la commission.

I.  -  Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Un justificatif de l'assurance du véhicule utilisé ;

Après l'alinéa 17

II.  -  Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  Lorsque la mise en relation a pour objet un déplacement réalisé en voiture de transport avec chauffeur, le professionnel mentionné à l'article L. 3141-1 s'assure que le véhicule utilisé répond aux conditions techniques et de confort mentionnées à l'article L. 3122-4.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Nous complétons la liste des informations que les professionnels de mise en relation devront vérifier.

Mme la présidente.  - Amendement n°41, présenté par M. Pellevat.

I.  -  Alinéa 18

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de la concurrence.

II.  -  Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 22

Remplacer les mots :

une centrale de réservation

par les mots :

un intermédiaire

M. Cyril Pellevat.  - Cet amendement vise à améliorer la régulation sur les plateformes d'intermédiation tout en évitant de nouvelles instabilités juridiques.

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par M. Bouvard.

I.  -  Alinéa 18

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de la concurrence.

II.  -  Alinéa 22

Remplacer les mots :

une centrale de réservation

par les mots :

un intermédiaire

III.  -  Alinéa 23

Remplacer les mots :

Toute centrale de réservation

par les mots :

Tout intermédiaire

IV.  -  Alinéa 25

Remplacer les mots :

La centrale de réservation

par les mots :

L' intermédiaire

V.  -  Alinéa 26

Remplacer les mots :

la centrale

par les mots :

l' intermédiaire

VI.  -  Alinéas 27 et 29

Remplacer les mots :

La centrale de réservation

par les mots :

L' intermédiaire

M. Michel Bouvard.  - Pourquoi pas le décret ? Cependant, il faut préciser la nature juridique, elles sont un intermédiaire. Comme dans le transport aérien, la plateforme n'est pas le transporteur.

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéas 23 et 24

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 3142-2.  -  Toute centrale de réservation, au sens de l'article L. 3142-1, qui fournit des prestations de mise en relation sollicite de l'autorité administrative un agrément, dans des conditions définies par voie réglementaire.

« Cet agrément est accordé sur demande de la personne assurant l'exécution des prestations de mise en relation ou son représentant légal. Le demandeur doit fournir l'ensemble des informations permettant de connaître la part respective de chaque catégorie d'exploitants dans l'activité de mise en relation de la centrale de réservation et le résultat des vérifications effectuées par la centrale pour se conformer à l'article L. 3141-2.

« La personne assurant l'exécution des prestations de mise en relation est responsable de la mise en oeuvre des obligations résultant du présent titre et des dispositions prises pour son application.

« L'agrément est renouvelé chaque année si la centrale de réservation envisage d'exercer cette activité au cours de l'année concernée et lorsqu'un changement intervient dans les éléments de l'agrément.

Mme Évelyne Didier.  - La procédure déclarative, souhaitable, n'est pas suffisamment encadrée, nous proposons un agrément. Vous lui opposez, monsieur le ministre, un risque d'allongement des délais et le risque d'un contournement de la loi. Ce raisonnement condamnerait toute procédure déclarative. Le droit européen autorise la régulation de la concurrence au motif de l'intérêt général. J'attends votre réponse, monsieur le ministre, quitte à retirer cet amendement.

Mme la présidente.  - Amendement n°21, présenté par M. Bouvard.

I.  -  Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3142-3.  -  Toute personne qui se livre ou apporte son concours à l'organisation ou à la vente d'une prestation mentionnée à l'article L. 3120-1 est responsable de plein droit, à l'égard du client, de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de leur droit de recours contre ceux-ci.

II.  -  Alinéa 36

Supprimer les mots :

d'un an d'emprisonnement et

III.  -  Alinéa 38

Remplacer les mots :

aux articles L. 3112-1 ou

par les mots :

à l'article

IV.  -  Alinéa 39

Supprimer cet alinéa.

M. Michel Bouvard.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°42, présenté par M. Pellevat.

M. Cyril Pellevat.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°56, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 35

Rétablir l'article L. 3143-1 A dans la rédaction suivante :

« Art. L. 3143-1 A.  - Est puni de 300 000 € d'amende le fait de contrevenir au premier alinéa de l'article L. 3141-2.

« Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal, les peines prévues au 2° à 9° de l'article 131-39 du même code. L'interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

II.  -  Alinéa 36

Supprimer les mots :

d'un an d'emprisonnement et

III.  -  Après l'alinéa 36

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal, les peines prévues au 2° à 9° de l'article 131-39 du même code. L'interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

IV.  -  Alinéa 37

Remplacer le montant :

15 000 €

par le montant

75 000 €

V.  -  Après l'alinéa 37

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le tribunal peut ordonner que sa décision soit publiée intégralement ou par extraits dans les journaux qu'il désigne, aux frais du condamné.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - La responsabilisation des plateformes figure dans la feuille de route, elles ont tout leur rôle à jouer et ne sauraient organiser le contournement de la loi... Cependant, elles doivent avoir un rôle, ou bien ce sera aux pouvoirs publics d'organiser ce mode de transport.

Je vous ai entendu à propos des peines d'emprisonnement, évidemment inadéquates pour une personne morale ! Compte tenu de ce qui s'est passé, on ne peut pas ne rien faire et laisser perdurer une sorte de loi de la jungle. Le Gouvernement prend ses responsabilités en régulant.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°63 à l'amendement n°56 du Gouvernement, présenté par M. Rapin, au nom de la commission.

Amendement n° 56, alinéas 1 à 4

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Vous avez pris en compte nos remarques, monsieur le ministre, mais l'amende de 300 000 euros nous paraît disproportionnée.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 35

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3143-1A.  - Est puni de 300 000 € d'amende le fait de contrevenir au premier alinéa de l'article L. 3141-2.

Mme Évelyne Didier.  - Les plateformes, faute de contrôle, contournent facilement la loi : nous rétablissons la sanction de 300 000 euros. Avec l'amendement n°36, nous garantissons que la centrale a bien une assurance civile professionnelle.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Pour protéger le vrai du faux covoiturage, il faut être prudent. J'entends cependant l'argument pro BlaBlaCar : sur les amendements nos2 rectifié bis et 8 rectifié, je m'en remets à la sagesse du Sénat, avec un avis favorable à titre personnel.

Avis défavorable à l'amendement n°34 et à l'amendement n°44. Les centrales ne sont pas que des plateformes, les clients les paient directement et elles peuvent déconnecter les chauffeurs : c'est bien davantage que des intermédiaires. Avis défavorable aussi aux amendements nos41 et 20.

Je reste défavorable, ensuite, à l'agrément, le droit européen s'y oppose : avis défavorable à l'amendement n°35. Même avis défavorable aux amendements identiques nos21 et 42, qui reviennent sur la loi Thévenoud.

Avis favorable à l'amendement n°56 sous réserve de l'adoption du sous-amendement n°63.

Enfin, avis défavorable à l'amendement n°37.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Personne ne veut confondre notre débat avec celui de l'économie collaborative, ni remettre en cause BlaBlaCar. Mais ne répétons pas nos erreurs, voyez le petit espace que nous avons laissé aux chauffeurs Loti dans la loi Thévenoud !

Il faut donc mentionner le covoiturage, ou bien nous ouvririons une brèche aux détournements : avis défavorable aux amendements identiques nos2 rectifié bis et 8 rectifié. L'amendement n°44 satisfait l'amendement n°34 : accepteriez-vous de vous y rallier, madame Didier ?

Sagesse sur l'amendement n°62. Avis défavorable à l'amendement n°41 et à l'amendement n°20 pour les mêmes raisons que le rapporteur. Même avis défavorable sur l'amendement n°35 et aux amendements identiques nos21 et 42.

Sagesse sur le sous-amendement n°63. Enfin, l'amendement n°56 rétablissant les sanctions, je demande à Mme Didier de bien vouloir retirer l'amendement n°37.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Je remercie M. le rapporteur pour son soutien personnel aux amendements identiques nos2 rectifié bis et 8 rectifié, au service de l'économie collaborative. Mais votre réponse, monsieur le ministre, est un aveu : pour vous prémunir du risque que des VTC se transforment en faux transporteurs collaboratifs, vous entendez réglementer le transport partagé... Il faut alors ouvrir une concertation et en débattre... Je maintiens mon amendement.

M. Jean Desessard.  - L'alinéa 18 de l'article premier dispose que le coivoitureur fixe un montant maximum ; n'est-ce pas donner une référence, un barème alors que le covoiturage se fonde sur le partage des frais ?

M. Michel Bouvard.  - L'exercice est difficile, s'agissant de faire coexister économie nouvelle et émergente, avec des règles communes. Le Sénat a beaucoup travaillé sur l'économie collaborative, nous devons éviter de tuer nos champions, une réglementation serait une contrainte ; il y a un autre moyen de prévenir le risque, c'est de suivre nos propositions sur l'imposition des revenus tirés de l'économie collaborative. C'est ainsi que nous traiterons véritablement le sujet.

M. Patrick Chaize.  - M. Bouvard a tout dit. Monsieur le ministre, vous êtes conscient que le rejet des amendements nos2 rectifié bis et 8 rectifié condamnerait BlaBlaCar, car les autres pays suivront la voie de la contrainte ; entre deux maux, choisissons le moindre, en adoptant ces amendements.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos2 rectifié bis et 8 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°41 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 199
Contre 144

Le Sénat a adopté.

Les amendements nos34 et 44 deviennent sans objet, de même que les amendements nos41 et 20.

L'amendement n°62 est adopté.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos21 et 42 ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement n°63 est adopté.

L'amendement n°56, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°37 devient sans objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La centrale de réservation s'assure annuellement que chaque exploitant qu'elle met en relation avec des clients dispose d'un contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle en cours de validité.

Mme Évelyne Didier.  - Il est défendu.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Avis défavorable : cet amendement est satisfait par l'alinéa 15.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - L'amendement n°44 vous donne satisfaction. Retrait.

L'amendement n°36 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°46, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 32

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3142-6. - Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Il est d'autant plus indispensable de conserver un décret d'application en Conseil d'État que certaines mesures de la proposition de loi, telles que les obligations déclaratives des centrales de réservation prévues à l'article L. 3142-2, ont été supprimées en commission et renvoyées à un décret.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Avis défavorable : l'article premier prévoit déjà que les centrales déclarent leur activité à l'autorité administrative dans des conditions définies par voie réglementaire...

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°59, présenté par M. Rapin, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 34

Au début, insérer les mots :

Constatation des infractions et

II.  -  Après l'alinéa 34

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 3143  -  Les infractions aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux activités de mise en relation mentionnées dans le présent titre sont recherchées et constatées, outre les officiers et agents de police judiciaire, par les fonctionnaires assermentés désignés par le ministre chargé des transports et commissionnés à cet effet.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Manquait un dispositif de constatation des infractions à la réglementation relative à l'activité de mise en relation. Il faut prévoir l'habilitation de nouveaux fonctionnaires.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'article L. 1451-1 du code des transports rassemble les habilitations à constater les infractions au dit code. Ne créons pas un régime parallèle.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Certes, mais cet article du code des transports vise les activités de transports, pas celle de mise en relation...

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Vous reprochez souvent au Gouvernement le dépôt tardif de ses amendements...

M. Charles Revet.  - En effet !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - ...mais nous n'avons eu connaissance de cet amendement que ce matin. Difficile d'en expertiser en si peu de temps les conséquences.

En pointant la mise en relation, vous faites une distinction qui risque d'être exploitée par des esprits juridiques avisés pour contourner la loi. La question que vous soulevez est pertinente mais la réponse nous entraîne sur un terrain dangereux. Le droit pénal est d'interprétation restrictive. Attention à ne pas rendre les sanctions inapplicables...

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Le temps nous a manqué pour échanger avec vos services, mais nous en disposons encore d'ici la commission mixte paritaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 38

1° Remplacer les mots :

, ni des conducteurs de ces entreprises

par les mots :

au sens du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du présent code

2° Remplacer les mots :

livre Ier de la troisième partie du présent code

par les mots :

même livre

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - La sanction doit s'appliquer à tous les transports publics particuliers de personnes. La rédaction proposée par la commission pour le délit sanctionnant l'organisation d'un système illégal de transport introduit une ambiguïté en ce qu'elle paraît exclure les Loti. Aucun doute ne doit subsister.

M. Jean-François Rapin, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°45 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.