Déontologie et prévention des conflits d'intérêts des sénateurs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat.

Discussion générale

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - Cette modification du Règlement n'a pas d'ambition démesurée. Les principales modifications du Règlement et de l'Instruction générale du Bureau sont intervenues en 2015 à l'initiative du président du Sénat après le rapport des sénateurs Karoutchi et Richard.

Y figuraient notamment la procédure de législation en commission (PLEC), qui a fait du Sénat le fer de lance - reconnu jusqu'à la présidence de la République - de la modernisation du travail parlementaire, ou le nouveau régime de contrôle de la présence des sénateurs en commission, aux questions d'actualité au Gouvernement et aux votes solennels précédés des explications de vote.

Une absence, pendant un trimestre, à plus de la moitié de ces activités, ou à plus de la moitié de toutes ces activités, provoque une retenue automatique sur l'indemnité de fonction, d'une part, et sur l'Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), d'autre part.

Or depuis la loi dite - probablement abusivement - de confiance dans la vie publique, l'IRFM n'existe plus, et a été remplacée par une avance de frais de mandat, avance de trésorerie faite à chaque sénateur avant présentation de factures justificatives.

Il y avait donc un problème juridique, un casse-tête auquel il fallait trouver une solution, que le Bureau, dans sa sagesse, a trouvée. (Marques de soulagement à droite)

Le prélèvement serait maintenu sur l'indemnité de fonction ; en cas d'absence réitérée, une autre retenue serait effectuée sur l'indemnité parlementaire elle-même en cas de sanction disciplinaire. La procédure est donc contradictoire, conformément aux règles de la procédure disciplinaire. La sanction n'est pas automatique, elle doit intervenir au terme d'une procédure contradictoire, laissant la possibilité de s'expliquer, mais, en contrepartie, elle est plus lourde.

J'ai consulté tous les présidents de commissions, de groupes, les collègues ultramarins, notamment le vice-président Thani Mohamed Soilihi, ici présent, à qui cette solution convient.

La loi dite de confiance nous impose cette modification, mais cela ne change pas le fait que nous restions maîtres des règles qui nous sont applicables.

Une innovation toutefois : nous créons le registre des déports, qui permet d'exprimer l'exigence à laquelle vous répondez lorsque, chers collègues, vous vous abstenez de vous prononcer sur un sujet dont vous auriez eu à connaître et susceptible de créer un conflit d'intérêts.

J'en ai entendu, qui s'inquiètent : médecin, devrais-je m'abstenir de voter sur les sujets sanitaires ? Avocat, puis-je me prononcer sur la justice ? Expert-comptable, dois-je me taire lorsqu'il s'agit du plan comptable général ?

Certes non ! Nous nous priverions de votre expertise, acquise tout au long de vos carrières professionnelles, ce qui serait hautement dommageable !

Non, il s'agit seulement de prendre en compte des intérêts tout à fait spécifiques et individualisés, ce que vous faîtes naturellement en conscience, afin d'éviter que les sénateurs qui se seraient déportés et seraient ainsi absents à une séance de commission ou à un vote solennel, ne soient pas sanctionnés pour absence injustifiée.

(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, Les Indépendants et LaREM ; MM. Éric Jeansannetas et Alain Duran applaudissent aussi.)

M. Alain Richard .  - Nous sommes amenés à recaler le système de sanction financière à la suite de la suppression de l'IRFM sur laquelle il était assis. Le président Bas l'a bien expliqué. Ce système est largement virtuel, puisque la grande majorité d'entre nous respectent les obligations de présence. Nous sommes nombreux toutefois à être impatients de tenter ce système de contrôle pour nous rassurer sur le fait que nous remplissions bien nos obligations, somme toute, très légères et superficielles.

Nos obligations déontologiques seront néanmoins précisées. Les cas de consultations du Comité de déontologie sont clarifiés. Celui-ci devra répondre à toute demande faite par le Bureau, réponse qui sera rendue publique. Ce ne sera pas le cas si la requête est personnelle ou relative à un cas individuel.

Le Règlement est aussi équilibré sur la prévention des conflits d'intérêts avec le système de déport et le registre, ainsi qu'avec la déclaration des cadeaux personnels - les règles ne changent pas fondamentalement.

Je regrette seulement que les invitations à des manifestations sportives ou culturelles de prix élevés fassent toujours partie des dérogations. Elles peuvent en effet constituer un avantage de même nature qu'un objet décoratif par exemple et dont nous devrions justifier de même.

Les travaux du Bureau, du Comité et de la commission des lois ont abouti à des conclusions consensuelles que nous avons toutes raisons d'approuver. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Mme Éliane Assassi .  - En abordant la question de la déontologie des sénatrices et sénateurs, nous sommes évidemment écoutés, scrutés et attendus. Ce texte, présenté par le président du Sénat et modifié à la marge par notre commission des lois, est issu de la loi dite de moralisation de la vie politique promulguée le 15 septembre dernier.

Notre peuple ne fait plus guère confiance aux responsables politiques ; seuls les élus locaux, parce qu'ils sont proches de la population, échappent encore un peu à la vindicte populaire.

Nos concitoyens et concitoyennes attendent d'abord des réponses concrètes en termes de travail, de logement, d'éducation, de santé. Mais à chaque fois qu'ils élisent un président de la République, le même scénario se reproduit : la déception.

Le président de la République surfe sur leur mécontentement pour s'attaquer au Parlement, institution où s'exprime encore le pluralisme politique, où le débat républicain se mène. Aboutissement d'un calcul ancien et machiavélique...

Comment ne pas percevoir qu'Emmanuel Macron profite de l'occasion pour établir un système, que certains qualifieraient de « post-démocratique », adapté à la mondialisation économique où les intérêts privés l'emportent sur l'intérêt général de notre société. L'argent, valeur dominante, s'est introduit partout en politique. Cette intrusion n'est pas suffisamment combattue au fond.

Les lobbies sont actifs. Ce texte tente d'y porter remède. Mais plutôt que de lutter en amont, il parie sur la régulation des conflits d'intérêts en aval. Le déport n'est pas un rejet du conflit d'intérêts en soi, mais son institutionnalisation, par déplacement, par intermittence, emportant des mandats à trous, au hasard des déports déclarés par les intéressés eux-mêmes au cours d'un même mandat... Les électrices et électeurs ne devraient-ils pas être informés de l'incapacité d'un candidat à exercer la totalité de son mandat en raison de ses liens avec des intérêts privés dès avant l'élection ?

Nous déposerons deux amendements sur ce point.

Le système de contrôle de l'assiduité issu de la réforme du 15 septembre 2017 a produit quelques effets positifs, j'en conviens et d'autant plus sereinement que notre groupe a toujours été caractérisé par une forte assiduité, et je regrette que cette proposition de résolution l'allège...

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Pas exactement.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Éliane Assassi.  - J'y viens ! (Exclamations à droite) Nous ne voterons pas ce texte ; il est probable que nous nous abstenions.

M. François Bonhomme.  - C'est la grève du vote !

Mme Sophie Joissains .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le 3 août 2017, le Parlement a adopté les projets de loi ordinaire et organique pour la confiance dans la vie politique, après de très longs débats. La loi s'imposant à nous, il nous revient de l'intégrer dans notre Règlement. Le Sénat avait pris les devants : les conflits d'intérêts sont déjà définis dans l'Instruction générale du Bureau.

Dès le 14 décembre 2017, notre président de groupe, Hervé Marseille, avait attiré l'attention du Sénat sur le fait que les sanctions pour absentéisme, assises sur l'IRFM, étaient amenées à disparaître au 1er janvier 2018, faute de base légale. Vide juridique sans conséquence, car, heureusement, le Bureau n'a pas eu à connaître de telles absences, mais il fallait en tenir compte.

Le texte adopte donc ce mécanisme.

Il crée aussi un registre des déports. En cas de doute, nos collègues doivent avoir le réflexe de consulter le Comité de déontologie du Sénat.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Très juste !

Mme Sophie Joissains.  - Il est en effet proposé de conserver à ce Comité de déontologie parlementaire et au Bureau du Sénat leurs rôles respectifs, prévus actuellement par l'Instruction générale du Bureau (IGB).

La proposition de résolution introduit trois niveaux de gradation.

Le comité pourrait être saisi par le Bureau ou le président du Sénat d'une question relative à la déontologie sénatoriale à laquelle il serait répondu par un avis public. Le comité pourrait être saisi par le Bureau ou le président du Sénat sur la situation personnelle d'un sénateur au regard des règles déontologiques. L'avis apporté serait alors confidentiel et assorti de recommandations.

Le comité pourrait être saisi par un sénateur d'une demande de conseil déontologique sur sa situation personnelle. Il lui serait alors répondu par un conseil confidentiel.

Je salue la qualité du travail du président-rapporteur, qui a amélioré le texte sur plusieurs points essentiels. Le groupe UC votera en faveur de cette proposition (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; MM. Martin Lévrier et Philippe Bas, rapporteur, applaudissent aussi.)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - Depuis trente ans, notre vie publique est rythmée par des évolutions. Depuis la loi de 1988, le Parlement est appelé tous les deux ou trois ans à encadrer le financement de la vie politique, les campagnes électorales, les rapports entre l'argent et la politique : en 1988, sous le gouvernement Chirac ; 1990, sous le gouvernement Rocard ; 1995, avec Philippe Séguin. Souvent, il s'agissait de scandales auxquels les parlementaires ont su réagir.

Après une nouvelle loi, fin 2017, elle aussi faite en réaction à des difficultés apparues quelques mois auparavant, nous devons adapter les règles qui régissent les liens entre les parlementaires et l'argent.

Le président Bas l'a dit, il faut s'adapter à la fin de cette « fameuse » IRFM - je dis fameuse car pendant la campagne, chaque Français connaissait l'existence d'une chose appelée ainsi. Depuis, Julia - pour « Justification en Ligne des avances » - est devenue notre meilleure amie... (Sourires)

Nous avons bien avancé, approché un peu plus la solution du problème des conflits d'intérêts. Le groupe SOCR est favorable à cette proposition de résolution.

Nous allons bientôt examiner un texte, sur l'agriculture et l'alimentation, pour lequel, dit-on, à l'Assemblée nationale, les lobbies auraient été très actifs...Nous devons donc toujours être le plus vigilants possible sur les tentatives d'interférences des représentants d'intérêts avec le travail parlementaire, et peut-être faire progresser les règles sur les dons, cadeaux et invitations d'un montant élevé.

Nous avons su évoluer par le passé ; je reste confiante sur notre capacité à suivre ce chemin qui ne me semble pas terminé, pour que nos compatriotes cessent de penser que nous ne remplissons pas nos fonctions de la manière la plus digne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et UC ; Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Alain Marc .  - Cette proposition, issue des lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017, actualise notre Règlement, sans bouleverser les règles déjà applicables aux sénateurs.

La suppression de l'IRFM exige de revoir le mécanisme de retenue financière automatique en cas d'absences répétées d'un sénateur. Des dispositions déontologiques concernant les conflits d'intérêts doivent être prévues dans le Règlement, alors qu'elles existent aujourd'hui dans l'IGB : obligation de déclarer les invitations, cadeaux, dons et avantages en nature, la composition du Comité de déontologie et la procédure de prévention et de traitement des conflits d'intérêts.

La proposition de résolution crée enfin un registre des déports. La commission des lois et son président-rapporteur dont je salue le travail (M. Philippe Bas, rapporteur, remercie.) l'ont bien exposé : au-delà des niveaux de retenue automatique, le Bureau pourra prononcer des sanctions en cas d'absences réitérées, pendant deux trimestres, outre la retenue de la moitié ou de la totalité de l'indemnité de fonction, celle d'un tiers de l'indemnité parlementaire ou - dans le cas de censure avec exclusion temporaire - des deux tiers de celle-ci pendant six mois.

Reprenant une proposition du comité de déontologie parlementaire, la commission a également prévu que le Bureau devait pouvoir prononcer, en matière déontologique, non seulement des censures, mais également des rappels à l'ordre, afin de traiter des manquements déontologiques mineurs. Le rappel à l'ordre et le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal sont dépourvus d'incidence financière, mais ils seraient rendus publics, comme c'est le principe pour toute sanction disciplinaire en matière déontologique.

La commission a clarifié le régime de publicité des décisions du Bureau en permettant d'éclairer les sénateurs sur la base d'avis rendus sur des cas concrets, sans pour autant mettre en danger le principe de confidentialité.

La commission a créé le registre des déports et renforcé le contradictoire dans la procédure de contrôle par le Bureau de la situation déontologique d'un sénateur.

Le groupe Les Indépendants se félicite de ce texte et le votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes les Indépendants, UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Mireille Jouve .  - Cette proposition de résolution est rendue nécessaire par les changements apportés par les lois ordinaire et organique de 2017 sur la vie politique, 32e et 33e textes sur le sujet depuis 1985.

Ces textes, issus d'une campagne électorale erratique, nous avaient laissés perplexes. Ne sont-ils pas la source d'une nouvelle suspicion ?

Ironie du sort, le garde des Sceaux, auteur de ces textes, aura été la première victime de la « crise de confiance » qu'il entendait combattre, emporté par son souffle avant de pouvoir les défendre devant la Représentation nationale...

Mme Françoise Laborde.  - Tout à fait !

M. François Pillet.  - Excellent rappel !

Mme Mireille Jouve.  - Notre groupe, sourd aux sirènes sondagières, a toujours dit au Gouvernement qu'il désapprouvait la suppression de la réserve parlementaire, qu'on nous présentait comme opaque et automatique - alors que chacun sait qu'il n'en n'était rien et qu'elle était essentielle pour de petites collectivités et pour certaines associations, celles qui représentent les anciens combattants en particulier.

De toutes les institutions républicaines, notre Haute Assemblée est sans doute une de celles qui véhiculent le plus de représentations que j'estime faussées.

Le Sénat a institué, sans publicité tonitruante et dès 2009, deux années avant la création de la fonction de déontologue à l'Assemblée nationale, un Comité de déontologie parlementaire. Notre Haute Assemblée sanctionne également plus lourdement que la chambre basse l'absentéisme de ses membres.

Le Sénat a su résister à la vague « dégagiste » de l'an passé. Pourquoi ? Parce que nous avons des liens forts avec les élus locaux, qui connaissent la réalité de la charge d'un mandat et qui voient dans les sénateurs des pairs, dévoués au bien public ; d'où l'importance de la proximité dans la confiance. Or la confiance résiste surtout dans l'institution communale - souvenons-nous en lorsque nous la mettons en danger !

Le Sénat, attaché à son indépendance, ne travaille sous aucune pression d'aucune sorte. Il poursuit aujourd'hui sa route.

Notre groupe salue les nouvelles dispositions introduites - et nous nous félicitons de l'introduction, parmi les principes déontologiques applicables, de la notion de « respect de la laïcité » dans le cadre de l'exercice du mandat de sénateur. Soucieux de l'égalité entre femmes et hommes, nous proposerons un amendement pour assouplir les contraintes pour les sénateurs voulant faire valoir leur congé paternité. Sans parler de présomption de culpabilité, les élus ne veulent pas, en ceignant l'écharpe tricolore, être déguisés en pigeons d'argile.

M. Claude Kern.  - Très bien !

Mme Mireille Jouve.  - Michel Audiard le disait bien : « La justice, c'est comme la Sainte-Vierge ; si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s'installe ». (Sourires) Ce qui mine la confiance, c'est surtout la maigre capacité à faire bouger les lignes, alors que les inégalités s'accroissent.

Les membres du RDSE, dans leur diversité, se prononceront en conscience à l'issue de nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC, SOCR et CRCE)

M. Jérôme Bascher .  - Cette proposition de résolution renforce l'image du Sénat, sans journaliste en tribune pour le rapporter - alors que, pendant ce temps, à l'Assemblée nationale, notre collègue député Philippe Vigier se voit refuser des informations sur le fonctionnement de l'Assemblée nationale.

Ici, les textes sont réfléchis. Les sanctions sur l'absentéisme en sont la preuve. Or combien de lois sont votées sans qu'elles n'aient de conséquences ?

Nolens volens, nous allons vers plus de transparence - les réseaux sociaux et les lanceurs d'alerte nous y contraignent.

L'excellente innovation du registre des déports le montre : nous devons, en notre âme et conscience, déclarer les conflits d'intérêts éventuels.

Madame Assassi, comment déclarer avant son élection les possibles conflits d'intérêts ? Un membre de votre famille peut soudain accéder aux responsabilités et déclencher ce conflit d'intérêts...

Mme Éliane Assassi.  - Vous n'avez pas compris mon propos.

M. Jérôme Bascher.  - Pour ma part, je ne suis pas concerné. Mais je le dis avec force : je n'aurais pas voté la loi de confiance dans la vie publique, cette loi antiparlementaire.

Elle a été faite pour répondre à un cas particulier - bien connu. Est-ce dans notre habitude de procéder ainsi, de légiférer pour un cas particulier ? On adopte un texte pour un cas particulier, plutôt que de régler les problèmes cruciaux de la santé, de l'immigration : c'est se tromper d'urgence, tout en instillant de la défiance envers les parlementaires, les élus en général, soupçonnés de gagner beaucoup d'argent alors qu'ils sont taxés davantage.

Je défendrai toujours l'indépendance des parlementaires. N'allons pas trop loin - le flicage, comme dans la loi Sapin, où chacun doit savoir qui déjeune avec qui...

Les journalistes défendent leurs sources, ils ont raison ! Mais les sources des parlementaires ?

N'ayons pas peur de l'indépendance et du temps long. Ne cédons pas aux sirènes du temps médiatique. Le groupe Les Républicains votera cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Jean-Jacques Panunzi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Alors que nous nous apprêtons à transposer les dispositions de la loi du 15 septembre 2017, il nous faut nous pencher sur le sort des élus locaux. Selon la consultation du groupe de travail du Sénat sur le statut, 45 % des élus ne veulent pas se représenter : 27 % estiment que leur mandat leur prend trop de temps ; 13,4 % du fait des exigences de leurs concitoyens ; 12,7 % à cause du risque juridique et pénal...

La loi pour la confiance dans la vie publique, nous l'avons votée - je l'ai votée -, à 298 contre 5 ; mais elle a été une loi d'opinion, dont l'objectif était de rassurer l'opinion.

La proposition de résolution va dans le bon sens : le registre de déport est une garantie. La difficulté réside dans le fait que la procédure repose sur l'appréciation du parlementaire lui-même.

D'où l'intérêt de suivre avec précision l'ordre du jour pour exercer un déport en amont.

Mais la définition du conflit d'intérêts est elle-même à interroger. L'article 2 de la loi de 2013 en a proposé une, qui qualifie une interférence entre deux intérêts publics, et non pas seulement entre intérêt public et privé - elle ne concerne que les élus locaux et il faut que cette interférence ait été suffisante pour influencer ou paraître avoir influencé l'exercice indépendant et impartial du mandat.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Les parlementaires, eux, sont soumis à la loi du 15 septembre 2017, qui ne prévoit qu'un conflit entre intérêts public et privé - et l'appréciation de l'interférence est entre les mains du conseil déontologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Bizet, Sutour, Bonnecarrère et Gattolin, Mme Mélot et M. Menonville.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'alinéa 9, après les mots : « dont il est membre », sont insérés les mots : « , de la commission des affaires européennes » ;

M. Jean Bizet.  - Les membres de la commission des affaires européennes sont aussi membres d'une commission permanente. Il faut en tenir compte pour ajuster les règles d'absentéisme.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Karam, Patient et Théophile.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'alinéa 9, après le mot : « membre », sont insérés les mots : « ou de la délégation aux outre-mer » ;

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement va dans le même sens, mais pour les membres de la délégation aux outre-mer -  laquelle, par nature, doit effectuer des missions outre-mer.

Les travaux de la délégation outre-mer sur le foncier, le sucre ou les normes sont très utiles et ont contribué à faire évoluer la législation.

Or des déplacements sont parfois programmés avant que soit fixée la date des votes solennels.

Nous ne dépassons jamais les limites d'absence fixées par le Règlement, mais il est regrettable d'en afficher une pour un vote solennel de manière indépendante de sa volonté.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Michel Magras.  - Les outre-mer sont là où ils sont, ils n'ont pas choisi d'être au-delà de tous les océans...

Le DOM existe en outre au-delà du Règlement du Sénat puisque la loi sur l'égalité réelle a conservé son existence.

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Pascal Savoldelli.  - Comment consolider la légitimité du Parlement ? Les dispositions sur les conflits d'intérêts sont insuffisantes, il faut plutôt jouer sur les incompatibilités. Il est question ici d'appliquer la loi, soit. Reste que les règles de déport permettent de s'exonérer d'une présence obligatoire, sans traiter le mal à la racine et en donnant une forme de reconnaissance, voire d'avantage au conflit d'intérêts, puisqu'il justifie une absence.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il y a un malentendu. Qu'un maire ou n'importe quel élu ait des intérêts n'est pas en soi un signe d'infamie. C'est le signe qu'il a eu un métier ! (Marques d'approbation sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Nous ne sommes pas tous des spécialistes de la politique, nous exerçons un métier, une activité : cela crée des liens. Ce n'est là nul signe de turpitude, mais, simplement, ces liens impliquent qu'on s'abstienne de s'exprimer lorsqu'il y aurait conflit d'intérêts. Ces liens professionnels devraient-ils disqualifier le parlementaire de siéger ? Je ne le crois pas - et je pense, même, que nous divergeons sur la nature même de l'intérêt. Celui-ci n'est jamais bon ou mauvais en soi... Il faut récompenser, et non sanctionner, ceux qui ne veulent pas voter s'ils sont concernés personnellement. Avis défavorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Je dois avoir une difficulté de compréhension... Je n'ai pas compris votre argument.

Plusieurs voix sur les bancs des groupes UC et Les Républicains.  - Moi si !

M. Pascal Savoldelli.  - Quel rapport entre métier et Parlement ? La question posée est celle du conflit d'intérêts ! Le métier est hors sujet !

Mme Annick Billon et M. Claude Kern.  - Pas du tout !

M. Pascal Savoldelli.  - Il a fallu attendre 2004 pour que l'OCDE se penche sur les conflits d'intérêts privés, après n'avoir reconnu que les conflits d'intérêts publics. J'ai entendu tout à l'heure dire que l'abstention de notre groupe équivalait à une grève... Les cheminots, quand ils font grève, ils paient !

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Collin, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guillaume, Labbé, Menonville et Requier.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'alinéa 10, après le mot : « maternité », sont insérés les mots : « , d'une paternité » ;

Mme Mireille Jouve.  - Le présent amendement étend la dérogation aux règles de présence applicable aux sénatrices en maternité aux sénateurs qui deviennent pères : c'est évoluer avec les pratiques sociales.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement a suscité un tel élan de sympathie en commission que je regrette de devoir lui donner un avis défavorable. (Le groupe RDSE le regrette.)

Nous ne sommes pas des salariés. Nous ne sommes pas soumis au code du travail, ni au code de la sécurité sociale. Il n'y a pas plus de congé prévu pour les sénatrices que pour les sénateurs. Je vous rassure toutefois : celles qui donneront la vie dans les années à venir ne seront pas sanctionnées pour leur absence, ni même lorsqu'elles doivent quitter notre hémicycle pour allaiter ! Quant aux pères de famille, gageons qu'ils trouveront à s'organiser sans avoir à sécher les réunions de commission ou les questions d'actualité. Un amendement attendrissant, toutefois. (On s'en amuse sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Nous avons eu un débat vif en commission et je veux défendre à nouveau cet amendement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Par démagogie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Je ne me serais pas permis une telle qualification... Je retrouve la même réaction ironique sur certains bancs qu'en commission. En reconnaissant aux femmes un congé maternité, on a reconnu que l'état des femmes après un accouchement rendait ce congé nécessaire... Je signale que ce congé est chez nombre de nos voisins beaucoup plus long qu'en France. Il en va de même pour le congé parental. La condescendance de certains est de mauvais aloi : rien dans notre Règlement ne fait obstacle, non à appliquer le droit du travail, mais à reconnaître un état : l'amendement ne parle pas de congé de maternité ni de paternité, mais bien de la reconnaissance de ces états.

Le groupe SOCR espère que notre assemblée s'honorera à reconnaître un nouveau droit.

Mme Mireille Jouve.  - Le Règlement du Sénat fait en effet référence à la maternité. Pourquoi ne pas faire référence à la paternité ou à la parentalité ? Je suis déçue que mon geste pour nos collègues masculins soit rejeté...

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 11.  -  Le Sénat prononce l'une des peines disciplinaires de censure prévues à l'article 99 ter en cas d'absences donnant lieu à l'application de la retenue mentionnée à l'alinéa 8 du présent article au cours de deux trimestres de la même session. »

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté, de même que l'article 3.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  Lorsqu'un sénateur demande plus de deux déports lors d'une délibération ou d'un vote dans le même mois ou trois dans le même trimestre, il est entendu par le Bureau du Sénat. Cette audition est annoncée publiquement.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté, de même que l'article 5.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Karam, Patient et Théophile.

Alinéa 3

Après le mot :

sportives

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

sur le territoire national.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement étend aux sénateurs ultramarins le régime des dérogations à l'obligation de déclaration des invitations aux manifestations sportives.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3

1° Dernière phrase

Avant le mot :

vice-président

insérer le mot :

premier

2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Une seconde vice-présidence est confiée à un représentant ou une représentante des autres groupes. La durée de cette présidence est adaptée lors de chaque renouvellement du Sénat pour permettre à l'ensemble des groupes d'y accéder un temps donné.

M. Pascal Savoldelli.  - Tous les groupes doivent être pleinement associés au Comité de déontologie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le Comité n'a pas besoin que l'organisme crée un nouveau poste pour qu'il soit efficace. Avis défavorable.

L'amendement n°8 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le comité de déontologie peut également se saisir des questions évoquées dans cet alinéa.

M. Pascal Savoldelli.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bas, au nom de la commission.

Après l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le 5° de l'alinéa 1 de l'article 95 est abrogé.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Amendement de coordination.

L'amendement n°10 est adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

L'article 10 est adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.

Explication de vote

Mme Françoise Laborde .  - Mireille Jouve m'avait dit que notre vote dépendrait du sort de nos amendements. Nous sommes raisonnables bien que notre amendement n'ait pas été adopté. Le groupe RDSE votera cette proposition de résolution.

Vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, je trouvais intéressant que nous nous occupions un peu des hommes. (Sourires et applaudissements)

M. Jean-Pierre Grand.  - Un vieux parti raisonnable !

La proposition de résolution est adoptée.

M. le président.  - À l'unanimité ! En application de l'article 61 de la Constitution, cette proposition de résolution sera soumise au Conseil constitutionnel.

Prochaine séance demain, jeudi 7 juin 2018, à 15 heures.

La séance est levée à 22 h 30.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus