Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2018.

Dans la suite de la discussion des articles, nous sommes parvenus à l'article 28. Nous allons donc examiner l'article d'équilibre et l'état A sur les voies et les moyens.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

ARTICLE 28 (État A)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.  - Serait-il possible de suspendre la séance quelques minutes ? Le Gouvernement souhaite présenter un amendement tirant les conséquences de l'intégralité des votes du Sénat sur l'article d'équilibre. Les discussions sont encore en cours sur le chiffrage de la hausse de la TVA dans le secteur du logement social qu'entraîne l'adoption de l'amendement de M. Dallier.

M. le président.  - Soit.

La séance, suspendue à 14 h 35, reprend à 14 h 45.

M. le président.  - Amendement n°I-645 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I. Dans l'état A, les évaluations de recettes sont modifiées comme suit :

I. - BUDGET GÉNÉRAL

1. Recettes fiscales

11. Impôt sur le revenu

Ligne 1101            Impôt sur le revenu

minorer de  555 000 000 €

13. Impôt sur les sociétés

Ligne 1301            Impôt sur les sociétés

majorer de 480 000 000 €

14. Autres impôts directs et taxes assimilées

Ligne 1406            Impôt sur la fortune immobilière

minorer de 850 000 000 €

Ligne 1413                   Taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collectionet d'antiquité

minorer de 2 000 000 €

Ligne 1499            Recettes diverses

minorer de 105 700 000 €

15. Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

Ligne 1501            Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

minorer de 340 000 000 €

16. Taxe sur la valeur ajoutée

Ligne 1601            Taxe sur la valeur ajoutée

majorer de 693 500 000 €

17. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

Ligne 1711            Autres conventions et actes civils

minorer de 150 000 000 €

Ligne 1713            Taxe de publicité foncière

minorer de 150 000 000 €

17. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

Ligne 1785            Produits des jeux exploités  par la Française des jeux (hors paris sportifs)

minorer de 63 800 000 €

Ligne 1799            Autres taxes

minorer de 7 000 000 €

2. Recettes fiscales

26. Divers

Ligne 2699            Autres produits divers

minorer de 28 900 000 €

3. Prélèvements sur les recettes de l'État

31. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

Ligne 3107        Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale

minorer de 60 000 000 €

Ligne 3134        Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

majorer de 65 800 000 €

Ligne 3137 (nouvelle)    Prélèvement sur les recettes de l'État au titre du soutien des communes vulnérables

majorer de 36 000 000 €

II. Les montants du tableau de l'alinéa 2 de l'article sont fixés comme suit :

 

 

(En millions d'euros)

 

 

 

 

 

 

 

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

 

 

 

 

 

 

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

402 687

443 313

 

 

    À déduire : Remboursements et dégrèvements

116 861

 116 861

 

 

 Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

285 826

326 451

 

 

 Recettes non fiscales

 13 403

 

 

 

 Recettes totales nettes / dépenses nettes

299 229

326 451

 

 

    A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des

 

 

 

 

      collectivités territoriales et de l'Union européennes

 60 580  

 

 

 

 Montants nets pour le budget général

238 648  

 326 451

-87 803  

 

 

 

 

 

 

 Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

 3 332

 3 332

 

 

 Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

241 980

 

329 783

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Contrôle et exploitation aériens

 2 127

 2 132

-  4

 

 Publications officielles et information administrative

  186

  173

+  13

 

 Totaux pour les budgets annexes

 2 313

 2 305

+  8

 

 

 

 

 

 

 Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

 

 

 

 

 Contrôle et exploitation aériens

  57

  57

 

 

 Publications officielles et information administrative

»

»

 

 

 Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

 2 370

 2 362

+  8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Comptes d'affectation spéciale

 78 028

 75 581

+ 2 446

 

 Comptes de concours financiers

 128 225

 129 392

- 1 167

 

 Comptes de commerce (solde)

xx

 

+  45

 

 Comptes d'opérations monétaires (solde)

xx

 

+  62

 

 Solde pour les comptes spéciaux

xx

 

+ 1 387

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Solde général

xx

 

-86 408  

III. Les montants du tableau de l'alinéa 5 de l'article sont fixés comme suit :

 

(En milliards d'euros)

 

 

 

 

Besoin de financement

 

 

 

 

 

Amortissement de la dette à moyen et long termes

120,1

 

     Dont amortissement de la dette à moyen et long termes

119,4

 

     Dont suppléments d'indexation versés à l'échéance (titres indexés)

0,7

 

Amortissement des autres dettes

-

 

Déficit à financer

86,4

 

Autres besoins de trésorerie

0,3

 

 

 

 

     Total

206,8

 

 

 

 

 

 

 

Ressources de financement

 

 

 

 

 

Émission de dette à moyen et long termes, nette des rachats

195,0

 

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

1,0

 

Variation nette de l'encours des titres d'État à court terme

-

 

Variation des dépôts des correspondants

 1,0

 

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État

6,3

 

Autres ressources de trésorerie

3,5

 

 

 

 

     Total

206,8

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Je vous présente mes excuses pour cet amendement tardif. La censure par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les dividendes, objet de la première loi de finances rectificatives pour 2017, dégrade le solde budgétaire de 4,1 milliards d'euros. Les amendements du Sénat l'améliorent de 785 millions d'euros (Marques de satisfaction sur les bancs du groupe Les Républicains) au prix de la suppression du dégrèvement prévu pour couvrir l'exonération de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages - l'une des principales mesures de ce budget en faveur du pouvoir d'achat des ménages - ainsi que de la suppression de l'IFI qui a vocation à se substituer à l'ISF.

À ce stade, et en accord avec le Premier ministre, nous évaluons la hausse du taux de TVA de 5,5 % à 10 % sur l'acquisition de terrains à bâtir, la construction et la rénovation d'immeubles dans le secteur du logement social, à l'exclusion de l'hébergement d'urgence, des centres pour personnes handicapées et des opérations d'accession sociale à la propriété, à 700 millions d'euros. En contrepartie, le Gouvernement proposera d'augmenter, en seconde partie, les dépenses du programme 109 « Aide à l'accès au logement » de 700 millions d'euros.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances.  - Je demande une rapide suspension de séance pour que les membres de la commission des finances examinent l'amendement.

La séance, suspendue à 14 h 50, reprend à 15 heures.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Le Gouvernement nous a transmis un peu tardivement ce traditionnel amendement sur l'article d'équilibre... (Sourires) Cette année, il intègre l'incidence sur 2018 de la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe à 3 % sur les dividendes qui dégrade le solde de 4,1 milliards.

Le solde se dégrade de plus de 10 milliards d'euros par rapport à l'an dernier, ce qui n'est pas une surprise : c'est exactement ce que j'avais annoncé lors de la présentation du tome I du rapport sur le projet de loi de finances. Les votes du Sénat améliorent le solde de 785 millions d'euros.

Je regrette que le Gouvernement n'ait pas chiffré l'impact de l'amendement n°I-619, voté à la quasi-unanimité, sur l'instauration d'une responsabilité solidaire des plateformes de vente en ligne en cas de non-paiement de la TVA par des vendeurs situés dans des pays tiers. Cela pourrait rapporter, à terme, plusieurs milliards d'euros.

Les recettes financières sont majorées de 855 millions d'euros. L'article 3 a été supprimé, ce qui minore les dégrèvements de 3,04 milliards. Selon le Gouvernement, la suppression de l'IFI minorerait les recettes de 850 millions d'euros. Selon moi, ce rendement ne sera pas au rendez-vous : les investisseurs se détourneront de l'immobilier, sur lequel pèsera une fiscalité très lourde, pour se tourner vers les valeurs mobilières qui bénéficieront d'une fiscalité très légère voire nulle. De plus, le Gouvernement n'a pas tenu compte de l'incidence de l'ISF-PME - qui représente 660 millions d'euros en 2017. Mieux aurait valu supprimer l'IFI plutôt que de créer une usine à gaz.

Nous avons relevé le plafond du quotient familial, ce qui réduit les recettes de l'État de 555 millions d'euros par an - nous l'assumons.

Parmi les autres mesures notables, citons le relèvement du taux de TVA sur le logement social. Le Gouvernement l'avait initialement chiffré à 400 millions d'euros, ce que nous trouvions faible. Il rectifie le tir, excellente chose, car l'amendement de M. Dallier, qui a pour contrepartie une augmentation des crédits du logement social à hauteur de 700 millions d'euros, représente une voie pour trouver une solution équilibrée sur le logement social.

Les recettes brutes de la TICPE sont minorées de 340 millions, et ce, au bénéfice des collectivités ; celles de l'impôt sur les sociétés de 120 millions d'euros ; et ce, au bénéfice des PME.

Les recettes non fiscales sont minorées de 28,9 millions d'euros car le Sénat a voulu amoindrir l'effort pesant sur les chambres de commerce et d'industrie, qui ont déjà été très sollicitées.

Enfin, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales sont majorés de 42 millions pour dégager une enveloppe, entre autres, pour les communes vulnérables.

L'amendement du Gouvernement traduit les votes du Sénat en faveur des familles, des PME et des communes vulnérables - les grandes oubliées de ce projet de loi de finances. La commission lui a donné un avis favorable et invite le Sénat à l'adopter.

M. Philippe Dallier.  - Je ne peux que me réjouir que l'amendement sur la TVA sur le logement social ait été apprécié à sa juste valeur. L'estimation des gains à 700 millions est très proche de celle de la commission des finances. Il ouvre la voie à un compromis. Il ne reste, si j'ose dire, plus que 800 millions d'euros à trouver... Ce sera l'objet de discussions durant la seconde partie. Un compromis, donc, mais encore faut-il que le Gouvernement abandonne l'idée de la montée en charge sur trois ans et accepte l'idée que cette solution du Sénat est pérenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Valérie Létard.  - Je salue cet amendement qui confirme la solution proposée par M. Dallier. Nous avons essayé de trouver une voie de passage pour ne pas préempter les moyens du logement social en attendant une réforme, elle ne vaut que si la solution est considérée comme pérenne et définitive et que l'idée de progressivité est abandonnée. Il y va de l'intérêt de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Ce n'est pas de gaieté de coeur que le groupe SOCR a voté l'amendement Dallier. Nous aurions préféré que le logement social ne soit pas prélevé mais un prélèvement valait mieux que l'article 52 qui, en l'état, mettait en cause notre modèle du logement social à terre. Espérons que ce compromis ne soit pas une façon, pour le Gouvernement, de reculer pour mieux sauter...

La prochaine étape, ce sera le projet de loi sur le logement. Pas de fragilisation de notre modèle et une solidarité dans la démarche, tels sont les mots d'ordre. Je rappelle que l'abaissement de la TVA sur le logement social date du quinquennat Hollande ; nous n'acceptons le retour à 10 % qu'en compensation de l'abandon de l'article 52. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Vincent Delahaye.  - Ne résumons pas le travail effectué jusqu'ici en le réduisant au logement. IFI, PFU, relations avec les collectivités territoriales : les sujets de discussion ont été nombreux. Nous restons à la disposition du Gouvernement pour travailler de manière constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

L'amendement n°I-645 rectifié est adopté.

L'article 28, modifié est adopté.

Explications de vote sur la première partie

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que, conformément à l'article 42 de la loi organique relative aux lois de finances et à l'article 47 bis, alinéa 2, de notre Règlement, l'ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté si le Sénat n'adopte pas sa première partie.

Compte tenu de l'organisation du débat, décidée par la Conférence des Présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour expliquer son vote, à raison d'un orateur par groupe, l'orateur des sénateurs non-inscrits disposant de trois minutes.

M. Pascal Savoldelli .  - Nous vivons un moment clé pour les cinq années à venir : le Gouvernement installe sa politique pour les cinq années à venir. Le moins que l'on puisse dire est que la justice fiscale et la justice sociale ne sont pas au rendez-vous.

Après un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui a amplifié les choix des gouvernements précédents sous l'habillage d'une novlangue technocratique et déconstruit, point par point, le modèle français, le volet recettes du projet de loi de finances ne répond pas aux attentes des Français. De fait, ils n'ont pas ratifié le traité européen de 2012, qui organise la « concurrence libre et non faussée », et verrouille notre souveraineté budgétaire.

Pour les 2 % les plus riches, le relèvement du barème de l'impôt sur le revenu représente 440 millions de gains ; le prélèvement forfaitaire, 1,4 milliard d'euros. Et pour les Français modestes ? Vous leur imposez une hausse de la TVA dans les HLM : 140 euros par an et par locataire. Et à la demande des banques et des marchés financiers, vous fiscalisez l'épargne logement.

Sur la taxe d'habitation ? Vous prenez les Français en étau. D'un côté, la droite sénatoriale conserve un impôt injuste. De l'autre côté, le Gouvernement leur supprime des services publics locaux. Nous, nous disons qu'il faut avoir le courage de réformer la taxe d'habitation pour la rendre plus juste. Pas étonnant que vous ayez refusé nos propositions d'augmentation de la DGF : les collectivités sont, une nouvelle fois, des variables d'ajustement pour servir l'appétit de la finance.

La suppression de l'ISF - l'idée est si nouvelle qu'elle remonte à 1986 - est le récit d'un hold-up au profit des marchés financiers et des banques. Selon la DGFiP, l'exil fiscal ne concerne que 0,2 % des assujettis à l'ISF. À Neuilly, la fortune fiscale a doublé pour atteindre 32 milliards d'euros entre 2004 et 2016. La droite et En Marche se complètent. Seul l'argent a des idées. C'est en son nom que vous avez refusé un impôt sur le revenu plus progressif et la mise à contribution du CICE et du CIR à l'effort.

Monsieur le Ministre, vous ne mettez pas la République en marche, mais l'égalité à l'arrêt. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Bernard Delcros .  - Parmi les causes de la défiance des Français à l'égard du monde politique figure le manquement à la parole donnée. Les Français veulent que la vérité soit dite et qu'un cap soit donné : le projet de loi de finances le fait. Il réduit la dépense publique et le déficit respectivement de 0,7 et 0,3 point du PIB. Pour que la France soit crédible, elle doit respecter ses engagements européens. Sécurité, lutte contre le terrorisme, question délicate des migrants, transition énergétique, emploi dans une économie mondialisée, nous ne pourrons relever ces défis qu'avec nos partenaires européens.

Ce budget traduit des choix courageux pour réussir le défi du désendettement et de la relance de l'emploi par l'activité. Nous devons être au rendez-vous de la révolution numérique et de la transition écologique pour créer les emplois de demain.

Nous partageons votre objectif d'orienter le capital et l'épargne vers les entreprises et l'emploi. C'est un pari, bien sûr, mais toutes les autres solutions ont montré leurs limites depuis longtemps. En revanche, nous avons montré en quoi l'investissement dans le locatif immobilier est créateur d'activités et d'emplois sur tout le territoire. D'où le vote du Sénat sur l'IFI.

Ce budget, quoi qu'on en ait dit, préserve la capacité des collectivités à s'acquitter de leurs missions. La contractualisation va dans le bon sens. Cependant, les élus ont besoin de visibilité, de voir leurs ressources garanties comme cela a été fait pour les régions avec l'attribution d'une fraction de TVA. La suppression de la taxe d'habitation a suscité leurs inquiétudes. L'engagement pris par le président de la République d'une remise à plat de la fiscalité locale à horizon 2020 ouvre des perspectives auxquelles le Sénat veut travailler.

Enfin, nous saluons la volonté de dialogue du Gouvernement sur la refonte de la fiscalité agricole et le réexamen des mesures sur le logement. Notre groupe votera le premier volet du projet de loi de finances dans sa grande majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Claude Raynal .  - Cela ne surprendra personne, le groupe SOCR s'opposera à ce texte (On feint l'étonnement sur les bancs du groupe Les Républicains.) et avec plus de conviction encore qu'au début de son examen.

Les avancées sont peu nombreuses ; du reste, ces replâtrages ne peuvent plus masquer les difficultés d'un système à bout de souffle. Nous sommes satisfaits du rétablissement des crédits manquants à l'ancienne réserve parlementaire. Pour les agences de l'eau, la suppression de la baisse du plafond de la taxe affectée avec maintien du prélèvement sur le fonds de roulement constitue un bon compromis.

Le régime fiscal applicable aux utilisateurs des plateformes en ligne, avec un seuil unique d'exonération fixé à 3 000 euros est une mesure de simplification nécessaire. Enfin, le maintien du dispositif ZRR pour les communes qui n'y sont plus éligibles jusqu'au 30 juin 2020 et l'attribution de moyens aux collectivités pour élaborer des plans Climat vont dans le bon sens.

Cependant, ce texte est lourd de conséquences pour les moins favorisés. Si la taxe d'habitation est injuste, il faut la supprimer pour 100 % des foyers. Nous souhaitons une réforme en profondeur de la fiscalité locale. On peut critiquer l'exonération de taxe d'habitation ; pour autant, la refuser équivaut à revenir sur une des seules mesures de pouvoir d'achat d'un texte déjà trop favorable aux plus aisés.

Nous regrettons vivement le vote de l'amendement créant une nouvelle tranche d'imposition sur le revenu à 5,5 %, qui fera entrer certains des plus pauvres dans l'impôt sur le revenu. N'oublions pas que tous participent déjà à l'effort public, par la TVA et la CSG.

Ce projet de loi de finances est celui de l'injustice fiscale, caractère renforcé par la majorité sénatoriale. Celle-ci a relevé l'avantage fiscal lié au quotient familial. Elle a enfin trouvé le courage de réaliser un vieux rêve : supprimer l'ISF - sans gager la perte de ressources. Aucun impact positif à en attendre pas plus que de la création de l'IFI et du PFU. Ce ne sont que des allègements massifs de fiscalité, personne n'a pu démontrer qu'ils renforceront, en quoi que ce soit, le dynamisme de l'économie française. Surtout, ces mesures sont choquantes au vu des efforts demandés au monde du logement social et aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et quelques bancs du groupe CRCE)

M. Emmanuel Capus .  - Je salue l'endurance du rapporteur général, du président de la commission des finances et des ministres dont la patience honore notre assemblée.

Quelques mesures catégorielles sont bienvenues, notamment en faveur des biocarburants, des agriculteurs et des PME. La fiscalité constitue un outil qui, manié avec modération et responsabilité, est utile pour soutenir des secteurs en difficulté et des filières d'avenir. Notre assemblée en a fait bon usage.

Les trois grandes réformes du projet de loi de finances ont été ébauchées avec vigueur. Certains considéraient que le Gouvernement allait trop loin, d'autres qu'il fallait l'aider à franchir un pas supplémentaire, d'autres encore qu'il fallait donner du temps au temps.

La réforme de la taxe d'habitation est annulée...

M. François Patriat.  - ... reportée plutôt !

M. Emmanuel Capus.  - ... l'ISF et l'IFI sont supprimés. Le budget pour les riches, dénoncé par certains, est devenu réalité au Sénat. Entendons-nous : nous sommes favorables à la suppression de l'ISF, (Marques d'ironies sur les bancs des groupes SOCR et CRCE) à une réforme de la fiscalité locale et au PFU. Néanmoins...

M. Philippe Dallier.  - Et en même temps !

M. Emmanuel Capus.  - ... le texte est désormais déséquilibré. La suppression pure et simple de l'ISF nous prive de l'occasion de sécuriser et d'affiner l'impôt sur la fortune immobilière au profit d'un volontarisme de façade.

Sur la taxe d'habitation, tous conviennent de la nécessité d'une réforme globale de la fiscalité. Le président de la République s'est engagé à lancer la concertation. Avec la suppression de l'exonération, les classes moyennes trouveront peu de raisons d'espérer dans ce budget.

C'est pourquoi le groupe Les Indépendants, dans sa grande majorité, s'abstiendra. (Marques d'ironie à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Claude Requier .  - Comme chaque année, le marathon fiscal a été riche. Le Sénat s'est montré particulièrement vigilant sur le sort réservé aux territoires. Le groupe RDSE a, comme chaque année, apporté sa pierre à l'édifice. Il se félicite du rétablissement de la première tranche de l'impôt sur le revenu qui doit rester l'impôt citoyen que voulait Joseph Caillaux, mais aussi du référencement de biocarburants, des amendements sur les ressources des départements, des chambres de métiers et d'artisanat, des chambres de commerce ou encore sur les fonds de prévention des risques naturels et majeurs.

Les débats se sont concentrés, comme on pouvait s'y attendre, sur les réformes emblématiques à commencer par l'exonération de la taxe d'habitation. Si la majorité sénatoriale a refusé la réforme, on ne peut pour autant maintenir la fiscalité locale en l'état - les bases sont profondément obsolètes et injustes.

Je me félicite de l'amendement sur la fiscalité des plateformes en ligne et la territorialisation de la contribution climat-énergie - les collectivités, mon collègue Dantec l'a bien dit, sont des acteurs incontournables de la transition écologique.

L'imposition du patrimoine, qu'il soit immobilier ou financier, constitue un point focal de notre débat économique. Toutefois, la TVA ou encore l'impôt sur le revenu représente une recette beaucoup plus déterminante pour l'État. Je regrette que le débat suscité par notre collègue Gabouty sur la taxation allégée des produits de première nécessité comme les couches pour nourrissons n'ait pas reçu toute l'attention qu'il méritait.

Je salue la suppression de la contribution au redressement des finances publiques, appliquée sans discontinuer sous le précédent quinquennat ; cependant les inquiétudes demeurent sur le sort des collectivités et ce qu'il en sera de la contractualisation proposée. Notre groupe a porté, une fois de plus, la question des zones de revitalisation rurale, chère à mon collègue Bertrand : le classement en ZRR, tel qu'il est, ne cible pas assez les territoires les plus ruraux.

Mon groupe soutient la politique de ce Gouvernement mais tient à sa liberté de vue et de vote. Une très large majorité d'entre nous s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Dans quelques minutes, le Sénat se prononcera sur la première partie du projet de loi de finances. Notre groupe l'adoptera. Beaucoup de votes ont dépassé les clivages : c'est là, je l'ai appris, depuis que j'ai l'honneur de siéger parmi vous, la marque de fabrique du Sénat. L'intérêt général prime sur les postures.

Notre groupe a supprimé l'IFI présenté par le Gouvernement, qui, en parlant d'impôt de rendement, ne reconnaissait aucune vertu à cet impôt dans l'étude préalable à ce projet de loi de finances.

Nous avons rétabli la tranche de l'impôt à 5,5 %, reporté une réforme de la taxe d'habitation qui l'aurait rendue encore plus injuste, relevé le plafond du quotient familial à 1 550 euros, adapté la trajectoire carbone pour éviter une fiscalité écologique punitive ; nous avons restauré une franchise d'impôt de 3 000 euros pour les revenus complémentaires issus des plateformes collaboratives. C'est dans un esprit d'accompagnement de la transformation numérique de notre pays que nous avons voté l'amendement sur la fiscalité des plateformes en ligne.

Notre groupe a enfin oeuvré en faveur d'une réforme globale de la fiscalité locale et d'un règlement transpartisan de la question des bailleurs sociaux.

Nous voterons des mesures d'économie renforcées pour consolider la trajectoire de baisse du déficit.

En attendant, notre groupe votera la première partie du projet de loi des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Julien Bargeton .  - « Caramba, encore raté ! », dit le perroquet des Cigares du Pharaon. La majorité sénatoriale a dénaturé le projet de loi de finances. (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Ne l'empêchez pas de parler.

M. Julien Bargeton.  - L'équilibre n'est que visuellement amélioré. Nous avons assisté à des manoeuvres de report. Combien de temps abuserons-nous encore de la patience des Français ? Combien de temps retarderez-vous encore l'application des projets du président de la République ? Nous dénonçons tout particulièrement le refus de la suppression de la taxe d'habitation : c'est reculer pour ne pas sauter. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Sur la fiscalité du patrimoine, une longue série d'orateurs de droite a fait pénitence de ne pas avoir eu le courage de supprimer l'ISF. « Il ne faut jamais trop se critiquer soi-même, » disait Oscar Wilde, « les autres ont tendance à vous croire ». Pour vous rattraper, vous supprimez l'IFI en brandissant le risque d'un effondrement du marché de l'immobilier ; faire peur ne console pas d'avoir fait peu.

Voter contre la première partie serait refuser de poursuivre le débat. Or nous attendons avec gourmandise de savoir à quoi ressembleront vos mesures d'économie...

M. Albéric de Montgolfier.  - Vous n'allez pas être déçus !

M. Julien Bargeton.  - L'article 19 augure mal de votre capacité à proposer des solutions. Il ne faut toucher ni aux chambres de commerce et d'industrie, ni aux chambres des métiers et d'artisanat, ni aux agences de l'eau. Je croyais pourtant que la qualité devait l'emporter sur la quantité !

Mme Cécile Cukierman.  - Et la modestie ?

M. Julien Bargeton.  - Ceux qui dénoncent la finance magique sont les premiers à revêtir des habits de prestidigitateurs.

M. André Gattolin.  - Bravo ! (Rires ; les huées redoublent sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Julien Bargeton.  - Vos méthodes de travail doivent évoluer dans le sens de l'évaluation raisonnée et méthodique, de l'amélioration de la visibilité de notre système fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Tout a été dit ; à chacun de tirer les conséquences des votes du Sénat. Pour ma part, je considère qu'ils améliorent cette première partie du projet de loi de finances et je vous invite à voter pour. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - À quelques minutes d'une approbation annoncée, je remercie tous les acteurs du travail budgétaire.

La première partie du projet de loi de finances pour 2018 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°33 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 287
Pour l'adoption 195
Contre    92

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.