Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - M. Patriat a demandé le retrait de la section de l'ordre du jour réservée à son groupe le 13 décembre et son remplacement par un débat sur le retour des djihadistes en France.

Acte est donné de cette demande.

Outre-mer

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'effort budgétaire de l'État s'élève à 21,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 20,5 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 3,9 % du budget général, alors que la part des populations ultramarines dans la population nationale est de 4,3 %. Les outre-mer ne sont donc pas aussi « budgétivores » que certains le pensent.

Les crédits de la mission, qui ne rassemblent que 13 % des crédits de l'État consacrés aux outre-mer, sont insuffisants face aux difficultés structurelles qui caractérisent ces régions.

L'année 2017 est particulièrement révélatrice de ces fragilités : je pense au mouvement social survenu en Guyane, mais également à l'ouragan Irma.

Les crédits sont maintenus au-dessus du seuil des 2 milliards d'euros, puisqu'ils s'élèveront à 2 104 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2 068 milliards d'euros en crédits de paiement. À périmètre constant, ils sont en hausse de 3,6 % en autorisations d'engagement et de 4,3 % en crédits de paiement par rapport à 2017. On ne peut que s'en réjouir.

Ce budget, le premier du quinquennat, constitue un « budget de transition » ne présageant qu'en partie des priorités futures. Pour les prochains projets de loi de finances, le Gouvernement s'est en effet engagé à s'appuyer sur le Livre bleu Outre-mer, qui résultera des Assises des outre-mer, lancées par le Gouvernement le 4 octobre 2017, afin d'ouvrir un temps d'échange et de réflexion avec l'ensemble des ultramarins.

La compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques outre-mer est le principal exemple du caractère transitoire de ce budget et devrait être revue à l'automne 2019. Nous veillerons à ce que cette réforme soit favorable à l'emploi outre-mer, le chômage culminant encore aujourd'hui à 20 % en moyenne dans ces territoires.

Ce budget présente également plusieurs motifs de satisfaction.

Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées entre l'État et les collectivités d'outre-mer s'élèvent à 152 millions d'euros en autorisations d'engagement et 157 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 12 % en autorisations d'engagement et de 6 % en crédits de paiement. Cette hausse est particulièrement bienvenue, alors que de nombreux contrats ont fait l'objet d'un important sous-financement les années passées.

Les crédits du fonds exceptionnel d'investissement sont en augmentation de 3 % en autorisations d'engagement et stables en crédits de paiement. Surtout, le Gouvernement s'est engagé à un maintien de sa dotation au niveau de 2018 sur l'ensemble du quinquennat. Nous avions souligné, dans le rapport d'information que nous lui avons dédié l'an dernier, l'utilité de cet instrument. Nous serons donc particulièrement vigilants quant au respect de la promesse du Gouvernement.

Ce budget conforte le service militaire adapté, qui a atteint en 2017 l'objectif fixé : former 6 000 jeunes ultramarins et leur permettre une insertion dans le monde professionnel. Ses crédits sont en augmentation de plus de 4 %, et le ratio d'encadrement a été amélioré.

Si les crédits de paiement dédiés à la construction neuve sont en augmentation, les crédits affectés au logement dans leur ensemble sont en baisse.

C'est donc bien conscients de l'ampleur des besoins des outre-mer, mais aussi du fait qu'il s'agit d'un « budget de transition que nous vous proposons, avec mon collègue Nuihau Laurey qui ne peut être présent aujourd'hui, d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».

Je joue ainsi le jeu, Madame la Ministre, comme l'a suggéré à l'époque un grand Guyanais, Félix Éboué. Je joue le jeu car le président de la République a déclaré, lors de son passage en Guyane en octobre dernier, « qu'il voulait en finir avec une relation asymétrique, faite de promesses non tenues ». Et d'ajouter « qu'il était prêt à rouvrir des sujets constitutionnels s'il apparaît pertinent de le faire et que c'est utile, à les porter par un véhicule législatif unique qui fasse la synthèse de tous ces besoins, de toutes les adaptations, et ce par des décisions fortes dès l'été prochain ».

J'espère que ces mots présidentiels qui disent la volonté de coller à la réalité de la Guyane, mon territoire, et de tous les outre-mer seront suivis d'effet.

Aussi, c'est bien conscient des carences de ce budget, mais également du fait qu'il s'agit d'un budget de transition que nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » sans modification. (Applaudissements sur les bancs des commissions)

M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Je qualifierai ce budget d'amorçage ou d'attente. L'affichage d'une hausse de 4 % traduit un dégonflement rétroactif des crédits pour 2017 un peu « boostés » juste avant les dernières élections présidentielles. Pour rompre avec ces pratiques, nous approuvons votre sincérité budgétaire. Celle-ci devrait conduire à reconnaître qu'avec des crédits stabilisés à 2 milliards d'euros depuis 7 ans, les ultramarins ont participé largement à l'effort de rigueur.

En totalisant toutes les missions et tous les ministères, on augmente le budget mais son niveau, rapporté à la part de la population que représentent les outre-mer dément le préjugé sur les « budgétivores ». Le budget n'est pas à la hauteur, pour des territoires où le taux de chômage atteint le double du niveau métropolitain.

Notre principale inquiétude porte sur le logement, base fondamentale de la citoyenneté, qui connaît une situation difficile et nécessite subventions et aides fiscales, procédures d'agrément efficaces, mais aussi du foncier, des normes de construction adaptées et une programmation astucieuse pour choisir les bonnes cibles.

J'insiste sur l'efficacité démontrée du moteur fiscal pour favoriser le logement social et la réhabilitation. Je présenterai des amendements en ce sens.

Pour optimiser les finances publiques, il faut clarifier et pacifier les procédures d'agréments. Le formalisme excessif génère le découragement et pousse les jeunes talents ultramarins à aller réussir ailleurs. Quant à la compétitivité ultramarine, elle requiert que l'on cible les investissements sur des projets concrets.

Vous pouvez compter sur le Sénat pour pointer les défauts qui entravent le développement des outre-mer. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et Les Indépendants)

Mme Nassimah Dindar, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Oui, ce budget, ne comportant pas de mesure marquante dans le champ de notre commission, est de transition. La commission a émis un avis favorable, tout en alertant sur les possibles combinaisons de tuyauterie : nous ne souhaitons pas un pilotage qui consisterait à des transferts de crédits entre les programmes, si utiles soient-ils, comme ce fut le cas avec l'enseignement scolaire l'an dernier.

Le Gouvernement baisse les dotations aux collectivités territoriales, ces collectivités attendent donc plus de l'État...

Les outre-mer subissent des conditions de logement dégradées. La baisse des APL est regrettable. Il faudrait étendre aux DOM la notion de zone tendue. Je l'ai demandée au ministre de la cohésion des territoires. Le statut départemento-domanial qui persiste à La Réunion pèse sur l'habitat social. Des familles ne peuvent bénéficier des aides publiques pour l'amélioration de l'habitat alors même que leurs conditions de logement sont reconnues comme très dégradées. Loger n'est pas habiter ; habiter n'est pas seulement loger.

Les gens peuvent avoir une vie très simple en gardant leurs liens avec la nature et la terre - conditions de leur enracinement - et c'est pourquoi ils déplorent souvent les contraintes normatives appliquées qui ne s'ancrent pas dans les réalités locales.

Madame la Ministre, vous connaissez mieux que moi les outre-mer et leurs attentes et je suis convaincue de la sincérité de votre engagement.

Les Assises de l'outre-mer sont l'occasion de construire une politique cohérente et efficace.

Maladies chroniques, mortalité néonatale sont des défis qui appellent une nouvelle stratégie de santé outre-mer ; nous souhaitons une concertation large impliquant les collectivités territoriales sur le sujet sanitaire et social qui est au coeur des missions de notre commission. Les outre-mer peuvent être le laboratoire du monde qui vient. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi qu'au banc de la commission)

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - C'est la quatrième année que je vous présente le rapport pour avis sur la mission outre-mer. La commission a émis un avis favorable, compte tenu du maintien de l'effort budgétaire pour les outre-mer. Le résultat des Assises fera certainement évoluer le budget.

En attendant, je concentrerai mon propos sur les questions institutionnelles. Ces dernières années, le Parlement a débattu de nombreux textes tendant à clarifier le statut de telle ou telle collectivité ultramarine.

3

En Nouvelle-Calédonie, l'organisation du référendum d'autodétermination, prévu en novembre 2018, pose d'abord la question du corps électoral qui y participera ! Le XVIe comité des signataires de l'Accord de Nouméa, qui s'est réuni.le 2 novembre dernier, a acté par consensus l'inscription d'office des personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sur la liste électorale générale, préalable indispensable à leur inscription sur la liste électorale spéciale pour la consultation. Un avant-projet de loi organique destiné à modifier la procédure de révision des listes électorales et traduisant cet accord politique a reçu, le 23 novembre dernier, un avis favorable du congrès de la Nouvelle-Calédonie sous réserve de certaines précisions.

Mayotte n'est ni un « département » ni une région d'outre-mer, bien qu'il relève des collectivités de l'article 73 de la Constitution. Il constitue, depuis 2011, une forme de collectivité unique dont l'assemblée délibérante - le conseil départemental - exerce les compétences d'un département et certaines compétences d'une région, les autres étant assumées par l'État. Or Mayotte ne bénéficie presque pas de la dotation globale de fonctionnement (DGF) régionale, au contraire de la Guyane et de la Martinique.

Comptez-vous, à l'approche des fêtes, prendre en compte a minima la double compétence de Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs de la commission)

Mme Éliane Assassi .  - Les chiffres sont importants. Les outre-mer ne sont pas que des petits bouts de France baignés par des mers chaudes. Avec plus de 2,2 millions d'habitants, ils représentent un peu plus de 4 % de la population française et les inégalités y sont patentes.

Comme le rappelait l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer, en dépit de politiques volontaristes, les écarts de niveau de vie entre les outre-mer et l'hexagone demeurent considérables.

La surmortalité liée à la grossesse est importante. Le taux de mortalité natale atteint 6 % à la Martinique, 6,6 % à La Réunion, 7,7 % à Mayotte, 8,3 % en Guadeloupe et 8,8 % en Guyane.

De tels écarts sur le territoire de la République sont inacceptables.

Quant aux taux de chômage, ils atteignent le double de ceux relevés dans l'hexagone à 23 % en Guadeloupe, 22,4 % à La Réunion, 27,1 % à Mayotte contre 10,5 % dans l'hexagone.

Pour autant pas de résignation chez nos concitoyens : le plan d'urgence chiffré à un milliard d'euros obtenu en Guyane en est la preuve.

Je vous conseille la lecture des avis publiés par la Cour nationale consultative des Droits de l'Homme sur l'outre-mer. Elle rappelle que l'extrême pauvreté est une violation des droits fondamentaux. Droit à l'éducation, droit à vivre dans un environnement sain, droit à l'accès à la santé : tous sont menacés en outre-mer.

Le budget n'est pas à la hauteur et le groupe CRCE votera contre.

Oui, ce budget est de transition et le Gouvernement s'est engagé à prendre en compte les conclusions du Livre bleu qui sera produit à l'issue des Assises de l'outre-mer ouvertes le 4 octobre.

La situation est telle que le statu quo n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Catherine Conconne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Madame la Ministre, j'ai beaucoup pensé à vous en étudiant les crédits de votre mission : comme vous avez dû être déçue, vous, la femme de courage affiché et de détermination palpable ; vous, la femme des îles, habituée comme tous les habitants de la dite outre-mer, à la résistance et à l'audace salvatrice ; comme vous avez dû être déçue, de tout le mal qu'on vous a fait en produisant un tel budget. Tant de chapitres regroupés sous l'appellation « Conditions de vie outre-mer » sont ramenés à la baisse dans des proportions extraordinaires : sacré signal !

Vous baissez les lignes les plus significatives, à commencer par le logement ! Moins 20 millions d'euros en autorisations d'engagement et moins 3 millions d'euros en crédits de paiement !

Quand on connaît la nature des difficultés dans ce domaine, oserez-vous rentrer voir nos compatriotes ? « Madame, Monsieur, pas cette année, pour votre logement dont le toit fuit ; non, Madame, non Monsieur, pas cette année pour votre logement dont l'électricité est affreusement hors norme » ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe SOCR et marques d'appréciation sur divers bancs) Comment expliquer aux entreprises, aux deux, trois ou quatre salariés que leurs carnets de commandes restent désespérément vides ? Je vous laisse imaginer les charrettes de chômeurs dans des territoires où le chômage dépasse 20 %. Sport, jeunesse, sanitaire, social, tourisme, culture : les investissements sont moindres. Patrick Kanner avait mouillé le maillot pour relancer les investissements ou équipements sportifs dans des territoires qui fournissent tant de champions à la République : Laura Flessel, ministre de la République, Teddy Riner, Jean-Marc Mormeck, Dimitri Payet, Raphaël Varane, Christian Karembeu et j'en passe.

Vous connaissez la difficulté que nous avons à promouvoir la formation qui est la seule solution pour lutter contre le chômage. Or vous baissez les crédits de formation de l'outre-mer !

Le tourisme ! Priorité, selon le Gouvernement ! Le Premier ministre a même symboliquement ouvert en personne les Assises de l'Outre-Mer par l'atelier tourisme, le mois dernier, en votre présence, en notre présence. Il déclarait à cette occasion que les efforts doivent être mis pour « améliorer le produit », pour le rendre plus performant. Mais comment le faire quand, ne serait-ce que sur la formation professionnelle de niveau supérieur, les crédits sont en baisse ?

Le tourisme est un formidable levier économique. J'ai déposé un amendement pour que les entreprises de tourisme puissent embaucher plus facilement des artistes pour animer valablement leurs structures qui aujourd'hui sont aussi froides qu'un matin de décembre parisien. (Sourires) Oui, « améliorez le produit », nous a déclaré le Premier ministre avec fougue ! J'espère que sur cette seule petite niche, vous accepterez de soutenir mon initiative très attendue par les nombreux artistes de nos terres fécondes dans le domaine culturel ; trop nombreux sont ceux condamnés, faute de contrats, à émarger au RSA. Oui, au RSA ! Sur les terres d'Aimé Césaire, de Léon-Gontran Damas, de Patrick Chamoiseau, de Maryse Condé : nous avons de grands artistes.

Permettez-leur de travailler, de se remettre à produire, de participer à des festivals désormais morts qui pourraient être recréés. Savez-vous que sur un cachet de 100 euros, la dépense réelle pour l'employeur est finalement de 187 euros ? Comment vivre de son art quand ce formidable employeur que pourrait être le tourisme n'améliore en rien le produit ?

Cette mesure attendue lutterait contre la précarité des artistes.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Catherine Conconne.  - Je conclus ! (Sourires) Il ne s'agit pas de nous offrir un petit cachet de Doliprane, un autre, un énième, face aux douleurs qui nous rongent et qui, il faut l'avouer, Madame la Ministre, sont loin d'avoir été symboliquement prises en compte dans cette édition 2018 du budget de votre mission ! Je sais votre incroyable déception. Elle sera aussi celle de nos compatriotes. Nous ne voterons pas ce budget. (Vifs applaudissements prolongés sur les bancs des groupes CRCE et SOCR, où l'on félicite l'oratrice qui regagne son banc ; applaudissements sur de nombreux autres bancs)

M. Jérôme Bignon .  - J'aime les outre-mer. J'y suis allé souvent et toujours avec le même enthousiasme. Vous relayez avec beaucoup de difficultés les inquiétudes de nos compatriotes. Les défis sont immenses : Irma, problème de chômage en Guyane, désoeuvrement des jeunes qui sont pourtant l'avenir, PIB scandaleusement bas, quatre fois moindre qu'en métropole.

L'État fournit des efforts importants et accompagne les outre-mer avec une enveloppe totale de 21 milliards d'euros. Notre groupe regrette l'éclatement de ces crédits et appelle à une unification de la structure budgétaire de ces engagements.

Depuis mai, le Gouvernement a engagé un effort de rationalisation en matière d'exonération sociale. Les ultramarins sont une force économique, mais aussi environnementale. Quantité d'expérimentations y ont cours : 100 % d'énergies renouvelables, prise en charge des personnes âgées, réforme de la politique portuaire. Les prochaines Assises des outre-mer devront incarner l'espérance.

La situation sanitaire et la mortalité infantile sont un vrai scandale, je rejoins Mme Assassi sur ce point, si on la compare avec la situation en métropole. Citons aussi l'essoufflement du système hospitalier de Mayotte sous la pression migratoire, l'insalubrité qui touche des milliers de personnes.

Le constat est terrible, les engagements financiers sont insuffisants. Comment diminuer les crédits de l'agence de l'outre-mer alors que le Gouvernement promet un renouveau ? Les crédits au logement sont diminués alors que les populations sont en grandes difficultés. Il faudrait envisager une défiscalisation ; le programme consacré à la jeunesse est également essentiel.

Le groupe Les Indépendants s'abstiendra et sera très attentif aux Assises de l'outre-mer qui seront déterminantes pour assurer une transition intelligente qui redonnera de l'espoir.

« Ma puissance d'espérance est mon seul capital » écrivait Baudelaire à sa mère : les outre-mer aujourd'hui sont dans cette situation. (Applaudissements au banc de la commission, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et RDSE)

M. Stéphane Artano .  - Un budget traduit une vision politique : je n'entrerai pas dans le détail de cette mission mais m'attacherai à la méthode.

Ce budget présente l'essentiel. Ancien président de collectivité, je sais que rien ne se fait du jour au lendemain. La hausse de 4 % des crédits est un dégonflement sincère de 2017, je le sais.

Si le budget 2018 est de transition, qu'en est-il pour demain ? Souhaitons-nous transformer les outre-mer grâce à une vision politique claire ? Les outre-mer font toujours l'objet d'un traitement différencié par rapport à l'hexagone : avez-vous déjà vu des Assises de l'hexagone ?

Le président de la République a dit qu'il attendait des outre-mer qu'ils trouvent des solutions. Ce regard inversé me gêne. On donne comme repère aux outre-mer la métropole. L'absence de regard sur le sens de votre action est flagrante dans ce budget. Comment comprendre la disparition envisagée de la chaine France Ô alors qu'il faut créer des ponts entre l'outre-mer et l'hexagone ? Je crois sincèrement que la politique ultramarine doit reposer sur un socle commun qui prenne en compte la diversité des territoires.

De grandes consultations seulement issues de nos territoires risquent de nourrir beaucoup d'espoir sans grands résultats.

Le but des Assises est de faire émerger et soutenir une nouvelle génération d'entrepreneurs ultramarins dirait.... Je suis d'accord à 100 %.

L'absence de vision de l'État donne une impression d'éparpillement des mesures. J'espère que les engagements lancés trouveront une application concrète.

Le groupe RDSE votera les crédits de la mission en demandant une vision claire de l'État, construite sur un regard croisé et non pas unilatéral. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Jean-François Longeot .  - Je remercie les rapporteurs spéciaux et la rapporteure pour avis, ainsi que la ministre. Pour 2018, le budget de la mission est en hausse de 85,1 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale de 2017, soit 3,72 %, ce qui est louable. L'objectif est une augmentation de 10 % jusqu'à la fin du quinquennat.

Il faudra transformer l'essai lors des prochains exercices budgétaires pour que les objectifs affichés dans la loi de programmation soient concrétisés. Pourtant, la suppression de 22 millions d'euros de crédits affectés au Fonds vert que vous avez annoncée, Madame la Ministre, inquiète. Alors que la COP23 s'achève et que nous sommes à quelques jours du sommet sur le climat, nous ne pouvons qu'encourager les mesures en faveur de l'environnement qui ont représenté 12,5 millions d'euros d'investissement en 2017 : consolidation de berges fragilisées par la répétition des catastrophes naturelles, école bioclimatique, centrale hybride, lampadaires photovoltaïques, réseaux d'eau et d'assainissement, équipements solaires...

Nous saluons le rétablissement du plan vert par l'Assemblée nationale : tous ces projets qui seront ainsi soutenus. Nous veillerons au maintien de ce fonds indispensable aux collectivités françaises du Pacifique.

Nous regrettons que les crédits à destination du fonds de promotion des échanges éducatifs et sportifs soient reconduits et non pas augmentés. Nous présenterons un amendement proposant la hausse des crédits pour qu'ils puissent ainsi bénéficier à la Nouvelle-Calédonie.

Les crédits de paiement du programme 138 s'élèveront à 1,33 milliard d'euros, en hausse de 4,25 % avec un ciblage sur le soutien aux entreprises qui bénéficieront d'exonérations sociales. La fiscalité incitative peut cependant devenir inextricable. Il faudra aborder la question de sa lisibilité lors des Assises.

Le service militaire adapté joue un rôle important pour les jeunes.

Le programme 123 voit ses crédits augmenter mais de manière inégale. Les crédits pour le logement social reculent alors que c'est un enjeu sensible dans les outre-mer.

Comment le Gouvernement définit-il sa stratégie ? L'efficacité économique et la justice sociale sont les deux jambes sur lesquelles elle devait s'appuyer. Nous vous invitons, Madame la Ministre, à prendre en considération nos observations.

Le groupe UC adoptera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Viviane Malet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'examen de la mission est l'occasion d'insister sur les priorités d'action dans nos territoires.

À La Réunion, le chômage est un fléau pour les jeunes, mais frappe aussi les seniors qui sont les grands oubliés de ce budget. Peu qualifiés, peu mobiles, ils verront leurs conditions de vie se dégrader avec la réduction drastique des contrats aidés. Nous nous devons d'apporter des réponses à tous, quels qu'ils soient.

Le logement est un autre sujet d'inquiétude avec une baisse de 8 % des autorisations d'engagement du programme 123. Au-delà des chiffres, il faut penser aux familles pour qui l'accession à la propriété est le projet d'une vie.

A La Réunion, les parents cèdent une partie de leur bien à leurs enfants en sollicitant en contrepartie une aide dans la construction de leur logement ; or les crédits au titre de l'aide à l'accession à la propriété baisent de 13 % : cela fragilisera ces projets. La baisse des crédits impactera le secteur du bâtiment.

Je regrette la baisse des aides pour l'habitat insalubre quand les outre-mer sont particulièrement affectées.

Quant au développement durable, le développement de l'économie circulaire est essentiel dans des territoires insulaires. La hausse de la TGAP mettra à mal le financement des collectivités et par ricochet menacera les méthodes vertueuses qu'elles développent.

À La Réunion, 75 % des déchets ménagers sont enfouis et 90 % des déchets triés sont exportés pour être recyclés en Asie.

Un amendement adopté par le Sénat le 25 novembre dernier prévoit une fiscalité favorable aux collectivités pour compenser la baisse des crédits.

Pourquoi diminuer les crédits de l'Agence de l'outre-mer alors que nos jeunes ont un besoin patent d'ouverture vers l'extérieur ?

Quant au financement des infrastructures sportives, il est également insuffisant.

Je ne voterai pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Dominique Théophile .  - Les crédits de la mission « outre-mer » sont stables, avec un peu plus de 2 milliards d'euros. Leur montant a peu évolué depuis six ans. La croissance en volume des crédits de la mission prévue pour 2019 et 2020 est inférieure aux objectifs de croissance de l'ensemble des crédits ministériels, en contradiction avec le discours de responsabilité qu'a tenu le président de la République en Guyane et la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

En réalité, cette mission ne représente que 12,25 % de l'effort global de l'État pour les outre-mer qui s'élève, toutes missions confondues, à 17 milliards d'euros. D'après document de politique transversale, la santé bénéficie d'une hausse de 13,2 % ; la transition énergétique de 23,2 %; l'écologie et le développement durable de 8,5 %, l'enseignement scolaire de 3,6 %. Ce dont je me réjouis. Je veux le dire à mes concitoyens d'outre-mer, l'État ne se désengage pas.

Ce projet de loi est un soutien aux missions régaliennes de l'État en outre-mer. Il nous faut maintenant investir dans une mutation tournée vers un développement économique s'appuyant sur nos atouts territoriaux.

Le programme « Emploi outre-mer » bénéficie d'une hausse de 54 millions, soit 4,5 % de plus en crédits de paiement. Le champ d'intervention de l'aide au fret est élargi. Autre point positif, le renforcement des moyens pour le service militaire adapté, si important pour notre jeunesse.

Néanmoins, les crédits au titre de la continuité territoriale sont en baisse alors que l'ADOM a vu ses missions étendues par la loi pour l'égalité réelle outre-mer notamment à la mobilité retour, un impératif pour des territoires comme le mien qui ont une démographie vieillissante. En addition, le Président de la République a promis de porter à 200 000 le nombre de billets d'avion aidés chaque année.

L'enveloppe dédiée au sport pour ces terres de champions est trop faible. Je sais pouvoir compter sur notre ministre des sports, Laura Flessel, pour inverser la tendance.

Ce premier budget est une étape vers un nouveau partenariat entre l'État et les collectivités ultramarines. Les Assises de l'outre-mer inspireront je l'espère l'action de l'État qui ne doit plus se soustraire à ses obligations. Les événements en Guyane, l'exemple de Mayotte qui révèle une France à deux vitesses, démontrent combien est indispensable la mise à niveau de nos départements.

J'ai attiré l'attention sur le scandale de l'eau en Guadeloupe ; les cyclones Irma et Maria à Saint-Martin et Sud Basse-Terre ont mis en lumière la nécessité de revoir l'habitat et l'aménagement du littoral. La mise sous administration provisoire du CHU de Martinique et l'incendie du CHU de Pointe-à-Pitre sont d'autres sources de préoccupation. Les besoins sont immenses.

Dans une logique de co-partenariat, il faut faire mieux avec moins. Nous voterons ce budget encourageant, en espérant une concrétisation à travers les Assises de l'outre-mer, des objectifs de la loi égalité réelle. (M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis, applaudit.)

M. Victorin Lurel .  - Comment parler de cette mission quand on a été soi-même ministre de l'outre-mer ? Les budgets du premier exercice sont souvent symboliques ; ils traduisent une vision. Sans être un nostalgique, un cynique, un aigri, et parce que je souhaite la réussite de ce quinquennat pour l'outre-mer, je constate, comme la soeur Anne, que les outre-mer ne voient rien venir ; ils attendent les Assises.

Ce budget, je serai honnête, est décevant. Les mots sont une arme, ils blessent. Or la rhétorique de l'État devient offensante. Madame la Ministre, vous prônez la frugalité : vivrions-nous au-dessus de nos moyens ? Non, les moyens sont sous-dimensionnés. Les mots de vie chère ont disparu du vocabulaire gouvernemental. Les Assises tournent à l'appel à projets pour les premiers de cordée. La logique comptable l'emporte sous couvert de sincérité budgétaire.

Ce budget accuse une baisse de 0,51 % car vous abusez des artifices de périmètre en transférant des dépenses à d'autres ministères pour 90,4 millions d'autorisations d'engagement. Sans compter qu'il sera probablement sévèrement amputé par des crédits d'annulation d'ici quelques mois. Au-delà, ce budget traduit une philosophie du rabot, du court terme, qui consiste à demander à tous les mêmes efforts. Or traiter à l'identique des situations différentes est une discrimination.

Ce budget frugal est la première étape d'un désengagement programmé alors que l'État a promis plus de 1 milliard en Guyane et que le Parlement a voté à l'unanimité la loi pour l'égalité réelle. Pourquoi faudrait-il attendre les assises ? Les outils existent. Le groupe SOCR votera contre les crédits de la mission.

M. Robert Laufoaulu .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue l'effort de solidarité nationale à l'égard des outre-mer mais nous partons de loin, du chemin reste à parcourir. Notre ministre sait défendre sa mission, qu'elle en soit remerciée.

Je concentrerai mon propos sur Wallis et Futuna, qui a bénéficié d'un effort considérable de rattrapage en matière de santé. Jean-Jacques Hyest, qui nous avait rendu visite il y a quelques années, avait affirmé que notre hôpital n'était pas au niveau d'un dispensaire de brousse. Nous avons maintenant un CHU doté d'un scanner et d'un centre de dialyse.

Dans le cadre des Assises, un atelier « Institutions » mène un travail prometteur à Wallis et Futuna ; son organisation n'était pas acquise. La réflexion contribuera au contrat de développement 2019-2023, le précédent ayant été prorogé. Il faudrait le prolonger d'un contrat entre l'État et les circonscriptions. Les investissements au titre des contrats de village sont malheureusement en baisse. On comprend leur importance lorsqu'on sait que ni le RSA ni l'indemnisation chômage ne sont versés à Wallis et Futuna. Le service militaire adapté, bel outil pour nos jeunes, a trop peu bénéficié à notre territoire. Idem pour l'aide au fret. Peut-on avoir des précisions sur les mesures concernant le transport des déchets, prévues dans la loi pour l'égalité réelle ?

Le développement est la condition de notre avenir et de celui de nos enfants. Il passe par le transport aérien. Où en est l'appel d'offres international ? Il passe aussi par la venue de deux missions. La première, celle de l'IRD, est bloquée parce que le financement manquerait pour les billets d'avion... La seconde doit étudier les ressources halieutiques de nos eaux. Pensez-vous, Madame la Ministre, être en mesure de la financer ?

Je voterai les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Si tous les Français se voient demander des efforts, y compris les ultramarins, le Gouvernement a choisi de préserver la mission outre-mer. Le budget est très positif eu égard au contrat de redressement des finances publiques. Les crédits augmentent de plus de 4 %, soit 85 millions en crédits de paiement.

La hausse des crédits n'est pas virtuelle. Des crédits avaient été rattachés à mon ministère dans la loi de finances initiale pour 2017 sans qu'il en ait l'usage ; ils ont été transférés et intégralement reconduits.

Ce budget n'est ni de résignation ni d'attente ; il donne une nouvelle impulsion à notre politique outre-mer. Pas de posture politique, je veux tenir un discours de vérité, de dignité et de transparence. Je veux dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, convenir avec honnêteté de ce qu'il reste à faire, assumer ce qui relève de l'État et encourager les collectivités territoriales d'outre-mer, qui ont des compétences élargies, à agir. J'ai d'ailleurs proposé, dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, une plate-forme d'ingénierie territoriale pour accompagner les territoires. Il faut retrouver une relation de confiance entre l'État et les outre-mer, la population attend beaucoup de nous. Un site Internet permettra, avant la fin de l'année, de voir les mesures prises pour les outre-mer ainsi que les dépenses engagées.

La loi pour l'égalité réelle sera mise en oeuvre. Près de 20 % des décrets d'application ont été pris depuis neuf mois - le temps de la gestation. D'autres le seront avant la fin de l'année.

La ministre des outre-mer n'est pas seule à oeuvrer en faveur des outre-mer. L'aide aux seniors, par exemple, relève du ministère de la santé ; le document de politique transversale indique que les crédits des différentes missions bénéficiant à l'outre-mer sont en hausse de 2,2 %. L'effort s'inscrira dans la durée : les crédits de l'outre-mer augmenteront de 10 % d'ici à 2022. Avant, on promettait 12 pour donner 5... Le président de la République s'est engagé : pas de promesses non tenues. Le prochain projet de loi de finances traduira financièrement les Assises.

La convergence, vous le savez, est une notion complexe. J'ai défini trois priorités. Le développement des territoires d'abord : 152 millions de crédits supplémentaires pour les contrats de plan et de développement. Concrètement, ce sont des routes, des ponts, des réseaux, l'amélioration de la gestion des déchets pour l'outre-mer. Oui, les retards structurels sont importants ; ce sera l'objet des contrats de convergence à venir. Le fonds exceptionnel d'investissement, qui n'a jamais résumé l'effort de l'État pour l'outre-mer, est intégralement maintenu : 40 millions d'euros. Il faut y ajouter le milliard d'euros d'investissement promis par le président de la République.

Deuxième priorité, la jeunesse. Le service militaire adapté sera conforté avec 127 ETP sur le quinquennat, dont 20 l'an prochain. Cette semaine, le Premier ministre a pris des engagements pour le service militaire adapté en Nouvelle-Calédonie.

Le nombre de trajets financés passera de 4 000 à 8 000. Les dispositifs de continuité territoriale prévus par la loi pour l'égalité réelle seront mis en oeuvre. Nous abonderons les crédits de l'ADOM si besoin est.

Troisième pilier : l'emploi. Plus de la moitié de l'aide à l'outre-mer consiste en remboursements, exonération de charges et maintien du CICE majoré à 9 % outre-mer. Cela étant, il faut clarifier les dispositifs, soutenir l'innovation et la recherche. Ni le rabot ni le rafistolage ne sont dans l'ADN de ce Gouvernement. Je veux des outils, ciblés, modernes, efficaces.

M. Jean-François Husson.  - On verra...

Mme Annick Girardin, ministre.  - Le temps de la réflexion est néanmoins nécessaire, au premier lieu sur le logement. La capacité d'engagement de la ligne budgétaire unique a été réduite de 20 millions d'euros, ce qui touche l'aide à la rénovation pour les propriétaires-occupants et l'aide à l'accession sociale. Je l'assume : je privilégie la construction, avec 400 logements par an, et la réhabilitation des logements insalubres avec maintien du fonds Barnier et des dispositifs fiscaux pour les propriétaires fiscaux. La capacité de construire ne dépend pas que du budget : les normes doivent être allégées.

Quatrième priorité : le développement durable. Les dix-sept objectifs de développement durable seront notre boussole. Oui les terribles événements climatiques nous ont rappelé l'urgence d'agir. La mission outre-mer a été sollicitée à travers le fonds de secours. Dans la loi de finances rectificative de fin d'année, 33 millions d'euros seront inscrits en autorisations d'engagement. J'ai aussi annoncé un fonds pour la réhabilitation des logements contre le risque sismique et cyclonique, il sera doté de 5 millions dès 2018.

Je compte cibler encore davantage nos crédits sur l'adaptation au changement climatique. J'y travaillerai avec mes collègues du Gouvernement et les élus. Seul un fonds interministériel et interagences répondra aux enjeux.

Oui il faut réformer l'aide aux entreprises ; le tourisme, pourvoyeur d'emplois et de développement, doit être soutenu prioritairement. Les considérations budgétaires ne verrouillent pas les Assises, le président de la République s'y est engagé.

Le président de la République n'écarte pas les évolutions institutionnelles à partir du moment où elles feront consensus au plan local.

Depuis la crise de 2017, 85 millions ont été mobilisés pour la santé. La situation à Mayotte et l'incendie du CHU de Guadeloupe ont suscité des réponses rapides. Désormais, 550 millions d'euros seront affectés à la modernisation des établissements hospitaliers. La mortalité infantile, le diabète, l'éducation à la santé seront traités dans le cadre de la stratégie nationale de santé avec une attention spécifique portée aux outre-mer.

Dix millions d'euros seront consacrés aux équipements sportifs en outre-mer. Un besoin ? Ils seront abondés par le fonds exceptionnel d'investissement.

Il y a des difficultés en outre-mer mais aussi des solutions à co-construire. Venez nombreux aux Assises sans attendre une invitation.

France Ô a été évoquée ainsi que la cité des outre-mer. Il n'est question ni pour moi ni pour la ministre de la culture de supprimer France Ô. Faisons en sorte que les chaînes premières produisent pour l'ensemble des territoires : c'est aussi cela, la visibilité des outre-mer. La cité des outre-mer est soutenue par la mairie de Paris. La région souhaite revenir à la table des discussions. Ce projet, auquel je tiens, doit être plus collégial et associer davantage les acteurs locaux.

Le changement dérange toujours mais je l'assume. Rendons à l'outre-mer sa lisibilité et sa visibilité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RDSE, LaREM et UC)

EXAMEN DES CRÉDITS ET DES ARTICLES RATTACHÉS

Mme la présidente.  - Amendement n°II-314 rectifié quater, présenté par MM. Théophile, Mohamed Soilihi, Hassani et Karam.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

Conditions de vie outre-mer

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement compense la baisse des crédits de l'ADOM à hauteur de 5 millions d'euros pour répondre à l'extension de ses missions.

M. Georges Patient, rapporteur spécial.  - Je souscris à l'objectif de renforcer la continuité territoriale mais il est peu opportun de ponctionner le programme 138 qui finance l'aide au fret et les exonérations de cotisations des entreprises. C'est irréaliste et cela affecterait la sincérité du budget. Retrait ou avis défavorable.

Mme Annick Girardin, ministre.  - Les besoins de l'ADOM sont couverts et son activité se maintiendra avec la participation de l'État. Nous abonderons les crédits en fonction des besoins. Retrait ?

M. Antoine Karam.  - Au-delà des crédits, c'est l'image même de l'ADOM qu'il faut restaurer. Les jeunes arrivent souvent déracinés en France hexagonale. Ils n'ont pas de lieu où se loger, il arrive qu'ils se retrouvent à la rue.

M. Victorin Lurel.  - L'existence de ces amendements déposés par le groupe LaREM prouve l'insuffisance du budget. Le Gouvernement tire prétexte de l'arrivée des compagnies aériennes low cost pour justifier la baisse des moyens.

Vous attendez les résultats des Assises pour débloquer des crédits quand la loi EROM offre l'architecture du développement. Les outre-mer ne sont pas des assistés, nous ne sommes pas des enfants. Nous refusons l'infantilisation de ce discours.

L'amendement n°II-314 rectifié quater est retiré.

M. Victorin Lurel.  - Je le reprends.

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°II-314 rectifié quinquies.

L'amendement n°II-314 rectifié quinquies n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-556 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché et Lagourgue.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

Conditions de vie outre-mer

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

M. Jérôme Bignon.  - Cet amendement vise à favoriser la consolidation des habitations contre les risques de séismes et de vents forts dans les outre-mer, pour un montant de 5 millions d'euros. C'était une proposition du rapporteur pour avis à l'Assemblée nationale.

M. Georges Patient, rapporteur spécial.  - Là encore, c'est louable mais pas réaliste. J'ajoute que ce projet de loi de finances étend certaines défiscalisations aux travaux de réhabilitation contre le risque cyclonique. Retrait ou avis défavorable.

Mme Annick Girardin, ministre.  - Cet amendement a été retiré à l'Assemblée nationale car j'y ai pris l'engagement de consacrer 5 millions à ces travaux en 2018. Nous verrons comment aborder ce problème à l'avenir. Retrait ?

L'amendement n°II-556 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-188 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Karam, Théophile et Dennemont.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer dont titre 2

4 200 000

 

4 200 000

 

Conditions de vie outre-mer

 

4 200 000

 

4 200 000

TOTAL

4 200 000

4 200 000

4 200 000

4 200 000

SOLDE

0

0

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.  - Cet amendement affecte 4,2 millions d'euros supplémentaires aux chambres de commerce et d'industrie d'outre-mer pour compenser l'impact de la baisse de ressources fiscales de 17 % prévue par l'article 19 de ce budget. Les tissus économiques ultramarins sont marqués par un nombre plus important d'entreprises unipersonnelles et d'un fort dynamisme entrepreneurial. Les chambres de commerce et d'industrie ont perdu progressivement, depuis 2010, des concessions sur la gestion des grands équipements - ports et aéroports, qui leur assuraient des recettes. Enfin, on ne peut pas attendre des économies de mutualisations infrarégionales. Une nouvelle baisse des ressources des chambres aboutirait à une dégradation sensible de la qualité du service public.

M. Georges Patient, rapporteur spécial.  - C'est un transfert de crédits en détriment de la politique contractuelle de l'État. Retrait ou avis défavorable.

Mme Annick Girardin, ministre.  - Je suis sensible à la situation des chambres de commerce et d'industrie des outre-mer mais mon ministère, qui n'en assume pas la tutelle, n'a pas vocation à contribuer à leur financement. La contribution demandée aux chambres consulaires sera limitée à 2018 et alimentera une péréquation au bénéfice des plus fragiles. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°II-188 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-513 rectifié, présenté par MM. Poadja et Laurey, Mme Tetuanui, MM. Bonnecarrère, Cadic, Canevet et Delcros, Mme Guidez, MM. Henno, Kern et Laugier, Mme Létard et MM. Longeot et Médevielle.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer dont titre 2

 

100 000

 

100 000

Conditions de vie outre-mer

100 000

 

100 000

 

TOTAL

100 000

100 000

100 000

100 000

SOLDE

0

0

M. Michel Canevet.  - Je prends acte de l'intérêt de la ministre sur ce qui touche à la jeunesse. Je m'associe bien volontiers à cet amendement de Gérard Poadja qui étend à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française le bénéfice du fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (Febecs).

M. Georges Patient, rapporteur spécial.  - Impossible, car l'amendement est contraire à l'article 40 de la loi d'orientation sur les outre-mer du 13 décembre 2000. Avis défavorable, il faudrait une modification législative.

Mme Annick Girardin, ministre.  - L'extension du Febecs à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française supposerait en effet une modification législative - dont les délais seraient incompatibles avec votre demande. Je me suis toutefois engagée à ce que 100 000 euros soient mis au service des projets éducatifs et sportifs dédiés à la jeunesse qui seront déposés au ministère en 2018 pour ces deux territoires. Retrait ?

M. Michel Canevet.  - Au vu de cette volonté nettement exprimée, je le retire. Les jeunes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie doivent être accompagnés comme les autres.

L'amendement n°II-513 rectifié est retiré.

Les crédits de la mission « Outre-mer » sont adoptés.

Article 57 quater

M. Maurice Antiste .  - De prime abord, cette mission augmente : 73 millions d'euros en autorisations d'engagement, en hausse de 3,3 %, et 85 millions en crédits de paiement. Mais le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » voit les autorisations d'engagement baisser de 9 %, les crédits de paiement de 7 %. Cette baisse affecte la ligne budgétaire unique, donc la construction du logement social. En 2016, 6 953 logements sociaux dont 2 802 très sociaux étaient prévus ; la loi EROM prévoyait 150 000 logements dans les dix ans suivant sa promulgation. Votre Gouvernement ne s'est engagé que sur 5 870 logements et 3 550 opérations de réhabilitation, c'est très insuffisant.

La continuité territoriale voit ses crédits baisser de 1,3 %, à rebours des engagements du Gouvernement. Baisse drastique aussi pour les collectivités territoriales : moins 40 millions en autorisations d'engagement et 24 millions en crédits de paiement. Le champ sanitaire et social n'est pas en reste alors que les outre-mer cumulent les risques.

Les baisses concernent enfin, hélas, la coopération régionale : moins 5 %, alors qu'il faut lutter contre la concurrence fiscale des îles voisines. À ce propos, la proposition de loi Action extérieure des collectivités territoriales, publiée le 6 décembre 2016, attend toujours ses décrets d'application...

L'article 57 quater est adopté, de même que les articles 57 quinquies, 57 sexies et 57 septies.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°II-557 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Fouché, Lagourgue et Guerriau.

Après l'article 57 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2019, un rapport sur les possibilités de renforcement des dispositifs budgétaires et fiscaux déployés pour soutenir le développement du secteur touristique dans les outre-mer, étudiant notamment le recours à une variation du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.

M. Jérôme Bignon.  - J'ai compris que l'objet de cet amendement sera traité dans le cadre des Assises. Je le retire donc.

L'amendement n°II-557 rectifié est retiré.

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - La commission des finances se réunit à la suspension de la séance pour examiner les 350 amendements sur les articles non rattachés de la deuxième partie.

La séance est suspendue à 20 h 10.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 22 h 10.

Recherche et enseignement supérieur

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Près de 60 % des crédits de la mission sont consacrés à l'enseignement supérieur. Dans le budget triennal 2018-2020, ils progressent moins vite que les dépenses du budget général alors que le niveau des charges à payer depuis 2010 est élevé et croissant. Bref, la soutenabilité de ce budget est douteuse.

Les crédits du bloc « Enseignement supérieur » se caractérisent par une certaine rigidité. En effet, près de 80 % de cette dépense est constituée des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs.

Le plan Étudiants du 30 octobre 2017 traduit une vraie ambition : un milliard d'euros lui est dédié, mais 1,5 % de ce montant seulement est prévu en loi de finances ! Cela contraste aussi avec la rapidité que le Gouvernement a entendu lui donner...

Au-delà de l'accompagnement financier, seule la mise en place d'une professionnalisation de l'orientation, avec un module de plusieurs semaines appuyé sur une analyse du marché du travail et des perspectives de carrière, assurera le succès de la réforme.

Deuxième remarque, sur la situation budgétaire de certaines universités, qui se servent des attributions d'emplois comme variable d'ajustement pour équilibrer leurs budgets. Plus que jamais, il me paraît urgent que des mesures de rattrapage pour les universités sous-dotées soient engagées. J'ajoute que les établissements sont très inquiets de la remise en cause des fonds de la taxe d'apprentissage.

À ce titre, il est prévu l'an prochain la reprise d'une expérimentation de dévolution immobilière. Cette nouvelle expérimentation se distingue de la première, conduite en 2010-2011, en ce qu'aucune dotation récurrente n'est prévue. Ce choix est logique. Toutefois, dans la mesure où il n'y a pas non plus de dotation initiale, il importe de s'assurer que les universités qui bénéficieront de cette dévolution sont en mesure d'entretenir leur parc. Je suis favorable à la reprise de la dévolution immobilière, qui est susceptible de renforcer l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur.

Le troisième point d'attention relève davantage d'une alerte concernant la dotation à l'enseignement supérieur privé. Je reviendrai sur leur situation financière fragilisée lors de la présentation de l'amendement adopté par la commission des finances.

Le Gouvernement s'était engagé à clarifier la situation des établissements d'enseignement supérieur privé à travers la qualification d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général, ou EESPIG. Cinq sortent en sifflet, huit à dix entrent et on leur a garanti qu'ils seraient pris en compte. Si les crédits restent en l'état, nous sommes dans l'impasse.

Il convient de relever les frais d'inscription, en particulier pour les étudiants étrangers, cela contribuera à améliorer l'accueil des étudiants, et par là, notre attractivité.

Les crédits du programme 231 restent stables mais cette stabilisation est en trompe-l'oeil.

Dans un contexte budgétaire contraint, interrogeons-nous sur le dynamisme des dépenses. Un contrôle du niveau des bourses et de l'assiduité serait utile.

La recherche universitaire bénéficie de 4 milliards d'euros ; c'est crucial. Reste à mieux valoriser les résultats de la recherche : c'est l'objet de l'étude que j'ai réalisée sur les sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT).

La réforme de l'orientation est essentielle. Il faut arrêter de mentir aux jeunes en les laissant s'entasser dans des filières sans avenir. Nous serons, à vos côtés pour le dire, Madame la Ministre.

La commission des finances a adopté les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances .  - En préambule, je souhaitais vous faire part de mon scepticisme concernant la maquette budgétaire de ces programmes qui présente un caractère administratif très marqué, avec une logique de financement par ministère, alors que l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) devrait conduire à une approche beaucoup plus globale et interministérielle.

La somme des budgets des programmes relatifs à la recherche devrait atteindre 11,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2018, soit une hausse de 394,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et surtout de 512,3 millions d'euros en crédits de paiement, par rapport aux crédits votés par le Parlement en 2016.

Il était temps que le budget de la recherche soit considéré comme prioritaire, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l'éducation, car il s'agit d'une dépense d'avenir par excellence.

Le montant total des crédits alloués aux programmes qui dépendent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est-à-dire les programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale », s'établira en 2018 à 8 345,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 8 391,8 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 4,4 %, par rapport à 2017.

La hausse de 41,9 millions d'euros des crédits de l'action 14 du programme 172, qui porte les subventions pour charges de service public destinées à financer les moyens généraux des organismes de recherche dépendant du ministère, c'est-à-dire, entre autres, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a pour objet de compenser les diverses mesures salariales décidées par le précédent Gouvernement en faveur des fonctionnaires.

Les auditions que j'ai menées m'ont fait prendre conscience de l'ampleur du recours aux contrats à durée déterminée dans les organismes de recherche. Il y a là un enjeu social très important, car il paraît difficile de demander à des chercheurs de très haut niveau de se consacrer sereinement à leurs travaux alors qu'ils se trouvent dans une situation de précarité.

L'effort budgétaire consenti en 2018 en faveur des très grandes infrastructures de recherche et des organisations internationales relatives à la recherche sera important. Je pense notamment à la hausse des financements destinés à l'Agence spatiale européenne, ou ESA, qui porte le projet Ariane 6, à l'organisation pour la recherche nucléaire, le CERN, au réacteur thermonucléaire expérimental international, ITER, et à l'Organisation européenne de satellites météorologiques.

Le Gouvernement s'est incontestablement attaché cette année à améliorer la sincérité du budget de la recherche sur ce point.

La plupart des autres programmes de la mission, qui ne dépendent pas du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, verront en revanche leurs moyens stagner, voire diminuer en 2018.

Cette tendance morose connaît deux exceptions : le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricole » et le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » qui bénéficiera de la budgétisation des crédits relatifs à la recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile, portés jusqu'en 2016 par les deux premiers programmes d'investissement d'avenir, pour un montant de 135 millions d'euros en autorisations d'engagement. Le fait que l'État apporte de nouveau une aide précieuse à un secteur décisif pour l'avenir de notre industrie, après le trou d'air de 2017, constitue une excellente nouvelle.

L'aggravation du déficit du commerce extérieur s'explique en grande partie par l'importation de matériel aéronautique ; c'est paradoxal, alors qu'Airbus fait notre fierté.

J'en viens à présent à un sujet qui intéressait beaucoup mon prédécesseur : le financement de la recherche par projets. Cette mise en concurrence a vocation à dynamiser la recherche, sans pour autant constituer son unique mode de financement, puisque les crédits récurrents des organismes de recherche demeurent largement majoritaires. L'ANR, créée en 2005, a précisément pour mission la mise en oeuvre du financement de la recherche sur projets dans notre pays, en répartissant les crédits d'intervention qui lui sont alloués.

Mon prédécesseur Michel Berson s'était beaucoup inquiété de la réduction de la dotation budgétaire de l'ANR, susceptible de venir menacer la viabilité du système français de financement sur projets, qui constitue un levier d'excellence très performant et de plus en plus utilisé dans le monde entier.

L'ANR n'avait plus bénéficié d'autant de crédits depuis 2011, après la baisse drastique sous le quinquennat précédent.

Peut-on pour autant considérer que l'objectif fixé par le nouveau président de la République de donner à l'ANR des moyens dignes de ceux de ses homologues étrangers est atteint ? Assurément, pas encore ! Michel Berson estimait qu'un budget de 850 millions d'euros au minimum serait nécessaire pour retrouver des taux acceptables de sélection des projets. Il manque 80 millions d'euros pour atteindre ce niveau.

En ce qui concerne les financements européens sur projets compétitifs, les premiers chiffres de programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe ne sont guère flatteurs pour notre pays et tendent à montrer que le recul de la France en matière de recherche au niveau européen s'amplifie.

Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent traditionnellement plus de financements européens que la France, celle-ci est désormais rattrapée par les Pays-Bas et surtout dépassée par l'Espagne, qui bénéficie d'une dynamique très positive, depuis 2015. Inspirons-nous de cette politique ouvertement volontariste, qui incite fortement les équipes publiques et privées à se tourner vers l'Europe ! Il est sans doute nécessaire de renforcer notre pilotage de la participation aux programmes de recherche européens...

En 2000, il avait été décidé que l'effort de recherche de chaque État membre de l'Union européenne devait atteindre 3 % du PIB d'ici à 2020.

La commission est favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Je salue l'effort consenti par le Gouvernement pour la recherche dans ce budget. Notre commission s'est en conséquence prononcée pour l'adoption de ces crédits. Il conviendra cependant de maintenir la hausse des crédits de l'Agence nationale de la recherche dans les futurs budgets du quinquennat, notamment en vue d'augmenter le préciput pris en charge par l'Agence.

Notre rapport insiste d'abord sur Ariane 6 : sera-t-elle assez compétitive pour assurer l'accès de l'Europe à l'espace ? Les opportunités de Galiléo et Copernicus sont-elles assurées ? Ne devrait-on pas mettre plus de cohérence dans les structures d'avenir pour accroître la recherche partenariale ?

J'insiste aussi sur France Brevet, société par actions simplifiée (SAS) dotée de 100 millions d'euros, capital réparti à parité entre l'État créée dans le cadre du PIA, pilotée par l'État et la Cour des comptes ; active depuis 2011, c'est la seule structure publique dédiée à l'investissement dans les brevets en Europe.

Son mode d'intervention est le suivant : France Brevets acquiert des droits sur des brevets en vue de les regrouper en grappes, puis de les licencier. Il s'agit de permettre aux entreprises françaises souhaitant utiliser une technologie brevetée de le faire à conditions tarifaires raisonnables.

Après six ans d'activité, France Brevets doit toujours faire ses preuves. En effet, il ressort de nos auditions que, si l'activité de France Brevets est utile, elle s'est surtout développée au gré des opportunités, et a donné lieu à des réalisations relativement limitées au regard des objectifs initiaux alors que ses résultats financiers apparaissent mitigés. Son modèle d'affaires a évolué mais la société devra faire davantage pour convaincre de son utilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Laure Darcos, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En dépit de contraintes budgétaires fortes, ce budget témoigne de l'importance qu'attache le Gouvernement à la recherche et à l'innovation, que ce soit à travers l'augmentation des crédits de l'Agence nationale de la recherche ou l'arrêt d'une pratique qui consistait à sous-estimer systématiquement les contributions de la France aux organisations internationales de recherche. C'est la raison pour laquelle la commission de la culture a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Pour assumer pleinement son rôle de stratège, l'État doit au préalable répondre à la question suivante : quelle recherche pour quelle France ? Avec une dépense de recherche et développement de la France représentant 2,24 % du PIB, notre pays n'a jamais atteint l'objectif de la stratégie de Lisbonne de 2000, qui fixait ce taux à 3 %. Les moyens pour y parvenir sont connus : investir davantage dans la recherche publique, mais également encourager le développement de la recherche privée. Aucun gouvernement, toutes majorités confondues, n'y est parvenu. Au cours de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s'y est engagé. Nous observerons donc avec attention l'action et les résultats. D'ores et déjà, une piste devrait être privilégiée : renforcer davantage les Instituts Carnot qui assurent avec efficacité le lien entre recherche et innovation et incitent les entreprises, et notamment les PME, à investir dans la recherche.

Il faut définir des priorités claires en matière de recherche. C'est ce qui explique le succès de l'Espagne et du Royaume-Uni dans le cadre des appels à projets européens ou encore le rayonnement de la recherche du Royaume-Uni ou des Pays-Bas au niveau international, alors même que ces pays investissent proportionnellement moins d'argent dans la recherche que notre pays. C'est un chantier délicat, mais indispensable, auquel le Gouvernement semble vouloir s'attaquer. Nous verrons si, au-delà du constat partagé, les politiques publiques mises en oeuvre seront utiles.

Enfin, l'État doit financer les actions qu'il lance ! Je rappelle que l'Inserm a été chargé par l'ancien gouvernement de plusieurs projets tel que le lancement du consortium REACTing pour coordonner la recherche en cas d'émergence infectieuse, le pilotage du plan France « Médecine génomique 2025 », ou encore la mise en place d'une cohorte dans le cadre du plan de lutte contre la maladie de Lyme. Ces programmes ont été annoncés à grand renfort de communication mais leur financement n'a pas été assuré et a dû être pris en charge par l'Inserm à travers le redéploiement de ses propres ressources.

Le Sénat a repris récemment mon amendement sur le financement des plans de santé publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - La première mouture de ce budget examiné par le conseil des ministres le 27 septembre dernier, m'a déçu : PPLR, 1 000 créations de postes, revalorisation du point d'indice... Bref, les mesures du quinquennat Hollande ! Le premier budget Vidal serait-il le dernier budget Belkacem ? (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous connaissant, Madame la Ministre, je ne pouvais le croire. Heureusement, vous avez corrigé la feuille de route et accepté le financement du plan Étudiants pour 2018. C'est nécessaire car chaque année, 30 000 nouveaux étudiants s'inscrivent en licence, et un tiers l'obtient en trois ans. C?est une honte pour notre pays. Je soutiens votre volonté d'améliorer la réussite étudiante mais serai très vigilant sur ses modalités. Nous n'avons pas le droit à l'erreur. Si le système dysfonctionne toujours dans un an, ce ne sera plus la faute d'APB !

En période de déception, d'inquiétude, de vigilance, la commission suivra vos travaux avec le plus grand intérêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est intéressée au programme 190 consacré à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables. Les travaux de recherche menés par les établissements qui en relèvent sont essentiels.

Le projet de loi de finances pour 2018 porte les crédits à la hausse ; les dotations aux sept opérateurs sont globalement préservées. Nous nous en félicitons mais plusieurs de nos membres ont appelé à une augmentation plus franche des crédits.

Nous avons salué l'effort de coopération de ces opérateurs, source de synergies et d'économies de dépenses. Les nombreux partenariats établis avec la société civile et le secteur industriel sont une autre source de satisfaction.

Notre commission considère qu'un engagement élevé de l'État est indispensable pour garantir un haut niveau de recherche dans le développement durable, et a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Jérôme Bignon .  - Je remplace Colette Mélot, qui ne peut malheureusement être présente.

Ce n'est pas la première fois que ces crédits sont en hausse : c'était déjà le cas dans les budgets pour 2013 et 2016. Préserver ces crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce n'est pas seulement un arbitrage financier. C'est un pari en faveur de l'avenir et de l'innovation. Les 718 millions d'euros de crédits supplémentaires de la mission, sont ainsi massivement dirigés vers les programmes de la recherche. Le budget global de la recherche est de 15 milliards d'euros. C'est un petit poste de dépenses, sous-dimensionné au regard des enjeux d'avenir qu'elle représente.

Fragilisé par l'augmentation du nombre d'étudiants, le système d'enseignement supérieur craque et risque d'exploser ; avec 13,4 milliards d'euros pour la formation et 2,7 milliards pour la vie étudiante, les crédits sont insuffisants : un milliard par an serait nécessaire jusqu'en 2020 pour faire face à la démographie, d'après le Comité stratégique pour l'enseignement supérieur.

Le plan Étudiants et la suppression du tirage au sort sont opportuns. Il faut aller plus loin sur les conditions de vie et la santé des étudiants, et surtout prendre des mesures énergiques contre la paupérisation. Le Gouvernement promet un milliard d'euros pour y pourvoir, 450 millions au titre du PIA et 500 millions par voie budgétaire jusqu'en 2022. C'est une mesure courageuse.

Il faudra que l'enseignement supérieur se marie davantage avec la formation professionnelle et que les universités travaillent davantage sur les débouchés professionnels.

L'argumentation de la contribution à l'Agence spatiale européenne (ASE) et à EUMETSAT est un bon signe ; les opérateurs de recherche ne peuvent toutefois plus se contenter des seuls fonds publics. Une visibilité à cinq ans sera utile : nous vous suivrons, Madame la Ministre. L'objectif de la stratégie de Lisbonne devra être atteint un jour.

Le groupe Les Indépendants votera ces crédits. Les inquiétudes que j'ai exprimées sont compatibles avec un budget de transition et avec la vigilance que nous mettrons en oeuvre au service de l'enseignement supérieur et de la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Josiane Costes .  - La démonstration de l'accès à la connaissance est un enjeu fondamental. La mission « Enseignement supérieur et recherche » traduit en permanence la place centrale de ces politiques dans notre pays.

Les crédits de la mission sont préservés de l'effort budgétaire global mais restent loin des réalités du terrain. La France ne s'est pas donné les moyens de relever le défi démographique des universités qui en plus se sont vues ponctionner leur fonds de roulement.

Les universités n'ont pas bénéficié des moyens qu'exigeait leur autonomie. D'où le tirage au sort dans les filières en tension qui n'était pas seulement la conséquence d'un déficit d'orientation : plus de 169 licences ont été concernées ! Nous nous réjouissons de la fin de ce système. Le plan Étudiants du 30 octobre y substitue l'ouverture de nouvelles places dans ces filières.

Autre défi : l'échec en licence car 27 % des étudiants seulement obtiennent en effet leur licence en trois ans. Les plans de formation personnalisés et les mesures d'accompagnement sont bienvenus mais les moyens doivent suivre. Les universités attendaient plus d'un milliard d'euros pour le seul premier cycle. Il faudra dépasser les 2 % du PIB.

Les crédits de la recherche-développement, à 15 milliards d'euros, augmentent mais l'atteinte de l'objectif des 3 % du PIB fixé par le président demeure incertaine. La contrainte budgétaire continue de peser sur les opérateurs de recherche où la progression du glissement-vieillesse-technicité (GVT) demeure inquiétante. Dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, les financements restent en deçà des besoins. Le taux de sélectivité des projets de recherche devrait toutefois être augmenté.

Le CIR, dépense fiscale de 5,8 milliards d'euros, mériterait d'être mieux évalué. Notre générosité doit s'accompagner d'une meilleure coopération entre recherche publique et privée.

Le volontarisme du Gouvernement doit être plus ferme, mais le groupe RDSE votera très majoritairement les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Martin Lévrier .  - Ce budget répond à une attente et à des objectifs forts : la réussite de chaque étudiant, le développement de l'autonomie des universités et le soutien à la vie étudiante.

Les investissements dans le capital humain ont un effet direct sur la croissance, nous le savons. Le budget garantit l'excellence de la recherche, dont les crédits augmentent. Ainsi, 132 millions d'euros sont consacrés par exemple à Ariane 6.

Accompagner et favoriser la réussite de chaque étudiant en tenant compte de ses conséquences et de ses désirs, voilà l'objectif. Nous ne pouvons plus tolérer la mascarade du tirage au sort. L'orientation sera plus juste et plus efficace. Les crédits pour l'accès aux études pour tous augmentent de plus de 200 millions d'euros, conformément aux engagements de la majorité en faveur de la jeunesse.

La hausse de 59 millions d'euros des programmes immobiliers financera les projets du CPER et de l'opération Campus qui rendra 100 millions d'euros de pouvoir d'achat aux étudiants dès 2018.

Les aides aux étudiants bénéficieront à 15 000 nouveaux boursiers en 2018. Les droits d'inscription universitaires et le prix du ticket universitaire sont gelés, pour assurer une rentrée 2018 dans les meilleures conditions.

Le sujet est crucial pour l'avenir du pays et l'approche du Gouvernement raisonnée, mais beaucoup reste à faire. L'enseignement supérieur et la recherche ne sont pas une île ; ils devront ainsi s'adapter aux réalités, voire les devancer.

Je me réjouis de l'avis favorable de la commission des finances, qui a su dégager un consensus. Travailler dans un esprit constructif fait partie de l'ADN de notre institution.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - Constructif, le mot est bien choisi !

M. Martin Lévrier.  - Le groupe votera en faveur de ces crédits également.

M. Pierre Ouzoulias .  - L'examen de cette mission intervient à la fin du débat budgétaire. Le novice que je suis est surpris de découvrir les capacités miraculeuses de cet hémicycle. (Sourires) M. Darmanin, grand argentier, ayant expliqué lors de l'examen des recettes que son gouvernement est le premier à avoir eu le courage d'inverser la courbe de la dépense publique, mais toutes les missions, nous expliquent les ministres les uns après les autres, sont épargnées ! Sept milliards d'économies ont ainsi disparu. Cet hémicycle transformerait les moins en plus. (Sourires)

Madame la Ministre, vous allez donc nous expliquer que votre budget est un budget de transformation et que les missions essentielles ont été sanctuarisées. Je vous rassure, comme la plupart des budgets défendus par vos collègues, le vôtre recevra une large approbation de cette assemblée et notre groupe sera le seul à voter contre.

En effet, à l'encontre de vos dires futurs, nous considérons qu'il abandonne la stratégie européenne dite de Lisbonne. Nos partenaires ont augmenté la part de leurs dépenses consacrées à l'enseignement supérieur et à la recherche ; notre performance reste médiocre et le budget par étudiant a même diminué depuis 2010. Pire, aucune création de poste n'est prévue.

Pour apprécier l'extrême gravité de la situation, considérons les estimations des experts : il faudrait 700 millions à un milliard d'euros pour ne serait-ce que maintenir les capacités d'accueil des étudiants. Vous privilégiez des opérateurs dont l'utilité n'est pas avérée, comme l'ANR ou les ComUE qui font l'objet d'un de mes amendements, et en ignorez d'autres, historiques, qui subiront de nouvelles baisses de leurs moyens et de leurs postes. Cet acharnement confine à l'absurdité quand il s'agit de l'Institut de recherche pour le développement dont le budget baisse de plus d'un et demi pour cent

Suppression de postes de chercheurs, baisse des postes ouverts aux concours... Le pilotage des ressources humaines se traduit par la baisse des inscrits en doctorat. C'est très inquiétant pour l'avenir de notre recherche.

Une autre politique est possible, pas en Utopie, mais dans l'Europe d'aujourd'hui. Oui, dépassons le dogme en vigueur : la dépense publique n'est pas un mal en soi ; il n'y a pas comme le cholestérol, une bonne dépense, la dépense privée, et une mauvaise, la dépense publique. Nous avons fragilisé la recherche publique... et sommes passés derrière la Belgique, dont l'effort public de recherche massif a entraîné dans son sillon la recherche privée.

Madame la Ministre, abandonnez vos dogmes, investissez dans la recherche publique ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Cela sera bénéfique à notre économie, mais aussi à notre jeunesse qui a tant besoin que la science et la connaissance redeviennent un objet de désir et un projet de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jacques Grosperrin.  - Ça avait bien commencé !

Mme Cécile Cukierman.  - Et bien terminé !

M. Laurent Lafon .  - Par son ampleur budgétaire, cette mission n'est pas anodine : c'est le troisième poste de dépenses après l'enseignement scolaire et la défense. Encore faut-il y ajouter le CIR et les PIA, soit 6,5 milliards d'euros de dépenses fiscales. C'est encourageant : la France investit massivement dans son avenir.

Les crédits progressent de 2,7 %, hausse qui concerne surtout le financement de la recherche. Nous saluons la progression des crédits d'intervention de l'ANR et la prise en compte des critiques de la Cour des comptes sur la sous-budgétisation de la contribution de la France aux organismes internationaux scientifiques et de recherche et aux programmes européens.

L'afflux de 21 % d'étudiants supplémentaires entre 2014 et 2025 provoque le déblocage d'un milliard d'euros sur cinq ans : c'est heureux.

Nous saluons la compensation intégrale du glissement vieillesse technicité  - GVT - en 2018.

Des points d'inquiétude demeurent ; rien n'est prévu pour compenser la hausse de CSG ; aucun gouvernement n'est parvenu en dix-sept ans à atteindre les 3 % du PIB consacrés à la recherche.

L'exercice budgétaire se prête surtout à une approche quantitative, laissez-moi tenter une approche plus qualitative. Où en est l'université ?

La France est en queue de peloton de l'OCDE pour les dépenses par étudiant dans l'enseignement supérieur. Nos universités ne brillent pas dans le classement de Shanghai. Le système des grandes écoles, cette bizarrerie si française, a pour corollaire la relégation des universités à un subalterne. Il nous faut réussir le rapprochement des grandes écoles et des universités.

Nous y engageons-nous ? Ce ne sera pas le cas tant que nous n'oserons pas la sélection à l'université, tant qu'une transition plus harmonieuse entre enseignement secondaire et enseignement supérieur ne remplacera pas le bac, tant que nous n'aurons pas rapproché la formation supérieure initiale de l'entreprise, tant que nous n'aurons pas pensé l'orientation au lycée bien avant l'année de terminale. La loi du 23 décembre 2016 était emblématique de notre incapacité à faire un choix : d'un côté, la sélection en mastère ; de l'autre, la garantie du droit à la poursuite d'études.

Rien n'indique, dans ce budget, la résolution du Gouvernement à moderniser notre enseignement supérieur. Un indice du contraire : les droits d'inscription à l'université sont, pour la troisième année consécutive, gelés. Nos collègues Les Républicains préconisent leur revalorisation en contrepartie de la mise en place d'un système de bourses sur critères sociaux. Cette préconisation a le mérite d'ouvrir la réflexion.

Le monde de demain sera bouleversé par les biotechnologies et l'intelligence artificielle. Si nous ne réussissons pas ces révolutions, nous n'existerons tout simplement plus demain. Faute de déterminer et de hiérarchiser des objectifs précis, notre recherche risque de se diluer dans le saupoudrage. Comme pour l'enseignement supérieur, des choix clairs et courageux doivent être faits.

Le groupe UC votera ces crédits pour saluer la confiance retrouvée dans l'enseignement supérieur et la recherche.

La civilisation industrielle a fait place à la civilisation de l'innovation et du savoir. L'État doit saisir cette réalité. Dans cette nouvelle civilisation, la richesse ne vient plus des matières premières ou des sources d'énergie. Il n'est de richesse que d'hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Sylvie Robert .  - La jeunesse n'est qu'un mot, disait Bourdieu. Mais c'est surtout une vraie chance, des projets en devenir foisonnants, des lendemains prometteurs qui ne ressembleront pas aux constructions d'hier. Elle résiste, s'adapte, plonge dans le présent et le futur, « cette parcelle si sensible de l'instant », disait Paul Valéry.

Albert Camus écrivait que chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. Ce n'est pas une question d'ancien et de nouveau monde, mais la question du sens donné au monde. Cette quête permanente de sens conduit la jeunesse à imaginer, concevoir et entreprendre tant d'initiatives, sans être tétanisée par le risque d'échec. Nous avons une responsabilité collective envers elle.

La France a réussi à mener la plus grande partie d'une classe d'âge au baccalauréat, dont le taux de réussite est passé de 64 % en 1980 à 90 % ! Le défi est d'accueillir convenablement tous les jeunes qui désirent poursuivre leurs études. Le droit d'accès à l'enseignement supérieur est à réaffirmer. Or la situation actuelle, je pense notamment à la pratique injuste du tirage au sort, n'est plus soutenable.

Un constat est partagé : le projet de loi de finances 2018 n'est pas à la hauteur des enjeux pour les universités. Oui, les crédits de l'enseignement supérieur augmentent de 1,5 % auxquels il faut ajouter les 15 millions de crédits votés par l'Assemblée nationale. Pour autant, cela ne suffira pas quand 250 millions sont nécessaires pour accueillir les 30 000 à 40 000 nouveaux étudiants. Il faut trouver des financements supplémentaires pour ne pas obérer le budget de fonctionnement des universités.

Notre jeunesse est attachée à la promesse méritocratique. Quelque 40 % d'élèves boursiers en première année, contre 10 à 12 % en mastère, c'est le reflet d'un des systèmes les plus inégalitaires de l'OCDE. Logement, santé, conciliation entre études et emploi : autant de défis à relever dans le plan pour la vie étudiante. Depuis les travaux de l'économiste Romer, le rôle de la recherche dans la croissance n'est plus à démontrer. Je me réjouis de l'augmentation de 3,5 % des crédits de la recherche tout en déplorant la baisse de 6,2 % qui affecte la recherche culturelle et la culture scientifique. Le soutien à la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle se réduit quand elle est si essentielle dans la lutte contre les mystifications postmodernes, notamment sur le changement climatique et les vaccins, et la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Madame la Ministre, je soutiens le plan Bibliothèques ouvertes et, en particulier, l'emploi d'étudiants dans ces bibliothèques.

L'avenir est la coopération européenne. Elle existe déjà avec le laboratoire européen de physique des particules, le laboratoire européen de biologie moléculaire ou encore l'agence spatiale européenne qui en est peut-être l'illustration la plus aboutie. La mutualisation des ressources humaines et financières accélère le processus de recherche. Grâce à l'intelligence artificielle, nous pourrons accentuer le pilotage des spécialisations pour faire émerger des champions européens.

Le groupe SOCR se félicite des objectifs fixés mais s'interroge sur les moyens : il s'abstiendra.

Mme Catherine Procaccia .  - Alors que la dépense publique diminue, le groupe Les Républicains se réjouit de la hausse des crédits de la recherche, très malmenée sous le précédent gouvernement.

Nos chercheurs auront besoin de plusieurs années pour être rassurés sur la place que la France leur donnera. Le parcours d'Emmanuelle Charpentier le montre : cette brillante scientifique à l'origine du CRISPR-cas9 s'est exilée pour poursuivre ses recherches aux États-Unis, puis à l'Institut Max Planck. Tous les pays n'ont certes pas la chance de bénéficier du filtre de l'ANR...

La trop forte sélectivité - moins de 12 % de dossiers retenus - des procédures de l'ANR a fini par provoquer une fronde des prix Nobel ! La dépollution des sols antillais contaminés par la chlordécone qui interdit la pêche et provoque des cancers de la prostate, a suscité des projets de recherche dont aucun n'a été sélectionné par l'ANR.

Je ne reviendrai pas sur l'augmentation de 10,6 % des crédits de la recherche spatiale ni sur la légère baisse de ceux alloués au CNES au profit de l'ESA. La double présidence, assumée par le français Jean-Yves Le Gall, est de nature à rassurer. Tous ceux qui, comme moi, soutiennent la recherche et l'industrie spatiale française savent qu'elles ne peuvent se développer que dans le cadre européen. Depuis la Conférence de Naples en 2012, l'industrie spatiale s'est restructurée. Le centre spatial guyanais est conforté ; j'espère que les 133 millions prévus pour les systèmes spatiaux de télécommunications et Galiléo suffiront. L'ESA a été bien longue à faire la promotion de ce GPS européen, plus précis que les systèmes américains et russes, qui a l'avantage de nous assurer l'autonomie. La station spatiale internationale, j'en suis désormais convaincue, grâce à Thomas Pesquet, mérite d'être financée. J'en profite, Madame la Ministre, pour suggérer, comme je le fais depuis six ans, la réintroduction de l'espace dans l'intitulé de votre ministère.

Mme Sophie Primas.  - Bravo !

Mme Catherine Procaccia.  - Sur la recherche industrielle, l'érosion du soutien public, malheureusement, n'est pas freinée dans votre budget. Ainsi, en trois ans, le financement des activités de recherche des SRC est tombé de 50 % à moins de 9 % alors que l'aide publique à leurs homologues européens se situe entre 50 et 100 %. Le développement technologique en faveur de l'entreprise est pénalisé. Pourquoi ?

Ces remarques faites et sous réserve de vos réponses, le groupe Les Républicains votera les crédits. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Stéphane Piednoir .  - Ce budget suscite unanimement un sentiment de bienveillance. Avec des autorisations d'engagement en hausse de 2,7 %, il digère les mesures salariales - et électorales - de l'an dernier.

Néanmoins, l'augmentation des effectifs de l'enseignement supérieur appelle notre vigilance. Quelque 361 000 inscriptions supplémentaires sont attendues en 2025. Gouverner, c'est prévoir ; comment le Gouvernement se prépare-t-il à cette hausse du nombre d'étudiants ?

Nous arrivons ainsi au sujet délicat de l'orientation. Je partage le diagnostic et les solutions que notre collègue Kennel a détaillés dans son rapport. Je partage les arbitrages rendus : il convient d'analyser les aptitudes des élèves à certains cursus. En revanche, pourquoi nommer un second professeur principal, fonction très chronophage et peu valorisée, dans chaque classe de terminale ? D'après nos informations, seuls 15 % des lycées sont parvenus à en recruter. Est-ce à dire que vous oubliez les conseillers d'orientation psychologues ou souhaitez-vous faire disparaître cette profession ?

APB, quoi qu'on en dise, a rendu les services attendus. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. L'ancien monde n'a pas que des mauvais côtés... Le tirage au sort était profondément injuste. Le nouveau système proposé, au-delà de l'aspect accessoire de nouveau nom, choisi par les internautes, inquiète les élèves de même que les proviseurs de lycée, les établissements d'enseignement supérieur et les classes préparatoires où j'enseignais, il y a encore quelques mois. En remplaçant l'algorithme de tri par un algorithme de temps, certaines de ces classes, parmi les moins prestigieuses, devront attendre fébrilement les réponses positives des futurs bacheliers. J'y vois une menace sur le maintien de cette spécificité française qui conditionne les parcours d'excellence que nombre de pays nous envient.

Finissons-en avec le droit sacro-saint à l'université pour tous et les inscriptions fantaisistes. Oui, il faut faire place aux erreurs d'aiguillage ; oui, il y aura toujours des parcours atypiques. Cela dit, vous exigez désormais des « attendus » pour entrer à l'université ; autrement dit, des prérequis même si vous évitez soigneusement le terme. La sélection n'est pas une vilenie, c'est un service à rendre aux étudiants.

Autre mesure souvent repoussée par dogmatisme, la revalorisation des droits d'inscription. Elle a fait l'objet de convergences au sein de la commission des finances en contrepartie de l'augmentation des bourses sur critères sociaux.

Comme le disait l'un de mes anciens collègues de lycée, « il ne faut jamais sous-estimer la capacité du bac à se faire avoir ». On peut l'obtenir sans avoir acquis les connaissances suffisantes dans les matières fondamentales au moyen des options. Un enseignement de qualité ne peut être dispensé que par des professeurs motivés et convaincus de l'utilité de leurs cours. Puisse ce modeste témoignage trouver un écho dans la réflexion qui sera menée pour réformer cette institution. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Comment rétablir la sincérité budgétaire ? Comment traduire la priorité cardinale qu'accorde le Gouvernement à l'enseignement supérieur et la recherche dans ce budget ? Voilà quelles ont été mes priorités dans la construction du budget qui représente le troisième poste de notre nation. En hausse de 700 millions d'euros, ses crédits s'établissent à 24,5 milliards d'euros.

Nos priorités sont simples : visibilité pour nos organismes et nos laboratoires, possibilité de se projeter dans le temps long. C'est pourquoi nous abondons de 500 millions les crédits de la recherche, ce qui est considérable. Il fallait redonner de l'oxygène aux chercheurs et cesser d'opposer recherche sur projet et financements récurrents. Nous avons besoin des deux. Il faut financer ce qui fonctionne. Le budget de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, sera porté à 750 millions d'euros pour améliorer le taux de sélectivité. Les instituts Carnot, qui ont fait leurs preuves dans le partenariat avec le monde économique, voient leur financement abondé de 5 millions d'euros. Les financements récurrents avaient trop baissé, les organismes de recherche devaient prendre sur leur budget le poids du dérapage des projets ; 25 millions d'euros supplémentaires sont prévus. Un effort important est consenti pour les organismes internationaux de recherche : 314 millions d'euros. C'était une question de sincérité budgétaire.

L'année 2018 sera tout à fait particulière pour l'enseignement supérieur. La réforme de l'orientation et la réussite à l'université seront la colonne vertébrale du plan Étudiants. Nous nous sommes trop habitués à l'échec universitaire. Les documents budgétaires en témoignent : la cible du taux de réussite à trois ans était fixée à 30 % en 2020 - nous en sommes à 27 %. Merci d'avance à Jacques Grosperrin, futur rapporteur du projet de loi Orientation étudiante, qui sera examiné par le Sénat en février 2018, ainsi qu'à Guy-Dominique Kennel et à Catherine Procaccia, dont les travaux ont inspiré le texte.

On a mis en doute récemment la parole du Gouvernement quant à l'effort supplémentaire d'un million d'euros annoncé par le Premier ministre. Il se décomposera en 450 millions au titre du grand plan d'investissement à travers des appels à projets - le premier porte sur 130 millions d'euros - et 500 millions de crédits budgétaires durant la période 2018 à 2022 pour créer des places dans les filières en tension et dans les filières courtes, BTS et DUT. Un supplément de 100 millions d'euros sera rendu en pouvoir d'achat aux étudiants grâce à la suppression de cotisation pour la sécurité sociale : ce seront 217 euros par an en moins pour chacun. Cette anomalie devait être corrigée, l'ouverture des droits sera gratuite et la couverture nettement améliorée.

Nous avons pris la mauvaise habitude de cacher les impasses budgétaires sous des hausses apparentes. Les effectifs étudiants sont en hausse structurelle, le GVT coûte cher. Les créations de poste en loi de finances servaient, en réalité, à couvrir la progression des charges des universités. Je mettrai fin à ces pratiques.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - Bravo !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Ancienne présidente d'université, je sais que c'est une petite révolution. Pour 2018, sont prévus 194 millions d'euros supplémentaires.

Pour financer la réhabilitation des universités, l'enveloppe de l'immobilier sera de 343 millions, soit une hausse de 60 millions. Le plan Étudiants s'articulera avec la réforme du bac portée par M. Blanquer et celle de la formation professionnelle et de l'apprentissage conduite par Mme Pénicaud. Nous souhaitons repenser l'orientation dès la fin du collège, travailler à la constitution de filières d'excellence en utilisant notamment l'apprentissage. La taxe d'apprentissage continuera à financer la formation.

Parfois, l'acharnement confine à l'absurdité : n'opposons pas recherche de base et recherche sur projet. Le taux de financement de l'ANR et sa très forte sélectivité sont un objet de préoccupation. Pour autant, l'ANR finance aussi de très nombreux plans nationaux, le premier, sur le climat, est confié au CNRS.

Pour faciliter l'accès de nos équipes de recherche aux financements européens, la première chose est de participer aux réunions au niveau européen - ce que je fais. Je défends également une simplification des procédures.

Nous n'avons pas droit à l'échec face au défi du rapprochement des universités et grandes écoles dans le premier cycle. Il s'agit de les faire travailler en synergie, non de les fusionner. Cette question fera l'objet d'un article du projet de loi qui vous sera soumis.

La plateforme qui remplacera APB sera présentée avant Noël. Ce sont les choix politiques qui ont entraîné l'échec de l'application, non l'algorithme lui-même ; reste que la CNIL ne veut plus d'un algorithme totalement automatisé. L'objectif est bien d'aider les étudiants plutôt que de les jeter dans la piscine pour leur apprendre à nager. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, RDSE, UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

EXAMEN DES CRÉDITS ET DES ARTICLES RATTACHÉS

M. le président.  - Amendement n°II-183 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Créer le programme :

Grandes infrastructures de recherche

II. - Modifier ainsi les crédits des programmes :

 (en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2

300 000 000

 

150 000 000

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

993 467 553

 

716 606 308

Grandes infrastructures de recherche

693 467 553

 

566 606 308

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

993 467 553

993 467 553

716 606 308

716 606 308

SOLDE

0

0

M. Pierre Ouzoulias.  - Tout le monde est d'accord pour réduire le millefeuille territorial alors que l'on laisse proliférer les structures baroques dans la recherche au premier rang desquelles figure l'ANR, devenue l'agence à dire non. Son budget a beau avoir été multiplié par dix et ses effectifs par quatre en dix ans, les projets financés diminuent. Que je sache, le président de la République a confié au CNRS, et non à l'ANR, le projet « Rendons notre planète plus belle »...

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial.  - Comment tuer l'ANR en silence mais de la manière la plus sanglante possible.... La ministre a pris des engagements clairs. Je n'ai pas de garantie sur le taux de sélectivité à atteindre ; j'ai évoqué un chiffre qui est, pour moi, l'idéal à atteindre. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - C'est ambitieux de siphonner l'ensemble des crédits de l'ANR ! L'agence n'a pas vocation à porter les plans nationaux mais à ingérer l'exécution, c'est pourquoi elle a besoin d'une proportion plus grande de gestionnaires. La recherche sur projets permet l'émergence des jeunes équipes. Avis défavorable.

Mme Laure Darcos, rapporteure pour avis.  - L'ANR attend son nouveau président, après une crise de confiance. Elle a été confortée par le Gouvernement avec pour objectif d'atteindre un taux de 20 % d'acceptation des projets, soit la moyenne européenne.

M. Claude Raynal.  - Nous savons très bien que c'est un amendement d'appel. Y a-t-il des marges de progression ? Voilà la vraie question.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est exactement ça... Merci d'expliciter ma pensée ! (Sourires) Chercheur moi-même, je peux vous assurer que les chercheurs vivent dans la précarité. En sciences humaines, ils deviennent titulaires à 37 ans en moyenne, après avoir usé leur énergie à courir derrière les financements. Le système, qui cause des drames humains, doit être remis à plat.

L'amendement n°II-183 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-184, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2

 

79 895 852

 

79 895 852

Vie étudiante

79 895 852

 

79 895 852

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

79 895 852

79 895 852

79 895 852

79 895 852

SOLDE

0

0

M. Pierre Ouzoulias.  - Ni mauvais esprit, ni provocation derrière cet amendement. Les aides directes aux étudiants sont en baisse, or leur situation est catastrophique. Un quart des étudiants perçoivent une bourse, de 555 euros en moyenne, et 50 % d'entre eux sont salariés. Or travailler à la caisse du supermarché le week-end réduit l'attention en cours la semaine. Cela a un impact sur la qualité de l'enseignement.

Les conditions matérielles d'étude sont mauvaises, nombre d'établissements ne respectent pas les normes de sécurité. En France, il y a une place en bibliothèque pour douze étudiants, moitié moins qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni. Les étudiants expriment leur fatigue. La fac, disent-ils, c'est une préparation à Koh-Lanta !

Mon objectif n'est pas de m'en prendre aux établissements privés, qui accueillent 18 % des étudiants - je l'ai dit, je suis favorable à la liberté de l'enseignement, et même à la libre pensée ! - mais l'État pourrait moduler ses aides selon l'effort d'intégration des plus modestes réalisé par chaque établissement.

M. le président.  - Amendement n°II-427, présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2

6 000 000

 

6 000 000

 

Vie étudiante

 

6 000 000

 

6 000 000

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

SOLDE

0

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M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.  - Ces dernières années, les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig) ont vu l'aide moyenne par étudiant passer de 1 093 euros en 2012 à 705 euros en 2016 ; le nombre d'étudiants augmente pourtant, dont beaucoup de boursiers.

Cet amendement augmente de 6 millions d'euros l'enveloppe allouée à ces établissements, en prenant sur les crédits destinés à l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) qui n'ont pas été consommés l'an dernier. À souhaiter qu'ils ne le soient jamais, et que les étudiants rentrent dans la vie active le plus vite possible !

Nous vous aidons à rendre crédible la parole de l'État, Madame la Ministre.

Avis défavorable à l'amendement n°II-184. Vous avez dit dogmatique ? (Sourires)

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Je préfère la défense que vous faites de vos amendements à l'oral, Monsieur Ouzoulias... Siphonner les crédits n'est pas une méthode.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est la règle, en loi de finances !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - L'inégalité la plus criante n'est pas entre étudiants du public et du privé, mais entre ceux qui font des études et ceux qui y renoncent pour raisons financières. C'est pourquoi nous supprimons la cotisation de 217 euros à la rentrée 2018, nous construisons 60 000 logements étudiants, nous instaurons la gratuité de la caution locative et de l'accès aux soins dans les centres de santé...

Le chiffre de 50 % d'étudiants qui travaillent inclut les stagiaires et ceux qui suivent un apprentissage. Nous sommes plus proches de 20 % même si on peut penser que c'est 20 % de trop. Mieux vaut développer l'emploi étudiant au sein des universités.

Avis défavorable à l'amendement n°II-184.

Je n'oppose pas le public et le privé, a fortiori sans but lucratif. Depuis 2010, 44 établissements ont été labellisés Eespig ; s'y sont récemment ajoutées trois écoles d'ingénieurs agricoles et six écoles de management, portant le total à 56.

Les Eespig remplissent un rôle important et sont conventionnés avec l'État. Le précédent gouvernement avait fait le choix de réduire leur dotation, d'où un effet ciseaux. Dès 2018, je doterai ces établissements de 2 millions d'euros supplémentaires par un effort en gestion de 2 millions d'euros ; ils bénéficieront en outre du versement d'une partie de la contribution vie étudiante. Nous en reparlerons dans le projet de loi sur l'orientation des étudiants. Retrait, sinon rejet de l'amendement n°II-427.

M. Michel Canevet.  - Je me réjouis qu'un nouveau système d'orientation vienne remplacer la calamiteuse application APB.

Je suis scandalisé de lire que l'enseignement privé serait « un accélérateur des inégalités sociales ».

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est pourtant pas faux.

M. Michel Canevet.  - Le groupe UC est foncièrement attaché à la liberté scolaire.

Mme Cécile Cukierman.  - Vous êtes de droite, nous de gauche.

M. Michel Canevet.  - En Bretagne, la moitié des enfants sont scolarisés en établissement privé, avec des résultats qui sont parmi les meilleurs au niveau national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) L'Éducation nationale, qui a concentré les moyens, ne peut pas en dire autant...

Mme Cécile Cukierman.  - Plus on a financé le privé, plus on s'est effondré dans le classement mondial !

M. Michel Canevet.  - Les crédits pour l'enseignement supérieur privé ont déjà beaucoup baissé, la réduction que propose l'amendement n°II-184 est inacceptable. La possibilité offerte aux familles de choisir leur réseau d'enseignement est au contraire source d'égalité.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - Je suis choqué de cette opposition caricaturale entre public et privé. Vous avez cité Bourdieu, vous auriez pu citer Baudelot et Establet... Les problèmes ne se posent pas dans le supérieur, mais dès l'école, d'où l'intérêt des classes dédoublées.

Nombre d'établissements privés figurent au palmarès de Shanghai. Notre groupe votera l'amendement de la commission des finances : l'enseignement privé doit être aussi bien considéré que le public.

Mme Cécile Cukierman.  - Le dogmatisme, c'est des deux côtés !

Mme Sylvie Robert.  - M. Adnot estime que l'aide à la recherche du premier emploi a été insuffisamment utilisée - et qu'il vaudrait mieux qu'elle ne le soit pas du tout. Mise en place en 2016, cette aide directe en direction des plus modestes a déjà été réduite de 43 millions d'euros ; je ne vois pas de raison de la diminuer encore. Ce n'est pas un bon signal donné à la vie étudiante.

Bien que bretonne, je ne souhaite pas rentrer dans le débat sur l'enseignement privé. Nous voterons contre ces deux amendements.

M. Laurent Lafon.  - Difficile pour un centriste de trancher entre deux amendements radicalement opposés. (Sourires) Cependant, la rhétorique d'un autre temps de M. Ouzoulias et la nécessité d'accueillir un nombre croissant d'étudiants - 300 000 d'ici 2025 - nous font pencher pour l'amendement n°II-427, bien que le gage ne me plaise guère. N'affaiblissons pas l'enseignement privé, qui devra prendre sa part de ces étudiants.

Mme Françoise Gatel.  - Vos propos, Monsieur Ouzoulias, ne sont pas à la hauteur de votre intelligence. Je sais que vous avez à coeur que le pays se mobilise pour la réussite de ses enfants.

Je salue le travail de Mme la ministre. La plus grande inégalité, c'est d'accueillir à l'université des étudiants qui n'y sont pas préparés et dont les deux tiers sortiront sans diplôme.

Mme Sophie Primas.  - Très bien.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.  - Je maintiens l'amendement. Le financement prévu, de 700 euros, est à comparer aux 10 000 euros que coûte un étudiant dans le public.

Madame Robert, ce ne sont pas nécessairement les étudiants les plus modestes qui mettent du temps à trouver un travail - souvent, ils ne ménagent pas leur peine.

Votons l'amendement, et vous trouverez ces 6 millions d'euros ailleurs, Madame la Ministre !

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - Sur le CNRS ? (Sourires)

M. Pierre Ouzoulias.  - Ou les 6 milliards du CIR !

L'amendement n°II-184 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-427 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-573 rectifié quinquies, présenté par Mme Préville, MM. Tissot et Durain, Mmes Taillé-Polian, Lienemann et Lepage et MM. Kerrouche, Mazuir, Madrelle et Courteau.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

10 000 000

 

10 000 000

Recherche culturelle et culture scientifique

10 000 000

 

10 000 000

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

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Mme Angèle Préville.  - En favorisant les échanges avec la communauté scientifique, en partageant les savoirs et en éduquant à une citoyenneté active, la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) inscrit la science dans la société.

La loi Enseignement supérieur et recherche du 22 juillet 2013 a transféré aux régions la coordination des actions de la CSTI. L'État conserve encore des moyens d'action, il doit rester un acteur incontournable pour donner le goût de la science aux jeunes. Il faut aider les citoyens à comprendre les évolutions scientifiques et techniques pour les maîtriser ; plus savants, plus responsables, ils seront moins naïfs, les choix de société seront plus réfléchis.

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Très bien.

Mme Angèle Préville.  - Cette question touche aussi aux stéréotypes de genre ; encourageons les jeunes filles à se tourner vers des carrières scientifiques !

Mme Maryvonne Blondin.  - Tout à fait.

Mme Angèle Préville.  - Dominique Gillot, qui préside le Conseil national de CSTI, a remis sa stratégie nationale, qui demande un investissement accru.

Bien évidemment, je ne veux pas amputer le financement de la recherche duale. Je souhaite néanmoins que le Gouvernement et le Sénat se saisissent de ce sujet.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial.  - L'intention est bonne mais le gage n'est pas adapté : on ne peut pénaliser de la sorte la recherche spatiale. Avis défavorable. (Mme Cécile Cukiermann s'exclame.)

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Je salue l'investissement de Dominique Gillot, dont j'ai lu les travaux. La Nation consacre déjà 250 millions d'euros à la CSTI. Avis défavorable, à cause du gage. J'ai toutefois proposé aux députés de travailler sur la question, et vous invite à vous joindre à la réflexion.

Mme Angèle Préville.  - C'était un amendement d'appel, je le retire.

L'amendement n°II-573 quinquies est retiré.

L'amendement n°II-558 rectifié n'est pas défendu.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », modifiés, sont adoptés.

L'article 57 octies est adopté, de même que l'article 57 nonies.

Prochaine séance, aujourd'hui, vendredi 8 décembre 2017, à 9 h 40.

La séance est levée à minuit quarante.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus