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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Communications

Avis sur une nomination

CMP (Nominations)

Normes réglementaires relatives aux équipements sportifs

M. Dominique de Legge, auteur de la proposition de résolution

M. Michel Savin, auteur de la proposition de résolution

M. Christian Manable, auteur de la proposition de résolution

M. Pascal Savoldelli

M. Claude Kern

M. Christian Manable

M. Claude Malhuret

Mme Mireille Jouve

M. Cyril Pellevat

M. Abdallah Hassani

Mme Colette Mélot

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Pascale Bories

Mme Laura Flessel, ministre des sports

Avenir des lignes LGV et aménagement du territoire

M. Gérard Cornu, pour le groupe Les Républicains

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Mme Denise Saint-Pé

M. Michel Dagbert

M. Daniel Chasseing

M. Philippe Adnot

M. Éric Gold

M. Philippe Paul

M. Didier Rambaud

Mme Cécile Cukierman

Mme Valérie Létard

M. Olivier Jacquin

M. Jean-Marc Boyer

M. Didier Rambaud

M. Guillaume Gontard

M. Vincent Delahaye

Mme Angèle Préville

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

M. Jean-Marc Gabouty

M. Dominique de Legge

M. Michel Savin

M. Max Brisson

Mise au point au sujet d'un vote

Transport ferroviaire de voyageurs

Discussion générale

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi

M. Jean-François Longeot, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Question préalable

Mme Éliane Assassi

M. Guillaume Chevrollier

Discussion générale (Suite)

M. Olivier Jacquin

M. Emmanuel Capus

M. Éric Gold

M. Gérard Cornu

M. Frédéric Marchand

M. Guillaume Gontard

Mme Nadia Sollogoub

Mme Fabienne Keller

M. Cyril Pellevat

Mme Élisabeth Borne, ministre

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

Annexes

Ordre du jour du jeudi 29 mars 2018

Analyse des scrutins publics

Composition d'une CMP




SÉANCE

du mercredi 28 mars 2018

70e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Communications

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à la nomination de M. Christophe BÉCHU aux fonctions de président du conseil d'administration de l'agence de financement des infrastructures de transport de France.

CMP (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Normes réglementaires relatives aux équipements sportifs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par MM. Dominique de Legge, Christian Manable, Michel Savin et plusieurs de leurs collègues.

M. Dominique de Legge, auteur de la proposition de résolution .  - Cette résolution s'inscrit dans la réflexion globale de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales voulue par le président du Sénat.

M. Charles Revet.  - Il y a du travail !

M. Dominique de Legge.  - Elle fait également suite à la mission d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales présidée par notre collègue Michel Savin en 2014. Aujourd'hui, selon l'association nationale des élus en charge du sport, les collectivités sont les premiers financeurs du sport, à hauteur de 12 milliards d'euros par an, soit 70 % des financements publics.

Quelque 250 000 équipements, espaces et sites sont concernés, pour un coût avoisinant le milliard d'euros.

L'empilement sans discernement des règles devient insupportable et trop coûteuse.

Une triple série de normes s'appliquent : celles des lieux recevant du public ; celles des fédérations sportives - cela va jusqu'à la retransmission télévisée ; enfin, celles du législateur et Afnor, s'agissant des homologations nécessaires, qui concernent les équipements et sont au nombre de 370 recensées à ce jour.

Il y a plusieurs producteurs de normes mais un récepteur : l'élu local.

Nous proposons trois pistes d'évolution : nous devons d'abord passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats.

L'application de la norme doit ensuite tenir compte des usages réels ; les responsabilités doivent enfin être partagées avec les usagers sans quoi aucune collectivité territoriale ne voudra plus investir.

Nous comptons sur la détermination du Gouvernement pour engager ce travail dans les prochains mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)

M. Michel Savin, auteur de la proposition de résolution .  - Comme l'a rappelé Dominique de Legge, cette proposition de résolution est le fruit d'un travail commun. Nous avons tous à coeur de desserrer les contraintes et d'alléger les coûts qui pèsent sur les collectivités territoriales. Les élus locaux le réclament régulièrement et nous devons les entendre.

Les collectivités territoriales investissent, chaque année, près de 12 milliards d'euros au bénéfice de 36 millions de pratiquants. Ces coûts induits sont surtout le résultat du dynamisme sportif des clubs et nous pouvons aussi nous en féliciter.

Les élus locaux sont régulièrement sollicités pour investir dans des équipements qui coûtent cher. Or il faut distinguer les équipements qui ne sont plus aux normes en raison de nouvelles règles édictées par les fédérations sportives, de l'hypothèse où le passage d'un club ou d'une équipe d'une division à une autre modifie le niveau d'homologation et impose des investissements importants pour appliquer les normes correspondantes.

Il faut aussi rappeler aux élus locaux : que les normes des fédérations ne s'appliquent qu'aux infrastructures destinées à accueillir des compétitions sportives ; que si la loi autorise les fédérations à fixer des normes applicables à ces équipements sportifs, cette habilitation s'entend pour de stricts motifs de police, à savoir essentiellement liés aux conditions d'hygiène et de sécurité dans la pratique sportive.

Les élus locaux ne veulent pas forcément moins de normes, mais souhaitent moins de normes inutiles. Ils veulent la bonne norme au bon endroit.

Depuis mars 2009, nous disposons d'une instance de concertation reconnue, légitime, efficace et surtout plébiscitée par tous les acteurs : la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs : la Cerfres, qui réunit l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif.

On ne peut plus dire que les normes sont « hors-sol » ou édictées au mépris de toute consultation des élus locaux.

Il est indispensable de changer d'approche entretenue vis-à-vis des normes pour qu'elles s'adaptent mieux aux situations concrètes.

Selon nous, les normes doivent répondre à une exigence de proportionnalité selon les équipements ou la taille des collectivités. Nous devons prévoir des normes qui soient fonction de l'usage réel d'un équipement.

Cette exigence de proportionnalité des prescriptions s'appliquerait aussi selon qu'il s'agisse de manifestations sportives locales, régionales ou nationales, de sport amateur et/ou professionnel, et permettrait par exemple de prendre en compte la taille de la collectivité afin de ne pas imposer les mêmes règles à une métropole et une commune rurale.

Les normes doivent ensuite répondre à une exigence d'adaptabilité aux situations. On ne peut pas vouloir limiter les coûts sans envisager une utilisation pluridisciplinaire des équipements sportifs.

Il faut réfléchir selon des logiques de subsidiarité et de progressivité dans l'application des normes. Les textes des fédérations sportives devraient se borner à fixer des objectifs à atteindre, à charge pour les collectivités territoriales d'en définir les modalités d'application pour y parvenir selon les réalités et les besoins locaux.

Je conclurai cette présentation en soulignant que nous-mêmes, en tant que législateurs, devons être pleinement conscients des efforts de simplification que nous exigeons des autres producteurs de normes.

M. Christian Manable, auteur de la proposition de résolution .  - La Bruyère disait : « j'arrive trop tard, tout a déjà été dit ». Je fais mienne cette maxime...

Cette proposition de résolution est le résultat de plusieurs mois de travail. Nous avons auditionné tous les acteurs concernés.

Nous avons souhaité répondre à une demande forte des élus des territoires : la simplification des normes sportives applicables aux collectivités territoriales.

C'est précisément l'objet de cette proposition de résolution, la matière étant essentiellement réglementaire.

Depuis le 27 mars 2009, une commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs tente d'exercer, avec d'autres élus, un contrôle sur la production normative des fédérations sportives. La Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) est consultée sur tous les projets de norme nouvelle d'une fédération.

Si sa création a circonscrit le champ de compétence des fédérations sportives et les a responsabilisées, des améliorations peuvent être envisagées. Nous avons fait neuf propositions en ce sens.

La première consiste à allonger les délais d'examen des projets de règlements fédéraux de deux à trois mois pour donner plus de temps aux différents acteurs.

Il nous paraît, en deuxième lieu, important de sensibiliser les fédérations sportives à la nécessité de bien veiller à laisser aux collectivités territoriales un délai raisonnable pour la mise en conformité de leurs équipements ou infrastructures aux normes nouvelles. Les fédérations pourraient élaborer des échéanciers tenant compte de la taille de la collectivité, soit plus de progressivité et plus d'adaptabilité.

Troisième proposition, nous envisageons un élargissement de la composition de la Cerfres...Hélas, mon temps de parole est épuisé...

M. le président. - Oui

M. Christian Manable.  - Quelle frustration ! (Sourires) Je ne les détaillerai donc pas toutes...

M. Charles Revet.  - Dommage !

M. Christian Manable.  - ...mais j'y reviendrai. (Sourires et applaudissements depuis les bancs du groupe SOCR jusqu'à la droite)

M. Pascal Savoldelli .  - L'importance des collectivités territoriales dans le financement des équipements sportifs n'est plus à prouver : les chiffres des normes sont éloquents. Leur poids repose d'abord sur les communes alors que les ressources baissent et les demandes augmentent.

Augmenter le nombre de pratiquants de trois millions d'ici 2024, comme le souhaite le Gouvernement ne sera pas possible si les économies sur les collectivités territoriales sont maintenues. Et c'est le sport amateur qui en souffre le plus !

La loi Bailly de l'an dernier a encadré les pratiques de mutualisation des dépenses et de privatisation des profits, qui se sont multipliées dans le cadre des partenariats public-privé - je songe à l'Allianz Arena de Nice, à la MM Arena du Mans, ou encore au Groupama Stadium de Lyon, qui a bénéficié d'un investissement public de 200 millions d'euros, dont les retombées pour la collectivité sont introuvables. Je rappelle également que quelque 10 millions d'euros de réserve parlementaire allaient aux associations sportives...

Il y a 400 000 normes sportives, dont 8 % seulement viennent de l'Afnor. Voyez l'alignement de la FSB sur l'USAB, qui a imposé le remplacement de tous les parquets de basket, pour un coût unitaire de 20 000 euros !

Je suis dubitatif sur la participation financière des fédérations. Quid des lignes professionnelles ? Il ne s'agirait pas que les fédérations paient pour les équipements nécessaires aux professionnels seulement. Le sport professionnel ne doit pas capter l'essentiel du financement des installations. J'en appelle à la vigilance.

Les collectivités territoriales ont déjà lancé des mutualisations depuis des années, par exemple pour les piscines et les patinoires. Un équilibre doit être trouvé, surtout pour les petites communes. J'en appelle, si vous me permettez, à votre vigilance : la mutualisation ne doit pas mener à une raréfaction des équipements. Malgré des réserves et des réflexions, le groupe CRCE votera cette résolution. (Applaudissements sur le banc de la commission et sur plusieurs autres bancs)

M. Claude Kern .  - Le constat est simple : trop de normes étouffent les élus locaux et deviennent la hantise des collectivités territoriales. Il est utile de saluer la réflexion de nos collègues en la matière.

Au-delà du dépoussiérage d'une accumulation de textes législatifs et réglementaires pléthoriques, il faut tenir compte de l'évolution sociétale. Il y a d'un côté la normalisation proprement dite, l'Afnor, CEN ou ISO et de l'autre la réglementation visant à mettre les équipements en conformité avec les préconisations des fédérations.

Les normes volontaires, non contraignantes peuvent être un outil de simplification et représenter des règles de l'art. Le contrôle des normes s'est amélioré mais reste insuffisant.

L'avantage de réduire les normes clarifie l'enchevêtrement de normes complexes produites par des organismes trop nombreux et peu coordonnés.

L'élu local subit une pression du législateur et de l'exécutif, qui édictent des normes générales, des fédérations, qui produisent des normes réglementaires et des organismes d'homologation, sources de normes spécifiques. Les normes ne devraient plus s'additionner mais se compléter, sous peine de peser trop lourd sur le budget des collectivités territoriales - qui sont les principaux financiers du sport et les plus grandes pourvoyeuses d'équipements sportifs.

Selon l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), entre 300 millions et 1 milliard d'euros pourraient être économisés en agissant sur quatre règlements fédéraux et une norme sanitaire !

Il faut du pragmatisme et de la rationalisation.

Nous nous réjouissons de la présence des élus locaux à la Cerfres.

Il faudrait cependant aller plus loin : renforcer la légitimité et l'importance de la Cerfres, notamment en rendant ses avis obligatoires et non plus facultatifs. Elle devrait être saisie des projets des fédérations ayant une incidence financière.

Un constat s'impose : la Cerfres a très peu saisi le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Cette possibilité doit pourtant devenir un réflexe.

Merci aux auteurs de la proposition de résolution pour leur excellent travail. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, LaREM, SOCR)

M. Christian Manable .  - Les neuf propositions n'ayant pu être présentées toutes, permettez-moi de poursuivre leur énumération.

Il nous paraît indispensable de créer des groupes de travail associant en amont la Cerfres et les fabricants d'équipements sportifs. La Cerfres devrait pouvoir se saisir des « normes grises », à mi-chemin entre normes obligatoires et non obligatoires. Elle devrait par ailleurs se voir reconnaître un pouvoir d'avis dès lors qu'une décision relative à la compétition a une conséquence directe sur l'exploitation d'un équipement.

Ses compétences d'évaluation mériteraient aussi d'être consolidées en prévoyant, par exemple, une révision régulière des normes tenant compte de l'expérience des collectivités territoriales. Huitièmement, nous appelons la Cerfres à réactiver la procédure existante de saisine du CNEN pour qu'il puisse examiner tout projet de texte d'une norme fédérale, avant que celle-ci rende son avis définitif. Cette faculté est aujourd'hui largement inutilisée alors que le CNEN plaide pour une meilleure articulation et un échange plus régulier entre ces instances. Enfin, nous voudrions inciter la Cerfres à s'autosaisir, à la demande d'une collectivité territoriale, d'un problème rencontré concernant une norme fédérale.

J'évoquerai à présent les sept péchés capitaux en matière de normes sportives, à partir des travaux de la mission Boulard-Lambert de 2014. Nous sommes en plein royaume d'Ubu !

Premier péché capital : les coûts élevés. Par exemple, la modification des tracés des terrains de basket a coûté 30 000 euros à la ville de Caen, qui n'a pu les modifier tous, puisqu'il reste 25 gymnases à traiter ! Au Havre, il a fallu mettre 25 000 euros pour changer les panneaux d'affichage des scores. La Fédération française de hockey sur glace a imposé l'ajout de deux portes de pistes à Lille métropole, pour un coût de 3 000 euros hors taxes la porte ... et j'en passe.

Deuxième péché capital : l'instabilité normative. La ligne des trois points en basket est ainsi passée de 6,25 mètres à 6,75 mètres, se rapprochant des 7,23 mètres de la ligne américaine, mais sans l'atteindre... Combien de temps restera-t-elle à ce niveau ?

Troisième péché : l'aristocratie normative, qui se manifeste, dans le monde des fédérations, non par l'affichage de quartiers de noblesse, mais par la qualité des locaux d'accueil selon les niveaux de jeu. À Caen, le terrain a été déclassé de la catégorie 4 à la catégorie 5 en raison de la dimension des vestiaires des arbitres ! Coût de la perte de subvention du Fonds d'aide au football amateur (FAFA) qui en découle : 20 000 euros. En handball, il faut un local antidopage spécial, en plus de quatre vestiaires et de deux vestiaires pour les arbitres, faute de quoi le club est passible d'une amende de 1 500 euros par match. Et je ne dis rien des exigences faites en matière de luminosité pour les retransmissions télé - 200 à 500 lux selon les terrains de foot, 1 500 lux pour la télévision - avec des points de mesure différents selon le classement de l'équipement et de la compétition, sans considération de la protection de l'environnement...

Autre péché capital : les incompatibilités normatives, qui rendent très difficiles les usages polyvalents des équipements. Pour le badminton, le tennis et le volley, par exemple, les chaises d'arbitre doivent être à trois hauteurs différentes ! Et puisque l'on ne peut pas réduire la taille des arbitres... (Sourires, on s'en amuse sur les bancs du groupe Les Républicains.)

L'accessibilité aux personnes handicapées est encore un autre sujet d'une grande complexité. Ainsi, le code du sport impose une pente des sols de 3 % à 5 % pour éviter les stagnations d'eau et le Conseil consultatif du Handicap impose un dévers de 2 % maximum pour les personnes à mobilité réduite. Bref, le législateur doit intervenir. (Applaudissements depuis les bancs du groupe SOCR jusqu'à la droite)

M. Claude Malhuret .  - Avec plus de 250 000 équipements, les collectivités territoriales sont les premiers propriétaires d'infrastructures sportives. Les normes qui s'y appliquent sont variées : cela a été rappelé - et s'imposent à tous types de collectivités, pour un coût considérable.

Cette proposition de résolution procède d'un travail de concertation important, au sein du groupe de travail sur les normes, qu'il faut saluer.

Elle vise à améliorer l'accessibilité et la lisibilité des normes applicables. Le stock de droit applicable a doublé en vingt ans. Et, comme disait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » : cela vaut aussi, je crois, pour les normes réglementaires.

Cette proposition de résolution repose sur un principe de subsidiarité.

Nous la voterons avec enthousiasme. (Applaudissements)

Mme Mireille Jouve .  - Ce texte résulte du travail conjoint de la délégation aux collectivités territoriales et de la commission de la culture, illustrant l'utilité du Sénat, au service des territoires, au-delà des clivages partisans.

Anciens maires, nous avons pour beaucoup été confrontés aux paradoxes et contradictions des règles en matière sportive. Les exemples kafkaïens - tracés des terrains de basket ou vidanges des piscines - prêteraient à sourire s'ils ne coûtaient pas... 6 milliards d'euros, selon l'Andes.

Le problème réside dans la dissociation entre le pouvoir normatif et le financement. Les collectivités territoriales ont peu de prise sur la réglementation applicable aux 330 000 équipements, espaces et sites dont elles sont propriétaires. Sans parler des normes grises et des exigences des diffuseurs et des normes émises par l'Afnor, considérées comme impératives par le juge, qui déclare les collectivités territoriales responsables en cas d'accident.

Le texte appelle donc à une évolution du cadre existant. En renforçant la Cerfres d'abord, qui lutte minutieusement contre l'inflation normative. Autorisons-la à s'autosaisir, revoyons sa composition, rapprochons-la du CNEN.

La proposition de résolution suggère en outre de moduler les exigences selon la compétition sportive.

Ce texte propose enfin d'associer les fédérations sur le financement des modifications qu'elles exigent, selon le principe « qui décide paie ».

Le précédent quinquennat a lancé un choc de simplification qui a produit des avancées réelles, quoiqu'insuffisantes. L'actuel Gouvernement l'a prolongé avec « Action Publique 2022 » et la règle de deux pour un.

Mais attention. De l'aveu même d'Alain Lambert, lors de son audition par la délégation aux collectivités territoriales, une volonté politique sincère risque de se heurter au sentiment, dans l'administration centrale, que le système ne fonctionne pas si mal que cela.

Le groupe RDSE souscrit aux buts de cette proposition de résolution et la votera, pour faire évoluer la réglementation en vigueur. (Applaudissements)

M. Cyril Pellevat .  - Ce texte est de simplification normative. Le Sénat y travaille depuis des mois, sous l'impulsion du président Larcher. Après l'urbanisme, l'eau potable, nous voici réunis pour évoquer les normes en matière sportive.

Cette proposition de résolution est issue d'une large concertation.

Les collectivités territoriales sont les premiers financeurs du sport et les premiers propriétaires d'infrastructures sportives. Les normes pleuvent, il faut en tarir le flux.

Le programme « Action Publique 2022 » comporte un chantier de simplification. Il s'ajoute aux recommandations de la mission Boulard-Lambert, au rapport d'avril 2014 de la mission commune d'information du Sénat sur le sport professionnel et les collectivités territoriales présidée par Michel Savin, et enfin en 2015, au rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

La Cerfres, seule instance à associer collectivités territoriales et fédérations, est à consolider. Les fédérations doivent notamment veiller à laisser plus de temps d'adaptation aux collectivités territoriales. Les principes de proportionnalité et d'adaptabilité sont également cardinaux, en cas de changement de division par exemple. Le futsal, lui, a su s'adapter aux tracés des terrains de handball...

Le dialogue progresse, il faut l'encourager.

J'en terminerai en évoquant l'état financier des collectivités territoriales, dégradé par la réduction de 13 milliards d'euros de leurs ressources sur cinq ans, la fin des emplois aidés, la suppression annoncée de la taxe d'habitation... Cela ne peut plus durer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs autres bancs)

M. Abdallah Hassani .  - Le texte prolonge les travaux du Sénat visant à lutter contre l'inflation normative en matière d'urbanisme, de construction, d'agriculture, de gestion de l'eau, de vie économique. Il s'agit ici d'harmoniser, d'évaluer, de ne garder que le nécessaire pour mieux maîtriser les coûts. Songez : plus de 400 000 normes pour 250 000 équipements !

Le CNEN en a dénoncé les causes dans son rapport de 2013, dont les exigences excessives des fédérations. La volonté d'y remédier ne manque pas, mais le tri des bonnes et des mauvaises normes n'est pas facile. Le Gouvernement s'y est attelé sans tarder.

Dès juillet 2017, le Premier ministre a annoncé que deux normes seraient supprimées à chaque introduction de norme nouvelle, et confié une mission d'évaluation du stock des normes à MM. Boulard et Lambert. Un comité de pilotage sur la gouvernance du sport a été installé par la ministre des sports pour imaginer un nouveau cadre institutionnel du sport en France. Depuis le 1er janvier, les préfets de certains départements peuvent déroger aux règles en matière sportive notamment.

C'est heureusement le cas à Mayotte, où la moitié de la population a moins de 20 ans, les équipements sportifs sont quasi inexistants. Ils doivent être multipliés et adaptés au climat tropical.

Les recommandations sont pragmatiques. Elles renforcent la Cerfres, instance de concertation, en améliorant son fonctionnement : élargissement du collège pour mieux prendre en compte le monde rural et les intercommunalités, allongement du délai d'examen et réactivation de la saisine du CNEN. La Cerfres pourra aussi réviser les normes régulièrement et s'autosaisir sur des normes grises. La production normative des fédérations serait encadrée en vertu des principes de proportionnalité, d'adaptabilité et de mutualisation.

La proposition de résolution s'inscrit dans l'esprit de la démarche de simplification du Gouvernement. Mais le sujet des normes grises mérite d'être discuté avec le mouvement sportif. La règle du prescripteur-payeur s'applique déjà dans le cadre des conventions de mise à disposition des équipements. Il faudrait en circonscrire le champ d'application et réfléchir aux modalités de sa mise en oeuvre. Le groupe LaREM s'abstiendra.

MM. Michel Savin et Dominique de Legge.  - Dommage !

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Merci aux auteurs de cette proposition de résolution, qui renforce les prérogatives de la Cerfres et l'encadrement des normes grises édictées par les fédérations sportives. Dans un contexte d'inflation normative et de restrictions budgétaires, il faut distinguer les normes vraiment utiles et les soumettre aux exigences d'adaptabilité. Les élus locaux ont besoin d'espaces sportifs polyvalents. La règle du prescripteur-payeur inviterait les fédérations à la modération normative. Il ne s'agit pas de sous-réglementer, mais de réglementer mieux, en évaluant l'impact de chaque nouvelle norme.

Il est bienvenu de renforcer les attributions de la Cerfres et d'élargir son collège aux intercommunalités et aux associations d'élus ruraux pour mieux refléter les réalités locales. Il faut aussi étendre son pouvoir d'auto-saisine sur les normes grises, notamment. Le groupe Les Indépendants apporte donc tout son soutien à cette proposition de résolution, qui participe pleinement du projet de nouvelle société de confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Aux termes de l'article 24 de notre Constitution, notre Sénat représente les collectivités territoriales ; il est donc bien dans son rôle en relayant une demande récurrente et légitime des élus locaux : la simplification des normes réglementaires.

En 2014, un questionnaire réalisé pendant le congrès des maires a mis en évidence l'absurdité de certaines normes sportives, qui ont un impact lourd sur les finances locales en période de disette budgétaire. Il corrobore en cela le rapport Lambert-Boulard.

La culture du parapluie qui incite l'administration à toujours choisir la norme la plus élevée coûte cher. Les aberrations ne manquent pas. Aucun élu ne remet en cause les exigences de sécurité et d'accessibilité, mais les limites sont dépassées. Empiler les textes sans cohérence d'ensemble aboutit à des situations kafkaïennes. Un peu de bon sens y remédiera. Nous n'en manquons pas au Sénat ; il irrigue ainsi cette proposition de résolution.

Il faut cesser de travailler en silo ; les fédérations doivent dialoguer, sous l'égide du ministère des sports. Le rôle de la Cerfres doit être renforcé, son auto-saisine doit être élargie - sous réserve que l'ensemble des fédérations lui soumettent leurs règlements...

Pour mettre fin à la gabegie, il faut responsabiliser les acteurs, y compris financièrement. Le principe du prescripteur-payeur inciterait à la modération ; il fonctionne déjà dans le football avec le fonds d'aide au football amateur.

Adaptabilité, mutualisation et proportionnalité sont des critères incontournables. Je ne doute, Madame la Ministre, que vous aurez à coeur de vous attaquer avec pragmatisme à une situation qui pénalise les collectivités territoriales et nuit au développement de la pratique sportive. Il faut détecter les incohérences, supprimer les doublons et responsabiliser financièrement les acteurs afin d'agir tout à la fois sur le stock et sur le flux. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, Les Indépendants ; M. Bernard Lalande applaudit également.)

Mme Pascale Bories .  - Je ne suis pas cosignataire de cette proposition de résolution, mais j'aurais pu l'être et je la voterai. Comme beaucoup d'entre vous, je suis une élue locale et j'assiste à de nombreuses manifestations sportives. Le sport, notamment dans les territoires ruraux et les zones urbaines sensibles, est un élément fédérateur.

Les élus locaux sont moteurs : créer un stade de foot ou un terrain de pétanque est un moment fort, mais cela prend du temps et surtout beaucoup d'argent : il faut respecter les normes nationales mais aussi celles des fédérations, sans parler de l'entretien. Or les élus sont coincés entre l'augmentation des coûts et la baisse des aides, notamment venant de l'État, qui vont aux projets structurants plus qu'au fonctionnement. Demain, avec la baisse des dotations et la multiplication des normes, seuls quelques équipements régionaux pourront prétendre accueillir des événements. Je m'oppose à cette centralisation sportive.

Certes, il faut faire respecter les normes sécuritaires, face au risque de terrorisme ou de débordements. Mais un terrain de tennis, une salle de judo n'est pas un hôpital. Il faut faire preuve de bon sens et éviter les coûts inutiles, les normes de confort. Pourquoi les normes lumineuses sont-elles les mêmes à Brest, à Tourcoing ou dans le sud de la France ? Mettons ces normes en adéquation avec les normes environnementales.

Le changement de division d'un club suppose d'augmenter les subventions de fonctionnement, d'aménager le terrain pour accueillir le public. La proposition de résolution invite à distinguer les prescriptions obligatoires des normes de confort. Imposer une participation financière aux fédérations limitera sans doute les normes inutiles. Le renforcement du rôle de la Cerfres est également positif.

Il est sage d'adapter les dispositions aux territoires.

L'Association des élus en charge du sport a récemment protesté contre les projets disproportionnés des ligues de basket et de volley au sujet de la publicité dans les salles. Favorisons le dialogue plutôt que le rapport de force avec les fédérations.

Cette proposition de résolution permettra une prise de conscience. Les collectivités territoriales doivent être des acteurs et non de simples payeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Laura Flessel, ministre des sports .  - Cette proposition de résolution est bienvenue au regard des 400 000 normes qui régissent nos 250 000 équipements sportifs. Dès 2013, Jean-Claude Boulard et Alain Lambert avaient été chargés d'une mission sur la lutte contre l'inflation normative. La mission commune d'information du Sénat présidée par M. Savin et un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de 2015 arrivaient à un constat voisin.

Les collectivités territoriales sont, et de loin, les premiers financeurs du sport ; le corpus normatif est vécu comme une contrainte. Une consolidation apparaît nécessaire.

Conscient de l'impact de certaines règles édictées par les fédérations, le ministère des sports a déjà renforcé la Cerfres en y accroissant la représentation des collectivités territoriales, désormais à égalité avec les représentants de l'État et du mouvement sportif.

Les préconisations de la proposition de résolution sont pertinentes. Elles s'inscrivent pleinement dans la démarche du Gouvernement. Le Premier ministre a confié à MM. Boulard et Lambert une nouvelle mission sur la simplification des normes. Les règles relatives aux équipements sportifs doivent être évaluées.

Je souscris à la philosophie de votre proposition de résolution : intégrer des élus intercommunaux et ruraux au collège de la Cerfres est une bonne piste, tout comme l'allongement du délai d'examen permettra de mieux prendre en compte les avis des élus.

Un membre de la CNEN participe à la Cerfres et cette dernière présente un rapport annuel devant la CNEN.

Pour évaluer l'impact d'une norme, il est nécessaire de tenir compte de l'expérience des élus sur le terrain. La Cerfres est le lieu de concertation privilégié. Elle a déjà été à l'origine de deux modifications réglementaires qui ont eu un impact financier non négligeable, comme la diminution du nombre de vidanges dans les piscines. Lui permettre de se saisir des normes grises va dans le sens d'une simplification fondée sur une évaluation partagée. Il faudra toutefois une concertation préalable avec le mouvement sportif.

Le principe du prescripteur-payeur s'applique déjà en partie dans les conventions de mise à disposition des équipements. Il faudrait en circonscrire le champ d'application, en englobant les normes grises. Cette proposition de résolution s'inscrit dans la démarche du Gouvernement et rejoint les évolutions souhaitées par la Cerfres.

Elle va dans le sens du dialogue et de la co-construction ; le Gouvernement est sensible à cette méthode. MM. Lambert et Boulard sauront tenir compte de vos préconisations dans leurs travaux. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

La proposition de résolution est adoptée.

M. le président.  - Belle unanimité ! (Applaudissements)

Avenir des lignes LGV et aménagement du territoire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir des lignes LGV et l'aménagement du territoire.

M. Gérard Cornu, pour le groupe Les Républicains .  - Je me réjouis de l'initiative du groupe Les Républicains qui permet de débattre sereinement sur un sujet trop longtemps marqué par la fuite en avant et le dicton selon lequel les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) devait évaluer les besoins de mobilité et prioriser les projets de transport sur le territoire selon six critères : environnement, mobilité, qualité, sécurité, aménagement du territoire et création de valeur socio-économique.

Il s'agissait de trouver des pistes de financement en fonction de différents scénarios. Avec une dette publique évaluée à 2 500 milliards d'euros, soit 95 % du PIB, il est temps de revenir au réalisme, les promesses n'engendrant que frustration et déception. Le rapport Spinetta renforce ces conclusions.

Le COI est composé de dix élus et de six personnalités qualifiées ; j'y siège avec Hervé Maurey et Michel Dagbert, ainsi que notre ancien collègue Louis Nègre. Son rapport, intitulé « Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l'avenir », a provoqué de vives réactions, que je comprends. C'est le rôle des élus que de défendre leur territoire, ils le font avec pugnacité.

Ce rapport vise à transformer en actes des intentions affichées ; en tirer des conséquences concrètes est forcément délicat.

Il n'est pas question de délaisser le ferroviaire ni de se désengager des territoires ruraux en ne maintenant que les lignes rentables. Il s'agit simplement de prioriser les investissements de l'État et de trouver, le cas échéant, des modes alternatifs de transport.

Le COI a analysé les projets au regard des crédits disponibles. Depuis octobre 2017, nous avons multiplié auditions et déplacements et étudié quarante projets. Nous avons proposé trois scénarios : le premier à 48 milliards d'euros, le deuxième à 60 milliards et le dernier à 80 milliards d'euros. Le COI a fait le choix de repousser plus ou moins dans le temps les grands travaux, en les découpant en phases.

Le premier scénario, d'orthodoxie financière, affecte 2,4 milliards d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) chaque année, ce qui conduit à repousser à 2050 l'achèvement des grands projets. C'est le scénario au fil de l'eau. Il n'a pas ma préférence.

Le deuxième prévoit 60 milliards d'euros à l'Afitf sur vingt ans, soit 3 milliards par an. C'est un effort accru dans la durée pour affecter 600 millions supplémentaires à l'Afitf - 55 % de plus par rapport à 2012-2016 - ce qui permet d'avancer les premières phases des grands projets les plus utiles et de réduire la saturation des principaux noeuds ferroviaires.

Le troisième scénario prévoit 80 milliards sur vingt ans, soit 3,5 milliards par an d'ici 2022 puis 4,4 milliards par an. Cela doublerait la dépense pendant dix ans. Pour le COI, difficile d'atteindre un tel niveau, tant pour les collectivités territoriales que pour l'État.

Quel que soit le scénario retenu par le Gouvernement, j'assume la priorité donnée à la rénovation des trains du quotidien, au détriment des lignes nouvelles. Il est fondamental de résorber les noeuds ferroviaires pour décongestionner l'accès aux gares. C'est une urgence et une priorité absolue. Les usagers ne savent pas toujours qu'un train à l'arrêt n'est pas forcément en panne mais attend simplement son tour ! La résorption des noeuds ferroviaires permettra aux TGV de rouler à leur vitesse optimale. À quoi sert d'avoir des TGV s'ils circulent à la vitesse des TER ?

Les noeuds ferroviaires qui empêchent l'accès aux gares doivent être traités en priorité, non seulement à Paris mais à Lyon, au nord de Toulouse, au sud de Bordeaux, à Marseille et à Nice ; il faut aussi s'attaquer aux noeuds de plus petite ampleur.

L'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, inéluctable, impose de mettre à niveau un patrimoine ferroviaire qui se délite. Le COI a insisté sur le maillage du territoire en préconisant la régénération des trains du quotidien et la rénovation des lignes existantes.

Est-ce pour autant la fin de l'histoire pour les projets non retenus ? Non. Le COI a rejeté très peu de projets mais simplement jugé que certains étaient moins prioritaires et prévu une revoyure.

Il appartient au Gouvernement de traduire les propositions du COI dans un projet de loi de programmation soumis à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Dans son discours du 1er juillet à Rennes, le président de la République a souhaité recentrer la politique des mobilités sur les transports du quotidien, la lutte contre la congestion dans les grandes agglomérations, l'accès à l'emploi et aux services dans les territoires, l'optimisation des systèmes logistiques, et demandé à ce que la réforme s'engage dès maintenant.

Les besoins de nos concitoyens évoluent. Le secteur des transports doit participer à la transition écologique, dans un contexte financièrement contraint pour l'État et pour les collectivités qui doivent anticiper et accompagner ces évolutions en révisant en profondeur leur stratégie.

Si l'inauguration de quatre LGV ces deux dernières années est un motif de fierté, comment accepter la dégradation continue de certaines infrastructures et les ralentissements sur quelque 5 300 kilomètres de lignes ?

Il y a urgence à revisiter nos choix d'investissement. Les promesses non financées, les faux espoirs ont nourri la défiance et le sentiment d'abandon. Nous proposons un nouveau cadre d'action équilibré et tourné vers les territoires.

La Haute assemblée appelle ce changement de ses voeux. Nos concitoyens ont exprimé leurs attentes et leur impatience lors des Assises de la mobilité. Je les comprends ; le Gouvernement ouvre une page nouvelle faite d'écoute, de cohérence et de sincérité. D'où la création, en septembre, du COI présidé par Philippe Duron qui représente toute la diversité territoriale ; je salue l'engagement de vos collègues MM. Maurey, Cornu et Dagbert.

La mission était ardue. Le rapport, adopté à l'unanimité de ses membres, a été remis au Gouvernement le 1er février dernier ; il débouchera sur un projet de loi de programmation.

Votre commission des finances plaidait en 2016 pour l'adoption, au début de chaque législature, d'une loi de programmation des infrastructures de transports dotée d'un financement pluriannuel. C'est le sens de notre démarche, c'est l'exercice auquel s'est livré le COI pendant quatre mois.

Son rapport réinterroge notre politique d'investissement en confrontant les besoins à la réalité. Il propose trois scénarios. Le premier montre ce que l'on peut faire à ressources constantes. Le deuxième, qui répond aux priorités fixées par le président de la République, affecte des moyens supplémentaires significatifs, à hauteur de 600 millions d'euros par an. Le troisième prévoit l'accélération des projets, en mobilisant 80 milliards d'euros et en doublant le financement de l'Afitf... Ces scénarios ont le mérite de la cohérence.

Je retrouve, parmi les recommandations du rapport, beaucoup de mes convictions. D'abord, l'entretien et la régénération du réseau, besoin élémentaire et vital. Ensuite, le désenclavement : on ne peut plus repousser de décennie en décennie des travaux indispensables pour la modernisation de nos axes routiers, contournements de bourgs ou aménagement de créneau. Je suis convaincue que le désenclavement routier peut être achevé en l'espace d'une décennie.

Le ferroviaire doit s'adapter à l'émergence des métropoles. Il faut traiter les noeuds ferroviaires pour que les gares soient efficaces et fiables. Les « petites » lignes sont essentielles pour le désenclavement !

Les mobilités douces, à commencer par le vélo, sont pertinentes sur de nombreux trajets du quotidien.

Sur les grands projets d'infrastructure, le COI apporte une vision novatrice. La question n'est pas de faire ou ne pas faire ; tout dépend du rythme et du phasage. Le rapport donne des outils pour sortir de l'impasse financière et politique. Il ne s'agit pas de dépenser moins mais d'investir mieux, de faire des choix pertinents pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Améliorer la qualité de vie de chacun tout en préservant la crédibilité de la parole publique, tel est l'objectif.

Le Gouvernement fera bientôt connaître ses choix, il vous appartiendra d'en débattre. Le défi à relever est celui d'une stratégie ambitieuse, réaliste et cohérente. Je souhaite construire avec vous la stratégie d'ensemble, réfléchie et intégrée, que vos collègues Maurey et de Nicolaÿ appelaient de leurs voeux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOCR, LaREM, UC et Les Républicains)

Mme Denise Saint-Pé .  - Le rapport Duron condamne les 105 kilomètres de la LGV Bordeaux-Dax en repoussant à un horizon incertain le grand projet du sud-ouest, pourtant validé par le territoire et fort d'un important soutien populaire : 80% des sondés sont favorables au tronçon Bordeaux-Toulouse et 78 % à Bordeaux-Dax.

C'est le maillon essentiel de l'axe ferroviaire du sud-ouest de l'Europe, stratégique pour relier la péninsule ibérique au reste de l'Europe, tant pour le fret que pour le trafic voyageurs ; on dégagerait de réels gains de performance. À l'échelle de la France, le grand projet du sud-ouest place Pau à moins de quatre heures de Paris, ce qui est la condition du report modal de l'avion vers le train.

La ligne Dax-Espagne est une réponse écologique et durable pour le trafic de marchandises par les poids-lourds, or il faut une ligne complémentaire à l'offre TER pour développer le fret ferroviaire de Bordeaux à Hendaye.

Madame la ministre, quelles perspectives envisagez-vous pour la LGV Bordeaux-Dax ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur certains bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je mène un dialogue permanent avec les collectivités de Nouvelle-Aquitaine et le président Alain Rousset. Le grand projet du sud-ouest représente un coût très important. Lucide, le COI souligne la nécessité, quel que soit le phasage, de commencer par la désaturation des noeuds ferroviaire de Bordeaux et Toulouse.

Quant au tronçon Bordeaux-Dax, le COI propose de différer son financement mais de sécuriser le tracé prévu qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique. Il faut étudier avec SNCF Réseau les améliorations à apporter aux lignes existantes : le report modal du trafic poids-lourds ne doit pas attendre la LGV.

Les collectivités territoriales ont proposé d'envisager des sources de financement complémentaires à l'échelle régionale. En les prenant en compte, nous pourrons proposer au Parlement un phasage complet de grand projet du sud-ouest.

M. Michel Dagbert .  - Il était plus qu'utile de lister les infrastructures, dont certaines sont légitimement attendues. Le COI propose trois hypothèses faisant chacune apparaître le financement au regard du projet. Mais il faut aussi tenir compte de la température ressentie. Le constat est amer : on voit se superposer la carte des déserts médicaux, celle des fermetures de classes et de services publics et celle des lignes dites non rentables qui pourraient être appelées à disparaître...

La desserte des villes moyennes par le rail est indispensable. Attention à ne pas fragiliser les efforts des AOT en faveur du maillage territorial. Je pense au renoncement à l'électrification de la ligne Rang-du-Fliers Amiens ou à la menace d'une moindre desserte TGV de Lens et Béthune... Comment faire pour que les villes moyennes soient connectées au réseau à grande vitesse qui fait la fierté de la France ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Votre préoccupation est précisément la mienne et celle que porte le Conseil d'orientation des infrastructures. Clairement, ces dernières années, ont été privilégiées les LGV et les nouvelles LGV, ce qui a accentué la métropolisation du pays ; ont été laissés de côté de vastes pans de notre territoire, dont les citoyens et les entreprises se sont sentis abandonnés.

L'entretien et la modernisation du réseau classique ferroviaire sont tout aussi indispensables que la poursuite des LGV dont le calendrier sera revu selon les ressources dont nous disposons. Il n'est pas question de modifier le modèle TGV que nous avons suivi depuis le lancement de cette aventure : desserte des métropoles mais aussi des villes moyennes et des territoires. Il faudra l'avoir à l'esprit quand nous parlerons de l'ouverture du ferroviaire à la concurrence.

M. Daniel Chasseing .  - Question de technologie, de gestion de l'entreprise ou de pressions gouvernementales : pourquoi la SNCF a-t-elle dépensé autant de temps et d'argent sur le projet de LGV Limoges-Poitiers, qui ne se concrétisera jamais, au détriment de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) qui dessert 32 départements, au bénéfice de 5 millions de Français ? Il y a 40 ans, il fallait 2h50 pour rejoindre Paris depuis Limoges ; aujourd'hui, 3h30. Cette ligne, qui était la plus rapide de France, est devenue l'une des plus lentes. Faut-il ouvrir de nouvelles lignes TGV ou privilégier la rénovation des TER et Intercités ? Élu de l'ancienne région Limousin, je préconise, par pragmatisme, la seconde solution. Trouvons un équilibre entre service public et rentabilité en répondant aux besoins de l'aménagement du territoire à définir dans la concertation avec les collectivités territoriales. J'espère que la réforme de la SNCF réussira, elle est essentielle pour le maintien des TER et des Intercités. Revitaliser notre patrimoine ferroviaire est dans l'intérêt de la Nation !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Cette question est pleine de sagesse. Au fond, il s'agit de savoir quelle France nous voulons dessiner pour les générations futures, comment les transports ferroviaires peuvent rester une chance pour tous les territoires. Avec la réforme ferroviaire et la loi d'orientation sur les mobilités, je veux inverser la tendance : qu'on ne laisse plus des pans entiers de lignes classiques se dégrader pendant des années parce que l'on espère l'arrivée du TGV. La ligne POLT qui vous est chère fera l'objet de très lourds investissements dans les années à venir, sur les infrastructures comme sur les matériels roulants. Il faut rendre leur noblesse à ces lignes. Autrefois, le Capitole était le train le plus rapide de France. Ma priorité est de répondre aux besoins de transports du quotidien.

M. Philippe Adnot .  - Je veux vous dire l'incompréhension, la surprise, voire la colère de des habitants de l'Aube quand ils ont découvert les conclusions du rapport Duron. En septembre 2016, l'État, la SNCF, la région Île-de-France, la région Grand Est et le département de l'Aube ont signé un protocole et commencé à financer des travaux. Madame la Ministre, si vous deviez suivre le rapport, ce à quoi vous n'êtes pas tenue, que vaudrait la parole de l'État ? Si les travaux s'arrêtent à Nogent, l'Aube et la région Grand Est auront payé pour l'Île-de-France. Est-ce normal ? Troyes est la seule agglomération à ne pas être raccordée à Paris par une ligne électrifiée ! Comment une commission peut-elle revenir sur ce qui a été signé, acté, financé et commencé ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - C'est pour sortir de cette situation que la démarche du Conseil d'orientation des infrastructures est apparue indispensable. Les engagements pris dépassent de 10 milliards d'euros les ressources disponibles durant ce quinquennat. Il fallait, pour apaiser les incompréhensions et la colère, mener un travail de sincérité.

Notre grand constructeur national propose désormais des locomotives à hydrogène et des automoteurs bimodes qui roulent sur les lignes électrifiées et les lignes non électrifiées sans rupture de charge. Pour autant, les engagements signés en septembre 2016 seront tenus. Les propositions du Conseil d'orientation des infrastructures portent sur les futurs contrats de plan ; seront pris en considération les engagements pris.

M. Éric Gold .  - La commission de l'aménagement du territoire a pu entendre M. Duron sur les scénarios du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures.

Un exemple pour dire l'attente de certains départements en matière d'équité territoriale et de désenclavement : la desserte de Clermont-Ferrand. Pour se rendre à Paris, il faut compter entre 3h30 et 4 heures quand tout va bien et tout ne va pas toujours bien... Sur une carte isochrone, Clermont se trouve au sud de Marseille ; elle est la métropole la plus éloignée de la capitale. Les derniers travaux importants ont été réalisés en 1990, pour électrifier la ligne. Depuis, on annonce le renouvellement du matériel, des travaux d'entretien... Les décisions sont toujours repoussées. Le projet de LGV Paris-Clermont-Lyon (POCL) a longtemps retenu toute l'attention. Quelles améliorations rapides pour la ligne d'équilibre du territoire ? Quel avenir pour le projet POCL ? Le Massif central ne doit pas être l'éternel oublié de la politique de transport.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - J'accorde une grande importance aux lignes Paris-Orléans-Toulouse et Paris-Clermont. La perspective du projet POCL a effectivement conduit à différer des travaux d'amélioration sur la ligne classique.

D'après les dernières études, la saturation de la ligne Paris-Lyon, qui justifiait en partie le projet POCL, interviendra plus tard que prévu grâce au système de signalisation européenne ERTMS et aux rames à deux niveaux. Pour autant, la réflexion sur le projet POCL n'est pas abandonnée : la contre-expertise tierce sur le tracé ouest et le tracé médian sera réalisée.

On a trop attendu ce TGV. Résultat, la ligne classique s'est dégradée. RFF dégage une enveloppe de 750 millions d'euros d'ici 2025 sur la régénération, nous avons des propositions sur la table depuis le 15 mars pour le renouvellement du matériel roulant, la couverture numérique de la ligne sera faite en 2018. Nous donnons aux élus et aux citoyens de la visibilité sur le calendrier et le programme des travaux.

M. Philippe Paul .  - Cela fait quinze ans que l'on estime impérieux de placer Brest et Quimper à 3 heures de Paris pour développer le Finistère en le rapprochant des centres de décision nationaux et européens ! La Bretagne ne se résume pas à un axe Rennes-Nantes. Après avoir rapproché Rennes de Paris, il faut rapprocher Brest et Quimper de Rennes.

Le rapport Duron a suscité de la colère. Une mission a été confiée à M. Rol-Tanguy sur la mobilité dans le Grand Ouest. Espérons que ce ne soit pas une nouvelle mesure dilatoire.

Mme Maryvonne Blondin.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La ligne Le Mans-Rennes a fait gagner 45 minutes sur le trajet entre Paris et Quimper d'une part et entre Paris et Brest d'autre part. Elle date de l'été dernier.

Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures a été rendu avant la décision sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dont il faudra tenir compte. J'ai rencontré à cette fin les élus à Brest le 4 janvier dernier et à Rennes le 27 janvier dernier.

La mission Rol-Tanguy esquissera une stratégie de desserte dans le Grand Ouest et au sein du Grand Ouest. Ses travaux seront conclus avant la fin de l'été, le Premier ministre s'y est engagé.

M. Philippe Paul.  - Je ne suis pas complètement tranquillisé. L'abandon de Notre-Dame-des-Landes, c'est une punition pour la Bretagne et pour les Bretons. Paris-Quimper et Paris-Brest sont les lignes les plus chères. Encore une punition pour la Bretagne et pour les Bretons ! Enfin, un trajet de 3h40, c'est beaucoup trop long !

M. Didier Rambaud .  - Je ne suis pas loin de partager la déception provoquée par le rapport Duron dans l'Isère. L'aire métropolitaine grenobloise est le deuxième pôle scientifique national, elle compte 750 000 habitants, y existent 320 000 emplois. Et la ligne Grenoble-Lyon est « malade » depuis 2011 aux dires mêmes de Guillaume Pepy. Nous attendons l'amélioration de cette ligne ainsi que celle reliant Grenoble à Paris, nous espérons que l'étoile ferroviaire grenobloise sera considérée prioritaire pour le développement d'un « RER » métropolitain.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Si l'étoile ferroviaire grenobloise n'est pas mentionnée dans le rapport, elle est visée par toutes les priorités transversales qui y sont affichées : amélioration et modernisation du réseau existant, meilleure robustesse et traitement des noeuds ferroviaires. Une première enveloppe de 20 millions d'euros est prévue dans le contrat de plan 2015-2020 pour améliorer les lignes Lyon-Grenoble et Lyon-Chambéry.

Je confirme mon engagement à développer le ferroviaire et à doter nos métropoles de véritables trains cadencés de type RER.

Mme Cécile Cukierman .  - Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures a élaboré trois scenarii et dresse plusieurs constats, dont celui du sous-investissement de l'État. La concurrence n'est aucunement une réponse. De même que faire payer davantage les usagers n'est pas la seule solution pour trouver des financements ; on pourrait très bien reventiler les taxes, je pense notamment à la TICPE.

Le projet de LGV Paris-Clermont-Lyon, essentiel pour tous les territoires du Centre et Saint-Etienne, est sans cesse repoussé. Les femmes, les hommes et les entreprises n'ont pas besoin d'une chimère mais d'une véritable ligne de train. Le Gouvernement veut en finir avec le tout-TGV ; il n'empêche certains projets restent indispensables si l'on veut désenclaver les territoires. Madame la Ministre, comment, pour reprendre le titre du rapport Duron, comptez-vous préparer l'avenir ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je ne partage pas votre lecture du rapport Duron, il est très ambitieux. Les ressources de l'Afitf ont augmenté dès cette année. Quand on parle de 40, 60 voire 80 milliards, on ne peut pas y voir une approche étriquée.

Mme Cécile Cukierman.  - Ça dépend des territoires !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le rapport affirme la priorité des transports du quotidien, nous pourrions tous nous accorder là-dessus.

Les ressources seront inscrites dans la loi d'orientation sur les mobilités, ce n'est donc pas une politique d'affichage. Je ne connais, au demeurant, que deux sources de financement : l'usager ou le contribuable.

Mme Cécile Cukierman.  - Il y en a une troisième, vous le savez aussi bien que moi !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La dette, peut-être ?

Mme Cécile Cukierman.  - Mais non !

Mme Valérie Létard .  - Je souligne mon attachement à l'offre de liaisons cadencées à grande vitesse dans les Hauts de France. La desserte TGV est la colonne vertébrale de la dynamique territoriale Lille mais aussi dans les autres grandes agglomérations de la région. La liaison Roissy-Picardie est également essentielle pour l'attractivité et le développement économique du territoire. Le rapport Duron a identifié cette ligne de 6 km comme prioritaire. Madame la Ministre, quel scénario privilégiez-vous, selon quel calendrier ?

La desserte d'Arras, de Béthune, de Douai, de Dunkerque, de Valenciennes par le TGV est dégradée. C'était une heure et demie pour Paris-Valenciennes il y a quelques années contre deux heures aujourd'hui. Pouvez-vous garantir le maintien de la desserte TGV des villes moyennes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La liaison Roissy-Picardie a effectivement été identifiée comme ligne prioritaire. Le montant nécessaire pour réaliser la première phase du projet est de 160 millions d'euros. Nous débattrons du calendrier. Des incertitudes sur les paramètres économiques sont à lever.

Je vous redis mon attachement à l'irrigation de notre territoire par des lignes à grande vitesse. La baisse des temps de parcours m'étonne ; il serait regrettable de devoir investir pour retrouver des performances passées. Je me rapprocherai de SNCF Réseau pour en savoir plus.

M. Olivier Jacquin .  - La gare de Lorraine-TGV se trouve au milieu des champs, à Louvigny. On la surnomme la gare colza ou la gare betterave. Si elle se trouve à équidistance de Metz et de Nancy, elle est surtout déconnectée de tout et du réseau TER en particulier. La semaine dernière, un intervenant venu de Poitiers me disait qu'il était ravi de ses 3h30 de trajet pour rejoindre la Lorraine depuis Poitiers, mais moins de l'heure et demie passée dans l'autocar pour parcourir 36 km...

En 2014, Christian Eckert avait fléché une part de la TICPE, estimée à 20 millions d'euros par an, pour financer ce projet. La majorité régionale, très discrète sur le sujet, semble privilégier d'autres projets ferroviaires sans rapport avec une LGV. Que contiendra la loi d'orientation pour le Grand Est, Madame la Ministre ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - L'ensemble du foncier nécessaire pour la réalisation de la gare a été acquis, les mesures conservatoires ont été prises. Le coût de l'équipement est évalué à 140-150 millions d'euros. Le conseil régional doit assurer la maîtrise d'ouvrage en lien avec SNCF Réseau ; l'État participe à hauteur de 30 millions d'euros, mais aucun crédit n'a été budgété puisqu'un référendum local a conduit au rejet du projet en février 2015 ! La balle est dans le camp des collectivités territoriales.

M. Jean-Marc Boyer .  - Le rapport Duron n'ouvre pas les portes de l'avenir au Massif central. Ses 17 millions d'habitants ne cessent d'attendre que leurs besoins en mobilité soient pris en compte. Le projet Paris-Orléans-Clermont-Ferrand est capital. Clermont-Ferrand est la capitale régionale la plus éloignée de Paris et, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport, sa démographie croît aussi vite que l'entreprise Michelin. Madame la Ministre, pouvez-vous confirmer les propos rassurants que vous nous avez tenus lors de notre rencontre ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Monsieur le sénateur, vous faisiez partie de la délégation conduite par le sénateur Pointereau que j'ai rencontrée le 14 mars dernier. Je suis favorable à l'observatoire de la saturation sur la ligne Paris-Lyon, à la contre-expertise tierce sur les tracés médian et ouest. J'ai insisté sur le fait que ces réflexions ne doivent pas nous détourner de l'amélioration de la ligne Paris-Clermont - j'ai détaillé les travaux qui seraient engagés. Un schéma directeur est en cours d'élaboration, il sera publié cet été au plus tard. SNCF Réseau consacrera 750 millions d'euros d'ici 2025 pour moderniser cet axe.

M. Didier Rambaud .  - Mme Schillinger souhaitait vous interroger sur la desserte ferroviaire de l'EuroAirport Bâle-Mulhouse. Elle contribuera à désengorger l'A35. Alors qu'a été signée une déclaration d'intention commune entre la région Grand Est et les cantons de Bâle-Ville, Campagne et Soleure qui laisse présager un début de travaux à l'horizon 2020, le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures remet en question ce projet dans au moins deux de ses trois scénarios. C'est pourtant l'occasion de développer les alternatives à la route. Quel avenir, quel calendrier, quel financement par l'État envisagez-vous ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le conseil d'orientation des infrastructures n'a pas jugé prioritaire la desserte de l'aéroport Bâle-Mulhouse, estimée à 220 millions d'euros. Une réunion avec les élus concernés a été suggérée ; j'y suis favorable. Une étude socio-économique sur les gains qu'apporterait ce projet en France, en Suisse, et en Allemagne est attendue ; nous pourrons en tirer des conséquences sur le financement du projet. Continuons, en attendant, à discuter avec les élus suisses et allemands sur ce projet très attendu localement, j'en suis consciente.

M. Guillaume Gontard .  - La démonstration n'a pas été faite de l'urgence de la LGV Lyon-Turin. Le Conseil d'orientation des infrastructures a raison. Les prévisions de fret routier ont été surestimées : une division par six en trente ans, malgré un milliard d'euros d'investissement. Après la pause décrétée au début de l'été, la déclaration d'utilité publique a été prolongée de cinq ans. Chaque kilomètre de tunnel coûte 150 millions d'euros mais le Gouvernement continue de souffler le chaud et le froid. Madame la Ministre, précisez-nous sur quelle logique s'appuierait le maintien d'un tel projet ? Est-il utile d'enfouir 10 milliards d'euros dans 57 kilomètres de galeries sous les Alpes ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Distinguons le tunnel de l'aménagement des accès. Le tunnel a fait l'objet d'un traité franco-italien, ratifié par les deux parlements. Les travaux de reconnaissance sont faits à 75 %, avec 23 kilomètres percés. Les travaux définitifs devraient être lancés courant 2018. Son plan de financement est ainsi réparti : 40 % par l'Union européenne, 35 % par l'Italie, 25 % par la France - c'est tout de même considérable pour un projet de 2,5 milliards d'euros au total. Ce projet ne devra pas peser excessivement sur les ressources de l'Afitf. Une société de projet franco-italienne a été envisagée, tirant une part de ses ressources des péages autoroutiers. Avant d'engager les coûteux travaux d'accès, l'étude du trafic sera prolongée.

M. Vincent Delahaye .  - Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, publié le 1er février dernier, ne mentionne pas certains projets d'envergure, tel le Grand Paris Express. Le 15 février, le rapport Spinetta contredisait ses conclusions en préconisant la fermeture des petites lignes et l'arrêt du développement des LGV. La Cour des comptes a, depuis 2014, souligné que notre modèle ferroviaire n'était pas soutenable. Madame la Ministre, au regard de ces deux rapports, opterez-vous pour le développement continu des LGV ou confirmerez-vous la pause annoncée par le président de la République ? Qu'en est-il de l'interconnexion des LGV entre Massy et Valenton, indispensables à l'interconnexion des TGV autour de Paris et au bon fonctionnement du RER C ? Cette interconnexion, ajoutée à la ligne 18 du Grand Paris Express renforcera la gare TGV de Massy et facilitera la liaison avec l'aéroport d'Orly.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Les deux rapports relatifs aux transports que vous mentionnez sont complémentaires : global dans un cas, centré sur le ferroviaire dans l'autre. Le Gouvernement a assez dit qu'il ne suivrait pas les recommandations du rapport Spinetta sur les petites lignes. L'interconnexion des TGV est attendue dans le Grand Ouest comme à Massy. Le dossier, assez vieux, pose des problèmes d'insertion environnementale mais figurera en bonne place dans la future loi d'orientation.

Mme Angèle Préville .  - Nous sommes loin, hélas, de la mise en service de la ligne Toulouse-Bordeaux bien qu'elle ait été jugée prioritaire. L'aire urbaine de Toulouse, quatrième du territoire avec une croissance de 1,5 % par an, siège mondial d'Airbus, a créé 28 000 emplois ces cinq dernières années, quatre fois plus que la moyenne nationale. En dépit de son attractivité, Toulouse est la seule grande capitale régionale qui n'est pas liée à Paris par une LGV. Les perspectives du scénario 3, que nous appelons de nos voeux, exigent des financements. Qu'envisagez-vous, Madame la Ministre ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - De nombreuses infrastructures sont attendues en Occitanie : Montpellier-Béziers-Perpignan, l'autoroute Toulouse-Castres et la ligne Toulouse-Bordeaux. Selon les scénarios, les délais de réalisation de la ligne Bordeaux-Toulouse diffèrent en effet. Il faut désaturer les noeuds existants : évitons de répéter les erreurs rencontrées à la gare Montparnasse l'an dernier... Les régions réfléchissent à de nouvelles sources de financement pour trouver le meilleur calendrier.

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Ma question porte sur la ligne nouvelle Provence Côte d'Azur. La ligne existante, créée en 1860, souffre de graves dysfonctionnements : trafic congestionné, retards fréquents et j'en passe. La ligne nouvelle, très attendue, désenclaverait l'est du territoire et participerait de la constitution de l'arc ferroviaire méditerranéen de Barcelone à Gênes. Les contributions de l'État et des collectivités territoriales seraient à parité... Les ressources des collectivités baissent en raison de la suppression de la taxe d'habitation. Vous avez envisagé, lors des Assises de la mobilité, une taxe sur les poids lourds étrangers en transit en France. Est-ce toujours d'actualité ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a bien mis en évidence la priorité de cette ligne nouvelle. Un phasage commençant par le décongestionnement de la gare de Nice et de celle de Marseille Saint-Charles a été déterminé.

Nous avons discuté du financement avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la région. Le Gouvernement inscrira leurs cofinancements, dans le cadre des partenariats qu'elle signera avec elles.

Quant aux ressources supplémentaires, des difficultés peuvent surgir des différences entre réseaux concédés et non concédés selon les régions. Une réflexion sur la participation des poids lourds à ces investissements est en cours, mais la part de réseaux autoroutiers concédés est très élevée en PACA. Ce n'est pas le scénario 1 qui a notre préférence, vous l'avez compris. Nous y travaillons.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Nous regrettons que trop de gouvernements de diverses obédiences aient laissé s'installer, au-delà de mesures conjoncturelles, une situation délétère.

Attention, cependant, à la triple peine qui risque de découler de votre réforme. La première provient de la décision annoncée par le président de la République de bloquer sine die toute nouvelle ligne TGV durant le quinquennat. Or le contexte est celui d'une compétition exacerbée entre des territoires dont certains sont desservis, deuxième peine, par des trains archaïques Intercités sur des réseaux vétustes à une vitesse inférieure à celle de 1968, dans des conditions inacceptables imposées aux usagers - je peux en témoigner, car je les emprunte régulièrement, on est loin de feu le Capitole !

Enfin, troisième peine, ces mêmes territoires pourraient subir aussi la suppression des lignes secondaires, tout en participant au désendettement de la SNCF, dont les comptes sont plombés par des investissements antérieurs au profit des agglomérations très peuplées et bien dotées en infrastructures de transports.

Madame la Ministre, j'espère vivement que vous aurez à coeur de ne pas associer votre nom à la funeste perspective tracée dans le rapport qui fait l'objet de ce débat et que vous saurez la considérer avec toute la distance nécessaire. Votre réponse est très attendue dans le grand espace central. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le président de la République n'a pas dit qu'il n'y aurait plus de LGV durant ce quinquennat ; il a fait l'annonce courageuse (M. Michel Savin le confirme.) qu'il n'y aurait plus de promesses d'infrastructures non financées, qui ôtent toute confiance dans la parole de l'État...

M. Michel Savin.  - Ça change de Hollande !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Mais nous devons sortir de l'alternative entre une ligne classique qui se dégrade et une LGV qui ne peut être réalisée rapidement. Je porterai la priorité à la modernisation et à l'entretien des infrastructures. Un milliard d'euros de travaux entre 2015 et 2025 sont financés par SNCF Réseau sur la ligne POLT, et le renouvellement du matériel roulant, ce n'est pas rien.

Le Gouvernement ne suivra pas les propositions du rapport Spinetta sur les « petites lignes », improprement désignées parce qu'elles sont très importantes pour certains territoires. L'État tiendra ses engagements sur la modernisation de ces lignes secondaires et notamment le financement de 1,5 milliard d'euros prévu dans ce contrat de plan État-régions.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

M. le président.  - J'invite les orateurs et la ministre à respecter le temps imparti : deux minutes par question.

M. Jean-Marc Gabouty .  - Les LGV ont désenclavé bien des territoires. L'abandon de grands projets au bénéfice des transports du quotidien est compréhensible. La remise à niveau de ces derniers n'est pas contestable.

Mais il faut compléter le réseau. Or dans le rapport Duron, les projets de Rhin-Rhône et de Bordeaux-Dax-Espagne sont reportés. Les autres projets sont annulés excluant un grand secteur central de la France de la grande vitesse.

Acceptez-vous une telle réalité ? (Mme Françoise Laborde applaudit.)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La loi de programmation que je présenterai dans quelques semaines ne laissera pas de grandes portions de territoires à l'écart des infrastructures de qualité. Le maillage du territoire, le maintien des lignes secondaires, je le répète, sont à l'honneur : il s'agit de ne pas différer les travaux sur les lignes existantes.

Nous voulons dire ce qui est possible.

Il est possible de faire émerger une offre des trains de qualité sur Paris-Clermont-Ferrand et Paris-Toulouse.

C'est tout l'enjeu des offres qui viennent de nous être remises.

M. Dominique de Legge .  - Je me réjouis de l'ouverture de la LGV Bretagne, même si Brest et Quimper ne sont toujours pas à trois heures de Paris. De nombreuses nuisances sonores sous-estimées ont été découvertes par les riverains et les élus le long de la ligne. Il a été décidé de réaliser des études, en conséquence, en vue de trouver des solutions techniques ou d'indemniser les plus lésés.

Quelle n'a donc pas été la surprise des collectivités territoriales de recevoir un courrier de la DGFiP, leur demandant d'opérer des abattements sur la taxe d'habitation et la taxe sur le foncier bâti au profit des habitants, touchés par les nuisances !

Est-ce aux communes impactées par le trajet du TGV d'assurer de telles compensations financières ? Une réduction de 5 % de la taxe d'habitation (soit 25 euros pour un montant moyen de 500 euros) est-elle à la hauteur du préjudice subi ? Est-ce sérieux, est-ce la bonne solution, alors que cet impôt va bientôt être supprimé pour la totalité ou la quasi-totalité des Français, si l'on en croit le Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je ne suis pas au courant de cette initiative ; mon ministère n'en est pas à l'origine et je doute que ce soit celle de M. Darmanin. Des mesures acoustiques sont en cours, pour 600 foyers sur la ligne Sud Europe Atlantique et 500 foyers sur la ligne Bretagne Pays de la Loire. Elles sont nécessaires pour vérifier que le concessionnaire a bien respecté les réglementations en vigueur. Il se pourrait qu'il l'ait fait, mais que les riverains se plaignent malgré tout : les normes tiennent compte en effet du bruit moyen, mais pas des pics sonores que vivent ces riverains.

M. Dominique de Legge.  - Je me réjouis que nous soyons sur la même longueur d'ondes.

M. Michel Savin .  - Il est essentiel de préserver une part d'investissement pour les nouveaux projets. C'est une question de curseur. Les conclusions du rapport Duron concernant le Lyon-Turin sont une aberration : reporter l'aménagement des accès à 2038 est absurde, alors que ce projet est un ensemble global et que la rénovation de ces accès servirait aux dessertes du quotidien des métropoles alpines depuis Lyon. Ainsi, Grenoble, onzième métropole française, reste encore une fois à l'écart des projets d'aménagements structurants du territoire français. La Iigne Lyon-Saint-André-le-Gaz-Grenoble est pourtant un point noir connu et reconnu de notre réseau ferroviaire, emprunté chaque jour par des dizaines de milliers d'usagers. Le report au-delà de 2038 est une entrave forte et durable à la mobilité, qui enclavera Grenoble.

Madame la Ministre, le Lyon-Turin est une occasion historique pour développer et moderniser le réseau ferroviaire du sillon alpin, et notamment la desserte de la Métropole grenobloise. Est-elle envisagée par votre Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il faut bien distinguer la réalisation du tunnel de base Lyon-Turin et de ses accès d'une part et d'autre part la performance des liaisons TER, de la vie quotidienne, Lyon-Grenoble et Lyon-Chambéry.

Au vu du trafic actuel du fret sur le tunnel existant, il semble certes nécessaire de creuser un tunnel, ne serait-ce que pour jouer dans la même cour que les deux tunnels Italie-Suisse et du tunnel Italie-Autriche, mais il n'est pas nécessaire - sauf croissance spectaculaire - de rénover les accès.

Il faut répondre aux nécessités des transports du quotidien, notamment entre Lyon et Grenoble, indépendamment de ce projet.

M. Max Brisson .  - Le rapport Duron reporte à 2038 - aux calendes grecques - la ligne Bordeaux-Dax-Espagne, alors que l'AVE espagnol entre Madrid, Bilbao et Saint-Sébastien devrait aboutir en 2023.

Les collectivités territoriales du sud de l'Aquitaine ont pourtant payé la ligne nouvelle Pau-Bordeaux. Une ligne nouvelle ne pourra être acceptée que si la ligne actuelle arrive à saturation.

La solution alternative que vous proposez reste à préciser. Il faudrait régénérer la ligne Bordeaux-Facture-Dax. Des travaux sont déjà programmés sur le tronçon Bayonne-Hendaye qui améliorera le temps de parcours. Pouvez-vous nous garantir, Madame la Ministre, que nous ne subirons pas la double peine que signifierait l'absence d'améliorations sur les lignes Bordeaux-Dax-frontière et Bordeaux-Dax-Pau d'ici là ? (Quelques Applaudissements sur les bancs des groupeUC et Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Compte tenu du coût élevé, au regard des ressources actuellement disponibles, il n'est pas possible de réaliser le Bordeaux-Dax-Pau et Espagne à court terme.

J'ai rencontré Alain Rousset, président de la région et ma collègue Geneviève Darrieussecq. La LGV a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique, qui préserve l'avenir ; les collectivités territoriales réfléchissent à des financements complémentaires - comme pour le Grand Paris Express en Île-de-France.

La perspective de cette LGV ne devrait pas conduire à négliger la modernisation de la ligne existante. C'est cela, qui affecte beaucoup de nos territoires, que nous voulons éviter à l'avenir.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Claude Kern.  - Au scrutin n°77 du 27 mars 2018, sur l'ensemble de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, Mme Dominique Vérien souhaitait voter pour.

M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point, qui sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

La séance est suspendue à 17 h 55.

présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Transport ferroviaire de voyageurs

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, présentée par MM. Hervé Maurey et Louis Nègre.

Discussion générale

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi .  - Le quatrième paquet ferroviaire adopté en décembre 2016 a fixé des échéances très claires : l'ouverture à la concurrence se fera le 3 décembre 2019 pour les lignes conventionnées - TET et TER - et le 14 décembre 2020 pour les lignes commerciales - TGV - avec une obligation de transposition de la directive d'ici décembre prochain.

L'expérience de la libéralisation du fret ferroviaire nous montre que nous devons anticiper la réforme. Louis Nègre et moi-même considérons que l'ouverture à la concurrence est une chance pour le ferroviaire, pour la SNCF et pour les usagers : c'est pourquoi nous avons travaillé à cette proposition de loi dès le début de l'année dernière.

Je salue le travail et l'engagement de notre ancien collègue Louis Nègre. « On parle de la libéralisation des transports ferroviaires depuis 1991 ; Il est grand temps d'en faire une réalité » disait-il. D'où cette proposition de loi.

Nous avons travaillé avec tous les acteurs : SNCF, syndicats, usagers, régions, Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), groupe public ferroviaire, nouveaux entrants, ministères. Notre démarche visait à mettre notre travail à la disposition du Gouvernement pour qu'il s'en saisisse le plus rapidement possible - et en aucun cas à le gêner, nous vous l'avons dit dès votre prise de fonctions, Madame la Ministre. Déposé le 6 septembre 2017, le texte n'a pas été inscrit à l'ordre du jour sur votre souhait - vous demandiez qu'on attende les conclusions de M. Spinetta. Je l'ai accepté car vous m'aviez assuré qu'il serait le véhicule législatif qui consacrerait l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. Profitant de ce délai supplémentaire, pour conforter la qualité juridique du texte, le président du Sénat a saisi le Conseil d'État comme le lui permet la Constitution depuis 2008 - le Conseil d'État a rendu son avis le 22 février, c'est une démarche exceptionnelle puisqu'il n'avait eu à le faire, avant ce texte, qu'à quatre reprises.

Quelle ne fut pas notre surprise d'apprendre que le Gouvernement décidait finalement de procéder à la réforme par ordonnances. Quel mépris pour le Sénat, le Parlement et nos compatriotes - car un tel sujet exige un débat ! Le Gouvernement argue qu'il faut aller vite. Pourquoi ne s'y est-il pas pris plus tôt ? Le Gouvernement ne serait-il pas plus fort s'il s'appuyait sur le Parlement ?

Le transport ferroviaire a été écarté des Assises de la mobilité au motif qu'un expert du transport aérien rendrait ses conclusions bientôt... L'avenir du système ferroviaire concerne 3,2 millions de passagers par jour. Pourquoi attendre l'avis de l'oracle Spinetta - devenu en quelque sorte le « gourou » du ferroviaire - pour commencer la réforme ?

Notre proposition de loi est prête, elle a bénéficié de l'avis du Conseil d'État puis nous l'avons améliorée en commission. Il faut six mois pour examiner un projet de loi en procédure accélérée, c'est bien moins que le temps nécessaire aux ordonnances - les statistiques établissent qu'elles prennent, en moyenne, dix-huit mois... Dans le meilleur des cas, les ordonnances ne seraient pas adoptées avant juin. Pourquoi ne pas saisir l'occasion du débat que permettrait la proposition de loi ? Jamais une réforme d'une telle importance n'a été engagée par ordonnances.

Les mesures que vous introduirez dans la loi d'habilitation n'auront pas été examinées par le Conseil d'État et il y a fort à parier que le Gouvernement déposera ses amendements très tard.

L'ouverture à la concurrence ne doit pas se traduire par une dégradation du service au client, ni se faire au détriment des territoires. La position de M. Spinetta qui favorise les LGV est en contradiction avec la notion d'aménagement du territoire. Nous ne sommes pas non plus favorables à l'open access, mais souhaitons préserver les lignes secondaires.

Notre texte dispose que l'État conclura des contrats de service public pour les TGV combinant services rentables et non rentables. Nous voulons éviter cet écrémage du type de celui opéré par les opérateurs de téléphonie, et préserver la desserte des villes moyennes par des services TGV.

Grâce à cette proposition de loi, le débat que le Gouvernement souhaitait éluder aura lieu. Je remercie les groupes d'avoir accepté son inscription à l'ordre du jour.

Nous sommes très attachés à notre système ferroviaire et nous souhaitons qu'une réforme ambitieuse réussisse. Notre assemblée est très engagée sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Longeot, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Rien ne sert de courir, il faut partir à point. (On apprécie sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Pourquoi avoir tant tardé à s'emparer du sujet de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs ?

L'ouverture à la concurrence est une obligation européenne. Nous pouvons en faire une chance pour nos transports ferroviaires dont la fréquentation baisse depuis quelques années, tandis que celle des autres modes de transport - avion, autocar... - augmente. Nous allons à l'inverse de nos voisins européens où la part du train progresse. Ils n'ont pas tardé autant que nous à ouvrir à la concurrence leur système ferroviaire, avec des effets positifs sur la qualité du service, la fréquentation, ou la réduction des coûts, au profit des usagers. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette réforme sur le fond, à condition d'en définir correctement les modalités - c'est l'objet de cette proposition de loi.

Nous avons souhaité clarifier et sécuriser certaines dispositions du texte en prenant en compte les avis du Conseil d'État.

L'un des axes forts de cette proposition de loi est de préserver les dessertes TGV considérées comme peu rentables ou déficitaires, alors que l'open access entraînerait un écrémage des dessertes. Le texte prévoit que l'État conclura des contrats de service public avec les TGV combinant dessertes rentables et non rentables. C'est la seule solution pour préserver des dessertes non rentables dans le contexte de l'ouverture à la concurrence, sans rupture de charge pour les usagers. L'open access, à l'inverse, conduirait à un écrémage des dessertes, et un conventionnement des seules dessertes non rentables obligerait les usagers à changer de train en début et fin de voyage.

II reviendra à l'État, en tant qu'autorité organisatrice, de prendre ses responsabilités en déterminant les dessertes qu'il souhaite préserver et en concluant les contrats de service public correspondants.

Les autres dispositifs de ce texte lèvent les obstacles à une ouverture à la concurrence.

Les données sont un sujet primordial. L'article 7 impose à SNCF Mobilités et SNCF Réseau de transmettre aux Autorités organisatrices de transport (AOT) les données nécessaires à l'exercice de leurs missions.

Les AOT devront fournir aux candidats aux appels d'offres les informations nécessaires, comme le prévoit l'article 2.

L'Arafer sera dotée d'un pouvoir de sanction en cas de manquement à ces obligations.

Deuxième sujet majeur : les transferts de personnel. L'article 8 fixe le régime applicable au transfert des salariés. Un dispositif trop flou laisserait des marges de contentieux. Le périmètre des salariés à transférer sera défini par les AOT. Le transfert s'effectuera prioritairement sur la base du volontariat. Le socle des droits sociaux des salariés sera préservé, ce que l'on appelle parfois le « sac à dos social ». L'ensemble des salariés conserveront un niveau de rémunération identique à celui perçu lors des douze derniers mois précédant le transfert, ainsi que le bénéfice des facilités de circulation. Les salariés sous statut conserveront leur affiliation au régime de retraite SNCF et les droits à pension qui en découlent ainsi que la garantie de l'emploi. À l'issue d'un premier transfert, les salariés qui seraient amenés à rejoindre de nouveau SNCF Mobilités pourront réintégrer le statut s'ils en bénéficiaient initialement. S'ils sont transférés à un nouvel opérateur, leurs droits garantis seront maintenus.

Quant au matériel roulant, les AOT seront libres de déterminer le dispositif le plus adapté. Elles pourront le louer, demander aux entreprises d'apporter leurs propres matériels, ou récupérer la propriété des matériels de SNCF Mobilités pour les mettre à la disposition de l'entreprise remportant le marché. Elles pourront également récupérer la propriété des ateliers de maintenance.

L'article 11 prévoit la transformation de Gares et Connexions en société anonyme à capitaux publics, filiale de la SNCF. Le capital social pourra être ouvert pour faciliter la modernisation des gares, l'État devant, en tout état de cause, rester actionnaire majoritaire. L'État conclura avec Gares et Connexions un contrat pluriannuel fixant des objectifs de gestion des gares notamment en matière de trajectoire financière, de qualité de service et d'aménagement du territoire.

Pour assurer l'indépendance des dirigeants de Gares et Connexions par rapport aux entreprises ferroviaires, plusieurs garanties ont été fixées, sur le modèle de ce qui existe actuellement pour SNCF Réseau.

Enfin, pour faciliter l'information aux voyageurs et la vente des billets dans le contexte de l'apparition de nouveaux opérateurs, l'État pourra imposer aux entreprises ferroviaires de participer à un système commun d'information des voyageurs et de vente des billets.

Je me réjouis que nous puissions avoir un débat sur un sujet qui a des impacts majeurs sur les moyens et sur le réseau. Ce texte constitue un dispositif équilibré. Saisissons-nous de ce dossier relatif à l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Alors que nous ouvrons ce débat, je voudrais partager une conviction forte : face aux bouleversements économiques et sociaux, nos concitoyens, nos territoires ont besoin de mobilités. Car une société mobile, c'est une société capable de s'adapter aux défis qui se présentent à elle, mais aussi capable de se rassembler autour d'objectifs communs. Le manque de mobilité alimente un sentiment d'abandon dans de trop nombreux territoires. Les Français ne sont pas égaux face à la mobilité : une personne sur quatre a déjà renoncé à un emploi ou à une formation à cause des difficultés de déplacement.

Transports du quotidien, lutte contre la congestion, accès à l'emploi et aux services dans les territoires, optimisation du système logistique : telles sont les pistes d'évolution à suivre.

Mon ambition est de redonner à la politique de mobilité un objectif simple : répondre aux besoins des Français, tels que nous les avons entendus lors des Assises de la mobilité à Ornans, à Bernay, à Chartres, dans le Nord, en Meurthe-et-Moselle, en Seine-Saint-Denis, et dans chacun des territoires que vous représentez.

M. Michel Canevet.  - À Quimper !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nos concitoyens nous disent qu'ils veulent des transports du quotidien efficaces. Le système ferroviaire joue depuis deux siècles un rôle essentiel dans l'attractivité de notre pays et l'aménagement du territoire.

Alors que ce système ferroviaire est un ADN commun à tous les Français, il est à bout de souffle. Depuis une trentaine d'années, priorité a été donnée aux LGV, avec un certain succès commercial certes. Mais il subsiste de nombreux besoins insuffisamment satisfaits sur les autres lignes.

Le transport des marchandises est en crise ; le trafic a chuté de 40 % depuis le début des années 2000.

Le déséquilibre économique et financier du système menace en outre l'avenir du système ferroviaire avec notamment la dette.

Les vitesses de circulation sont ralenties sur le cinquième du réseau, soit deux fois plus qu'il y a dix ans, et la dette s'aggrave de 3 milliards d'euros chaque année, pour atteindre 50 milliards. Que faire face à ces obstacles ?

M. Rémy Pointereau.  - Comme en Allemagne ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le président de la République et le Gouvernement portent un projet ambitieux pour notre système ferroviaire : cette réforme globale doit construire les bases durables d'un meilleur service public ferroviaire. Il faut des trains plus ponctuels et plus nombreux, un modèle plus équilibré et plus fort pour la SNCF, davantage de reconnaissance pour les cheminots et la garantie, pour les contribuables, que chaque euro pour le service public ferroviaire soit dépensé efficacement.

L'État investira 36 milliards d'euros dans les dix prochaines années pour les infrastructures, c'est la moitié en plus que dans la décennie qui s'achève.

Deuxième engagement fort de l'État, celui de donner un nouveau cadre au ferroviaire, pour une ouverture à la concurrence réussie et stimulante pour la SNCF, qui restera une entreprise publique : je m'y engage solennellement.

La SNCF doit se réformer en proposant un cadre plus motivant à ses cheminots. Et c'est bien parce qu'elle doit avoir toute sa part dans notre nouvelle politique de mobilités qu'il est nécessaire de refonder la SNCF sur des bases modernes, agiles, unifiées afin de préparer l'entreprise publique à relever ces nouveaux défis.

Accompagner la SNCF dans le XXIe siècle, c'est l'accompagner dans son rôle fondateur dans l'aménagement durable du territoire.

Il n'est pas question de supprimer les lignes de maillage ou d'intérêt local, improprement appelées « petites lignes ». Dans cette réforme, l'ouverture à la concurrence est essentielle. La proposition de loi soulève avec une juste acuité ce sujet. Je salue les travaux de la commission et de Louis Nègre.

Cette proposition de loi est proche sur certains points du texte que le Gouvernement prépare. Mais la concurrence n'est qu'un des aspects du texte du Gouvernement, dont l'ambition est plus large. Le pacte ferroviaire que nous définissons s'inscrit dans la lignée des Assises de la mobilité et dans la rigueur du travail du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Trente-six ans après la loi d'orientation sur les transports intérieurs, il s'agit de redéfinir l'ensemble des outils de notre politique de transport - je pense à la constitution d'AOT dans les territoires qui en sont dépourvus, à la création de leviers pour encourager toutes les initiatives proposant des solutions de mobilités, à la programmation sincère de nos investissements d'infrastructures.

Quant à la méthode choisie par le Gouvernement, elle a suscité des interrogations. Le projet de loi que je porte n'entame pas le temps du dialogue social. J'ai engagé un processus de concertations et de négociations avec l'ensemble des parties prenantes. La réforme suscite les interrogations des cheminots. J'ai démarré une concertation avec eux il y a quatre semaines : 40 réunions ont eu lieu ; 70 sont encore prévues. Le projet de loi n'entame pas non plus le temps du débat parlementaire : le Parlement ne sera pas privé d'un débat à la hauteur des enjeux de cette réforme.

Alors que les discussions avec les organisations syndicales et patronales ne sont pas terminées, le Gouvernement ne pourra pas se prononcer sur l'ensemble des dispositions de cette proposition de loi.

La SNCF a 80 ans cette année. Nous sommes attachés à cette belle entreprise qui fait partie de notre patrimoine. Mon ambition est de préserver et de conforter cet héritage commun, pour répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens et aux attentes des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, au centre et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs (n° 711, 2017-2018).

Mme Éliane Assassi .  - Quelques jours après la première grande manifestation pour la défense du service public, nous engageons la première étape parlementaire de la réforme ferroviaire. Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE soutiennent tous les agents de la SNCF qui oeuvrent chaque jour et chaque nuit pour assurer notre droit à la mobilité.

Le Gouvernement, qui fait peu de cas des institutions démocratiques, a choisi de faire passer la réforme par voie d'ordonnances, en force donc, et dans la précipitation. C'est de la provocation.

Le ferroviaire est un sujet trop structurant pour le laisser à la discrétion du seul exécutif. Le Parlement doit pouvoir s'exprimer. Nous partageons la volonté du Sénat de signifier au Gouvernement notre refus des ordonnances sur un tel sujet.

Cependant, une réponse rapide du Sénat bâillonnerait aussi les voix des parlementaires. Cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour il y a deux semaines. Ces délais sont trop contraints. Nous n'avons eu connaissance de l'avis du Conseil d'État que lundi. Nous attendons toujours l'étude d'impact.

Nous nous trouvons face à une variation sur un même thème. Les membres du groupe CRCE sont opposés à l'ouverture à la concurrence du système ferroviaire. Ils opposent à cette approche de court terme la recherche de la rentabilité, l'intérêt général, le droit à la mobilité, les nécessités environnementales. Par conséquent, cette proposition de loi ne doit pas être le support de la réforme ferroviaire.

Forte de son expérience d'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, la France devrait demander la renégociation de l'ensemble des paquets ferroviaires.

L'ouverture à la concurrence fait exploser les tarifs comme au Royaume-Uni, et les exigences de sécurité, appliquées à davantage d'opérateurs, sont moins observées. Bref, les usagers y perdraient.

Cette proposition de loi, plus inquiétante que le quatrième paquet, anticipe les dates d'ouverture à la concurrence du secteur conventionné. Elle va au-delà de ce que demande le droit européen.

Ensuite, le droit européen est muet sur le régime de propriété des entreprises qui assument le service public : le droit européen n'exige nullement que Gares et Connexions change de statut ! Nous sommes opposés à tout changement de statut, la forme publique est la plus adaptée à l'exercice du service public - et les gares sont des outils d'aménagement du territoire qui ne peuvent appartenir qu'à la puissance publique.

Pire encore, les exceptions d'ouverture à la concurrence pour maintenir le monopole de la SNCF sont interdites. Même le projet du Gouvernement est plus souple sur ce point, en retardant l'ouverture en Île-de-France du fait de la densité des réseaux. 

La proposition de loi évite l'open access prévu par le Gouvernement mais ne garantit pas que certaines lignes ne soient pas abandonnées.

L'ouverture à la concurrence ouvre la voie à la balkanisation du service public ferroviaire et de la SNCF.

Quant aux cheminots, l'attaque est moins frontale que celle du rapport Spinetta, mais elle est pernicieuse : le transfert des salariés n'est pas encadré, rien n'est prévu en matière de reclassement. La possibilité de licencier un cheminot qui renforcerait son transfert est incompatible avec le statut de cheminot.

Nous considérons que pour faire une réforme efficace, il faut d'abord se placer sous l'angle des usagers qui ont besoin, non de la liberté de choix, mais de trains qui fonctionnent sur l'ensemble du territoire. Il faut pour cela remédier au sous-financement des infrastructures, s'attaquer à la charge de la dette, trouver de nouvelles sources de financement, par exemple par le retour d'une écotaxe sur les poids lourds, abandonner la gestion des dessertes selon la seule logique comptable. Il faut renforcer les péréquations et la régionalisation, réfléchir à limiter l'étalement urbain et encourager la complémentarité des modes de transport. La dimension nationale de la politique ferroviaire ne peut se limiter aux LGV et aux rescapés des lignes régionales. La politique environnementale est également absente de cette proposition de loi. Voilà ce qui justifie cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE).

M. Guillaume Chevrollier .  - Il me semble incompréhensible de protester contre la volonté du Gouvernement de légiférer par ordonnances et de refuser, par une question préalable, le débat qu'autorise l'examen de cette proposition de loi.

Mme Éliane Assassi.  - Nous ne contestons pas le débat, mais le contenu de ce texte !

M. Guillaume Chevrollier.  - Cette proposition de loi a été préparée par Hervé Maurey et Louis Nègre au cours de 2017. Elle définit un cadre juridique adapté à la réforme ferroviaire sans anticiper les échéances, pour laisser aux entreprises le temps de se préparer.

Des dizaines d'heures d'audition ont permis d'entendre tous les acteurs. Une consultation par voie écrite a complété ces auditions.

Le travail en commission avec les amendements inspirés des avis du Conseil d'État nous a permis d'aboutir à un texte équilibré.

Notre système ferroviaire a été une réussite : vaste réseau, transport régional, grande vitesse. C'est un facteur d'attractivité et un gage de mobilité pour tous.

Mais la qualité du service s'est dégradée depuis quelques années. Le réseau vieillit. Après 20 ans de réformes successives, notre système ferroviaire ne semble toujours pas prêt à l'ouverture à la concurrence.

Or il y a urgence. Le droit européen enjoint les États membres à assurer la transposition du quatrième paquet avant la fin de cette année. Nous ne pouvons plus faire la politique de l'autruche en nous fixant sur les dérogations. La France s'isolerait à procéder ainsi.

La concurrence de sociétés privées sur le marché ferroviaire aura des conséquences sur la SNCF, mais l'entreprise pourra aussi en profiter. Le réseau à grande vitesse est déjà ouvert sur les liaisons de Paris avec Bruxelles et Londres, sans qu'aucun concurrent ne se soit manifesté.

Tous les pays qui ont mené des ouvertures à la concurrence réussies ont, en parallèle, mis en place les conditions d'un équilibre économique global du système ferroviaire et ont renforcé sa gouvernance. La France, elle, n'a pas effectué la remise à plat de son système ferroviaire : la dette reste trop élevée, les infrastructures sont vieillissantes. L'ouverture à la concurrence, que nous appelons de nos voeux, sera bénéfique tant pour l'opérateur historique que pour les usagers.

Le groupe Les Républicains votera contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Un débat parlementaire est indispensable sur cette réforme majeure. On ne peut pas à la fois dénoncer le recours aux ordonnances et refuser le débat de cette proposition de loi.

Ce texte est l'occasion de prendre des dispositions fortes pour l'aménagement du territoire. Nous devons conserver le maillage du territoire en préservant les dessertes menacées.

Les sujets qui font débat sont nombreux. Avis défavorable à cette motion.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement propose une réforme ambitieuse. Le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 14 mars. Il vise à améliorer le service public grâce à des investissements massifs, à préparer une ouverture progressive à la concurrence des TER et TGV, à mettre en place un cadre social protecteur et équitable, et à donner à la SNCF un maximum d'atouts, en le dotant d'une organisation efficace et d'un modèle économique plus équilibré.

Le Gouvernement ne pourra pas se prononcer sur l'ensemble des dispositions de cette proposition de loi. Sagesse sur cette motion.

M. Claude Bérit-Débat.  - Les socialistes s'abstiendront, sans pour autant être d'accord avec toutes les dispositions de la proposition de loi.

Nous souhaitons pouvoir nous exprimer dans le débat. Olivier Jacquin explicitera les points que nous souhaitons défendre.

À la demande du groupe CRCE, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°78 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 266
Pour l'adoption 15
Contre 251

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (Suite)

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je veux remercier les auteurs de ce texte : ils nous donnent l'occasion de débattre de ce sujet si important pour notre pays. La SNCF a tant fait pour notre République, pour notre unité avec son réseau en étoile.

L'échéance du 25 décembre 2018 mérite un débat qui a été confisqué par l'annonce du Premier ministre de recourir aux ordonnances le 26 février dernier, chose qui ne faisait pas partie des engagements du candidat Macron. La réforme de 2014, appréciée, salutaire, n'a pas eu besoin d'ordonnances, elle.

Vous promettiez pourtant de belles choses, Madame la Ministre, comme l'interconnexion et la conjugaison des modes de transport pour relier efficacement un point A à un point B. Les Assises de la mobilité nous avaient mis l'eau à la bouche.

Le ferroviaire a besoin d'un vrai débat démocratique, non d'une concertation autour d'ordonnances. Vous vous attaquez à une institution totémique. Pire, le Premier ministre a voué la SNCF et les cheminots aux gémonies ; il a jeté leur mythique statut en pâture. Or la dette n'est pas celle des cheminots ; elle est le résultat des injonctions contradictoires que les gouvernements, depuis des décennies, ont envoyé à la SNCF lui enjoignant à la fois de réaliser des économies et d'investir dans les LGV au détriment de l'entretien du réseau. Ce réseau constitue un héritage, un patrimoine considérable. Il faut, pour l'évaluer, prendre en compte l'ensemble des services rendus, services environnementaux compris. Nous ne pouvons pas nous résoudre à laisser sacrifier les gares, après les bureaux de poste.

J'en viens à cette proposition de loi, qui ouvre certes le débat mais ne nous satisfait pas. D'abord, quinze jours entre son inscription à l'ordre du jour et son examen, c'est peu. Ensuite, la question n'est plus de savoir si l'ouverture à la concurrence aura lieu ou non : le quatrième paquet ferroviaire l'a tranchée...

Mme Éliane Assassi.  - Normal, vous l'avez voté !

M. Olivier Jacquin.  - Nous sommes en faveur d'une ouverture raisonnée et maîtrisée qui préserve l'opérateur historique, il s'agit de dynamiser plutôt que de dynamiter. L'ouverture à la concurrence peut certes être néfaste si elle est mal préparée, telle celle du fret ferroviaire en France en 2006. Tout n'est pourtant pas noir : le succès de Ouigo, la hausse de la fréquentation des TER de 44 % depuis 2004.

Une fois la loi votée, il faudra laisser le temps aux autorités organisatrices et aux opérateurs de préparer l'ouverture à la concurrence. Aussi garder 2023 comme date limite d'ouverture à la concurrence est-il primordial. Un enjeu déterminant de l'ouverture à la concurrence est son mode opératoire. Le principe des franchises, philosophiquement intéressant, est difficile à mettre en oeuvre tant par rapport à la répartition des lots qu'à la continuité de service. Le libre accès nécessite, lui, une régulation pour éviter l'écrémage. On trouvera certainement des candidats pour le Paris-Nancy, moins pour son prolongement jusqu'à Mirecourt tant voulu par le président Poncelet.

Cette proposition de loi a été écrite avant l'annonce de la fin du statut de cheminot pour les nouveaux entrants. S'agissant des mouvements entre opérateurs, l'on propose de garantir les conditions d'origine au-delà du premier transfert, là où le rapport Spinetta ne parle que du premier transfert. Cela dit, nous nous inquiétons du durcissement de la législation inscrite à l'article 8. Nous ne pouvons pas accepter une disposition mettant fin au contrat de travail dès le premier refus de mobilité.

Nous proposerons un amendement pour nous prémunir contre le risque de fuites des données de l'opérateur actuel vers les concurrents. Idem concernant le matériel roulant et les ateliers de maintenance : il faut garantir l'équité. Enfin, nous sommes attachés au maintien de la maîtrise publique des gares, elles appartiennent à notre patrimoine national.

Ce texte, en somme, représente un galop d'essai. Il faudra plus pour entrer dans l'ère de la mobilité. Nous nous positionnerons sur trois sujets : l'aménagement du territoire et la poursuite de la décentralisation, le respect des cheminots et des travailleurs des transports - pourquoi ne pas imaginer une convention collective des transports terrestres ? - et la maîtrise publique des services publics.

Dynamisons, plutôt que de dynamiter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Emmanuel Capus .  - Il y a plus de quatre-vingts ans, la SNCF voyait le jour. L'aventure ferroviaire tricolore entrait dans une nouvelle ère de son histoire. « Cette convention assurera une heureuse conciliation entre l'autorité de l'État et le maintien nécessaire des souples méthodes de gestion d'un grand service industriel et commercial », expliquait Camille Chautemps, chef du Gouvernement, à L'Écho de Paris. Aujourd'hui, le groupe est endetté, la qualité de service discutée, et le grand public s'exaspère des retards et grèves à répétition.

Certes, les résultats sont bons avec une progression du chiffre d'affaires de 4,2 % en 2017. Mais la dette est abyssale : 46,6 milliards d'euros pour SNCF Réseau, 7,9 milliards pour SNCF Mobilités. Selon de nombreux analystes, elle représente un risque pour le contribuable.

Le Gouvernement a fait des annonces : fin du statut de cheminot, transformation de la SNCF en une société anonyme, renforcement de l'Afitf. Surtout, la SNCF affrontera demain l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. Inutile de rappeler ce qu'un manque de préparation signifierait. Avec le fret ferroviaire, nous sommes prévenus...

Pour s'adapter et ne pas disparaître, la SNCF devra changer. Alors, pour paraphraser un ancien directeur de la SNCF, Louis Armand, où en est le chemin de fer français ? Nous devons maintenir la vitalité des petites lignes au nom de l'aménagement du territoire. Notre rapporteur a proposé de lier contrats de lignes TGV et de petites lignes. Oui à la concurrence, oui aussi à la continuité de nos politiques d'aménagement du territoire. Notre groupe a d'ailleurs déposé des amendements dans cet esprit, pour protéger nos territoires, assurer une transition transparente et respectueuse de tous et saisir l'opportunité de réformer le régime ferroviaire. Loin des caricatures, voilà les trois piliers sur lesquels fonder la réforme du secteur ferroviaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Éric Gold .  - Nous débattons de l'ouverture à la concurrence du deuxième plus grand réseau ferré d'Europe après le réseau allemand. Le Gouvernement entend procéder par ordonnances ; cette proposition de loi vient à point nommé : elle illustre les vertus du bicamérisme que le RDSE ne cessera de défendre. Une telle réforme mérite un débat de fond. Nous saluons donc l'initiative d'Hervé Maurey et de Louis Nègre.

L'anticipation vaut mieux que la réaction aux événements. Des directives ont été données, mais la feuille de route n'est pas toujours lisible. Il faut tenir compte de la situation financière dégradée de la SNCF, des sous-investissements, des défauts d'entretien du matériel. La priorité donnée aux LGV conduit à menacer certaines dessertes. Avec 13 milliards d'euros de dépense publique alloués chaque année au ferroviaire, nos concitoyens sont en droit d'exiger un service de qualité, les retards sont trop nombreux. Certes, la SNCF n'a pas vocation à faire des profits mais sa situation peut être assainie. Le débat aurait d'ailleurs pu avoir lieu avant 2018.

L'open access s'oppose a priori à un système de franchise. Les deux options comportent leurs avantages et inconvénients. Le rapport Abraham de 2011 évoquait de multiples possibilités entre ces deux extrêmes. Le Gouvernement semble préférer l'open access.

Les comparaisons internationales restent hasardeuses. L'ouverture à la concurrence peut améliorer la qualité de service mais elle peut avoir des conséquences néfastes sur les prix et la desserte des zones enclavées. Je salue la proposition de créer un système commun d'information des passagers.

De nombreux points restent toutefois à aborder : avenir du statut des cheminots et du groupe ferroviaire intégré, avenir des infrastructures et des financements ou encore de la dette de SNCF Réseau. Cette proposition de loi fait office de prélude à un grand débat ; le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement reste trop imprécis. Le groupe RDSE s'abstiendra.

M. Gérard Cornu .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi, fruit d'un travail de fond mené durant plusieurs mois par le président Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre. Je les félicite pour la grande qualité de leurs travaux qui s'inscrivent dans la tradition sénatoriale des François Gerbaud et des Hubert Haenel.

Cette proposition de loi a pour objectif de donner aux parties prenantes le temps de se préparer à l'ouverture à la concurrence, contrairement à ce qu'il s'est passé pour le fret. Elle est aussi l'occasion d'un vrai débat que les ordonnances ne permettront pas.

La SNCF fait face à des difficultés structurelles importantes, qui ont été rappelées. Au-delà de sa modernisation, il nous faut une vision pour notre entreprise publique. La SNCF doit se réinventer, poursuivre l'accomplissement de sa mission de service public et servir la mobilité de tous les Français - j'insiste sur le « tous ».

Les efforts devront être partagés. À l'État d'assurer la viabilité économique du système. Trop souvent, il a fait supporter à la SNCF le poids de l'insuffisance des financements publics, d'où son endettement colossal. La reprise de la dette de la SNCF sera un élément crucial de l'ouverture à la concurrence. Celle-ci peut être l'occasion d'optimiser le système, en s'inspirant de ce qui a été fait chez nos voisins.

Cette proposition de loi permet d'aller vite et d'avoir un vrai débat : le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Frédéric Marchand .  - Victor Hugo a déclaré : « Je suis réconcilié avec le chemin de fer, c'est décidément très beau ». S'il est bien une ambition que nous partageons, c'est celle de cette réconciliation. Le transport ferroviaire fait partie intégrante de l'histoire de notre pays. Il a apporté une contribution éclatante à l'aménagement de notre territoire, du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest. Il est associé dans notre imaginaire collectif à Émile Zola, Jean Renoir et Gabin dans La bête humaine sans oublier les gares Saint-Lazare de Monet. Le train est le ciment de notre grand roman national.

Avec près de 29 000 kilomètres de lignes exploitées et 2 800 kilomètres de LGV, nous disposons du deuxième réseau d'Europe mais notre système est malade. Madame la Ministre, vous avez fait de la lutte contre l'assignation à résidence une priorité, nous saluons ce choix.

N'ayons pas la mémoire courte : la sécurité sociale en 1945, le temps de travail, la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, eux aussi, ont été instaurés par ordonnances. Le débat aura lieu, chers collègues. L'opportunité de cette proposition de loi est, en conséquence, douteuse. Mais revenons plutôt au fond.

Nous ne rejoignons pas forcément les auteurs du texte sur son contenu. Des droits exclusifs sur les lignes à grande vitesse en contrepartie d'obligations d'aménagement du territoire, cela représente un cadre trop contraignant pour garantir l'équité. Sa faisabilité exigerait, en outre, des moyens humains et financiers que nous n'avons pas.

L'open access peut paraître déstabilisant, il est surtout dynamisant. Encore faut-il le mettre en oeuvre dans le cadre d'une prévisibilité tarifaire mieux encadrée par l'Arafer. Nous ne plaidons pas pour une libéralisation sauvage ! Le cadre tarifaire, une constante... « Les tarifs des chemins de fer sont imbéciles : il faudrait des suppléments pour les retours puisque les voyageurs sont obligés de revenir ! » disait Alphonse Allais.

Cette proposition de loi fait penser à un voyageur qui regarderait le train partir depuis le quai... Le groupe LaREM ne la votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Guillaume Gontard .  - L'histoire du rail français fait partie de l'histoire de France. Par son maillage dense, il est facteur d'égalité entre les citoyens et d'unité territoriale. Notre système ferroviaire a longtemps fait partie des meilleurs au monde, il est primordial de le préserver.

Cette proposition de loi, de la même veine que le projet du Gouvernement, opère un retour en arrière malvenu. En 1937, le Front Populaire a décidé d'unifier la myriade inopérante de petites compagnies privées en une seule compagnie nationale. Ce modèle assurait la péréquation entre lignes économiquement rentables et lignes socialement rentables. Il est aujourd'hui menacé par le néolibéralisme qui, selon la formule, privatise les profits mais socialise les pertes. Perspective alarmante, si l'on observe que le vote extrême est corrélé à l'éloignement des gares... Les modèles japonais et allemand sont souvent invoqués en exemple : au Japon, l'État joue encore un rôle de stratège, il contrôle les tarifs, subventionne les lignes déficitaires et reprend la dette du groupe. Idem en Allemagne, avant la mise en concurrence. Ni cette proposition de loi ni le projet de loi ne l'envisagent ; alors que la stratégie du tout TGV a longtemps obéré toute possibilité de développement du système. La dette et la vétusté du réseau, tels sont les problèmes structurels de la SNCF auxquels il faudrait s'attaquer. La renationalisation des autoroutes ou la mise en place d'une écotaxe assurerait une ressource pérenne à la SNCF.

En cette journée de célébration de l'héroïsme français, rappelons le lien entre la Résistance et le statut de cheminot.

Le transport ferroviaire est un atout écologique. Deux ans après l'accord de Paris, comment peut-on remplacer des trains par des cars ? Sans surprise, le groupe CRCE ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Nadia Sollogoub .  - Je remercie à mon tour MM. Maurey et Nègre. Face à l'ouverture à la concurrence, nous pouvons laisser passer le train ou bien anticiper. Le jeu de mots est facile et le sujet ne se prête guère à la plaisanterie. Le Gouvernement propose de légiférer par ordonnances quand nous avons perdu des mois précieux puisque cette proposition de loi, qui a reçu un avis favorable du Conseil d'État, a été déposée en septembre. Elle n'est pas concurrente du projet du Gouvernement sur les mobilités. Réformer par ordonnances a quelque chose de choquant sur un tel sujet. Ce soir, grâce à la proposition de loi Maurey-Nègre, le débat peut avoir lieu.

Transposer sèchement le quatrième paquet ferroviaire serait une erreur : c'est ce que fait le Gouvernement. L'open access peut conduire à l'abandon des lignes non rentables. Nous sommes à l'heure où la logique comptable étouffe les territoires ruraux. À l'aide d'une énorme calculette, on nous explique qu'il n'y a pas d'autre choix que de fermer classes, écoles, hôpitaux, maternités, bureaux de postes et, même, de diminuer le nombre de parlementaires. Nous n'en pouvons plus, et les électeurs perdent confiance.

Cette réforme pose d'autres problèmes que ceux sur lesquels nous allons nous pencher : l'exigence environnementale, le transfert des gares et du matériel, le statut des cheminots.

Le groupe UC votera ce vrai texte d'aménagement du territoire car, comme l'écrivait notre auteur nivernais, Jules Renard : « Le train, automobile du pauvre : il ne lui manque que de pouvoir aller partout ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Fabienne Keller .  - Je remercie Hervé Maurey et Louis Nègre pour leur travail, qui rend le débat possible. Améliorer la qualité du service tout en réduisant son coût est notre objectif autant que le vôtre, Madame la Ministre.

La proposition de loi prévoit sur ce point des engagements forts sur l'aménagement du territoire. La desserte fine de nos territoires par le TGV ne doit pas être remise en cause. Les 230 dessertes actuelles sont généralement le fruit d'accord avec les collectivités territoriales qui les ont cofinancées, ainsi la LGV Est, qui m'est chère. Madame la Ministre, lors du débat du 16 janvier, vous nous avez assurés que ces dessertes ne seraient pas remises en cause. Je soutiendrai l'article 4. Y êtes-vous favorable ? À défaut, que proposez-vous ?

Les petites lignes relient nos territoires les uns aux autres, telle celle de Strasbourg-Saint-Dié, qui désenclave et irrigue la vallée de la Bruche. Madame la Ministre, même si vous n'aimez pas le terme de « petite ligne », qu'êtes-vous prête à faire pour les protéger ?

Ce débat prend un tour particulier en plein mouvement social à la SNCF. La desserte fine par le TGV et les petites lignes méritent toute votre attention, Madame la Ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Cyril Pellevat .  - Notre réseau est le deuxième d'Europe. Les défaillances, hélas, y sont nombreuses, alors que le quatrième paquet ferroviaire impose à brève échéance l'ouverture à la concurrence.

Cette proposition de loi, fruit de nombreuses auditions et consultations, vise à y préparer notre système. Les Français regardent outre-manche et craignent pour leur train, regardons plutôt ce qui a fonctionné chez nos voisins allemands, italiens et suédois...

Sans entrer dans le détail du texte, je veux souligner l'importance de l'aménagement du territoire par son maillage ferroviaire. L'amélioration des lignes existantes constitue un objectif, mais il n'est jamais question des projets de réouverture de ligne. À l'État de les encourager.

Avec 820 000 habitants, la population haut-savoyarde a augmenté de 20 % en moins de dix ans. La création d'un RER Sud-Léman doit s'accompagner de la réouverture de la ligne entre Évian-les-Bains et Saint-Gingolph. Cela permettra de désenclaver l'est du Chablais. SNCF Réseau a donné son feu vert, la région a confirmé son engagement. Je suis fier de ce projet dont je préside le comité de pilotage. Où en est-il, Madame la Ministre ? Il est fondamental de penser notre mobilité future, le train est le mode de transport le plus écologique.

Je voterai ce texte, en remerciant M. Longeot pour la qualité de son travail. Supprimer le monopole de la SNCF ne signifie pas s'opposer à la SNCF, la réforme l'encouragera à proposer des services plus performants. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre .  - Personne ne met en cause les cheminots...

M. Martial Bourquin.  - Gardez leur statut alors !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - J'y reviendrai. Je rappelle qu'aucun gouvernement n'a considéré que la dette ferroviaire était un problème ; le précédent a même remis un rapport au Parlement pour dire le contraire... L'ouverture à la concurrence n'a pas non plus été anticipée. La modernisation du secteur passe par la mise en place d'un nouveau cadre pour la SNCF, lui garantissant une trajectoire financière équilibrée dans la durée.

Il me paraît souhaitable d'éviter les faux procès, les faux débats qui justifient l'immobilisme. Personne ne parle de privatisation des transports du quotidien (M. Fabien Gay lève les bras au ciel.) qui sont placés sous la responsabilité des régions. Oui, ce sont elles qui définissent les dessertes et les horaires...

M. Fabien Gay.  - Avec quel argent ?

M. Martial Bourquin.  - Eh oui ! (On renchérit sur les bancs du groupe SOCR.)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Quant au concept de ligne TER rentable ou pas, dois-je vous rappeler que le voyageur ne paie que 25 % du prix du billet grâce aux subventions régionales ? Ce sont donc bien des services publics. (Mouvements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

M. Jérôme Bignon.  - On transfère la dette aux régions.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Jamais nous n'avons parlé de régionaliser les lignes UIC 7 à 9. Elles représentent 30 % à 40 % du trafic du fret ferroviaire et recouvrent des lignes d'intérêt national, d'aménagement du territoire, comme Nantes-Bordeaux. Le Gouvernement est engagé à hauteur de 1,5 milliard d'euros dans le cadre du contrat de plan ferroviaire et il respectera cet engagement.

Le ferroviaire n'a pas été exclu du Conseil d'orientation des infrastructures, ni des Assises de la mobilité. Certes, on n'a pas traité de la soutenabilité de la dette de la SNCF dans le cadre des Assises de la mobilité, car cela n'est pas au centre des préoccupations de nos concitoyens. En revanche, la responsabilité globale des régions pour coordonner les mobilités sur leur territoire a été évoquée, ainsi que les systèmes d'information multimodale de billettique intégrée (M. Jean-Paul Émorine approuve.) et la désaturation des noeuds ferroviaires.

Enfin, quant aux ordonnances, je précise que la concertation nous permettra d'écrire le projet de loi qui sera débattu au fond, à l'Assemblée nationale et dans cette assemblée.

Je l'ai dit aux organisations syndicales : je souhaite tirer parti de cette concertation pour porter le texte de loi sur l'ouverture à la concurrence dans les deux assemblées, et non pas dans le cadre de la future ordonnance.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France, par l'intermédiaire de la ministre chargée des transports, demande aux instances européennes la réalisation d'un bilan contradictoire sur l'impact en termes d'emplois, d'aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.

La ministre demande également la réalisation d'un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire.

M. Fabien Gay.  - Avec cet amendement, et les huit suivants, nous portons des propositions autour d'une idée simple : la France ne peut pas être simplement l'exécutant zélé de la Commission européenne.

Il est plus que temps de faire un bilan de la libéralisation des transports de marchandises et de passagers. L'Europe du rail est un voeu pieux. L'explosion des prix, la vétusté des installations, telles sont quelques-unes des conséquences de la libéralisation. Toute la population paie triplement l'addition : pollution, qui cause 48 000 morts par an dues aux particules fines, inégalité territoriale et mobilité fragilisée.

Nous souhaitons que la France propose à ses partenaires européens un bilan qui prendra en compte les conséquences environnementales désastreuses. Les transports sont un enjeu de taille dans la diminution des gaz à effet de serre, conformément aux engagements de la COP21.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement comporte une injonction au Gouvernement, ce qui est contraire au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Une étude d'impact a bien été faite au niveau européen avant l'adoption du quatrième paquet ferroviaire. L'enjeu est bien de permettre à la SNCF, aux régions, aux cheminots, de se préparer à l'ouverture à la concurrence. Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Cet amendement est d'appel. Après vingt ans de privatisation et de libéralisation - et pas que dans les transports, mais aussi dans l'énergie ou les télécoms - les consommateurs y ont-ils vu un progrès ? J'ai posé la question à la présidente de l'Autorité de la concurrence lors de son audition par la commission des affaires économiques il y a dix jours. Sa réponse n'avait rien de ferme. L'effet est peut-être positif dans les télécoms ; pour le reste, le bilan est mitigé. Le prix de l'électricité a explosé de 42 % depuis l'ouverture à la concurrence d'EDF. Ce sera le même désastre pour le ferroviaire.

On nous donne l'Italie en exemple. Les trains italiens sont pires que le RER B à 9 heures du matin ! Je ne veux pas que notre système ferroviaire se rapproche de l'italien !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la première phrase du sixième alinéa du II de l'article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Afin de répondre à la demande de trafic ferroviaire par wagons isolés, ce système de production est déclaré d'intérêt général. »

Mme Michelle Gréaume.  - Nous proposons par ces amendements le cadre d'une autre réforme ferroviaire, qui réponde à l'intérêt général. Il convient d'agir pour le rééquilibrage modal. Les transports représentent 3 % des émissions de gaz à effet de serre ; deux ans après la signature de l'accord de Paris, les résultats sont décevants : la France aurait émis 463 millions de tonnes de gaz à effet de serre depuis 2015. Il est temps que les pouvoirs publics interviennent et créent le cadre juridique pour limiter ces émissions. Le fret ferroviaire doit y occuper une place importante. Or il ne cesse de perdre des parts de marché face au développement du fret routier. D'où la proposition de résolution que nous avons présentée au Sénat en décembre dernier.

La commission européenne a créé un précédent bienvenu avec sa décision italienne, permettant d'investir dans le rail sans distorsion de concurrence. La France se doit d'être exemplaire : le fret ferroviaire doit être déclaré d'intérêt général.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Le transport par wagon de marchandise est un service commercial, pas un service public. Avis défavorable.

Mme Éliane Assassi.  - Voilà qui a le mérite de la clarté...

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je partage votre ambition mais ces déclarations de principe ne suffiront pas. Il faut des actes : restaurer une concurrence plus loyale par rapport au transport routier, au moyen du paquet mobilité et de la directive sur les travailleurs détachés, objets du conseil transport de juin, faire financer des infrastructures par les poids lourds en transit, développer une politique de péage pour le fret ferroviaire, investir davantage, aider au maintien de transports combinés, telles sont les actions à mettre en oeuvre. Avis défavorable.

M. Marc Laménie.  - Je comprends cet amendement et je l'aurais bien voté. Cependant, l'objet du texte est le transport ferroviaire de voyageurs. L'ouverture à la concurrence pour le fret ferroviaire remonte à 2003 et a donné lieu à une chute du trafic. Les wagons isolés ont disparu, ce qui est dommageable. J'ai en mémoire une proposition de loi de décembre 2015 sur le trafic ferroviaire régional qui posait des problèmes essentiels. Je m'abstiendrai.

M. Fabien Gay.  - Il faut effectivement des actes. Plusieurs rapports estiment que le volume des marchandises se multipliera par trois dans les prochaines années. L'objectif est de faire passer la part du fret à 25 %. Comment faire ? On nous cite les pays du Nord en modèle. Ils relient leurs ports au fret ferroviaire. Je suis allé récemment à Saint-Nazaire. J'y ai discuté avec les syndicalistes. La voie du chemin de fer est à cent mètres du port. Or le train et le port ne sont pas reliés ! La question est économique, sociale et écologique.

M. Martial Bourquin.  - C'est une question essentielle. Nos routes sont engorgées et on ne peut pas continuer de la sorte. La Suisse et l'Autriche ont pris le problème à bras-le-corps. Pourquoi ne le faisons-nous pas ? Pour améliorer la qualité de l'air, il faut mettre en place une politique de ferroutage. Nous avons l'infrastructure, les rénovations demanderont un investissement lourd, mais cela en vaut la peine. On refait bien les routes de France pour que des millions de camions y passent, sans rien payer, et l'État, et les régions, les départements paient sans protester. (L'on évoque, sur quelques bancs du groupe Les Républicains notamment, l'écotaxe.)

Un jour ou l'autre, la dette de la SNCF devra être épongée par l'État. Ce n'est pas une dette en réalité mais le résultat d'une inégalité de traitement entre le réseau routier et le réseau ferroviaire. (Mme Fabienne Keller proteste.) La dette de la SNCF, c'est dix ans d'ISF.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Ah !

M. Daniel Gremillet.  - Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Ils sont à sec ! Je veux parler de ces petites lignes qui irriguent nos territoires. Elles ont été abandonnées. En Lorraine, désormais Grand Est, nous avons acheté du matériel roulant performant. Il n'est pas exploité à sa hauteur. Les TER vont parfois moins vite que les locomotives à vapeur, voire que certains vélos électriques !

Dans le département des Vosges, on assiste à un recul, année après année, du réseau de la SNCF qui n'est plus en capacité d'absorber le trafic des voyageurs et des marchandises. D'autant que le temps s'est raccourci.

L'État doit assurer sa responsabilité de remettre en état ces petites lignes, ces petits ruisseaux, qui font les grandes rivières. (Applaudissements)

M. Yves Daudigny.  - Je ne suis pas certain que l'amendement n°3 soit la bonne solution. Il soulève un problème essentiel. Dans l'Aisne, un groupe chimique allemand recevait sa matière première, dangereuse, par wagon isolé. Il y avait parfois des ratés, mais les wagons finissaient par arriver. Ce service, que nous avions un temps réussi à préserver, a finalement disparu et les matières dangereuses sont désormais transportées par camion. C'est une aberration ! Autre exemple, dans le même département, dans une communauté de communes, devenue communauté d'agglomération : une zone de développement économique s'est vue reliée à une voie ferrée.

L'entreprise qui viendrait s'y installer n'aurait qu'à faire rouler les wagons et acheminer la marchandise jusqu'aux bâtiments. Or en dix ans, aucune entreprise ne s'est manifestée, car le service n'est pas de qualité... C'est tout aussi aberrant. Je ne sais pas si je voterai l'amendement car la déclaration d'intérêt général n'est peut-être pas la solution, mais le problème de fond posé par nos collègues du groupe CRCE est d'avenir : c'est celui de la modernisation de notre économie.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu'à minuit et demi. (Assentiment)

Amendement n°4, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 3221-1 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  -  des charges d'entretien des infrastructures et des coûts externes ; ».

Mme Éliane Assassi.  - La ministre n'a pas répondu sur le fret. C'est dommage. Le sujet est structurant pour nos entreprises. On ne peut pas se contenter de formules comme « il faut passer à l'action ». Le transport routier bénéficie d'un environnement plus favorable que le rail en matière réglementaire et fiscale. Cet amendement prévoit que toute opération de transport routier de marchandises doit aussi prendre en compte les coûts d'entretien des infrastructures et les coûts externes.

Il y a vingt ans on avait calculé que les coûts externes représentaient 300 milliards d'euros par an. Il s'agit ainsi d'instaurer un véritable outil de rééquilibrage entre les différents modes de transports, en faveur du fret ferroviaire, en intégrant les coûts externes du transport routier dans sa tarification. Cela permettrait également de lutter contre le dumping social qui se traduit souvent par une sous-tarification du service. En effet, aujourd'hui, le secteur routier dispose d'un corpus juridique favorable, lui permettant d'exercer une concurrence déloyale par rapport au secteur ferroviaire.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Avis défavorable car l'objet de votre amendement est trop éloigné du texte.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nous parlerons du fret ferroviaire la semaine prochaine. Il est souhaitable que le secteur routier paie davantage ses coûts externes. Cependant, l'amendement propose de faire payer les chargeurs : avis défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'État, majoritairement représenté au conseil de surveillance de la SNCF, propose au directoire, et notamment au vice-président représentant SNCF Réseau, l'instauration d'un moratoire sur la fermeture des gares de triages, les points de desserte fret et la suppression des effectifs à Fret SNCF.

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement propose un moratoire sur la fermeture des gares de triage. Le développement du fret est indispensable pour diminuer la circulation des poids lourds.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Cet amendement constitue une injonction au Gouvernement et porte sur le fret. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il n'y a pas de projet de fermeture d'installation ferroviaire. Mais il faut prévoir des investissements sur des voies de service. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le réseau ferroviaire est propriété de la Nation.

M. Fabien Gay.  - Le réseau ferré national construit par l'impôt de nos concitoyens doit être détenu par la puissance publique. Nous ne partageons pas la recommandation du rapport Spinetta selon laquelle il faudrait se défaire des petites lignes. Le nouveau pacte ferroviaire sous couvert de la mise en concurrence risque de peser sur les régions, car on souhaite leur confier la propriété des ateliers de maintenance.

La multiplication des opérateurs renforcera la fracture régionale. Nous nous inscrivons en faux contre la balkanisation du système ferroviaire. Il y a d'autres façons de privatiser, en augmentant le capital, par exemple.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Le code des transports prévoit que SNCF Réseau est le propriétaire unique des transports ferroviaires nationaux. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - SNCF Réseau est une structure publique et a vocation à le rester. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 juin 2018 un rapport sur l'opportunité et les modalités de création d'une structure d'amortissement de la dette ferroviaire.

Mme Michelle Gréaume.  - La dette ferroviaire plombe le service public depuis de trop nombreuses années. Colossale, elle s'élève à 54,5 milliards d'euros et ne peut que croître. Cette situation est liée aux injonctions de la directive de 1991 : l'État français aurait pu choisir de reprendre à son compte l'ensemble de la dette ; malheureusement, il a préféré cacher la misère sous le tapis en créant Réseau ferré de France. Cet amendement propose la création d'une structure d'amortissement de la dette ferroviaire, financée par les concessions autoroutières, dont nous proposons la nationalisation.

Le seul obstacle à cette reprise de la dette par l'État est le respect des règles de Maastricht sur le déficit public, dont il faut s'affranchir pour le bien de la Nation et des usagers du service public ferroviaire. Les intérêts de la dette qui représente chaque année 1,7 milliard d'euros seraient bien plus utiles pour financer des infrastructures que pour financer les banques.

Le Gouvernement a fait des annonces sur une reprise totale ou partielle, mais le flou règne...

M. Jean Bizet.  - Il n'a pas d'argent !

Mme Éliane Assassi.  - Il sait en trouver quand il faut ! Pour financer la suppression de l'ISF, par exemple... (Protestations à droite)

M. Fabien Gay.  - Nous n'avons d'autre choix que de demander un rapport sur le sujet, mais aussi des engagements clairs du Gouvernement.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Cela n'a rien à voir avec l'ISF. La dette ferroviaire croît chaque année de 2 milliards à 3 milliards d'euros. Le Parlement avait demandé un rapport sur la dette au Gouvernement. Il a été rendu en 2016 mais a renvoyé la question au Gouvernement suivant. Il nous faut, plus qu'un rapport, des solutions concrètes.

M. Jean Bizet.  - Absolument !

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Que compte faire le Gouvernement ? Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement a souhaité engager une réforme globale pour remettre à l'équilibre la trajectoire financière de la SNCF. La dette est une menace pour ce secteur et le Gouvernement prendra ses responsabilités au cours de ce quinquennat. Le travail est en cours. Avis défavorable, le temps n'est plus aux rapports, mais à l'action.

M. Hervé Maurey.  - Le Gouvernement est un peu court en termes d'information sur la dette ferroviaire. Vous ne dites pas grand-chose, pas plus que le Premier ministre. Que fera-t-il exactement ?

Je le demande, non par curiosité malsaine, mais parce SNCF Réseau ne pourra pas devenir une société anonyme avec une dette d'un tel montant, et SNCF Gares et Connexions ne pourra pas intégrer SNCF Réseau s'il demeure aussi endetté.

Le précédent gouvernement, qui a tergiversé avant d'annoncer qu'il n'y avait aucun problème d'endettement, porte une part de responsabilité colossale. On a commencé par couper court à une réforme sociale pour éviter des mouvements sociaux au moment de l'Euro 2016, puis le problème de la dette a été tout simplement éludé. Quand et comment résoudrons-nous ce problème ?

M. Marc Laménie.  - Cet amendement pose un problème essentiel. Nous avions voté une importante réforme ferroviaire en 2014, avec pour rapporteur Michel Teston. Lorsque nous votons la loi de finances, les financements des infrastructures ferroviaires et le poids de la dette posent toujours problème. Le président Maurey a raison de demander des explications au Gouvernement. Je voterai cet amendement.

M. Olivier Jacquin.  - Je trouve Hervé Maurey sévère sur le mandat précédent. En 2014, l'organisation de SNCF a été réformée avec des résultats positifs. Le principe de la règle d'or a été défini qui est encore insuffisamment appliqué.

La dette est surtout le résultat des injonctions contradictoires que subit l'opérateur : faites plus d'économie, mais faites-nous des LGV ! Il faudrait renforcer l'autonomie de l'opérateur pour éviter ces déséquilibres.

M. Gérard Cornu.  - Un rapport de plus ne servirait à rien.

Mme Éliane Assassi.  - C'est l'article 40 qui nous force à en demander un !

M. Gérard Cornu.  - Le sujet de la dette est un vrai sujet. L'État a une responsabilité de longue date. Madame la Ministre, vous êtes favorable à une réforme de la SNCF. On ne peut pas ouvrir le secteur à la concurrence et faire supporter à SNCF Réseau une dette aussi forte. Se donner cinq ans pour agir mettrait en péril l'avenir de la SNCF.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je relisais les débats sur la création de SNCF sous statut d'EPIC : le ministre de l'époque s'inquiétait déjà de l'endettement du groupe. La dette de la SNCF croît de 3 milliards par an, et les frais financiers s'élèvent à 1,5 milliard d'euros par an. Nous avons mis fin à cela et nous travaillons à le faire de manière durable.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Je partage la position du Gouvernement. Cependant, il faut analyser les raisons qui ont conduit à l'endettement de la SNCF et à la dégradation du réseau. Le statut n'est pas responsable de tout. La SNCF souffre d'un problème de gouvernance et d'organisation. On y travaille à flux tendu car le matériel est insuffisant.

Sur la ligne Paris-Toulouse, il n'y a pas de matériel de rechange dans un rayon de 250 km en cas de panne de locomotrice. Un taux d'intérêt de l'ordre d'un milliard et demi sur 50 milliards de dettes me paraît un peu excessif : dites aux dirigeants de la SNCF de renégocier leur dette ! Dépanner une locomotive, immobilisée à 10 km d'Orléans, pour un problème métallique, tel un chasse-pierres tordu, et c'est un exemple vécu parmi d'autres qui pourraient remplir un volume, suppose l'intervention des pompiers. Il convient de réfléchir en profondeur à l'organisation et au fonctionnement de cette grande entreprise, la SNCF, qui a connu de grands succès mais aussi de grandes lacunes.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Nous avons examiné six amendements ; il en reste 61.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 29 mars 2018, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du jeudi 29 mars 2018

Séance publique

À 10 h 30, 15 h 15 et le soir

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : Mme Mireille Jouve - M. Guy-Dominique Kennel

Suite de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs (n°711, 2016-2017).

Rapport de M. Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n°369, 2017-2018).

Texte de la commission (n°370, 2017-2018).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°78 sur la motion n°1, présentée par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe CRCE, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :266

Pour :15

Contre :251

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (146)

Contre : 144

Abstention : 1 - M. Marc Laménie

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Abstentions : 77

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Marie-Noëlle Lienemann, présidente de séance

Groupe UC (50)

Contre : 50

Groupe LaREM (21)

Contre : 21

Groupe RDSE (21)

Contre : 21

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Contre : 11

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Composition d'une CMP

Les représentants du Sénat à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection des données personnelles sont :

Titulaires :

M. Philippe Bas

Mme Sophie Joissains

Mme Jacky Deromedi

Mme Jacqueline Eustache-Brinio

M. Jérôme Durain

M. Jean-Yves Leconte

M. Arnaud de Belenet

Suppléants :

Mme Esther Benbassa

Mme Maryse Carrère

M. Mathieu Darnaud

Mme Catherine Di Folco

M. Christophe-André Frassa

Mme Marie-Pierre de la Gontrie

M. Loïc Hervé