Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat : « Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives ».

M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants  - République et Territoires .  - La participation correspond parfaitement aux valeurs du groupe Les Indépendants - République et Territoires. Le président de la République a récemment remis à l'honneur ce qu'il a qualifié de « belle invention gaulliste », qui est partiellement entrée dans notre droit par son volet financier.

Il en va autrement du volet social, évoqué par Charles de Gaulle dès 1948 devant les mineurs de Saint-Étienne : il s'agissait bien, pour le Général, que les salariés participent très concrètement à la définition de leurs conditions de travail. L'ordonnance de 1967 n'en est qu'un succédané.

Les gouvernements ont exonéré de cotisations les sommes bloquées en participation et épargne salariale. La loi sur l'égalité des chances a apporté des avancées notables, avec une épargne salariale clés en main, le retour à la négociation de branche et une révision à la baisse du forfait social.

Cependant, dire que la moitié des salariés bénéficie d'une participation financière à l'entreprise, c'est dire que l'autre moitié n'en bénéficie pas. Le bilan est en demi-teinte. Ne baissons pas les bras pour autant. Méconnaissance par les salariés, suspicion de fraude ne doivent pas nous décourager.

La participation doit être la composante principale de la stratégie financière et économique. C'est un idéal, un élan, un espoir permettant à l'homme de garder sa dignité en exerçant sa responsabilité !

Monsieur le ministre, quelle place ferez-vous à la participation et à l'épargne salariale dans la loi que vous annoncez sur l'entreprise pour l'an prochain ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)

M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants  - République et Territoires .  - La participation financière des salariés aux résultats de l'entreprise assure une convergence d'intérêts entre patronat et salariat. Le principe est ancien, puisqu'il remonte à l'ordonnance du 7 janvier 1959 et qu'il incarne l'alliance souhaitée par le général de Gaulle entre le capital et le travail.

L'épargne salariale a connu une accélération, mais aussi une complexification dans les années 1970, avant une véritable prolifération de textes dans les deux décennies suivantes.

Notre pays est aujourd'hui le champion européen de l'actionnariat salarial : 76 % des entreprises disposent d'un plan actionnariat, contre 47 % pour la moyenne européenne et 36 % des salariés participent à ces dispositifs, contre 22 % des salariés européens.

Les salariés ont désormais le pouvoir de participer directement à la gouvernance de l'entreprise mais des freins demeurent, à commencer par la complexité du dispositif et l'instabilité fiscale.

Il convient de revenir sur la hausse du forfait social décidée en 2012. À la fin du mois, le salarié doit pouvoir lire sur sa fiche de paie le retour de son effort au service de l'entreprise.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-t-il lever les freins au développement de cette participation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Muriel Pénicaud aurait aimé participer à ce débat, sur lequel nous reviendrons dans les prochaines semaines.

Le président de la République a annoncé, le 15 octobre, une grande réflexion sur le financement des entreprises.

Un salarié sur deux bénéficie de la participation : nous sommes à mi-chemin. Malgré ses 50 ans, c'est une idée plus moderne que jamais.

Notre économie du savoir ne correspond plus aux rapports traditionnels du capital et du travail.

Trois enjeux marquent ce débat. D'abord, l'équité : si le salarié, dans notre monde, assume une part de risque de plus en plus importante, avec plus de ruptures de carrière, il convient qu'il perçoive aussi les fruits de la réussite. Aujourd'hui, la participation moyenne est de 2 500 euros par an, soit plus, en moyenne qu'un treizième mois.

Ensuite, un enjeu d'efficacité économique : un salarié bénéficiant de la participation est un salarié plus motivé, plus efficace - et l'ensemble des mécanismes d'épargne salariale représentent un encours d'environ 130 milliards euros, au service du développement des entreprises.

Troisième enjeu, culturel celui-là : la réconciliation du capital et du travail, déjà engagée par les ordonnances sur la réforme du marché du travail et le projet de loi de finances pour 2018. Sans capital, il n'y a pas d'investissement, pas de travail : il faut le dire, c'est une bataille culturelle, longue et difficile, tant nous nous sommes construits sur l'antagonisme entre les deux - puisse ce débat faire avancer cette réconciliation, au service de notre économie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Indépendants ; M. Jean-Paul Émorine applaudit aussi.)

M. Jean-Pierre Decool.  - Votre attention à ce dispositif ancien, visionnaire, ô combien moderne, éminemment humaniste, initié par le général de Gaulle, nous réjouit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

Mme Nathalie Delattre .  - Les dispositifs de participation et d'intéressement, vieux de cinquante ans, demeurent essentiels comme complément de rémunération, facteurs de motivation pour les salariés et de compétitivité pour les entreprises. Ils représentent un total de 16,9 milliards d'euros, soit 2 422 euros par salarié.

Le nombre de salariés concernés a tendance à stagner ou diminuer : ils étaient 8,6 millions de salariés concernés en 2015, soit 54,9 % du secteur marchand et agricole. Si la part de l'épargne salariale progresse, le dispositif s'essouffle.

La contribution patronale est passée de 2 à 20 % entre 2009 et 2012. Pour relancer le dispositif, il faudrait revoir le montant du forfait social, en particulier pour les entreprises de moins de 50 salariés. Êtes-vous prêt à le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - L'intéressement est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, et en dessous de ce seuil, elles peuvent toujours passer un accord d'intéressement : 16 % des salariés concernés en bénéficient - ce n'est certes pas assez, mais ce n'est pas rien, nous aurons à le répéter dans ce débat.

Des incitations fiscales existent, il ne faut pas perdre de vue qu'elles représentent un coût fiscal de 1,7 milliard d'euros, ce qui est significatif dans la période que nous connaissons.

Mme Chantal Deseyne .  - Les dispositifs dont nous parlons sont surtout présents dans les grandes et moyennes entreprises. La volonté d'étendre cette « belle invention gaulliste » est louable. Cependant, je ne crois pas à la coercition pour les PME : ce serait alourdir leurs contraintes, car de tels dispositifs exigent le recours à un expert-comptable. En revanche, d'autres outils incitatifs sont possibles. Christophe Castaner, alors vice-président du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (Copiesas) avait, en 2014, présenté 31 propositions pour réformer l'épargne salariale - toutes incitatives, puisqu'il se prononçait contre une obligation pour les PME. Parmi ces propositions, une exonération du forfait social pour les PME, ou encore celle d'un nouveau support d'épargne, avec un Livret E, pour les entreprises : qu'en pensez-vous ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Il faudra effectivement réfléchir à des moyens spécifiques pour les TPME. Je ne crois pas à la coercition, qui est contraire à la philosophie d'une liberté encadrée propre au projet du président de la République - « La liberté des Anciens ne contredit pas celle des Modernes » écrivait Benjamin Constant.

Il ne faudrait pas qu'un nombre de salariés très restreint gêne la mise en place d'un dispositif de participation.

Les ordonnances Travail pourraient prévoir des dispositions spécifiques pour les PME et inventer des boîtes à outils pour les aider.

M. Dominique Théophile .  - La participation des salariés aux résultats des entreprises est une forme d'intéressement. Environ 8 millions de salariés sont concernés. En 2015, 55 % des salariés du privé avaient accès au dispositif d'intéressement de leur entreprise. Le président de la République a souhaité relancer ce dispositif. Il souhaite transformer en profondeur le monde du travail. Son cap est clair : l'entreprise n'est pas seulement un point de ralliement pour des actionnaires, comme la définit le droit, elle est d'abord un lieu où des femmes et des hommes sont engagés, que ce soit du côté du travail ou du capital. Le ministre de l'économie a expliqué que l'obligation de la participation pourrait être étendue aux PME.

Comment le Gouvernement entend-t-il mettre en oeuvre la volonté du président de la République ? Dans ma région, la Guadeloupe, 96 % des entreprises sont des PME. Quels seront les grands axes notamment dans les régions les plus fragiles ? Quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Nous avons lancé la consultation il y a 48 heures : je ne saurais vous en donner les conclusions.

De mes années d'études, j'ai retenu la notion de l'affectio societatis : l'entreprise est un lien, avant d'être une perspective de profit.

La consultation que nous venons de lancer comporte six chantiers, donc six groupes de travail. L'un d'eux porte sur l'intéressement : nous l'avons confié à Stanislas Guerini et Agnès Touraine.

Ils présenteront leurs propositions le 10 décembre à Bruno Le Maire et moi-même. Nous ouvrirons une consultation citoyenne mi-janvier. Au printemps, les deux assemblées pourront examiner le projet que nous leur présenterons.

M. Dominique Watrin .  - À tous ceux qui veulent réaffirmer la place des travailleurs dans l'entreprise, nous répondons : « Chiche ! ». L'entreprise, c'est avant tout l'ensemble des travailleurs qui la font vivre et créent des richesses. Alors que les aspirations démocratiques progressent partout, l'entreprise reste une institution monarchique. Plutôt que de fusionner les instances représentatives du personnel, au lieu de réduire les pouvoirs du comité des entreprises, donnons-leur un pouvoir de contre-proposition économique effectif. Chaque fois que je visite une entreprise dans mon département du Pas-de-Calais, je constate que les intérimaires constituent jusqu'à la moitié des salariés : on atteint ici la dignité même des salariés. Ne faudrait-il pas donner plus de pouvoirs à leurs représentants dans la gestion de l'entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Le terme « participation » est polysémique. La participation des salariés dans l'entreprise est reconnue de longue date et prend des formes différentes : participation financière mais aussi dialogue dans lequel les salariés sont engagés dans les organes de direction des entreprises.

La loi de 2002 puis celle de 2006 ont rendu obligatoire cette participation des salariés aux organes de direction des entreprises. Le sujet que vous ouvrez concerne plus largement la gouvernance des entreprises. Il est hors du champ d'étude du groupe de travail que nous avons créé, mais vous pouvez lui soumettre votre question.

M. Michel Canevet .  - Les centristes sont très attachés à la participation et aux dispositifs d'intéressement. L'ordonnance de 1957 a été enrichie de texte en texte, l'ensemble progresse. La participation a augmenté de 25 % entre 2000 et 2015 et l'intéressement de 200 %.

Nous sommes, ensuite, défavorable à une obligation pour les PME ; nous préfèrerions des incitations, via une exonération ou un allègement du forfait social, ou encore un dispositif spécifique, plus simple, tout en assouplissant celui qui existe pour les plus grandes entreprises : qu'en pensez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Nous sommes tous d'accord pour considérer que la participation est un dispositif très lourd pour les entreprises. La mise en place de la participation représente une hausse du coût du travail alors que le Gouvernement s'emploie à réduire ce coût ; elle requiert de l'ingénierie administrative et sociale dont toutes les entreprises ne disposent pas. Une boîte à outils les y aiderait.

M. Xavier Iacovelli .  - « Je veux que tous les salariés aient leur juste part quand leur entreprise va mieux. » Tel est le souhait du président de la République, qui poursuit le chemin dans lequel s'était engagé François Hollande en baissant le forfait social de 20 % à 8 %.

M. Castaner a partagé la pensée du président de la République en indiquant qu'il fallait transformer la gouvernance des entreprises en faisant entrer les salariés au conseil d'administration. Le 18 octobre, le ministre de l'économie s'est en revanche montré réservé sur l'octroi d'un pouvoir aux salariés.

Irons-nous vers une codécision à l'allemande ou raterons-nous le coche ? Ne nous inspirons pas uniquement des mauvais côtés du modèle allemand ! Donner du pouvoir aux salariés dans les conseils d'administration, c'est redonner de la justice et de l'équité.

Pouvez-vous clarifier les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - La philosophie du président de la République est claire : il faut que le travail paie mieux qu'il n'a payé. La participation de salariés aux conseils d'administration ou les directoires des entreprises n'est pas une terra incognita en France : la participation d'administrateurs salariés au conseil d'administration est déjà une obligation pour les grandes entreprises de plus de 5 000 salariés. Dès 2018, l'entrée en vigueur de la loi Rebsamen de 2015 favorisera cette participation dans les entreprises de moins de 1 000 salariés.

Nous avons engagé notre consultation sans idée préconçue. Considérer que la codécision à l'allemande fonctionnerait en France c'est faire fi d'une culture entrepreneuriale très différente des deux côtés du Rhin. Je ne crois pas au copier-coller. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Pierre Decool .  - Il faut faire la publicité de la participation des salariés à l'entreprise. Il faut que le travail paie, comme vous le dites, monsieur le ministre. Nous pourrions ajouter une ligne sur le bulletin de paie. Nous changerions ainsi le regard des salariés. Nous sommes tous d'accord sur l'idée que les administrateurs salariés doivent défendre leur activité. Le bilan reste en demi-teinte. Nous devons redoubler d'efforts.

Renforcement de la participation et sensibilisation des salariés à la pertinence de cet outil : cette politique doit tenir sur deux jambes.

Comment comptez-vous améliorer la communication au sein de l'entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je suis prêt à rajouter une ligne consacrée à la participation sur le bulletin de paie puisque nous en supprimons deux pour les cotisations. (Sourires) Une règle nouvelle pour deux règles supprimées, conformément à ce qui a été convenu avec le Premier ministre. Tout ce qui permettra d'identifier davantage les apports de la participation, pour gagner la « bataille culturelle » sur cette question, sera bienvenu et accueilli favorablement par le groupe de travail piloté par Agnès Touraine et Stanislas Guerini.

La semaine de l'épargne salariale qui a été organisée pour la première fois cette année m'a un peu échappé. Sans doute pouvons-nous améliorer la communication sur les bienfaits de la participation et l'intéressement. Nous sommes ouverts à l'organisation d'une campagne sur ce sujet, ciblée sur les réseaux sociaux, sur les non-lecteurs de la presse économique. Toute idée innovante en la matière sera bienvenue.

M. Jean-Claude Requier .  - L'accès des salariés à l'intéressement et la participation est directement lié à la taille de l'entreprise. Pour inciter les TPE et PME à s'engager dans ces dispositifs, il faudrait leur proposer des mesures incitatives, voire obligatoires pour les entreprises de 20 à 50 salariés. Elles pourraient être exonérées du forfait social les trois premières années, puis bénéficier d'un taux de 8 %, puis de 16 %.

Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour qu'un plus grand nombre de TPE et de PME accèdent à la participation et à l'épargne salariale ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je vous renvoie au débat sur la maîtrise de la trajectoire des finances publiques. C'est un engagement présidentiel. Il existe déjà des mécanismes incitatifs. Nous sommes prêts à y réfléchir à nouveau, avec précaution. Tel est le sens du travail engagé avec Bruno Le Maire.

Mme Pascale Gruny .  - Le mécanisme obligatoire de participation pourrait être élargi aux entreprises de moins de 50 salariés. J'émets de fortes réserves : vous qui prônez la simplification, voilà une complication nouvelle pour les TPE et PME.

Le forfait social, de 2 %, est passé à 20 % en 2012. La loi Macron du 6 août 2015 l'a fait revenir à 8 %, mais seulement pour les TPE.

Pourquoi ne pas aller plus loin, monsieur le ministre, et étendre ce taux à toutes les entreprises de moins de 50 salariés, voire - chiche ! - supprimer ce forfait social pour toutes les entreprises ?

Quid des travailleurs indépendants ? Allez-vous ponctionner leur rémunération, constituée par leur résultat net, pour la participation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je ne suis pas favorable à la coercition ni à l'obligation. Je plaide pour la liberté du chef d'entreprise quant à la répartition des fruits du travail, et pour l'incitation.

Je me félicite avec vous de la baisse du forfait social de 20 % à 8 %. Toutefois, le coût, de 2,9 milliards d'euros, est important pour les finances sociales. Il faut trouver un équilibre pour les finances publiques. Les indépendants, dont je pourrais vous parler longuement ayant été sous ce régime pendant des années, ne sont, eux, pas concernés.

Mme Patricia Schillinger .  - La participation est un outil de partage des bénéfices, mais aussi de l'épargne, bénéficiant d'avantages fiscaux. Le président de la République a annoncé un vaste chantier sur la participation et le dialogue social dans l'entreprise. Seuls 56 % des salariés du privé bénéficient de ces outils.

Comment le Gouvernement prendra-t-il en compte la spécificité des TPE ? Plus les entreprises sont petites, plus la participation est faible ; mais la rendre obligatoire serait dangereux dans les entreprises où les salariés sont pourtant bien plus intéressés - si j'ose dire - aux succès de leur entreprise.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Ne perdons pas de vue l'objectif de la simplification pour les petites entreprises. Le chef d'entreprise doit se concentrer sur son activité plus que sur l'organisation ou l'administration de sa structure s'il veut la développer et assurer sa croissance.

Nous ferons du sur-mesure en nous appuyant sur la réalité. Nous n'auditionnerons pas que les corps constitués mais aussi les entrepreneurs que nul n'écoute. Je suis certain que des petits verrous réglementaires peuvent sauter pour simplifier la vie des entreprises.

M. le président. - Mme Schillinger ne souhaitant pas répondre, le moment est venu pour Mme Gruny d'utiliser son propre droit de réplique.

Mme Pascale Gruny .  - Merci. La suppression du forfait social serait un bon investissement : le pouvoir d'achat supplémentaire pour les salariés irait nourrir l'économie !

Mme Laurence Cohen .  - Je déplore, avec Dominique Watrin, qu'on ne puisse pas parler de la participation démocratique dans l'entreprise. Je regrette aussi le manque de revalorisation des salaires dans le privé comme dans le public. N'oublions pas que les primes de participation ne sont pas soumises aux cotisations sociales.

En réalité, c'est une rémunération aléatoire et discrétionnaire. N'y-a-t-il pas une forme d'hypocrisie à geler les salaires des fonctionnaires et le Smic tout en encourageant la participation des salariés du privé, pendant que les bénéfices des entreprises du CAC 40 explosent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je constate que l'antagonisme public-privé existe encore... Comme s'il y avait deux France ! Je ne partage évidemment pas cette conception. J'assume complètement le fait que la participation puisse procurer à certains salariés des revenus importants.

Il existe des versements quasi égalitaires entre cadres supérieurs et personnes assumant des fonctions support, dans certaines entreprises. Si l'entreprise est bénéficiaire, c'est grâce à la totalité des salariés qui la composent, du volet commercial ou financier, comme des secteurs administratifs ou logistiques. Nous sommes ouverts à une évolution de la répartition des versements pour plus d'égalité.

Travaillons sereinement sans opposer public et privé. En outre, la participation dans la fonction publique est un chantier à ouvrir.

Mme Laurence Cohen.  - Tout ceci n'occulte en rien la nécessité de revaloriser les salaires, d'assurer la participation des salariés à la gouvernance, ni la fin du temps partiel.

M. Jean-Claude Luche .  - N'oublions pas l'importance du problème de la transmission d'entreprises.

La participation accrue du salarié pourrait encourager la reprise de l'entreprise par des salariés qui y sont très attachés mais échouent souvent à obtenir des prêts des banques pour mener à bien leur projet.

Dans les zones rurales, les repreneurs locaux ne sont pas légions. L'entrée progressive dans le capital des entreprises par un salarié ou un tiers pourrait ainsi faciliter la transmission à des acteurs locaux.

La confiance des banques doit être également développée. Nos concitoyens pourraient investir davantage dans les entreprises. Autrefois, on pouvait investir de la sorte dans les Codevi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - C'est une question très importante. Deux groupes de travail vont être consacrés à la croissance, au rebond, à la transmission. La reprise d'entreprise est à cheval entre leurs missions chantier. Il existe des solutions. En 2006, la Redoute a été reprise selon un mécanisme intéressant mais très contraignant. Jusqu'à 95 % de l'actif peut être ainsi investi dans l'entreprise. Les salariés y ont pleinement participé, le conseil d'administration du FCPE étant entièrement composé de salariés élus par leurs collègues porteurs de parts. Je serai heureux d'y revenir avec vous, puisque vous connaissez bien le sujet.

Mme Florence Lassarade .  - Le Gouvernement souhaite renforcer l'épargne salariale afin de mieux associer les salariés aux résultats de l'entreprise. Une première loi du 24 juin 2013 a imposé des administrateurs salariés au-dessus de seuils qui ont été abaissés avec la loi Rebsamen du 17 août 2015. Les dernières ordonnances sur le travail ne mentionnent finalement aucune réponse, contrairement à ce qui semblait être la volonté du Gouvernement qui pouvait y revenir dans la loi qui s'annonce pour le printemps.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je ne veux pas déflorer le chantier dédié à la participation dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises. Nous venons de lancer sept semaines d'auditions, d'écoute, d'échanges, il y a 48 heures avec Bruno Le Maire. Le Gouvernement s'attend à être bousculé lors de ces débats. Attendons les résultats.

Il est incontestable, le président de la République l'a dit dans son récent entretien télévisé, qu'il faut mieux répartir les fruits de la croissance des entreprises. La participation des salariés à la gouvernance pourra aussi être abordée lors de ces sept semaines de travail. Il est donc trop tôt pour en parler. Je reviendrai avec plaisir pour ce faire, avant d'engager un processus législatif, probablement à partir de janvier. Toutefois, si la participation devait s'étendre, il faudrait qu'elle soit adaptée à chaque type d'entreprise au plus près des réalités.

Mme Catherine Fournier .  - La croissance s'améliore cette année : tant mieux. Nous ne devons pas entraver le mouvement. Favorisons le pouvoir d'achat des Français et incitons-les à investir dans nos entreprises. La réforme pourrait passer par des exonérations sociales et fiscales. Mais attention à ne pas rigidifier et compliquer la vie des PME.

Un axe à développer : l'ouverture du capital des entreprises pour les salariés mais aussi pour tous les acteurs d'un territoire. Augmenter le capital, c'est relancer l'investissement de l'entreprise. L'augmentation des fonds propres ne doit pas être confondue avec la cession de parts existantes, qui ne fait que nourrir la spéculation.

Prévoyez-vous des mesures spécifiques à cet égard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Il n'est évidemment pas question d'encourager la spéculation. Vous avez évoqué deux sujets - preuve qu'on peut faire deux choses en même temps : favoriser le pouvoir d'achat et permettre aux entreprises de se financer. Le prélèvement forfaitaire unique et l'impôt sur la fortune immobilière sont deux mesures fiscales de la loi de finances pour 2018 qui réorientent le capital productif vers le financement des entreprises.

On pourrait identifier des investissements qui ont du sens, socialement responsables par exemple. Je songe aux GreenTechs, dans lesquelles la France est en pointe. La Banque postale a récemment noué un partenariat dans ce domaine.

Notre vision, c'est une France où les Français sont incités à orienter leur épargne vers les entreprises. Je ne fais pas partie des ennemis de la finance ; mais le pire service qu'on peut lui rendre, c'est de la laisser provoquer des catastrophes.

Mme Nicole Duranton .  - Notre pays a un problème avec la réussite. Ce n'est pas nouveau. Ce débat est philosophique, complexe. Le président de la République a annoncé qu'il ouvrirait un nouveau chapitre de la participation. Je partage cette vision d'une indispensable transformation. Il faut aller plus loin, définir une nouvelle relation dans l'entreprise, de confiance, qui récompense l'investissement de tous. Faire participer les salariés, c'est les sensibiliser aux enjeux globaux de l'entreprise.

Ces questions méritent un débat apaisé et dépassionné. Il est temps de montrer que les entreprises ne servent pas seulement des intérêts particuliers mais participent à la réussite économique du pays. Que comptez-vous faire pour cela ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Merci pour ces mots de philosophie. Notre pays n'aime pas la réussite, en effet. Mais il n'aime pas non plus l'échec. Un chef d'entreprise qui échoue - cela arrive - aura beaucoup de mal à obtenir un prêt s'il veut monter une autre entreprise. Il n'y a pas de deuxième chance. Et si vous réussissez, vous êtes un peu suspect... Dans ce pays, on n'a donc ni le droit de réussir, ni le droit d'échouer. Ce qu'entend faire le Gouvernement, c'est bien permettre à des gens d'échouer. Steve Jobs s'est fait virer d'Apple, puis est revenu avec succès. Vous avez parlé de confiance entre les salariés et les chefs d'entreprise. Pour avoir fondé deux petites entreprises, je ne me reconnais pas dans la caricature du patron avide. Un chef de petite entreprise est très proche de ses salariés, qu'il appelle par leur prénom.

C'est très différent des grands groupes où les relations sont plus cloisonnées et verticales. Nous avons, je le répète, une véritable bataille culturelle à mener contre les antagonismes systématiques.

Mme Agnès Canayer .  - Mes collègues ont déjà loué la participation. Effectivement elle favorise la compétitivité des entreprises. Il faut cependant simplifier les dispositifs notamment pour les TPE et PME, mettre fin à l'instabilité fiscale. J'espère que le Premier ministre tiendra ses engagements dans ce domaine.

La fiscalité de la participation en particulier doit être stabilisée. Le passage du forfait social unique de 2 % à 20 % entraîne une frilosité dans ce domaine. Le Gouvernement souhaite supprimer le mécanisme des taux historiques à compter du 1er janvier prochain. Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il adopter une telle mesure qui brouille la vision à long terme des entrepreneurs dans la loi de finances pour 2018 ?

Comment dans ces conditions favoriser une épargne longue pour favoriser l'investissement dans les PME ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Sur la lisibilité de la norme, nous trainons un poids depuis des années. Un projet de loi de simplification sera porté par Gérald Darmanin. Tout ce qu'on peut faire par des lois moins bavardes, on le fera. Un des chantiers du projet de loi que nous portons avec Bruno Le Maire sera consacré spécifiquement à la relation entre administration et entreprise.

J'ai la responsabilité de l'attractivité de la place de Paris : la question de la stabilité fiscale et sociale est centrale. La philosophie du Gouvernement, c'est de ne pas revenir sur un texte adopté au cours du quinquennat.

Pour la mesure que vous évoquez, du PLFSS, adressez-moi une question écrite, afin que je vous adresse une réponse précise.

M. Marc Laménie .  - Merci, chers collègues, pour l'organisation de ce débat fondamental sur un thème particulièrement important.

Tous et toutes, nous sommes attachés à l'activité économique sur nos territoires, notamment ruraux. Les chefs d'entreprise font vivre les territoires, mais l'implication des salariés, leur attachement à l'outil de travail sont un combat permanent.

Hélas, les entreprises se heurtent à la complexité des démarches administratives, à la difficulté du dialogue social, et aux obstacles sur la voie des financements. Que comptez-vous faire dans ce dernier domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je suis souvent présenté comme Parisien, ce qui est étrange pour un enfant du Morvan et de la Bresse. Disons que je suis à mi-chemin... Je connais bien les sujets que vous évoquez, pour avoir été élu local.

Nos groupes de travail pour la simplification compteront des start-up, des hauts fonctionnaires, des parlementaires, des corps constitués. Ce n'est pas une initiative de start-uppers parisiens. Des chefs d'entreprise venus de tout le territoire dirigeront les groupes de travail.

Je ne crois pas que la loi résoudra tous les problèmes. Souvent, un déblocage réglementaire, voire une action publique différente, suffiront.

Merci aux organisateurs de ce débat. Nous vous invitons à apporter votre expertise, votre vision. Ce n'est pas un truc de start-uppers parisiens.

Gageons que cela permettra de faire grandir nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, UC, Les Républicains et RDSE)

La séance, suspendue à 18 h 20, reprend à 18 h 30.