Élection du président du Sénat

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le scrutin pour l'élection du président du Sénat. J'ai été saisi des candidatures de Mme Éliane Assassi, MM. Didier Guillaume et Gérard Larcher.

Conformément à l'article 3 du Règlement, cette élection a lieu au scrutin secret à la tribune. Pour être élu au premier tour, un candidat à la présidence du Sénat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés. Si la majorité absolue des suffrages exprimés n'a pas été acquise au premier ou au deuxième tour de scrutin, au troisième tour, la majorité relative suffit.

Les délégations de vote sont admises, mais le délai limite pour la transmission des délégations de vote est désormais expiré depuis 13 heures 45. La liste des délégations de vote régulièrement adressées à la Présidence a été remise à Mme et MM. les secrétaires afin qu'ils puissent procéder au contrôle. Les sénateurs qui ont reçu une délégation pourront venir voter à l'appel soit de leur nom, soit de celui du délégant.

Il va être procédé à l'appel nominal de nos collègues en appelant tout d'abord ceux dont le nom commence par une lettre tirée au sort ; il sera ensuite procédé à un nouvel appel des sénateurs qui n'auront pas répondu au premier appel de leur nom.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal : H (Exclamations)

Lors de votre passage à la tribune, les bulletins devront être remis sous enveloppe au secrétaire qui tient l'urne.

Pour vous permettre d'aller retirer les bulletins de vote, le dispositif traditionnel a été mis en place dans la salle des Conférences : c'est là que les bulletins ont été déposés et sont désormais à votre disposition. Des isoloirs ont également été installés.

La séance, suspendue à 15 h 20, reprend à 15 h 35.

Il est procédé à un appel nominal, suivi d'un autre appel. (En montant pour voter à la tribune, M. Gérard Larcher est applaudi sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président.  - Le scrutin est clos. J'invite Mme et MM. les secrétaires d'âge à se rendre dans la salle des Conférences pour procéder au dépouillement public du scrutin.

La séance, suspendue à 16 h 40, reprend à 17 h 20.

M. le président.  - Voici le résultat du premier tour du scrutin pour l'élection du président du Sénat :

Nombre de votants 343
Bulletins blancs 24
Bulletins nuls 2
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue 159

Ont obtenu : M. Gérard Larcher, 223 voix (vifs applaudissements ; les sénateurs des groupes Les Républicains, Union Centriste, RDSE et La République en marche se lèvent ainsi que quelques sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen.) ; M. Didier Guillaume, 79 voix (applaudissements) ; Mme Éliane Assassi, 15 voix (applaudissements).

M. Gérard Larcher ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, je le proclame élu président du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains).

Conformément à l'article premier du Règlement, je l'invite à venir prendre place au fauteuil de la présidence. Je remercie nos secrétaires d'âge pour leur participation aux opérations de vote.

M. Gérard Larcher prend place au fauteuil présidentiel.

Allocution de M. le président du Sénat

M. Gérard Larcher, président.  - (Applaudissements nourris ; les sénateurs des groupes Les Républicains, Union centriste, RDSE et La République en marche ainsi que quelques sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen se lèvent.)

En notre nom à tous, je salue le doyen de notre assemblée, Philippe Madrelle, qui a présidé notre première séance et le remercie pour ses propos. Je remercie nos secrétaires d'âge qui sont les benjamins de notre assemblée - fonction sympathique qui passe toujours trop vite (Sourires).

Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux collègues, qui entrent dans une assemblée où le respect mutuel est une tradition, la dignité des débats une règle et où la liberté de penser et de s'exprimer est une nature.

Permettez-moi de vous faire part de ma nostalgie de ne pas voir sur ces bancs les visages de collègues qui nous auront beaucoup apporté par leur présence, leur engagement et leur attachement à cette assemblée. J'ai une pensée particulière pour Nicole Bricq, à qui nous rendrons hommage la semaine prochaine.

Je remercie ceux qui m'ont largement accordé leur confiance, dans leur diversité. A qui ont fait un autre choix, je veux dire que je serai le président de toutes les sénatrices et de tous les sénateurs. On le dit toujours ; moi, je souhaite le faire très concrètement.

Je salue Éliane Assassi et Didier Guillaume, candidats à cette élection ; je ne doute pas que nous continuerons à travailler ensemble.

J'exprime la solidarité du Sénat à nos collègues ultramarins et, à travers eux, à nos compatriotes durement touchés par la violence du cyclone Irma.

À Marseille, hier, le terrorisme a de nouveau frappé : deux jeunes filles assassinées dans cette guerre sournoise que nous livre l'État Islamique. Jamais, nous ne pourrons nous habituer à cette liste qui s'allonge ; jamais, nous ne pourrons oublier.

Je veux témoigner de la solidarité du Sénat aux familles endeuillées comme de notre soutien aux forces de sécurité qui assument parfois, au péril de leur vie, leur mission de protection de nos compatriotes.

Il y a trois ans, je prononçais ici même mon discours de président de la nouvelle assemblée élue et j'utilisais ces mots : « Il faut relever le Sénat pour faire vivre le bicamérisme. C'est l'esprit de la feuille de route que je vous propose de suivre ensemble, nous les 348 sénateurs ». Nous avons ces trois dernières années, beaucoup oeuvré, ensemble, pour mieux faire la loi, mieux contrôler l'action du Gouvernement, mieux gérer et clarifier nos règles de fonctionnement interne. Nous avons su faire entendre la voix des territoires. Nous avons collectivement retrouvé la pleine légitimité de notre assemblée et sa place dans le fonctionnement des institutions de la République. Merci pour tout cela.

Le bicamérisme est un atout pour notre démocratie -  notre doyen d'âge l'a bien dit en se référant à Montesquieu. Mon projet repose sur deux principes : être garant de l'équilibre des pouvoirs, être garant de l'équilibre des territoires.

L'horloge démocratique de nos institutions ne peut se réduire à l'élection du président de la République au suffrage universel direct, suivie par l'élection des députés qui, depuis la réforme du quinquennat, n'est que la réplique sismique de l'élection présidentielle. L'équilibre des pouvoirs, indispensable au fonctionnement démocratique de la République, a besoin d'une voix différente : c'est celle du Sénat.

Ces mots de Charles de Gaulle à Bayeux sont aux sources de notre légitimité dans la Ve République : « Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée, élue et composée d'une autre manière, la fonction d'examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Or si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits ».

Le Sénat est le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. II protège les citoyens des lois de pulsions votées dans la précipitation sous la pression populaire ou médiatique, des excès éventuels de l'exécutif influencé par la proximité d'élections nationales ou la chute dans des enquêtes d'opinion.

C'est ce contre-pouvoir qu'incarne le Sénat ; un contre-pouvoir exigeant, qui n'est jamais un anti-pouvoir et sait s'opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes qui n'ont jamais été dans sa nature. Notre seule ambition, ce doit être l'intérêt de la France.

La force du Sénat est de savoir résister aux artifices de communication ou aux effets de mode qui caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu'on passe de l'ombre à la lumière, de l'ancien monde au nouveau monde... (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains)

Ce qu'il nous faut collectivement incarner, c'est l'efficacité au service de la France, le respect que nous devons aux élus locaux qui s'engagent chaque jour au service de nos compatriotes ; c'est la vérité que nous devons aux Français, le redressement concret de notre pays pour lequel nous serons toujours au rendez-vous.

Nous avons une responsabilité constitutionnelle spécifique. Nous sommes les représentants des élus locaux, des collectivités locales. Nous sommes les représentants de la France de la proximité, de la France du concret, de la vie quotidienne des Français. Et je n'oublie pas nos compatriotes établis hors de France qui sont aux avant-postes de notre pays.

Le développement équilibré de nos territoires en métropole et dans nos outre-mer est indissociable de l'idée que nous nous faisons de la Nation et de son unité.

Nous ne pouvons pas accepter que des parcelles de France se sentent aujourd'hui oubliées, à côté, que certains de nos compatriotes aient le sentiment de ne plus compter et, donc, de ne plus être concernés. La fracture territoriale est un poison lent qui mine notre pays et fissure notre modèle républicain.

Oui, nous devons réconcilier la France avec tous ses territoires. Et qui est mieux placé que nous, sénateurs, pour réussir cet objectif ? Le maillage territorial que garantissent les élus locaux peut seul reconnecter les territoires à la République. La fin du cumul des mandats constitue un défi : il fragilise le lien avec les élus locaux, ce lien direct qui contribuait à faire du sénateur un législateur avisé et un contrôleur vigilant. Je le dis clairement : le sénateur d'octobre 2017 n'est plus le sénateur de juin 2017. Il nous faudra exercer notre fonction de manière différente afin de prendre en compte les attentes des élus locaux, avant comme après le vote de la loi, et consolider ce lien de proximité ; il nous faudra consulter davantage et, pour ce faire, mettre en place un outil numérique de consultation permanente des élus locaux.

Le président de la République souhaite réduire le nombre de parlementaires. Je n'y suis pas opposé, à condition que le Sénat incarne, par sa composition, l'équilibre territorial et la diversité qui cimentent une Nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Union centriste, La République en marche et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

La diminution du nombre de sénateurs, à due proportion du nombre de députés, ne doit pas réduire au quasi-silence les territoires à faible démographie. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Union centriste, RDSE, La République en marche et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)

Dans son discours du 5 octobre 1965, Gaston Monnerville, mon illustre prédécesseur, disait : « si l'Assemblée nationale est le reflet de la démographie d'un pays, le Sénat est le reflet de sa terre et de sa géographie ». Je vous proposerai d'examiner cette réforme constitutionnelle, qui est pour nous une responsabilité majeure, sans parti pris et sans arrière-pensée mais soyez sûrs que le Sénat comptera dans cette révision. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Union centriste, RDSE, La République en marche et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)

Pour que le pays avance, et il a besoin d'avancer face à la désespérance et au chômage de masse, l'intérêt de la France doit primer sur toutes autres considérations, notamment dans les relations entre l'exécutif et le Parlement et plus particulièrement le Sénat.

Les Français demandent plus de liberté, moins de contraintes, moins de réglementation.

Les élus, que nous avons sentis épuisés, voire désespérés durant la campagne électorale, demandent de la stabilité, de l'autonomie, de la prévisibilité. Ils attendent qu'on fasse confiance à ce qu'a construit la décentralisation depuis trente-cinq ans ; qu'on le préserve et qu'on le fortifie. C'est notre responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, de l'Union Centriste, du RDSE, de La République en marche ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen) Il faut rétablir une relation de confiance entre l'exécutif et les élus locaux. Le Sénat doit être un facilitateur, un pont pour des relations apaisées et positives.

Les trois prochaines années, nous aurons une tâche immense à accomplir : réconcilier les citoyens avec le Parlement. Les parlementaires ont un devoir d'exemplarité. Beaucoup a été fait et nous poursuivrons les réformes engagées. Mais il faut cesser d'affaiblir le Parlement. Le populisme s'est toujours nourri de l'antiparlementarisme. Prenons garde de ne pas abimer la démocratie parlementaire, c'est notre bien commun, il faut la protéger. La dignité de chaque parlementaire, c'est pour le président que je suis, une exigence et un engagement que je prends devant vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, de l'Union Centriste, du RDSE, de La République en marche ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)

Cette élection à la présidence du Sénat, par une majorité de sénateurs dont je n'ignore ni les contours ni la diversité, m'honore et m'oblige. Je suis, je resterai fidèle à mes convictions, fidèle à mon attachement aux institutions de la Ve République, au rôle du Parlement, au bicamérisme et à la séparation des pouvoirs que je protégerai avec fermeté car elle est, pour moi, essentielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, de l'Union Centriste, du RDSE, de La République en marche ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)

Je resterai attaché à un Sénat ouvert, respectueux des droits et des libertés de chaque groupe, attentif aux libertés individuelles et collectives dans la tradition profonde de notre assemblée. Le Sénat a su, depuis trois ans, dans les moments importants, soutenir le Gouvernement à chaque fois que l'intérêt de la France l'exigeait et a su dire non à chaque fois qu'il le ressentait en conscience. L'indépendance du Sénat, la liberté des sénateurs, c'est notre différence ! Je serai le garant de cette différence sénatoriale que certains brocardent mais qu'au fond, beaucoup nous envient.

Comme vous tous, j'ai la France au coeur. Vive le Sénat ! Vive la République ! Vive la France !

(Les sénateurs des groupes Les Républicains, Union centriste, RDSE, La République en marche et la plupart des sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que M. Christophe Castaner, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement se lèvent et applaudissent longuement)