Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Habitat insalubre à Marseille

Mme Samia Ghali .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Fabien, Niasse, Simona, Cherif, Julien, Ouloume, Taher, Marie-Emmanuelle ont perdu la vie à Marseille, victimes de l'habitat indigne.

Plus de 400 personnes sont dans le désarroi. Vous avez constaté la catastrophe qui s'est abattue sur le centre de notre ville. Une enquête du procureur de la République déterminera les responsabilités. Mais les Marseillais ont besoin de réponses rapides et de l'aide du Gouvernement.

Des quartiers sont victimes de non-assistance à personnes en danger ! Je vous demande de décréter un état d'urgence sanitaire et social en créant une opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (Orcod-in) et une opération d'intérêt national sur le périmètre du grand centre-ville - pour y renforcer les moyens d'intervention et poser les bases pragmatiques et efficaces d'une reconstruction, à la hauteur de ce que mérite la deuxième ville de France. (Applaudissements à gauche)

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Je m'associe à votre émotion face à ce drame, et veux dire notre reconnaissance et notre soutien aux forces de secours. Une enquête judiciaire ayant été ouverte, vous l'avez dit, le Gouvernement n'a pas à se prononcer sur les circonstances. Une expertise et une sécurisation des immeubles ont été lancées dans le périmètre des immeubles détruits. Les personnes ont été relogées. Un audit de sécurité immeuble par immeuble doit être mené sur un périmètre plus large. Des mesures fortes restent à prendre. Vous avez évoqué une opération d'intérêt national. Julien Denormandie et Jacqueline Gourault s'en entretiennent en ce moment avec M. Gaudin, en examinant les outils les plus appropriés pour intervenir.

Le problème des copropriétés dégradées ne concerne pas que Marseille, et fait écho aux propos du ministre Denormandie - quelque trois milliards d'euros sont mobilisés. La loi ELAN a fourni de nouveaux outils de lutte contre les marchands de sommeil, en particulier les délais d'intervention ont été réduits.

Mme Samia Ghali.  - Je comprends de votre réponse que l'opération d'intérêt national verra le jour. Mais nombre de Marseillais n'ont pas encore été relogés ! On ne vous le dit peut-être pas, mais c'est bien la réalité que nous vivons à Marseille : il faut en tenir compte ! (Applaudissements à gauche)

Gouvernance de l'internet et cybersécurité

Mme Colette Mélot .  - Madame la ministre Loiseau, le forum de la gouvernance de l'internet se déroule à l'Unesco. Le président de la République y a lancé hier l'Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace ; l'objectif est qu'internet devienne un espace de paix. Pour l'instant, c'est un Far West où des hackers russes s'attaquent à notre démocratie, où les hackers chinois s'attaquent à nos entreprises, où des États s'affrontent dans le silence et l'anonymat des programmes informatiques - et où le droit international ne s'applique pas. Le terrorisme et la haine y trouvent un terrain propice.

Ces dernières années, la Chine a construit sa cyber grande muraille et partout le cyberespace se balkanise. L'Europe propose une autre voie, d'un cyberespace de liberté et d'échange, où la vie privée des citoyens est la priorité, c'est l'objet du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Comment renforcer les normes internationales du cyberespace sans la Chine, sans la Russie, sans l'Inde, sans les États-Unis qui n'ont pas signé l'appel de Paris ? Comment la France et l'Europe peuvent-elles dépasser les incantations pour défendre un modèle numérique ouvert et protecteur des citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La France accueille pour la première fois le forum de la gouvernance de l'internet, il réunit 4 000 personnes. Internet est devenu indispensable à notre développement, mais comporte aussi des risques majeurs et des menaces pour nos démocraties, dès lors que des puissances mal intentionnées s'en emparent.

Nous refusons l'opposition binaire entre l'autogestion et le contrôle autoritaire par l'État. Notre priorité, c'est que les utilisateurs d'internet puissent s'en servir avec confiance.

Le cyberespace doit être sécurisé. Nous travaillons notamment sur la protection des connexions et le retrait des contenus liés au terrorisme, par les plateformes, en moins d'une heure.

Nous souhaitons établir un cadre européen pour contrôler la gouvernance de l'internet. Il ne se suffit pas à lui-même, d'où l'Appel de Paris qui condamne les malveillances et qui a été soutenu par 370 entités et 50 États - dont la totalité de ceux de l'Union européenne. Nous allons poursuivre dans cette voie, pour un cyberespace où le droit international s'applique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Menace terroriste

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a trois ans, les attentats du 13 novembre faisaient plus de 130 morts et 400 blessés. Nous pensons aux victimes de Paris, Nice, Toulouse, Trèbes, Saint-Étienne-du-Rouvray ou Carcassonne. Nous rendons hommage aux familles toujours dans la douleur, aux gendarmes, aux policiers et aux secours qui ont vécu l'horreur de ces crimes.

La guerre contre la barbarie et le terrorisme islamiste n'est pas finie. Les 55 projets d'attentats déjoués depuis 2013, dont six cette année, en sont la preuve.

Comment lutter contre ce fléau si le ministre de l'intérieur refuse de désigner les racines de la menace : l'islamisme radical et le communautarisme qui sont ce nouvel antisémitisme dont votre Gouvernement refuse de parler ? Nous devons réarmer moralement le pays et le reconquérir au nom de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; exclamations à gauche)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Ce matin, en Seine-Saint-Denis, nous avons rendu hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. L'émotion était forte pour les victimes et leurs familles qui revivent tous les jours l'attaque. Elle était très vive aussi pour les forces de secours et de sécurité. Je rends hommage à tous ceux qui ont fait de leur mieux ce jour-là.

Nous ne nommerions pas la menace ? Ce débat est clos et révolu. Notre ennemi est connu, c'est le terrorisme islamiste - ce Gouvernement, comme les précédents, l'ont désigné. Contre ces terroristes, il faut faire prévaloir ce que nous sommes, d'abord parce que les terroristes qui ont attaqué notre territoire voulaient s'en prendre à notre liberté, à notre sens de la fête, à notre capacité à débattre. En un mot : à la République française. C'est tout cela que nous devons défendre - et nous le faisons le mieux en étant nous-mêmes, en assumant ce que nous sommes et en dotant nos forces de sécurités des moyens propres à ce qu'elles assurent la sécurité des Français.

La menace terroriste n'a pas disparu. Nous en sommes tous parfaitement conscients. C'est pourquoi nous réarmons nos forces de sécurité et en augmentons les effectifs et les moyens - parce qu'elles ont pu manquer de moyens dans les dernières années.

Ce combat n'est pas simplement sécuritaire. Il est aussi culturel et social ; il est républicain. Nous regardons la réalité en face sur le terrain. Sans pouvoir garantir le risque zéro, nous voulons garantir à nos concitoyens le plus haut niveau de sécurité possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe RDSE)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Vous ne seriez plus dans le déni, c'est une bonne chose, ce n'était pas le cas jusqu'à présent ! (Exclamations à gauche) Le déni n'est pas une solution. Ne pas désigner l'islamisme radical contribue à faire perdurer la situation ! Jusqu'alors, le silence a empêché la France de lutter efficacement contre ce fléau. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

LGV Lyon-Turin

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Madame la ministre des transports, plusieurs signaux récents venus d'Italie sont inquiétants pour la LGV Lyon-Turin. Or ce projet est vital, économiquement, mais aussi sur le plan écologique. On ne peut pas taxer les poids lourds et ne pas construire la LGV Lyon-Turin. Votre homologue italien, que vous venez de rencontrer, fait face à une menace de blocage du chantier de la part du Mouvement 5 étoiles et veut relancer une nouvelle analyse coûts-avantages.

La France doit être ferme et rester la garante de la dynamique de ce chantier. Madame la ministre, quel calendrier défendez-vous ? Voulez-vous différer les appels d'offres ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Cette ligne a fait l'objet d'un traité franco-italien ratifié en février 2017. Le président de la République a confirmé cet engagement au sommet franco-italien de septembre 2017. Je me suis entretenue avec mon homologue italien hier ; le gouvernement italien souhaite en effet analyser les coûts-avantages du projet pour l'accorder aux engagements de la coalition ; j'ai indiqué que la cohérence du projet devait être préservée et rappelé que l'Union européenne s'était engagée à financer la moitié de celui sur lequel nous travaillons.

Nous avons inscrit dans la programmation des investissements pour les projets annexes, qui concernent aussi les transports du quotidien et le report modal dans les Alpes.

Mme Cécile Cukierman.  - Et toutes les gares qui ferment dans les Alpes ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nos engagements seront développés dans la loi d'orientation sur les mobilités (LOM), combinant transports du quotidien et nouvelle LGV. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Loïc Hervé.  - Pour préserver les Alpes et leurs habitants, il faut respecter le planning annoncé. L'enjeu est aussi important que celui du tunnel sous la Manche. Songez qu'on annonce le début des travaux d'automatisation dans la vallée de l'Arve pour 2028 seulement : on marche sur la tête ! J'espère que nous verrons le bout du tunnel. (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Territoires du Nord

M. Frédéric Marchand .  - Monsieur le Premier ministre, merci pour l'attention particulière réservée à notre territoire avec la visite du président de la République (Les groupes SOCR, CRCE et Les Républicains redoublent d'ironie.) : c'est la première fois depuis 1959 que le président de la République se rend à Maubeuge - et vous-mêmes serez à Dunkerque la semaine prochaine (Mêmes mouvements).

Signature de contrats, création d'emplois avec un soutien de 450 millions d'euros dans l'automobile (On crie « Olé » sur les bancs et les protestations des sénateurs couvrent la voix de l'orateur.), contrats de transition écologique, engagement aux côtés des salariés et du secteur maritime, pour le port de Dunkerque en particulier (Mêmes mouvements)...

Les engagements financiers seront-ils suivis d'effets ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; protestations sur de nombreux bancs)

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Oui les engagements seront tenus. (On s'exclame de satisfaction sur les bancs.) Les projets sont portés depuis longtemps par des politiques venus de tous bords - Xavier Bertrand ou bien le sénateur Daubresse, pour ne citer que deux exemples (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) M. Darmanin les avait relayés. Le contrat de transition écologique est le deuxième signé dans la région, après celui d'Arras. Les montants engagés sont importants. Le Gouvernement doit s'engager pour les territoires, y compris ceux qui sont généralement oubliés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Bilan du déploiement du plan numérique

M. Jean-Yves Roux .  - Je m'associe à l'hommage rendu par mes collègues aux victimes des attentats du 13 novembre 2015.

L'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) vient d'être créée, il y a quelques jours sur ces bancs, à l'initiative du groupe RDSE. Nous plaidons pour l'intégration rapide en son sein de l'Agence du numérique.

Sans accès égal au numérique, l'égalité territoriale n'existe pas. Comme le disait Léon Gambetta, ce qui constitue la démocratie, ce n'est pas de reconnaître des égaux mais d'en faire. Le 14 décembre 2017 à Cahors, le Premier ministre a dit garantir l'accès au haut débit à tous. L'accord du 14 janvier 2018 avec les quatre opérateurs prévoyait une couverture mobile totale en 2020, avec des engagements contraignants pour la construction de 5 000 sites et le déploiement de la 4G en trois ans. Enfin, dès demain, les lignes de téléphonie fixes ne seront plus commercialisées : les 9 millions d'utilisateurs actuels devront, d'ici quatre ans, disposer d'un accès internet.

Où en est le Gouvernement de l'identification des sites prioritaires ? Comment compte-t-il accompagner les plus fragiles dans le glissement de la téléphonie traditionnelle vers le numérique ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Nos objectifs sont d'une couverture complète par le haut débit en 2020 et par le très haut débit en 2022. Pas moins de 2 500 pylônes de 4 G ont été installés en juillet dernier. Quelque 700 à 900 nouveaux sites seront désignés l'an prochain. Les mesures seront contraignantes pour les opérateurs. Les 3,3 milliards d'euros du plan Très Haut Débit sont sécurisés. Les services de fixe seront arrêtés par étape. Il n'est pas question de démanteler les réseaux de cuivre tant que le THD n'est pas stabilisé. (M. François Patriat applaudit.)

Nouvelle offensive dans la bande de Gaza

Mme Christine Prunaud .  - Depuis nos dernières interventions sur Gaza, le conflit israélo-palestinien s'aggrave. L'engrenage de violence a redoublé depuis l'infiltration, ce dimanche, des forces spéciales de l'armée israélienne dans la bande de Gaza, qui a mobilisé des chars. Ce ne sont plus des représailles mais une guerre, dont les civils sont les premières victimes. La situation serait tout autre si la reconnaissance portée avec succès au Sénat par notre proposition de résolution adoptée en 2014 avait été suivie d'effets ; nous serions alors face à un conflit entre deux États et la réponse de notre pays serait différente.

Hélas, dans ce conflit intolérable, les Israéliens poursuivent un unique objectif : une terre sans Palestiniens. Que compte faire le Gouvernement pour imposer une trêve, abroger le blocus de Gaza et reconnaître enfin l'État palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La situation est très préoccupante en effet, c'est la plus grave depuis l'été 2014. La peur des citoyens israéliens menacés par les 400 roquettes tirées depuis la bande de Gaza par le Hamas ces derniers jours, dont 70 ce matin même, doit cesser. Mais le niveau de violence de l'armée israélienne est tout aussi disproportionné et doit également cesser, quel que soit notre attachement à la sécurité d'Israël. Il y a eu pas moins de 170 morts et des milliers de blessés.

Gaza souffre d'une crise humanitaire en raison du blocus qu'il faut lever, et la crise est aggravée par le retrait des États-Unis de l'agence qui vient en aide aux Gazaouis - la France renforcera sa contribution de 2 millions cette année et 20 millions l'an prochain.

La solution est connue : oeuvrer pour une solution à deux États vivant dans la paix et la sécurité au sein de frontières sures et reconnues avec Jérusalem pour capitale. C'est l'objectif que nous poursuivons, en amis d'Israël et des Palestiniens. (Applaudissements sur de nombreux bancs, depuis ceux du groupe LaREM jusqu'à ceux du groupe Les Républicains)

Mme Christine Prunaud.  - Nous sommes en partie d'accord. Le président de la République avait dit attendre le moment propice pour reconnaître l'État palestinien. Nous pensons qu'il est arrivé. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)

Suicides dans la police

M. François Grosdidier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) J'ai le coeur gros comme tous les policiers qui pleurent Maggy Biskupski, présidente de la Mobilisation des policiers en colère, qui s'est suicidée hier, quelques jours après le suicide d'un gendarme chez vous, monsieur le Premier ministre, à Matignon, et d'un autre policier de la PAF.

Malgré toutes les mesures de prévention des risques psychosociaux, ça n'arrête pas ! Notre commission d'enquête a décrit les raisons, anciennes ou récentes, de cette détresse. Vous avez refusé de nous donner acte de nos 36 propositions, concrètes et réalistes, le 5 juillet dernier.

Policiers et gendarmes s'interrogent sur le sens de leur mission. Maggy était venue au Sénat le 5 juillet dernier avec son collègue Lebeau. Nous avions écouté avec gravité ses propos sincères, courageux, lucides et admiré son sens du devoir, intact. Vous ne l'avez pas écoutée mais faites entendre par l'IGPN. Allez-vous, enfin, fût-ce à titre posthume, entendre son cri de détresse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains où l'on fait remarquer que la question s'adressait à M. le Premier ministre.) Je vous invite, avant de les commenter, à attendre les résultats de l'enquête pour connaître les raisons de cet événement tragique (Murmures à droite), la mort d'une femme, d'une femme gardien de la paix, d'une femme engagée pour défendre la cause des policiers.

Même si le nombre de suicides baisse (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), le mal-être des policiers est une réalité. Nous la connaissons. Maggy a su l'incarner. Je l'ai constaté récemment, en me rendant avec Laurent Nunez à Viry-Châtillon, là où des véhicules de police ont été attaqués avec des cocktails Molotov par une quinzaine de jeunes qui souhaitaient les brûler, et brûler vifs les policiers qui étaient à l'intérieur, là même d'où est parti le cri de colère qu'elle incarnait. J'ai constaté qu'il s'agissait d'un acte de guerre. Aujourd'hui, treize de ces jeunes responsables présumés sont en prison. J'ai aussi rencontré ces élus, de couleurs politiques différentes, qui oeuvrent à défendre la République, à reconquérir ce quartier, où M. Cazeneuve avait immédiatement dépêché à l'époque une centaine de policiers supplémentaires et où les moyens ont été considérablement renforcés depuis deux ans.

Il faut en effet continuer à renforcer les moyens financiers mais aussi d'équipements. C'est ce que nous faisons, avec un niveau en véhicules jamais vu. Le renforcement de la procédure pénale est une autre voie, proposée par la garde des Sceaux pour éviter que les policiers passent trop de temps à des procédures administratives...

M. François-Noël Buffet.  - N'importe quoi !

M. Christophe Castaner, ministre.  - ... parce que c'est leur demande. J'ai vu aussi vos choix politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Habitat insalubre

M. Michel Amiel .  - Je m'associe au deuil des familles marseillaises des victimes de l'effondrement des immeubles. Je partage leur peine et comprends leur colère.

Il n'est pas question de polémiquer ni d'accabler quiconque.

Les maires sont confrontés à des délais trop longs pour agir contre la détérioration des immeubles. Le relogement en urgence des locataires est souvent difficile. Le paiement des travaux à la place des propriétaires marchands de sommeil n'est pas aisé non plus.

De quelles solutions le maire dispose-t-il dans l'urgence, sans pour autant s'exonérer de mener une politique volontariste contre l'habitat insalubre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Les habitats insalubres et dégradés sont l'affaire des propriétaires et des habitants mais aussi des pouvoirs publics.

Des financements sont prévus, notamment via l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour soutenir les collectivités territoriales qui effectuent les travaux, même après le recouvrement des frais auprès des propriétaires.

Lorsque les communes sont confrontées à des situations plus difficiles, d'autres acteurs peuvent intervenir. Pour ce qui est de l'hébergement d'urgence, les collectivités territoriales peuvent avoir recours au Fonds d'appui au relogement d'urgence (FARU). La loi ELAN fournit de nouvelles solutions aux collectivités territoriales pour qu'elles dépistent mieux les situations à risque.

Il faut aussi travailler à des mesures de simplification des délais pour permettre aux maires qui le souhaitent d'aller vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Michel Amiel.  - La reconquête des quartiers consiste aussi à faire reculer la pauvreté, là où il n'existe même plus l'espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Hausse du prix du carburant

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, rappelez-vous la fameuse discussion de Colbert et Mazarin : le premier demandait au second « comment on s'y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu'au cou » (Marques d'amusement sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), « quand on a créé tous les impôts imaginables » et qu'on ne peut « taxer les pauvres plus qu'ils ne le sont déjà ». Et Mazarin de rétorquer que l'on ne peut plus non plus taxer les riches, sinon « ils ne dépenseraient plus » (Sourires et murmures sur divers bancs), et d'ajouter : « Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres, ni riches... Des Français qui travaillent, rêvant d'être riches et redoutant d'être pauvres ! C'est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser... c'est un réservoir inépuisable. » (Exclamations et rires sur de nombreux bancs)

Le réservoir n'est-il pas épuisé, monsieur le Premier ministre ? (Bravos et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains, où l'on fait observer que la question s'adressait à M. le Premier ministre) Nous ne sommes plus tout à fait à l'époque de Colbert et Mazarin...

M. Jacques Grosperrin.  - Mais à celle du Roi-Soleil ! (Rires à droite)

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Moins taxer le travail, moins l'emploi, moins les entreprises, davantage le carbone : voilà ce que nous avions annoncé. (Protestations à droite et sur divers autres bancs, à gauche) Et nous avons pris des mesures pour accompagner ces changements : 250 000 Français ont pu changer de voiture grâce à la prime à la casse, un million de Français ont pu faire des travaux de maîtrise d'énergie et 3,6 millions d'entre eux ont bénéficié du chèque énergie.

Hier, au lycée Clemenceau, à Nantes, j'ai cité sa définition du courage. (Exclamations à droite) Oui, le courage, pour lui, « c'est d'aller tout droit devant soi, on doit en souffrir, on sera méprisé, détesté, on recevra de la boue, on n'aura pas d'applaudissements, mais il faut savoir choisir entre les applaudissements d'aujourd'hui qui sont d'un certain prix, et ceux qu'on se donne à soi-même, quand avant d'entrer dans le néant, on peut se dire : j'ai donné à mon pays ce que je pouvais » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Laurent Duplomb.  - N'entendez-vous donc pas le ras-le-bol des Français, qui paient plus pour le gaz, le carburant, la CSG, et j'en passe ? Le Gouvernement, dans le même temps, incapable de maîtriser la dette galopante, de réduire le déficit, ne se prive pas pour autant de donner des leçons à tout le monde, en particulier à ceux « qui roulent en diesel et fument des clopes ». Attention, monsieur le Premier ministre, à ne pas répéter l'erreur de Marie-Antoinette qui conseillait de manger de la brioche à ceux qui n'avaient pas de pain ! (On rit et l'on applaudit vivement sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Grève des enseignants

M. Jacques-Bernard Magner .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ma question s'adressait au ministre de l'Éducation et de la Jeunesse qui est absent.

Pour la première fois, hier, depuis bien longtemps, tous les syndicats d'enseignants ont appelé à une grève unitaire, qui traduit leur malaise devant vos projets de suppressions de postes pour 2019.

Alors que les effectifs vont continuer à augmenter au collège et au lycée de 30 000 élèves pour cette rentrée et de 40 000 pour chacune des deux rentrées suivantes, vous supprimez 2 650 postes d'enseignants dans l'enseignement secondaire public, 550 dans l'enseignement secondaire privé, 400 emplois administratifs et techniques, et 50 emplois dans l'enseignement technique agricole. Et cela dans un contexte de réforme. Sans compter la diminution des moyens dédiés à la formation des enseignants.

La prime de 2 000 euros en REP+ résulte de l'application mécanique du protocole Parcours professionnel, carrières et rémunérations, négocié, conclu par le précédent gouvernement.

En primaire, les postes créés en 2019 n'assureront même pas la moitié des dédoublements de classes de CP et CE1 en REP+ non encore effectués. Près de 4 000 postes seraient nécessaires : vous n'en créez que 800.

Vos orientations budgétaires sont contradictoires avec les réformes engagées. Quand donnerez-vous enfin à l'école de la République les moyens dont elle a besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Blanquer, qui défend en ce moment même son projet de budget à l'Assemblée nationale.

Pas moins de 850 millions d'euros supplémentaires sont prévus dans le budget de 2019 pour renforcer l'enseignement. Les faits sont là : avec 60 000 élèves de moins depuis deux ans, nous avons créé 10 200 postes alors que nous avions fermé 3 000 classes si nous avions raisonné arithmétiquement ! L'investissement est bien au rendez-vous et la baisse démographique n'entame pas le taux d'encadrement des élèves. Ce budget va dans le bon sens. Bien sûr, nous écoutons les grévistes, puisqu'il y a eu un mouvement social...

M. Martial Bourquin.  - Énorme ! (On renchérit sur plusieurs bancs du groupe SOCR.)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - On dénombre 10 % de grévistes...

M. Martial Bourquin.  - Pas du tout ! Ce sont au moins 50 % de grévistes !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - Sachez tenir compte des 90 % de non-grévistes. (Protestations sur les bancs du groupe SOCR) Et comparez avec le mouvement social déclenché par la réforme d'il y a quelques années ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SOCR)

L'important, c'est que les élèves sachent lire, écrire, compter et respecter autrui à leur entrée en sixième. Car, en mettant ainsi l'accent sur le premier degré, l'on fait du bien au second degré et cela les professeurs s'en rendent compte et ce budget le permet. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe UC ; MM. Roger Karoutchi, Bruno Sido et Jean-Paul Émorine applaudissent également.)

Réforme de la taxe d'habitation

Mme Évelyne Perrot .  - À une semaine de l'ouverture du 101e Congrès des maires, ces derniers n'ont reçu aucune information sur le remplacement de la taxe d'habitation. Or le coût de sa suppression en 2020 atteindra 10 milliards d'euros pour les finances locales.

M. Philippe Dallier.  - Plus !

Mme Évelyne Perrot.  - Les maires auraient souhaité échanger directement avec le président de la République. Les élus locaux craignent pour leur autonomie fiscale, déjà fortement altérée.

Quelles mesures prendrez-vous dans la loi de finances rectificative promise pour la fin du mois de mars ? Certains maires ne savent pas comment la baisse de la taxe d'habitation sera compensée. Les élus ne peuvent plus assurer sereinement la gestion des affaires au niveau communal et intercommunal. Cette situation pénible ne peut plus durer. Quelle est la stratégie du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je veux rassurer les élus locaux. À court terme, la taxe d'habitation sera supprimée pour 80 % puis 100 % des ménages, conformément aux engagements du président de la République. Elle sera compensée par des dégrèvements, ce qui est le plus protecteur pour leurs ressources.

Nous travaillons sur la suppression de la taxe d'habitation uniquement sur les résidences principales en la maintenant pour les résidences secondaires, les logements vacants. Nous souhaitons affecter aux communes la taxe sur le foncier non bâti.

Une autre piste serait de compenser la taxe d'habitation par l'affectation d'une ressource dynamique qui pourrait être une fraction d'un impôt national, le Premier ministre ayant confirmé le 4 juillet dernier qu'il ne suivrait pas la piste des droits de mutation à titre onéreux.

Avec Sébastien Lecornu, Jacqueline Gourault et l'ensemble des élus, nous allons chercher ensemble la solution la plus juste et pérenne pour mettre en oeuvre l'engagement du président de la République pris l'an dernier devant le Congrès des maires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Évelyne Perrot.  - La taxe d'habitation était le principal levier des maires. Ils attendent que l'État rembourse à l'euro près le manque à gagner.

La séance est suspendue à 17 h 50.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 18 heures.