Défibrillateur cardiaque

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au défibrillateur cardiaque.

Discussion générale

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Chaque année, 40 à 50 000 personnes sont victimes d'une mort subite, souvent par infarctus, faute d'avoir bénéficié au bon moment de l'intervention d'une personne qui aurait pu leur sauver la vie en pratiquant les gestes de premiers secours et en relançant le coeur par un choc électrique ou défibrillation le temps que les secours médicaux interviennent.

Chacun d'entre nous peut un jour sauver une vie ou éviter à une personne de lourdes séquelles. La formation aux gestes élémentaires de premiers secours est une priorité du Gouvernement. Si des efforts ont été réalisés, seulement 20 % de la population en a suivi une. Le président de la République a fixé pour objectif de rattraper nos voisins allemands et autrichiens, soit 80 % de personnes formées, dans le programme national de santé publique. Le travail interministériel en cours, piloté par l'Intérieur, en définira les modalités d'application. Une attention particulière sera apportée à la formation des jeunes : dans le premier degré, les élèves apprendront « à porter secours » ; en classe de sixième, « les gestes qui sauvent » ; en classe de troisième, ils suivront la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 » (PSC 1) ; dans l'enseignement supérieur, seront organisés un rattrapage des étudiants non formés au PCS 1 et la mise à jour des connaissances de ceux déjà formés.

L'arrêté du 30 juin 2017, cosigné par les ministres de l'intérieur et de la santé, a institué une sensibilisation aux gestes qui sauvent. Le cadre réglementaire est renforcé, le nombre de personnes formées augmente ; il faut dynamiser les initiatives.

Le décret du 4 mai 2007 a déclaré toute personne apte à utiliser un défibrillateur automatisé externe (DAE). Il convient désormais d'en généraliser l'installation dans les établissements recevant du public (ERP) ; l'Académie de médecine en a souligné l'intérêt dans les lieux de passage tels que les gares et les centres commerciaux et les lieux à risque comme les équipements sportifs. L'utilisation du DAE au cours des premières minutes peut porter le taux de survie à 85 %. Il est de 3 à 5 % si rien n'est fait. À l'installation se joint logiquement une obligation de maintenance. Enfin, il convient de mettre en place une base de données permettant la géolocalisation de tous les DAE. Elle doit être accessible aux services de secours mais aussi aux opérateurs publics et privés.

Cette proposition de loi sauvera des centaines de vies. Grâce à elle, la France rattrapera enfin son retard. Je la soutiens pleinement, elle devrait logiquement fédérer tous les élus. (Applaudissements)

M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - En France, le taux de survie après un arrêt cardiaque est de 8 %. Dans notre pays, la ministre l'a rappelé, 40 000 à 50 000 personnes meurent chaque année d'un arrêt cardiaque. Ces décès ne sont pas une fatalité : les travaux scientifiques concluent unanimement que les taux de survie peuvent atteindre 70 à 85 % dès lors qu'une défibrillation est pratiquée dans les deux premières minutes après l'arrêt cardiaque.

La prise en charge des victimes est une lutte contre le temps. Chaque minute perdue représente 10 % de chances de survie en moins, celles-ci devenant pratiquement nulles après dix minutes. La mobilisation des témoins d'une scène d'arrêt cardiaque, le recours au massage cardiaque ainsi que la présence de dispositifs publics de défibrillation constituent des enjeux cruciaux pour le bon fonctionnement de la chaîne de survie quand le SAMU intervient, en moyenne, en dix à quinze minutes. Une étude américaine réalisée dans les années 2000 dans les casinos de Las Vegas a démontré que l'accès à des défibrillateurs permet d'atteindre un taux de survie de 74 %.

Les pouvoirs publics français ne sont pas restés inactifs. Depuis un décret de 2007, l'utilisation des défibrillateurs automatisés externes est ouverte au grand public. Le caractère automatisé des DAE en fait des équipements facilement utilisables par le grand public.

Un arrêté de 2009 a prévu une initiation du grand public à l'utilisation des DAE. L'enjeu demeure cependant d'assurer le passage de ces évolutions dans les pratiques citoyennes. L'insuffisante sensibilisation du grand public aux gestes de premier secours est incontestable, seulement 20 % de la population française a suivi une formation aux gestes de premiers secours. L'implantation de DAE dans les établissements publics et privés repose sur le volontariat ; notre territoire compterait, selon les estimations, 160 000 à 180 000 défibrillateurs en accès public. Si l'obligation de maintenance est le principe, sa mise en oeuvre est rendue difficile par la complexité de leur chaîne de distribution et d'exploitation, sans parler des dégradations dont ils sont souvent la cible.

À l'absence d'obligation d'équipement s'ajoute une absence d'obligation de référencement des appareils implantés. Les témoins d'arrêt cardiaque doivent pouvoir localiser rapidement un défibrillateur fonctionnel. Cette situation est d'autant plus absurde que la plupart de nos concitoyens disposent de smartphones dont la fonction de géolocalisation pourrait sauver des vies. Face à la carence de l'action publique, l'Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs (Arlod), créée en 2008, a mis en place une base de données en ligne mais elle n'est pas exhaustive. Les représentants d'applications mobiles proposent, outre la localisation des défibrillateurs, la géolocalisation de « bons Samaritains » susceptibles de porter assistance à la victime. Leur intervention soulève des problèmes éthiques et juridiques, notamment en termes de responsabilité, qui nécessitent des évolutions réglementaires.

Cette proposition de loi, issue des travaux communs de l'Assemblée nationale et du Sénat, crée, en son article 3, une obligation d'équipement en DAE dans des ERP qui seront définis par décret en Conseil d'État. Quel sera le périmètre des ERP retenu dans le décret en Conseil d'État ? Si la ministre a donné des indications dans son discours, aucune orientation générale n'est donnée dans le texte. Certains lieux où le risque de survenue d'arrêts cardiaques est fort devront impérativement figurer dans la liste : piscines et enceintes sportives, notamment.

Le coût de mise en place est relativement limité au regard du gain potentiel en termes de vies sauvées : il faudrait compter 1 000 à 1 500 euros pour l'acquisition d'un défibrillateur neuf, et 120 euros par an pour en assurer la maintenance. Selon l'assemblée des départements de France et l'association des maires de France, les élus locaux s'inquiètent surtout du nombre d'équipements à installer et de leur lieu d'implantation. Le décret devra ménager des marges de souplesse afin qu'ils puissent appliquer l'obligation selon la configuration de leur territoire.

L'article 3 bis prévoit une base de données nationale ; elle devra, la ministre l'a signalé, être interconnectée avec les logiciels des SAMU et des SDIS.

Je tiens à saluer l'action et la détermination de nos collègues parlementaires du Nord, Jean-Pierre Decool - alors député - et Alex Türk, qui se sont engagés depuis plusieurs années pour faire aboutir ce texte. Ils ont consacré la majeure partie de leur réserve parlementaire à l'équipement en défibrillateurs cardiaques des établissements de leur département, qui en compte plus de 4 000. Je remercie aussi le président Milon de m'avoir confié ce rapport et souhaite que le Sénat adopte ce texte sans modification. Tout doit être fait pour encourager la citoyenneté et la solidarité dans des situations d'urgence. (Applaudissements)

M. Ronan Dantec .  - En Loire-Atlantique, dans une petite commune, peu importe laquelle, un adolescent de 16 ans, qui se livrait à sa passion du football, a fait un malaise cardiaque sur un terrain. Il y avait un défibrillateur mais il n'a pas fonctionné et le jeune est mort. Rien ne dit que le DAE lui aurait sauvé la vie, bien sûr, mais cette circonstance a ajouté à la douleur de ses parents et à l'émotion du maire, dont le sérieux ne peut pas être mis en doute.

Cette proposition de loi répond à une attente. L'intérêt du DAE dans les ERP et les enceintes sportives n'est plus à démontrer. Plus l'intervention est rapide, plus le risque de séquelles est faible.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Bien sûr !

M. Ronan Dantec.  - En Loire-Atlantique, 740 DAE sont recensés, pour 22 230 ERP ; l'effort à consentir est considérable. L'article 40 nous empêche de prévoir son financement par l'Etat mais ce sujet ne peut pas être passé sous silence.

L'enjeu de la formation aux gestes de premiers secours, Madame la Ministre, est crucial. Si le décès subit d'un sportif de haut niveau fait la une des journaux, le risque d'un arrêt cardiaque est plus élevé chez les pratiquants d'un sport de loisir, ces sportifs du dimanche et tous ces enfants souvent encadrés par des parents bénévoles. Combien parmi ces accompagnants savent utiliser un DAE ? Combien connaissent seulement le protocole à suivre en cas d'accident ? Notre pays accuse un retard considérable dans la formation aux premiers secours. Et, je veux y insister, pouvoir sauver des vies renforcera le sentiment de citoyenneté, chacun se sentant plus responsable de l'autre. Dans le rapport de la mission de préfiguration, Patrick Pelloux et Éric Faure soulignent que moins de 27 % des Français sont formés. Le Gouvernement prévoit de former 80 % de la population à l'aide et aux premiers secours mais il reste des interrogations. Comment se déroulera la formation dans les écoles ? Comment seront formés les bénévoles ?

Le groupe RDSE votera ce texte qui aurait pu être enrichi mais qu'il convient d'adopter conforme pour une entrée en vigueur la plus rapide possible. (Applaudissements)

Mme Brigitte Micouleau .  - Chaque année, l'équivalent de la population d'Albi ou de Charleville-Mézières meurt d'un infarctus ; c'est douze fois plus de morts que sur les routes en 2017. Pour une large part, ces décès sont évitables grâce à l'utilisation d'un défibrillateur dans les premières minutes suivant l'arrêt. Certes, chacun est apte à utiliser un DAE depuis 2007 mais notre territoire est insuffisamment équipé en dépit des initiatives publiques et privées. À noter : les TGV Lyria sont systématiquement équipés d'un défibrillateur dans la voiture-bar, signalé dans chacune des voitures.

Obligation d'équipement dans les ERP, création d'une base de données nationale, tout cela va dans le bon sens. Cela étant, chacun connaît cette phrase de Confucius : « quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ».

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

Mme Brigitte Micouleau.  - Il en est ainsi du DAE : il faut diffuser les techniques d'utilisation des DAE, comme on l'a fait pour les extincteurs, si l'on veut que leur usage passe dans la pratique. La formation devrait être obligatoire, dans le monde scolaire comme professionnel. (Applaudissements)

Mme Patricia Schillinger .  - Notre débat porte sur une question de minutes, des minutes qui permettent de sauver des vies menacées par un arrêt cardiaque. À ce jour, la France compte environ 150 000 DAE, dont le déploiement ne repose que sur la bonne volonté des exploitants et dont la localisation est aléatoire malgré l'action remarquable d'associations telles qu'Ajila et son application gratuite « Staying alive ».

Ce texte doit beaucoup à Jean-Pierre Decool. Grâce à lui, les ERP, dont la liste sera précisée par décret, seront obligés de se munir et d'entretenir des DAE. L'un des seuls avantages que je vois dans le retard que la France accuse est que nous pourrons d'emblée passer aux DEA connectés. Grâce à cette technologie, l'on peut surveiller à distance et à tout moment l'état de fonctionnement du défibrillateur. Plusieurs options de connexions existent, dont des modules autonomes de surveillance placés sur le support ou dans la sacoche de l'appareil. Les défibrillateurs non connectés pourront ainsi l'être. De grâce, légiférons pour le XXIe siècle tout en prenant garde aux démarcheurs peu scrupuleux qui cherchent à tirer profit d'une obligation nouvelle.

La base de données sera ouverte : il faut s'en féliciter, les associations pionnières qui ont développé des applications de géolocalisation pourront réactualiser leurs données.

Je veux enfin insister sur un point absent de ce texte : la nécessité de la formation aux gestes qui sauvent. C'est l'objet de l'arrêté du 30 juin 2017 et de l'objectif de 80 % de Français formés fixé par le président de la République. De l'avis de tous les spécialistes, l'école doit être le premier lieu de cette sensibilisation - ce sera l'objet d'un amendement d'appel de ma part.

Le groupe LaREM soutient ce texte utile. (Applaudissements)

Mme Laurence Cohen .  - Rares sont les propositions de loi qui font consensus à l'Assemblée nationale et au Sénat, comme sur tous les bancs de chaque hémicycle. Que Jean-Pierre Decool en soit remercié.

Ce texte part d'un constat à la fois simple et effrayant : une grande part des 40 à 50 000 décès annuels par arrêt cardiaque pourrait être évitée au moyen d'un DAE, qui fait passer le taux de survie de 8 à 75 %. Plusieurs raisons expliquent leur sous-utilisation en France : défaut d'équipement, de maintenance et de localisation... Ce texte y remédie ; nous serons attentifs à ce que le décret en Conseil d'État garantisse l'équilibre de la répartition des défibrillateurs sur le territoire et leur maintenance.

Alors que les collectivités territoriales sont au bord de l'asphyxie budgétaire, le Gouvernement nous rassurerait en annonçant qu'il finance le déploiement des DAE.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - En effet !

M. Philippe Dallier.  - On peut toujours espérer...

Mme Laurence Cohen.  - Si l'utilisation de ces appareils est assez simple, qui peut se dire confiant à l'idée de s'en servir pour la première fois ? Le palais du Luxembourg en est équipé... Comment le Gouvernement entend-il concrètement renforcer la formation ? Seuls 50 % des élèves de troisième sont formés et seulement 20 % de la population.

Il faut laisser à chacun le temps de se conformer à cette nouvelle obligation sans la renvoyer aux calendes grecques, certes. La date limite d'installation du 1er janvier 2020 est-elle réaliste ?

Enfin, le groupe CRCE est satisfait de la suppression de l'article premier : inutile d'aggraver les sanctions en cas de dégradation ou de vol d'un défibrillateur. Ces incivilités reculeront lorsque chacun aura pris conscience, par la formation, de l'utilité de ces appareils.

Nous voterons ce texte en demeurant attentifs au contenu du décret et au calendrier d'application. (Applaudissements)

Mme Dominique Vérien .  - Huit minutes pour vous exposer l'avis du groupe UC sur ce texte, c'est la durée moyenne d'intervention des services d'urgence hospitaliers.

L'excellent rapport de Daniel Chasseing ne laisse aucun doute sur le bien-fondé de cette proposition de loi. Les chiffres ont été rappelés : les décès évitables, et l'on ne dira jamais assez combien cette expression est incongrue, sont trop nombreux dans notre pays. Près de 70 à 80 % des arrêts cardiaques inopinés découlent d'une fibrillation ventriculaire, réversible au moyen d'un DAE. La personne dotée d'un tel appareil n'a qu'à se laisser guider par ses instructions, ce qui donne aux secours le temps d'arriver.

Si 160 000 à 180 000 DAE sont déjà déployés, le grand public n'est pas suffisamment sensibilisé. Un travail considérable de formation est à accomplir, entre autres dans nos écoles, quand près de 70 % des arrêts surviennent devant témoin et que moins de 20 % des témoins seulement entreprennent une réanimation.

Je remercie les auteurs de cette proposition de loi pour avoir déposé et soutenu ce texte. Symboliquement, je m'utiliserai que cinq minutes de mon temps de parole, délai qui peut, au moyen d'un DAE, sauver une vie. (Applaudissements)

Mme Victoire Jasmin .  - Merci d'abord à Jean-Pierre Decool et Daniel Chasseing pour leur travail majeur sur ce sujet consensuel. Il fait suite aux efforts d'Alex Türk et Sylvie Desmarescaux, tous deux sénateurs du Nord, qui avaient consacré leur réserve parlementaire...

M. Charles Revet.  - Il n'y en a plus !

Mme Victoire Jasmin.  - ... à l'équipement de leur territoire en DAE.

Il faut en moyenne entre dix et quinze minutes pour voir arriver les services d'urgence. La proximité d'un DAE est donc essentielle pour faire passer le taux de survie des personnes victimes d'arrêt cardiaque de 8 % actuellement à plus de 85 %, comme les études l'estiment possible.

La meilleure prévention réside dans la formation. Hélas, 20 % de la population et seuls 50 % des élèves de troisième ont suivi une formation adéquate. Les nouvelles technologies peuvent pourtant aider à former nos jeunes à faible coût ainsi que des référents sécurité dans nos collectivités territoriales. Les DAE sont faciles à manier : un décret du 4 mai 2007 considère que toute personne est apte à les manier, même sans aucune formation. Un arrêté de 2009 prévoyait déjà une initiation du grand public à leur maniement en une heure : pourquoi s'en prive-t-on ?

Ce texte oblige les établissements recevant du public à se doter de DAE et à en assurer la maintenance. Il faudra veiller à leur bon déploiement là où c'est utile : aéroport, lieux de culte, salles de spectacle, discothèques, enceintes sportives... Je rassure mes collègues : au Sénat, ils sont un peu partout !

Notre territoire compterait déjà entre 150 et 160 000 DAE en accès public ; reste à s'assurer de leur entretien et de leur caractère fonctionnel. Leur géolocalisation est une piste à exploiter comme l'action de certaines associations l'a montrée.

L'éligibilité des petites collectivités territoriales à la DETR pour se doter de ces appareils pourrait être utilement envisagée.

Cette proposition de loi, votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, est une avancée pour le plus grand nombre qui nécessite que nous la votions conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Pierre Decool .  - Je dois avouer être saisi d'une certaine émotion en évoquant la genèse de ce texte. Issu d'une coproduction avec Alex Türk, il avait été déposé initialement à l'Assemblée nationale.

L'homme n'a jamais accepté la fatalité de la mort. Eau glacée, flagellation des pieds, fer rouge appliqué sur le thorax... En 1788, Charles Kite a été le premier à faire le pari de l'électricité pour « ressusciter les morts » selon ses propres mots. Deux siècles plus tard, le premier défibrillateur automatique a fait son apparition, en 1994 ; la date restera dans l'Histoire.

En dépit de cela, le taux de survie reste faible en France : 8 % contre 74 % ailleurs. Le geste est pourtant simple. Vous ne savez pas ? Peu importe, vous agissez ; vous suivez les instructions, vous avez quatre à cinq minutes pour sauver une vie. Dès 2006, nous avons aidé à équiper de nombreuses communes du Nord en DAE : 4 000 appareils qui ont sauvé de nombreuses vies, dont quelques élus locaux. L'expérience, concluante, s'est propagée mais ces appareils restent trop peu nombreux. D'où ce texte que j'avais déposé lorsque j'étais encore député, voté le 13 octobre 2016 à l'Assemblée nationale.

Je remercie le rapporteur Chasseing et la commission présidée par Alain Milon pour encourager à le voter conforme. Obligation d'équipement, d'entretien, la tâche n'est cependant pas achevée. Restera à créer une base de données et à systématiser la formation à l'utilisation de ces appareils. Qu'attendons-nous ? Enfin, nous avons des DAE installés au Sénat ; mais savez-vous où ils se trouvent ? Avons-nous des agents formés à leur utilisation ? Ce texte permettra de sauver des vies ; c'est une urgence absolue ! (Applaudissements)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Sans prise en charge immédiate, plus de 80 % des arrêts cardiaques sont fatals. Résultat : 40 000 à 50 000 morts par an en France. Le déploiement du DAE, prévu par cette proposition de loi, est une solution. Chez nous, le taux de survie est de 5 %, alors qu'il est quatre fois plus élevé dans des pays mieux équipés. Depuis mai 2007, date à laquelle toute personne peut utiliser un DAE, le déploiement de ces appareils a fait l'objet de nombreuses initiatives.

Dans les Hautes-Alpes, avec le soutien du département, beaucoup de communes se sont équipées au titre de leur mission de sécurité publique. Certaines entreprises, aussi, équipent les lieux de travail et forment leurs salariés même si rien ne les y oblige.

Pour faire baisser le nombre de décès quotidiens, il faut respecter la chaîne de survie - appeler les secours, masser la victime, utiliser le défibrillateur - et sensibiliser dès le plus jeune âge. La formation est cruciale, aussi. Nous devons nous montrer plus volontaristes en la matière. Outre le milieu scolaire, des remises à niveau seraient nécessaires tout au long de notre parcours de citoyen et ces formations doivent être facilement accessibles voire gratuites.

La commission des affaires sociales est revenue sur l'aspect réglementaire de l'article 3 et a insisté sur la responsabilité des ERP. La maintenance a un coût. Quel sera le périmètre des ERP retenu par le décret en Conseil d'État ?

La création d'une base nationale de données va dans le bon sens, mais la cartographie doit être pertinente à l'échelle d'un bassin de vie.

Ce texte pose les bonnes questions, mais n'apporte pas forcément les meilleures réponses, alors qu'il s'agit de sauver des vies. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC et sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et SOCR)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Une forte demande émane des territoires. En 2007, c'est M. Bas qui avait autorisé le déploiement des DAE. Pourtant le taux de survie à un infarctus dans notre pays est plus faible que celui de nos voisins. Pourquoi le taux de survie est-il meilleur chez eux ? Nous devons recenser et géolocaliser les DAE déjà installés ; d'abord par les SAMU, qui est le premier interlocuteur en cas d'urgence. Cela ne coûtera presque rien. Puis, l'aspect psychologique doit être pris en compte. Face à un arrêt cardiaque, et il m'est arrivé d'y être confronté, l'on perd aisément ses moyens et ce qui paraît habituellement simple ne l'est plus forcément. D'où l'importance de la formation.

Merci au rapporteur pour son travail. Cette proposition de loi répond au besoin d'installation massive de DAE sur notre territoire et de développement de la formation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains ; M. Guillaume Arnell, Mme Victoire Jasmin, MMBernard Jomier et Daniel Chasseing applaudissent également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier demeure supprimé, de même que l'article 2.

ARTICLE 3

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Je suis très favorable, comme vous tous, à cette proposition de loi. Mais elle ne va pas assez loin. « Solidarité », « grande ambition » pour la santé des Français : oui, bien sûr, je partage ces objectifs, mais qu'en est-il au juste, Madame la Ministre, des 2,5 millions de Français expatriés ?

En 2009, j'avais posé au Gouvernement une question écrite sur l'installation de DAE dans certains consulats ou centres médico-sociaux à l'étranger. On m'a répondu que l'on n'en avait pas les moyens. C'est de la discrimination !

C'est pour y mettre fin que j'ai déposé un amendement, car il s'agit d'un enjeu humanitaire, de santé publique ; il en va aussi de l'image de la France. Après tout, les conditions de vie sont plus précaires en Afrique que chez nous !

L'article 3 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°6.

Cet amendement a été retiré avant séance.

M. Bernard Jomier.  - La base nationale de données fait l'unanimité. L'obligation d'équipement est toutefois renvoyée à un décret en Conseil d'État. Il nous paraît difficile que ce décret puisse prévoir toutes les situations possibles, car elles diffèrent considérablement entre l'urbain dense et le rural.

Mieux vaut renvoyer le plan d'équipement aux schémas régionaux de santé. De plus, l'obligation de maintenance ne résout pas la question du financement de celle-ci. Si l'État est prêt à payer, qu'il le dise !

M. Daniel Chasseing, rapporteur.  - Cet amendement soulève la question de l'implantation des DAE. Rien n'empêche les ARS, en collaboration avec les collectivités territoriales, d'élaborer un schéma directeur.

Pour le financement, la réserve parlementaire, reversée dans la DETR, pourrait y concourir.

M. Charles Revet.  - C'est à l'État de verser les sommes !

M. Daniel Chasseing, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Oui, les ARS sont là pour veiller au maillage du territoire. Et le décret prévoira le cas de chaque ERP, dont la moitié sont privés, telles les piscines, les entreprises, etc. et à même de financer cet équipement.

Quant à la formation, elle sera renforcée : c'est déjà prévu.

Mme Victoire Jasmin.  - Merci pour ces réponses. Si les pharmacies sont retenues, imposer aux pharmaciens des villages de financer le DAE serait extravagant. Pour un grand stade de football, c'est une autre affaire... Le texte est encore trop flou sur cette question. Pour faciliter son adoption conforme, je retire néanmoins cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et Les Républicains)

L'amendement n°6 est retiré.

ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Bansard et Frassa et Mme Renaud-Garabedian.

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

sur l'ensemble du territoire

insérer les mots :

et dans les structures françaises à l'étranger

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je comprends qu'il faut aller vite. Mais les DAE existent depuis trente ans ! Et aucune entreprise française n'en fabrique... Dommage ! Pour autant, les Français de l'étranger ne doivent pas en être privés. L'effort de solidarité nationale dont a parlé Mme la ministre les concerne aussi. Ils sont 2,5 millions ! Et il en va de l'image de la France et de son expertise médicale. (M. Jean-Noël Guérini approuve.)

Je remercie ceux de mes collègues qui me soutiennent dans ce combat. (MM. Jean-Noël Guérini et Jean-François Husson applaudissent.)

M. Daniel Chasseing, rapporteur.  - Vous défendez toujours avec fougue et talent les Français de l'étranger.

Mais, pour aller vite, nous devons adopter ce texte conforme. Cela dit, vous n'avez pas tort. Je pense que Mme la ministre vous aura entendue... Retrait ou avis défavorable.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Je vous rassure : les lycées français font partie des ERP et seront dans la liste. (MM. Claude Kern, Jean-François Husson et Mme Sylvie Goy-Chavent approuvent.)

Nous veillerons aussi à la formation des lycéens de ces établissements. Avis défavorable, donc.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Nos deux collègues Decool et Türk avaient alors utilisé la réserve parlementaire pour installer des DAE dans leurs communes. Certains sénateurs des Français de l'étranger auraient pu faire de même...

Une loi s'impose à tout le territoire national : la métropole, l'outre-mer et tous les ERP français à l'étranger ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Non, les lycées ne sont pas couverts, s'ils dépendent du droit local. Sans parler des centres médico-sociaux dépendant de nos consulats.

Quant à la réserve parlementaire, nos circonscriptions sont immenses, à l'échelle du monde, et les demandes sont énormes. Souvent, nous aidons de petites écoles qui n'auraient pas subsisté sinon. Si Mme la ministre me promet qu'un effort sera fait pour recenser les établissements concernés, je retirerai mon amendement.

Sinon, je le maintiendrai. On supprime tout pour les Français de l'étranger ! (Protestations sur de nombreux bancs) Certains souhaiteraient peut-être qu'on supprime aussi leurs représentants ! (Sourires et dénégations sur plusieurs bancs des groupes RDSE, Les Indépendants et Les Républicains)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Je vous le répète : tous les établissements concernés seront recensés.

Mme Patricia Schillinger.  - Très bien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je le retire, alors. (Applaudissements et marques de satisfaction sur divers bancs, dont ceux du groupe Les Indépendants)

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la publication de la présente loi, un rapport relatif à l'évaluation des dispositifs déployés, dans le cadre de la scolarité obligatoire, pour la sensibilisation des élèves à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que de l'apprentissage des gestes élémentaires de premier secours.

Mme Patricia Schillinger.  - C'est un amendement d'appel.

Les articles D. 312-40 à D. 312-42 du code de l'éducation prévoient, dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat, une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, une formation aux premiers secours ainsi qu'un enseignement des règles générales de sécurité. Si de nombreux efforts sont faits tant dans le premier que le second degré pour déployer l'enseignement « Apprendre à porter secours » (APS), la formation à la prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC 1) et la sensibilisation aux gestes qui sauvent, il demeure nécessaire de disposer d'une évaluation quantitative et qualitative par académie de ces dispositifs, ainsi que des moyens alloués.

Vous êtes sensible au handicap, Madame la Ministre. J'espère qu'il sera pris en compte dans le décret. Et nous pourrons nous appuyer sur les professeurs d'EPS pour renforcer cette persuasion.

M. Daniel Chasseing, rapporteur.  - Pour former 80 % de la population, il faut en effet commencer par le milieu scolaire. L'arrêté du 30 juin 2017 prévoit une formation en sixième. Mettons-le en oeuvre.

En attendant, avis défavorable, suivant la position de la commission vis-à-vis des demandes de rapport.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Le plan Priorité prévention annoncé en mars reprend l'objectif des 80 %. Sa mise en oeuvre fera l'objet d'un rapport annuel, public et transmis au Parlement. Retrait ?

Mme Patricia Schillinger.  - Oui. C'était un amendement d'appel.

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Cabanel.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la publication de la présente loi un rapport relatif à la faisabilité de la mise en oeuvre de drones défibrillateurs.

M. Henri Cabanel.  - Je salue le travail et la persévérance de M. Decool. La volonté d'adopter conforme le texte ne doit pas empêcher le débat.

On a attiré mon attention sur les initiatives aux gestes qui sauvent au collège du Salagou, à Clermont-L'Hérault, ainsi que sur l'utilisation de drones défibrillateurs, solution séduisante en milieu rural ou isolé. Il conviendrait de s'interroger sur les modalités d'une éventuelle mise en oeuvre de ces appareils. Faudrait-il alors envisager un maillage géométrique du territoire ? Qui serait responsable de l'utilisation et de l'entretien ?

M. Daniel Chasseing, rapporteur.  - J'ignorais l'existence de ces drones, qui pourraient en effet être utiles. Il était important de les mentionner, même si je demande le retrait, à ce stade, afin de faciliter l'adoption rapide de cette proposition de loi.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement s'intéresse à toutes les solutions innovantes ; elles feront l'objet d'un état des lieux dans le plan Priorité prévention. Nous en reparlerons. Je salue moi aussi l'action de l'enseignant que vous avez évoqué. En attendant, retrait pour une adoption rapide.

M. Henri Cabanel.  - Ces drones sont mis en oeuvre en Suède.

L'amendement n°5 est retiré.

L'article 4 demeure supprimé.

Explications de vote

M. Philippe Dallier .  - Je voterai évidemment cette proposition de loi. Alex Türk m'avait sensibilisé à la question voici dix ans. J'ai très tôt équipé ma commune, de cinq ou six défibrillateurs.

Cependant, cette proposition de loi en changeant d'échelle puisqu'elle concerne tous les ERP, ce qui impliquera une multiplication de ce nombre par cinq environ dans une commune comme la mienne, imposera sans doute une charge supplémentaire à nos communes : elles l'assumeront, par esprit de responsabilité. Mais je rappelle que la croissance de leurs dépenses de fonctionnement est désormais limitée à 1,2 % par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) À cela s'ajoute les 50 % de bio dans les cantines...

Je ne sais pas comment feront les communes. Cela posé, dans cette assemblée qui représente les collectivités, je voterai néanmoins ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sylvie Goy-Chavent .  - J'ai une fibre particulière pour ce sujet, ayant moi-même fait installer de nombreux défibrillateurs dans l'Ain. Le coût d'installation d'un DAE en extérieur est de 2 500 à 3 000 euros ; c'est beaucoup pour une petite commune rurale. Madame la Ministre, vous avez sans doute quelques noisettes cachées dans les tiroirs pour financer cela... (Sourires)

Bien sûr, nous allons tous voter ce texte dont la première lecture a eu lieu il y a deux ans. Il y a urgence.

M. Bernard Jomier .  - La ministre s'est engagée à aller vite sur la question. Mais nous ne pouvons voter une loi où l'État fait la musique et les collectivités territoriales paient. Retrouvons-nous dès cet automne, au moment de l'examen de la mission Santé du projet de loi de finances, pour voter un amendement finançant l'installation des DAE ! (Applaudissements sur divers bancs)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Très bonne idée !

M. Arnaud de Belenet .  - Pourquoi attendre l'automne et l'examen du prochain budget ? (Marques de surprise à droite) La loi de finances 2018 a renforcé les crédits DETR, qui peuvent être utilisés pour financer le déploiement. Les préfets, on le sait, sont très sensibles aux enjeux de santé publique. (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. Michel Savin .  - Le Gouvernement n'a apporté aucune garantie de financement, alors que les contraintes financières s'accumulent pour les collectivités territoriales.

Mme Patricia Schillinger.  - Arrêtons ! Les collectivités territoriales financent des clubs de foot qui ne rapportent rien !

M. Michel Savin.  - Il faut envoyer un signal au Gouvernement ; à titre personnel, je ne voterai pas ce texte.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements sur de nombreux bancs)