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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mission d'information (Nominations)

Quelle politique d'attractivité de la France à l'égard des étudiants internationaux ?

Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Mme Mireille Jouve

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Colette Mélot

M. Stéphane Piednoir

Mme Françoise Cartron

M. Pierre Ouzoulias

Mme Claudine Lepage

M. Claude Kern

M. Jacques Grosperrin

M. Jean-Yves Leconte

M. Pascal Allizard

M. David Assouline

M. Olivier Paccaud

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Serge Babary

Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain

Avis sur des nominations

Après un an d'application, bilan et évaluation de Parcoursup

M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Laurent Lafon

Mme Colette Mélot

M. Stéphane Piednoir

M. Antoine Karam

Mme Céline Brulin

Mme Maryvonne Blondin

Mme Françoise Laborde

M. Max Brisson

Mme Claudine Lepage

Mme Laure Darcos

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Solidarité intergénérationnelle

Mme Nadia Sollogoub, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective

M. Julien Bargeton, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

M. Jean-Pierre Moga

M. Daniel Chasseing

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Patricia Schillinger

Mme Laurence Cohen

Mme Nadine Grelet-Certenais

M. Stéphane Artano

Mme Nassimah Dindar

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Yannick Vaugrenard

Mme Corinne Imbert

Mme Monique Lubin

M. Jean-Marc Boyer

Mme Christine Bonfanti-Dossat

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Fabienne Keller, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective

Annexes

Ordre du jour du jeudi 17 janvier 2019

Composition d'une mission d'information




SÉANCE

du mercredi 16 janvier 2019

48e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Yves Daudigny.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mission d'information (Nominations)

M. le président.  - Tous mes voeux pour l'année 2019 !

L'ordre du jour appelle la nomination des vingt-sept membres de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation créée à l'initiative du groupe socialiste et républicain en application du droit de tirage prévu par l'article 6 bis du règlement.

En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, et de l'article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Quelle politique d'attractivité de la France à l'égard des étudiants internationaux ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème « Quelle politique d'attractivité de la France à l'égard des étudiants internationaux ? », à la demande du groupe SOCR.

Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain .  - À mon tour de vous souhaiter une excellente année.

Le titre II du livre premier du code de l'éducation est limpide : « le service public de l'enseignement supérieur veille à favoriser l'inclusion des individus sans distinction d'origine, de milieu social et de condition de santé », « contribue à l'attractivité et au rayonnement des territoires aux niveaux local, régional et national » et « assure l'accueil des étudiants étrangers, en lien avec le réseau des oeuvres universitaires et scolaires ». Or, il y a quelques semaines, a été annoncée une hausse des frais d'inscription pour les étudiants extracommunautaires. Cette mesure soudaine, pour ne pas dire brutale, consiste à multiplier par quinze les frais d'inscription sans qu'aucune étude d'impact n'ait été réalisée, sans qu'aucune concertation n'ait été menée avec la communauté universitaire, les syndicats étudiants et la représentation nationale. Présidents d'université et étudiants demandent un moratoire, un mouvement de désobéissance se dessine. D'où ce débat par lequel le groupe socialiste souhaite obtenir des réponses argumentées du Gouvernement.

Pourquoi cette hausse ? En quoi améliorera-t-elle l'attractivité de la France ? A priori, cela semble contre-intuitif quand la moitié des étudiants internationaux viennent du continent africain et 40 % disent consentir des sacrifices financiers pour étudier dans l'Hexagone. N'oublions pas cette réalité.

Selon le baromètre de Campus France de 2018, les principaux freins à des études en France sont le coût de la vie, les complexités administratives, notamment pour obtenir un visa et la difficulté d'accès à un premier emploi. La hausse des frais d'inscription renforcera la barrière économique. Si la France occupe la quatrième place pour l'accueil des étudiants étrangers dans le monde et la première hors des pays anglophones, avec 300 000 étudiants étrangers, c'est justement parce qu'elle constitue un contre-modèle au modèle anglo-saxon, abordable et de qualité.

Comment atteindre, dans ces conditions, l'objectif de 500 000 étudiants étrangers en France en 2027 ? L'effet d'éviction risque d'être massif ; les 30 000 bourses prévues, soit à peine 6 % du total, ne suffiront pas à le contrebalancer.

La qualité de la formation, premier facteur d'attractivité, nécessite des moyens importants. L'augmentation des frais d'inscription des étudiants extracommunautaires apportera des ressources propres aux établissements, encore faut-il qu'elle n'annonce pas un désengagement de l'État de l'enseignement supérieur.

La question de l'attractivité est intimement liée à celle de l'accueil. S'il est heureux que l'exécutif simplifie la politique de visas dans le cadre du plan « Bienvenue en France » quand les étudiants étrangers sont pris dans un maelstrom administratif en arrivant, qu'en est-il du logement ?

Enfin, l'attractivité d'un pays, c'est aussi une question d'image, d'âme. La nôtre sera écornée dans le monde francophone par cette décision : l'égalité républicaine, l'accès universel au savoir sont mis en cause.

La France doit rester elle-même ; il y va de son honneur, de sa singularité et de sa force d'attractivité. Les étudiants étrangers d'aujourd'hui sont nos ambassadeurs de demain, ne leur envoyons pas le message que notre pays est réservé à certains d'entre eux. J'espère que le Gouvernement reviendra sur ses décisions sans s'abriter derrière le paravent de l'autonomie des universités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - À mon tour de vous souhaiter une très belle année 2019. Le premier mérite de ce débat est de clarifier les choses, entre la réalité de la stratégie gouvernementale et certaines interprétations qui en sont faites.

La stratégie « Bienvenue en France » est une première ; aucun gouvernement n'avait fait jusqu'ici de l'accueil des étudiants étrangers une priorité. C'est que nous vivons une révolution silencieuse : la jeunesse du monde est de plus en plus nombreuse à accéder aux études supérieures et de plus en plus nombreuses à faire tout ou partie de ses études à l'étranger. Ils sont 5 millions dans le monde actuellement, ils seront 9 millions en 2025.

La France sera-t-elle au rendez-vous de cette explosion de la mobilité étudiante ? Les États-Unis ont choisi la fermeture, le Royaume-Uni traverse une profonde période d'incertitude ; la Chine, la Turquie, l'Arabie Saoudite, l'Iran développent une politique dynamique, voire agressive, d'accueil. Nous avons des atouts : notre culture, notre patrimoine, notre offre de formation. Nous avons aussi des faiblesses : nous accueillons souvent mal ces étudiants. En dépit des efforts qui ont été fournis, étudier en France est un parcours du combattant qui commence avec la demande de visa et se poursuit avec la recherche d'un logement, l'ouverture d'un compte en banque et l'inscription administrative. Les étudiants étrangers sont souvent livrés à eux-mêmes là où les étudiants français à l'étranger sont accompagnés de bout en bout.

L'enjeu est d'être à la hauteur des normes internationales de l'accueil. Nous voulons porter le nombre d'étudiants étrangers en France à 500 000 en 2027, loin des caricatures. Nous devons développer des formations en langue étrangère ; la francophonie est une chance mais cela n'exclut pas de développer, pour ceux qui ne connaissent pas notre langue, des formules d'apprentissage intensif au français et des formations en langue anglaise à chaque fois que cela a du sens.

Pour accueillir mieux et davantage d'étudiants étrangers, il faut des moyens. Cette année, 10 millions d'euros sont débloqués pour créer des guichets uniques qui soutiendront les étudiants étrangers dans leurs démarches administratives et leur recherche de logement et des formations en français langue étrangère. La labellisation « Bienvenue en France », qui sera ouverte dans les prochains jours, témoignera de l'engagement des établissements d'enseignement supérieur.

Cela étant, soyons clairs, si nous voulons un financement durable pour l'accueil des étudiants étrangers, nous n'avons pas d'autre choix que de mettre en place un véritable modèle redistributif avec des frais d'inscription différenciés qui s'accompagnera d'un triplement des bourses et des exonérations pour garantir qu'aucun étudiant qui souhaite choisir la France ne soit écarté pour des raisons financières. En vertu du principe d'autonomie des universités, de larges possibilités d'exonérations existent pour les étudiants internationaux accueillis dans le cadre de conventions entre établissements et dans celui d'Erasmus +. Près de 25 % des étudiants internationaux concernés par la différenciation des frais d'inscription bénéficieront d'exonérations. Reste qu'il revient à chaque établissement d'élaborer sa stratégie internationale et d'identifier ses besoins en bourses et en exonérations. Le débat sur les modalités de financement de la politique d'accueil ne doit pas nous faire oublier l'objectif : mieux accueillir. Il doit être l'occasion de répondre aux inquiétudes : sur l'accompagnement des étudiants étrangers déjà présents en France qui, il faut le répéter, ne seront pas concernés par la différenciation des frais d'inscription ; sur les doctorants étrangers qui, pour une grande partie d'entre eux, verront leurs frais d'inscription pris en charge comme nous l'avons souhaité.

Nous pouvons nous retrouver autour d'une même ambition : faire pleinement rayonner notre enseignement supérieur dans un monde où la mobilité des étudiants internationaux connaît une accélération sans précédent.

Mme Mireille Jouve .  - Le 19 novembre, le Premier ministre a annoncé l'augmentation des frais d'inscription des étudiants extracommunautaires à la rentrée prochaine afin de financer l'amélioration de leur accueil. La conférence des présidents d'université (CPU), dès le 13 décembre, a demandé la suspension de cette décision. Les facultés d'Aix-Marseille et Clermont-Ferrand ont annoncé qu'elles n'appliqueraient pas la mesure.

Madame la ministre, vous lancez une concertation en indiquant qu'elle n'a vocation à mettre en cause ni le principe de la majoration ni son calendrier. La CPU demande une discussion au cadre élargi. Y êtes-vous prête ? (M. Jean-Yves Leconte applaudit.)

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le Premier ministre a annoncé dès le départ une concertation mais non pour revenir sur une décision arbitrée en interministériel puisque les ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de l'Enseignement supérieur sont concernés. Les universités sont des opérateurs de l'État ; en tant que tels, il est normal qu'elles soient consultées sur les modalités d'application d'une décision du Gouvernement. Je leur ai demandé de faire des propositions pour accueillir plus d'étudiants internationaux. Certaines demandent déjà 15 000 euros à des étudiants internationaux pour des diplômes d'établissement sans que cela choque personne... Cela représente 50 millions d'euros de ressources propres pour les universités. Nous voulons, avec la mise en place de ce système redistributif, que tous les étudiants internationaux soient bien accueillis, et pas seulement ceux qui ont les moyens de régler 15 000 euros.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Les étudiants internationaux représentent une chance pour la France, ils rapportent plus à notre économie qu'ils nous coûtent. Demain, ils seront de précieux ambassadeurs de notre pays, de notre langue, de notre culture et de nos valeurs. Le Brexit et la politique de Donald Trump sont autant d'occasions de faire valoir la destination France.

Madame la ministre, je comprends votre démarche. Pour renforcer l'attractivité de la France, le Sénat a soutenu la création de champions de l'enseignement supérieur : les PRES de Valérie Pécresse puis les communautés d'universités et établissements, les ComUE, de Geneviève Fioraso. Comment ces efforts se traduisent-ils dans les classements internationaux, notamment celui de Shanghai ? Les grandes écoles, qui bénéficiaient d'une belle réputation à l'étranger, n'y ont-elles pas perdu un peu de leur âme ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Selon les sites, l'attractivité internationale a été confiée aux ComUE ou est restée au sein des établissements. Dans tous les cas, les ComUE ont bénéficié de la présence des écoles, comme membres associés, qui ont une politique d'accueil plus ancienne et développée. Les ComUE peuvent également afficher des formations comprehensive, multidisciplinaires, qui correspondent aux demandes des étudiants étrangers.

Malheureusement, la plupart des classements ne considèrent pas les ComUE comme des établissements d'enseignement supérieur et de recherche en tant que tels. Nous faisons en sorte que cela devienne le cas.

Mme Colette Mélot .  - La France, quatrième pays d'accueil des étudiants étrangers, accuse un décrochage depuis 2011, malgré des coûts de scolarité demeurés bas. Nous devons mener une stratégie plus offensive.

Dans le contexte actuel, il est inconcevable de demander au contribuable français de financer la formation des étudiants extracommunautaires. Nous sommes favorables à une modulation de leurs frais d'inscription pour se rapprocher du coût réel des formations. Cela est possible à trois conditions : augmenter le nombre de bourses au mérite, notamment pour les étudiants venant de pays francophones ; investir dans la qualité de l'offre et écarter de la mesure les étudiants qui ont obtenu un bac français et les doctorants. Plus de 40 % de nos doctorants sont des étudiants étrangers, ne nous privons pas de ces talents.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Une fois de plus, les établissements, qui auront la main sur la politique d'exonération et de modulation des frais de scolarité, pourront parfaitement tenir compte du mérite des étudiants.

Les droits d'inscription des doctorants internationaux seront conçus pour ne pas décourager leur venue, en particulier pour ceux bénéficiant de contrats doctoraux gouvernementaux, de financements ANR ou européens.

Reste qu'il revient aux établissements de définir leur politique d'accueil et leurs priorités de recrutement. Au niveau national, la seule distinction que nous puissions opérer est entre étudiants extracommunautaires et communautaires.

M. Stéphane Piednoir .  - La hausse des frais d'inscription, qui n'est pas la seule du plan « Bienvenue en France », suscite beaucoup d'émotion. Je partage le souhait de renforcer l'attractivité de la France mais je m'interroge sur la méthode de calcul qui a conduit à une multiplication par seize de ces frais. Pour être acceptée, la hausse des droits d'inscription doit être comprise et expliquée et, dans l'idéal, y compris à la Représentation nationale...

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le calcul n'a rien de compliqué : chaque année, l'investissement moyen par étudiant est calculé par l'OCDE et par l'État. Nous avons choisi de demander aux étudiants extracommunautaires de financer un tiers de cet investissement.

Pour eux, nous simplifions l'obtention d'un visa ; nous développons l'enseignement du français langue étrangère et les formations en anglais ainsi que les activités culturelles et sportives ; enfin, nous prévoyons la transformation automatique du visa de master et doctorat en visa de travail.

L'État continue de porter deux tiers de l'investissement.

M. Stéphane Piednoir.  - Vous l'aurez compris, ma question ne portait pas sur le fond de la mesure mais sur la méthode. La CPU se plaint aussi du manque de concertation, un comble à l'heure du grand débat.

Mme Françoise Cartron .  - L'accueil des étudiants étrangers, c'est aussi l'accueil des étudiants européens. Les jeunes apprentis du lycée Gustave Eiffel de Bordeaux, que j'ai rencontrés récemment, étaient enthousiasmés par leur expérience Erasmus +. Que du positif ! À quelques mois des élections européennes, quelle place la France entend-elle occuper au sein de ce réseau qui regroupe 33 pays ? Notre pays est le premier à envoyer des jeunes à l'étranger, mais il n'est que le troisième pays d'accueil derrière l'Espagne et l'Allemagne. Comment améliorer l'attractivité de la France dans le cadre de ce programme ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - L'amélioration de l'accueil concerne effectivement les étudiants extracommunautaires comme communautaires. Plus de 40 % des étudiants étrangers estiment que les démarches administratives sont un frein aux études en France ; 50 % d'entre eux citent aussi la difficulté à trouver un logement. La maîtrise de la langue constitue également une difficulté ; dans d'autres pays, davantage de formations sont proposées en anglais, ce qui facilite l'arrivée des étudiants internationaux. J'ajoute que la France a, pendant longtemps, organisé sa formation en semestres de façon rigide ; il était compliqué de s'y insérer. Aujourd'hui, les étudiants peuvent suivre des modules d'enseignement à la carte. Cela renforcera notre attractivité dans le cadre du programme Erasmus +.

M. Pierre Ouzoulias .  - Madame la ministre, votre définition de la concertation est sidérante : vous prenez une mesure, nous discutons ensuite. Nous l'avions déjà constaté pour Parcoursup.

Les universités seront soumises à un barème national, elles ne pourront renoncer à percevoir ces droits que dans la limite de 10 % des étudiants, à l'exclusion des boursiers et des étudiants accueillis dans le cadre des conventions bilatérales. Or le Gouvernement a, pour des raisons budgétaires évidentes, intérêt à limiter au maximum les exonérations. Les universités qui ne voudront pas appliquer votre politique seront-elles obligées de s'y plier ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Certains pays ont fait le choix de différencier les droits en fonction des disciplines, ce n'est pas le nôtre. Nous voulons un système redistributif.

L'attractivité de nos établissements doit avant tout reposer sur la qualité de leur formation, le taux d'insertion professionnelle de leurs diplômes. Tout cela est vrai mais les difficultés que les étudiants étrangers rencontrent à leur arrivée en France découragent. La caution Visale étendue à tous les étudiants extracommunautaires est un élément de réponse.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci pour la clarté de votre réponse ! J'ai bien compris : le Gouvernement a pris l'engagement ferme d'accorder aux universités toutes les exonérations qu'elles souhaitent.

Mme Claudine Lepage .  - L'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers fait l'unanimité contre elle. Nombre d'universités, Rennes 2 est la dernière en date, ont annoncé qu'elles ne l'appliqueraient pas. J'ai entendu l'argument du coût comme gage de qualité, notamment auprès des étudiants chinois et indiens mais aucune étude ne montre que la hausse attirera des étudiants qui privilégient les universités anglo-saxonnes. En revanche, les étudiants plus modestes, notamment issus d'Afrique francophone pour lesquels les universités françaises constituent le premier choix, se sentent trahis. Omar, étudiant guinéen, affirme : « les choses sont claires maintenant, ils ne veulent pas de nous ». Que lui répondez-vous ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Les universités, opérateurs de l'État, doivent porter les politiques publiques décidées par l'État. Comme tous les fonctionnaires, les professeurs, les maîtres de conférences et le personnel administratif et technique ont un devoir d'obéissance et de loyauté, sauf délit qu'il conviendrait alors de dénoncer.

Les étudiants francophones, en réalité, se répartissent dans l'ensemble des pays francophones, y compris en Belgique où les frais s'élèvent à 4 000 euros et au Québec où ils sont encore plus élevés ; certains d'entre eux choisissent même d'étudier dans des pays anglophones. La France ne représente pas toujours leur premier choix. Le coeur du sujet, c'est l'accueil et celui que nous offrons aux étudiants étrangers n'est pas digne de notre pays.

M. Claude Kern .  - L'éviction des étudiants africains est souvent dénoncée par les détracteurs de la hausse des frais d'inscription mais le montant des frais d'inscription en France n'est que le septième critère de choix de la destination. En outre, 40 % des étudiants africains choisissent déjà des destinations payantes, comme les États-Unis, l'Australie ou la Grande-Bretagne, car ce qu'ils cherchent est d'abord un diplôme de qualité reconnu dans le monde. Finalement, cette critique témoigne d'une conception paternaliste et dépassée du continent africain. Que fera le Gouvernement pour rassurer ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Il existe une tradition de coopération avec l'Afrique francophone mais aussi avec les Balkans et certains pays d'Asie. Nombre d'établissements français s'engagent dans des partenariats privilégiés, notamment avec le Maghreb. Tous sont maintenus, ils font l'objet de conventions. Le doublement des bourses confortera ces accords de coopération, notamment avec les pays africains.

Nous travaillons également, via l'Agence française de développement, à une politique de délocalisation des diplômes français pour que les pays puissent former, dans les domaines où ils en ont besoin, leurs jeunes qui n'ont pas forcément de quoi payer un billet d'avion et une chambre en résidence universitaire.

M. Jacques Grosperrin .  - Lors de l'examen de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, le Sénat avait adopté un amendement de notre collègue Paccaud augmentant les frais d'inscription des étudiants extracommunautaires. Le Gouvernement et sa majorité n'en voulaient pas, la CMP l'avait supprimé. Pourquoi accepter maintenant ce dont vous ne vouliez pas hier ?

Je m'étonne de la réaction de certains présidents d'université face à une nouvelle source de financement. J'espère que leur position n'est pas une posture politicienne.

Les frais d'inscription atteignent 24 000 euros aux États-Unis, 21 000 euros en Grande-Bretagne et 16 000 euros au Canada, contre 247 euros en France. Ce n'est même pas le prix d'un Smartphone ! En revanche, les étudiants étrangers se plaignent de la lourdeur des procédures administratives. Quel est votre plan pour un meilleur accueil ?

Le président de la République envisage de faciliter la délivrance de visas de longue durée. Ne faudrait-il pas plutôt être fermes sur ces visas et préférer multiplier les visas étudiants ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Lors de l'examen de la loi, j'avais rappelé que la mesure était réglementaire, et non législative.

Les établissements modulent déjà les droits d'inscription : entre 15 000 et 20 000 euros pour un diplôme d'établissement ; par définition, non national. L'objectif du plan « Bienvenue en France » est de généraliser les aides à l'accueil que reçoivent les étudiants qui sont capables de payer ces sommes.

M. Jean-Yves Leconte .  - Les 16 000 bacheliers étrangers formés chaque année par le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) seront-ils soumis à l'augmentation des frais de scolarité ? Quid des lycéens étrangers vivant en France ?

La politique des bourses menée dans certains pays peut sembler intéressante, mais nous attirons tout particulièrement des étudiants issus d'une zone qui, si elle a un potentiel de croissance très important, est sensible au coût des études. Le Gouvernement pourrait, au minimum, revenir pour les pays concernés au tarif pour les Français afin que ces étudiants ne subissent pas de discrimination.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Nous avons discuté de la question des élèves du réseau de l'AEFE avec le ministère des Affaires étrangères. Les lycées français sont déjà payants. Peut-être parmi leurs élèves y en a-t-il qui ne peuvent supporter des frais élevés mais les établissements peuvent prévoir des droits différenciés en fonction des revenus. C'est le cas à Sciences Po ou à Paris Dauphine. Les établissements doivent s'emparer de cette question.

De nombreux accords existent entre les lycées français à l'étranger, qui comptent souvent d'excellents élèves, et des établissements d'enseignement supérieur. Les universités pourraient passer de telles conventions dans le cadre de leur stratégie d'attractivité.

Les établissements devront réfléchir aux disciplines dans lesquelles ils souhaitent développer des relations internationales fortes, car celles-ci supposent un flux régulier d'étudiants et des échanges entre enseignants-chercheurs.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je regrette cette réponse. Il aurait été si simple de répondre que tous les bacheliers seront accueillis au tarif français ! Comment espérer tenir la promesse présidentielle de doubler le nombre d'élèves dans le réseau AEFE si ces élèves sont discriminés ?

Quid, madame la ministre, des jeunes étrangers qui vivent aujourd'hui en France ? Tous ceux qui vivent sur le territoire de la République doivent être traités pareillement !

Vous confondez attractivité et multiplication des frais de scolarité par quinze ! L'exemple suédois est pourtant édifiant...

En cinq ans, nous avons régressé et sommes désormais talonnés par l'Allemagne et la Russie. (Marques d'impatience sur les bancs du groupe Les Républicains, où l'on signale que l'orateur a dépassé son temps de parole.) Ne dites pas que les ressources progressent : elles stagnent ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Grosperrin.  - Et vous, avec François Hollande, qu'avez-vous fait ?

M. Pascal Allizard .  - La Chine développe une stratégie d'attractivité à l'égard des étudiants étrangers, notamment des pays placés sur la route de la soie et en Afrique, qui doit nous interpeller.

L'espace francophone africain est particulièrement ciblé. Au moment où la France peine à maintenir sa présence militaire et diplomatique et à attirer les élites francophones, la Chine devient la destination phare des étudiants africains : la croissance des inscriptions ne s'y dément pas. Et si l'enseignement du français en Chine progresse, c'est pour préparer les conditions d'une implication croissante sur le continent africain.

Comment comptez-vous attirer les meilleurs étudiants de ces pays ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Les droits différenciés n'ont pas de rapport avec la nationalité. Ils ne concernent bien évidemment pas les résidents en France ni les étudiants ayant débuté leur cursus.

Mes homologues de Côte d'Ivoire, du Sénégal ou de Tunisie souhaitent que les formations apportées à leurs jeunes puissent être utiles au développement de leur pays, en agriculture ou en agronomie notamment. Il s'agit pour nous de co-construire avec eux une vraie politique de développement, en ciblant les disciplines prioritaires.

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien !

M. Pascal Allizard.  - Lors d'un déplacement en Chine, j'ai constaté que les étudiants du département de français étaient présentés comme les futurs cadres expatriés en Afrique francophone. Déjà, ce sont les Chinois qui gèrent à Djibouti le centre culturel français... Ils se débrouillent sans nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Bravo !

M. David Assouline .  - Nous avons un dialogue de sourds. Le lien entre la hausse des frais d'inscription et l'amélioration des conditions d'accueil est-il démontré ?

Bien accueillir coûte cher, il faut organiser des cours de français, dites-vous. Vous allez donc faire payer aux étudiants africains ou maghrébins, déjà francophones, les cours destinés aux étudiants asiatiques... Quelle hypocrisie !

Dans un film ou un roman, l'histoire d'un jeune africain talentueux venu d'un village reculé qui s'accomplit grâce à ses études en France vous fait vibrer... Mais dans la réalité, vous faites tout pour que cela n'arrive jamais.

Un étudiant marocain, par exemple, doit déjà économiser deux années de salaire minimum pour obtenir son visa de longue durée, à quoi s'ajoute le coût de la vie... Et vous multipliez les frais par quinze ? Le résultat, c'est qu'il ira là où on lui déroulera le tapis rouge pour l'endoctriner comme dans les pays du Golfe ! Les valeurs françaises d'universalité interdisent une sélection par l'argent.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - D'ores et déjà, 25 % des étudiants extra-communautaires sont exonérés ; pour les étudiants originaires d'Afrique francophone, ce taux est bien supérieur. Tous ne sont pas dans l'incapacité de venir : la preuve, c'est que nous accueillons 24 000 étudiants marocains...

M. David Assouline.  - Ça, c'était avant !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - ...dont beaucoup dans des écoles dont les droits d'inscription sont particulièrement élevés -  je pense aux écoles de commerce. Les universités doivent pouvoir aussi accueillir dignement les étudiants internationaux et leur donner accès à d'autres disciplines. Cela suppose un système redistributif. (M. David Assouline s'exclame.)

M. Olivier Paccaud .  - La France se trouve au pied du podium convoité de l'attractivité universitaire. Mais la concurrence est féroce et je crains que vos mesures ne suffisent pas à rétablir notre attractivité malgré notre glorieux passé, des enseignants de qualité et une langue intercontinentale. La France doit valoriser son savoir-faire d'orfèvre du plus prestigieux des minerais : la matière grise.

Notre rayonnement passe aussi par la présence de nos établissements à l'étranger, comme la Sorbonne, Abu Dhabi ou Centrale Pékin. Le Gouvernement accompagne-t-il suffisamment la création de ces campus délocalisés ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - C'est une partie intégrante du plan d'attractivité. Nos écoles et nos universités opèrent aussi des campus à Singapour, en Russie, au Vietnam, aux États-Unis...

Nous avons ouvert un hub en Côte d'Ivoire regroupant une cinquantaine de formations ; le Sénégal et la Tunisie devraient suivre à la rentrée 2019. Au total, nous investissons 20 millions d'euros par an. Ces campus préparent les étudiants à la mobilité et apportent l'excellence de la formation française à ceux pour lesquels la mobilité n'est pas possible.

M. Olivier Paccaud.  - Outre le savoir-faire, il y a le faire-savoir. Vous devriez davantage communiquer sur ces initiatives.

M. Jean-Paul Émorine.  - Très bien.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Alors que le marché des jeunes étudiants à l'étranger pourrait doubler d'ici 2025 pour atteindre 9 millions, la France risque de décrocher. Le nombre d'étudiants étrangers accueillis y a baissé de 8,5 % entre 2011 et 2016 et nous ne sommes plus qu'au quatrième rang.

Plus que le nombre, l'enjeu est d'attirer les meilleurs étudiants. Hélas, la France est souvent un second choix. Je ne suis pas contre l'augmentation des frais de scolarité car le prix aussi véhicule une image de valeur. (Murmures ironiques à gauche) Encore doit-elle être compensée par une croissance des bourses. Or votre stratégie présente de ce point de vue trop de zones d'ombre. Quid du guichet unique, de la simplification des démarches, du financement du fonds d'amorçage « Bienvenue en France » ?

Enfin, si l'accueil des étudiants étrangers coûte chaque année 3 milliards d'euros, il en rapporte 4,65 milliards. L'enjeu est aussi économique !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - La politique d'exonération et d'attribution des bourses est essentielle. Dans la plupart des pays européens, les droits d'inscription pour les étudiants extra-communautaires oscillent entre 6 000 à 8 000 euros. En Chine, les droits d'inscription pour les non-chinois s'élèvent à 4 000 euros - à rapporter au niveau de vie en Chine ! Mais ces ressources permettent une politique pro-active des bourses.

La France ne fait plus partie des vingt pays qui voient croître leur attractivité. Nous présentons un plan d'attractivité complet qui aborde la question des visas, des stages, de la caution logement.

Nous avons triplé les bourses et les exonérations sur fonds publics et investissons 20 millions d'euros pour les campus à l'international dans le but de doubler le nombre d'étudiants accueillis d'ici 2025.

M. Serge Babary .  - La France risque de passer du quatrième au sixième rang des pays d'accueil. Je salue l'initiative du Gouvernement mais pas la méthode. Comme d'habitude, on annonce avant de se concerter avec des acteurs informés par la presse !

Plusieurs des mesures annoncées vont dans le bon sens. La France, où les études sont quasi-gratuites, est moins attractive que les États-Unis, le Royaume-Uni ou l'Australie, où les tarifs sont bien plus élevés. Paradoxalement, on espère gagner en attractivité en faisant payer davantage ! Dans les faits, un décret du 30 avril 2002 permet déjà de faire payer certaines formations.

Votre initiative est-elle à mettre en relation avec le courrier annonçant aux universités une dotation moindre compte tenu de cette nouvelle ressource ? Cette réforme serait-elle essentiellement budgétaire ? Je regrette que le ministère des Affaires étrangères et les acteurs sociaux et économiques des territoires d'accueil soient absents de la concertation.

Y a-t-il un cap politique ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Résumer le plan « Bienvenue en France » à l'augmentation des frais d'inscription est un raccourci hasardeux. L'objectif est d'améliorer l'attractivité de la France. Les diplômes recherchés sont ceux qui permettent l'insertion professionnelle. Les établissements doivent veiller à l'accueil des étudiants internationaux inscrits dans les diplômes ad hoc mais également dans l'ensemble des formations proposées.

Il s'agit aussi de veiller à ce que ceux qui le peuvent participent au système redistributif pour assurer un financement pérenne de l'accueil.

Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain .  - Merci, madame la ministre, de vous être prêtée au jeu de ce débat. Il était important de l'avoir. À vous entendre, on croirait qu'il n'y a aucun problème, que tout va bien se passer. Pourtant, la conférence des présidents d'universités, les étudiants, les acteurs de la recherche expriment des questionnements, des doutes, des craintes. Nous avions besoin de comprendre les motivations du Gouvernement - pour ma part, je ne les ai toujours pas bien comprises.

Il aurait été intelligent que nous puissions, en amont de cette mesure, en discuter. Nous aurions pu nous demander quels sont les facteurs d'attractivité pour les étudiants étrangers. La concertation annoncée portera uniquement sur les modalités d'application de votre arrêté.

Ce qui manque surtout, c'est une étude d'impact qui nous aurait permis d'avoir une vision informée. Voyez ce qui se passe en Amérique du Nord : les étudiants se détournent massivement, et très vite, des États-Unis pour aller au Canada.

Une étude d'impact aurait pu nous éclairer sur les incidences des effets redistributifs dont vous parlez.

Il me semble que vous ne voulez pas tant augmenter le nombre d'étudiants étrangers que changer leur provenance.

Je crains que les universités qui vont supporter le coût d'une politique de sélection des étudiants étrangers ne voient certaines formations fragilisées.

Madame la ministre, je vous demande un moratoire, le temps de réellement examiner les incidences de cette mesure sur laquelle il serait sage de revenir, ne serait-ce que pour préserver la francophonie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 20.

Avis sur des nominations

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à la reconduction de M. Jean-François Delfraissy à la présidence du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé par 32 voix pour, 9 voix contre et 2 bulletins blancs.

Par ailleurs, conformément aux articles 13 et 65 de la Constitution, la commission des lois a émis, lors de sa réunion du 15 janvier 2019, un avis favorable à la nomination de Mme Sandrine Clavel aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature par 21 voix pour et 6 voix contre. Elle a émis un avis défavorable à celle de M. Yves Saint-Geours aux mêmes fonctions, par 5 voix pour et 22 voix contre.

Après un an d'application, bilan et évaluation de Parcoursup

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « Après un an d'application, bilan et évaluation de Parcoursup », à la demande du groupe CRCE.

M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste .  - Le 22 janvier prochain, les lycéens commenceront à faire leurs voeux sur Parcoursup. La plateforme a été remaniée, plusieurs modifications majeures ont été apportées - hélas, sans bilan préalable de la première année de mise en oeuvre. Une nouvelle fois, apprenant par la presse cette refonte qui concerne plus de 900 000 étudiants, nous sommes mis devant le fait accompli, alors que la loi relative à l'Orientation et à la réussite des étudiants (ORE) exige un bilan annuel détaillé par académie.

Le comité scientifique et éthique de Parcoursup n'a rendu son rapport qu'aujourd'hui, après le lancement de la nouvelle session.

Au lendemain du lancement du grand débat national censé « rendre la participation citoyenne plus active et la démocratie plus participative », nous déplorons que vous n'ayez pas consulté les usagers de la plateforme avant de la remanier.

Le Sénat exerce sa mission constitutionnelle de contrôle des politiques publiques avec objectivité et détermination - peut-être est-ce ce que d'aucun lui reproche...

C'est dans cet esprit de responsabilité que notre groupe a souhaité ce débat. La loi relative à l'Orientation et la réussite des étudiants (ORE) ne se bornait pas à bannir un tirage au sort illégal ; elle amorce une transformation radicale de l'organisation et des finalités de l'enseignement supérieur. La hausse des droits d'inscription pour les étudiants extracommunautaires éclaire sur vos intentions réelles.

Notre enseignement supérieur pâtit d'un sous-financement chronique ; la France est l'un des pays développés qui y consacre le moins de moyens. Cette crise a été accentuée par l'arrivée massive de nouveaux bacheliers.

La plupart des groupes ont jugé que les crédits de votre ministère étaient insuffisants pour rattraper notre retard. Parcoursup apparaît dès lors comme un instrument de gestion de la pénurie.

Sa mise en oeuvre a demandé des efforts considérables aux acteurs de l'enseignement supérieur. Pour quels résultats ?

Le nombre de bacheliers a progressé de 5,3 %, mais le nombre de ceux qui entrent dans le supérieur n'a augmenté que de 2,2 %. Que sont devenus les 22 % de bacheliers ayant quitté Parcoursup sans affectation ? Ont-ils rejoint l'enseignement privé, les classes passerelles ou le marché de l'emploi ? Pourquoi 180 000 étudiants ont-ils fait un autre choix ?

Ce taux de renoncement n'est pas le même selon les filières dont ils proviennent. Les bacheliers de la filière générale ont attendu en moyenne quatre jours une première proposition, contre douze jours pour ceux issus de la filière technique et dix-sept jours pour la filière professionnelle ; 71 % des bacheliers des filières générales ont reçu une proposition le premier jour, mais seulement 45 % des bacheliers professionnels ; plus de 80 % de ceux-ci ont accepté une proposition lors de la phase principale, mais seulement 52 % de ceux-là. Parcoursup a facilité l'affectation des meilleurs bacheliers des sections générales mais l'a rendu plus difficile, voire dissuasive pour les autres.

Vous nous avez longtemps expliqué, madame la ministre, que les algorithmes locaux n'existaient pas. On apprend, à la page 14 du cahier des charges de Parcoursup, qui vient d'être rendu public, qu'ils servent à faire un préclassement automatique. M. Frédéric Dardel, président de l'université Paris-Descartes les a jugés indispensables en raison du nombre de dossiers, et a déclaré avoir pondéré les notes selon le taux brut de réussite du bac, confirmant en tous points nos craintes concernant ce que vous aviez qualifié de « légende urbaine ».

Le règlement général européen sur la protection des données personnelles proscrit tout traitement automatisé des données personnelles. Le Sénat, à l'unanimité, vous avait demandé la publication des algorithmes, vous l'avez refusée ! C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR) Vous avez remplacé le tirage au sort par l'opacité. Céline Brulin y reviendra.

Le Gouvernement souhaiterait davantage d'évaluation et de concertation. J'ouvre un cahier de doléances national sur ce sujet. La République doit donner à tous les bacheliers les mêmes droits pour que l'État leur propose un cursus en adéquation avec leurs compétences et leur projet personnel, avec des moyens suffisants. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

M. Laurent Lafon .  - Parcoursup a-t-il amélioré l'accès des bacheliers à l'enseignement supérieur ? Il est un peu tôt pour le dire ; les universités doivent transmettre des informations sur les résultats de première année... Sans données statistiques transparentes, les polémiques continueront, excessives.

Globalement, la dernière campagne de Parcoursup s'est bien passée, malgré quelques retards. Dans toutes les formations non sélectives, tous les étudiants ont eu une formation adaptée à leurs demandes et capacités. Parcoursup a amélioré le recrutement dans les filières non sélectives en tension. Le système des attendus, des « Oui, si », de la fiche « Avenir », visaient à accompagner les bacheliers vers les filières où ils avaient des chances de réussite. C'est louable car le système précédent conduisait des cohortes entières d'étudiants vers l'échec. Selon un président d'université parisienne, le taux de réussite des bacheliers hors bac S, la dernière d'année d'APB, avait atteint 0 % en licence scientifique et en Première année commune aux études de santé (Paces). La liberté complète d'intégrer n'importe quelle formation, c'est la liberté d'échouer à coup sûr pour des milliers d'étudiants !

L'échec universitaire avait des conséquences désastreuses sur le plan humain, mais aussi budgétaire, car l'allongement du délai entre bac et licence prend des places ; moins de 50 % des étudiants valident une licence au bout de quatre ans ; un délai de trois ans et demi permettrait d'accueillir tout le monde.

Parcoursup a généralisé la procédure des « Oui, si » mais avec parfois des délais importants. Il convient de mieux harmoniser les pratiques entre établissements, qui sont des opérateurs de l'État, et de mieux accompagner les étudiants. Il faudrait pousser la logique à son terme, en instaurant une année de propédeutique de remise à niveau dans certaines filières - le groupe UC l'a proposé par amendement à la loi ORE.

Le Premier ministre m'a confié une mission sur le recrutement académique en Île-de-France. Les délais ont été allongés pour les étudiants de banlieue, véritablement exclus. Le maintien d'un secteur de recrutement académique dans les formations parisiennes a posé de vrais problèmes. Les quotas extra-académiques ont été un frein à la mobilité : insuffisamment élevés, ils ont surtout rallongé les délais d'attente pour les lycéens de banlieue et ont généré un effet d'éviction important. Détruisons le périphérique universitaire, en régionalisant l'intégralité des secteurs de formation en Île-de-France. Définissons un taux plancher unique de boursiers dans toutes les formations d'enseignement supérieur en Île-de-France pour ne pas écarter de certaines formations les lycéens de milieux modestes.

Trop souvent, les tensions et déceptions ont été mises sur le dos de Parcoursup. En réalité, il s'agit d'un problème d'orientation. En Île-de-France, dans 1 325 formations, le nombre de « Oui » était inférieur aux capacités d'accueil pour plus de 15 000 places.

Parcoursup n'est qu'un premier pas, il faut réfléchir désormais sur l'offre de formation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Philippe Bonnecarrère et Bruno Sido applaudissent également.)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La loi ORE du 8 mars 2018 a opéré une refonte salvatrice du système d'inscription dans l'enseignement supérieur. Le chemin de la réussite au lycée vers l'enseignement supérieur et l'emploi est semé d'embûches : manque de moyens, de réseau... Parcoursup y répond partiellement. Il n'était pas acceptable que le hasard régisse l'orientation, non plus que la sélection par l'échec. L'Allemagne, les États-Unis, Israël et le Chili utilisent ce même algorithme. La publication open source du code le rend plus efficace et juste et donne lieu à des propositions d'amélioration.

Près d'un an après, Parcoursup ne présente pas de dysfonctionnements notoires mais nécessite quelques ajustements. Le principal reproche qui lui a été fait est la lenteur du processus, facteur de stress. La procédure sera terminée cette année dès le 19 juillet, mais les délais de réponse seront réduits de deux jours. Certains paramètres sont cependant à revoir, comme la prise en compte d'une année d'étude à l'étranger comme une année de redoublement.

Un débat plus profond reste à organiser sur l'égalité des chances en fonction du territoire d'origine. La jeunesse issue de la France périphérique est trop souvent laissée dans l'angle mort de l'action publique. Nous prônons l'égalité des chances, la mobilité géographique, mais nous instaurons des quotas de mobilité désavantageux, voire ségrégatifs, selon l'académie d'origine. Parcoursup autorise des changements d'académie, c'est un progrès par rapport au fonctionnement à la carte scolaire, comme le faisait APB, mais le taux minimum de 85 % de candidats du secteur rétrograde les candidats venus d'ailleurs. Pourquoi cette priorité académique ? Elle va contre les principes d'ouverture, de mobilité et contre la liberté de choisir son avenir professionnel. Les quotas géographiques contribuent à l'isolement et à l'autocensure des jeunes issus des petites villes et des campagnes - l'injustice n'est pas seulement dans la banlieue, mais aussi au coeur de cette France invisible dont on ne parle pas. La majorité des étudiants, cependant, ne souhaitent pas changer de région. C'est une question de mentalité. Chaque élève doit choisir librement son avenir. Quelles actions concrètes pour assurer cette égalité territoriale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Mon rapport budgétaire dressait un bilan de Parcoursup.

En dépit de quelques imperfections, cette nouvelle plateforme a plutôt bien fonctionné. Je soutiens la philosophie du système, consistant à tenir compte des aspirations et des chances de réussite. La sélection n'est pas taboue ; être sélectionné, c'est motivant pour le candidat et choisir, c'est engageant pour l'établissement. Les premiers résultats des examens partiels montrent de meilleurs taux de réussite cette année.

Je salue les avancées annoncées. Ainsi, le raccourcissement du calendrier, demande explicite de notre commission dès le début, évitera les angoisses des familles.

La mise en place d'un répondeur automatique pour les candidats sûrs de leur choix, et l'amélioration de l'information des étudiants, avec la publication du rang du dernier appelé, sont de bonnes choses.

Les établissements doivent toutefois préciser leur critère de choix pour que les candidats fassent des choix réalistes - c'est une condition de la confiance que les candidats feront à la plateforme.

L'an II de Parcoursup doit être plus serein ; mais de nouvelles angoisses apparaissent avec la réforme du bac : les élèves de seconde choisissent déjà leurs trois spécialités, ils se demandent quelles en seront les conséquences sur leur orientation post-bac.

Appuyons-nous sur des études plus fines pour faire un bilan de Parcoursup, notamment pour les « Oui, si ». La réussite des étudiants sera le critère d'évaluation final. En 2016, seuls 27 % des étudiants avaient leur licence en trois ans. Le Gouvernement veut 30 % en 2020, je suis déçu par ce manque d'ambition.

Madame la ministre, quels sont vos indicateurs de réussite ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Antoine Karam .  - Le 22 janvier marque l'ouverture de la formulation des voeux pour Parcoursup. Merci à nos collègues du groupe CRCE de demander un bilan. Je félicite le nouveau système, qui a remplacé un système APB largement défaillant, parce qu'il imposait un tirage au sort opaque et illégal. Nous avons légiféré dans l'urgence pour remettre de l'humain et de la justice au bon endroit et garantir la transparence.

Parcoursup, outil innovant, conjugue gestion de nombreux dossiers avec l'intelligence artificielle et un système transparent.

Quel bilan en tirer ? Quelque 95 % des bacheliers ont obtenu une proposition d'admission, soit un taux équivalent à APB mais avec beaucoup moins de contentieux - moins de dix. Parcoursup, c'est davantage d'élèves boursiers en classes préparatoires, c'est +23 % de bacheliers professionnels en STS, +19 % en IUT...

Mais seules 25 % des formations ont recours à un outil d'aide à la décision. Le calendrier sera accéléré en 2019.

Au 1er août, 97 % des candidats ont conservé la proposition qui leur avait été faite. Nous devons aider en particulier la mobilité des étudiants d'outre-mer.

La critique majeure adressée à Parcoursup a porté sur le rythme de la procédure, qui a placé inutilement les étudiants dans un stress prolongé. Je me réjouis du calendrier resserré, et que les élèves disposent plus vite de propositions, et aient accès à un répondeur automatique. Voilà toute la différence entre choix et orientation éclairée.

Le déploiement et la prise en main des outils sont importants. Parcoursup sera aussi un outil d'information sur les formations. Madame la ministre, ne pénalisons pas les étudiants en réorientation, pour qu'ils valorisent leur expérience passée. Les acteurs du secondaire doivent aussi mieux expliquer la « fiche Avenir » et « attendus ».

La mobilité peut ne pas convenir à tout le monde. Proposons des formations de premier cycle de qualité sur tout le territoire.

Cette deuxième édition nous permettra d'améliorer la plateforme, sur l'accès de tous à l'enseignement supérieur dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Céline Brulin .  - Madame la ministre, vous tirez un bilan extrêmement positif de la première année de Parcoursup, mais il y a quelques jours encore, lycéens et étudiants étaient mobilisés.

L'accès à l'enseignement supérieur se dégrade. La non-hiérarchisation des voeux et les délais de réponse ont poussé bien des lycéens à se rabattre sur un choix qui n'était pas leur premier, par sécurité. Vous poussez les étudiants à le faire, puisque, après fin juin, vous les contraignez à choisir en trois jours.

À partir de mi-juillet, vous avez découragé les jeunes en attente qui avaient obtenu un « Oui, si ».

La plus grande partie des inscrits a donc trouvé une formation, mais rien ne dit qu'elle correspond aux attentes. Cela risque de se traduire par de nombreux abandons en cours d'année, contre l'objectif même de la réforme... Et de plus en plus de lycéens se tournent vers l'enseignement privé.

Pour ceux qui obtiennent une réponse positive tardivement, il faut s'organiser très vite, trouver un logement, parfois un emploi.

Le rapport du comité éthique et scientifique de la plateforme a d'ailleurs souligné que cette attente a créé un biais social et territorial.

Vous souhaitez réduire cette attente en modifiant le calendrier. Mais comment atteindre cet objectif sans réduire la hiérarchisation des voeux ni accroître la pression sur les lycéens ? Ceci d'autant plus que la réforme du lycée va réduire encore les marges de manoeuvre.

Les familles sont nombreuses à s'inquiéter des prérequis impliquant des choix au lycée. Il faudra connaître son choix de licence dès la seconde ! On s'oriente vers une discrimination inédite des lycéens ruraux qui ne trouvent pas toutes les spécialités dans leur établissement de proximité, et de tous ceux qui, faute d'information suffisante, ne sont pas en mesure de bien définir leur stratégie d'orientation.

Quand on prend le problème à l'envers, on peine à le résoudre.

Le problème majeur, c'est d'abord le manque de moyens : en dix ans, le budget par étudiant a chuté de 10 %. Il faut certes se mobiliser face à l'échec, mais en prenant le problème par ses causes, en mettant en place un service public de l'orientation plus efficace, en améliorant les conditions d'accueil des étudiants, en répondant aux problèmes posés par le salariat étudiant, cause majeure d'échec à l'université. Autant de choix qui exigent de sortir de votre logique austéritaire simpliste, qui se réduit à choisir la meilleure option technique pour gérer la pénurie de moyens - et à généraliser la sélection, ce qui ne fera qu'aggraver le problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR.)

Mme Maryvonne Blondin .  - Parcoursup devait pallier les échecs d'APB. C'était une réponse conjoncturelle pour que chaque lycéen trouve une place dans l'enseignement supérieur - mais la réforme n'avait nullement pour projet de répondre aux causes fondamentales de l'engorgement aux portes de l'université.

Un an après la mise en place de Parcoursup, la comparaison semble favorable puisqu'au 21 septembre 2018, 995 bacheliers étaient sans affectation, contre 3 729 un an plus tôt. Pourtant, début septembre dernier, 45 000 étaient encore sans affectation : comment la plateforme a-t-elle pu trouver une solution à un si grand nombre de lycéens en quinze jours à peine ? Au début de l'été, 100 000 candidats n'avaient reçu aucune proposition et 152 000 n'avaient validé aucune offre. Les filières sélectives se sont retrouvées incomplètes, chose inédite. Une véritable prime à l'attente a pénalisé les lycéens les plus fragiles, qui ne peuvent attendre davantage, pour des raisons techniques.

Des ajustements étaient inévitables mais ce fut une cacophonie : une mise en oeuvre plus progressive aurait évité les difficultés.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

Mme Maryvonne Blondin.  - Le candidat sur liste d'attente pourra désormais connaître le dernier rang accepté l'année précédente, ce qui est certes un indicateur, mais ne tient pas compte des changements d'une année sur l'autre.

Madame la ministre, pourrez-vous nous éclairer sur la mobilité géographique ? L'administration ne nous a communiqué que des chiffres très ponctuels...

Des établissements ont appliqué une pondération en fonction du lycée d'origine, ce qui revient à favoriser les lycées plus réputés. Votre ministère a publié les prérequis, mais les universités ne le font pas : attention au principe d'égalité. Le Défenseur des droits a ouvert une instruction sur le fonctionnement de Parcoursup.

Il faut aussi parler de l'inclusion des bacheliers professionnels dans l'enseignement supérieur. Sur les 7 745 bacheliers sans proposition en septembre, la majorité était issue de la voie professionnelle. La réforme du lycée professionnel aura un impact sur l'intégration dans l'enseignement supérieur.

Parcoursup répond davantage à une logique d'affectation et non d'orientation librement construite par l'élève. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du groupe de l'UC).

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Françoise Laborde .  - Je remercie le groupe CRCE pour ce débat. Un suivi au long cours de Parcoursup est primordial.

Puisque APB attribuait des places de façon arbitraire, je ne pouvais que soutenir Parcoursup, qui proposait aux lycéens un libre choix de leur orientation.

Avec l'information sur l'orientation prévue par la réforme du lycée, j'espère que les élèves auront désormais les clés pour décider de leur avenir ; mais je regrette que la réforme de l'orientation dans l'enseignement supérieur et celle du lycée n'aient pas été concomitantes.

Je regrette également que nous n'ayons pas été destinataires des conclusions du comité scientifique alors que des problématiques, par exemple de mobilité géographique, n'ont pas été résolues. Les quotas d'autres académies étaient insuffisants, en particulier en Île-de-France. En 2018, il n'y a pas eu davantage de candidats des académies de Créteil et de Versailles acceptés à Paris. Il aurait été préférable de connaître les conclusions de l'évaluation avant le lancement de la deuxième campagne.

Quels sont les résultats du comité de suivi de la plateforme ? Cela m'intéresse d'autant plus qu'il n'y a pas de transparence sur les algorithmes locaux, qui ne sont pas censés exister. Quels sont les systèmes de classement ? Les candidats doivent les connaître pour préparer au mieux leur dossier.

Tous les candidats français doivent pouvoir bénéficier du rayonnement universitaire des grandes villes sans être cantonnés à leur académie. C'est un puissant ferment de mobilité sociale. Les correctifs apportés à la plateforme vont dans le bon sens, mais nous ne saurions nous arrêter au milieu du gué. Si de nouvelles adaptations sont nécessaires, elles doivent intervenir au plus vite pour ne pas laisser les lycéens dans l'expectative. Cette année, je souhaite un bilan plus tôt et plus complet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, SOCR, CRCE et UC)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Sans entrer dans le détail de la mécanique, je veux revenir sur l'objectif de la loi ORE : mettre fin à l'échec massif, qui, avec le décrochage, est le cancer de l'enseignement supérieur et au-delà, de la société. L'accès du plus grand nombre à des études réussies est une promesse de la République - que nous devons tenir ! APB était à bout de souffle. Parcoursup a apaisé certaines tensions.

Quand beaucoup de Français crient leur inquiétude de voir leurs enfants ne pas pouvoir prendre l'ascenseur social qui s'est déjà grippé pour eux-mêmes, Parcoursup suffit-il ? Les connaissances des codes et des règles, le recours aux réseaux, véritables marqueurs de différenciation sociale, ne sont-ils plus nécessaires ? Parcoursup n'assure-t-il pas qu'une affectation quantitative au lieu de proposer un accompagnement adapté ? Il faut davantage qu'une mécanique mieux huilée.

Madame la ministre, vous avez choisi de lancer Parcoursup avant la réforme du bac. Or la réforme du bac bouscule un système de filières que chacun avait intégré et ravive les inquiétudes des familles. Je conviens qu'il était nécessaire de relier études suivies et orientation, mais les élèves et leurs parents ne savent plus quelles options choisir pour intégrer la formation de leur choix. En conséquence, ils composent souvent un bouquet d'options qui ressemble étrangement à la filière S.

Le pont entre enseignement secondaire et enseignement supérieur est virtuel ou enveloppé de brouillard - en fait, il reste à construire. Lycéens et parents s'interrogent. Les mieux avertis s'en sortiront, pas les autres, c'est déplorable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, SOCR et CRCE)

Mme Claudine Lepage .  - Les établissements de l'enseignement français à l'étranger sont pleinement concernés par Parcoursup.

Avec 17 134 reçus au bac sur 17 609 candidats, les lycéens étrangers ont battu un record avec 97,3 % de réussite. Ils étaient 52,5 % en S, 32,9 % en ES, 8,2 % en L et 4,9 % en STMG. Pour ces élèves, l'AEFE gère en central la plateforme Parcoursup. Élèves et équipes enseignantes doivent passer par des procédures plus lourdes et dégradées sur la plateforme. Ainsi, tous les bulletins doivent être saisis manuellement et les délais d'inscription sont plus tardifs, fin août au lieu du mois de juillet, ce qui pose problème car les universités peuvent ne pas avoir gardé de place. Des avancées, notamment un numéro INE dès la rentrée, sont prévues pour l'an prochain mais quid de cette année ? Des places seront-elles gardées ? Une procédure d'accompagnement est-elle prévue ? Seuls 46 % des lycéens de l'étranger choisissent l'université française et sur 17 000 élèves, seuls 10 000 se sont inscrits sur Parcoursup. Il est dommage qu'ils choisissent une université étrangère. Quelle est l'ambition du ministère pour les étudiants de l'AEFE ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce débat est une bonne initiative car nous disposons du recul nécessaire. APB avait suscité bien des polémiques. Le tirage au sort, indigne et inefficace, en a été l'illustration la plus choquante. Félicitons le Gouvernement de la mise en place de Parcoursup, qui permet de lutter contre l'orientation par défaut et la sélection par l'échec. L'objectif d'une orientation plus juste, plus humaine et plus transparente est tenu. Mais les informations disponibles sur la plateforme sont trop denses et détaillées, donc indigestes.

Le calendrier devra aussi être resserré, le Gouvernement a annoncé une réduction du délai de réponse des établissements et des candidats cette année. C'est une bonne chose. Je regrette que la mise en oeuvre de Parcoursup ait précédé la réforme du lycée, même si je comprends l'urgence. Il est nécessaire de rendre les bulletins plus en adéquation avec les observations des professeurs, parfois préjudiciables pour les lycéens plus créatifs. L'implication des lycéens dans la vie citoyenne doit être mieux valorisée.

Il est absurde de considérer une année à l'étranger comme une année de redoublement si ce n'est pas précisé dans la lettre de motivation, alors qu'elle devrait être valorisée, au titre de l'apprentissage de la langue du pays de résidence. De même, les handicaps et maladies graves devraient être signalés sans que l'élève ait à se justifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du RDSE et des groupes Les Indépendants et UC)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La loi ORE et la mise en place de Parcoursup ont fait l'objet d'un dialogue nourri avec le Sénat, en séance comme en commission. La procédure connaîtra cette année de nouvelles évolutions. Le bilan de la première année de mise en oeuvre s'entend au regard de trois engagements qu'avait pris le Gouvernement - mettre fin au tirage au sort, remettre de l'humain dans les procédures et réduire le coût de la rentrée étudiante - qui ont été tenus : le tirage au sort a été supprimé, chacun le sait ; les futurs étudiants ont bénéficié d'un niveau d'accompagnement inédit ; le coût de la rentrée a été diminué de 100 millions d'euros, avec la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante.

Les lycéens se sont emparés de la plateforme et ont apprécié la liberté qu'elle leur offre - qu'ils ont pleinement exercée. La liberté de choix implique néanmoins une contrainte de temps et la possibilité d'affiner leur projet, voire de le modifier entre les mois de janvier et de juillet. Il s'agit de lutter contre toute forme d'autocensure et de déterminisme. Les enseignants du secondaire et du supérieur ont réalisé un travail pédagogique exceptionnel qu'il convient de saluer.

Avec la loi ORE, la démocratisation de l'enseignement supérieur est revenue au centre du débat public. La plateforme a révélé, sans les créer, certains dysfonctionnements, accumulés au cours de ces dernières années, voire décennies, notamment en matière de mobilité en Île-de-France.

La loi a ouvert de nouveaux droits aux bacheliers professionnels et technologiques et accru le nombre de boursiers dans l'enseignement supérieur de 16 000, et pas seulement en raison de la démographie, comme le montre la situation dans les classes préparatoires parisiennes.

De même, les mobilités entre académies, rares selon l'Insee, ont augmenté. Les formations parisiennes ont proposé davantage de places aux lycéens résidant en petite couronne. Pourtant, même si c'est un premier pas, la part d'inscrits à Paris, venant de Créteil et Versailles, 59 %, demeure décevante. En accord avec M. Lafon, nous avons décidé de considérer l'Île-de-France comme une zone unique de mobilité.

Mme Laurence Cohen.  - Tout va bien, alors !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le Gouvernement renforcera, grâce à un fonds d'aide à la mobilité, le soutien à la mobilité. En 2018, les taux de boursiers fixés par les recteurs se sont avérés hétérogènes. Nous veillerons en 2019 au respect d'un objectif national.

Les bacheliers professionnels et technologiques bénéficient depuis 2018 de quotas de places dans les formations courtes, professionnalisantes et très sélectives que sont les BTS et les IUT. Nous poursuivons en ce sens.

Vous avez reçu...

M. Pierre Ouzoulias.  - Par la presse !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - ... une évaluation de la première année de Parcoursup. L'analyse des données de 2018 n'est pas encore achevée, mais vous en serez informés, bien sûr, et nous veillons à ce que les chercheurs puissent accéder facilement à nos données. Le ministère de l'Enseignement supérieur, qui est aussi le ministère de la Recherche et de l'innovation, se doit donc d'être exemplaire dans l'analyse des résultats.

Comme je vous l'annonçais lors de mon audition du 23 octobre dernier, nous sommes résolus à faire en sorte que la procédure soit plus rapide en 2019 : elle se terminera dès le 19 juillet, afin de réduire le temps d'incertitude des élèves et des familles. En juillet 2018, 97 % des inscrits avaient accepté une offre qu'ils ont conservée, et le délai de réponse moyen était inférieur à trois jours. L'accélération de la procédure permettra aux étudiants d'aborder plus sereinement le mois d'août.

Je n'avais pas une grande inquiétude sur le taux de remplissage des établissements. Le nouveau calendrier a été articulé avec celui des demandes de bourses et de logement, en partenariat avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous).

Nous mettons également en place un « répondeur automatique » permettant aux candidats qui ont une idée très nette de ce qu'ils veulent faire de ne pas avoir à se connecter à la plateforme à chaque fois qu'ils recevront une proposition - sans que cette faculté soit en rien obligatoire.

Nous complèterons la plateforme, afin que toutes les formations y figurent en 2020, y compris les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Ainsi, les candidats à cette profession n'auront plus à entreprendre un coûteux tour de France des concours, payants, en sus de la préparation aux épreuves, elle-même onéreuse. Des informations supplémentaires sur les attendus ont également été intégrées. Le contenu de la plateforme sera enrichi, avec une navigation facilitée, un moteur de recherche amélioré et moins d'acronymes barbares.

Nous avons ouvert un site d'information dès le 20 décembre avant l'ouverture officielle de la plateforme le 22 janvier.

Parcoursup sera synonyme en 2019 d'une procédure et d'un accompagnement encore plus personnalisés, notamment pour les candidats handicapés, afin de favoriser leur intégration dans l'enseignement supérieur, conformément au nouveau droit établi dès l'an dernier par la loi ORE. Chaque formation dispose désormais d'un référent handicap, qui reçoit la fiche personnelle de chaque étudiant inscrit, afin qu'il puisse préparer son accueil dans les meilleures conditions. Les candidats en réorientation ou en reprise d'études bénéficieront également d'une fiche de suivi leur permettant de valoriser eux aussi leur parcours.

Tous les candidats se verront proposer des points d'étape pour analyser l'état de leur projet et de la procédure en cours. Un rendez-vous pourra alors être demandé avec un enseignant ou un professionnel de l'orientation.

Le Gouvernement a souhaité réaliser un bilan complet de l'année 2018 et lancer, dès 2019, les ajustements nécessaires. Nous poursuivrons ce travail dans les années qui viennent.

La réforme du baccalauréat permettra d'élargir le champ des possibles pour tous les lycéens, pour lutter contre les enfermements dans des parcours tout tracés. Dès 2020, avec Agnès Buzyn, nous accompagnerons la suppression du numerus clausus et de la Paces pour ouvrir de nouvelles voies d'accès en médecine, reposant sur d'autres capacités que celle à apprendre par coeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)

Solidarité intergénérationnelle

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la solidarité intergénérationnelle, demandé par la délégation à la prospective.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective .  - La délégation à la prospective du Sénat a adopté le 11 octobre dernier son rapport intitulé « Inventer les solidarités de demain face à la nouvelle donne générationnelle ».

J'évoquerai la question des transferts financiers, même si le sujet est bien plus vaste. Le Pacte intergénérationnel issu de la Libération doit sans cesse évoluer.

La France se trouve dans une situation inédite : le patrimoine des ménages est élevé, représentant huit années de revenus, soit deux fois plus qu'il y a trente ans, mais il est majoritairement dormant, car constitué d'actifs immobiliers et financiers, et se transmet de plus en plus de senior à senior : l'âge où l'on hérite atteint 60 ans.

Alors que les flux successoraux représentent un tiers du revenu national comme à la fin du XIXe siècle, ce qui n'est sain, ni économiquement, ni socialement, il convient de favoriser sa transmission aux plus jeunes et son utilisation au service de l'économie.

Veillons à ne pas créer pour autant une société « héritocratique » et à ne pas creuser les inégalités sociales et territoriales. Plusieurs formules d'incitation à la transmission de son vivant, facilitant les dons et legs, et de « liquéfaction » économique du patrimoine existent : le patrimoine « immobile » doit redevenir « liquide ». La Caisse des dépôts réfléchit ainsi à de nouveaux outils de viagers.

La réflexion sur la transmission du patrimoine ne peut faire l'économie d'une réforme de la protection des seniors contre la perte d'autonomie. Il faut fonder cette réflexion, non plus sur les « trois âges » traditionnels de la vie, mais sur cinq étapes : jeunesse, entrée dans la vie adulte, âge adulte, séniorité active, et vieillesse. Cela démultiplie les interactions entre chaque classe d'âge. (Applaudissements sur les bancs de la commission et du groupe UC ; M. Didier Rambaud applaudit également.)

M. Julien Bargeton, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Souvenez-vous de la jeune militante suédoise de la COP 24 qui nous alertait sur l'urgence écologique. Souvenez-vous aussi de la demande de ce quasi-septuagénaire néerlandais, de réduire de vingt ans son âge officiel...(Sourires) Demande refusée par la justice de son pays, mais révélatrice de la difficulté, voire du manque de considération à l'égard des aînés dans le monde occidental.

Autre élément, le déclassement entre les générations : ainsi, 58 % des Français pensent que leurs enfants auront moins de chance de réussir qu'eux. C'est à rebours du socle des grandes démocraties, l'idée de progrès. Dans le mouvement des gilets jaunes, l'aspect générationnel n'a pas été très évoqué ; pourtant, les actifs d'aujourd'hui héritent d'un aménagement du territoire sur lequel ils n'ont aucun contrôle. Cela figure en filigrane de notre rapport et éclaire la crise actuelle.

Nous, sénateurs, devrons le mettre dans le grand débat. Le Sénat, trop souvent présenté comme déconnecté de la génération smartphone, ne l'est pas ; ce rapport le montre. Il peut augurer d'une nouvelle manière de procéder : nous pouvons coconstruire entre les deux assemblées et avec les citoyens, non anonymes. Il ne peut y avoir de solidarité intergénérationnelle sans préservation de notre pacte politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants ainsi que sur ceux des groupes RDSE et UC ; M. Roger Karoutchi, président de la délégation à la prospective, applaudit aussi.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La génération est différente de la jeunesse : cette dernière, porteuse d'espoir par définition, fascine. « Il faut être absolument moderne » disait le poète de la jeunesse éternelle, Rimbaud.

Votre rapport pose la question suivante : comment faire société entre les différentes générations, comment préserver ce pacte intergénérationnel ? Nadia Sollogoub présente des pistes intéressantes. Je ne peux que me réjouir de l'importance que vous accordez à ce sujet crucial : politique des retraites, de santé, bien des aspects sont concernés. C'est tout le sens des réformes du Gouvernement sur ces sujets et le sens de la « protection du XXIe siècle », pour reprendre les mots du président de la République.

Le service national universel porté par le secrétaire d'État Gabriel Attal va également dans votre sens, pour remobiliser la jeunesse. Vous préconisez de valoriser l'apprentissage et les métiers manuels. Cela s'inscrit tout à fait dans la loi Liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018.

M. François Bonhomme.  - À la bonne heure !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Nous accordons également une aide de 500 euros pour aider à l'obtention du permis de conduire. En tant que secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, je parlerai plus longuement de la dépendance.

Nous devons nous préparer à l'arrivée vers le grand âge de la génération du baby boom. La concertation que nous menons nous permet de n'écarter aucune piste. Votre rapport sera versé à la somme des réflexions utiles. (M. François Bonhomme soupire.)

Il faut lutter contre l'isolement des personnes âgées. Les aidants doivent aussi être aidés. Améliorer les prises en charge, c'est mettre fin au regard dévalorisant sur les personnes âgées. Nous réfléchissons aux établissements de demain, où les jeunes d'aujourd'hui se sentiraient bien. Notre travail aboutira en mars, pour soumettre les scénarios que nous aurons retenus, avec Agnès Buzyn, au débat et au vote des assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM  ; quelques applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; M. Roger Karoutchi, président de la délégation, applaudit aussi.)

M. Jean-Pierre Moga .  - La solidarité intergénérationnelle doit aussi s'exprimer aux deux extrémités de la vie professionnelle : les seniors, de plus de 55 ans, et les jeunes entrant dans la vie active, éprouvent des difficultés. Les générations ont des points de vue différents sur la hiérarchie et la vie au travail. Les seniors, dont le capital d'expérience devient obsolète, ont besoin de mise à niveau technologique et numérique, les jeunes attendent plus de tâches valorisantes, et veulent mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle.

Le supérieur hiérarchique qui ordonne sans contredit doit laisser place à celui qui accompagne, écoute, fédère et conseille. Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour faire face à ces enjeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Stéphane Artano applaudit également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Les zones d'accueil des agences de Pôle emploi ont été réaménagées, plus de 1200 jeunes en service civique ont été mobilisés, pour accompagner les personnes en difficulté à l'usage des bornes en libre accès, faisant passer le taux de satisfaction de 77 % à 91 %. En 2016, le taux d'emploi des seniors s'est amélioré, et particulièrement pour les personnes de 55 ans à 59 ans, passant de 37 % en 2005 à 49,8 % en 2016.

Le parcours emploi compétences bénéficie à 41,2 % des demandeurs d'emploi de longue durée, et 46,1 % des seniors. Les seniors sont aussi éligibles aux emplois francs. Le Gouvernement veut mettre en place la flexisécurité. Un travail important de sensibilisation a été fait pour les aides-soignants.

Il ne faut laisser personne au bord du chemin. Il nous faut une croissance riche en emplois et inclusive.

M. Daniel Chasseing .  - À la veille du grand débat national et de la réforme des retraites, quels moyens pouvons-nous mettre en place pour retisser la solidarité intergénérationnelle ? La croissance de nos entreprises est liée aux transferts pour financer l'aide aux plus fragiles ou aux dépendants. De nombreuses solutions existent pour rompre avec l'isolement des personnes âgées et des aidants. Des bénévoles transmettent leur savoir-faire.

Quelle place donner aux seniors pour la formation ? Comment « raviver la flamme dans les yeux des jeunes gens et reconnaître la lumière dans les yeux des anciens », comme le disait Victor Hugo ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - La loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel a transféré la formation aux régions, qui sont donc libres d'associer des retraités à la formation. D'autres collectivités territoriales peuvent aussi agir, avec par exemple le repas intergénérationnel à la cantine.

En partenariat avec l'association « Ensemble demain », des retraités isolés, des associations de retraités peuvent s'investir à l'école. On voit là tout l'enjeu de l'articulation entre les différents acteurs pour faire se rencontrer deux mondes.

M. Daniel Chasseing.  - La solidarité familiale fait partie des devoirs moraux. Nous devons aussi valoriser les métiers manuels, qui peuvent être un levier d'intégration des jeunes.

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - À l'initiative du Sénat, la loi ELAN a fait progresser la solidarité intergénérationnelle en créant un statut juridique de collaboration intergénérationnelle solidaire, permettant à une personne âgée de louer à un jeune de moins de 30 ans une part de son logement. Cette mesure de bon sens fixe enfin un cadre à une disposition au plan « Bien vieillir » de 2007. Cette tendance se retrouve à présent sur tout le territoire, alors que les résidences universitaires du Crous sont rapidement saturées.

La loi d'adaptation de la société au vieillissement de 2015 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le logement intergénérationnel.

Mais la loi ELAN, qui sécurise le contrat de bail, ne suffit pas. Le Gouvernement donnera-t-il des consignes pour que l'administration fiscale et les Urssaf aient une vision bienveillante de cette modalité très particulière de ce travail, qui n'est en rien dissimulé ? Quid des APL, dont la contemporanéité s'applique dès cette année ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Je salue la CMP conclusive sur la loi ELAN. Vous évoquez une possibilité de logement très utile pour les jeunes. La loi évite une requalification en contrat de travail. Mais cette possibilité rencontre des freins financiers et juridiques. L'article 117 de la loi ELAN pose une charte déterminant un contrat dédié à la relation entre la personne âgée et le jeune. Les principaux réseaux de la cohabitation intergénérationnelle l'ont salué.

Mme Patricia Schillinger .  - Ma question porte sur le même sujet. La cohabitation intergénérationnelle est de plus en plus utilisée, notamment dans les grandes villes. Elle permet de loger un jeune tout en rompant l'isolement d'une personne âgée, et en partageant les frais. Bien préparée, elle peut ainsi déboucher sur une belle aventure humaine.

Le contrat de sous-location introduit par la loi ELAN, dans l'article 631-17 du code de la construction et de l'habitation, y contribue.

Quelles mesures prendra le Gouvernement pour faire mieux connaître cette possibilité ? Compte-t-il faire des campagnes de communication ou mettre au point des incitations fiscales ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Avec la loi ELAN, la colocation est désormais possible dans le parc public. Toute personne peut mettre à disposition une des chambres de son logement.

L'État y travaille avec les bailleurs privés et sociaux.

L'habitat intergénérationnel permet de rompre l'isolement des personnes âgées et offre à son colocataire un loyer plus modéré. La Charte en cours de préparation doit être travaillée par tous les acteurs.

Mme Laurence Cohen .  - Le rapport de la délégation sénatoriale à la prospective interroge nos systèmes de solidarités face aux mutations économiques.

La transformation de notre système de retraites pour un régime à points casse le lien entre les actifs et les générations précédentes, la solidarité intergénérationnelle et le niveau des retraites. On accumulera des points, transformés en pension. Les inégalités de pensions des femmes liées à des carrières plus courtes, des salaires plus bas et davantage de temps partiel vont s'aggraver par rapport aux hommes. Que pensez-vous de notre proposition de mettre à contribution les revenus financiers au financement des retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Plutôt qu'à une réforme, nous travaillons à une refondation de l'architecture globale du système de retraites.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous sommes rassurés !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Nous passerons d'un système complexe de 42 régimes à un seul, universel.

L'ancien système correspondait à une société où les carrières se déroulaient au sein d'une même entreprise. Depuis quinze ans, les parcours des salariés sont plus différenciés, avec des temps partiels et des pauses. Deux salariés qui ont cotisé de la même façon ne touchent pas la même retraite. Le nouveau système sera plus juste.

Mme Laurence Cohen.  - Tout serait histoire de langage et de pédagogie ! Apparemment, on ne comprend pas. Mais ce qui est rassurant, c'est que nous ne sommes pas les seuls ; de nombreux gilets jaunes sont des retraités au pouvoir d'achat en berne. Pourquoi la revalorisation des retraites n'est-elle pas à l'ordre du jour du grand débat national ?

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - Le rapport sénatorial s'inquiète de la fragilité de notre pacte intergénérationnel. Je vois quel est l'intérêt idéologique d'attiser le conflit entre les générations mais cette thèse est discutable car politique. En effet, c'est une question de choix de société ; de vision de la solidarité, de l'entraide, de la citoyenneté même.

Les participants aux mouvements sociaux actuels s'inquiètent de la remise en cause du système de répartition et du niveau des pensions. La désindexation des retraites, décidée malgré l'opposition du Sénat, aggrave les inquiétudes légitimes des retraités et alourdit la charge sur les plus fragiles, annulant quasiment le gain de CSG pour les plus pauvres.

Allez-vous continuer à leurrer les Français sur leur hausse de pouvoir d'achat ou reviendrez-vous sur cette désindexation ? En saura-t-on enfin un peu plus sur cette réforme des retraites qui inquiète tant ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Notre refonte de l'architecture du système des retraites vise à créer un système universel, la concertation est en cours avec les partenaires sociaux sur ses grands principes ; dans un second temps, seront discutées les questions de la gouvernance, du pilotage et de l'organisation du système universel - conditions de départ, examen des situations particulières, modalités de transmission entre l'ancien et le nouveau système. Ensuite, un projet de loi sera transmis au Parlement. Ce que le Gouvernement veut, c'est un système des retraites adapté aux évolutions de notre société.

Même chose pour notre système de prestations sociales. Notre choix d'augmenter les prestations sociales, l'AAH et le minimum vieillesse, le montre : nous voulons combattre la pauvreté. Mais il faut rendre ce système plus lisible pour les Français.

M. Stéphane Artano .  - L'allongement de l'espérance de vie bouleverse notre société. Selon la Sofres, une majorité de Français juge essentielle la transmission des patrimoines entre générations.

Allons-nous vers une lutte des âges ou, plutôt, une lutte des classes ? Selon Serge Guérin, dans La Guerre des générations n'aura pas lieu, les solidarités n'ont jamais été aussi importantes et la silver economy prend de l'ampleur.

Pour autant, l'isolement croît dans les territoires les plus éloignés, faute de médecins ou de services publics. Créons un véritable réseau de sentinelles pour lutter contre l'isolement de nos aînés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants ; M. Yannick Vaugrenard applaudit également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Le programme Monalisa réunit 460 organisations en faveur des personnes isolées. Parce que trois bénévoles sur dix ont plus de 65 ans, nous voulons également favoriser le bénévolat pour lutter contre la solitude des personnes âgées. Mmes Buzyn et Cluzel ont installé en février, une commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables, dont les personnes âgées font partie.

Mais il faut aussi souligner l'engagement des collectivités territoriales et de leurs CCAS. Lors des plans Canicule et Grand froid, elles s'assurent que les personnes âgées ont toute l'ingénierie nécessaire pour se préserver du risque chaleur et froid. On leur doit aussi des projets intergénérationnels avec la construction d'Ehpad auprès de crèches.

M. le président.  - Merci de respecter votre temps de parole, Madame la ministre.

M. Stéphane Artano.  - Le maillage territorial est plus compliqué dans la ruralité. Ce sujet mérite une réflexion au sein du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge.

Mme Nassimah Dindar .  - Ce rapport dresse un juste constat : celui de la nécessité de trouver de nouveaux modes d'expression des solidarités intergénérationnelles.

Comment éviter le cloisonnement des générations, la guerre des âges ? À La Réunion, nous avons créé deux structures originales pour les personnes âgées. La première est la maison d'accueil familial qui permet d'accueillir de 4 à 11 personnes, de façon moins onéreuse qu'en Ehpad et de manière plus familiale et identitaire, donc mieux ressentie par la personne âgée avec l'octroi d'un revenu décent aux accueillants. Elle est l'expression d'une forme de solidarité intergénérationnelle et d'une forme de solidarité sociale au service de la solidarité économique.

La deuxième est la résidence pour personnes âgées « Les tournesols », portée par le CCAS de Saint-Pierre, autour d'un triangle vertueux : des logements ; des espaces de vie partagés avec un jardin de plantes médicinales et aromatiques, lieu de transmission des savoirs ; un restaurant dont la gestion a été confiée à un établissement recevant des personnes handicapées. Il s'agit de donner des racines pour voler et des ailes pour s'enraciner, comme le disait Pablo Neruda. Impulsons de nouvelles dynamiques de solidarité. Quelle souplesse sera laissée aux acteurs des territoires pour innover ? (Applaudissements sur le banc de la délégation)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - La Réunion est un département jeune qui vieillit vite. Quelque 132 400 personnes âgées ont plus de 60 ans avec plus de 23 % de personnes seules en 2013 ; il faut donc anticiper les besoins. L'hébergement collectif alternatif, de petite taille, est une piste utile. Il faut aussi renforcer le dépistage de la maladie d'Alzheimer. Favoriser l'accueil familial, les services à domicile, tout cela est dans la feuille de route liée au livre bleu des outremers. Une convention vient d'être signée entre le département et le ministère des solidarités et de la santé pour la construction de 800 logements en résidences seniors d'ici trois ans.

M. Jean-Raymond Hugonet .  - L'allongement de l'espérance de vie entraîne la cohabitation de trois à quatre générations au sein d'une même famille. Ces liens se sont transformés. Maillon fort de la solidarité, les personnes de 55 à 70 ans sont essentielles. Cela tombe bien, la moyenne d'âge au Sénat est de 61 ans. Je les ai fêtés il y a six jours ! (Sourires)

Alors que 220 000 nouveaux cas d'Alzheimer sont décelés chaque année, on ne prend pas assez en compte la nécessité d'aider les aidants. Or ces aidants soutiennent non seulement leurs aînés mais aussi leurs enfants qui peinent à trouver un emploi, un logement ; à fonder un foyer.

Comment aider cette solidarité et recréer de l'entraide là où elle n'existe plus ? Merci à la délégation sénatoriale à la prospective pour son travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - L'entraide familiale, c'est 32,4 milliards d'euros chaque année et 90 % des transferts entre ménages. Elle se fait principalement à destination des jeunes, qu'ils soient ou non issus de familles aisées. Ces aides amoindrissent les différences de revenus entre générations mais les augmentent entre catégories sociales, accroissant les inégalités. Les personnes de 50 ans sont celles qui contribuent le plus.

La solitude des seniors s'est développée tout comme s'est affinée la fonction de grands-parents avec l'accroissement du temps disponible. Dans le cadre de la concertation Grand Âge et autonomie, nous ferons des propositions. La volonté d'engagement des jeunes et leur demande d'attention et de soins auprès de leurs aînés sont des phénomènes à appréhender de manière concomitante.

M. Yannick Vaugrenard .  - La nouvelle donne générationnelle s'inscrit au coeur des solidarités. Dans notre pays, 10 % des Français possèdent 55 % du patrimoine. Se posent les questions de sa transmission et de sa taxation. Nous devons nous pencher sereinement sur les droits de succession, mais pas de façon globale ! Distinguons le cas d'un couple modeste qui veut légitimement transmettre le bien pour lequel il a travaillé toute sa vie d'un couple qui possède beaucoup de biens ! Revoyons les droits de succession seulement pour les patrimoines importants et très importants. Il y va de la justice fiscale et sociale.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Depuis les années 1980, les flux de transmission augmentent plus vite que la croissance économique ; ils représentent dorénavant 10 % du PIB. Le taux moyen de taxation sur les actifs transmis est resté stable, de 5 %. Les Français sont attachés à la transmission du patrimoine accumulé après toute une vie de travail, comme en témoigne le taux de non-recours élevé sur l'allocation sociale à l'hébergement et l'ASPA en raison de possibles recours sur la succession ; le Gouvernement l'est aussi. En revanche, les donations de son vivant, comme le propose le rapport, doivent être facilitées.

Mme Corinne Imbert .  - Le tout-Ehpad présente des limites, je vous renvoie à l'avis du CCNE d'avril 2018. Les maisons d'accueil familial sont une solution d'avenir, pour l'accueil d'une à trois personnes, voire quatre s'il y a un couple. La rupture est moins brutale et la personne âgée peut conserver ses habitudes dans son environnement. Les accueillants ont parfois des enfants : la cohabitation devient un exemple d'intergénérationnel au quotidien. Pour être viable, cet accueil doit être d'un coût modéré. Est-il possible d'étendre l'accueil à quatre personnes, qu'il y ait ou non un couple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur celui de la délégation ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Effectivement, il faut encourager des solutions intermédiaires, comme l'accueil familial, qui répondent souvent à des prises en charge temporaires. Le Gouvernement soutient ce mécanisme souple, intergénérationnel, avec une prise en charge de qualité. La possibilité, depuis 2010, de salarier les accueillants, et la loi de 2015 l'ont renforcé.

L'atelier « Offres de demain » de la concertation Grand Âge et autonomie proposera des solutions.

Mme Corinne Imbert.  - Vous n'avez pas répondu à ma question : est-il possible d'aller jusqu'à quatre personnes accueillies, qu'il y ait un couple ou non ? Le modèle économique serait plus viable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

Mme Monique Lubin .  - La prise en charge de l'autonomie met à l'épreuve notre contrat intergénérationnel, elle est très éprouvante pour les aidants. Le rapport sénatorial souligne la piste de la séniorité active : le risque dépendance serait un risque assurable, ce serait une alternative à l'instauration d'une seconde journée de solidarité. Pour moi, le système assurantiel est porteur d'inégalités en ce qu'il favorise les plus aisés. L'instauration d'un cinquième risque serait plus juste et mettrait en oeuvre la solidarité nationale. Aucune discussion sur cette option n'a encore abouti, si elle a jamais commencé...

Le président de la République pense-t-il au cinquième risque dans sa lettre aux Français lorsqu'il évoque un système social rénové ? Madame la ministre, avancerez-vous sur ce dossier ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Nous devons la solidarité nationale aux plus fragiles. La concertation sur le grand Âge et l'autonomie confiée à M. Dominique Libault sera suivie de débats parlementaires. L'assurance, comme d'autres solutions, doit faire partie de la réflexion.

Le dispositif d'aide doit être moins hétérogène, le reste à charge plus faible et le financement pérenne, dans un contexte de vieillissement de la population.

M. Jean-Marc Boyer .  - Un chiffre du rapport d'information est éloquent : les seniors représenteront un tiers de la population en 2050, contre un cinquième en 1990. Il faut donc soutenir l'accueil familial et l'entraide privée, qui renouent le lien entre les générations. Cela favorise le maintien à domicile des personnes âgées, leur bien vivre.

Le rôle des aidants est fondamental, leur reconnaissance passe par l'élaboration d'un statut. Enfin, les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) doivent aussi être soutenus.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement et le Parlement ont le même objectif : répondre aux besoins des 6 millions à 11 millions d'aidants. Depuis début 2018, un salarié peut renoncer, avec l'accord de son employeur, à des jours de repos pour un collègue qui soutient une personne dépendante. La loi Essoc a ouvert une expérimentation sur le relayage, le décret est en cours d'élaboration. Un nouveau service de réservation d'une place de répit, SOS Répit, a été lancé ; il recense 4 000 structures. L'habitat intergénérationnel est reconnu depuis la loi ELAN. Des mesures globales et cohérentes seront prises pour les aidants dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Un quart des 400 000 participants à la consultation numérique dans le cadre de la concertation Grand Âge et autonomie avaient plus de 65 ans et un quart moins de 25 ans. Ces chiffres symboliques montrent que les jeunes se soucient de l'avenir de leurs parents et de leurs grands-parents.

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Je salue le travail de la délégation qui pose un diagnostic étayé sur l'affaiblissement du lien intergénérationnel. L'entraide concernait 60 % des Français en 2018, contre 51 % en 2016. Les échanges matériels et symboliques au sein des familles se sont intensifiés. Or, depuis plusieurs années, nous assistons à un affaiblissement de la politique familiale : baisse du quotient familial, modulation des allocations familiales, mise en cause du principe d'universalité heureusement finalement écarté. La baisse de la natalité aura des conséquences sur la solidarité intergénérationnelle puisque les familles seront de moins en moins nombreuses et de moins en moins aidées. La politique familiale, à laquelle le président de la République s'est pourtant dit attaché, n'est pas à la hauteur des enjeux.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - L'entraide des familles est soutenue par les politiques publiques ; c'est notamment le cas du plan Pauvreté. Je pense à l'aide à la parentalité mais aussi à l'augmentation d'environ 200 euros du complément du mode de garde au profit notamment des familles monoparentales.

Nous aidons les parents, qu'ils soient âgés ou non.

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Merci à la délégation pour ce débat dont je salue les propositions.

Le sujet, vaste, a des applications très concrètes. Si le code de l'action sociale et des familles régit l'accueil dans les familles, sa mise en place se heurte à des difficultés administratives et réglementaires. Contrairement aux familles qui accueillent des mineurs, les accueillants de personnes âgées ne sont pas embauchés par le département. Un rapprochement est-il envisageable ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement soutient la diversification des offres d'accueil des personnes âgées en perte d'autonomie. Depuis 2010, les maisons d'accueil familial ont pu se développer grâce à la possibilité de salarier les aidants. La loi de 2015 a créé un référentiel d'agrément et renforcé la formation des accueillants. La question de leur contrat de travail pourra être posée dans le cadre de la concertation Grand Âge et autonomie.

Mme Fabienne Keller, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Merci pour votre participation à ce débat portant sur des sujets humains et sociétaux. Avec Julien Bargeton et Nadia Sollogoub, nous avons eu plaisir et intérêt à travailler sur le rapport, qui abordait également le lien entre générations en matière politique.

Le constat en la matière est négatif : l'écart se creuse entre les générations. Un individu peut être considéré comme jeune jusqu'à 40 ans. Les nouvelles générations, bien que plus éduquées que les précédentes, participent moins aux élections. L'abstention évolue vers un comportement politique actif, signe parmi d'autres d'une crise de la démocratie.

De nouvelles formes de participation citoyenne émergent néanmoins. L'engagement citoyen se réalise différemment : consommer et manger bio, aider une voisine âgée, quitter un emploi salarié qui ne plaît pas. Les choix directs et concrets de vie privée et professionnelle ont une signification politique.

Les jeunes ont besoin d'être encouragés dans leur engagement. Le service civique, souvent effectué pour des motivations sociales et humanitaires - aider, être utile, transforme profondément leur rapport à la politique : cette expérience personnelle leur donne envie de participer plus largement à la vie démocratique. Nous pourrions nous appuyer sur cette expérience positive pour architecturer le service national universel.

Autre proposition, que nous avons faite bien avant la crise des gilets jaunes, travailler à mieux entendre la population, à mieux percevoir les actes politiques à bas bruit pour compléter la démocratie représentative. Merci à tous. (Applaudissements sur les bancs de la délégation et du groupe RDSE ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Prochaine séance demain, jeudi 17 janvier 2019, à 15 heures.

La séance est levée à 19 h 25.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du jeudi 17 janvier 2019

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaire : Mme Mireille Jouve

1. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 16 h 15

Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Vincent Delahaye, vice-président

2. Débat sur le retrait britannique de l'Union européenne.

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (n° 213, 2018-2019).

Composition d'une mission d'information

Gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation (27 membres)

M. Jérôme Bignon, Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Yves Bouloux, Henri Cabanel, Mmes Maryse Carrère, Françoise Cartron, MM. Alain Cazabonne, Patrick Chaize, Marc Daunis, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Guillaume Gontard, Daniel Gremillet, Jean-François Husson, Mme Victoire Jasmin, Gisèle Jourda, MM Michel Magras, Didier Mandelli, Pierre Médevielle, Jean-Pierre Moga, Mme Évelyne Perrot, MM Alain Richard, Vincent Segouin, Mm Nelly Tocqueville, MM Raymond Vall, Michel Vaspart et Jean-Pierre Vial.