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Table des matières



Questions orales

Accueil des mineurs non accompagnés en Haute-Savoie

M. Loïc Hervé

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Mineurs non accompagnés

Mme Corinne Imbert

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Vente aux enchères publiques judiciaires par voie électronique

M. Michel Vaspart

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Funérailles des personnes décédées à l'étranger

M. Éric Bocquet

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Avenir des sapeurs-pompiers volontaires

M. Cédric Perrin

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Région Grand Est

M. Jean Louis Masson

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Règles en matière de sécurité incendie

M. Hervé Maurey

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Lutte contre les réseaux de proxénétisme

Mme Annick Billon

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Surveillance des plages

M. Max Brisson

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Renouvellement des concessions hydroélectriques du Cantal

Mme Josiane Costes

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Électrification de la ligne P du réseau transilien

M. Arnaud de Belenet

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Cadencement des TGV en Auvergne-Rhône-Alpes

Mme Martine Berthet

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Avenir des ports de la Seine maritime en cas de Brexit « dur »

M. Didier Marie

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Pérennisation du fonds européen d'aide aux plus démunis

M. Éric Kerrouche

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Carte mobilité inclusion

Mme Jocelyne Guidez

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Reste à charge du handicap

M. Michel Raison

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Exonération pour l'emploi de travailleurs saisonniers

Mme Nathalie Delattre

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Avenir des sections d'études pour jeunes sapeurs-pompiers

M. Jean-Yves Roux

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Fermeture des centres d'information et d'orientation

M. Joël Bigot

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Nécessaire revalorisation salariale des professeurs des écoles

M. Olivier Paccaud

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Substances indésirables dans les fournitures scolaires

Mme Françoise Férat

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Mise en place de concertations avec les élus sur la question de l'avenir des classes

M. Henri Cabanel

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Harmonisation de la couverture en fibre optique

M. Jean-Pierre Vial

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Situation financière des collectivités territoriales

M. Alain Marc

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Délégués à la protection des données

Mme Laurence Harribey

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Vétusté du centre de formation des apprentis de la Palme à Agen

Mme Christine Bonfanti-Dossat

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Maintien à domicile des personnes âgées

M. Guillaume Chevrollier

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Stationnement des personnes handicapées dans les hôpitaux

M. Philippe Bas

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Fermeture de l'agence de la CNAV de Boulogne-Billancourt

Mme Christine Lavarde

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Déserts médicaux

M. Michel Canevet

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Prescription de la Dépakine et information des professionnels et du public

M. Jean-Louis Tourenne

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Fermeture de la maternité de Guingamp

Mme Christine Prunaud

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Charge injustifiée de taxes sur les installations nucléaires supportée par l'université de Strasbourg

M. Guy-Dominique Kennel

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Services de santé au travail

M. Marc Laménie

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Rapprochement des missions locales et de Pôle emploi

Mme Agnès Canayer

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Relations entre les entreprises et l'Urssaf

M. Jean-Luc Fichet

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

Renforcement de l'organisation des juridictions (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. François-Noël Buffet

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Éliane Assassi

M. Jacques Bigot

Mme Josiane Costes

M. Jean Louis Masson

M. Hervé Marseille

M. Alain Marc

Scrutin public solennel sur le projet de loi

Scrutin public ordinaire de droit sur le projet de loi organique

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Prévenir et sanctionner les violences lors des manifestations

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Éliane Assassi

M. Jérôme Durain

Mme Maryse Carrère

M. Stéphane Ravier

M. Alain Marc

M. Pierre Charon

Mme Brigitte Lherbier

M. Christophe Priou

M. Loïc Hervé

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. François Bonhomme

Mme Éliane Assassi

Mme Esther Benbassa

ARTICLE 2

M. Guillaume Gontard

ARTICLE 3

ARTICLE 4

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Jérôme Bascher

ARTICLE 5

Mme Michelle Gréaume

M. François Grosdidier

ARTICLE 6

Mme Éliane Assassi

M. François Grosdidier

ARTICLE 7

M. François Grosdidier

ARTICLE 8

Explications de vote

Mme Françoise Gatel

M. Jérôme Durain

M. Bruno Retailleau

Mme Éliane Assassi

M. Thani Mohamed Soilihi

Accueil des gens du voyage (Deuxième lecture)

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Luc Fichet

Mme Nathalie Delattre

M. Loïc Hervé

M. Dany Wattebled

M. Arnaud de Belenet

M. Cyril Pellevat

M. Serge Babary

Mme Sylviane Noël

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. François Grosdidier

M. Michel Raison

M. Claude Kern

ARTICLE 4

M. François Grosdidier

ARTICLE 5 (Suppression maintenue)

ARTICLE 6

M. François Grosdidier

Explications de vote

M. Jean-François Longeot

M. Jean-Marie Mizzon

M. Cyril Pellevat

M. Jean-Luc Fichet

M. Pierre-Yves Collombat

M. Loïc Hervé

Mme Sylviane Noël

Mme Catherine Di Folco, rapporteur

Mise au point au sujet d'un vote

Annexes

Ordre du jour du mercredi 24 octobre 2018

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 23 octobre 2018

8e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Jacky Deromedi.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 36 questions orales.

Accueil des mineurs non accompagnés en Haute-Savoie

M. Loïc Hervé .  - Le nombre de mineurs non accompagnés confiés au département de la Haute-Savoie a augmenté de plus de 240 % entre 2015 et 2018 ; 25 % d'entre eux sont placés sous la responsabilité du département sur les 305 recensés en Haute-Savoie, plus de la moitié sont des grands adolescents et 90 % sont des garçons.

Malgré la mobilisation du réseau hôtelier et de familles, les hébergements sont saturés. Le personnel d'accueil, majoritairement féminin, est épuisé. Le Gouvernement envisage-t-il un plan d'urgence ? Malgré un budget exceptionnel de 10 millions d'euros en 2018, le département n'a plus les moyens suffisants pour assurer sa responsabilité dans des conditions dignes. Quelles compensations financières envisagez-vous pour faire face aux coûts de cet accueil ? Des réponses doivent être apportées tant sur les plans social, économique, judiciaire, pour répondre aux failles de notre dispositif actuel.

L'avenir de ces enfants mérite une politique migratoire juste et réalisable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Ce sujet est extrêmement difficile tant pour les départements que pour l'État. Le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) croît. Entre le 1er janvier et le 5 octobre 2018, 12 200 mineurs non accompagnés ont été confiés aux conseils départementaux contre 10 162 en 2017. Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge a augmenté de 30 % entre 2016 et 2017.

Par communiqué de presse du 17 mai 2018, l'Assemblée des départements de France (ADF) a accepté les propositions de l'État accroissant les moyens consacrés à l'accueil et à l'évaluation de la minorité. À compter du 1er janvier prochain, chaque évaluation sera financée à hauteur de 500 euros et chaque mise à l'abri à hauteur de 90 euros par jour pendant quatorze jours puis de 20 euros du quinzième au vingt-troisième jour.

Le Gouvernement a accordé un financement exceptionnel aux départements à hauteur de 30 % du coût des frais de prise en charge du nombre de MNA supplémentaires accueillis au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016. Le montant a été fixé par un arrêté du 23 juillet 2018. La Haute-Savoie sera indemnisée à hauteur de 900 000 euros pour un total national de 132 millions.

L'article 51 de la loi du 10 décembre 2018 pour une immigration maîtrisée prévoit la possibilité de relevés d'empreintes digitales qui feront l'objet d'un traitement automatisé. Enfin, un travail interministériel sur un référentiel d'évaluation est en cours pour éviter les contestations qui conduisent à une nouvelle évaluation.

M. Loïc Hervé.  - Merci pour les décisions ponctuelles prises. J'attire aussi votre attention sur la nécessaire coopération entre les départements et la police de l'air et des frontières. Je souhaite une harmonisation nationale à ce sujet.

Mineurs non accompagnés

Mme Corinne Imbert .  - L'arrivée massive de jeunes étrangers cherchant à être reconnus comme mineurs non accompagnés est devenue une problématique importante dans nos départements. Sur le seul département de la Charente-Maritime, on note une multiplication par 25 du nombre de demandeurs en quatre ans. Nous assistons à des phénomènes de changement d'identité et de nomadisme dont le seul but pour ces jeunes est de trouver un département qui leur accordera le statut de mineur non accompagné. Une initiative sénatoriale a permis, dans le cadre du projet de loi Asile et Immigration, de répondre aux attentes des services départementaux chargés de l'évaluation des jeunes en permettant la création d'un fichier biométrique qui permettra de lutter contre le nomadisme et évitera à d'autres services départementaux de nouvelles évaluations.

Quel est le calendrier de la mise en place de ce fichier biométrique ? Quand paraîtra le décret en Conseil d'État visant à définir les modalités d'application de l'article 51 de la loi pour une immigration maîtrisée ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La question de l'évaluation de la minorité est essentielle. Les services de l'État sont confrontés à deux types de situation : celle de mineurs non accompagnés évalués comme tels par un département d'arrivée et ensuite orientés vers un autre département, qui peut vouloir réévaluer la minorité en raison de nouveaux éléments portés à sa connaissance. Il y a d'autre part la situation de personnes évaluées majeures et qui se présentent dans un autre département en modifiant leur identité pour obtenir une nouvelle évaluation. Ces deux situations engendrent des coûts importants et les services d'accueil sont saturés.

Le fichier biométrique fiabilisera les évaluations et permettra d'orienter de façon définitive les personnes qui se présenteront. Il sera consultable par les préfectures à la demande des conseils départementaux et sa mise en place est prévue pour le 2 janvier 2019, après un décret en Conseil d'État portant application de l'article 51 de la loi précitée.

Mme Corinne Imbert.  - Le Gouvernement a conscience des difficultés auxquelles les départements sont confrontés. Aujourd'hui, dans notre département, nous voyons arriver ces jeunes d'Espagne avec une facilité déconcertante. Je me permets d'insister sur l'urgence de la situation. Je me félicite de la création du fichier biométrique utilisable dès l'année prochaine.

Les services d'évaluation des conseils départementaux sont surchargés, ils n'en peuvent plus, surtout quand la Cour de cassation casse l'arrêt rendu par une cour d'appel qui, selon elle, ne pouvait retenir l'évaluation sociale des services du département pour fonder sa décision. En Charente-Maritime, nous travaillons bien avec les services de l'État, un protocole sur les MNA vient d'être signé entre le président du Conseil départemental et le préfet et c'est une bonne chose.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Corinne Imbert.  - Ce sujet est sensible car il touche à l'humain mais il faut faire, en même temps, un vrai travail de fond sur les filières qui, elles, sont loin d'avoir une approche humanitaire.

Vente aux enchères publiques judiciaires par voie électronique

M. Michel Vaspart .  - Ma question vous est adressée, madame la ministre, en l'absence du ministre de l'économie.

Les ventes aux enchères publiques volontaires peuvent, aux termes des articles L. 321-3 et suivants du code de commerce, être réalisées uniquement par voie électronique. Pour les ventes aux enchères publiques judiciaires, les lieux dans lesquels les commissaires-priseurs ou huissiers de justice sont habilités à les organiser sont limitativement énumérés pour chaque type de vente, par la loi ou le règlement, et la voie électronique n'en fait pas partie. Cela bloque totalement les ventes aux enchères des navires et bateaux de plaisance abandonnés chez des professionnels. En effet, depuis la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue - article 54 -, une vente aux enchères publiques peut être ordonnée par un juge, après un délai d'un an d'abandon. Ce dispositif n'est malheureusement pas mis en oeuvre à ce jour car la logistique et les coûts d'organisation de ventes publiques physiques sont beaucoup trop importants par rapport à la valeur des navires concernés. Seules des ventes en ligne sont possibles pour ces biens à la taille exceptionnelle.

Une ordonnance du tribunal d'instance de Saint-Nazaire du 3 mai 2017 avait ainsi habilité un commissaire-priseur à réaliser par voie électronique une vente aux enchères d'un bateau abandonné, mais celui-ci a toutefois refusé d'y procéder, estimant qu'il n'y était pas autorisé par la loi.

Ce flou juridique est préjudiciable car il paralyse les transactions. Je souhaiterais que vous puissiez m'indiquer si les ventes aux enchères judiciaires peuvent être réalisées par voie électronique, ce qui permettrait au dispositif d'entrer en vigueur immédiatement. Si tel n'était pas le cas, il serait urgent d'envisager une évolution législative : est-elle envisagée par le gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La profession de commissaire-priseur est sous ma responsabilité : c'est donc de plein droit que je vous réponds.

La vente judiciaire aux enchères publiques des engins flottants a été rendue possible par l'article 54 de la loi du 20 juin 2016 sur l'économie bleue. L'article 2 de la loi du 31 décembre 1903 sur la vente des objets abandonnés dispose que l'ordonnance du juge qui autorise la vente fixe le jour, l'heure et le lieu de la vente et désigne l'officier public qui procèdera à cette vente. Les ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques ne peuvent, en l'état, être pratiquées de manière dématérialisée.

Toutefois, les officiers ministériels qui sont autorisés à pratiquer ces ventes peuvent avoir recours à des plateformes dématérialisées pour faire la publicité de leurs ventes ou pour procéder à des ventes filmées diffusées en direct via ces plateformes.

Enfin, une réflexion sur la dématérialisation totale des ventes de meubles aux enchères judiciaires est engagée au sein de mon ministère, avec toutes les parties prenantes. Mme Henriette Chaubon et M. Édouard de Lamaze me rendront d'ici une quinzaine de jours un rapport sur le sujet.

M. Michel Vaspart.  - Je suis satisfait de constater que le ministère y travaille.

Funérailles des personnes décédées à l'étranger

M. Éric Bocquet .  - Le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l'étranger se fait dans un cercueil en zinc hermétiquement clos, pour des raisons d'hygiène, de santé publique et de prévention des trafics illicites. Ceci découle de l'application de l'arrangement de Berlin et de l'accord de Strasbourg sur le rapatriement des corps.

Or ces cercueils en zinc ne peuvent pas être incinérés, car ils risqueraient d'endommager les crématoriums. Une incinération impliquerait un changement de cercueil et donc l'ouverture du premier cercueil en zinc. Or, selon le code général des collectivités territoriales, la fermeture du cercueil est définitive, le code pénal prévoyant de lourdes sanctions en cas de changement de cercueil, qui constituerait une violation de sépulture.

Les familles se voient contraintes d'inhumer leur proche décédé, ne pouvant ainsi respecter les dernières volontés du défunt, ce qui va à l'encontre d'un droit fondamental, celui du libre choix pour chacun d'organiser ses funérailles.

Seul le procureur de la République peut déroger à cette règle, à titre exceptionnel, en permettant l'ouverture du cercueil.

Cette difficulté juridique a été étudiée par la doctrine, qui préconise de donner la compétence au juge d'instance, qui pourrait rendre une décision rapide sur le changement de cercueil, et ainsi permettre de procéder aux funérailles du défunt dans les six jours suivant le retour du corps sur le sol français.

Dans le département du Nord, frontalier sur toute sa longueur avec la Belgique, cette situation a d'autant plus de probabilité de se présenter que le flux de travailleurs transfrontaliers est important.

Toutefois, outre les accords bilatéraux qui pourraient être conclus avec les pays frontaliers, la question concerne l'ensemble des Français résidant à l'étranger, dont le nombre est en constante augmentation, sans compter les déplacements touristiques et professionnels de nos concitoyens.

Le développement de la crémation, que les Français choisissent de plus en plus nombreux pour leurs obsèques, mériterait qu'une réponse légale soit apportée à cette problématique.

Quelles solutions pourraient être apportées pour faire évoluer la réglementation en la matière ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les prescriptions techniques applicables aux cercueils utilisés pour le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l'étranger sont issues de l'article 3 de l'arrangement de Berlin de 1937 et de l'article 6 de l'accord de Strasbourg de 1973. Ces deux conventions internationales prévoient l'utilisation d'un cercueil hermétique métallique, plus spécifiquement en zinc. De tels cercueils sont en effet incompatibles avec la plupart des appareils de crémation utilisés en France, alors que l'article R. 2213-20 du code général des collectivités territoriales considère la fermeture d'un cercueil comme définitive une fois les formalités légales et réglementaires accomplies.

Ainsi, de retour sur le territoire français, la translation d'un cercueil en zinc à un cercueil en bois qui permettrait la crémation n'est pas autorisée sauf à constituer une violation de sépulture, infraction lourdement sanctionnée par le code pénal. Si l'attention des services du ministère de l'intérieur est régulièrement appelée sur cette difficulté relative aux cercueils en provenance de l'étranger, ni la compétence du préfet ni celle du maire n'est fondée pour autoriser la réouverture d'un cercueil. Seul le procureur de la République, dans le cadre d'une procédure judiciaire, voire le juge d'instance, dans certains cas exceptionnels, peuvent autoriser la réouverture d'un cercueil.

Dans le cas de transports transfrontaliers, les pays signataires des conventions sont libres d'accorder des facilités plus grandes par application d'accords bilatéraux, raison pour laquelle la France et l'Espagne ont signé en 2017 une convention relative au transport de corps par voie terrestre n'obligeant plus au recours de cercueil hermétique métallique. En collaboration avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de la santé, une convention bilatérale est également en cours de finalisation avec la Belgique. L'enjeu principal de la signature de l'accord franco-belge est également le transport de corps par voie terrestre n'obligeant plus au recours de cercueil hermétique métallique.

Ces accords permettront de satisfaire les dernières volontés des défunts et de réduire les coûts associés aux funérailles pour les familles. Le Conseil national des opérations funéraires a par ailleurs été saisi de ce sujet ; des études juridiques ont ainsi été engagées quant à l'évolution possible des textes en la matière.

M. Éric Bocquet.  - Merci.

Avenir des sapeurs-pompiers volontaires

M. Cédric Perrin .  - Le 29 septembre, à Bourg-en-Bresse, un engagement de M. Gérard Collomb était salué par les applaudissements nourris des sapeurs-pompiers réunis pour leur congrès annuel. Le ministre venait de confirmer la modification de la directive de 2003 - dite DETT - afin d' « assurer la pérennité du statut de sapeur-pompier volontaire ».

Quelques jours plus tôt, mes collègues Catherine Troendlé et Olivier Cigolotti envoyaient au président de la Commission européenne une motion appelant à préserver l'engagement volontaire des sapeurs-pompiers et donc, à rejeter la reconnaissance des volontaires en tant que « travailleurs » au sens de cette fameuse directive. Nous sommes 252 sénateurs à avoir cosigné cette motion.

L'ampleur de la mobilisation témoigne de la gravité des risques encourus. Assimiler le sapeur-pompier volontaire à un travailleur, c'est remettre en cause la pérennité de notre système de secours.

Quelles solutions concrètes le Gouvernement va-t-il mettre en oeuvre pour traduire la promesse de votre prédécesseur et préserver le volontariat du sapeur-pompier ?

Conformément à la demande formulée par notre assemblée, plaidez-vous auprès des instances européennes en faveur d'une directive spécifique aux forces de sécurité et de secours d'urgence ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La sécurité civile française repose sur un modèle qui montre chaque jour sa pertinence et sa robustesse. Par son organisation et son implantation territoriale cohérente, notre modèle permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien, que d'affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la pérennité de la mission des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, doit être conforté.

Dans son arrêt du 21 février 2018, la Cour de justice de l'Union européenne souligne que les États membres ne peuvent déroger, à l'égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d'incendie, aux obligations découlant de la directive du 4 novembre 2003, qui traite de certains aspects de l'aménagement du temps de travail et de période de repos. La Cour ajoute que le temps de garde qu'un travailleur est contraint de passer à domicile avec l'obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de 8 minutes doit être considéré comme du temps de travail. La Cour rappelle que le facteur déterminant pour la qualification de temps de travail est le fait que le travailleur est contraint d'être physiquement présent sur le lieu déterminé par l'employeur, et de s'y tenir à la disposition de ce dernier. Je suis très attentif aux conséquences potentielles de l'application en France de cette jurisprudence, s'agissant notamment du risque de désorganisation et du surcoût potentiel induit pour les services d'incendie et de secours. C'est pourquoi l'étude des impacts réels pour ces services est en cours par les services compétents du ministère de l'intérieur, en lien avec le Secrétariat général aux affaires européennes -  SGAE -. Le rapport de la mission Volontariat, remis le 23 mai dernier, suggère d'exempter le volontariat de toute application de la directive du 4 novembre 2003. En effet, je ne peux accepter une remise en cause de notre modèle qui repose sur l'engagement de femmes et d'hommes, sapeurs-pompiers volontaires. Afin de pérenniser et sécuriser juridiquement les principes à la base de l'organisation nationale du volontariat, nous proposerons une initiative européenne pour garantir que les volontaires puissent continuer à concilier librement leur engagement et leur activité professionnelle.

Le président de la République et le Gouvernement continueront à valoriser notre modèle de sécurité civile et, avec lui, le volontariat, et à en faire une vitrine et une référence dans les coopérations européenne et internationale conduites par la France.

M. Cédric Perrin.  - Votre réponse me satisfait. L'application de cette directive serait catastrophique pour l'organisation de nos secours. Il faudrait recruter 20 000 pompiers professionnels, ce qui est absolument impossible.

Région Grand Est

M. Jean Louis Masson .  - La région Grand Est est plus grande que la Belgique, ou que les trois länder voisins réunis. Elle est éloignée du terrain et ne correspond à aucune solidarité locale. À l'exception d'élus qui profitent du système pour des raisons politiques ou par intérêt personnel, nous regrettons tous l'absence de gestion de proximité ; les Alsaciens réclament une région Alsace de plein exercice.

Le président Macron est conscient de cette réalité mais il refuse de revenir sur le découpage régional ; c'est une fin de non-recevoir. Et il prétend dialoguer... Il propose un mirage dans le but de gagner du temps : même si les deux départements fusionnaient, ils ne récupéreraient que quelques miettes de compétences et leur maintien dans la région Grand Est ne règlerait pas la démesure territoriale de celle-ci. Les huit autres départements ne pourraient en outre pas accepter que l'Alsace bénéficie d'un régime préférentiel tout en restant dans la région.

Près de 83 % des Alsaciens veulent pourtant une région de plein exercice ou à statut dérogatoire comme la Corse, mais le président fait semblant de ne pas voir, tout en donnant des leçons de démocratie à la Hongrie, la Pologne ou l'Italie. Qu'il soit lui-même exemplaire, qu'il accepte donc un référendum sur une région Alsace hors du Grand Est !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Je vous prie d'excuser ma collègue Jacqueline Gourault, qui n'a pu venir au Sénat ce matin.

La région Grand Est est issue de la fusion des régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne. La taille de la région engendrerait, selon vous, une absence de gestion de proximité. Vous évoquez les aspirations de certains Alsaciens qui souhaiteraient le rétablissement d'une région Alsace séparée du reste de la région Grand Est, et me demandez d'accepter l'organisation d'un référendum sur ce sujet.

Le Gouvernement a démontré toute l'attention qu'il porte aux aspirations des Alsaciens. Le Premier ministre a ainsi adressé en janvier une lettre de mission au préfet de la région Grand Est, lui demandant d'évaluer dans un rapport différentes hypothèses institutionnelles pour l'avenir des deux départements alsaciens, dans le cadre de la région Grand Est. Parmi ces hypothèses, se trouve celle de la fusion des deux départements existants. Ce rapport a été publié le 7 août 2018 et a permis d'engager des travaux de concertation qui sont en cours.

Une réflexion est actuellement menée sur une éventuelle fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, recouvrant les limites territoriales de l'ancienne région Alsace. Cette fusion pourrait s'accompagner de compétences spécifiques et supplémentaires qui pourraient être confiées à la nouvelle collectivité, notamment dans le cadre de la différenciation prévue dans le projet de loi constitutionnelle.

Le Gouvernement n'envisage pas d'organiser un référendum sur la recréation de la région Alsace. En effet, les limites territoriales de cette région ont été fixées il y a tout juste deux ans et demi, et le président de la République s'est engagé à maintenir la stabilité pour les collectivités locales.

Si des élus alsaciens soulignent la réalité du « désir d'Alsace » exprimé par la population, certains d'entre eux ne souhaitent pas un affaiblissement de la région Grand Est, qui a fait la preuve de son efficacité. De plus, les compétences confiées aux régions portent sur la planification ou la gestion de grandes infrastructures, plutôt que sur des sujets nécessitant une gestion de proximité proprement dite, qui relèvent davantage des départements ou du bloc communal.

M. Jean Louis Masson.  - C'est de l'enfumage ! Les élus trompent leurs électeurs, tel le président de la région Grand Est, jadis favorable à la pétition qui avait réuni 50 000 signatures, mais qui est maintenant comme un rat dans un fromage !

Règles en matière de sécurité incendie

M. Hervé Maurey .  - En 2011, la réforme de la défense incendie a été initiée avec l'adoption de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Cette loi a modifié le niveau de fixation des règles - autrefois national, désormais départemental - afin qu'elles soient au plus proche des réalités locales. Cette réforme allait donc dans le bon sens. Malheureusement, dans un certain nombre de départements, le règlement adopté et son application ne sont pas adaptés à la réalité des communes rurales.

Ainsi, dans l'Eure, la distance requise entre les bouches à incendie et les habitations est de 200 mètres pour les zones peu denses. Cette règle est de surcroît appliquée avec grande rigueur puisque des certificats d'urbanisme sont refusés pour des distances à peine supérieures à 200 mètres y compris pour un simple agrandissement ou une piscine.

Dans de nombreuses communes rurales, toutes les demandes de certificat d'urbanisme sont refusées, interdisant de fait toute nouvelle construction. Cette règle est d'autant plus préjudiciable que son respect nécessite des investissements très onéreux et parfois même techniquement impossibles. Ainsi, l'installation de bouches à incendie se heurte souvent à une insuffisance des débits des réseaux d'eau. Or ceux-ci, dans la plupart des cas, ne sont pas gérés par la commune mais par des syndicats peu enclins à ce type d'investissements d'autant que l'augmentation du diamètre des tuyaux qui permettrait d'améliorer les débits est de nature à créer des phénomènes de turbidité affectant la qualité de l'eau. Quant à l'installation de réserve d'eau, généralement très coûteuse pour une petite commune, elle n'est pas toujours possible pour des questions d'emprises foncières.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour remédier à cette situation très préoccupante pour de nombreux maires ruraux ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - L'efficacité des opérations de lutte contre les incendies dépend de l'adéquation entre les besoins en eau et les ressources disponibles. La défense extérieure contre l'incendie (DECI), placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale, a pour objet d'assurer l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours. II s'agit d'un appui indispensable pour permettre aux sapeurs-pompiers d'intervenir rapidement, efficacement et dans des conditions optimales de sécurité. La réforme de la DECI, conduite en 2015, instaure une approche novatrice : la DECI ne répond plus à une norme nationale, mais relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet. L'objectif est double : une concertation renforcée avec les collectivités et une plus grande souplesse dans la définition et dans l'application des mesures au plus près de la réalité du terrain.

Pour le département de l'Eure, le règlement départemental, arrêté en mars 2017 après concertation avec les élus au sein d'un comité des partenaires, a fixé à 200 mètres, la distance séparant un point d'eau d'un bâtiment classé en risque d'incendie faible.

J'ai conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir une lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes rurales. Si vous estimez qu'une disposition essentielle de ce règlement n'est pas raisonnablement applicable et qu'elle peut emporter des conséquences négatives pour les communes, comme le refus de certificats d'urbanisme, ce règlement peut évoluer, par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires et selon les procédures applicables.

Enfin, la DECI ne doit pas altérer la qualité sanitaire de l'eau distribuée, ni conduire à des dépenses excessives au regard du dimensionnement des canalisations. Si le réseau d'eau potable ne permet pas d'obtenir le débit nécessaire à la DECI, d'autres ressources sont utilisables.

M. Hervé Maurey.  - Le règlement est très strict et appliqué avec une rigueur excessive. Les maires sont porteurs, dit le président de la République, de la « République du quotidien » ; commençons par alléger le leur !

Lutte contre les réseaux de proxénétisme

Mme Annick Billon .  - Avec la loi du 13 avril 2016 sur la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées, la France a affiché sa position abolitionniste et a reconnu la prostitution comme une violence. Près de deux ans après sa promulgation, les effets de la loi sont d'ores et déjà visibles : les personnes prostituées ne sont plus poursuivies, plusieurs centaines de clients ont été pénalisés et des commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains ont été mises en place sur une partie du territoire.

Ces commissions départementales constituent aujourd'hui un levier de coordination entre les différents acteurs concernés et favorisent la mise en oeuvre au niveau local d'une politique d'accompagnement des victimes vers un parcours de sortie du système prostitutionnel. Avec leur mise en place, c'est donc l'application d'un nouveau volet fondamental de la loi. Un pas vers l'objectif d'une société plus égalitaire est franchi.

Depuis 2017, une douzaine de départements ont commencé à mettre en place ces commissions. Toutefois, les freins sont encore nombreux et l'état d'avancement de la loi n'est pas le même partout. Ainsi, beaucoup de commissions attendent encore le feu vert des préfets.

Par ailleurs, les associations qui accompagnent les personnes prostituées regrettent une baisse de leurs subventions ce qui les freine pour mener à bien leurs missions. La lutte contre le système prostitutionnel ne pourra se faire qu'avec les aides de l'État.

Dans quels délais le territoire national sera doté de commissions départementales de lutte contre la prostitution et quels crédits seront alloués aux associations agréées qui accompagnent les victimes dans leur parcours de sortie ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La France s'est dotée depuis de nombreuses années d'un arsenal juridique particulièrement sévère et dissuasif pour lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle et contre les réseaux criminels qui les organisent. Les forces de l'ordre sont impliquées pour lutter contre ce phénomène sous toutes ses formes. Leur action a permis le démantèlement par les services de police et de gendarmerie de 50 réseaux de proxénétisme aggravé depuis le début de l'année et la mise en cause de près de 650 personnes.

Ces actions doivent nécessairement s'accompagner d'un volet social et préventif. Les pouvoirs publics s'investissent activement, aux côtés des associations concernées, dans la prévention et l'assistance à l'égard des personnes en danger de prostitution ou se livrant à la prostitution.

La loi du 13 avril 2016 a créé un parcours de sortie de la prostitution, prévoyant des commissions départementales chargées de mettre en oeuvre une protection et formuler des avis sur les propositions de parcours de sortie déposées par les associations agréées.

En juin 2018, 33 commissions départementales avaient été installées mais seules 18 avaient déjà examiné des demandes ; et 23 commissions supplémentaires devraient être installées d'ici la fin 2018. À cette date, 80 associations avaient été agréées ; 77 parcours de sortie ont à ce jour été autorisés par les préfectures.

Soyez assurée de l'engagement du Gouvernement en faveur de la relance du dispositif, notamment en intervenant auprès des préfets pour un déploiement dans les meilleurs délais.

Mme Annick Billon.  - On entend beaucoup d'annonces en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes ou aux LGBT, mais concrètement, les associations subissent des baisses drastiques de moyens.

Surveillance des plages

M. Max Brisson .  - Outre le sauvetage et la surveillance des bains, les MNS-CRS ont pour fonction de faire de la plage un lieu sécurisé. Ils ont sauvé 1 600 personnes en 2017, constaté 600 infractions maritimes, dressé 800 contraventions et mis 231 personnes à disposition de la police. Ils font un travail de police de proximité sur les plages. Armés depuis 2016, ils sont primo-intervenants en cas d'attaque terroriste. Ils ont donc une mission régalienne.

Or, en 2018, ils ne sont plus que 297, répartis dans 62 communes, contre plus de 600 l'année d'avant, dans 101 communes. Leur maintien - au minimum - est indispensable. C'est seulement en décembre 2017 que l'on a su quels seraient les effectifs et la répartition pour l'été 2018.

Pouvez-vous confirmer le plus tôt possible s'ils seront déployés en 2019 ? Allez-vous mettre en place une démarche pluriannuelle et conventionnelle avec les collectivités territoriales pour leur donner de la visibilité ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le ministère de l'intérieur est très attentif à la sécurité sur les lieux de vacances. Chaque année, des renforts saisonniers de gendarmes et policiers sont déployés - leur nombre en 2019 sera le même qu'en 2018.

La surveillance des plages, qui relève des maires, est distincte de la sécurité des biens et personnes, mission des forces de l'ordre. Si des nageurs-sauveteurs des CRS participent à ce dispositif, il ne s'agit pas d'une obligation légale de l'État. Ils ne sont pas chargés du maintien de l'ordre. C'est pourquoi leur nombre a été progressivement réduit depuis 2008.

Nous réfléchissons de manière concentrée à un dispositif global de sécurisation des sites touristiques, et nous espérons compter sur les réflexions des associations d'élus locaux.

M. Max Brisson.  - Certaines grandes plages sont des lieux de rassemblement très importants ; l'État doit prendre sa place dans leur sécurisation.

Renouvellement des concessions hydroélectriques du Cantal

Mme Josiane Costes .  - Le département du Cantal produit une quantité importante d'électricité d'origine hydraulique, du fait de son réseau hydrographique et de son relief.

Or l'absence de décision de l'État quant au renouvellement des concessions du Cantal a interrompu le versement des redevances aux collectivités territoriales. Le manque à gagner s'élèverait ainsi à 2 millions d'euros par an soit, depuis 2013, 10 millions d'euros pour le conseil départemental du Cantal, auxquels il convient d'ajouter 5 millions d'euros non perçus par les communes et établissements publics de coopération intercommunale riverains.

L'hydroélectrique est la première source d'électricité renouvelable. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - M. de Rugy et moi-même sommes très attachés à l'hydroélectricité, deuxième source de production d'électricité après le nucléaire, première source renouvelable. En octobre 2015, la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France car elle considère que les modalités du renouvellement des concessions hydroélectriques renforcent la position dominante de l'opérateur historique.

Le Gouvernement ne s'en satisfait pas, met en avant les enjeux économiques, écologiques, sociaux, de la gestion de l'eau et défend une application équilibrée de la loi de transition énergétique.

En France, le régime concessif permet de garantir un contrôle fort de l'État ; le Gouvernement se prépare à la mise en concurrence des concessions échues mais refuse que EDF soit écarté de la procédure. En attendant, la fiscalité actuelle s'applique. Le Gouvernement est prêt à prévoir une redevance supplémentaire, via un amendement sénatorial.

Mme Josiane Costes.  - Les collectivités territoriales ne sont pas satisfaites du flou de la situation. Nous attendons des réponses précises et rapides. L'État est toujours prompt à percevoir son dû auprès des collectivités locales, celles-ci souhaiteraient que la réciproque se vérifie !

Électrification de la ligne P du réseau transilien

M. Arnaud de Belenet .  - L'électrification de la ligne P du transilien sur le trajet Paris-Troyes fait l'objet de controverses : pour les collectivités territoriales, l'État ne tient pas ses engagements. Celui-ci répond qu'il s'est engagé à verser les 40 millions d'euros prévus en 2020. Pouvez-vous nous confirmer cet engagement de manière formelle ?

Le second volet de ma question porte sur le tronçon La Ferté-Milon, oublié de tous. Quand il fait chaud les rails se dilatent, s'il fait froid les moteurs sont grippés, en automne les feuilles mortes s'accumulent, et dans tous ces cas, les trains ne roulent plus ! On compte une rame arrêtée par jour ; or la ligne voit sa fréquentation augmenter. Il y a là un vrai enjeu.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Borne.

Le projet d'électrification de la ligne Paris-Troyes a fait l'objet d'un protocole de financement en 2016 : l'État s'est engagé à en financer 40 %. L'inscription de la première phase d'électrification, entre Gretz et Nogent-sur-Seine, dans les contrats de plan des régions Île-de-France et Grand Est 2015-2020 a confirmé cet engagement. Néanmoins, compte tenu du contexte budgétaire contraint et de la volonté des partenaires d'accélérer la première phase, des difficultés sont apparues pour programmer la participation de l'État, 43 millions, en 2018. Celui-ci ne se désengage pas pour autant. Un accord avec les co-financeurs a été trouvé ; ceux-ci ont accepté un portage pour que les travaux soient assurés dès octobre 2018. C'est une solution pragmatique, au bénéfice des usagers de la ligne Paris-Troyes et des Franciliens.

Cadencement des TGV en Auvergne-Rhône-Alpes

Mme Martine Berthet .  - Ma question porte sur le cadencement des trains à grande vitesse (TGV) en Auvergne-Rhône-Alpes et notamment de la ligne Chambéry-Paris.

En effet, des changements et suppressions de desserte de plusieurs communes de la région seront effectifs dès 2019. Outre des diminutions de cadence sur les liaisons Paris-Saint-Exupéry et Paris-Grenoble, l'offre reliant Paris à Chambéry et Annecy comptera deux allers-retours quotidiens de moins. Une baisse de capacité de 10 % est à craindre.

La ville de Chambéry et toute la Savoie pâtiraient de la suppression du train de 6 h 25 à destination de Paris et du train retour de 18 h 45. Ces suppressions toucheraient fortement les travailleurs et ralentiraient inévitablement l'activité et l'attractivité du département. Ces TGV correspondent aux besoins des actifs. Le train de 8 h 25 est très souvent complet et correspond moins aux besoins pour les déplacements d'affaires. Une telle suppression serait difficilement compréhensible, sans parler des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou de l'emploi induit par l'activité économique de la Savoie.

Madame la ministre, merci de lever les doutes sur les TGV du matin et sur les engagements de la SNCF en faveur du désenclavement des zones éloignées des centres de décision.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - À compter de 2019 et jusqu'en 2023, le pôle d'échanges multimodal (PEMM) de Lyon Part-Dieu connaîtra des travaux importants, ce qui nécessitera la fermeture de deux voies sur onze. Cette contrainte touchera toutes les liaisons du Sud-Est. D'où la réorganisation d'ensemble de l'offre dans le Sud-Est et le passage à cinq allers-retours quotidiens Paris-Chambéry, contre sept actuellement.

En compensation, SNCF-Mobilités remplacera les rames actuelles par des rames à deux niveaux, soit une réduction des capacités ramenée à 10 %. En outre, le 6 h 25 sera maintenu, pour une arrivée à Paris à 9 h 15. SNCF l'a du reste confirmé aux élus.

Mme Martine Berthet.  - La diminution de la capacité globale est regrettable, même si les rames sont plus modernes. De plus, envoyer les voyageurs à Lyon-Saint-Exupéry faute de cadencement suffisant est nocif pour l'environnement.

Avenir des ports de la Seine maritime en cas de Brexit « dur »

M. Didier Marie .  - Dans le cadre de la préparation du Brexit et dans l'hypothèse d'un Brexit dur, la Commission européenne prévoit de redessiner les routes maritimes européennes afin de créer de nouvelles liaisons maritimes entre l'Irlande et le continent européen. Elle a adopté une proposition de règlement adaptant le corridor maritime entre la mer du Nord et la Méditerranée en reliant l'Irlande aux ports néerlandais et belges de Rotterdam, Zeebrugge et Anvers.

Ce projet omet totalement les ports français, pourtant plus proches : le port du Havre traite 23 conteneurs à l'heure, contre 16 pour Rotterdam. La Commission a invoqué ses craintes d'une congestion douanière, et la simplicité de la solution belgo-néerlandaise, car des services maritimes internationaux réguliers fonctionnent déjà.

Or la Commission européenne doit fournir un cadre propice à la libre concurrence et à un accès équitable aux différents marchés. Les flux commerciaux entre l'Irlande et l'Europe continentale représentent plus de 80 milliards d'euros. En privilégiant ces ports, la Commission européenne risque de priver nos infrastructures de trafics importants et de fonds européens pour leur développement.

Le Gouvernement a annoncé avoir défendu l'inscription de l'ensemble des ports français concernés dans ces nouveaux tracés ; les négociations seraient en bonne voie pour ceux de Calais et Dunkerque. Qu'en est-il pour les ports de l'Haropa, groupement d'intérêt économique des ports du Havre, de Rouen et de Paris, et pour Dieppe ? Ils ont avec l'Angleterre un lien de fret fort qui risque d'être mis à mal. Une reconnexion de ces ports au nouveau corridor mer du Nord-Méditerranée apparaît clairement nécessaire.

Dans l'hypothèse d'un retrait sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne, un projet de loi d'habilitation a été présenté en Conseil des ministres, qui autorise le Gouvernement à adopter les mesures idoines par ordonnances. Il sera discuté prochainement au Sénat et comporte quelque 200 mesures.

Je souhaite néanmoins savoir ce que prévoit le Gouvernement pour armer les services administratifs afin qu'ils soient en mesure de contrôler - douane et contrôles phytosanitaires - les flux en provenance de Grande-Bretagne. Compte tenu des modifications de trafic, des aménagements portuaires vont par ailleurs s'avérer nécessaires.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La fluidité du trafic transmanche est bien sûr une priorité. La France s'est donc opposée au tracé présenté par la Commission européenne pour le corridor maritime entre la mer du Nord et la Méditerranée, car il ne fait pas référence aux ports français.

Nous oeuvrons pour qu'un lien explicite entre l'Irlande et les ports de Calais et Dunkerque soit rétabli rapidement. Nous plaidons en outre pour que les fonds européens puissent être sollicités pour les autres ports français.

Le Gouvernement prévoit le recrutement de 700 douaniers d'ici 2020 ; 250 l'ont déjà été, 350 le seront bientôt. S'y ajouteront 40 personnes au ministère de l'agriculture.

Les aménagements nécessaires pour les contrôles doivent être réalisés, parkings, zones de sécurité, etc. Leur nature dépendra du type d'accord finalement signé.

Le Premier ministre a également nommé un coordonnateur interministériel national : M. Vincent Pourquery de Boisserin.

Nous plaidons pour un fonds Brexit, destiné à aider les territoires les plus touchés par les surcoûts.

Pérennisation du fonds européen d'aide aux plus démunis

M. Éric Kerrouche .  - Dans toute l'Union européenne, 120 millions de personnes sont touchées par la pauvreté, soit un quart de la population. L'aide du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) est indispensable pour continuer à accueillir les personnes victimes de la précarité de façon inconditionnelle et pour amorcer un accompagnement plus durable de celles-ci vers l'accès aux droits. Ainsi, en 2015, grâce au FEAD, 4,8 millions de personnes ont été aidées en France.

Au-delà de ce bilan chiffré, les effets indirects du FEAD sont nombreux : coûts évités pour la société en termes de prévention des situations d'urgence humanitaire, sociale ou sanitaire ; effet de levier important pour l'ensemble des politiques publiques européennes ; soutien de millions de bénévoles et volontaires dans toute l'Europe.

Parmi les différents types de soutien mis en oeuvre au moyen du FEAD, l'aide alimentaire revêt une importance toute particulière et répond à une double exigence : elle est une aide d'urgence inconditionnelle sans laquelle des dizaines de millions d'Européens connaîtraient de nouveau la faim ; elle permet également d'accompagner les personnes, et de susciter le partage et l'échange entre celui qui aide et celui qui a besoin.

Le FEAD permet de construire une stratégie d'aide alimentaire diversifiée, basée sur les besoins des personnes, leur liberté de choix et leur équilibre nutritionnel. Il offre aux associations une visibilité pluriannuelle et garantit la stabilité de leurs approvisionnements.

C'est également un dispositif de lutte contre le gaspillage alimentaire, avec la récupération d'invendus.

Il convient donc de réaffirmer la véritable complémentarité entre le FEAD et le Fonds social européen (FSE). Le FEAD est absolument indispensable à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion en Europe. Le fonds doit pour cela être ambitieux, universaliste et autonome. La logique d'employabilité ne peut suffire. Quelle est la position du Gouvernement ? Où en sont les discussions sur sa pérennisation et sur son autonomie ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Le FEAD est fondamental pour l'Europe sociale, vous l'avez bien dit. Il est doté de 3,8 milliards pour 2014-2020. Un repas sur quatre fourni par Les Restos du coeur est financé ainsi.

Demain, le FSE+ sera doté de 101 milliards et il intégrera le FEAD actuel. L'aide aux plus démunis fera l'objet d'une programmation spéciale au sein du FSE+. C'est rassurant : l'aide alimentaire demeure considérée comme un objectif de l'Union européenne, sous réserve de préciser les modalités de gestion et le détail de cette programmation. Reste à convaincre tous les partenaires de la valeur ajoutée d'un tel programme, car certains États membres considèrent qu'il relève d'enjeux locaux.

Le ministère aura à coeur de défendre la pérennisation de la lutte contre la précarité alimentaire ; car c'est aussi cela, l'Europe qui protège.

M. Éric Kerrouche.  - Le fonds est essentiel car il concerne les plus démunis. J'espère que les politiques nationales ne désarmeront pas.

Carte mobilité inclusion

Mme Jocelyne Guidez .  - Depuis la mise en oeuvre de la carte mobilité inclusion (CMI), de nombreuses familles rencontrent des difficultés, en particulier avec la sous-mention « besoin d'accompagnement ». C'est notamment le cas de parents ayant un enfant atteint du syndrome de Rett... L'association attend toujours une réponse du ministère à son courrier. Ce droit est strictement encadré par l'article R. 241-12-1 du code de l'action sociale et des familles - je vous fais grâce de sa lecture.

Cette sous-mention atteste de la nécessité pour la personne handicapée d'être accompagnée dans ses déplacements. Toutefois, le premier et le deuxième complément de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ne permettent pas de l'obtenir. L'enfant dont les parents ont choisi de bénéficier de l'élément « aides humaines » de la prestation de compensation du handicap, annulant ainsi son droit au complément AEEH, ne peut également la faire figurer sur la carte. Comment dire aux parents d'un enfant polyhandicapé qu'il n'a pas droit à une aide au transport ? En outre, il n'est pas normal que l'attribution d'une aide financière soit liée à la reconnaissance d'une aide humaine.

Je voudrais vous interpeller sur le cas de Marine, dont le taux d'incapacité est de 80 % et à laquelle on a pourtant refusé la sous-mention.

Le taux d'invalidité supérieur ou égal à 80 % devrait être l'unique critère d'attribution, comme c'est le cas actuellement pour l'octroi de la mention « invalidité ».

Dans injustice, il y a « justice »...

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Depuis le 1er janvier 2017, la CMI se substitue progressivement aux autres cartes. Cette substitution, engagée par le précédent gouvernement, se fait à droit constant : les sous-mentions ne sont pas modifiées. Les enfants bénéficiant de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ne peuvent bénéficier de l'accompagnement.

Cela est complexe, prête à confusion et ne correspond pas exactement aux besoins des uns et des autres. C'est que la PCH a été conçue pour les adultes. Une réflexion d'ensemble s'impose. La prochaine conférence nationale du handicap 2018-2019 ouvrira le chantier de l'amélioration des aides pour les enfants handicapés, et le comité interministériel de jeudi prochain en amorcera la préparation : vous pouvez compter sur moi pour traiter ce point.

Mme Jocelyne Guidez.  - Merci pour ces précisions.

Reste à charge du handicap

M. Michel Raison .  - Ma question porte sur le financement de matériels coûteux pour les familles d'enfants handicapés. J'ai été alerté par la situation d'un jeune garçon handicapé dont les parents ne peuvent financer le reste à charge - tout de même 8 000 euros ! - de son fauteuil électrique verticalisateur, qui coûte 35 000 à 37 000 euros.

L'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles dispose que « chaque maison départementale des personnes handicapées gère un fonds départemental de compensation du handicap chargé d'accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge ».

Il est ainsi prévu que ce reste à charge ne peut excéder 10 % des ressources personnelles du bénéficiaire nettes d'impôts dans des conditions définies par décret. Or ce décret d'application n'a jamais été publié.

Dans un arrêt du 24 février 2016, le Conseil d'État a pourtant enjoint au Premier ministre de publier le décret d'application dans le délai de neuf mois sous astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de l'État au-delà de cette échéance, soit à partir de novembre 2016...

Un autre décret a été pris sur les biotopes et habitats naturels après une telle décision de justice : les mesures en faveur des enfants handicapés seraient-elles une obligation moins impérieuse ? Quel est l'état d'avancement de la rédaction du décret et que compte faire le Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - En effet, le 24 février 2016, le Conseil d'État a enjoint le Gouvernement de prendre le décret d'application de la loi de 2005. Toutefois, si ce texte réglementaire n'a pas été rédigé, c'est qu'il pose de grandes difficultés juridiques, la loi présentant des contradictions, entre le niveau maximum du reste à charge et le plafonnement de l'aide complémentaire, entre l'abondement du fonds sur une base volontaire et une dépense obligatoire.

Un rapport de l'IGAS a confirmé l'impossibilité de prendre un décret sur le fondement légal actuel et propose de modifier la loi.

La proposition du député Philippe Berta comporte des dispositions résolvant les contradictions, ainsi qu'une expérimentation de trois ans pour tester la faisabilité d'un niveau maximum légal de reste à charge - il faut en mesurer l'impact sur les maisons départementales de personnes (MDPH) et pour les principaux financeurs.

La proposition de Philippe Berta a été adoptée le 17 mai à l'Assemblée nationale, reste à l'inscrire à ordre du jour du Sénat...

M. Michel Raison.  - J'allais suggérer une proposition de loi. Je suis prêt à travailler sur celle que vous mentionnez si elle répond à mes attentes.

Exonération pour l'emploi de travailleurs saisonniers

Mme Nathalie Delattre .  - Ma question porte sur l'avenir du dispositif d'exonération pour l'emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi agricoles, le TO-DE.

Vous souteniez récemment, monsieur le ministre, alors que vous siégiez sur les bancs du groupe RDSE, que le financement de ce dispositif, l'allègement général de charges envisagé parallèlement à la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité, entraînerait une chute de revenus et menacerait gravement notre petite agriculture et notre viticulture. Avec 1,40 euro de l'heure en plus par salarié au SMIC, le manque à gagner serait de 15 000 euros par an, pour les quelque 900 000 personnes concernées...

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été présenté depuis sans modification, malgré les engagements pris ici et là par le Gouvernement.

Face à cette promesse non tenue, une majorité de nos collègues députés ont voté un amendement rétablissant le TO-DE, contre l'avis du Gouvernement.

Quelle sortie de crise prévoyez-vous ? Les agriculteurs connaissent votre engagement et attendent beaucoup de vous, monsieur le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je suis très heureux de venir au Sénat pour ma première intervention au Parlement. La suppression du TO-DE s'inscrit dans le projet de la baisse des charges et de la fin du CICE. La réforme agricole, de son côté, appréhende mieux la variabilité des revenus agricoles et la loi issue des États généraux de l'alimentation vise à plus de revenus pour les agriculteurs. De même, des mesures améliorent la trésorerie des exploitations agricoles, en particulier des changements dans les modalités de remboursement.

Si ce paquet agricole est positif, le sujet du TO-DE demeure. Le Premier ministre a entendu les agriculteurs. C'est pourquoi, il m'a chargé d'une proposition de compromis. J'ai déposé un amendement en ce sens au projet de loi de financement de la sécurité sociale, examiné demain à l'Assemblée nationale pour monter à 1,1 SMIC le taux d'exonération maximale.

Mme Nathalie Delattre.  - Nous écouterons avec grand intérêt les débats à l'Assemblée nationale. Même avec 1,1 SMIC, il manque de l'argent.

Avenir des sections d'études pour jeunes sapeurs-pompiers

M. Jean-Yves Roux .  - Quelque 197 000 sapeurs-pompiers sont des volontaires, soit 79 % des effectifs.

Alors que la fonction connaît des difficultés de recrutement, Mme Troendlé a préconisé, dans un rapport remis en juin au ministère de l'Intérieur, 43 mesures pour diversifier les recrutements de sapeurs-pompiers volontaires.

Cette ambition, monsieur le ministre, se heurte parfois à l'épreuve des faits. Aujourd'hui, des sections de jeunes sapeurs-pompiers volontaires ne peuvent accueillir tous les candidats souhaitant s'engager. De bons éléments, motivés, ne trouvent pas à proximité de leur domicile de formations adaptées pour leur permettre de devenir sapeur-pompier volontaire, alors que les besoins sont bien présents.

La formation et la valorisation des parcours variés sont une solution. Nombre de jeunes ne trouvent pas de formation appropriée pour s'engager.

Des sections études de jeunes sapeurs-pompiers, au collège, proposent ainsi un enseignement optionnel de trois heures supplémentaires, comprenant deux heures d'enseignement théorique et une heure d'éducation physique et sportive. Cet enseignement prépare également à des formations de secourisme ainsi qu'au brevet national de sapeur-pompier.

Monsieur le ministre, connaissant les difficultés de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires, ne faut-il pas généraliser ces sections études, au moins dans chaque département ?

On pourrait envisager des formations spécialisées en fonction des risques, comme les feux de forêt dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Qu'en pensez-vous et que comptez-vous faire pour aller dans ce sens ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les jeunes sapeurs-pompiers volontaires constituent un élément clé du maillage du territoire. Cet engagement participe à la transmission aux élèves de l'ensemble des valeurs républicaines, de l'engagement, de la solidarité.

Le décret du 4 mai 2012 a valorisé l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. En 2015, les ministres de l'Éducation nationale et de l'Intérieur ont signé deux conventions-cadres pour, notamment, développer l'engagement citoyen en qualité de jeune sapeur-pompier et valoriser ce parcours dans les établissements scolaires.

Les sections spécialisées constituent un vivier important qui pérennisent le modèle français de secours. Les jeunes peuvent valoriser leur engagement à l'occasion du passage du brevet.

L'enseignement professionnel et l'enseignement supérieur les prennent en compte également. Le Service national universel (SNU) favorisera aussi le développement de ces unités.

Fermeture des centres d'information et d'orientation

M. Joël Bigot .  - Les centres d'information et d'orientation (CIO) sont des centres d'accompagnement professionnel et personnalisé gratuits qui offrent un service et une information de qualité reconnus tant par les futurs actifs que leur famille. Leur suppression prochaine constitue une aubaine pour les officines privées du coaching scolaire.

Il serait dommage de voir à nouveau un service public supprimé d'un trait de plume par la seule volonté du Gouvernement. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour les communes qui ont beaucoup investi dans leur CIO et réussi à en faire un lieu-ressource attractif et apprécié des habitants. Les animateurs de ces centres, les psychologues de l'Éducation nationale, rédacteurs et agents techniques administratifs y réalisent un travail remarquable.

C'est le cas à Saumur, dont le conseil municipal a formulé à l'unanimité un voeu contre la fermeture du CIO. Le centre représente un outil adapté pour l'ensemble de la communauté d'agglomération mais aussi pour des communes plus lointaines ; il a réalisé sur cette année scolaire des centaines d'entretiens personnalisés, a répondu à des milliers de demandes de renseignements. L'efficience de ce service public ne peut être niée.

Les CIO sont des lieux neutres par rapport à l'école, qui accueillent des élèves du public et du privé mais aussi des adultes et des élèves allophones nouvellement arrivés. Une fermeture sèche annihilerait des années de travail.

Quels sont les perspectives d'évolution des CIO et les projets du Gouvernement en la matière ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Face aux difficultés récurrentes de notre système d'orientation, nous avons décidé d'une véritable réforme. Si le système fonctionnait, cela se saurait.

Il ne s'agit nullement de supprimer l'orientation mais d'avoir une vision plus globale, dans un continuum du collège à l'enseignement supérieur. La réforme du bac s'inscrit dans cette démarche et nous tenons compte de la réforme territoriale engagée par le gouvernement précédent. Nous souhaitons nous appuyer davantage sur les régions, qui prennent en charge l'information sur les métiers et la formation, au plus près de l'économie.

L'action d'orientation sera, elle, recentrée sur les établissements pour une proximité accrue. L'évolution du maillage des CIO est nécessaire, en concertation avec les régions, en conservant au minimum un centre par département. L'évolution se fera sans brutalité, au cas par cas. Dans le Maine-et-Loire, après le désengagement du département en 2015, c'est l'État qui a repris les trois CIO de Cholet, Saumur et Angers. Seul le CIO d'État de Segré, où exerçaient trois psychologues de l'éducation nationale, a été fermé et transformé par la collectivité territoriale en point d'accueil.

Cet exemple, qui vous concerne directement, témoigne de la volonté du Gouvernement de conserver un maillage territorial équilibré, répondant aux enjeux pédagogiques et tenant compte du contexte local pour assurer un service public de qualité.

Nécessaire revalorisation salariale des professeurs des écoles

M. Olivier Paccaud .  - L'enseignement est une vocation pour la plupart de ceux qui transmettent le savoir et se chargent de l'élévation intellectuelle de nos enfants. Ce travail est un trésor, disait La Fontaine, mais il faut aussi une rémunération juste.

L'Éducation nationale manque de professeurs. Le recrutement se heurte parfois au faible nombre de candidats. N'oublions pas, non plus, un nombre non négligeable de démissions.

Le manque de reconnaissance explique en partie la désaffection pour le métier d'enseignant mais pas seulement. L'aspect salarial ne doit ainsi pas être minoré. Il suffit de comparer les grilles salariales des enseignants français avec celles de nos voisins. En moyenne, un enseignant français gagne trois fois moins qu'un luxembourgeois, moitié moins qu'un allemand, un quart de moins qu'un finlandais ou hollandais. En outre, les perspectives de progression ne sont guère engageantes pour les futurs enseignants. Quand on sait qu'un professeur des écoles avec 20 ans d'ancienneté et un niveau bac +5 ne touche que 2 200 euros par mois, on comprend mieux la désaffection pour les carrières d'enseignant.

Les premières mesures annoncées comme l'augmentation de 1 000 euros par an de salaire des nouvelles recrues vont dans le bon sens.

Comptez-vous mettre en place une vraie politique de rattrapage salarial indispensable pour rendre ce noble métier à nouveau attractif ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La revalorisation et l'attractivité du métier d'enseignant sont des chantiers prioritaires.

Les stagiaires, vous l'avez mentionné, entrent dans la carrière avec une rémunération progressivement revalorisée, de 1 000 euros par an. Un professeur des écoles pourra terminer sa carrière entre 50 000 et 54 600 euros bruts par an. L'augmentation du pouvoir d'achat est programmée.

Dans le cadre du renforcement de l'attractivité des carrières, nous créons un troisième grade, la classe exceptionnelle, et y intégrons davantage de professeurs des écoles, jusqu'à 15,1 % d'une classe en 2019, contre 13,2% cette année - l'objectif étant d'approcher les 17 % du second degré.

Les premiers effets se mesurent déjà. Le nombre de candidats au concours de professeurs des écoles entre 2016 et 2018 a augmenté de 7 %. Je travaille avec sérénité et confiance avec le personnel de l'Éducation nationale, dont l'actualité nous rappelle les difficultés très concrètes.

M. Olivier Paccaud.  - Les professeurs des écoles ne bénéficient pas, comme leurs collègues du second degré, d'heures supplémentaires, par exemple pour préparer les évaluations, ce qui est un problème.

Substances indésirables dans les fournitures scolaires

Mme Françoise Férat .  - Ma question porte sur la présence de substances indésirables, des substances cancérogènes et des allergisants dans les fournitures scolaires, comme une association de défense des consommateurs l'a relevé.

Sur 52 produits testés, 19 d'entre eux, soit plus du tiers de l'échantillon, contiennent des composés inquiétants : des phtalates perturbateurs endocriniens dans des crayons de couleur et dans des crayons de papier, du formaldéhyde irritant dans un stick de colle, des impuretés cancérogènes, des conservateurs ou des parfums allergisants dans des encres. Autant de substances nocives qui peuvent se retrouver dans l'estomac des enfants qui mordillent leurs stylos. Or la réglementation est vague, contrairement à ce qui existe pour les jouets.

Face à ces constats, l'association avait demandé au Gouvernement, ainsi qu'à la Commission européenne, de renforcer la réglementation communautaire en définissant des obligations applicables aux fournitures scolaires prenant en compte la sensibilité des jeunes consommateurs. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il en la matière ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Ce sujet de santé est très important. Le ministère de l'Éducation nationale applique le plan national santé environnement (PNSE), dont la quatrième mouture sera appliquée dès 2019.

Nous oeuvrons pour réduire l'exposition de la population aux substances toxiques : une page dédiée a été créée sur Eduscol pour tous les professionnels, avec l'appui de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur. Le ministère suit de près les actions locales sur les fournitures. Le site Eduscol renverra donc aux informations publiées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en concertation avec les acteurs.

Mon ministère oeuvre pour un achat raisonné, par exemple en valorisant l'initiative « Mon cartable sain et durable », dispositif d'information et de sensibilisation initié en Gironde. Nous appuyons les acheteurs publics pour des achats durables et soutenons l'établissement de listes de fournitures raisonnables en qualité et en coût - à travers l'inter-réseau national « Commande publique et développement durable », lancé en 2005.

Mme Françoise Férat.  - Ce sujet nous interpelle au quotidien. Il faut des réponses concrètes et rapides, au-delà de l'information, monsieur le ministre : soyons très vigilants !

Mise en place de concertations avec les élus sur la question de l'avenir des classes

M. Henri Cabanel .  - Les informations divulguées en amont d'une fermeture de classe scolaire en milieu rural suscitent très souvent une légitime inquiétude. Les conséquences sont souvent lourdes et peuvent conduire les parents à envisager des temps de parcours beaucoup plus longs pour leurs enfants. Les parents, les élus et le personnel se mobilisent, parfois pour faire évoluer les critères, parfois pour les contester - et il arrive que la décision finale infirme les informations initiales, pour le plus grand bonheur de tous. Pour autant, des angoisses ont été vécues et beaucoup d'énergie a été dépensée qui aurait pu l'être ailleurs. Le soulagement n'efface pas toujours le sentiment d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la classe ou de l'école. Ce sentiment alimente également la défiance contre l'État que les démagogues ne manquent jamais d'attiser.

Il serait beaucoup plus productif que les services de l'État sollicitent les mairies en amont pour connaître leur appréciation des évolutions démographiques et discuter de la crédibilité de ces appréciations avec elles avant tout projet de fermer une classe. Envisagez-vous d'aller dans ce sens ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je suis en accord profond avec vos propos. Depuis des décennies, la méthode d'annonce est défaillante : on annonce parfois de fausses mauvaises nouvelles, vous l'avez dit. Mais, sur le fond, notre méthode est sérieuse, fondée sur des connaissances précises. Je cherche, sur ce sujet, à concilier l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse - en distinguant fermeture de classes, qui répond souvent à des considérations démographiques, et d'école - chose plus complexe.

Parmi les outils, nous disposons des conventions ruralité départementales, dans la logique promue par le sénateur Alain Duran. Les soixante-six départements ruraux devront être couverts ; pour l'heure, cinquante conventions ont été signées, qui offrent une vision stratégique pour rendre le territoire attractif - parfois, pas toujours, en regroupant les écoles.

La mission Inégalités et territoires, que j'ai lancée il y a trois semaines et confiée à l'inspectrice Ariane Azéma et au professeur Pierre Mathiot, contribuera à cette réflexion pour trouver, avec les élus locaux, de nouvelles modalités de pilotage de proximité.

M. Henri Cabanel.  - Le milieu rural est hétérogène. Dans l'Hérault, les campagnes sont très paupérisées, et l'école est le service public essentiel. Il faudrait davantage de cas par cas, pourquoi pas en se servant de la loi Confiance dans l'action politique pour améliorer le dialogue avec les maires.

Harmonisation de la couverture en fibre optique

M. Jean-Pierre Vial .  - Depuis bientôt quinze ans, la couverture numérique du territoire est un enjeu de tous les gouvernements pour mettre la France à la hauteur des infrastructures nécessaires à la société numérique et éviter le décrochage des territoires ruraux.

Une fois encore la réalité met à l'épreuve les discours, les promesses et les ambitions affichées.

Alors que la France s'est battue pendant des années à Bruxelles pour faire reconnaître le principe de l'exception française dit « du timbre-poste » qui permet de mutualiser le coût d'un service par la contribution de tous, elle a décidé d'y déroger elle-même, sous la sollicitation, il est vrai, des opérateurs.

Ceux-ci ont préempté les zones urbaines les plus densément peuplées, constituant ainsi les « zones AMII » qui sont tout simplement les principales agglomérations soit, pour la Savoie : Chambéry-Aix-les-Bains et Albertville.

Les collectivités, malgré la complexité, la lourdeur et les difficultés politiques et administratives, se réforment plus vite que la prétendue révolution numérique.

Des communes rurales ont été contraintes de se regrouper avec des agglomérations, en perdant en même temps les avantages consentis aux territoires ruraux.

Depuis, lors de la conférence des territoires du 14 décembre 2017, le Gouvernement a annoncé la création du dispositif d'appel à manifestation d'engagements locaux (AMEL) visant à accélérer la couverture en fibre optique des territoires ruraux.

La moindre des cohérences c'est, quel que soit l'opérateur, qu'il soit de zone AMII ou AMEL, d'éviter une fracture supplémentaire au sein d'une même collectivité - pour la Savoie, les territoires de Chautagne, de l'Albannais, des Bauges, du Beaufortain et du Val d'Arly, au regard aujourd'hui de leur collectivité de rattachement : Grand Lac, Grand Chambéry et Arlysère.

En effet, l'État, dans son rôle de garant de l'aménagement du territoire et de gardien de l'égalité de tous devant les services et politiques publics, se doit d'agir pour une identité de services effective et de calendrier, en imposant aux opérateurs une desserte cohérente de zones « AMII », dans le respect des limites territoriales de leur collectivité.

Quels sont les engagements du Gouvernement au service de ces objectifs ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Avoir accès au très haut débit et à une couverture numérique de qualité est un enjeu majeur d'attractivité. Dans les zones d'initiative privée, les opérateurs se sont engagés à couvrir 3 600 communes et 13 millions de locaux.

Dans votre département, 42 communes bénéficieront ainsi de la fibre optique déployée par Orange d'ici à 2020.

Pour les zones d'initiative publique, l'État confirme le soutien des collectivités territoriales et a sécurisé une enveloppe de 3,3 milliards d'euros. Cette enveloppe a notamment permis de soutenir les projets portés par les collectivités territoriales pour le déploiement de plus de 11 millions de prises en fibre optique. Certaines collectivités territoriales, comme la Savoie, ont eu recours au privé en complément.

La Haute-Savoie est dans une situation singulière, c'est la première collectivité territoriale à avoir résilié sa délégation de service public (DSP). Quoi qu'il en soit, le dispositif AMEL enrichit la boîte à outils des collectivités territoriales pour trouver le meilleur équilibre entre initiative publique et privée.

M. Jean-Pierre Vial.  - Le département a été contraint de mettre un terme à la DSP ! Les principes sont toujours louables, mais la réalité des territoires ruraux ne change guère. Monsieur le ministre, les territoires ruraux ont droit à la même qualité de service que les territoires urbains.

Situation financière des collectivités territoriales

M. Alain Marc .  - La suppression de la taxe d'habitation impose une compensation nécessaire s'élevant à plus de 26 milliards d'euros à l'horizon 2020, dont 10 milliards ne sont pas encore financés à ce jour.

De nombreux élus s'inquiètent des conséquences prévisibles de cette mesure sur la capacité des petites communes rurales de continuer à assurer leurs missions de service public de proximité, pourtant essentielles à la population. En effet, ces territoires ruraux souffrent déjà d'une baisse conséquente des dotations de l'État depuis de nombreuses années, ainsi que du déséquilibre de ces mécanismes de dotations, puisque la dotation globale de fonctionnement (DGF) par habitant des communes rurales est deux fois inférieure à celle des communes urbaines.

Face aux contraintes financières et budgétaires qui se renforcent, les petites communes éprouvent sans cesse davantage de difficultés à soutenir leurs tissus économiques locaux, eux aussi fortement affaiblis et durement affectés par la désertification croissante des territoires ruraux.

Couvrant les deux tiers de notre territoire et représentant 22 millions d'habitants, les communes rurales ne peuvent être abandonnées. La campagne de stigmatisation autour du hashtag #BalanceTonMaire est très mal vécue par les élus, qui n'ont fait que prendre leurs responsabilités. Je regrette que l'État s'isole des territoires ruraux.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de soutenir les communes rurales et préserver leurs capacités d'investissement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les territoires ruraux sont une chance pour notre pays. Les montants répartis de la DGF - 27 milliards d'euros - seront maintenus en 2019. La péréquation pour les territoires ruraux les plus pauvres augmente, elle, de 90 millions d'euros avec la DSR.

Le Gouvernement a en outre pérennisé la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) à des niveaux très élevés : 1 milliard d'euros par an pour la première contre 600 millions d'euros il y a quatre ans. Avec le projet de loi de finances 2019, les préfets auront toute latitude pour financer tout travaux d'ingénierie, sans seuil.

Les efforts demandés aux collectivités territoriales sont concentrés sur les 322 plus grandes communes.

Enfin, aucune collectivité territoriale ne perdra de ressources fiscales. La taxe d'habitation sera intégralement compensée. Vous le voyez, le Gouvernement fait le choix de la confiance, ne fait peser aucun contrôle sur les petites communes et ne perd pas de vue la ruralité.

M. Alain Marc.  - Ancien conseiller pédagogique, je suis satisfait de votre action au ministère de l'Éducation nationale, monsieur le ministre, mais il s'agit ici de collectivités territoriales, dont la dette n'est que de 10 % de la dette totale... L'État peut creuser son déficit mais les collectivités territoriales, elles, ne disposent pas de cet outil.

Délégués à la protection des données

Mme Laurence Harribey .  - Cette question fait suite à deux questions écrites, restées sans réponse. Le règlement général sur la protection des données, entré en vigueur en mai 2018, impose à l'ensemble des collectivités locales la désignation d'un délégué à la protection des données.

Si aucun diplôme particulier n'est exigé, une telle mission requiert des connaissances en technologies de l'information, en protection des données et en matière juridique. Comment les petites communes pourront-elles respecter une telle obligation ? Je rappelle qu'une commune sur deux compte moins de 500 habitants.

Si le règlement autorise la mutualisation, il semble, avec le recul, que seules les plus grandes collectivités se sont emparées de cette possibilité. Le Gouvernement entend-il aider les communes de faible population à trouver, à proximité de leurs territoires, des acteurs susceptibles d'assumer la mission de délégué à la protection des données ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le Gouvernement est très attentif à la maîtrise des normes et des charges pesant sur les collectivités territoriales. Le RGPD impose certes de nouvelles obligations aux collectivités, dont la désignation d'un délégué à la protection des données ; pour autant, il a également entraîné des simplifications qui se concrétisent par des allégements de charge pour elles.

Dans la loi du 20 juin 2018, le législateur, à l'initiative de votre assemblée, a renforcé l'information des collectivités sur leurs droits et obligations en tant que responsable de traitement des données. Il a encouragé l'élaboration de codes de conduite, portés par l'association des maires de France et par l'association des départements de France, par la CNIL. Il a prévu une possibilité de mutualisation que le Gouvernement, comme il s'y était engagé auprès du CNEN, a rappelée dans le décret. Plus largement, les collectivités et leurs groupements peuvent se doter d'un service unifié ayant pour objet d'assumer en commun les charges et obligations liées au traitement de données -  cela figure à l'article 31 de la loi du 20 juin 2018. La CNIL a publié des exemples de mutualisation et élaboré un guide pratique à l'attention des collectivités.

Le Gouvernement demeurera très attentif à ce travail d'accompagnement.

Mme Laurence Harribey.  - Une très large majorité des communes n'ont pas désigné de délégué, en dépit de sanctions pouvant aller jusqu'à 20 millions d'euros pour les infractions les plus graves. Pour venir d'un milieu rural, comme vous, madame la secrétaire d'État, je constate qu'elles sont littéralement harcelées par des cabinets prétendument spécialisés qui leur proposent leurs services ; il a fallu que je saisisse le département de la Gironde pour que soit rappelée la possibilité de mutualisation. Le Gouvernement doit être vigilant : c'est l'esprit du RGPD qui pourrait être mis en cause. Et nous savons combien la protection des données personnelles est un sujet fondamental.

Vétusté du centre de formation des apprentis de la Palme à Agen

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Le centre de formation des apprentis de la Palme à Agen est le plus ancien de la région Aquitaine. Construit en 1964, il a formé des générations d'apprentis qui incarnent le savoir-faire français dont nous sommes si fiers. Dans le Lot-et-Garonne, 70 % des chefs d'entreprises artisanales en sont d'anciens élèves.

Malgré la hausse des effectifs, qui sont passés de 700 élèves en 2017 à 750 en 2018, la vétusté des bâtiments du CFA met en danger son existence. En avril 2017, la commission de sécurité a émis un avis défavorable à la poursuite de l'ouverture au public de certains bâtiments du site.

Refusant cette fatalité, les acteurs locaux ont présenté un projet de rénovation estimé à 15 millions d'euros. La région Nouvelle-Aquitaine s'est engagée à apporter son concours financier à hauteur de 7,3 millions d'euros. Le département du Lot-et-Garonne et l'agglomération d'Agen participent également à ce projet essentiel ; le CFA mobilisera, lui, 1 million d'euros. Mais il manque 4 millions... Pour m'être rendue sur place à plusieurs reprises, je sais que les travaux à engager ne sont pas superficiels. Cet établissement est le seul de la région à ne pas avoir fait l'objet d'un plan de modernisation.

Madame la secrétaire d'État, vous qui avez été élue d'Aquitaine, vous engagez-vous à ce que l'État soutienne ce projet ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La compétence de droit commun sur l'apprentissage appartient aux régions auxquelles l'État leur confie chaque année une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pour l'exercer.

Cette compétence et cette dotation sont maintenues dans le cadre de la réforme de l'apprentissage en cours, issue de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En 2019 et pour les années suivantes, cela représentera un montant global de 180 millions, soit un montant supérieur aux dépenses constatées, sous réserve que les régions aient maintenu leur action en la matière durant les années 2017,2018 et 2019.

S'agissant du fonctionnement, les régions ont pleine et entière responsabilité en 2019 et perçoivent, à cet effet, une fraction de la taxe d'apprentissage. La réforme ne prendra pleinement effet, sur ce point, qu'en 2020.

Je ne doute pas que vous bénéficierez de toute l'écoute et du soutien total du président de région, M. Alain Rousset, vu l'intérêt qu'il porte à la rénovation du CFA de la Palme.

Maintien à domicile des personnes âgées

M. Guillaume Chevrollier .  - Le maintien à domicile des personnes âgées représente un enjeu de société majeur quand le vieillissement de la population portera le nombre de personnes âgées dépendantes à 1,6 million en 2030.

Chacun souligne le travail remarquable que les aides à domicile accomplissent au quotidien. Et pourtant, ce secteur connaît des difficultés chroniques : financement déficitaire, difficulté à recruter et à fidéliser du personnel, emplois majoritairement à temps partiel et mal rémunérés, quelle que soit l'ancienneté... Le CCAS de Mayenne m'a fait part de ces réflexions pour améliorer l'attractivité de ce métier : rénovation du mode de financement des services d'aide à domicile, reconnaissance des diplômes dans la rémunération et, surtout, revalorisation de l'indemnité kilométrique, bloquée à 0,35 euro depuis 2010 malgré un prix du carburant en hausse.

Prendre soin des aides à domicile, c'est prendre soin des personnes âgées. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'un des axes de la concertation « Grand âge et autonomie » lancée le 1er octobre est justement le maintien à domicile. Actuellement, 760 000 personnes âgées bénéficient d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile. La concertation doit permettre de définir les modalités de financement des prises en charge à domicile comme en établissements afin d'en garantir l'accessibilité pour les familles. L'un des dix ateliers traite particulièrement de la question des paniers de biens et services et du reste à charge. Il faudra définir différents scénarios pour proposer des droits et prestations universels, simples, lisibles, et modulés en fonction des ressources des personnes.

Parce que nous savons ce que nous devons aux accompagnants du quotidien, nous nous sommes engagés à améliorer les conditions d'exercice des professionnels du médico-social et des aidants. Dès 2019, nous définirons, en concertation, une stratégie sur la qualité de vie au travail dans les services d'aide et d'accompagnement à domicile.

Comme cela a été adopté dans la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, nous faciliterons le répit des aidants en expérimentant, dès la fin de l'année, le relais de l'aidant ou des séjours de répit pour que les aidants puissent s'absenter plusieurs jours en confiant leur proche à un professionnel.

Enfin, un des axes de la concertation est également de renforcer la reconnaissance et l'accompagnement des aidants et d'accroître leur capacité à se saisir de leurs droits.

Les aidants, maillons essentiels, doivent voir leur implication préservée dans la durée.

M. Guillaume Chevrollier.  - J'insiste, comme nous l'avons fait sous le précédent quinquennat lors de l'examen de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, sur la question des moyens. Le Sénat sera particulièrement vigilant sur ce point.

Stationnement des personnes handicapées dans les hôpitaux

M. Philippe Bas .  - Un certain nombre de personnes handicapées m'ont alerté sur leurs difficultés matérielles d'accès à l'hôpital où elles se rendent parfois quotidiennement pour y recevoir des soins. Le stationnement y est désormais payant. Il y a quelques années, nous nous étions battus pour que les personnes handicapées n'aient pas à payer leur stationnement dans les communes, en raison de leur difficulté à atteindre la borne de paiement, parfois éloignée ; nous avions obtenu gain de cause. Les mêmes causes devraient produire les mêmes effets. Des instructions pourraient-elles être données en ce sens ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Merci pour cette question très concrète. La loi du 18 mars 2015 dispose, en effet, que les personnes handicapées munies d'une carte de stationnement ou les personnes les accompagnant peuvent utiliser gratuitement et sans limitation de durée toutes les places de stationnement ouvertes au public et non plus seulement les places réservées matérialisées par une signalétique spécifique.

Néanmoins, la loi précise que les titulaires de la carte de stationnement peuvent être soumis au paiement d'une redevance pour se garer dans les parcs de stationnement munis de bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule. Les hôpitaux dotés de parkings payants, souvent concédés à un opérateur privé, entrent dans cette catégorie.

Il n'est pas prévu de modifier la loi. Ce sujet n'a pas été identifié lors des réunions qui se tiennent régulièrement au ministère avec les associations. Je ne manquerai pas de relayer vos interrogations lors des prochaines rencontres, même si l'on peut estimer que les personnes handicapées ne sont pas les seules à vivre cette contrainte ; d'autres patients, notamment ceux atteints de pathologies cardio-vasculaires ou d'insuffisance respiratoire, viennent de manière récurrente en consultation. Pour l'heure, nous manquons d'éléments objectifs concernant les pratiques des établissements de santé : certains établissements valident le ticket de parking à l'occasion d'une consultation tandis que d'autres exonèrent certains publics.

M. Philippe Bas.  - Votre réponse me déçoit un peu. La question mérite d'être soulevée. Certes, d'autres patients se rendent régulièrement à l'hôpital mais, pour les personnes handicapées, cette difficulté de stationnement n'est que l'un des éléments les empêchant de prendre part à la vie collective. A fortiori quand il s'agit de santé, tout doit être fait pour leur faciliter la vie.

Fermeture de l'agence de la CNAV de Boulogne-Billancourt

Mme Christine Lavarde .  - Le maire de Boulogne-Billancourt a appris par courrier, en plein été, que l'agence locale de la CNAV allait fermer, ce qui envoie les usagers au Plessis-Robinson, soit à cinquante minutes en transports en commun.

Le besoin d'économies s'entend mais avant même la réorganisation d'octobre 2018, il ne restait que quatre agences de la CNAV dans les Hauts-de-Seine. En Île-de-France, où 20 000 dossiers sont en suspens et le délai de traitement dépasse les six mois pour obtenir l'ouverture des droits à la retraite, la fermeture d'agences est un coup dur pour les usagers. Certes, les démarches peuvent être effectuées en ligne mais seuls 32 % utilisent cette faculté. Enfin, le standard téléphonique est saturé avec plus de 9 000 appels par jour.

Ce n'est pas aux équipes des CCAS de se substituer à la CNAV pour aider nos concitoyens à constituer leur dossier de retraite. Des villes sont disposées à mettre à disposition des bureaux pour que soient assurées des permanences hebdomadaires, a minima bimensuelles. Que compte faire le Gouvernement pour répondre à cette demande de proximité de plus de 250 000 habitants ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le maillage territorial est l'un des sujets majeurs de la convention d'objectifs et de gestion qui lie l'État à la CNAV pour les années 2018 à 2022. À la fin de l'année 2020, chaque assuré disposera d'un point d'accueil à moins de trente minutes de son domicile.

La CNAV Île-de-France revoit actuellement son implantation dans le sud des Hauts-de-Seine après que, à l'été 2017, le propriétaire des locaux de l'agence de Bourg-la-Reine lui a notifié la fin proche de son contrat de location. Les points d'accueil seront regroupés pour créer l'agence Sud 92 à Plessis-Robinson, elle sera accessible par le RER B et le tramway T6. Une campagne d'information accompagnera l'ouverture du site.

La CNAV dispose également d'agences dans les villes de Nanterre et Asnières et de points d'accueil dans les maisons de service au public d'Anthony et de Colombes. Elle se dit disposée à accueillir favorablement de nouveaux projets de coopération qui lui seront proposés par des porteurs de projets locaux.

Mme Christine Lavarde.  - Vous connaissez bien mal la géographie des Hauts-de-Seine. Vous me parlez du sud quand je vous parle du centre du département ; Nanterre et Asnières sont au nord. Un point d'accueil à trente minutes, dites-vous ? Le Plessis-Robinson est à une heure de Boulogne en transports en commun

Déserts médicaux

M. Michel Canevet .  - La démographie médicale dans notre pays est alarmante, singulièrement en Bretagne où l'ARS vient d'établir une cartographie précise des territoires particulièrement mal desservis, voire dépourvus de médecins. Cela provoque, bien entendu, l'angoisse ; une angoisse à laquelle les élus s'efforcent de répondre.

J'avais proposé naguère la suppression du numerus clausus. Depuis l'envoi de ma question, le Gouvernement a lancé un plan Santé comprenant la réforme du numerus clausus, voire sa suppression, d'ici 2020. Le plus tôt sera le mieux, il y a urgence à agir.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Dans le plan présenté par le Président de la République le 18 septembre dernier, « Ma santé 2022 » ; l'adaptation des formations aux enjeux de la santé de demain a été identifiée comme un axe prioritaire de travail.

Chacun le reconnaît, le numerus clausus est un outil inadapté s'il est utilisé seul pour assurer la couverture du territoire en professionnels de santé. Chacun en a fait l'expérience, il opère une sélection sur des critères peu pertinents par rapport à l'exercice que l'on attend de la pratique médicale. Supprimer le numerus clausus à la fin de la première année est une réforme pragmatique : des étudiants aux profils diversifiés pourront s'orienter progressivement vers un métier au cours du premier cycle.

Dès à présent, la régulation des étudiants de troisième cycle s'adapte aux besoins démographiques des régions ainsi qu'à leurs capacités de formation : 474 postes d'internes ont été ouverts en Bretagne, soit une hausse de 6 %, qui est supérieure à la moyenne nationale de 4 % ; 80 étudiants en médecine bretons ont signé un contrat d'engagement de service public, dont 43 ces 3 dernières années. Je salue les initiatives de l'ARS de Bretagne qui anime, depuis 2013, une convention régionale pour favoriser l'installation des médecins. Certaines sont très innovantes ; je pense au « généraliste dating » qui met en relation les futurs médecins généralistes et les professionnels de santé déjà installés et s'est déjà conclu par 12 installations, au développement de 90 maisons de santé pluri-professionnelles et aux 35 projets de télémédecine opérationnels.

M. Michel Canevet.  - Merci. Mais l'accompagnement des maisons de santé fait parfois défaut pour concrétiser tous les projets. N'oublions pas qu'il manque aussi d'autres professionnels que les médecins, notamment des orthophonistes et des kinésithérapeutes.

Prescription de la Dépakine et information des professionnels et du public

M. Jean-Louis Tourenne .  - Ce n'est que depuis 2015 que l'Agence de santé publique recommande de ne plus prescrire de valproate aux femmes en âge de procréer. Malheureusement, seulement 46 % des praticiens suivent la procédure d'information et de recueil du consentement du patient. Le valproate fait courir quatre à cinq fois plus de risque de troubles comportementaux et neurologiques chez les enfants. On estime le nombre d'enfants victimes chez les patientes épileptiques entre 13 200 et 26 500, le nombre d'enfants de patients bipolaires entre 3 200 et 3 900.

Depuis l'interdiction totale, le nombre de femmes en âge de procréer traitées au valproate a diminué de 15 %. Il faut faire mieux encore. Des mesures radicales s'imposent : l'information la plus large de la population féminine en âge de procréer comme la sensibilisation des hommes sur les conséquences sur l'appauvrissement du sperme, la sensibilisation de tous les praticiens sur les risques qu'ils font courir en prescrivant le Valproate et la mise en oeuvre de sanctions en cas de non-respect des procédures ; la conduite d'une étude épidémiologique approfondie sur les effets éventuels sur les petits-enfants des patientes traitées afin de déterminer un dispositif de prévention ; l'indemnisation des victimes en obtenant de l'entreprise Sanofi qu'elle y contribue, elle qui vient de distribuer 6,6 milliards d'euros de dividendes. Qu'entend faire le Gouvernement pour que ce scandale sanitaire s'arrête enfin ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le nombre de femmes en âge de procréer exposées à la Dépakine a diminué de 45 % entre 2013 et 2017, grâce à la mobilisation de tous les acteurs. Aucun antiépileptique ne doit être prescrit à la légère.

La ministre de la santé a reçu début septembre le rapport de la mission Information et médicament, mise en place le 1er décembre 2017. Elle s'est saisie de l'occasion pour réaffirmer sa volonté d'installer une source unique d'information publique sur le médicament en s'appuyant sur le site sante.fr et en y intégrant la base de données publique des médicaments. Le dossier médical partagé, généralisé dans quelques jours, sera un outil essentiel pour une meilleure coordination entre médecins et pharmaciens.

Nous souhaitons la mise en place d'un suivi de la prise en charge des enfants exposés in utero afin que soit organisée une filière de soins simplifiant leur parcours.

L'indemnisation est ouverte à toute personne s'estimant victime d'un préjudice imputable à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés. Le comité d'indemnisation, au vu de l'avis du collège d'experts, se prononce sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages ainsi que sur la responsabilité. La responsabilité de l'exploitant du médicament, des prescripteurs et, enfin, de l'État au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire, peut alors être recherchée.

Fermeture de la maternité de Guingamp

Mme Christine Prunaud .  - La fermeture de la maternité de Guingamp a été annoncée cet été, suscitant l'indignation du personnel et des élus. Certaines patientes n'osent pas prendre rendez-vous, de peur de ne pouvoir être suivies jusqu'au terme de leur grossesse. On connaît les conséquences de la fermeture d'une maternité : déplacements allongés, risques accrus. Tout le monde est suspendu à la décision de l'ARS alors que le professionnalisme des agents est connu. Nous ne voulons pas de mastodontes de la santé. Quelle est la position du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'ARS de Bretagne a décidé de ne pas renouveler l'autorisation de gynécologie de la maternité de Guingamp en raison d'une démographie médicale fragile dans les deux cas au bon fonctionnement d'une maternité : la pédiatrie et l'anesthésie. Le recours fréquent à l'intérim médical ne constitue pas une solution pérenne, malgré la compétence et l'engagement reconnu du personnel hospitalier.

Le président de la République a demandé qu'un délai de deux ans soit accordé pour laisser au centre hospitalier le temps de renforcer sa couverture médicale et d'évaluer l'évolution du nombre de naissances. Le 25 juillet, l'ensemble des acteurs du groupe hospitalier de territoires ont été impliqués dans cette recherche.

L'organisation de l'offre de soins sur le territoire est une priorité du gouvernement. Une première traduction législative du plan « Ma santé 2022 », présenté par le président de la République le 18 septembre, aura lieu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Dans l'immédiat, nous savons pouvoir compter sur la forte implication du personnel hospitalier de Guingamp.

Mme Christine Prunaud.  - Je ne m'attendais pas à une autre réponse. La fusion de la maternité de Guingamp et de l'hôpital de Saint-Brieuc est, pour nous, une absurdité. Il y a une dizaine de jours, 120 médecins de la commission médicale de cet hôpital ont démissionné ; c'est, à ma connaissance, une décision unique en France. Les anesthésistes ne manquent pas qu'à Guingamp ; à Saint-Brieuc, 11 temps plein seulement sur 23 postes !

Charge injustifiée de taxes sur les installations nucléaires supportée par l'université de Strasbourg

M. Guy-Dominique Kennel .  - Un décret du 25 juin 1965 avait autorisé la création d'un réacteur nucléaire de recherche au sein de l'université de Strasbourg. Après 31 ans de fonctionnement, le réacteur a fait l'objet d'une cessation définitive d'exploitation le 23 décembre 1997, constatée par un décret du 15 février 2006.

Depuis l'année 2004, a été mise à la charge de l'université par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) la taxe sur les installations nucléaires de base pour la période comprise entre 2000 et 2012. Le montant total de cette dette s'élève à plus de 15,6 millions d'euros. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a également mis à la charge de l'université, en 2011 et 2012, la contribution annuelle créée par la loi du 29 décembre 2010, ce qui représente une dette de 319 000 euros. Ces deux taxes ont été imputées alors même que le réacteur avait cessé toute activité et qu'il était en cours de démantèlement !

Ces sommes considérables pourraient pourtant être plus utiles à la communauté universitaire et servir des projets, plutôt que de grever lourdement le budget de l'établissement sans raison. Une remise gracieuse de ces taxes est-elle envisageable ? J'espère obtenir davantage qu'un accord de principe qu'on m'a donné plusieurs fois depuis 2004...

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le réacteur universitaire de Strasbourg a été mis en place à des fins de recherche dans les années 1960. Le réacteur n'a plus produit de neutrons depuis son arrêt fonctionnel en décembre 1997 et a été mis définitivement à l'arrêt par voie règlementaire le 15 février 2006. Enfin, il a été démantelé sans délais entre août 2006 et décembre 2008 puis déclassé par un arrêté du 31 octobre 2012.

Le volet fiscal de cette affaire est figé depuis plus de neuf ans. Le fond du problème réside dans le fait que la taxe sur les installations nucléaires de base s'applique jusqu'au déclassement. À cela s'ajoutent deux autres séries d'impositions qui ont été instituées pendant cette phase intermédiaire : des taxes additionnelles conformément à la loi du 28 juin 2006 et la contribution annuelle au profit de l'IRSN créée par la loi de finances pour 2011.

Les remises gracieuses qu'a demandées l'université de Strasbourg se sont jusque-là heurtées à une incertitude sur l'autorité compétente. Une action au tribunal administratif est en cours entre l'IRSN et l'université.

La ministre de l'enseignement supérieur est consciente des enjeux. Le dossier est en cours d'instruction par le ministre de l'action et des comptes publics qui, d'après le décret « CBCM » de 2012, est désormais compétent pour les remises gracieuses supérieures à 150 000 euros. Mme la ministre ne manquera pas, monsieur le sénateur, de vous tenir informé.

M. Guy-Dominique Kennel.  - L'université n'a plus le choix : cessation de paiement ou provisionnement des sommes au détriment d'investissements pour les étudiants. Le ministre des comptes publics doit apporter rapidement une réponse claire.

Services de santé au travail

M. Marc Laménie .  - La parution en août 2018 du rapport de la députée Charlotte Lecocq, intitulé : « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » inquiète beaucoup les associations à but non lucratif regroupées dans le réseau « Prévention et santé au travail », qui est un organisme représentatif des services de santé au travail interentreprises.

Actuellement, près de 240 associations, employant plus de 16 000 collaborateurs dont 5 000 médecins du travail, accompagnent toutes les entreprises et leurs 15 millions de salariés dans leurs démarches de prévention et d'accompagnement santé. Dans les Ardennes, « Ardennes santé travail » assure le suivi de plus de 56 000 salariés à travers ses quatre missions légales.

La création d'un guichet unique, préconisée dans le rapport et regroupant les compétences de différents organismes de prévention, augure, de l'avis général, d'une simplification d'accès et d'une meilleure lisibilité des services offerts aux usagers. En revanche, le transfert à un niveau régional du pilotage des plans santé fait craindre une diminution et une dilution des moyens d'actions. La proximité géographique entre les employeurs et ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre la prévention reste un facteur clé de réussite.

Ne vaut-il pas mieux maintenir en l'état le dispositif local actuel de prévention afin d'en garantir l'efficacité ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - La France a des progrès à faire en matière de santé au travail. Si les réformes de 2011 et 2016 ont permis le renforcement de la pluridisciplinarité et le ciblage sur les publics prioritaires, il se produit encore plus de 600 000 accidents du travail par an et 48 000 personnes sont reconnues atteintes de maladies professionnelles chaque année.

Les organismes de prévention sont environ au nombre de 300, ils ne communiquent pas toujours entre eux. Le rapport que vous avez évoqué suggère des pistes d'évolution structurelle. Ce sera une base de négociation. En particulier, il faudra mettre l'accent sur les TPE-PME, qui cotisent sans avoir toutes accès aux services de santé.

Je veux insister sur la médecine du travail. Nous n'avons plus que 4 700 médecins du travail contre 6 000 il y a dix ans ; 30 % des postes ne sont pas pourvus. Cette profession n'attire plus.

Nous rediscuterons de ces sujets essentiels lors d'un projet de loi à venir qui sera déposé courant 2019.

Rapprochement des missions locales et de Pôle emploi

Mme Agnès Canayer .  - La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, dévoilée par le président de la République le 13 septembre dernier, a conforté le rôle central des missions locales dans l'accompagnement et l'insertion vers l'emploi des jeunes en leur confiant le développement de la garantie jeunes.

Les missions locales, qui ne sont pas opposées par principe à la réforme, sont très inquiètes des propositions du CAP 2022 de fusionner leurs missions avec Pôle emploi. L'opération est réussie seulement si elle est demandée par les acteurs locaux. C'est un partage de compétences, l'élaboration d'un projet commun qu'il faut viser pour ne pas décourager les volontaires. Quelle est l'intention du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Madame la sénatrice, vous le savez en tant que présidente de mission locale de Normandie, les missions locales constituent un maillon important du service public de l'emploi mais aussi de la formation. C'est pourquoi, dans le plan d'investissement compétences, nous leur consacrons 15 milliards d'euros pour former 1 million de jeunes avec l'aide des missions locales en première ligne. Toutefois, il faut améliorer la relation entre mission locale, Pôle emploi et Cap emploi. Certaines missions locales n'ont pas accès aux offres de Pôle emploi, il faut un meilleur partage d'informations.

Au niveau local, je soutiens toute démarche de recherche de synergie, de coordination et d'offres de services. Des expérimentations de rapprochement sont possibles et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel le prévoit ; dans mon esprit, ce ne peut être qu'à la demande des élus. Les missions locales doivent poursuivre et amplifier leur rôle, nous sommes d'accord.

Relations entre les entreprises et l'Urssaf

M. Jean-Luc Fichet .  - Des divergences existent entre les employeurs et les Urssaf, en particulier sur les déjeuners pris dans les restaurants ouvriers en Bretagne. Si un décret de 2003 existe bien, l'interprétation qui en est faite varie d'un département à l'autre. Dans le Finistère, une TPE de plomberie a été redressée pour un montant de 21 000 euros, une TPE du bâtiment pour un montant de 6 000 euros.

De fait, le repas de midi est de plus en plus pris sur le pouce. La perte en chiffre d'affaires des restaurants ouvriers peut atteindre 30 % dans certains cas. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler précisément la règle et nous faire savoir comment vous la ferez connaître aux employeurs et aux Urssaf ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Pardon pour cette réponse un peu technique mais il faut l'être parfois.

Lorsque le salarié se déplace hors des locaux de l'entreprise et ne peut regagner son domicile ou son lieu de travail habituel pour prendre son repas, l'indemnisation par son employeur au titre des frais professionnels est exclue de l'assiette des cotisations et contributions sociales dans les limites fixées par la réglementation sociale pour une indemnisation forfaitaire - 9,10 euros par repas ou 18,60 euros par repas lorsque le salarié est contraint de prendre son repas au restaurant - ou sur justificatifs lorsqu'il s'agit d'une indemnisation des dépenses réellement engagées.

Lorsque l'employeur paie le repas directement au restaurateur, l'avantage en nature résultant de cette prise en charge n'est pas réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

La situation de déplacement ainsi que la contrainte empêchant le salarié de regagner son lieu de travail habituel ou son domicile doivent être avérées. Mais aucune condition de distance n'est exigée.

Les entreprises peuvent également participer à l'acquisition de titres-restaurant et voir leur contribution exonérée de cotisations et d'impôt sur le revenu dans la limite de 5,43 euros en 2018.

Le cas que vous mentionnez trouve donc une solution simple et ne donne normalement pas lieu à contestation. La réglementation est claire mais la communication à son sujet fait peut-être défaut.

M. Jean-Luc Fichet.  - Vous ne répondez pas à ma question. Les Urssaf retiennent le critère de la distance. Bien qu'une réunion ait été organisée à mon initiative par l'Urssaf régionale, l'interprétation continue de varier d'un département à l'autre : dans un cas, cinq à six kilomètres ne justifient pas un repas pris dans un restaurant ouvrier ; de l'autre côté de la frontière administrative qui est toute proche, oui. Les entreprises comme les restaurateurs sont très pénalisés. Il faut vraiment préciser le décret et donner des instructions claires aux Urssaf.

La séance est suspendue à 12 h 50.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Jacky Deromedi, M. Daniel Dubois.

La séance reprend à 14 h 35.

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

Renforcement de l'organisation des juridictions (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

Explications de vote

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. Ladislas Poniatowski.  - Le rapporteur a été excellent !

M. François-Noël Buffet.  - Au nom de mon groupe, je voudrais adresser mes remerciements au Gouvernement... (Exclamations amusées)

M. Roger Karoutchi.  - Pas trop ! (Sourires)

M. François-Noël Buffet.  - ... pour avoir choisi le Sénat en première lecture, reconnaissant ainsi la qualité du travail que nous réalisons depuis des années sur le sujet.

M. Roger Karoutchi.  - Il devrait aussi le faire pour la réforme constitutionnelle !

M. François-Noël Buffet.  - Le Sénat a en effet mené un travail important et approfondi en 2017, sous l'égide de Philippe Bas, pour une réforme de la justice, depuis longtemps parent pauvre de notre système.

Des propositions ont été faites, dans le rapport puis la proposition de loi de 2017, pour donner à la justice les moyens budgétaires nécessaires pour rattraper, sur un quinquennat, le retard accumulé ; lui apporter la numérisation dont elle a tant besoin pour se moderniser ; rendre le système civil plus efficace ; établir une corrélation ente le prononcé et l'exécution de la peine en matière pénale. Dès 2017, nous avions souligné les difficultés et l'inefficacité du système pénitentiaire.

Madame la ministre, le débat que vous avez voulu lancer sous forme d'ateliers a repris largement notre constat, même s'il nous a un peu déçus. Là où vous proposiez une augmentation du budget de la justice de 23,5 % sur cinq ans, nous ne pouvions que revenir à la position du Sénat d'une augmentation de 33,8 %.

En matière civile, le Sénat, plus protecteur, souhaite conserver au justiciable l'accès à son juge ; nous avons renforcé l'encadrement des services en ligne de résolution amiable des litiges ; supprimé la représentation obligatoire devant le tribunal paritaire des baux ruraux ; restreint ou supprimé certaines déjudiciarisations ; conservé la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux.

Nous avons restauré le droit de timbre pour financer l'aide juridictionnelle, limité les procédures sans audience et la déjudiciarisation. Nous avons en outre renforcé des garanties individuelles - c'est l'ADN du Sénat - en limitant l'extension à de nouvelles infractions des techniques d'enquête intrusives...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. François-Noël Buffet.  - ... en maintenant l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de garde à vue ; en maintenant le droit pour le justiciable de refuser le recours à la visio-conférence ; en maintenant la collégialité des travaux de la chambre d'instruction ; en supprimant la procédure extravagante de comparution à effet différé.

Nous avons été plus fermes que le texte initial en introduisant plusieurs dispositions contre l'avis du Gouvernement : création d'une peine générale d'interdiction du territoire français, relevé automatique de l'état de récidive, révocation automatique du sursis, maintien des peines d'emprisonnement inférieures à un mois afin d'éviter les effets de seuil, etc. Le Sénat s'est ainsi montré attaché à la fermeté et à la clarté de la sanction.

Nous avons donné notre accord à la création du juge de l'indemnisation des victimes d'acte de terrorisme mais émis les plus grandes réserves au sujet du parquet national antiterroriste : le système actuel fonctionne bien, il n'y a pas lieu de le modifier.

Ce texte sort du Sénat avec des ajouts importants. Nous regrettons la procédure d'urgence qui interdit la navette entre les deux chambres...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien ! Ne l'acceptez pas, madame la ministre !

M. François-Noël Buffet.  - En attendant la CMP, il appartiendra donc aux députés d'apprécier les avancées du Sénat : plus de fermeté, une efficacité plus grande entre le prononcé et l'exécution de la peine, protection des libertés individuelles, préservation des juridictions civiles... Autant d'apports essentiels qui font que notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Le groupe LaREM était d'accord avec les objectifs affichés par le Gouvernement : faire de la justice une priorité et mettre en oeuvre un vaste mouvement de réorganisation et de numérisation en la dotant de moyens conséquents.

Le texte initial était parvenu à un équilibre sur la procédure de divorce, sans suppression sèche de la tentative de conciliation, vouée à disparaître. Le Gouvernement avait consenti à revenir sur la cause du divorce, afin qu'on n'en fasse pas état dans la demande initiale, et prévu la possibilité pour l'une des parties de demander une audience sur les mesures provisoires. Malheureusement, la commission des lois est revenue sur cet équilibre.

Des points d'accord sur des points essentiels se sont cependant dégagés : mode de saisine unique en matière civile ; fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance ; expérimentation du tribunal criminel départemental ; centralisation du traitement des injonctions de payer.

Le Sénat, comme à son habitude, a bien travaillé. Je remercie le Gouvernement d'avoir saisi notre assemblée en première lecture sur ces deux textes. C'est à réitérer.

Je remercie tous nos collègues qui ont participé à ces discussions et contribué à enrichir le texte. Je salue le travail de qualité du président de la commission des lois et des rapporteurs dont on connaît la rigueur.

Madame la garde des Sceaux, merci d'avoir été, comme à votre habitude, ouverte au dialogue et aux suggestions.

Certains sujets auraient mérité une réflexion plus longue. L'aide juridictionnelle, en particulier, ne peut se contenter de retouches partielles et mérite une réforme d'ensemble.

Je regrette l'absence d'accord sur le parquet national antiterroriste. Je souhaite que le débat se prolonge à l'Assemblée nationale, dans le respect du bicamérisme. C'est pourquoi nous voterons en faveur de ces textes, malgré les modifications apportées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - Il y a un an jour pour jour, nous débattions du projet de réforme de la justice de Philippe Bas. Nous formions le voeu que les chantiers lancés par la garde des Sceaux aboutissent à une tout autre logique, celle d'une justice plus efficace et humaine à la fois.

Ces textes déçoivent, qui traitent l'embolie des juridictions à coup de mesures gestionnaires et comptables. Aussi régalien soit-il, madame la ministre, votre ministère n'est pas épargné par la main invisible de Bercy...

Sur la forme, nous nous réjouissons que le Sénat ait été saisi en premier, mais nos échanges se sont résumés au dialogue entre le Gouvernement et la droite sénatoriale. Nous avons discuté d'un texte des Républicains qui sera récrit par les députés LaREM, en cédant sur quelques points pour obtenir un éventuel accord en CMP. Tout est pour ainsi dire couru d'avance, d'où notre frustration.

Nous nous félicitons de la majoration de 10 % de l'augmentation des crédits pour 2018-2022. Cependant, la ventilation de ces crédits reste insatisfaisante, le programme de l'administration pénitentiaire en absorbant la plus grande partie.

Sur la procédure civile, nous saluons le travail des rapporteurs pour protéger les plus vulnérables et leur combat contre la déjudiciarisation dont était pétri le texte du Gouvernement. Nous nous félicitons que la commission des lois ait conservé la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux. De même, la dématérialisation n'est pas souhaitable si elle s'accompagne d'un accès plus difficile au juge.

Sur la procédure pénale, nous saluons le maintien de l'obligation de présentation au procureur pour le placement en garde à vue, de l'accord du prévenu pour les visioconférences, l'interdiction de l'extension à de nouvelles infractions de techniques d'enquête invasives et le maintien de la collégialité de la chambre de l'instruction.

Nous regrettons l'expérimentation du tribunal criminel départemental qui porte atteinte aux jurés populaires, ou l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle.

Sur le sens et l'échelle des peines, vos propositions nous inquiètent. La peine a trois vocations : punir, protéger la société et réinsérer. Ce texte ne l'envisage que sous l'angle de la punition et n'envisage d'autre peine que l'emprisonnement.

Point d'accord entre le Gouvernement et la droite sénatoriale, la création de tribunaux uniques de première instance ne fait qu'englober les tribunaux d'instance dans les tribunaux de grande instance. S'attaquer à sa proximité avec le justiciable, c'est déshumaniser la justice. On dévitalise les tribunaux d'instance avant de les supprimer... Or la justice est essentielle à notre État de droit ; si elle ne fonctionne pas bien, toute la société s'effondre.

Faire précéder toute demande d'aide juridictionnelle de la présence d'un avocat ajoute un obstacle pour les justiciables, et revient à confier à des acteurs privés une mission qui relève de l'administration. L'aide juridictionnelle permet de rétablir l'égalité des armes entre les parties ; c'est une fonction essentielle de la justice.

Nous voterons contre ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jacques Bigot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.) La justice est le parent pauvre de nos institutions, faute d'avoir disposé de suffisamment de moyens. Entre 2007 et 2012, s'y consacrer revenait à réduire le nombre de magistrats dans les promotions, de 80, qui manquent aujourd'hui, réformer la carte judiciaire, ou faire voter la loi, très critiquée, de 2009 permettant la non-exécution des peines d'emprisonnement de moins de deux ans.

Sous le quinquennat suivant, la garde des Sceaux Christiane Taubira a lancé les États généraux de la justice. Le Gouvernement actuel aurait bien fait de s'en inspirer... Elle a instauré la contrainte pénale, décriée par certains ; son successeur, la simple homologation par le juge des conventions de divorce élaborées par les avocats.

Madame la garde des Sceaux, vous proposez une programmation financière sur cinq ans. Mais elle débute en 2018 et l'augmentation prévue à l'article premier pour 2019 diffère déjà dans le projet de loi de finances. Qu'importe, l'essentiel est que les efforts soient tenus dans la durée. Plus grave à nos yeux, la volonté de faire des économies, au risque de la déjudiciarisation et de la déshumanisation de la justice.

Vous supprimez l'audience de conciliation qui est le lieu du règlement rapide des modalités du divorce, notamment de l'organisation de l'autorité parentale.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Absolument.

M. Jacques Bigot.  - Pour le reste, ce texte porte atteinte à la place du juge : suppression de la collégialité, de la révision des pensions alimentaires par le juge...

Mme la garde des sceaux a certes saisi le Sénat en premier, mais elle est venue défendre son texte, rien que son texte. Peut-être les députés En Marche, inspirés par le vote favorable de leurs collègues, suivront-ils certaines propositions de nos rapporteurs...

M. Simon Sutour.  - Pas sûr !

M. Jacques Bigot.  - Ils ont en effet corrigé les excès du texte initial sur de nombreux points, en renforçant les garanties de la défense en matière pénale, en faisant la synthèse, avec la peine de probation, entre le sursis avec mise à l'épreuve - qui ne fonctionne pas - et les problèmes posés par l'emprisonnement. Un coupable doit être jugé coupable mais la réinsertion doit être possible.

Un équilibre aurait pu être trouvé et nous aurions pu voter le texte issu de la commission si la majorité sénatoriale n'avait tenu à insérer plusieurs amendements, aux articles 43 et suivants, pour se montrer plus répressive.

Le groupe SOCR n'a donc d'autre solution que l'abstention constructive, en espérant que les députés sauront faire oeuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs du groupe CRCE ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Josiane Costes .  - Compte tenu de l'importance des sujets et de la procédure accélérée, consacrer deux semaines à ces débats était gage de sérieux. Je salue la qualité des échanges.

En matière pénale notamment, la volonté de changer de modèle est partagée ; nous divergeons sur l'anticipation des effets directs et indirects des dispositifs proposés - révision de l'échelle des peines, peine autonome de probation ou expérimentation d'un tribunal criminel.

Au RDSE, nous défendons une justice lisible, accessible et impartiale. Ces textes contiennent des éléments qui nous réjouissent, mais d'autres sont plus ambigus.

Les nouvelles technologies, singulièrement, permettent d'accélérer la résolution de conflits mais éloignent aussi de la justice nos concitoyens victimes de la fracture numérique. De même, les modes alternatifs de règlement des différends sont utiles mais ne doivent pas être rendus obligatoires aux seules fins de régulation du stock.

Le nombre de conciliations a augmenté de 122 000 à 137 000, mais le taux de conciliation a baissé, de 56 à 51 %, preuve qu'il existe un stock de litiges pour lesquels l'intervention du juge reste nécessaire, en raison de la confiance que nos concitoyens lui portent...

Nous craignons que la restauration du droit de timbre pour l'aide juridictionnelle ne menace l'accès au juge des plus vulnérables. Nous regrettons le refus de revaloriser le statut des juristes assistants, de même que le rejet de nos amendements sur les mineurs étrangers isolés ou sur les victimes de violences conjugales.

Nous nous opposons enfin aux conséquences de la métropolisation, encouragés par les choix du Gouvernement relatifs à la carte judiciaire. Nous nous félicitons de l'abandon de la spécialisation des chambres détachées et des cours d'appel mais nous resterons vigilants car il sera plus facile de les fermer.

Nous avons conscience de l'urgence qu'il y a à rénover le parc carcéral et le sens de la peine. Un consensus s'est fait jour sur la nécessité de marginaliser l'emprisonnement en matière délictuelle. Il importe que la prison ne soit plus vécue comme un rite de passage, et d'en retirer les personnes nécessitant des soins psychiatriques lourds.

Les travaux d'intérêt général, utiles à la réinsertion, doivent être développés. Nous avons bon espoir que l'agence créée par le texte développera cette sanction au service de la collectivité.

Les membres du groupe RDSE s'abstiendront, compte tenu des équilibres finalement obtenus dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean Louis Masson .  - Le texte présente des aspects positifs, d'autres plus discutables ; aussi, m'abstiendrai-je.

J'insisterai cependant sur la dimension géographique de la réforme. Les gardes des Sceaux cherchent tous à regrouper au maximum les tribunaux et les cours d'appel. Vous ne serez pas la dernière, madame la ministre, sauf si vous parvenez à vos fins plus vite que les autres ! L'idée semble être de régionaliser les implantations des cours d'appel, avec une seule vraie cour d'appel par région qui aurait la main sur les autres, en attendant qu'elles ne disparaissent.

Réorganiser pour atteindre une forme d'harmonie territoriale, pourquoi pas, mais avec les grandes régions, une seule cour d'appel est une aberration ! Dans le Grand Est, c'est la chienlit ! Les justiciables devront faire 200 kilomètres pour se rendre à la cour d'appel.

Chaque ministre avance de deux pas mais recule de moitié ; hélas, ils avancent toujours vers leur but ! Les avocats de Colmar pensent avoir sauvé leur cour d'appel ? Elle est pourtant menacée à terme. Ne nous faisons pas d'illusion.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Ce que vous dites est faux !

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) L'ambition de ces deux textes est-elle à la hauteur de leurs intitulés ? À nos yeux, la réponse était initialement négative, malgré un catalogue fourni de diverses dispositions en matière de justice...

Le Sénat n'a pas été avare de propositions. Notre commission des lois est mobilisée sur le sujet depuis longtemps ; Yves Détraigne nous alerte, à chaque projet de loi de finances, sur le manque de moyens, le délabrement des juridictions, l'insalubrité des prisons, les moyens informatiques d'un autre âge... Nous avons donc modifié la programmation pluriannuelle à l'article premier. Nous nous sommes aussi appuyés sur les 127 propositions du rapport d'information sur le redressement de la justice et la proposition de loi Bas adoptée le 24 octobre 2017.

Nos propositions recueillent un très large assentiment. Las, le Gouvernement n'a fait que tenter obstinément de rétablir son texte initial. Vous avez certes toujours argumenté, madame la ministre, mais que reste-t-il du travail parlementaire quand le Gouvernement reste sourd à toutes les propositions du Sénat ? Espérons que les députés auront plus d'égard pour notre travail.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - On peut l'espérer.

M. Hervé Marseille.  - Le renforcement des pouvoirs des magistrats du parquet semble inéluctable. Nous n'y sommes pas opposés par principe mais il faut rester prudent. Les parquetiers ne sont pas considérés comme une autorité judiciaire indépendante par la CEDH, qui a déjà condamné la France...

M. Simon Sutour.  - Absolument.

M. Hervé Marseille.  - D'où la nécessité d'apporter des garanties d'indépendance statutaire en révisant notre Constitution.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une priorité !

M. Hervé Marseille.  - Fidèle à sa tradition de défense des libertés individuelles, le Sénat a su préserver un équilibre entre efficacité de l'enquête et droits de la défense. Nous avons adopté en séance plusieurs mesures issues de la proposition de loi Bas telles que la peine complémentaire d'interdiction du territoire pour les étrangers condamnés à des peines d'au moins cinq ans d'emprisonnement ou la suppression du crédit automatique de réduction de peine.

Autre aspect important : la réforme de l'organisation juridictionnelle de première instance avec le regroupement des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance. Nous serons vigilants, au nom de l'exigence de proximité, à ce qu'elle ne conduise pas à fermer des implantations physiques.

Convaincus que le travail du Sénat et de ses deux rapporteurs a permis de redonner souffle et vision à cette réforme, nous voterons ces textes qu'ils ont rendus plus équilibrés et cohérents. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La situation de notre justice ne s'améliore pas, faute de moyens. Elle est dans un état critique : délais très longs, sous-effectifs, surpopulation carcérale, peines inexécutées, révolte et colère des acteurs du droit...

Je regrette que le Gouvernement ait attendu 2018 pour déposer un texte sur la justice mais je me réjouis de cette première loi de programmation depuis 2002.

Je veux saluer la qualité des travaux des rapporteurs, grâce à qui plusieurs éléments de la mission d'information et de la proposition de loi Bas de 2017 ont été intégrés aux textes.

Cette réforme balaie un champ très vaste : droit civil, droit pénal, procédure pénale, organisation judiciaire. En matière budgétaire, des efforts importants sont demandés. La procédure civile est accélérée et rendue plus efficace, tout en veillant à la protection des plus vulnérables. En matière pénale, un équilibre a été trouvé entre efficacité des enquêtes et garantie des libertés. L'organisation territoriale de la justice a été clarifiée avec la création du tribunal de première instance, tout en veillant au maillage territorial et à la proximité.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Absolument.

M. Alain Marc.  - Je me réjouis que la commission ait supprimé l'examen obligatoire des peines d'emprisonnement aux fins d'aménagement et l'automaticité de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine, et qu'elle ait fait de la probation une peine autonome.

Les débats en séance ont rendu possible l'information des victimes sur le statut carcéral de leur agresseur, la création d'une peine d'interdiction du territoire pour les étrangers condamnés à plus de cinq ans, l'expérimentation du vote par correspondance pour les détenus, l'isolement électronique, le contrôle des visiteurs en prison...

Les deux textes vont dans le bon sens : le groupe Les Indépendants, dans sa grande majorité, les votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur le banc de la commission)

Scrutin public solennel sur le projet de loi

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des Conférences.

La séance, suspendue à 15 h 30, reprend à 15 h 55.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°3 sur l'ensemble du projet de loi de programmation, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 247
Pour l'adoption 228
Contre   19

Le Sénat a adopté le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

(Applaudissements des bancs du groupe LaREM aux bancs du groupe Les Républicains)

Scrutin public ordinaire de droit sur le projet de loi organique

M. le président.  - Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

En application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public est de droit.

Il va être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du Règlement.

Voici le résultat du scrutin n°4 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 303
Contre   17

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je remercie le Sénat de la qualité des débats. Merci au président Bas et aux rapporteurs Buffet et Détraigne. Merci aussi aux sénateurs de tous les groupes, vos interventions et nos débats ont enrichi ma réflexion.

Ce projet de loi nous conduit à constater des points d'accord sur des sujets importants, mais aussi des points de désaccord dont je prends acte. C'est la richesse du débat parlementaire.

Nous partageons tous l'ambition que la justice de notre pays soit à la hauteur de ce qu'elle doit être et qu'elle soit suffisamment dotée pour bien fonctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.

Prévenir et sanctionner les violences lors des manifestations

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, présentée par M. Bruno Retailleau.

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je souhaite d'abord la bienvenue au Sénat au nouveau ministre : vous avez, avec cette proposition de loi, des outils indispensables aux forces de sécurité.

Désormais, à chaque manifestation, nous assistons à un déferlement de violences de groupes d'individus de plus en plus déterminés et de plus en plus organisés, qui font preuve d'une violence aveugle contre nos forces de l'ordre, nos institutions, et la République. Ces black blocs s'en prennent aux personnes dépositaires de l'autorité publique.

Quand ils cherchent à blesser nos policiers ou nos gendarmes, c'est notre démocratie qu'ils cherchent à abattre et ils ne s'en cachent pas. Ce sont les mêmes groupes qui criaient à Notre-Dame-des-Landes « À mort l'État » et qui saccageaient les centres-villes de Rennes et de Nantes en terrorisant les riverains.

Ces casseurs de vitrines sont des briseurs de la République. La République doit casser ces groupes et ruiner leur logique de haine anti-flics inacceptable, insupportable. Notre rôle de législateur, c'est d'opposer à la loi du plus fort, la force de la loi ; or la loi est trop faible.

Ces individus dissimulent leur visage sous des draps en sachant pertinemment que ce n'est passible que d'une contravention. Sur les 1 200 individus qui ont saccagé Paris le 1er Mai, seule une centaine a été déférée et le nombre de relaxes est sans commune mesure avec ce qui se pratique pour les autres manifestants.

Ma proposition de loi veut renforcer nos outils, les adapter aux modes d'action de ces groupes.

Je vous propose que la loi donne aux forces de l'ordre les moyens d'agir, sur les plans préventif et répressif.

Les fouilles ciblées doivent pouvoir être organisées en amont des rassemblements et il faut pouvoir interdire à des individus violents d'y participer - puisque c'est possible pour les hooligans. Je propose un an de prison et 15 000 euros d'amende pour dissimulation de visage et trois ans d'emprisonnement assorti de 45 000 euros d'amende pour détention ou usage d'une arme lors d'une manifestation sur la voie publique.

Se pose aussi la question des réparations, car ces groupes causent des dégâts matériels considérables qu'il revient au contribuable de payer. Le principe est simple : c'est celui qui casse, qui paie. Je souhaite mettre fin à ce régime d'irresponsabilité en permettant à l'État de faire payer ces délinquants.

Nous sommes tous attachés au droit de manifester, qui est une liberté fondamentale. Le désordre fait la servitude, disait Charles Péguy, notre rôle de parlementaires est de refuser le désordre, de refuser que la République soit asservie par ceux qui créent le chaos. Nous devons agir - nous en avons les moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois .  - Depuis quelques années, les manifestations sont émaillées de violences dues à des black blocs qui se créent au gré des événements - et qui nuisent au libre exercice du droit de manifester.

Le 1er mai, 1 200 individus ont provoqué des dégâts considérables à Paris. L'hôpital Necker-Enfants malades, où je me trouvais, a été vandalisé.

L'autorité administrative a été dotée de nouvelles prérogatives comme la vidéo protection. L'arsenal répressif a été renforcé. Ainsi, la loi du 2 mars 2010 a créé le délit de participation à un groupement violent. Nous devons toutefois questionner l'efficacité de cet arsenal.

La présentation en masse de personnes interpellées aux autorités de police judiciaire n'est généralement pas compatible avec le cadre juridique inhérent au placement en garde à vue. Or, faute d'éléments de preuve ou de procédure solides, les parquets sont, bien trop souvent, contraints de prononcer des classements sans suite.

Les difficultés à engager des procédures judiciaires sont exacerbées lorsqu'il s'agit de black blocs, qui recourent à des modes d'action spécifiques, conçus pour entraver l'intervention des pouvoirs publics. Il est ainsi particulièrement difficile d'interpeller les black blocs au cours d'une manifestation, en raison de leur capacité à se fondre rapidement parmi les manifestants pacifiques, après avoir abandonné voire brûlé leurs équipements.

Sans avoir pour ambition de résoudre l'ensemble des difficultés soulevées qui, pour partie, relèvent de l'organisationnel, cette proposition de loi apporte une première série de réponses et facilite l'action des pouvoirs publics à l'égard de ces groupuscules ultraviolents.

Je regrette que la commission des lois n'ait pas reçu l'avis de la préfecture de police de Paris.

Le premier volet de ce texte est préventif : il dote l'autorité administrative de nouveaux instruments pour prévenir, le plus en amont possible, l'infiltration des manifestations pacifiques par des individus violents. Ainsi, il confère au préfet la possibilité de diligenter, par arrêté, un contrôle des effets personnels des passants dans le périmètre ou aux abords d'une manifestation, lorsqu'il existe des risques de troubles graves à l'ordre public. Ces contrôles comprendraient des palpations de sécurité et des fouilles de sacs et ne pourraient s'effectuer qu'avec le consentement des personnes contrôlées. Il n'est en revanche pas prévu que des contrôles d'identité et des fouilles de véhicules puissent être réalisés.

Il s'agit à quelques différences près, d'une extension des périmètres de protection que nous avons créés dans la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Cette proposition de loi, ensuite, autorise les préfets à prononcer, à l'encontre de toute personne susceptible de représenter une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, une interdiction de participer à une manifestation, assortie, le cas échéant, d'une obligation de « pointage » auprès d'un représentant de l'autorité publique.

L'interdiction de manifester n'existe, actuellement, qu'à titre de peine complémentaire, pour une durée de trois ans. Il s'agirait, ici, d'en faire une mesure administrative préventive, mais en limitant sa durée de validité à une seule manifestation. Il s'agit d'ailleurs d'une proposition qu'avait faite, en 2015, notre ancien collègue député Pascal Popelin dans son rapport fait au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative au maintien de l'ordre.

Enfin, la proposition de loi propose la création de fichiers départementaux recensant l'ensemble des mesures d'interdiction de manifester, qu'elles soient prononcées dans un cadre judiciaire ou administratif, afin d'en faciliter le suivi, notamment à l'occasion des contrôles de police.

Ces mesures ont le mérite de permettre d'écarter, avant même la manifestation, les individus qui sont animés par la seule volonté de commettre des dégradations. Il ne s'agit pas de porter atteinte à la liberté de manifester, mais d'en garantir le libre exercice pour les manifestants pacifiques, en évitant qu'ils ne soient pris en otage par une poignée d'individus désireux de se livrer à une action violente.

Ces mesures complètent utilement l'arsenal juridique à disposition de l'autorité préfectorale, pour une réponse graduée en cas de menace à l'ordre public. Il est préférable d'empêcher quelques individus violents de manifester plutôt que d'interdire la tenue d'une manifestation !

La commission des lois a précisé le dispositif afin de s'assurer qu'il ne soit pas porté d'atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de liberté de manifester.

Le deuxième volet de la proposition de loi sanctionne plus sévèrement les auteurs de violences et de dégradations dans les manifestations sur la voie publique. Il érige en délit la dissimulation volontaire du visage dans une manifestation, qui est actuellement punie d'une contravention de 5e classe.

Ensuite, il élargit l'infraction de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d'une arme, pour viser le port d'armes par destination et de fusées et artifices.

Le dernier volet de la proposition de loi réforme le régime de la responsabilité civile applicable en cas de dommages causés dans le cadre d'une manifestation sur la voie publique. La commission des lois a souhaité mieux responsabiliser les auteurs de dégâts.

Le dispositif initial instaurait une présomption de responsabilité civile « collective » des personnes condamnées pénalement pour des infractions commises à l'occasion d'une manifestation, y compris pour des dommages sans lien avec la faute commise par chacune de ces personnes. Cette disposition, en permettant de reconnaître la responsabilité d'un individu pour des dommages qu'il n'a pas causés, poserait des questions de constitutionnalité. Elle risquerait aussi d'affaiblir la protection des victimes car il existe actuellement un régime de responsabilité sans faute de l'État pour tous les dommages commis lors des manifestations sur la voie publique, ce qui garantit un remboursement des victimes. En créant un régime concurrent de responsabilité, qui plus est à l'encontre de personnes dont il y a fort à penser qu'elles seraient insolvables, nous ne sommes pas certains des effets engendrés, surtout que les victimes se portent rarement partie civile : le texte de la commission des lois garde le principe d'une responsabilité sans faute de l'État en s'assurant que les responsables des dommages participent à l'indemnisation des victimes.

La responsabilité sans faute de l'État est maintenue, celui-ci pouvant ensuite se retourner contre les auteurs de dommages.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Notre commission a donc jugé ce texte, avec les modifications que nous y portons, suffisamment équilibré pour que nous l'adoptions. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Philippe Bas, président de la commission des lois, applaudit également.)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - C'est avec un profond sentiment de responsabilité que j'interviens pour la première fois devant la représentation nationale. Ce texte est particulièrement complexe et sensible puisqu'il touche à la liberté de manifester énoncée très clairement à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Je remercie les sénateurs Retailleau et Troendlé d'avoir pris l'initiative de ce texte. Je remercie aussi la commission des lois.

Le Gouvernement estime comme vous que s'il faut protéger la liberté de manifester, rien ne justifie les violences graves à l'encontre des forces de l'ordre, ni les dégradations du mobilier urbain.

Je salue ceux qui sont engagés dans la sécurité de l'ordre républicain et qui ont largement fait preuve de leur professionnalisme, sur les ZAD de Notre-Dame des Landes, de Bure ou lors des manifestations du mois de mai. Nos forces de l'ordre sont à chaque fois exposées en première ligne et risquent leur vie, face à des groupes organisés qui les provoquent devant les caméras.

Le 8 juin dernier, le ministre de l'intérieur s'est déplacé à Saint-Astier, lieu de formation des gendarmes mobiles. Il y a fait des propositions de doctrines d'emploi opérationnelles pour mieux contrôler les violences dans les manifestations. Il a aussi souhaité renforcer les pouvoirs de l'autorité administrative pour dissuader les agissements de ceux qui viennent spécialement pour en découdre et casser !

L'absence de poursuites pénales ou de condamnation des fauteurs de troubles suscite l'incompréhension légitime de nos concitoyens ; un groupe de travail commun aux ministères de l'intérieur et de la justice, réunissant des représentants de forces opérationnelles, doit rendre ses conclusions le 15 janvier sur les moyens de mieux détecter, interpeller puis sanctionner les fauteurs de troubles. Ces conclusions viendront nourrir votre réflexion, car pour rendre le texte que vous proposez opérationnel, il faut encore l'améliorer.

Qu'il s'agisse de la création d'un périmètre de protection, de l'interdiction individuelle de participer, de la création d'un fichier des interdictions de manifester, ou de la transformation de la contravention de dissimulation d'un visage en un délit, ou encore de l'action récursoire de l'État contre les fauteurs de troubles, ces dispositifs doivent être précisés.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Faites des amendements !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Quant au délit de port d'armes lors d'une manifestation, à l'article 5, il doit être revu car il n'est pas souhaitable d'introduire des catégories précises d'armes dans la loi.

L'article L. 431-10 du code pénal sanctionne déjà, du reste, le port d'arme lors d'une manifestation.

Cette proposition de loi sera pour le Gouvernement l'occasion d'avoir un échange technique sur les propositions que vous avez formulées et qui pourront être améliorées au regard des conclusions du groupe de travail intérieur-justice. Le but du Gouvernement n'est pas de rejeter cette proposition parce que c'est l'opposition qui la présente, mais de se saisir de cette occasion de débat pour parvenir, dans quelques mois, à un texte qui réponde mieux aux attentes des praticiens : des policiers, des gendarmes, des agents de police judiciaire, des magistrats. Et ceci, pour que nos concitoyens puissent exercer cette liberté essentielle qu'est le droit de manifester en toute sécurité. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La proposition de loi qui nous est soumise fait écho à celle du 3 mai dernier qui visait à interdire la dissimulation du visage lors de manifestations.

Les violences qui ont émaillé les dernières manifestations sont intolérables. Elles ont pourtant cours depuis bien longtemps : mai 1968, loi Devaquet en 1986 - manifestations qui avaient donné lieu à la mort de Malik Oussekine - contrat d'insertion professionnelle en 1994, contrat première embauche en 2006, loi Travail en 2016... Faire remonter les violences au mois de mai dernier et parler des défaillances de l'actuel Gouvernement serait injuste.

Évitons donc de politiser ce débat.

La proposition de loi présentait des risques importants pour les libertés individuelles. La commission des lois l'a améliorée sans parvenir à un équilibre satisfaisant.

Un groupe de travail réunissant les services de la Chancellerie et du ministère de l'Intérieur doit rendre ses conclusions.

Nous proposerons un amendement de repli sur l'article 6 sur le port d'armes ; l'extension du champ de la peine complémentaire à l'interdiction de manifester sont démesurément attentatoires aux libertés individuelles.

À une présomption de responsabilité civile collective, la commission des lois a préféré une responsabilité sans faute de l'État assortie d'une possibilité d'action récursoire - qui risque de se heurter à l'insolvabilité des auteurs de violence.

Malgré le travail de qualité de la rapporteure, ce texte présente encore des risques pour les libertés individuelles. Le groupe LaREM s'y opposera. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Éliane Assassi .  - L'arsenal législatif déployé pour lutter contre les violences dans les manifestations est colossal : les prolongations de l'état d'urgence entre 2015 et 2017 et les lois antiterroristes qui ont suivi ont d'ailleurs largement contribué à alimenter cet arsenal. À tel point qu'Amnesty International publiait le 31 mai 2017 un rapport sur le sujet, pointant des « restrictions disproportionnées à la liberté de réunion pacifique sous couvert de l'état d'urgence ».

Selon notre rapporteur et les auteurs de cette proposition de loi, les violences de plus en plus importantes questionnent sur l'efficacité de ces mesures.

Nous condamnons bien évidemment les violences des black blocs dont les agissements nuisent aux revendications des manifestants relégués au second plan par les médias. Il aurait été intéressant que la rapporteure auditionne des organisateurs de manifestations.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Nous l'avons fait ce matin !

Mme Éliane Assassi.  - J'espère que vous nous en parlerez... Le chercheur Olivier Catin estime dans Le Figaro que si le niveau de violence dans les manifestations a baissé depuis les années 1970-1980, laissant la place à une vision plus légaliste, l'intervention des forces de l'ordre est de plus en plus musclée, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins.

Pour nous, cette proposition de loi rogne clairement sur les libertés publiques et laisse craindre la mise en place de mesures interdisant toute manifestation. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Ne peut-on pas neutraliser quelques individus ultra-violents autrement qu'en violentant une fois encore les libertés publiques et en s'en prenant au code pénal ?

Les articles premier et 2 sont issus de la législation antiterroriste. Le droit d'exception continue de polluer notre droit commun au détriment des libertés publiques.

Les propos du Défenseur des droits ne sont guère rassurants : dans une contribution qu'il vous a remise, madame la rapporteure, il estime que cette proposition de loi est inutile et dangereuse et qu'elle s'affranchit des exigences constitutionnelles et conventionnelles !

L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce clairement le droit de manifester. Ce ne sont pas les manifestants eux-mêmes qui troublent l'ordre public. C'est davantage l'incapacité de nos forces de l'ordre de démanteler les groupes violents qui explique qu'ils fleurissent.

M. Bruno Retailleau.  - Ainsi c'est la faute des forces de l'ordre ?

Mme Éliane Assassi.  - En février 2017, les experts mandatés par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU interpellaient la France sur l'usage immodéré de la force par les représentants de l'ordre public. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Le Défenseur des droits a fait de même à deux reprises depuis.

Nous nous opposerons fermement à ce texte à l'instar du Défenseur des droits qui l'estime déséquilibré, attentatoire aux libertés et susceptible de dégrader le lien entre les forces de l'ordre et les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je considère cette proposition de loi ni originale, ni anodine. En 1970, le gouvernement avait décidé de mettre à mal la liberté de manifester avec une loi « anticasseurs ». M. Retailleau est un homme d'histoire. Il me pardonnera ces rappels.

En 1970, l'auteur de la loi anticasseurs disait condamner tous les actes de violences dirigés contre la loi républicaine. De la même manière, notre groupe socialiste condamne toutes les violences dans les manifestations, qu'elles viennent des syndicats ou de la Manif pour tous. Rappelez-vous en effet les projectiles lancés en mars 2013 par les manifestants ou les propos racistes à l'encontre de Christiane Taubira ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Grosdidier.  - La loi est la même pour tous !

M. Jérôme Durain.  - Un autre sénateur de la Nièvre, devenu le président de la République le plus populaire de la Ve République...

M. François Grosdidier.  - Et l'état d'urgence en Algérie ?

M. le président.  - Monsieur Grosdidier, respectez la parole des orateurs et cessez de vous écrier.

M. Jérôme Durain.  - François Mitterrand s'opposa avec force à cette loi anti-casseurs : « Les ?formes nouvelles de la délinquance?, il n'y a rien de nouveau sous le soleil ! Et en réalité, nos lois, notre code pénal, permettent de répondre à cette question. (...) En fait, [le Gouvernement] interdit désormais le droit de manifester, le droit de se réunir. (...) Même dans des époques extrêmement rudes, au lendemain de la loi de 1830, au lendemain des événements de 1934, les ligues, les ligues factieuses, de 1936, au moment où il y avait des conflits dans la rue, on n'est jamais allé si loin. »

Je ne veux pas croire que la majorité sénatoriale revendique ce triste héritage de la triste loi de 1970.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Lisez le texte !

M. Jérôme Durain.  - D'ailleurs, Philippe Séguin et son groupe RPR ne se sont pas opposés avec beaucoup de vigueur à l'abrogation, en 1981, de cette loi qui avait fait la preuve de sa dangerosité. Dans un éditorial du Monde du 26 novembre 1981, Bertrand Le Gendre observait que les manifestants antinucléaires de Creys-Malville et de Plogoff et même les musiciens anglais d'un groupe punk, les Stranglers, condamnés parce qu'un de leurs concerts avait dégénéré à Nice, payèrent leur tribut à cette loi nouvelle. Il notait que les critiques contre la loi anti-casseurs avaient culminé après les incidents du 23 mars 1979 à Paris qui se conclurent par la condamnation de 35 manifestants ou passants à la suite des violences commises place de l'Opéra.

Certes, les amendements de la rapporteure ont rendu le texte plus acceptable mais nous craignons que le remède soit pire que le mal. Il est erroné de dire que nous sommes démunis, a rappelé Mme Troendlé en commission. À force de vouloir adapter le maintien de l'ordre aux procédés des casseurs, on menace la liberté de manifester.

Plusieurs voix sur les bancs du groupe Les Républicains.  - Ne faisons rien alors !

M. Jérôme Durain.  - Nous ferions mieux de faire porter nos efforts sur le démantèlement des groupes, a justement dit le sénateur Thani Mohamed Soilihi.

Faisons le parallèle avec la lutte contre le hooliganisme. Monsieur Grosdidier, moi aussi, j'aime le sport. Les mesures contre les hooligans ont-elles porté leurs fruits ?

M. Jérôme Durain.  - Dans une récente tribune publiée par Libération, le vice-champion du monde Vikash Dhorasoo, le journaliste Nicolas Kssis-Martov et l'économiste M. Pierre Rondeau...

M. François Grosdidier.  - Aucune légitimité !

M. Jérôme Durain.  - ... s'interrogent : les supporters ultra sont-ils devenus des citoyens de seconde zone ? Tous les supporters ultra ne sont pas des hooligans, de la même manière que tous les manifestants radicaux ne sont pas des casseurs...

M. François Grosdidier.  - Eh bien, demandez l'abrogation de la loi contre le hooliganisme !

M. Jérôme Durain.  - Ce week-end, dans les stades de France, un quart d'heure de silence sans chant d'encouragement a été organisé pour protester contre la répression systématique dont s'estiment victimes les supporters. Ce texte procède de la même philosophie. Doit-on manier davantage le bâton que la carotte ? Le risque est de décourager les manifestants.

Mme Françoise Gatel.  - Pas du tout ! Regardez l'article 4 !

M. Jérôme Durain.  - Avec près de treize manifestations par jour à Paris, comment, techniquement, émettre des interdictions ponctuelles ? Il existe un autre risque démocratique majeur, celui de cibler certains membres d'organisations politiques et syndicales.

Les historiens nous apprennent que la violence des manifestations diminue depuis le XIXe siècle. (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.) Mais la tolérance à la violence, elle, diminue. Mathilde Larrère et Tangui Perron, dans un texte publié là encore par Libération...

Mme Sophie Primas.  - Changez de lecture !

M. Jérôme Durain.  - ... appellent à scruter les formes manifestantes pour y redécouvrir l'inventivité de collectifs de graphistes, qui s'illustre dans le succès du slogan autocollant « Rêve-toi et Marx », la réapparition encore timide des chorales et des orchestres et, surtout, le syncrétisme de certaines luttes.

Les auteurs de cette proposition de loi ont choisi un autre angle. La violence dans les manifestations, il y en a toujours eu et il y en aura encore ; il faut tout faire pour la contrôler et l'éviter. Mais monsieur Retailleau, que pensent les organisations syndicales, les partis politiques, les autorités judiciaires, les policiers et les militants associatifs de cette proposition de loi ?

Mme Sophie Primas.  - Et Libération ?

M. François Grosdidier.  - Et les voyous ?

M. Jérôme Durain.  - Avez-vous consulté dans un esprit de rassemblement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. François Grosdidier.  - On retrouve le bon vieux PS !

M. le président.  - Monsieur Grosdidier, interrompre systématiquement les orateurs n'est pas faire honneur au Sénat. Tout le monde a le droit de parler.

Mme Maryse Carrère .  - Les événements du 6 février 1934 menés par des ligues nationalistes face à la Chambre des députés (Murmures réprobateurs à droite) avaient provoqué 18 morts et 3 000 blessés. Peu après, était instaurée par le décret-loi du 23 octobre 1935 une obligation de déclaration préalable des manifestations ; d'autres mesures préventives étaient rapidement prises, telles que la dissolution des groupes de combat et des milices privées.

En réponse aux événements de mai 1968, la loi du 8 juin 1970 a instauré une responsabilité pénale et collective des auteurs de violences. Jugée arbitraire, elle fut abrogée en 1981.

Nous partageons l'objectif de lutter contre les casseurs et les black blocs, tant que les libertés sont préservées. Or ces formes de délinquance ne sont ni nouvelles ni plus violentes que par le passé. Je m'étonne d'ailleurs que le renforcement de notre arsenal législatif qui nous est proposé ne soit aucunement justifié par des chiffres.

Je salue le travail de la rapporteure, qui s'est efforcée de remettre cette proposition de loi dans les bornes de la constitutionnalité. Je m'interroge toutefois sur ce texte porteur d'inflation législative : nombre de ses mesures sont satisfaites par notre droit en vigueur ; c'est le cas du contrôle des effets personnels des passants aux abords des manifestations, de l'interdiction de manifester ou encore de l'infraction de dissimulation volontaire du visage. Sur tous ces points, mieux vaut en rester au droit actuel.

L'important est surtout d'augmenter les moyens de la DGSI et de la police pour traquer et démanteler les black blocs. Ce sujet mérite une réflexion plus vaste. En matière de manifestation, la liberté doit rester la règle.

Vous l'aurez compris, le groupe RDSE ne peut pas apporter son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - Les frasques de M. Benalla ne doivent pas nous faire oublier que les manifestations autorisées sont devenues l'occasion pour certains individus de se livrer à des actes ultraviolents - incendie d'une voiture de police occupée, attaque d'un hôpital pour enfants.

Ces faits sont principalement l'oeuvre de mouvements d'extrême gauche et d'anarchistes, camouflés dans le treillis de l'antifascisme, qui transforment manifestation de masse en manifestation de casse, en se saisissant des revendications légitimes des travailleurs lors de loi Travail. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Les uns sont issus du ghetto d'Auteuil-Neuilly-Passy, ces révolutionnaires de foire qui passent du cocktail au Champagne au cocktail Molotov; les autres prétendent renverser la société en passant l'essentiel de leur temps à vivre à son crochet. Les deux n'ont pas la notion du coût de ce qu'ils détruisent et ont en commun la haine de ceux qui nous protègent.

Issus d'Auteuil, Neuilly, Passy, ces fanatiques de la destruction ont cassé une librairie à deux pas du Sénat, sans que personne ne s'en émeuve. Pourquoi tant de complaisance envers cette racaille dont on sait la proximité avec les syndicats, les partis de gauche et d'extrême gauche ?

Mme Cécile Cukierman.  - Et les petites frappes d'extrême droite ?

M. Stéphane Ravier.  - La nomination de Christophe Castaner au ministère de l'intérieur n'y changera rien : il appelait en 2015 à l'insurrection des quartiers en cas de victoire du FN en PACA.

Dissolution des milices et expulsion des casseurs étrangers suffiraient pourtant. Tout le reste n'est que littérature. (Mme Claudine Kauffmann applaudit.)

M. Alain Marc .  - Les violences deviennent récurrentes. Jets de projectiles, voitures incendiées, magasins ravagés... Certains individus veulent ainsi signifier leur haine de l'État et de toute forme d'autorité, leur rejet du capitalisme et de la mondialisation. Trop souvent, ils font la une de l'actualité. Ce phénomène nouveau fait obstacle à la liberté de manifester, garantie à l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

D'où la proposition de contrôler les effets des passants et manifestants, de créer un fichier des personnes interdites de manifester, de transformer en délit la dissimulation du visage, d'interdire toute arme par destination lors de manifestations et de manifester dans certains cas.

Dix amendements de la rapporteure Troendlé ont été adoptés pour garantir le respect des libertés constitutionnelles. Des interdictions personnelles de manifester assorties d'obligations de pointage auprès d'un commissariat ou d'une gendarmerie pourront être décidées par les préfets ; un fichier national des personnes interdites de manifester serait créé ; la dissimulation du visage serait punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

La présomption de responsabilité civile collective a été remplacée par la commission des lois par un régime de responsabilité sans faute de l'État et une possibilité d'action récursoire contre les auteurs de dommages.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Pierre Charon .  - Monsieur le ministre, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue.

Il y a quelques mois, des violences d'une gravité inadmissible ont été commises à Paris. La préfecture de Paris était confrontée à des casseurs, non des manifestants, qui n'ont que haine pour la société et les forces de l'ordre. Il est anormal, il est choquant, de laisser des individus profiter ainsi des lacunes de l'État de droit.

Ceux qui détruisent les commerces de la France qui se lève tôt ne méritent pas de clémence. La République exige que l'on s'exprime à visage découvert. Une manifestation est un acte public. Je soutiens donc le nouveau délit de dissimulation de visage. En 2010, la majorité avait interdit le port du voile intégral, ce que le Conseil constitutionnel avait validé et personne ne songe à y revenir. Il s'agit de sévir contre les black blocs, pas contre Belphégor.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Pierre Charon.  - Redoine Faïd pourrait sinon préférer le déguisement en black bloc à la burqa !

Il ne s'agit pas de sanctionner ceux qui n'ont rien fait mais de permettre de se retourner contre les auteurs de violence : rien que de très normal.

Il y a urgence, à Paris comme en province ; je songe à Nantes...

Mme Françoise Gatel.  - Et Rennes !

M. Pierre Charon.  - Je voterai ce texte et invite mes collègues à faire de même. Monsieur le secrétaire d'État, entendez la voix de ceux qui n'en peuvent plus des casseurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Se réunir, manifester, s'exprimer sont des droits fondamentaux. Le code pénal punit sévèrement l'entrave à ces droits. Si l'on peut admettre la véhémence des propos et mots d'ordre, (Mme Éliane Assassi se récrie.) aucune atteinte aux personnes et aux biens ne peut être tolérée.

L'enjeu est de protéger la liberté d'expression dont la liberté de manifester est le corollaire.

Les black blocs ne revendiquent rien ; ils se joignent aux manifestants pour casser des biens publics, du mobilier urbain mais aussi pour « casser du flic ». Ces comportements violents font reculer la liberté d'expression. Cette proposition de loi préviendra les débordements et donnera des moyens légaux à la police et à la justice. Le fichier des personnes interdites est un outil indispensable. De même, l'obligation de pointage a déjà fait ses preuves pour lutter contre le hooliganisme. Ces mesures garantiront des manifestations paisibles.

Le droit de se réunir et de manifester est remis en cause par les casseurs. Défendons l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Je suis totalement favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Christophe Priou .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue, moi aussi, le ministre. J'espère qu'il insufflera son esprit d'ouverture à son ministre de tutelle qui s'est montré désagréable avec Philippe Dallier lors des questions d'actualité au Gouvernement la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Malgré un arsenal complet, voire complexe, de nouveaux phénomènes violents nous obligent à légiférer pour compléter nos moyens d'action tout en garantissant les libertés fondamentales. Manifester, c'est protester ; ce n'est ni casser ni intimider. L'État doit être respecté en tout temps et en tout lieu.

Ces dernières années, l'ouest de la France a été vandalisé, notamment à Notre-Dame-des-Landes, emblématique du fiasco et du renoncement du président de la République face à ses promesses de campagne. C'est la « chienlit »...

Mme Françoise Gatel.  - Juste !

M. Christophe Priou.  - ... pour reprendre un mot de celui qui a inventé la Ve République dont nous venons de fêter les 50 ans. L'auteur du Coup d'État permanent, François Mitterrand, est le président le plus populaire de la Ve République parce que le général de Gaulle a été jugé hors concours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et UC)

Le centre-ville de Nantes a été saccagé lors de manifestations particulièrement violentes depuis 2014. À Rennes aussi, des individus cagoulés ont harcelé les forces de l'ordre et commis des dégâts. Qu'il s'agisse de la manifestation contre Notre-Dame-des-Landes, de celle contre la loi Travail à Nantes, de celle d'avril 2016 à Rennes ou du 22 mars 2018 encore à Nantes, toutes ces violences sont inadmissibles dans un État de droit.

Cette proposition de loi apporte des outils utiles aux préfets.

L'État doit aussi pouvoir se retourner contre les casseurs, selon le principe du casseur-payeur. Agissons avant que les éléments violents deviennent incontrôlables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Chacun garde en mémoire les violences et dégradations qui ont émaillé les dernières manifestations, comme celle du 1er mai à Paris. Les atteintes aux biens et plus encore aux personnes sont inacceptables, surtout quand il s'agit des forces de l'ordre.

Une manifestation ne saurait être une zone de non-droit où l'on se sent protégé par une foule anonyme. Les forces de l'ordre doivent disposer de moyens matériels mais aussi juridiques.

Les auteurs de la proposition de loi visent les black blocs qui représentaient près de 1 200 individus en mai dernier, contre 200 en 2016. Ces groupes éphémères ont pour objectif de commettre des violences en se mêlant à la foule, vêtus de vêtements sombres qu'ils quittent aussitôt l'acte commis.

La proposition de loi est préventive et répressive. Nous partageons cet équilibre. Elle ne crée pas l'infraction de dissimulation de visage mais fait de cette contravention un délit passible d'un an de prison et 15 000 euros d'amende, ce qui autorisera l'interpellation immédiate et la garde à vue de l'individu.

Le nouveau fichier de police, dans sa version initiale, pouvait engendrer quelques craintes mais les travaux de la commission des lois corrigent ses défauts et je suis particulièrement attentif sur ce sujet, pour siéger à la CNIL.

Le groupe UC partage la volonté de la rapporteure d'assurer un équilibre entre les outils du texte et la protection des libertés. Cette proposition de loi met hors d'état de nuire les individus les plus dangereux, sans attenter à la liberté de manifester ni se révéler inapplicable. Le groupe UC la votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État .  - Madame Assassi, les policiers travaillent sous une contrainte extrêmement forte et sont soumis au contrôle de l'IGPN.

Monsieur Priou, M. Castaner partage mon esprit d'ouverture. Nous entendons parfaitement votre message, véhiculé par cette proposition de loi, et nous nous penchons sur ce sujet dans le cadre d'un groupe de travail. Certaines dispositions sont perfectibles.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Madame Assassi, je n'ai pas auditionné préalablement les responsables syndicaux mais je l'ai fait après la consolidation du texte de la commission des lois. Ce matin, j'en ai reçu deux sur les cinq invitations que j'avais lancées. L'échange a été très fructueux. Ils se sont dits préoccupés par la sécurité des manifestants, conscients des problèmes.

Concernant la note du Défenseur des droits, il n'est pas honnête, intellectuellement, de ne pas mentionner qu'elle concerne le texte initial, et non le texte retravaillé par la commission.

Mme Éliane Assassi.  - Je l'ignorais !

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Monsieur Durain, l'arsenal juridique doit être adapté à la montée en puissance des black blocs. Avec cette proposition de loi, on prend les choses en main pour répondre à une situation nouvelle.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. François Bonhomme .  - J'approuve cette proposition de loi, au regard des actions que les black blocs ont menées le 1er mai dernier en faisant irruption, encagoulés, dans la foule au cri de « Tout le monde déteste la police ! ». On peut s'interroger sur le caractère composite de ces groupes : marxistes (Mme Esther Benbassa se récrie.), situationniste, libertaires et même animalistes puisqu'ils s'en prennent aux McDonald's.

Le législateur ne peut se contenter d'observer et de commenter, comme Gérard Collomb qui avait demandé aux manifestants lambda, pacifiques, de s'opposer aux personnes violentes afin de ne pas se faire complices par leur passivité. Réponse baroque, signe de l'impuissance de l'État...

Une partie de ces groupuscules s'est retrouvée lors du blocage de certains lycées ou lors de la manifestation du 22 septembre, à visée antifasciste, à la mairie d'Angers.

Il y a là une forme de nihilisme qui menace l'ordre public et, particulièrement, nos forces de l'ordre. L'État doit réagir contre les apôtres de la violence pour la violence. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - Ce sont les propos caricaturaux de M. Bonhomme qui nous font nous opposer à cette proposition de loi. Attention aux amalgames entre manifestants et groupes violents.

Madame Troendlé, il aurait été intéressant de préciser que la note du Défenseur des droits avait été transmise avant les travaux de la commission des lois.

Cet article premier risque d'entraîner des pratiques discriminatoires dans la fouille des effets personnels aux abords des manifestations alors que les gouvernants successifs n'ont apporté aucune réponse au problème des contrôles au faciès.

Mme Esther Benbassa .  - Cet article instaure un contrôle des effets personnels des passants. Il prévoit la mobilisation des agents de la police judiciaire, ce qui confère un pouvoir arbitraire aux forces de l'ordre. C'est impraticable et populiste. Comme si, avec ce procédé, nous pouvions endiguer les violences.

En vérité, nous cherchons à dissuader les Français de manifester alors que toutes nos libertés, si l'on veut bien se reporter au temps long de l'Histoire, sont nées dans la rue. Avec ce texte, la France risquerait d'encourir une condamnation de la CEDH alors que notre société démocratique est en bonne santé. Nous ne saurions tolérer l'autoritarisme et la répression.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - Sur le plan opérationnel, la présente mesure est déjà encadrée par le droit : dispositif de filtrage, par exemple.

L'article premier de la proposition de loi est disproportionné car il envisage d'introduire dans le droit commun le recours au dispositif des périmètres de protection et de sécurité de l'état d'urgence prévu à l'article 226-1 du code de la sécurité intérieure.

Si le Conseil constitutionnel reconnaît un caractère spécifique à la menace terroriste justifiant des atteintes fortes aux droits et libertés individuels, il ne saurait en être de même avec la prévention des actes délictuels commis à l'occasion d'une manifestation.

Le problème ne réside pas dans les textes mais dans la doctrine d'emploi.

M. le président.  - Amendement identique n°9 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Ces deux amendements sont contraires à la position de la commission des lois qui estime que le filtrage des passants sécurisera la manifestation. La commission des lois a prévu l'encadrement dans le temps et l'espace du dispositif.

La commission des lois a supprimé l'intervention des policiers municipaux et des agents de sécurité privée. Les fouilles seront systématiques comme à l'entrée des magasins. Donc il n'y aura pas de possibilité de délit de faciès. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Le principe du périmètre de protection présente un intérêt certain mais porte atteinte à la liberté d'aller et venir et au droit constitutionnel de manifester.

Le groupe de travail mis en place par les ministres de l'Intérieur et de la Justice rendra ses conclusions en janvier prochain. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos2 et 9 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Guillaume Gontard .  - Cet article autorise le préfet à prononcer une interdiction de manifester assortie, le cas échéant, d'une obligation de pointage, mesure inspirée de l'article 3 de la loi antiterroriste du 13 octobre 2017 qui impose des mesures de surveillance en vertu de l'état d'urgence. Ce dispositif avait été censuré par le Conseil constitutionnel puis réécrit pour être réintroduit dans la loi. La rapporteure a procédé aux mêmes modifications pour contourner l'anti-constitutionnalité.

Notre amendement n°10 rectifié s'oppose à la transposition de la législation antiterroriste pour lutter contre les violences dans les manifestations. La disproportion des mesures ne permet pas un équilibre entre maintien de l'ordre public et respect du droit constitutionnel de manifester.

Selon le Défenseur des droits, ce texte favorise les interdictions de manifester personnelles sans en définir les critères ni prévoir de recours effectifs et s'affranchit des exigences légales en matière de preuve.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - La faculté de prononcer une interdiction de manifester existe déjà sous la forme d'une peine complémentaire, à l'article 211-13 du code de la sécurité intérieure. Dans la pratique, la mise en oeuvre est difficile, et se traduit par une charge de travail supplémentaire pour les forces de police. En outre, comment déterminer ab initio que telle ou telle personne pourrait participer à telle ou telle manifestation ? Autant les supporters de football peuvent être individualisés, autant il semble improbable de cibler les manifestants violents. Faisons confiance aux forces de l'ordre dans l'application de nouvelles techniques de désescalade ainsi qu'aux services de renseignement.

Enfin, la mesure préconisée par l'article 2 est disproportionnée car elle conduit, de fait, à transposer dans le droit commun l'interdiction administrative de séjour de l'état d'urgence.

M. le président.  - Amendement identique n°10 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - La commission des lois a considéré que la création d'une interdiction administrative de manifester complèterait utilement le champ des prérogatives aux mains de l'autorité préfectorale. Comme l'interdiction de stade, elle permet d'écarter avant la manifestation des individus motivés par la seule intention de commettre des dégradations.

La commission a mieux caractérisé l'état des personnes visées, encadré l'étendue géographique de l'interdiction et établi une obligation de notification à l'intéressé lui permettant de saisir le juge des référés. Elle est ainsi parvenue à un texte équilibré et proportionné. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - L'article 2 présente un intérêt opérationnel fort pour les forces de l'ordre. La commission des lois l'a encadré. Nous nous interrogeons sur la possibilité de renvoyer à un critère de condamnation pour prendre une mesure de police administrative, ainsi que sur la pertinence du délai de notification - 48 heures avant, tout de même. La possibilité d'interdire sur une ou plusieurs manifestations est également à l'étude au sein du groupe de travail. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos3 et 10 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

à l'article L. 211-13

par les mots :

aux articles 222-7 à 222-13, 222-14-2, 322-1 à 322-3, 322-6 à 322-10 et 431-9 à 431-10 du code pénal

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Amendement de coordination.

L'amendement de coordination n°21, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - L'article 3 autorise la création d'un énième fichier, destiné à répertorier les mesures d'interdiction individuelle de manifester. Il existe déjà 106 fichiers à disposition des forces de sécurité, sans compter ceux gérés par la préfecture de police. Les personnes condamnées à une peine complémentaire d'interdiction de manifester sont déjà inscrites au traitement des antécédents judiciaires et au fichier des personnes recherchées. Mieux vaudrait engager une réflexion globale sur la rationalisation des fichiers existants.

M. le président.  - Amendement identique n°11 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Mme Esther Benbassa.  - Au regard de l'histoire de notre Nation, la notion de fichage ne peut qu'interpeller. Le régime de Vichy (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) n'a-t-il pas été précurseur en la matière avec le fichier Tulard, dès 1940 ?

M. François Grosdidier.  - Arrêtez ! On parle ici de délinquants !

Mme Esther Benbassa.  - Le Conseil constitutionnel s'est toujours montré réticent à la mise en place de tels listings - il a ainsi retoqué le fichage biométrique par décision du 26 mars 2012.

M. François Grosdidier.  - Aucun rapport !

Mme Esther Benbassa.  - Le droit de manifester est protégé par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. S'il a pu être encadré dans le passé, notamment après les manifestations de l'Action française en 1934, les actuelles manifestations de l'opposition de gauche contre la politique antisociale du Gouvernement ne sauraient être assimilées au péril fasciste d'antan ! (M. Stéphane Ravier s'amuse.)

Cet article attentatoire au respect de la vie privée et aux libertés risque d'être frappé d'inconstitutionnalité.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Madame Benbassa, le droit de manifester et la protection des libertés individuelles ont guidé les garanties que nous avons souhaité apporter. Le fichier recensera toutes les mesures d'interdiction de manifester, qu'elles soient prononcées dans le cadre judiciaire ou administratif. Ce sera un outil précieux pour les forces de l'ordre. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Ce n'est que si le fichier est mis en oeuvre par un service autre que le ministère de la Justice qu'il doit être autorisé par la loi. Or la commission des lois a bien ajouté le ministère de la Justice en tant que responsable du traitement en supplément du ministère de l'Intérieur : inutile dès lors de prévoir une disposition législative.

Les réflexions sur l'intérêt opérationnel d'un tel fichier ne sont pas abouties. Elles se poursuivent dans le cadre du groupe de travail. Avis défavorable.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - J'ai ressenti de la colère à entendre Mme Benbassa. À présent, cette colère est retombée et je vais lui répondre avec courtoisie. Assimiler la proposition de la commission des lois aux fichiers mis en place par le régime de Vichy ne peut qu'être perçu comme insultant : vous nous accusez implicitement d'être pétainistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains eUC)

Nous avons la loi Informatique et Libertés, la CNIL, nous avons des fichiers en matière de sécurité sociale, pour les cartes nationales d'identité ou les passeports, pour la sécurité nationale également. Quand la République se défend, dans le respect du droit, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, via une législation destinée à empêcher les casseurs de venir disqualifier des manifestations pacifiques et de porter atteinte aux biens d'honnêtes citoyens, je ne me sens ni pétainiste, ni fasciste, ni nazi.

Mme Esther Benbassa.  - Je n'ai pas dit cela !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - D'autant que la commission a pris toutes les garanties de proportionnalité pour atteindre l'objectif : lutter contre les casseurs, ces essaims de frelons qui viennent dégrader les biens. Nous respectons les libertés fondamentales, et n'avons pas à supporter des invectives injustes et violentes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Esther Benbassa.  - Nous verrons ce que dira le Conseil constitutionnel !

Mme Éliane Assassi.  - Un article dans Le Monde le 19 octobre nous apprend que les députés sont en train de travailler sur le micmac juridique, technique et éthique qui entoure la gestion des nombreux fichiers à la disposition des forces de l'ordre. Est-il opportun d'en créer un de plus ? (M. François Grosdidier s'exclame.)

Les amendements identiques nos4 et 11 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

en application de l'article L. 211-13

par les mots :

dans les conditions prévues à l'article 131-32-1 du code pénal

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Coordination.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Nous déposerons un amendement plus général de suppression. Avis défavorable.

L'amendement n°22 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa:

« La conformité de ces traitements automatisés de données à caractère personnel est contrôlée, en coopération avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, par un ou plusieurs membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le contrôle est effectué dans des conditions permettant d'en assurer la confidentialité. »

Mme Esther Benbassa.  - Monsieur Bas, vous exagérez en jouant le courroux pour éviter d'avoir à parler du vrai danger des fichiers.

Mme Sophie Primas.  - Vous nous traitez de pétainistes !

Mme Esther Benbassa.  - Nous, les historiens, nous en avons vu d'autres.

M. François Grosdidier.  - C'est très approximatif pour une historienne !

Mme Esther Benbassa.  - Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous.

Plusieurs voix sur les bancs du groupe Les Républicains.  - Ni nous de vous !

Mme Esther Benbassa.  - Après la tentative de Nicolas Sarkozy de ficher les personnes atteintes de pathologies mentales hospitalisées d'office, après la généralisation des passeports biométriques pour les exilés arrivant aux frontières de l'Union européenne et le fichage des réfugiés dans les CADA, ce sont maintenant les manifestants qui sont visés par ce procédé démagogique et populiste.

Mme Sophie Primas.  - Non, les casseurs ! (On renchérit sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa.  - Laissez-moi parler - c'est la première des libertés au Parlement !

Cette mesure est une atteinte à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur la présomption d'innocence.

M. François Grosdidier.  - Pas du tout !

M. le président.  - Ça suffit, monsieur Grosdidier ! (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Esther Benbassa.  - La commission des lois a demandé un avis préalable de la CNIL. Nous proposons quant à nous d'encadrer le fichage des manifestants en ajoutant un contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). (On souligne, à droite et au centre, que l'oratrice a dépassé son temps de parole.)

M. le président.  - Veillons à respecter le temps ; je vous demande de retrouver calme et écoute mutuelle respectueuse.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - En application de la loi Informatique et Libertés, le fichier prévu sera soumis à un contrôle posteriori de la CNIL. Un nouveau fondement juridique serait source de confusion. En outre, la CNCTR, dont j'ai été membre, n'est pas compétente pour le contrôle priori ou a posteriori de fichiers et n'a aucune prérogative en ce sens. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - La CNIL exerce déjà une compétence de contrôle a posteriori des traitements automatisés de données. La CNCTR n'est pas compétente en la matière. Avis défavorable.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cet article sanctionne plus sévèrement les auteurs de violences en faisant de la dissimulation du visage un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, alors que c'est actuellement une contravention de cinquième classe. Les auteurs de la proposition de loi traitent les symptômes et non les causes. L'échec de la répression a beau être patent, vous continuez de vous fourvoyer. Les comportements visés sont déjà constitutifs de délits. Au lieu de renforcer des sanctions qui existent, donnons aux forces de l'ordre, en déshérence, les moyens de remonter les filières de casseurs ! Les groupuscules violents du 1er mai avaient annoncé leurs intentions la veille sur les réseaux sociaux !

M. Jérôme Bascher .  - Si manifester n'est pas mon mode d'expression habituel, je me battrai toujours pour défendre la liberté de le faire en toute sécurité. C'est ce que fait cet article, contrairement à ce que d'aucuns disent. Les individus casqués ou cagoulés empêchent précisément de manifester, en molestant ceux qui manifestent, en cassant les commerces et en s'en prenant aux forces de l'ordre. Nous protégeons d'abord les manifestants qui exercent leur liberté constitutionnelle, les riverains, victimes collatérales, et les forces de l'ordre qui se battent à armes inégales contre ces commandos.

Les gens cagoulés ne sont pas tous des casseurs, mais ils sont tous complices des casseurs, soit qu'ils prennent des photos, soit qu'ils provoquent les policiers. Ils n'utilisent pas les réseaux sociaux...

Mme Éliane Assassi.  - Si !

M. Jérôme Bascher.  - ... mais le dark net, de manière anarcho-militaire ! Et on les rencontre même à la campagne, où ils viennent s'attaquer à des chasses autorisées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Éliane Assassi ironise.)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - Cet article renforce la législation anti cagoule en faisant de cette infraction un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Or le droit en vigueur n'autorise l'interpellation que lorsque la dissimulation du visage s'accompagne de la commission d'un délit ou de la tentative de commettre un délit : il faut apporter la double preuve d'une part, que le contrevenant masqué se dissimule le visage afin de ne pas être identifié, de manière volontaire ; d'autre part, qu'il existe des « circonstances de nature à faire craindre des atteintes à l'ordre public ».

En l'espèce, la création d'un tel délit est inutile voire disproportionnée : en pratique, elle ne rendra pas plus aisé le fait d'aller chercher les individus cagoulés au coeur d'une manifestation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Imparable !

M. le président.  - Amendement identique n°13 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Défendu.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - La dissimulation du visage est aujourd'hui punie d'une simple contravention de cinquième classe. En faire un délit présente un intérêt opérationnel en ce que cela permet des mesures de contrainte, telle la garde à vue. La sanction qui s'y attacherait - un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende - est en outre plus dissuasive que la contravention, plafonnée à 1500 euros.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Nous sommes favorables sur le principe au passage de la contravention en délit. La réflexion se poursuit, dans le cadre du groupe de travail, sur la proportionnalité de la sanction. Avec une condamnation de six mois de prison et non un an, la garde à vue et la comparution immédiate seraient aussi possibles. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos5 et 13 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

Mme Michelle Gréaume .  - Cet article vise le port d'armes, d'armes par destination, de fusées et d'artifices. Il vise donc clairement les syndicalistes, notamment les cheminots et les dockers, qui utilisent ces derniers de manière pacifique pour se faire voir et se faire entendre -  l'objet même d'une manifestation, me semble-t-il...

La notion d'arme par destination offre une latitude inquiétante. Ne s'agit-il pas tout bonnement de censurer toute forme de manifestation dans l'espace public ?

L'ONG ACAT - Action des chrétiens pour l'abolition de la torture - a publié une étude sur la dangerosité de l'armement de la police en France. La police française est l'une des plus armées d'Europe ! C'est contreproductif, génère tensions et troubles à l'ordre public et accroît à la fois le niveau de violence et la défiance entre la police et la population.

Ce type d'armes est-il indispensable au maintien de l'ordre ? Légifèreriez-vous avec la même ardeur sur le sujet ? Je m'interroge.

M. Loïc Hervé.  - Faites une proposition de loi !

M. François Grosdidier .  - Il s'agit ici de punir plus fermement la détention d'armes par destination. Pardon de le dire, mais dans une manifestation, une batte de baseball n'est pas un article de sport, ni une fourche un ustensile agricole, ce sont des armes utilisées pour faire mal, voire pour tuer ! La violence croissante dans les manifestations n'est pas le résultat du nouvel armement des policiers mais bien le fruit de la volonté des casseurs d'en découdre et de la possibilité qu'ils ont, noyés dans la foule, d'introduire des armes meurtrières. (« Bravo » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - L'article 5 place sur le même plan le fait de détenir une arme et celui de détenir ou de faire usage de fusées ou artifices dans une manifestation, pour un quantum identique : trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Il est inutile car le port d'une arme par destination peut déjà être sanctionné. Il est redondant car le fait de jeter un projectile présentant un danger pour la sécurité publique dans une manifestation est poursuivi et réprimé par l'article 222-13 du code pénal.

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Mme Michelle Gréaume.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°16, présenté par le Gouvernement.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - La détention ou l'introduction d'armes lors d'une manifestation sont déjà réprimées par l'article 431-10 du code pénal. De même, l'article 132-75 du code pénal définit les armes par destination comme tout objet dont l'utilisation ou la destination est susceptible de créer un danger pour les personnes. Introduire des exemples de comportement ou d'armes dans la loi affaiblit le droit.

M. le président.  - Amendement identique n°18, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le quantum de la sanction serait identique que l'on porte une arme ou une fusée. C'est démesuré, excessif. Or ce qui est excessif est vain. L'arsenal législatif existant suffit.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Pour le Gouvernement, cet article n'apporte rien par rapport au droit existant : pour M. Mohamed Soilihi, il menacerait les libertés fondamentales...

Je rappelle que l'article 431-10 du code pénal ne sanctionne que le port d'armes dans une manifestation : nous visons aussi les abords des manifestations.

La proposition de loi sanctionne encore les tentatives de commission de délits : une personne empêchée de jeter un projectile contre sa volonté serait ainsi susceptible d'être poursuivie. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos6, 14 rectifié, 16 et 18 ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

Mme Éliane Assassi .  - Cet article étend le champ de la peine complémentaire d'interdiction de manifester. Plutôt que durcir le droit pénal, mieux vaudrait donner aux forces de l'ordre les moyens de démanteler en amont les groupuscules violents. À défaut, toutes les mesures de ce texte seront inefficaces, voire dangereuses pour les libertés publiques.

Entre 1995 et 2017, 32 peines complémentaires d'interdiction de manifester ont été prononcées et aucune condamnation pour non-respect de l'interdiction n'a été prononcée. Pourquoi s'acharner à durcir les peines existantes, sinon par souci d'affichage politique ?

M. François Grosdidier .  - Si toute analogie avec d'autres périodes de l'histoire est déplacée, l'analogie avec la lutte contre le hooliganisme, elle, est éclairante. Les policiers demandent certes des moyens matériels, humains, informatiques mais aussi juridiques. La meilleure des préventions est d'empêcher les casseurs répertoriés de s'immiscer dans une manifestation à l'insu des organisateurs. Cet article est bienvenu. Les élus locaux le savent, sans le dispositif de lutte contre le hooliganisme, le phénomène serait bien plus important. Inspirons-nous de la lutte contre le hooliganisme, au bénéfice premier des manifestants et second des riverains.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - L'article 6 conforte notre sentiment : des mesures d'affichage qui confortent l'orientation sécuritaire, mais guère opératoires. La guérilla contre les black blocs est un sujet de doctrine d'emploi des forces de l'ordre davantage qu'un sujet législatif... Ils sont agiles, hyper-mobiles : votre dispositif ne les dissuadera pas.

M. le président.  - Amendement identique n°15 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°17, présenté par le Gouvernement.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - L'article 6 élargit de manière disproportionnée le champ d'application de la peine complémentaire d'interdiction de manifester à des délits de moindre importance comme le délit d'organisation d'une manifestation en méconnaissance de la procédure administrative, puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, ou le nouveau délit créé de dissimulation de son visage dans une manifestation. Plus encore, l'article 6 leur étend le champ d'application de la peine complémentaire d'interdiction de séjour, ce qui est également disproportionné au regard des peines encourues.

Dans la décision du 18 janvier 1995, le Conseil constitutionnel indique qu'il doit être tenu compte de la nature des infractions pour lesquelles la peine s'applique.

M. le président.  - Amendement identique n°19, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - L'extension du champ d'application de la peine complémentaire d'interdiction de participer à des manifestations doit être tempérée par une exigence de proportionnalité, au risque de porter atteinte à la liberté d'aller et venir.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Il est vrai que les condamnations prononcées sont rares. Nous transférons des dispositions du code de la sécurité intérieure dans le code pénal afin d'améliorer la lisibilité du droit pour les magistrats, ce qui devrait entrainer plus de condamnations.

L'extension de la peine complémentaire est un outil de prévention de la récidive. L'obligation de pointage renforce l'efficacité de ces peines. Elles ne sont pas disproportionnées. Le juge précisera toujours les lieux définis, conformément à la décision du Conseil constitutionnel de 1995.

La peine complémentaire d'interdiction de séjour est déjà applicable à des délits punis de faibles peines de prison : demande de fonds sous contrainte ou intrusion dans un établissement scolaire, délits punis de six mois d'emprisonnement. Le Conseil constitutionnel l'a validé. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos7, 15 rectifié, 17 et 19 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette obligation doit être proportionnée au regard du comportement de la personne.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement est de repli, eu égard au manque de garanties constitutionnelles. Il a reçu un avis favorable en commission.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Cet amendement, dont je comprends la logique, ne me semble pas indispensable, puisque le comportement de la personne est déjà pris en compte dans la détermination de la peine. Sagesse.

L'amendement n°20 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 7

M. François Grosdidier .  - Sur les bancs de cette assemblée, au RDSE, au groupe Les Républicains, nous partageons les principes de liberté, égalité, fraternité, même si nous divergeons sur les modalités de leur mise en oeuvre. En revanche, un principe nous distingue, celui de responsabilité, auquel nous sommes très attachés.

Au Sénat, nous avons introduit le principe de pollueur-payeur dans le code civil. Ici, il s'agit du principe de casseur-payeur. La rédaction initiale introduisait un principe de responsabilité collective, qui est apparu fragile et qui pourrait désengager l'État de son obligation d'indemnisation. Le meilleur dispositif est donc l'indemnisation des victimes par l'État avant que celui-ci se retourne vers les casseurs pour qu'ils paient : c'est la rédaction à l'issue des travaux de la commission.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - Défendu.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Aux articles L. 282-1 et L. 284-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « L. 211-13, » est supprimée.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Amendement de coordination.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°23 est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

Explications de vote

Mme Françoise Gatel .  - Monsieur le ministre, comme mes collègues, je vous souhaite la bienvenue. Toutefois, je vous suggère de rompre avec une tradition du Gouvernement, celle de rejeter les propositions de loi extrêmement pertinentes du Sénat.

Ces débats montrent que certains vivent dans le pays merveilleux de la théorie sans voir que la démocratie est fragilisée. (Mme Éliane Assassi proteste.) J'ai été à Rennes pendant les manifestations contre la loi Travail. Les vitrines étaient barrées, les personnes âgées n'osaient plus sortir de chez elles, terrorisées.

La démocratie doit d'abord protéger les plus fragiles. Cette proposition de loi sert d'abord à ceux qui ont envie de manifester...

Mme Éliane Assassi.  - La manifestation n'est pas une envie, c'est un droit !

Mme Françoise Gatel.  - ...ceux qui veulent défendre leurs idées, mais n'osent plus sortir de chez eux.

Je salue le travail de protection des libertés individuelles mené par la commission des lois.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Françoise Gatel.  - Il m'arrive de dépasser mon temps de parole tout comme vous quand vous êtes dans l'hémicycle. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Je ne fais que rappeler chacun à respecter son temps de parole... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Durain .  - Le groupe socialiste est radicalement opposé à toute forme de violence. Monsieur Grosdidier, vous seriez les seuls défenseurs du principe de responsabilité ? C'est extrêmement présomptueux ! Nous ne sommes pas non plus dans la théorie, mais nous défendons une position constante : les articles de cette proposition de loi sont inutiles, redondants et peu opératoires.

Assumons nos différences. Mais il y a ce sous-entendu désagréable, c'est que le désordre serait de gauche. Monsieur Ravier, vous citez les antifascistes d'extrême gauche. Dans vos rangs, certains sont loin d'être des adeptes du tricot ! Arrêtez de faire comme si le désordre était d'un seul côté !

Nous sommes responsables et contre la violence, mais pas avec les mêmes moyens juridiques que ceux que vous proposez.

Nous ne partageons pas votre philosophie et nous sommes pour l'ordre républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

M. Bruno Retailleau .  - Je n'ai aucune susceptibilité d'auteur et je remercie la commission des lois d'avoir modifié ce texte.

Je ne suis tenu par aucune ligne idéologique mais j'ai souhaité par ce texte apporter des réponses à des situations préoccupantes.

Jamais il n'y a eu autant d'agents des forces de l'ordre blessés ! Les black blocs ne se contentent pas d'apporter la chienlit, ils visent les forces de l'ordre, nos institutions, et finalement la République : notre rôle de législateur est d'y mettre le holà.

Monsieur le ministre, j'espère que votre groupe de travail apportera des réponses rapidement. Pour enterrer un problème en France, on crée des commissions, disait Clemenceau. Faites-le mentir.

Je suis navré d'avoir entendu des caricatures dans notre débat - en particulier quand j'entends la Manif pour tous confondue avec les black blocs ! Quelles que soient nos convictions, on ne peut défendre la casse. Avec ce texte, nous luttons non pas contre, mais pour le droit de manifester, pour le préserver contre ceux qui le défigurent.

Nous sommes du côté de la liberté et non de la violence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Éliane Assassi .  - Madame Gatel, on ne manifeste pas parce qu'on en a envie, mais pour exprimer ses opinions !

M. François Grosdidier.  - Et pas pour casser !

Mme Éliane Assassi.  - Manifester est un droit. Je suis pour la liberté, l'égalité et la fraternité, et la dernière est tout aussi importante que les deux autres. Nous rejetons cette proposition de loi non par dogmatisme, mais parce qu'elle s'affranchit de règles de droit que, moi, je respecte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. François Grosdidier.  - C'est faux !

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Les préoccupations des auteurs de la proposition de loi sont légitimes. Nous les partageons. Je sais gré des efforts de la rapporteure pour l'améliorer. Sans dramatiser, le problème porte sur les proportions. Il ne sert à rien de s'exciter.

Les travaux de notre assemblée apportent une pierre à l'édifice. Néanmoins le groupe LaREM votera contre cette proposition de loi. (On le déplore sur les bancs du groupe Les Républicains.)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

La séance est suspendue quelques minutes.

Accueil des gens du voyage (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites.

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Il y a un an, j'étais devant vous pour discuter de ce texte dans le cadre de mes anciennes fonctions auprès du ministre de l'Intérieur. Cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans la démarche du nouveau ministère de la cohésion des territoires : je poursuis donc le travail.

Ce texte répond à un besoin qui remonte des territoires, en particulier en Haute Savoie ; d'où l'initiative de Loïc Hervé et Jean-Claude Carle.

J'entends l'exaspération et je sais comme ancienne élue locale que tous les territoires sont concernés. L'installation de la grande majorité de familles des gens du voyage ne pose aucun problème. Pour autant, certaines installations illicites sur des terrains agricoles, municipaux ou industriels pénalisent l'activité économique et créent des troubles et des tensions. Les gens du voyage doivent être accueillis dans des aires adaptées. Actuellement, dix-neuf départements sont en parfaite conformité. C'est insuffisant. Le taux de réalisation des schémas départementaux est de 72 %.

C'est grâce à un accueil adapté aux besoins des gens du voyage que nous limiterons les installations illicites - sauf pour une minorité qui n'entre jamais dans le cadre.

Ceci étant rappelé, le texte qui nous occupe renforce et corrige la loi au regard de cas particuliers qui tendent à se multiplier.

Lors de la première lecture, nous n'étions pas parvenus à un accord. Je garde un souvenir contrasté de notre séance publique puisque malgré une approche plus que constructive de la part du Gouvernement, votre Haute Assemblée n'avait souhaité écouter aucune des observations que j'avais alors formulées, votant ainsi un texte dans une version maximaliste.

Le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale a souhaité inscrire à son ordre du jour réservé le texte de cette proposition de loi adoptée par le Sénat. J'ai plaidé auprès des groupes de la majorité parlementaire pour qu'ils fassent preuve d'une approche constructive et approuvent les dispositifs qui allaient dans le sens d'un meilleur respect des obligations par les communes et d'une plus grande efficacité des procédures de lutte contre les installations illicites.

Même si les députés ont dû s'y reprendre à deux fois - les élus de Haute-Savoie savent ce qu'il en est -, l'Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi le 21 juin dernier dans des termes qui recueillent l'accord du Gouvernement.

Votre commission des lois, sous l'impulsion de son rapporteur Mme Catherine Di Folco, dont je tiens à saluer le travail de grande qualité et l'approche équilibrée, partage l'analyse selon laquelle il paraît souhaitable d'achever le processus législatif à ce stade et de voter le texte dans les mêmes termes que ceux retenus par les députés.

Ce texte me paraît en effet offrir un compromis satisfaisant. La clarification des compétences des communes et leurs groupements en matière d'accueil des gens du voyage établi par la loi du 5 juillet 2000 sont nécessaires. En effet les transferts de compétences nés de la loi Maptam et de la loi NOTRe ne s'étaient pas accompagnés des aménagements nécessaires dans la loi du 5 juillet 2000 dite loi Besson.

Les EPCI étant désormais compétents en matière d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires et terrains destinés aux gens du voyage, les obligations découlant des schémas départementaux reposent encore sur les communes qui, en vertu du principe d'exclusivité des compétences transférées, n'ont plus les outils pour agir. La proposition de loi telle que présentée apporte cette clarification de compétences pour chaque type de collectivité.

J'entends également le besoin des communes en matière d'accès au pouvoir de police spéciale pour celles qui respectent leurs obligations, quand ce pouvoir est aujourd'hui conditionné par le fait que l'EPCI remplisse l'intégralité des obligations qui lui incombent en application du schéma départemental.

Leur incompréhension est légitime. Nous l'avons entendue. C'est pourquoi afin de mieux lutter contre les installations illicites et répondre aux besoins des élus qui ont mis en place des conditions d'accueil satisfaisantes sur le territoire de leur commune et se trouvent aujourd'hui pénalisés par leur intercommunalité, le Gouvernement se prononce favorablement à cette demande.

Enfin, concernant le renforcement des sanctions pénales prévues par la loi du 18 mars 2003 en cas d'occupation en réunion sans titre d'un terrain en vue d'y installer son habitation, ainsi que l'application de la procédure de l'amende délictuelle forfaitaire, ces mesures me semblent aller dans le bon sens et être de nature à lutter efficacement contre les installations illicites.

Le Gouvernement est à l'écoute des sénateurs et à celle des élus de vos territoires. Aucun sujet n'est pris à la légère. Mon implication sera totale quand vous me solliciterez.

Nous sommes arrivés à une bonne solution. Aujourd'hui, il faut voter ce texte. Le Gouvernement appelle votre Haute Assemblée, à l'instar de votre commission des lois, à adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi adoptée en première lecture par le Sénat le 1er octobre 2017 est issue de deux propositions de loi déposées respectivement par Loïc Hervé et Jean-Claude Carle.

Il est de la responsabilité de la puissance publique d'aménager l'équilibre entre les droits et les devoirs de chacun et de faire cesser les agissements d'une minorité de fauteurs de trouble.

L'Assemblée nationale, malgré le rapport favorable de Virginie Duby-Muller, a supprimé un certain nombre de dispositions introduites au Sénat : l'interdiction d'imposer la construction de nouvelles aires là où le taux d'occupation des aires existantes aurait été inférieur à un seuil fixé par décret ; le comptage en logements sociaux les habitations des emplacements aires permanentes d'accueil ; la suppression de la procédure de consignation de fonds pour les EPCI déficients ; l'augmentation du montant de la taxe sur les résidences mobiles, pour apporter des moyens aux communes et EPCI ; enfin, des mesures propres à faciliter l'évacuation des campements illicites, pour que la voie de fait cesse de l'emporter sur la voie de droit.

L'opposition sans nuance dans la majorité gouvernementale est d'autant plus désolante que les dispositifs existants ont montré leurs limites. Les mesures préconisées par le Sénat auraient favorisé le vivre-ensemble des citoyens.

L'article 8 créait un délit d'occupation habituelle d'un terrain. Il a été supprimé. Une obligation d'information préalable lors des grands passages et des grands rassemblements était aussi très attendue. Le doublement des peines encourues en cas d'occupation illicite du terrain d'autrui aurait facilité la répression.

Si un grand nombre de dispositions a été supprimé, un début de réponse s'esquisse cependant. Ne laissons pas passer l'opportunité de faire entrer en vigueur les mesures qui subsistent.

Pour éviter au Sénat de s'enliser dans une posture du tout ou rien, qui ne lui ressemble guère, la commission des lois vous propose de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Pierre-Yves Collombat .  - L'heure semble venue de mettre fin au casse-tête que constitue pour les élus l'accueil des gens du voyage, en harmonisant les quatre lois en vigueur : Besson, Maptam, NOTRe et celle sur l'égalité et la citoyenneté.

Au fil de la navette, les responsabilités de chacun se sont précisées sauf celles qui concernent les communes de moins de 5 000 habitants, exclues par la loi Besson. Nous présentons un amendement qui ne fait que reprendre une disposition adoptée en première lecture par le Sénat et que l'Assemblée nationale a supprimée - il ne faut pas que, d'un seul coup, les petites communes se trouvent contraintes par les obligations d'accueil, du fait de leur inclusion dans un EPCI.

Plus encore qu'à l'enchevêtrement réglementaire, les difficultés tiennent au retard dans l'élaboration et la mise en oeuvre des schémas départementaux - en 2014, 35 % restaient à réaliser et 18 % de ceux existant n'étaient pas aux normes - et au fait qu'un nombre non négligeable de gens du voyage contreviennent à la loi sans que les préfets n'y fassent rien.

Ce texte ne peut garantir une meilleure application des règles existantes, car cela relève du préfet.

Les retards voire absences de réaction des pouvoirs publics suscitent l'incompréhension de nos concitoyens qui croient discerner une justice à deux vitesses - sur ce point comme sur d'autres, il est vrai.

Faire respecter la loi Besson et rien que la loi Besson serait plus efficace. Le présent texte y contribue. Tout sera dans son application.

Notre groupe votera ce texte si notre amendement est adopté ; il s'abstiendra dans le cas contraire.

M. Jean-Luc Fichet .  - Lors de l'examen de ce texte en octobre 2017, j'avais d'emblée regretté la remise en cause du dispositif équilibré voté lors de l'examen de la loi sur l'égalité et la citoyenneté qui avait renforcé les dispositifs de mise en demeure et d'évacuation des campements sauvages tout en abrogeant des dispositions discriminantes, comme le livret de circulation - et réaffirmé le droit à la scolarisation des enfants des gens du voyage. En matière d'accueil des gens du voyage, l'enjeu aurait été d'appliquer pleinement cette loi plutôt que de proposer un nouvel arsenal de mesures pour la plupart inapplicables.

Fort heureusement, l'Assemblée nationale a su faire le tri. Elle a par exemple supprimé le caractère facultatif de la construction d'aires dans les communautés de communes dont aucune ne dépasse 5 000 habitants, ou le comptage des places en aire d'accueil permanente dans le logement social. Elle a aussi supprimé l'augmentation de la taxe sur les résidences mobiles terrestres, ainsi que la peine complémentaire d'interdiction de séjour, ou celle de saisie des véhicules destinés à l'habitation.

Dans le même temps, l'Assemblée nationale a introduit des mesures intéressantes, comme l'information obligatoire des autorités administratives du département en cas de grands passages - et la possibilité pour le maire de recourir au préfet s'il n'a pas les moyens de gérer ces grands passages.

Enfin, les sanctions pénales sont renforcées en cas d'occupation illicite d'un terrain en réunion - douze mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. Nous saluons aussi l'instauration d'une amende forfaitaire délictuelle de 500 euros.

Je me félicite que l'intercommunalité ait été clarifiée comme échelon pertinent en matière d'accueil des gens du voyage.

Au vu de ces modifications, je considère que cette proposition de loi correspond à l'équilibre que nous recherchions entre droits et devoirs. En effet, nous sommes conscients des difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux en matière d'accueil des gens du voyage. L'action des élus locaux est indispensable au bon fonctionnement de notre République décentralisée. Nous devons leur donner les moyens de réprimer les comportements contraires à la loi.

Faut-il rappeler que selon le rapport de la Cour des comptes de janvier 2017, au 1er janvier 2014, 170 aires avaient été réalisées sur les 348 imposées par les schémas départementaux et que seuls 18 % des départements respectaient leurs obligations ?

L'accès à l'électricité, à l'eau potable, à l'école et à des conditions de vie décentes restent essentielles. L'accueil des gens du voyage ne peut se régler par le seul renforcement des sanctions. Nous ne sommes ni dans l'angélisme, ni dans le tout répressif, mais nous souhaitons défendre le respect des droits et des devoirs de chacun. Nous défendons ainsi un accueil des gens du voyage conforme à nos valeurs.

Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Nathalie Delattre .  - Ce texte entend répondre à un problème sensible face auquel nombre d'élus locaux se sentent impuissants. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre la liberté de mouvement des gens du voyage et le droit de propriété, mais aussi entre les compétences des collectivités territoriales et les pouvoirs de l'État.

D'autres textes ont posé le socle des droits et devoirs qui incombent à chacun. Les collectivités territoriales doivent mettre en place des aires d'accueil ; en retour, les gens du voyage doivent respecter les règles d'occupation de ces terrains.

Des situations illicites sont apparues. D'où la nécessité de ce texte qui prévoit des mesures concrètes pour faire respecter l'ordre public, notamment en cas de grands rassemblements.

Dans mon département de la Gironde, un grand rassemblement de nature religieuse regroupe chaque année plus de 3 000 itinérants sur une commune de 2 400 habitants. Il faut alors anticiper les bouleversements engendrés et notamment protéger la forêt des Landes en s'assurant que les véhicules respectent un certain nombre de contraintes.

Autre exemple tiré de mon expérience en Gironde : la relation avec les chasseurs. Quand un grand rassemblement a lieu lors de la période cruciale de l'ouverture de la chasse, des réunions préparatoires sont indispensables avec les services locaux et les services de l'État.

De plus, le texte prévoit la possibilité, pour les maires, de demander au préfet de prendre les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public quand ils ne sont pas eux-mêmes en mesure de le faire. Cette proposition de loi autorise aussi les communes dotées d'une aire d'accueil à prendre des arrêtés d'interdiction de stationnement, afin que les maires ne soient plus pénalisés par les manquements des EPCI dont leur commune est membre.

Il fallait, après les lois Maptam, NOTRe, Égalité et citoyenneté, clarifier les compétences des communes et des EPCI. Ce texte renforce la responsabilité des collectivités locales d'accueiI des gens du voyage, il leur assure également qu'elles ne sont pas seules : l'État doit être garant de la solidarité territoriale, leur assurant en même temps de ne plus être seules.

D'après un rapport de la Cour des comptes de 2017, 33 % des académies ne déploient pas de médiateur et 25 % d'entre elles n'utilisent pas les outils de suivi de scolarité, des dispositifs-clés pour la scolarité en itinérance. Si les obligations des collectivités doivent être évidemment respectées, l'État ne peut se détourner des siennes.

Certains membres du groupe RDSE émettent des réserves techniques sur le doublement des sanctions pour l'occupation d'un terrain sans titre ou la création d'une amende forfaitaire délictuelle en cas d'occupation illicite. Puisqu'elles figurent désormais dans le texte, nous pouvons compter sur la ténacité des élus à les faire appliquer.

Le Sénat et l'Assemblée nationale ont travaillé à la poursuite d'un juste équilibre. Cela a nécessité des compromis et des concessions parfois regrettables - je songe à la suppression de la procédure de consignation de fonds à l'égard des communes et des EPCI défaillants.

Les membres du groupe RDSE voteront majoritairement le texte.

M. Loïc Hervé .  - Un an après le vote de ce texte au Sénat, nous débattons de l'accueil des gens du voyage et des installations illicites en seconde lecture. Auteur de l'une des propositions de loi, je me sens une responsabilité particulière dans ce débat.

La situation reste critique. Chefs d'entreprise, agriculteurs, élus locaux, forces de l'ordre et magistrats continuent à subir et à appeler à l'aide. En Haute-Savoie, les maires, réunis en congrès la semaine dernière, ont encore dit leur ras-le-bol publiquement... Nous devons les entendre.

Cyril Pellevat et Sylviane Noël diront à leur tour leur sentiment mais le problème dépasse la Haute-Savoie.

Je remercie sincèrement Mme Di Folco pour le travail qu'elle a accomplie sur ce texte il y a un an et depuis lors. Nous lui devons un texte cohérent et robuste que l'Assemblée nationale a malheureusement soulagé de nombre de dispositions importantes. Je remercie la ministre, dont l'oreille a toujours été attentive.

Je regrette les mesures abandonnées par les députés. Elles sont, du reste, de nature assez diverses : cela va de la prolongation du délai de validité des mises en demeure des préfets à la lutte contre les sauts de puce, une question à laquelle Gérard Larcher est très sensible. Je suis convaincu qu'il faut revoir de fond en comble les obligations pesant sur les collectivités dans les départements où les schémas ont déjà produit leurs effets. Un autre texte viendra.

Mais les mesures que les députés ont conservées dans ce texte justifient, à elles seules, le vote conforme. Je pense, en particulier, à l'amende forfaitaire délictuelle, qui vaut mieux qu'une audience au tribunal correctionnel plusieurs mois après les faits ; au doublement des sanctions qui donnera davantage de moyens aux juges et aux procureurs ; enfin, à la possibilité pour le maire dont la commune est conforme dans un EPCI non conforme de faire appel aux pouvoirs de police du préfet pour une mise en demeure de quitter les lieux.

Le groupe UC comprend le bien-fondé de certains amendements déposés mais nous ne les voterons pas afin d'obtenir un vote conforme.

À quelques jours du Congrès des maires, le Sénat enverra un signal clair à tout le pays et au président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled .  - Le texte, issu de deux propositions de loi de Jean-Claude Carle et Loïc Hervé, apporte des réponses concrètes au problème récurrent des campements irréguliers des gens du voyage. Il n'est pas question de stigmatiser une population mais de garantir l'ordre public face à une minorité de fauteurs de troubles.

Les élus, exaspérés par les occupations illicites et les dégradations qui en résultent, se sentent abandonnés. Je déplore que la majorité des députés n'ait pas voulu les écouter. Elle a refusé la suppression de la procédure de consignation de fonds à l'égard des communes et des EPCI défaillants, inutilement attentatoire à leur libre administration, le relèvement de la taxe sur les résidences mobiles habitées à titre principal ou le renforcement des sanctions pénales pour installation illégale en réunion ainsi que pour les destructions et dégradations commises à cette occasion, en instituant notamment une peine complémentaire de confiscation des véhicules destinés à l'habitation.

Plusieurs dispositions urgentes ont été maintenues et je m'en réjouis : clarification des compétences des collectivités territoriales, obligation d'information avant un grand passage, possibilité donnée au maire de toute commune dotée d'une aire ou de terrains d'accueil d'interdire le stationnement des résidences mobiles sur le reste du territoire communal, doublement des sanctions et amende forfaitaire délictuelle...

Afin que ces mesures entrent en vigueur sans plus tarder, Les Indépendants voteront ce texte conforme. La navette dure depuis plus d'un an, il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Arnaud de Belenet .  - Une proposition de loi du Sénat nous revient en deuxième lecture : c'est assez rare pour être souligné.

Saluons la sagesse de la rapporteure et la convergence de notre assemblée avec madame la ministre car nous avons besoin d'un texte opérationnel.

Le groupe LaREM y adhère pleinement. Un certain nombre de dispositions a été supprimé à l'Assemblée nationale. J'avais émis des réserves sur certaines d'entre elles, notamment à l'article premier celle consistant à exclure du schéma départemental les EPCI qui ne comptent aucune commune de plus de 5 000 habitants. Elles représentent tout de même 45 % de l'ensemble.

Je regrette la suppression de la disposition, introduite par notre collègue Dominique Estrosi-Sassone, permettant de comptabiliser les emplacements en aire permanente en logements sociaux. En revanche, nous pouvons nous réjouir de la clarification des compétences entre communes et EPCI

La procédure de consignation de fonds à l'encontre des EPCI défaillants interroge le principe de libre administration des collectivités territoriales, elle devrait être supprimée.

L'article 3 représente une avancée pour les élus locaux qui seront désormais informés en temps utile des grands passages et des grands rassemblements des gens du voyage.

L'article 4 satisfait la préoccupation des élus. Un maire dont la commune dispose d'une aire d'accueil pourra empêcher toute installation hors de ce périmètre. Je me réjouis encore du positionnement de l'Assemblée nationale sur le doublement des sanctions et la grande innovation que constitue la création d'une amende forfaitaire délictuelle.

La suppression de la peine complémentaire de confiscation du véhicule est, à mon sens, légitime : elle ne serait pas conforme au principe de l'inviolabilité du domicile.

Dès la première lecture, l'on avait noté les difficultés qu'il y aurait à appliquer l'article 8. Nous poursuivrons ce débat sans doute à l'occasion d'un prochain texte.

Le groupe LaREM adhère à la position de la commission des lois. Il espère un vote conforme à l'unanimité. Il sera toujours temps de retenir les amendements déposés ce soir dans un prochain texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Félicitations, madame la ministre, pour vos nouvelles fonctions à la tête d'un grand ministère de la cohésion des territoires. Je vous souhaite de réussir pleinement pour le bien-être de nos collectivités.

Je me réjouis de voir revenir ce texte en seconde lecture, je suis déçu par la réduction dont il a fait l'objet à l'Assemblée nationale. Les députés en ont supprimé les deux tiers ! Visiblement, ils n'ont pas conscience mais nous sommes assis sur une poudrière qui pourrait à tout instant s'embraser en Haute-Savoie, comme ailleurs.

Nous ne stigmatisons pas les gens du voyage, nous visons ceux qui se comportent comme des délinquants, les vrais faux gens du voyage. Avec Loïc Hervé et Sylviane Noël, nous nous faisons les porte-parole des élus qui subissent des occupations illicites. Les installations n'ont pas seulement lieu pendant l'été, elles se font durant des périodes qui sont de plus en plus longues, et la tension monte en puissance allant parfois jusqu'à des incidents majeurs : un maire et un gendarme menacés par arme à feu.

Des groupes se sont imposés par le nombre et la force dans mon département, bien qu'un refus de séjour leur ait été notifié en début d'année puis réitéré lorsqu'ils se sont annoncés la veille pour le lendemain. D'autres arrivent à leur convenance, méconnaissant les dates officielles de réservation. Chefs d'entreprise et particuliers ne comprennent pas que l'on puisse s'installer en toute impunité sur leur terrain et qu'ils doivent entamer des procédures longues et coûteuses pour obtenir une évacuation ; les agriculteurs, qui perdent une partie de leur récolte ou leur label AOP, ne comprennent pas non plus cette justice à deux vitesses.

Nous pouvions espérer un vote conforme rapide pour cette proposition de loi non partisane. L'examen de l'Assemblée nationale a été surprenant ; le texte en ressort vidé de sa substance. Mais la situation est urgente au point qu'il faut rendre ce texte applicable dès que possible.

J'ai été maire, de 2008 à 2016, d'une commune de 1 500 habitants. Des repas de famille quittés brusquement, des soirs de semaine jusqu'à 1 heure du matin passés sur le terrain de football à parlementer. Pas une année ne s'est passée sans que je sois confronté à des occupations illicites et je n'ai constaté aucune amélioration.

L'adoption de ce texte constitue un premier pas, nous veillerons à son application. Nous reviendrons bientôt avec un autre texte sur lequel nous devrions nous retrouver, comme sur tout ce qui concerne la défense des élus locaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Serge Babary .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il appartient à l'État de permettre aux gens du voyage de vivre selon leur mode de vie, mais cela doit se faire dans le respect des lois de la République. Si occupations illicites il y a, c'est que les aires d'accueil seraient en nombre insuffisant... Facile ! La situation est bien plus complexe. Dans la Métropole Tours Val de Loire, où je suis élu, le taux d'occupation des aires d'accueil était, en 2017, d'environ 47 %. Cette même année, un minimum de 150 caravanes étaient identifiées en stationnement illicite durable.

N'est-il pas totalement ubuesque d'imposer des investissements supplémentaires aux collectivités, alors que les aires existantes sont occupées à moins de la moitié de leurs capacités ? Et je ne dis rien de leur coût d'entretien. Il faudrait tenir compte du taux d'occupation, qui sert à calculer l'aide de l'État, pour ajuster les obligations des communes. Comment expliquer au contribuable qu'il vaut mieux investir dans une aire d'accueil inoccupée plutôt que dans un service public de proximité ? Comment lui expliquer que s'il est mal garé, il paiera une amende et sa voiture partira, sur-le-champ, à la fourrière, mais qu'il faudra plusieurs semaines pour faire cesser une occupation illicite de gens du voyage qui, au final, s'installeront 100 mètres plus loin ? La population est excédée, le climat devient délétère.

Dépourvu de moyens d'action, le maire est victime d'attaques verbales voire physiques. Dans mon département, un maire a reçu des jets de pierre alors que sa commune était équipée d'un terrain d'accueil. Cela pousse la population à l'amalgame. La contrepartie de la mise à disposition d'une aire d'accueil doit être l'évacuation des terrains occupés de façon illicite.

L'État de droit existe lorsque la loi est appliquée et que les décisions administratives sont rapidement exécutées. Seule une adoption conforme des quatre articles, sur les dix initiaux, offrira des réponses aux élus locaux, même si ce n'est pas satisfaisant. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En dépit de la généralisation des aires d'accueil des gens du voyage, les occupations illicites se poursuivent. Les maires se plaignent d'investissements lourds qui ne débouchent sur rien.

Hélas, cette proposition de loi a été vidée de sa substance en première lecture par La République en Marche de l'Assemblée nationale. Il ne reste que quatre mesures.

L'amende forfaitaire est une avancée insuffisante. Elle ne s'appliquera que si la commune ou l'EPCI respecte les obligations des schémas départementaux qui, vous le savez, seront rediscutés l'an prochain, rendant la mesure inopérante.

L'amende ne s'applique pas aux caravanes et ne sera pas répétitive, ce qui fait courir un risque de sédentarisation illégale. En outre, les contrevenants sont souvent insolvables. Le problème des sauts de puce reste aussi entier.

Nous avons obtenu de fortes assurances du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale pour inscrire ce texte. J'ai déposé plusieurs amendements pour rétablir les mesures les plus importantes du texte.

Les agissements délictueux sont l'oeuvre d'une minorité mais ils sont intolérables pour tous. Comme le disait le conseiller d'État Marbeau, « La liberté c'est le respect des droits de chacun ; l'ordre, c'est le respect des droits de tous ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. François Grosdidier .  - Nous sommes partagés car, sans vote conforme, le texte n'aboutira pas et les quelques avancées obtenues resteront lettre morte.

La loi Besson ne visait que les communes de plus de 5 000 habitants. Si toutes les communes s'y pliaient, les besoins seraient satisfaits.

Toutefois, celles qui ont une aire d'accueil voient bien que cela n'empêche pas les installations sauvages. Or une aire, ce sont des dépenses, notamment sociales et scolaires, hors de portée des petites communes. Je regrette qu'elles ne soient pas exclues du dispositif.

M. Michel Raison .  - Je voudrais souligner le problème posé par l'occupation d'aires dévolues aux gens du voyage par des quasi-sédentaires, ce qui empêche les itinérants d'y stationner, occasionnant des conflits parfois graves. L'État, qui a pourtant l'habitude de tout centraliser, laisse les intercommunalités seules face à ce problème. Dans la loi ELAN, grâce à notre excellent rapporteur, nous avons prévu que les bailleurs sociaux aient pour mission de stationner les gens sédentaires sur des terrains familiaux ; je souhaite que l'État donne des consignes plus précises aux préfets pour aider les communautés de communes rurales à mutualiser. Elles ont besoin de soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Claude Kern .  - Ce sujet est plus que sensible dans le Bas-Rhin où de nombreuses communes sont confrontées à des gens du voyage qui occupent des terrains de football. La création d'aires d'accueil à la charge du contribuable local n'a pas réglé le problème car les sanctions pour occupation illégale ne sont pas assez dissuasives.

Par une heureuse initiative, la majorité sénatoriale les a renforcées en cas d'installations illégales en réunion. Hélas, la proposition de loi examinée ce soir est très en retrait de sa version initiale. La proposition de rétablir l'article 5 sur les sauts de puce avait tout mon soutien mais un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Aussi, je soutiens le vote conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Collombat.

Alinéa 3

Rétablir le a dans la rédaction suivante :

a) Le sixième alinéa du II est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. Celui-ci ne peut prévoir, à titre obligatoire, la réalisation d'aires ou de terrains mentionnés aux 1° à 3° du présent II sur le territoire d'une commune dont la population n'atteint pas ce seuil, à moins qu'elle n'appartienne à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre comportant, parmi ses membres, au moins une commune de plus de 5 000 habitants.

« Le schéma départemental ne peut prévoir la réalisation d'aires ou de terrains mentionnés aux mêmes 1° à 3° sur le territoire d'une commune que si le taux d'occupation moyen des aires et terrains existants dans le même secteur géographique d'implantation, constaté au cours des trois dernières années, est supérieur à un seuil défini par décret.

« Le schéma départemental définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage. » ;

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet amendement reprend une décision de notre assemblée en première lecture. Il supprime une disposition qui fait subrepticement obligation aux communes de moins de 5 000 habitants de créer une aire d'accueil. Autre proposition révolutionnaire, ne pas imposer la construction de nouvelles places quand il y en a suffisamment.

Un vote conforme pour conserver quelques avancées ? On nous chante la même chanson depuis 2010. Pardonnez-moi cette cuistrerie mais défendre la politique du moindre mal, c'est oublier, disait Hannah Arendt, que le moindre mal est tout de même le mal.

M. Loïc Hervé.  - Je ne vois pas quel mal il y a dans cette proposition de loi !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Selon le droit en vigueur, ce sont les communes de plus de 5 000 habitants qui sont soumises à l'obligation. Effectivement, la loi n'interdit pas de faire figurer des communes de moins de 5 000 habitants dans le schéma départemental. Mais ce n'est qu'à titre indicatif, non prescriptif. Nous avons voulu, dans le texte initial, mettre le droit en accord avec la pratique, par précaution. L'Assemblée nationale ne l'a pas voulu. Soit.

M. le président.  - Merci de respecter votre temps de parole.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Retrait également. Les explications de la rapporteure étaient limpides.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal, Bories et Garriaud-Maylam et MM. Segouin, Charon, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson.

Alinéa 14

Rétablir le III dans la rédaction suivante :

III. - Après le 5° du IV de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Les emplacements des aires permanentes d'accueil mentionnées au 1° du II de l'article 1er de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ; ».

Mme Sylviane Noël.  - Cet amendement soutient les collectivités territoriales s'engageant pour la création d'espaces d'accueil en prenant en compte les aires permanentes d'accueil des gens du voyage sédentaires dans l'évaluation de la proportion de logements sociaux prévue par la loi SRU.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Nous avions introduit cette disposition dans le texte initial. Il serait bon que la mesure figure dans un futur texte et je la défendrai, si d'aventure je suis rapporteur. Cependant, je souhaite un vote conforme. Retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Les aires d'accueil ne sauraient être confondues avec des logements pérennes. Le Sénat l'a bien compris lors de l'examen de la loi ELAN où il a rejeté tous les amendements visant à les inclure dans le décompte SRU. Avis défavorable.

M. Loïc Hervé.  - Voilà un marronnier. Si cette disposition a été écrite dans la proposition de loi initiale, c'était pour reconnaitre l'effort que représente la création d'une aire d'accueil pour une commune.

Je soutiens cette proposition. Toutefois, le groupe UC votera contre, afin d'obtenir le vote conforme de la proposition de loi.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Les articles 2 et 3 demeurent supprimés.

ARTICLE 4

M. François Grosdidier .  - Nous avons heureusement refusé, tout à l'heure, l'instauration d'une responsabilité collective pour les violences commises lors des manifestations. Or les communes portent une responsabilité collective lorsque leur EPCI n'est pas conforme avec le droit, alors qu'elles-mêmes le sont. La commune qui remplit ses obligations doit pouvoir faire valoir ses droits. Les sanctions doivent être réelles et les évacuations effectives pour encourager les communes.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5 (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal, Bories, Raimond-Pavero et Garriaud-Maylam et MM. Segouin, Charon, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le II de l'article 9 de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « le maire », sont insérés les mots : « , le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » et les mots : « les lieux » sont remplacés par les mots : « le territoire de la commune ou, le cas échéant, de l'établissement public de coopération intercommunale, à l'exception des aires et terrains mentionnés aux 1° à 3° du II de l'article 1er » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , ou s'il est de nature à porter une atteinte d'une exceptionnelle gravité à un droit de propriété ou à la liberté d'entreprise ».

Mme Sylviane Noël.  - Cet amendement rétablit partiellement l'article 5 pour contrer les sauts de puce. Il rétablit la possibilité pour le maire ou le président de l'EPCI de demander au préfet de mettre en demeure les occupants illicites de quitter non pas seulement les lieux mêmes de cette occupation, mais le territoire de toute la commune, voire de l'EPCI. Nous étendons également la possibilité de mise en demeure aux atteintes significatives au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre, afin d'offrir une meilleure protection aux propriétaires et usagers de terrains privés, notamment agricoles.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Je partage votre avis, car j'ai déploré la suppression de l'article 5. Mais n'engageons pas une navette qui n'aboutirait pas. Retrait ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Cet amendement contrevient de manière disproportionnée à la liberté d'aller et venir. Le trouble à l'ordre public s'établit à l'échelle du terrain, non à celle de la commune ou de l'EPCI. Enfin, seul un motif d'ordre public peut justifier l'emploi des pouvoirs de police ; je vous renvoie à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 demeure supprimé.

ARTICLE 6

M. François Grosdidier .  - Cet article renforce les sanctions pénales pour occupation illicite en réunion d'un terrain. Les sanctions actuelles ne sont pas dissuasives, on le voit bien. Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas retenu la saisie du véhicule, qui aurait été l'arme la plus dissuasive. La forfaitisation de l'amende reste une avancée. Espérons que son automaticité sera dissuasive !

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mmes Lamure, Raimond-Pavero et Garriaud-Maylam et MM. Segouin, Charon, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson.

Alinéa 5

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les véhicules peuvent être transférés sur une aire ou un terrain mentionnés aux 1° à 3° du II de l'article 1er de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage et situés sur le territoire du département. »

Mme Sylviane Noël.  - Cet amendement rétablit une mesure, supprimée par l'Assemblée nationale, permettant aux forces de l'ordre de transférer les véhicules non affectés à un usage d'habitation vers les aires d'accueil existantes dans le département.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Je suis d'accord sur le fond mais vous demande néanmoins le retrait, par souci d'un vote conforme.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - J'ai un doute sur le caractère opérationnel de cet amendement... (M. Pierre Cuypers en convient.)

En outre, la saisie de véhicules est déjà permise par l'article 322-4-1 du code pénal, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation, en vertu de la protection constitutionnelle du domicile. Avis défavorable.

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mme Lamure, M. Charon, Mme Raimond-Pavero et MM. Priou, Darnaud et Husson.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article continue de s'appliquer pour une durée de trois ans lorsque, suite à une révision du schéma départemental mentionné au premier alinéa, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale ont cessé d'être en conformité avec les obligations leur incombant au titre de ce dernier. »

Mme Sylviane Noël.  - Cet amendement et les deux qui suivent prévoient une période transitoire, d'un à trois ans, pour les communes et les EPCI se trouvant en situation de non-conformité à la suite d'une révision du schéma département d'accueil des gens du voyage, pendant laquelle l'amende forfaitaire pourra s'appliquer.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mme Lamure, M. Charon, Mme Raimond-Pavero et MM. Segouin, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article continue de s'appliquer pour une durée de deux ans lorsque, suite à une révision du schéma départemental mentionné au premier alinéa, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale ont cessé d'être en conformité avec les obligations leur incombant au titre de ce dernier. »

Mme Sylviane Noël.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mme Lamure, M. Charon, Mmes Raimond-Pavero et Garriaud-Maylam et MM. Priou, Mandelli, Darnaud et Husson.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article continue de s'appliquer pour une durée d'un an lorsque, suite à une révision du schéma départemental mentionné au premier alinéa, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale ont cessé d'être en conformité avec les obligations leur incombant au titre de ce dernier. »

Mme Sylviane Noël.  - Défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - L'article 2 de la loi Besson prévoit déjà un délai de deux ans pour que les communes se mettent en conformité en cas de révision, avec une possibilité de prorogation de deux années supplémentaires. Vos amendements sont donc largement satisfaits. Retrait ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis.

Mme Sylviane Noël.  - Soit, mais la loi Besson ne fait référence qu'aux communes, pas aux EPCI. En outre, la plupart des schémas départementaux seront révisés en 2019 et les élections municipales auront lieu en 2020 ; les élus ne se précipiteront pas pour réaliser des aires d'accueil, ce qui laisse présager que beaucoup de communes seront en non-conformité.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Les obligations des communes s'imposent aux EPCI compte tenu du transfert de compétences. Vous pouvez être rassurée : le délai de deux ans s'applique bien en cas de révision.

Les amendements nos9 rectifié, 8 rectifié et 7 rectifié sont retirés.

L'article 6 est adopté.

Les articles 7, 8 et 9 demeurent supprimés.

Explications de vote

M. Jean-François Longeot .  - Je remercie ceux qui vont voter ce texte conforme, même si nous aurions préféré le texte de première lecture du Sénat. Sans cela, les élus locaux se seraient retrouvés sans rien. Je remercie Loïc Hervé pour le travail réalisé et je salue l'engagement de Cyril Pellevat. Notre groupe votera ce texte conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Marie Mizzon .  - Je voterai ce texte tout en ressentant de la frustration car je n'ai pas le sentiment de répondre aux attentes des maires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le système nous condamne à choisir le moindre car en choisissant le meilleur, nous risquerions d'avoir le pire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et UC)

M. Cyril Pellevat .  - Je remercie nos collègues et partage ce sentiment de frustration. Un remerciement particulier pour mon prédécesseur Pierre Hérisson, qui est en tribune, car ce texte lui doit beaucoup. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Jean-Luc Fichet .  - Nous voterons ce texte qui nous convient mieux après son passage à l'Assemblée nationale. Il permettra à la loi de prendre toute sa dimension. Les gens du voyage ont des obligations, les collectivités aussi. Les élus locaux doivent être irréprochables. Nous avons là un bon texte qui apaisera les relations entre les uns et les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Ne pouvant nous résigner à voir imposer de nouvelles obligations aux communes de moins de 5 000 habitants, nous nous abstiendrons.

M. Loïc Hervé .  - Je veux souligner le travail collectif de notre Haute Assemblée et l'ouverture d'esprit des uns et des autres. Malgré les regrets que nous pouvons avoir, nous nous satisfaisons de voir ce texte entrer rapidement en vigueur. Nous serons vigilants sur le suivi de l'application de la loi ; je ne doute pas que l'amende forfaitaire sera efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Sylviane Noël .  - Forcément déçue, je voterai néanmoins ce texte conforme pour préserver les quelques avancées qu'il porte. J'espère que nous aurons rapidement l'occasion de revenir sur ce sujet. Nous prenons date ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur .  - Je remercie nos collègues pour la compréhension dont ils ont fait preuve vis-à-vis de la position de la commission des lois. Madame Noël, la raison l'emporte sur le coeur ! Je ne doute pas que nous aurons bientôt à nouveau du pain sur la planche. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

À la demande du groupe UC, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°5 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l'adoption30 8
Contre     8

Le Sénat a adopté définitivement.

(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je remercie le président de la commission des lois et la rapporteure pour leur travail. Merci à l'ensemble des groupes pour ce vote conforme, grâce auquel le texte entrera en vigueur rapidement. Je salue tout particulièrement Cyril Pellevat et Loïc Hervé, élus de Haute-Savoie, ainsi que Pierre Hérisson qui était en tribunes : vous lui transmettrez mes amitiés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mise au point au sujet d'un vote

M. Vincent Segouin.  - Lors du scrutin public n°3, M. Hugues Saury et moi-même avons été comptés comme votant contre alors que nous souhaitions voter pour, comme l'ensemble de notre groupe.

M. le président.  - Acte vous en est donné.

Prochaine séance, demain, mercredi 24 octobre 2018 à 14 h 30.

La séance est levée à 21 h 25.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 24 octobre 2018

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : M. Yves Daudigny et Mme Mireille Jouve

1. Proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (n°434, 2017-2018).

Rapport de Mme Cathy Apourceau-Poly, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°44, 2018-2019).

Résultat des travaux de la commission (n°45, 2018-2019).

2. Débat sur le thème : « Dette publique, dette privée : héritage et nécessité ? »

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°3 sur l'ensemble du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (procédure accélérée)

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :247

Pour :228

Contre :19

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 143

Contre : 2 - MM. Hugues Saury, Vincent Segouin

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (74)

Abstentions : 74

Groupe UC (51)

Pour : 48

Contre : 1 - M. Jean-Marie Mizzon

Abstention : 1 - Mme Sophie Joissains

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet

Groupe RDSE (23)

Pour : 4 - M. Yvon Collin, Mme Véronique Guillotin, MM. Franck Menonville, Raymond Vall

Abstentions : 18

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Didier Guillaume

Groupe LaREM (22)

Pour : 22

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 10

Abstention : 1 - M. Alain Fouché

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 1 - M. Philippe Adnot

Abstentions : 3

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Christine Herzog

Scrutin n°4 sur l'ensemble du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions (procédure accélérée)

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :320

Pour :303

Contre :17

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 145

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (74)

Pour : 74

Groupe UC (51)

Pour : 48

Abstentions : 2 - Mme Sophie Joissains, M. Jean-Marie Mizzon

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet

Groupe RDSE (23)

Pour : 1 - M. Raymond Vall

Abstentions : 21

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Didier Guillaume, membre du Gouvernement

Groupe LaREM (22)

Pour : 22

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 11

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 2 - M. Philippe Adnot, Mme Christine Herzog

Contre : 1 - M. Jean Louis Masson

Abstentions : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Scrutin n°5 sur l'ensemble de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :316

Pour :308

Contre :8

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 130

Contre : 8 - M. Bernard Bonne, Mme Laure Darcos, MM. Jacques Genest, Jean-Raymond Hugonet, Guy-Dominique Kennel, Daniel Laurent, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Isabelle Raimond-Pavero

Abstentions : 7 - M. Jean-Marc Boyer, Mme Élisabeth Lamure, MM. Dominique de Legge, Henri Leroy, Stéphane Piednoir, Ladislas Poniatowski, René-Paul Savary

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (74)

Pour : 73

N'a pas pris part au vote : 1 - M. David Assouline, Président de séance

Groupe UC (51)

Pour : 51

Groupe RDSE (23)

Pour : 19

Abstentions : 3 - MM. Ronan Dantec, Éric Gold, Joël Labbé

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Didier Guillaume, membre du Gouvernement

Groupe LaREM (22)

Pour : 22

Groupe CRCE (16)

Abstentions : 16

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 11

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 2

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier