Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.

Consommation des crédits des contrats de plan État-régions

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - La faible consommation de diverses lignes budgétaires prévues dans les contrats de plan État-régions pour les années 2015-2020 est préoccupante.

Les besoins en infrastructures de déplacement sont criants dans certains territoires, à telle enseigne que les collectivités territoriales, les régions mais aussi les départements, se sont fortement engagés pour contribuer à leur réalisation ; cependant, des retards considérables sont pris dans l'engagement réel des crédits du côté de l'État. C'est notamment le cas dans mon département de Haute-Vienne.

Comment le Gouvernement honorera-t-il ses engagements ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - L'État a contractualisé 14,5 milliards d'euros au titre des CPER pour 2015-2020. Fin 2017, nous en étions à 36 % d'exécution, suite à un démarrage retardé notamment par les avenants rédigés avec les nouveaux exécutifs régionaux en 2016. Mais les choses se sont accélérées en 2018. Les volets territoriaux des CPER - 750 millions au titre du FNADT - ne reflètent pas entièrement l'engagement de l'État, certaines lignes sont déjà intégralement engagées et il faut tenir compte de la nouvelle dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), créée après la signature des CPER.

Nous vous présenterons prochainement un bilan consolidé de toutes ces enveloppes. La principale cause des retards est le volet Mobilité multimodale - qui représente 7,5 milliards d'euros, un montant que ne peut pas honorer l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf), pour les raisons que vous savez, c'est pourquoi cette somme n'est engagée qu'à 30 %.

Le Gouvernement a installé dès octobre 2017, à l'issue des Assises de la mobilité, un conseil d'orientation des infrastructures pour accélérer les investissements ; le projet de loi Mobilités sera bientôt soumis au Parlement, après le grand débat : ce sera l'occasion de parler de ces sujets très importants.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - La mise en oeuvre des CPER ne s'accélère pas partout : en Nouvelle-Aquitaine, l'État n'a honoré que 24 % de ses engagements, contre 82 % pour la région ! Il est temps d'accélérer. La crise que traverse notre pays depuis quatre mois est étroitement liée aux mobilités. Monsieur le ministre, tout doit être engagé et budgété : libérez des marges de manoeuvre, par exemple en rétablissant l'ISF !

Avenir de la ruralité

M. Claude Nougein .  - Les territoires ruraux sont confrontés à une désertification qui ne fait que s'accentuer. Le premier des freins au développement, en Corrèze par exemple, est l'impossibilité pour les maires de communes hyper-rurales d'obtenir des permis de construire à cause, en partie, de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Composée majoritairement de personnalités qualifiées, cette commission est contre tout. L'excuse des mitages ne vaut plus. Pourquoi refuser des permis de construire dans des zones viabilisées ? En Haute-Corrèze, il y a un véritable blocage. Des maires songent à démissionner, il y a des refus même dans des villages de 100 habitants !

Aujourd'hui, il faut réformer cette commission, soit en lui donnant qu'un avis consultatif, ou un avis simple et en laissant le préfet décider in fine, parce que le préfet aura de toute façon plus de bon sens que cette commission, soit en la modifiant pour qu'elle devienne paritaire entre les élus locaux et les représentants des différents organismes agricoles et environnementaux. Presque tous les élus le souhaitent. Le comble est que ceux qui interdisent les constructions, sont les premiers à déplorer les fermetures d'écoles ! Envisagez-vous la modification de la CDPENAF afin de réduire la désertification de nos territoires ruraux ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Ne faisons pas de faux procès à la CDPENAF, plus des trois quarts de ses avis sont positifs. Les avis négatifs portent sur des projets à impact fort, par exemple sur l'environnement agricole ou sur une production sous AOP. Ensuite, il y a des recours contre les décisions négatives.

Quant à la parité, elle est déjà assurée puisque cette commission est composée de l'État, d'élus - 5 sur 18 -, d'organisations agricoles, environnementales et de chasse. Une circulaire sur les objectifs et modalités de fonctionnement de la CDPENAF sera prochainement publiée. Ingénieur agronome de formation, je connais les enjeux.

Fermeture du bureau de poste des Aldudes

Mme Frédérique Espagnac .  - L'annonce de la fermeture du bureau de poste des Aldudes, dans les Pyrénées-Atlantiques, a créé un certain émoi dans la population comme auprès des élus.

Qualifiée d'arbitraire par les maires de la vallée des Aldudes, cette décision prive la population de la vallée - un millier d'habitants - d'un service essentiel, ce bureau étant le dernier abritant des activités postales et bancaires courantes. Elle a également soulevé une certaine colère car en fermant ce bureau de poste, le groupe La Poste revient sur l'engagement qu'il avait pris.

Ce n'est pas la première fois que la vallée se mobilise pour maintenir ce service public indispensable. En 2015, citoyens, entreprises et élus s'étaient battus contre le transfert du centre de tri local de Saint-Étienne-de-Baïgorry et de ses facteurs ; près de deux cents personnes avaient alors occupé le bureau de poste. Une consultation populaire avait été organisée, mobilisant près de 62 % des personnes inscrites sur les listes électorales, qui avaient demandé à 98 % le maintien du bureau et du centre de tri.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques ouvre une concertation avec les élus d'une autre vallée pyrénéenne sur les services publics de proximité. C'est une décision à contre-courant.

Les habitants de nos petits villages ont un sentiment d'injustice. C'est une décision décourageante pour les élus et acteurs locaux. Plus de 200 personnes se retrouveront à plus de 35 km du premier distributeur où elles pourront retirer une somme supérieure à 150 euros, puisque c'est le plafond de retrait dans les points postaux. Une concertation est possible !

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Les fermetures de services publics concourent au sentiment de déclassement dans les zones rurales ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et alimentent la crise que nous traversons.

Il y a eu concertation avec les élus des Aldudes mais pas avec deux des autres communes de la vallée ; c'est pourquoi nous avons demandé un élargissement du dialogue à tous les territoires affectés. Une réunion a d'ores et déjà été planifiée par la sous-préfecture avec la commission départementale de présence postale et la chambre de commerce et d'industrie.

Enfin, dès lors qu'un bureau de poste n'est plus assez fréquenté, La Poste décide de le fermer. La solution est-elle un regroupement dans une maison de services publics ? Il faut l'étudier au cas par cas. Nous avons passé un contrat avec La Poste, qui sera renouvelé en 2019 en tenant compte de ces situations.

Application du code de l'action sociale et des familles

Mme Catherine Deroche .  - Le code de l'action sociale et des familles prévoit une durée de travail dérogatoire de deux cent cinquante-huit jours par an pour les personnels permanents responsables de la prise en charge des personnes accueillies sur le site des lieux de vie définis par décret. Or la Cour de cassation a jugé, le 10 octobre 2018, que l'absence de décret d'application faisait barrage à l'opposabilité de cette dérogation. Par conséquent, le droit commun s'applique, déstabilisant l'équilibre économique de certaines structures associatives d'aide sociale installées, qui appliquent de bonne foi le dispositif dérogatoire. J'ai reçu les associations concernées.

Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour assurer que la dérogation prévue par la loi puisse effectivement s'appliquer ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Veuillez excuser Mme Pénicaud.

La présence de permanents auprès des publics fragiles justifie le régime dérogatoire rendu inapplicable par le jugement de la Cour de cassation, car cette présence est tout simplement indispensable. Ces dérogations paraissent autorisées par le droit européen pour la protection des biens et des personnes - en application de la directive sur le temps de travail. Il faut un cadre juridique sûr, et les services de la ministre travaillent à cette sécurisation.

Mme Catherine Deroche.  - Le vide juridique crée de graves problèmes pour ces associations, dont l'une emploie une centaine de personnes dans mon département.

Fiscalité des énergies renouvelables

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - L'électricité d'origine éolienne et solaire photovoltaïque constitue avec l'hydroélectricité l'une des composantes majeures du mix électrique décarboné et renouvelable dont la France a choisi de se doter à l'horizon 2030. Des projets sont menés dans les territoires pour accélérer le développement de ces énergies, tout en garantissant la protection de l'environnement et du cadre de vie. Pour les communes susceptibles d'héberger des parcs éoliens ou photovoltaïques, la fiscalité est un enjeu majeur.

Si on peut se réjouir des avancées significatives sur la fiscalité éolienne avec la nouvelle répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), on peut regretter qu'il n'en soit pas de même pour le photovoltaïque. Cette situation est d'autant plus préjudiciable pour les communes qui ont lancé ces projets avant le passage en fiscalité professionnelle unique (FPU), que ces projets peuvent durer dix ans avant leur raccordement final. Les communes proactives dans ce domaine subissent une double peine : elles ont tenu compte d'une fiscalité revenant à la commune et ont donc aujourd'hui beaucoup de difficultés à faire aboutir ces opérations.

Les projets photovoltaïques doivent être pris en compte pour la modification de la répartition de l'IFER au même titre que les projets éoliens. Quelle est la position du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser le ministre d'État de Rugy, qui ne peut être présent.

Nous voulons un système de production d'énergie plus diversifié et résilient.

Ainsi que le président de la République l'a annoncé le 27 novembre dernier en présentant la programmation pluriannuelle de l'énergie, la capacité installée de production électrique en énergies renouvelables doit doubler entre 2017 et 2028. Nous ambitionnons ainsi de multiplier par 2,5 les capacités éoliennes et par 5 ou 6 les capacités photovoltaïques. La répartition de la fiscalité générée est essentielle ; elle doit mieux répartir les retombées socioéconomiques locales des projets.

La répartition de l'IFER a été modifiée dans la loi de finances 2019 car elle avait été identifiée comme un frein pour l'éolien, mais non pour le photovoltaïque.

Je ferai remonter vos remarques et nous en tirerons les conséquences.

Service météorologique de Chamonix-Mont-Blanc

M. Loïc Hervé .  - La suppression du service météorologique implanté sur la commune de Chamonix-Mont-Blanc, prise à la lumière des conclusions du rapport commandé au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), remis cet automne 2018 au ministère de la Transition écologique et solidaire, qui recommande un regroupement des services météorologiques alpins à Grenoble, diminuerait la qualité du service rendu et fragiliserait la prise de décision des élus locaux dans le cadre de la protection des populations.

La commune de Chamonix-Mont-Blanc est une des plus exposées au risque d'avalanche dans les zones habitées, vingt et un ans après le drame de Montroc, alors que le service météorologique est présent à la commission de sécurité dans les cas de risque d'avalanche, ses conseils sont des plus pertinents puisqu'ils reposent sur un meilleur suivi nivologique, des relevés continus et réels permettant une analyse prévisionnelle des plus fiables.

La responsabilité qui pèse sur les élus locaux dans ce domaine est considérable. Elle ne pourrait être qu'aggravée par la perte de cette expertise. Maintenez ce système d'alerte efficace et réactif. Les élus locaux sont prêts à travailler avec l'État et Météo-France.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le ministre d'État est très vigilant sur la qualité de service rendu par Météo-France aux territoires - notamment les communes de montagne exposées aux risques naturels.

Le ministre, à la lumière du rapport du CGEDD, organisera prochainement une réunion avec les élus des Alpes du Nord sur ses conclusions. Vous y serez, bien entendu, pleinement associé, Monsieur le sénateur, puisqu'il s'agira de rechercher des solutions avec les élus. La diffusion du rapport pourrait avoir lieu à l'issue de la réunion.

M. Loïc Hervé.  - Merci d'organiser cette réunion. Jamais une modélisation informatique ne remplacera la connaissance du terrain et les évolutions nivologiques et géographiques.

Rôle de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN)

Mme Frédérique Puissat .  - Quelles sont les conséquences de l'action conduite par l'UICN dans la stratégie dite de « ré-ensauvagement », définie en 2004 lors de la conférence mondiale pour la biodiversité à Nagoya ? L'UICN, organisation non gouvernementale mandatée par l'organisation des Nations unies, exige des États qu'ils prohibent toute activité humaine telle que la chasse, la pêche, le pastoralisme sur une partie de leur territoire. Une démarche encouragée par la mise en oeuvre d'un système de compensation écologique, établi sur le même principe que le système d'échanges de crédits « carbone ». C'est ainsi que la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages offre la possibilité à des acteurs privés de créer et gérer des sites naturels de conservation, habilités à générer des crédits de compensation écologique auprès d'opérateurs dont l'activité nécessite le rachat de droits à « dénaturer ».

N'y a-t-il pas là un risque de voir se créer des sanctuaires naturels excluant toute activité humaine et par là, signant la fin du pastoralisme dans les territoires de montagne ? (M. Michel Savin applaudit.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement entretient des liens étroits et anciens avec l'UICN, créée à Fontainebleau en 1948 et qui est un acteur majeur pour la préservation de la biodiversité, une force de proposition reconnue. La France a développé depuis 2005 un partenariat concrétisé dans des accords-cadres. Celui de 2017-2020, qui associe le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Transition écologique et solidaire, le ministère de l'Agriculture et l'Agence française de développement, pour une enveloppe de 8,8 millions d'euros, est placé sous l'autorité d'un ambassadeur délégué à l'environnement.

Le Congrès mondial de la nature de l'UICN, organisé à Marseille en juin 2020, a un budget de 20 millions d'euros. Ce sera un événement majeur, un temps fort de mobilisation. Nous y travaillerons avec vous.

Mme Frédérique Puissat.  - Nous serons au rendez-vous, certes. Cependant, il faut débattre de cette stratégie de « ré-ensauvagement », définie à Nagoya en 2004 et qui vise à conserver à l'état naturel 17 % des territoires terrestres. En France, cet objectif paraît atteint, puisque 17 % du territoire national sont couverts par un parc naturel régional ou national. Mais nous assistons à des stratégies de ré-ensauvagement locales, notamment dans le Vercors, sur lesquelles le Parlement n'a aucune prise.

Nuisances sonores des infrastructures ferroviaires

M. Jean Pierre Vogel .  - L'article 36 de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire prévoyait, dans les cinq mois de la publication de la loi - soit le 27 novembre 2018 -, la remise d'un rapport sur les nuisances sonores des infrastructures ferroviaires. L'amendement sénatorial à l'origine de cet article de loi insistait « sur la nécessité de réviser la réglementation en vigueur en y intégrant la notion d'émergence de bruit pour différencier les situations, élaborer des indicateurs pertinents et représentatifs du vécu des personnes et des situations réelles et en tirer les conséquences au niveau de la conception et réalisation des infrastructures ». Or, depuis, nous attendons toujours. Pourquoi un tel retard, et quand le rapport sera-t-il publié ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le rapport a été remis le 21 décembre dernier au Sénat. La notion de nuisance sonore repose sur celle du « bruit moyen ». Mais les riverains des LGV souhaitent la prise en compte de l'indicateur, plus pertinent à leurs yeux, de pic de bruit. Le Gouvernement et SNCF Réseau engageront des études en ce sens. En attendant, Mme Borne a engagé une mission du CGEDD dont les conclusions lui seront prochainement remises. Vous le voyez, nous ne considérons pas que la réglementation soit figée - et nous rechercherons la meilleure solution, avec les riverains.

M. Jean Pierre Vogel.  - Le cadre de vie des riverains s'est beaucoup dégradé, au point qu'ils se sont engagés dans la voie judiciaire.

SNCF Réseau est toujours le grand absent des réunions, malgré l'implication du préfet dans mon département, la Sarthe. Nous attendons du concret. Madame la ministre, venez sur le terrain pour constater les nuisances par vous-mêmes. Elles vont jusqu'à dégrader la santé de certains riverains.

Réseau ferroviaire en Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël .  - Ma question porte sur la situation actuelle du réseau ferroviaire en Haute-Savoie, et plus particulièrement dans le secteur de la vallée de l'Arve.

Ce territoire appartient à l'une des onze zones françaises dans lesquelles les objectifs en matière de qualité de l'air fixés par la Commission européenne en termes de particules fines PM10 ne sont pas respectés.

À l'heure où le deuxième plan de protection de l'atmosphère de ce territoire est soumis à enquête publique, il paraît essentiel d'encourager les habitants de ce département à privilégier davantage des modes de transport en commun.

Or j'ai appris au cours d'une réunion organisée sous l'égide du préfet de la Haute-Savoie le 24 septembre 2018 avec les représentants de la SNCF que les travaux de modernisation de la ligne Annecy-Saint-Gervais ne débuteraient qu'en 2023, au niveau des études, pour se terminer en 2030 concernant la phase des travaux. Ce calendrier est inacceptable !

Le secteur Saint-Gervais-La Roche-sur-Foron a pourtant été fléché dans l'étude ferroviaire comme supportant le plus de déplacements quotidiens -  90 000 déplacements par jour - dans le département alors que seuls 4 % des déplacements se font par le rail. Et pour cause, l'offre ferroviaire n'est pas suffisamment cadencée et rapide pour pouvoir être attractive par rapport à la voiture.

Le département de la Haute-Savoie, constitué en grande partie de zones montagneuses très touristiques, a la chance de compter sur une population en croissance constante - plus de 12 000 habitants supplémentaires chaque année - et bénéficie d'une situation géographique privilégiée au carrefour entre la France, l'Italie et la Suisse.

La mise en service du réseau international Léman Express permettra certes une légère amélioration de l'offre de service mais celle-ci restera insuffisante.

L'offre des TGV se dégrade également au fil du temps - les élus haut-savoyards ont ainsi été informés cet été que la SNCF avait décidé de façon unilatérale de supprimer deux allers-retours entre Annecy et Paris par TGV.

La Haute-Savoie compte plus de 70 000 entreprises, une balance commerciale excédentaire de plus d'un milliard d'euros et près de 34 millions de nuitées touristiques. Malgré tout, le département ne jouit pas d'un réseau ferroviaire et de liaisons avec Paris à la hauteur de son dynamisme. Cette suppression de deux allers-retours aura des impacts économiques et touristiques.

Que va faire le Gouvernement pour remédier à cette situation ? (M. Loïc Hervé applaudit.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Borne, qui ne peut être présente. Nous partageons votre préoccupation s'agissant des enjeux de pollution en vallée de l'Arve et avons conscience de l'impact des lignes ferroviaires sur les territoires traversés, en particulier en zone de montagne.

Dans ce contexte, la mise en service en 2019 du Léman Express qui reliera directement le canton de Genève à la Haute-Savoie, s'accompagnera d'une évolution considérable de l'offre de transport à destination d'Évian, de Saint-Gervais et d'Annecy. Par ailleurs, le Contrat de Plan État Région (CPER) 2015-2020 prévoit 4 millions d'euros pour la réalisation d'études préliminaires sur l'axe ferroviaire compris entre Bellegarde et Saint-Gervais. Le coût d'une opération d'automatisation de la signalisation sur la ligne Annemasse-Saint-Gervais-Annecy est évalué entre 160 et 220 millions. Nous avons demandé à la SNCF d'être en capacité de tenir le délai de 2025. Cela suppose cependant qu'un accord financier soit trouvé avec la région dans le cadre du CPER pour financer ce projet qui n'était pas prévu par le contrat actuel. Les financements mobilisables dans le cadre du contrat de plan actuel s'élèvent à 34 millions : le tour de table financier reste donc à finaliser.

J'en viens à la baisse des fréquences TGV sur le Paris-Annecy. La gare de Lyon-Part-Dieu va connaître des travaux importants au moins jusqu'en 2023. Cette contrainte technique a conduit SNCF Mobilités à travailler à une adaptation de l'offre grande vitesse en détournant ou supprimant certains TGV à partir de 2019. C'est ce raisonnement qui s'applique à la liaison Paris-Annecy. Pour compenser cette baisse de fréquence, SNCF Mobilités remplace l'ensemble des rames actuellement en service sur cette liaison par de nouvelles rames Duplex à deux niveaux, en mesure d'accueillir plus de voyageurs.

Soyez donc assurée de l'engagement du Gouvernement à promouvoir des solutions de mobilités durables dans le secteur de la Haute-Savoie et de la vallée de l'Arve, en partenariat avec les élus de la région.

Fermetures programmées de nombreuses classes dans la ruralité

M. Jean-Marc Todeschini .  - La question des fermetures de classes est au coeur des préoccupations de nos concitoyens dans les territoires. Si l'on en croit les premières remontées du terrain à la suite des réunions qui se sont déroulées ces derniers temps, vous avez décidé, malgré la force du mouvement social, d'accabler cette année encore la ruralité.

Force est de constater que les faits contredisent les déclarations d'intention du président de la République quant au maintien des enseignants et des classes, notamment dans les espaces ruraux.

En Moselle, malgré le contexte social et économique, dans l'enseignement primaire et essentiellement dans les écoles situées dans la ruralité ou les espaces périurbains ce seront 78 fermetures de classes pour seulement 31 ouvertures.

Je ne vais pas vous lire la longue liste des classes qui fermeront mais j'ai été saisi par de nombreux élus mécontents et encore ces derniers jours par ceux d'Abreschviller, de Richeling, d'Holving, de Kirsch-lès-Sierck, de Montenach...

Souvent, ces décisions vont à l'encontre des investissements réalisés par les communes qui font tout leur possible pour améliorer les conditions d'enseignement, n'hésitant pas à se regrouper et à mutualiser leurs moyens.

Ces décisions s'inscrivent en contradiction avec les besoins exprimés par l'ensemble du monde éducatif. La réalité du monde scolaire ce sont des classes surchargées, malgré l'habillage qui tend à démontrer que le taux d'encadrement en Moselle augmente en prenant en compte les créations de postes dans la prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers ou spécifiques. Ce type d'approche ne peut qu'être mal vécu par nos concitoyens qu'ils expriment ou non leur mécontentement depuis plusieurs semaines.

En conséquence, pourriez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez prendre afin de permettre au monde rural de maintenir de bonnes conditions d'apprentissage pour tous les élèves qui y vivent ? La ruralité n'attend plus des déclarations d'amour, mais jugera par les faits toute l'attention qui lui est portée par le gouvernement.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous serons d'abord d'accord sur l'esprit de la politique à conduire : oui, il faut de la bienveillance et du soutien pour l'école primaire en zone rurale - qui réussit mieux que la moyenne  - au cas par cas et de façon pragmatique.

Le vrai sujet est celui de la démographie, et nous devons tout faire pour que des familles se réinstallent dans les territoires ruraux.

Mais nous n'accablons pas la ruralité, notamment la Moselle, comme vous nous le reprochez. En 2018, 20 emplois supplémentaires ont été créés en Moselle pour 544 élèves de moins. En 2019, 12 postes seront créés pour 1 000 élèves en moins. Le taux d'encadrement du département est passé de 5,45 pour 100 élèves en 2017 à 5,57 en 2019.

Ce que vous contestez, c'est peut-être la répartition des postes au sein du département, ce dont nous pouvons discuter avec la rectrice et avec les Dasen dans le cadre du contrat de ruralité de la Moselle. Mais ne travestissons pas la réalité car on ajoute du désespoir là où ce n'est pas nécessaire.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous nous faites une réponse technique et qui relève de l'habillage. Ce que les élus et parents ressentent sur le terrain, ce sont les fermetures de classes !

Vous créez des postes, certes : 5 postes de Rased, 6 postes de liaison école-collège, 1 poste pour le service militaire volontaire, 1 poste de conseiller pédagogique, 2 postes d'accueil des professeurs d'allemand, 2 formateurs aux usages numériques... mais tout cela se traduit par des fermetures de classes. Dans le monde rural, on a l'impression de payer les dédoublements de classes des CP et CE1 dans les zones prioritaires.

Attribution de subventions pour les associations sportives

M. Michel Savin .  - La disparition de la dotation d'action parlementaire, ex « réserve parlementaire », fléchée à hauteur de 50 millions d'euros en 2016 vers les associations a été pour moitié compensée dans la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 par une hausse de 25 millions d'euros du montant du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Ainsi, se sont 1 670 associations sportives locales et 2 236 associations qui ont pu en bénéficier. Aujourd'hui, cette suppression de financement, est loin d'être négligeable pour les petites associations sportives locales. La loi de finances pour 2018 avait inscrit 25 millions d'euros dans le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), crédits qui ont été maintenus pour 2019. Ces 25 millions d'euros de crédits du FDVA sont destinés en priorité aux associations ne bénéficiant pas du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires : des associations de taille réduite qui emploient peu ou pas de salariés. Ce fonds, chargé jusqu'à présent de financer la formation des bénévoles, peut désormais également bénéficier aux associations sportives, pour le financement global de leur activité, ou à la mise en oeuvre de projets ou d'activités qu'elles ont créés dans le cadre du développement de nouveaux services à la population.

Pourriez-vous nous exposer les résultats de la campagne de subventions pour les associations sportives via le FDVA en 2018, afin de pouvoir établir un bilan précis de l'évolution qu'a connu le financement des associations sportives locales entre 2017 et 2018 et l'évolution envisagée pour 2019 ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La loi de finances pour 2018 a confié la gestion d'une enveloppe de 25 millions d'euros, ancienne réserve parlementaire, au FDVA. Les crédits ont été reconduits à l'issue du vote de la loi de finances et le décret du 8 juin 2018 en a fixé les règles de répartition : toutes les petites associations qui bénéficiaient de la réserve parlementaire ont pu faire des demandes de subvention au titre du FDVA pour leur fonctionnement et pour de nouveaux projets. L'instruction du 15 mai 2018 a fait des petites associations une priorité dans l'attribution de ces crédits, je l'ai constaté sur le terrain. Elle a aussi préconisé un plafond de subventions à 15 000 euros.

Le FDVA, près duquel plus de 22 800 associations ont déposé une demande en 2018, soutient tous les secteurs : 9 500 associations ont bénéficié de subventions en 2018. En Nouvelle-Aquitaine, 32 % des demandes sont issues des associations sportives et 45 % d'entre elles ont bénéficié d'une subvention.

Dès 2018, les demandes ont été simplifiées avec un formulaire unique de demande de subvention. Le dispositif est à présent en place et la prochaine campagne pourra se dérouler selon un calendrier amélioré : les associations sauront si elles bénéficient de subventions avant l'été. Elles pourront également déposer leurs demandes en ligne.

Le sujet du FDVA et du financement associatif pourront même être abordés à l'occasion du grand débat.

M. Michel Savin.  - Merci, mais vous n'avez donné aucun chiffre précis et surtout aucune comparaison entre 2016 et 2018... Votre politique impacte la vie des associations locales, et vous le savez, elles jouent un rôle majeur dans nos campagnes et dans nos villes, mais elles vivent des moments très difficiles. Passons des paroles aux actes, enfin.

Enseignement des langues régionales au sein de la réforme du baccalauréat et du lycée

Mme Maryvonne Blondin .  - Je veux d'abord saluer le conseil municipal des jeunes d'Ergué-Gabéric, qui est en tribune.

Ma question porte sur la réforme du baccalauréat et ses effets désastreux sur les langues régionales. C'est un recul qui se profile tant en enseignement optionnel que bilingue. L'élève qui choisira la langue régionale en LVB ne pourra plus suivre l'enseignement de ces deux langues étrangères et de sa langue régionale comme c'est le cas actuellement dans les lycées où l'option LV2 bis est proposée. C'est un choix cornélien pour ces élèves amoureux des langues et qui aura des conséquences sur leur orientation en supérieur.

L'élève pourra choisir l'enseignement de spécialités au nombre de trois en première, mais hélas, seules deux sont conservées en terminale et on connaît l'importance de ces choix pour le post-bac.

L'option en LVC pourra être choisie mais, là encore, son coefficient pour le bac ne sera plus que 0,6 alors que l'option « Langues et cultures antiques » garde le coefficient 3. N'y a-t-il pas là une forme d'injustice d'autant que les LCA peuvent cumuler cette option avec une autre, ce qui n'est pas le cas pour les LVC ?

L'article L312-10 du code de l'éducation stipule que cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par convention entre l'État et les collectivités où ces langues sont en usage.

Le président Macron, à Quimper, a parlé de droit à la différenciation. La région Bretagne s'est pleinement engagée dans ce défi. Vendredi dernier, à Rennes, le premier acte de différenciation a été signé par le Premier ministre et le président de la région avec un volet langue et culture bretonnes.

Vous qui prônez l'école de la confiance, faites aussi confiance aux élus des territoires. Vous avez entre vos mains l'avenir de ce trésor linguistique. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour inclure plus efficacement les langues régionales dans la réforme du bac et au-delà dans l'ensemble du système éducatif ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je salue à mon tour le conseil municipal des jeunes en tribune.

Je suis surpris par votre question, madame la sénatrice, car la réforme du lycée sera au contraire une formidable opportunité de développement pour les langues régionales. Les arrêtés du 17 juillet 2018 permettront aux élèves de choisir les langues régionales au titre des langues vivantes B dans les enseignements communs mais aussi au titre de la langue vivante C dans les enseignements optionnels. Dans la filière générale, cela signifie que la langue vivante régionale choisie au titre de la langue B à un poids plus important en termes de coefficient dans l'examen qu'avant la réforme. S'agissant de la langue régionale choisie au titre de l'enseignement optionnel, la langue vivante C, elle, comptera parmi les disciplines valorisées lors de l'examen.

Dans la voie technologique, le choix d'une langue régionale demeure possible au titre de la langue vivante B. Pour l'optionnel, la langue régionale est proposée dans la série « sciences et technologies » de l'hôtellerie et de la restauration.

Pour le bac 2021, les langues régionales pourront donc toujours être choisies par les élèves dans les filières technologiques.

De plus, la place et la dynamique des langues régionales dans le cadre du bac 2021 sont confortées puisqu'il a été décidé d'introduire les langues vivantes régionales comme enseignement de spécialité : cela signifie quatre heures en première et six heures en terminale ! On ne peut donc prétendre qu'il y ait un recul dans ce domaine. Un projet d'arrêté modificatif a été présenté au Conseil supérieur de l'éducation du 6 février 2019 qui modifie l'intitulé de l'enseignement de spécialité et précise que les langues concernées par cet enseignement sont les langues vivantes A ou B ou C de l'élève. Le Conseil a été favorable à ce projet d'arrêté.

M. le président.  - À mon tour de saluer les jeunes qui nous font le plaisir de visiter le Sénat.

Fermetures de classes envisagées en milieu rural

Mme Sylvie Vermeillet .  - Ma question porte sur les fermetures de classes envisagées en milieu rural et plus particulièrement dans le département du Jura.

À l'heure du dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone prioritaire urbaine, nos territoires ruraux et de montagne vivent de manière très cruelle les effets de seuil à l'origine de fermetures de classes.

Partout, les maires de nos campagnes s'organisent en réseau pour mutualiser leurs moyens tout en rénovant leurs écoles. Ils ont également à coeur de répondre aux besoins et aux demandes de leurs enseignants. Le Jura est exemplaire d'ailleurs en matière de regroupement scolaire.

Au sein même de la ruralité, la carte scolaire est inéquitable. Dans des départements aux spécificités géographiques, démographiques et sociologiques comparables, les taux d'encadrement sont sensiblement disparates. Au sein d'une même région, en Bourgogne-Franche-Comté, il était de 5,79 à la rentrée 2018 dans le département du Jura, quand les départements voisins de la Côte-d'Or et de la Nièvre pouvaient compter sur des taux d'encadrement de 6,02 ou 6,36.

Pourtant, le Jura fait partie des zones de montagne avec un taux élevé de population rurale isolée. Il est donc difficilement justifiable que le taux d'encadrement y soit plus faible qu'en Côte-d'Or ou dans la Nièvre. Je n'ignore pas que le nombre d'élèves diminue, et je reconnais que vous attribuez des postes supplémentaires dans tous les départements concernés, mais vous ne rééquilibrez pas les disparités injustifiées des taux d'encadrement.

Comptez-vous y remédier pour ajuster ces taux d'encadrement entre les territoires en tenant compte de leurs difficultés et de leurs spécificités ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Question très importante. Vous soulignez l'inégalité des territoires et appelez à tenir compte de leurs spécificités ; ce qui pourrait constituer une contradiction...

Les conventions de ruralité par département doivent expliciter ces spécificités et justifier d'éventuels régimes de faveur. Le taux d'encadrement était dans votre département de 5,57 à la rentrée 2016, il sera de 5,81 en 2019, en application de la convention-cadre départementale signée le 24 mai 2018, et ce, malgré la diminution du nombre d'élèves. La convergence des taux d'encadrement entre départements est engagée.

En outre, la réserve départementale de cinq postes permettra de limiter les fermetures de classes. Oui, il y a une attention particulière pour le Jura, oui il y aura recherche de convergence pour les taux d'encadrement entre départements, oui il y aura une prise en compte des difficultés particulières. J'invite à une forme d'unité entre tous les élus et l'État sur le soutien à l'école rurale.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Je vous remercie pour tous ces oui. J'espère que les moyens nécessaires seront donnés à notre recteur avec qui j'ai plaisir à travailler.

Assistants d'éducation en milieu rural

M. Jean-Yves Roux .  - L'article L. 916-1 du code de l'éducation précise que « les assistants d'éducation sont recrutés par des contrats d'une durée maximale de trois ans, renouvelables dans la limite d'une période d'engagement totale de six ans ».

Ce statut des assistants d'éducation, s'il s'avère protecteur et à juste titre dans des établissements urbains, s'avère également contreproductif pour des établissements ruraux et a fortiori de montagne. En effet, ces établissements rencontrent d'importantes difficultés de recrutement de ces assistants d'éducation (AED) et de pérennisation de ces emplois.

Les étudiants qui pourraient être candidats à ces postes suivent des formations post-baccalauréat dans des lieux éloignés de la commune de recrutement, ce qui ne leur permet pas d'être présents pendant la semaine. En outre, il s'agit dans la majeure partie des cas de temps partiels, ce qui ne contribue pas à renforcer l'attractivité de ces recrutements.

La rotation des personnels concernés fragilise le fonctionnement des établissements dans la mesure où les AED sont peu formés et accompagnés, et que cette situation engendre une concurrence malsaine entre les communes et les intercommunalités.

Une réflexion sur la modification du statut de ces assistants d'éducation s'impose : pérennisation de postes, notamment en zones de revitalisation rurale et de montagne, possible modification du statut des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Un poste d'AED pourrait fournir également un bon complément de salaire pour quelqu'un qui disposerait d'un autre emploi local de proximité, tel un poste d'animateur de centre de loisirs, ou d'un statut d'AESH.

Dans un contexte de mise en oeuvre d'établissements scolaires multi-sites en milieu rural, cette évolution de ces statuts contribuerait à renforcer l'attractivité de ces derniers pour les personnels de vie scolaire en milieu rural.

Envisagez-vous afin de soutenir la stabilité des équipes éducatives en zones de revitalisation rurale ou de montagne, de prévoir des modifications statutaires ou réglementaires qui pourraient bénéficier aux assistants d'éducation ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Question importante, dans le cadre des réformes actuelles, avec le projet de loi que je présente à l'Assemblée nationale, et du dialogue social en cours au ministère de l'Éducation nationale.

Les assistants d'éducation sont au nombre de 50 000 et les AESH, pour lesquels j'ai annoncé hier des mesures importantes s'agissant de l'école inclusive en renforçant leur statut, seront au nombre 80 000, soit un total de 130 000 assistants, tous statuts confondus, qui joueront un rôle essentiel. Nous devons penser leur rôle de façon cohérente toute en tenant compte de la spécificité des territoires.

Le recrutement de ce personnel, plus difficile en zones rurales, a été ouvert et les profils assouplis. En outre, la future loi permettra aux étudiants de deuxième année qui se destinent au métier d'enseignant de devenir des assistants d'éducation huit heures par semaine.

Le soutien du directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen) et du rectorat sera renforcé en milieu rural. Demain, des étudiants constitueront donc ce nouveau vivier.

Hier, nous avons renforcé le statut général des personnels AESH. Le recrutement en milieu rural sera facilité, je puis vous l'assurer et les perspectives sont réelles pour la rentrée prochaine.

Fusion des académies

M. Didier Rambaud .  - La réforme de la carte des académies a été annoncée au 1er janvier 2020, pour faire suite à celle des régions.

Si la décision de fusion des trois académies de Grenoble, Lyon et Clermont-Ferrand devait être prise, elle pourrait entraîner des difficultés sur des territoires très étendus et avoir une incidence non négligeable sur la vie scolaire pour les professeurs, les personnels, les associations de parents d'élèves ainsi que les élèves. En matière d'examens aussi, l'impact ne serait pas sans conséquence puisqu'un rectorat unique redéfinirait, sous l'autorité du recteur, le service du département des examens et des concours qui prend en charge leur bonne organisation.

D'autre part, si certains postes devaient être transférés à plusieurs centaines de kilomètres de distance, beaucoup de familles seraient impactées par cet éloignement.

La métropole grenobloise, deuxième pôle de recherche après l'Ile-de-France, centralise elle-même quatre pôles internationaux de recherche sur sept équipements situés en France. Les élus et les responsables universitaires de la région grenobloise font part de leur inquiétude devant la fusion annoncée.

Grenoble est une métropole à part entière avec ses pôles d'excellence et d'innovation. Ville étudiante cosmopolite, elle séduit chaque année environ 65 000 étudiants de 180 nationalités différentes. Comment peut être envisagée cette fusion sans que le positionnement de Grenoble comme ville phare pour la vie universitaire et la recherche au coeur des Alpes ne soit dégradée par l'éloignement des centres de décision ? La concertation, de plus, a gravement fait défaut.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Sujet important, qui a fait l'objet d'une étude minutieuse et d'une réelle concertation. Nous avons souhaité que l'organisation nouvelle tire les leçons de la réforme régionale, dans ses aspects positifs, mais aussi négatifs, pour ne pas reproduire les mêmes défauts. Les rapprochements régionaux ne devront pas se faire au détriment de notre volonté de proximité. Ainsi, la départementalisation des décisions dans l'Éducation nationale sera renforcée à compter de la rentrée 2019.

Nous ne supprimerons aucun rectorat, mais nous fusionnons des services - les services d'orientation, par exemple, dont les équipes pourront se déployer à Lyon comme à Clermont ou à Grenoble. Il arrivera à Grenoble ou Clermont-Ferrand d'abriter le siège d'un service régional. Notre vision est pragmatique, vous le voyez.

Sur l'enseignement supérieur, je laisserai Frédérique Vidal vous répondre. L'importance universitaire de Grenoble n'est pas et ne sera pas méconnue.

M. Didier Rambaud.  - Merci. Je prends acte que les rectorats seront maintenus et j'interrogerai votre collègue de l'enseignement supérieur.

Perspectives du Brexit

Mme Corinne Féret .  - Ma question porte sur l'inquiétude suscitée en Normandie par la perspective d'une sortie brutale, sans accord, du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Sur le plan économique, les risques sont lourds pour notre territoire. La Normandie est la région qui commerce le plus avec le Royaume-Uni - dans l'agroalimentaire, les produits chimiques ou pétroliers... Elle est son premier partenaire économique avec 2,5 milliards d'euros d'exportations, soit trois fois plus que la Bretagne, et 1,7 milliard d'euros d'importations. Certains secteurs et activités seraient particulièrement impactés par un Brexit « dur ».

S'agissant de la pêche, l'inquiétude s'ajoute aux problèmes déjà existants, en particulier pour les navires hauturiers. L'enjeu est considérable pour les pêcheurs normands, qui pourraient perdre près de la moitié de leur surface de pêche.

La Normandie est également une terre d'excellence du cheval : c'est la première région d'élevage, de formation et de recherches équines. Cette filière aurait donc tout à craindre du rétablissement de normes sanitaires britanniques obligeant à réinstaurer des contrôles vétérinaires longs et coûteux au moment du transport des chevaux.

Sans accord, les ports normands risqueraient, eux aussi, de subir de plein fouet le Brexit. La rapidité et la simplicité des démarches administratives étant essentielles pour fluidifier le trafic et garantir un modèle économique portuaire concurrentiel, le pire est en effet à craindre. À Ouistreham, dans le Calvados, on appréhende de devoir réduire le nombre de liaisons quotidiennes avec la Grande-Bretagne en raison de l'augmentation des temps de désembarquement des ferries. Et, dans tous les ports concernés, des travaux seraient nécessaires, le coût du rétablissement des contrôles sanitaires et aux frontières représentant une enveloppe de 5 à 10 millions d'euros par port.

Le maintien de la fluidité du trafic transmanche doit devenir une priorité. Il convient de permettre aux ports de faire face aux difficultés liées au Brexit et de saisir l'opportunité de récupérer les flux de marchandises irlandaises.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre, en lien avec l'Europe, pour accompagner le Calvados et la Normandie qui seront lourdement impactés ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La France et l'Union européenne sont mobilisées pour assurer un Brexit ordonné, ce qui passe par la ratification de l'accord de retrait préparé par Michel Barnier. Malheureusement, les incertitudes britanniques exigent que nous nous préparions à toutes les éventualités, y compris un Brexit sans accord : les conséquences en seraient lourdes, notamment pour la Normandie.

Comme la Commission européenne, nous souhaitons le maintien des règles actuelles en attendant l'entrée en vigueur d'un nouvel accord de pêche. Un appel à projets doté de 65 millions d'euros est ouvert pour permettre à certains ports comme Cherbourg, Caen et Dieppe de bénéficier de financements supplémentaires.

S'agissant de la filière équine et des contrôles qui s'appliqueront à l'exportation d'animaux vivants vers le Royaume-Uni, les déclarations du Gouvernement britannique se veulent rassurantes. Même en cas de Brexit sans accord, aucune nouvelle exigence ne sera introduite et le Royaume-Uni continuera de reconnaître un certain temps les documents et les certificats délivrés dans l'Union européenne. Nous chercherons à pérenniser cette situation dans le cadre de la négociation sur les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Gestion des appels d'urgence

M. Olivier Cigolotti .  - Le 7 décembre 2018, l'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont rendu public leur rapport sur les nécessaires évolutions du référentiel en matière de secours d'urgence aux personnes.

Ce rapport préconise, non pas l'organisation des plates-formes départementales 15-18 dont l'efficacité est avérée puisqu'elles fonctionnent dans 21 départements, mais dix ou douze plateformes suprarégionales correspondant peu ou prou aux zones de défense. Cette proposition réduit à néant le travail du Sénat.

Le président de la République, dans son intervention du 6 octobre 2017, insistait sur la nécessité de « mettre en place des plateformes uniques d'appels telles qu'elles existent déjà dans de nombreux départements ».

Dans le contexte de violence que connaît notre pays, les esprits sont tournés vers la protection de nos populations. Au-delà des conservatismes, il est urgent de faire évoluer les systèmes de réception des appels d'urgence des sapeurs-pompiers, des services d'aide médicale urgente (SAMU), de la police et de la gendarmerie.

Il est regrettable que le rapport IGA-IGAS ignore l'option consistant à faire du 112 l'unique numéro d'urgence en s'appuyant sur les synergies de proximité et les expériences départementales réussies.

Le Gouvernement entend-il procéder à la modernisation de l'action publique par la création de plates-formes de proximité ou supradépartementales ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Les services d'urgence connaissent un développement considérable de leur activité. En 2017, les pompiers ont reçu 18 millions d'appels et effectué près de 4 millions d'interventions au titre du secours aux personnes. Améliorer la réponse opérationnelle et la prise en charge des appels est donc nécessaire.

Après une large concertation, le ministre de l'Intérieur a annoncé un plan ambitieux de 37 mesures concernant le volontariat. Le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires suivra sa mise en oeuvre qui devrait intervenir entre 2019 et 2021. En outre, conformément au souhait du président de la République, les ministères de l'Intérieur et de la Santé travaillent sur un numéro d'appel unique. Le rapport que vous évoquez n'est qu'un élément d'éclairage sur l'interopérabilité des systèmes de gestion d'appels.

La Seine-et-Marne testera dès 2020 le nouveau système d'information unique et intégré des appels d'urgence, NexSIS 18-112, qui sera progressivement déployé dans les SDIS entre 2021 et 2025.

M. Olivier Cigolotti.  - Dans ce dossier comme dans bien d'autres, nous avons besoin de proximité. Elle est indispensable pour que les sapeurs-pompiers puissent enfin piloter leurs missions de secours d'urgence aux personnes qu'ils accomplissent dans 95 % des cas en palliant les carences de notre système de santé.

Effectifs de la police et de la gendarmerie

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Candidat à l'élection présidentielle, le président de la République promettait la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes sans préciser leur répartition. Il s'engageait à « donner à la gendarmerie toute sa place dans la mission de renseignement » reconnaissant « sa contribution désormais significative au renseignement territorial et au suivi des individus susceptibles d'être radicalisés ».

La gendarmerie protège 50 % de la population dans une zone de compétence qui couvre 95 % du territoire. Elle vient en appui de la police lors des manifestations, notamment des gilets jaunes. Elle est aussi confrontée à la gestion des flux de population et de délinquance dans de vastes espaces ruraux et des zones d'affluence saisonnière.

Or les programmations budgétaires laissent entrevoir une clé de répartition des effectifs de 25 % pour la gendarmerie et 75 % pour la police, contre 40 % et 60 % auparavant. On envisage aussi une intégration d'effectifs de la gendarmerie à la DGSI.

Qu'en est-il de ces recrutements respectifs et de la présence des gendarmes au sein de la DGSI ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La sécurité des personnes et des biens sur l'ensemble du territoire est une priorité du Gouvernement : 2 500 postes seront créés d'ici 2022 pour remettre à niveau la gendarmerie qui a souffert de la politique de réduction des effectifs menée entre 2007 et 2012 et tenir compte de l'augmentation de la population dans sa zone.

En 2018, le plafond d'emplois a atteint un niveau inédit depuis 2008, pour atteindre 100 768 personnes, contre 100 192 en 2017. Depuis deux ans, l'écart entre les emplois votés et exécutés diminue : 1 935 ETPT en 2018, contre 3 754 ETPT en 2016.

Les unités assurant les missions de sécurité publique profiteront en priorité de ce renforcement. La clé de répartition entre les forces dépend des missions de chacune, notamment en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme, de contrôle aux frontières extérieures et de lutte contre l'immigration illégale et de gestion des centres de rétention administrative ; autant d'objectifs prioritaires au même titre que la sécurité du quotidien.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le protocole conclu en 2016 pour valoriser les carrières n'est pas mis en oeuvre. Le Gouvernement doit tenir ses engagements alors que nos forces de sécurité sont fortement mobilisées.

Obligation d'emploi des personnes handicapées

M. Guillaume Chevrollier .  - La loi prévoit désormais que les contrats de sous-traitance passés par les entreprises ou collectivités aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT), aux entreprises adaptées et aux travailleurs indépendants en situation de handicap ne pourront plus être comptabilisés pour remplir leur obligation d'emploi qui est fixé, en théorie, à 6 % des effectifs.

Le Gouvernement indique que les modalités de calcul du recours à la sous-traitance seront définies dans le futur décret avec un objectif de neutralité financière. Les associations représentantes des personnes handicapées, notamment l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) craignent que la réforme fragilise le travail des 250 000 personnes en situation de handicap qui ont un accès à un travail grâce à l'accompagnement proposé par les ESAT et les entreprises adaptées.

Que leur répondez-vous ? Comment garantir la neutralité financière promise ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Merci pour votre question qui me donne l'occasion de rassurer les associations avec lesquelles nous avons de nombreux échanges.

La loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel différencie emploi direct et indirect des personnes handicapées par les entreprises. Un décret à paraître d'ici la fin mars précisera comment les entreprises pourront déduire les achats en sous-traitance auprès du secteur adapté ou protégé de leur contribution due au titre de l'OETH. Toutes les associations, dont l'Unapei, sont associées à la rédaction de ce texte.

Les discussions sont en cours pour savoir s'il faut permettre de déduire l'intégralité d'une facture de sous-traitance ou seulement la partie se rattachant à la main-d'oeuvre.

L'intention du Gouvernement est claire : valoriser le secteur adapté et protégé où nous espérons la création de 40 000 emplois de personnes handicapées d'ici 2022 avec un soutien public porté à 500 millions d'euros.

M. Guillaume Chevrollier.  - Nous serons vigilants sur la rédaction du décret. Nous souhaitons tous une société plus inclusive.

Risques liés aux terrains de sport synthétiques

M. Daniel Gremillet .  - La France compte 4 700 terrains synthétiques servant à la pratique du football et du hockey sur gazon, dont 3 000 de grande dimension. Les communes sont nombreuses à avoir investi dans ce type de revêtement. Il est trois à quatre fois plus onéreux mais son entretien est bien moindre que le gazon. Surtout, ils peuvent être utilisés 45 heures par semaine, contre 10 heures pour la pelouse.

Une enquête publiée dans So Foot, en novembre 2017, a fait état de la dangerosité des granules de caoutchouc utilisés dans la fabrication des terrains synthétiques. Issus de pneus recyclés ou d'anciens joints de machines à laver, ces granulats auraient une teneur en hydrocarbures très largement supérieure à ce qui est généralement admis pour les enfants ou encore des métaux comme le plomb et le zinc.

Les quatre ministères concernés ont commandé une étude à l'Anses, qui l'a publiée le 29 août 2018. Elle conclut à un risque peu préoccupant pour la santé humaine et à des risques potentiels pour l'environnement mais souligne des incertitudes compte tenu des limites méthodologiques et du manque de données. L'agence préconise une étude complémentaire, ce que je salue. Quand cette analyse sera-t-elle rendue ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Après la publication de l'étude de l'Anses, le Gouvernement a demandé des travaux complémentaires sur les risques que présentent les terrains synthétiques pour la santé humaine et pour l'environnement. De nouvelles données européennes et internationales devraient aussi nous être communiquées sous peu. Le groupe de travail sur les risques environnementaux liés à l'usage des granulats dans les terrains de sport devrait également rendre ses conclusions en septembre 2019. Grâce à ces travaux, dont nous ne manquerons pas de vous ternir informés, nous pourrons envisager les actions à conduire.

M. Daniel Gremillet.  - Avec les familles et les maires, nous attendons les conclusions de ces travaux avec impatience.

Déserts médicaux en Seine-Maritime

M. Didier Marie .  - Dans mon département de la Seine-Maritime, la désertification médicale est ancienne et exponentielle. À Criquetot-l'Esneval, Cany-Barville, Eu, Caudebec-en-Caux, les médecins se font de plus en plus rares.

Depuis mars 2018, l'agence régionale de santé utilise un nouvel indicateur : l'accessibilité potentielle localisée. Il ne rend pas toujours compte de la réalité des territoires : Fécamp s'est vu déclassé en zone d'action complémentaire alors que la ville a perdu trois médecins et que cinq autres partiront prochainement à la retraite.

Dans la pratique, les groupements hospitaliers de territoire se traduisent souvent par une concentration d'offre de soins sur le plus grand établissement hospitalier au détriment des plus petits. Pourriez-vous nous fournir un premier bilan de ces regroupements en Seine-Maritime ?

Quant à la télémédecine, elle ne saurait être l'alpha et l'oméga de l'offre de soins dans les déserts médicaux. Quel est son déploiement en Seine-Maritime ?

Le Gouvernement entend-il rendre publics les financements locaux et nationaux destinés à encourager l'installation des professionnels de santé ? Envisage-t-il de recourir, en plus de ces mesures incitatives, à la coercition ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le défi est grand car la baisse du nombre de médecins, qui a commencé en 2010, pourrait se poursuivre jusqu'en 2025.

Dès octobre 2017, le Gouvernement a lancé un plan d'égal accès aux soins constitué d'un panel de solutions dont chaque territoire peut se saisir pour l'adapter à sa réalité. La télémédecine est un levier, comme le stage de stage en cabinet, maisons ou centres de santé ou encore le déploiement de l'exercice coordonné sous toutes ses formes.

Un important travail méthodologique a été mené pour que les ARS puissent mieux identifier les zones carencées. Le nouveau critère d'accessibilité potentielle localisée intègre l'activité, l'âge moyen des médecins et le temps d'accès. Les ARS peuvent ajouter d'autres critères pour tenir compte des réalités locales. Elles peuvent aussi réajuster régulièrement leur zonage, c'est d'ailleurs en cours en Normandie.

Le plan se déploie sur le terrain. Le nombre d'étudiants ayant signé un contrat d'engagement de service public a augmenté de 13 % et le nombre de maisons de santé de 18 % ces neuf derniers mois. En Seine-Maritime, 16 maisons de services au public ont été ouvertes et 22 sont en projet.

La coercition à l'installation ne constitue pas une solution. Nous préférons faire confiance aux acteurs. Nous créons 4 000 postes d'assistants médicaux dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 » et déployons 400 médecins généralistes dans des territoires prioritaires en exercice partagé. Pour réussir, nous avons besoin des élus. Une solution adaptée à chaque territoire, j'en suis sûre, sera trouvée.

M. Didier Marie.  - La Seine-Maritime mérite une attention toute particulière. Dans ce territoire de 1,3 million d'habitants, le nombre de médecins ne cesse de diminuer. Espérons que, grâce à nos efforts conjugués, la situation s'améliore.

Centre psychothérapique de l'Ain

M. Patrick Chaize .  - Le 16 mars 2016, le contrôleur général des lieux de privation des libertés publiait au Journal officiel des recommandations d'urgence concernant le centre psychothérapique de l'Ain (CPA) à Bourg-en-Bresse, après y avoir constaté des violations graves des droits fondamentaux des patients hospitalisés. Par la suite, la direction de cet hôpital a dû mettre en oeuvre dans les meilleurs délais des mesures correctives portant sur le fonctionnement général des services et les pratiques observées. Un plan d'action a été engagé à moyen et long termes, conduisant à la certification du CPA par la Haute Autorité de santé en décembre 2017.

Pour autant, cet établissement, qui constitue la seule offre de soins psychiatriques du département, est confronté à de sérieuses difficultés. La démographie médicale qui est dans l'Ain, toutes spécialités confondues, l'une des plus faibles de France, touche notamment la psychiatrie. Malgré la mise en place d'un projet d'attractivité, le CPA connaît une carence importante en psychiatres et l'établissement a dû recourir à l'intérim, avec un impact négatif sur la qualité des soins. Pas moins d'onze postes de psychiatres sont vacants. Les médecins en exercice ont une lourde charge de travail. À cela s'ajoutent l'intensité des réformes menées dans l'hôpital et une forme de discordance entre les exigences multiples auxquelles les psychiatres sont soumis et les moyens dont ils disposent. En outre, la moyenne d'âge de ces médecins, 58 ans, laisse augurer des départs prochains et une détérioration des conditions de travail.

La situation n'est plus tenable et il faut au moins dix ans pour former un psychiatre. Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le CPA n'est plus le seul établissement autorisé en psychiatrie dans l'Ain, une clinique a ouvert en 2018 à Châtillon. Le rapport établi par le contrôleur général des lieux de privation des libertés en 2016 a fragilisé l'image de l'établissement, ce qui n'y facilite pas les recrutements.

L'ARS a accompagné l'établissement dans l'élaboration de son plan d'action après la visite du contrôleur général mais aussi dans les orientations de son nouveau projet médical. Ce nouveau projet médical plus ouvert sur la cité, respectueux des droits des patients, devrait progressivement attirer de nouveau de jeunes psychiatres. En attendant, un travail complémentaire est effectué au sein de l'établissement pour assurer à chaque professionnel sa juste place.

Situation statutaire des aides-soignantes

Mme Nicole Duranton .  - Seuls les auxiliaires de vie et les infirmiers libéraux peuvent intervenir auprès des personnes âgées atteintes de pathologies chroniques, de maladies neurodégénératives ou polypathologiques qui demeurent à domicile. Les premiers, débordés, refusent parfois des interventions notamment la toilette car cet acte, faiblement rémunéré, n'est pas de leur ressort à l'hôpital.

Les auxiliaires de vie, dont le rôle est l'accompagnement dans la préparation des repas, l'entretien des locaux ou les tâches logistiques, sont parfois contraints de pratiquer des soins qui vont au-delà de leurs prérogatives et de leur formation.

Les aides-soignants, dont la formation répond parfaitement à cette typologie, n'ont pas la possibilité d'exercer en libéral. Le Gouvernement le prévoit-il ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Comme l'a annoncé le président de la République lors de la présentation de « Ma santé 2022 », les référentiels d'activités, de compétences et de formation de la profession d'aide-soignant vont être actualisés, en cohérence avec les besoins de notre système de santé. L'on tiendra compte des spécificités de leur exercice auprès des personnes âgées, qu'elles soient à domicile ou en établissement. Dominique Libault, dans le cadre de la mission relative au Grand Âge et à l'autonomie, rendra prochainement un rapport qui apportera un éclairage.

Le plan « Ma santé 2022 » prévoit la création de postes d'assistants médicaux, qui seront ouverts aux aides-soignants dans des conditions à définir. Le parcours professionnel des aides-soignants sera enrichi et la prise en charge des patients améliorée.

Mme Nicole Duranton.  - Le maintien des personnes âgées, à domicile, moins coûteux que les maisons de retraite, doit être favorisé.

Nombre d'enseignants à la faculté de médecine de Lille

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La situation sanitaire dans le Pas-de-Calais est très préoccupante. La surmortalité est de 38 % par rapport à la moyenne nationale. Si aucune mesure d'urgence n'est prise, elle pourrait atteindre 46 % en 2025 sans compter que le bassin minier est le plus affecté par la mortalité liée au cancer.

Les groupements hospitaliers de territoire auraient dû apporter du mieux. Il n'en est rien : 20 et 80 postes respectivement supprimés dans les hôpitaux de Lens et de Béthune, 6 millions d'euros manquent pour la rénovation du bloc opératoire à Béthune où le service de cardiologie a été supprimé tandis que le projet d'hôpital à Lens est sans cesse revu à la baisse avec un service de pneumologie supprimé.

Le doyen de la faculté de médecine de Lille pense que, malgré la disparition du numerus clausus, il ne pourra pas former davantage de médecins faute d'enseignants. Déjà, le taux d'encadrement est y trois fois inférieur à celui de Paris, deux fois inférieur à celui de Marseille.

Nous ne demandons pas l'aumône, seulement ce qui nous est dû : un plan de rattrapage. Combien allez-vous nous accorder de postes d'enseignants ? C'est une question d'équité territoriale.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le numerus clausus a montré ses limites pour répondre aux besoins de santé, il engendre un gâchis humain considérable. Comme le président de la République l'a annoncé, il sera supprimé ainsi que la première année commune aux études de santé, Paces. L'objectif est de recruter des profils plus variés.

La suppression du redoublement en Paces allégera la charge des enseignants. La dématérialisation et la simulation en pédagogie contribuent également à revoir en profondeur les conditions d'enseignement et de vérification des connaissances et des compétences. Il ne peut être imaginé de détériorer l'encadrement apporté aux étudiants ; du reste, des postes universitaires ont été créés ces dernières années.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Vous ne m'avez pas répondu : je vous interrogeais, non sur le bien-fondé de la fin du numerus clausus, que j'approuve, mais sur le nombre de postes d'enseignants à la faculté de Lille.

Financement des Ehpad

Mme Brigitte Micouleau .  - Régulièrement, les salariés des Ehpad entrent en grève pour dénoncer leurs conditions de travail et les conditions de prise en charge de nos aînés.

Le plan 2007-2012 « Solidarité grand âge » prévoyait un encadrement porté à un soignant pour une personne âgée dans ces structures, le développement de pôles d'activités et de soins adaptés (PASA) et d'unités d'hébergement renforcé (UHR).

Les objectifs affichés sont loin d'être atteints. Selon la dernière étude de la Drees, en 2017, le ratio d'encadrement est de 0,6. Moins de 25 % des Ehpad disposent d'un PASA et moins de 3 % d'entre eux disposent d'une UHR, alors que les patients souffrant de maladies neurodégénératives représentent plus de 70 % de la population accueillie en Ehpad.

Le malaise est profond, surtout dans les établissements publics qui ont souffert de la réforme tarifaire entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Quelles mesures correctives sont envisagées ? Il y va de la qualité de vie des résidents et des conditions de travail du personnel.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La nouvelle tarification, issue de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement du 29 décembre 2015, s'appuie sur une objectivation des besoins de chaque établissement en liant l'allocation de ressources aux besoins en soins des résidents ainsi qu'à leur niveau de dépendance.

D'après l'étude réalisée par la CNSA en septembre 2017, les établissements ont vu globalement leur financement augmenter ; seuls 2,9 % d'entre eux, y ont perdu. Un mécanisme correctif a été mis en place pour maintenir les ressources financières de ces établissements pour 2018 et 2019, 70 % de ses bénéficiaires sont publics. En 2019, une enveloppe supplémentaire de 18 millions d'euros complétera les 29 millions d'euros mobilisés en 2018.

En outre, des mesures spécifiques sont prises pour les Ehpad : pour 2019-2021, les crédits supplémentaires sont estimés à 360 millions d'euros, dont 125 millions d'euros dès 2019. De plus, des crédits seront consacrés au financement des plans de prévention en Ehpad pour 30 millions d'euros, à l'amélioration de la coordination des soins pour 20 millions d'euros et à la poursuite de la généralisation de la présence d'infirmiers de nuit pour 10 millions d'euros.

Au-delà, la concertation nationale lancée en octobre 2018 débouchera sur une réforme ambitieuse pour relever le défi du grand âge et de l'autonomie.

Mme Brigitte Micouleau.  - Votre réponse ne peut satisfaire les soignants et les personnes âgées qui méritent mieux qu'un désengagement de l'État.

Remboursement des actes de biologie innovants en oncologie

Mme Véronique Guillotin .  - Le monde médical s'inquiète du remboursement des actes de biologie médicale innovants en oncologie - sujet que Mme Buzyn connaît bien.

Le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), créé en 2015, assure une prise en charge temporaire et dérogatoire des actes innovants, dont les tests oncogénétiques sanguins et les tests sur tumeur qui permettent un traitement ciblé et personnalisé. Ces deux types d'actes sont de plus en plus prescrits et leur intérêt reconnu. Or l'enveloppe dédiée au RIHN est fermée ; d'autre part, depuis 2017, les actes RIHN sont désormais partiellement remboursés au prescripteur, et non à l'effecteur des tests. Les laboratoires facturent des sommes importantes aux établissements prescripteurs, qui ne bénéficieront que d'un remboursement limité.

Les conséquences se font déjà sentir : renoncement aux tests sanguins ou sur tumeur, prescription de médicaments, coûteux et parfois inadaptés, sans que la cible sur la tumeur n'ait été recherchée. L'activité des 28 plateformes régionales labellisées par l'Institut national du cancer, qui recevaient jusqu'ici une dotation au prorata des actes effectués, est en baisse. Sachant que ces tests moléculaires sauvent des vies, le Gouvernement entend-il remédier à cette situation ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La dotation versée aux établissements de santé au titre des actes inscrits au RIHN est stable depuis 2015, à 377 millions d'euros. L'accélération des demandes de tests innovants entraîne une pression sur cette enveloppe et une tension sur le financement des actes de la liste complémentaire, le choix étant fait de privilégier les actes innovants plutôt que les actes de routine.

Nous visons une inscription à la nomenclature d'ici 2022 de l'ensemble des actes considérés par les sociétés savantes comme pertinents. L'enveloppe du RIHN sera ainsi entièrement dévolue aux actes réellement innovants afin de soutenir l'innovation en biologie.

Mme Véronique Guillotin.  - J'insiste : ces tests innovants sont très importants pour l'adaptation du traitement à la cible, ce qu'on appelle la médecine personnalisée. Le remboursement au prescripteur a nourri une véritable économie de marché autour de laboratoires privés voire de plateformes à l'étranger, avec une baisse d'activité des plateformes labellisées. Avec un coût qui atteint 2 300 euros le test, les établissements prescripteurs sont en difficulté.

Augmentation de la fiscalité des contrats de santé

M. Gilbert Roger .  - De nombreux Français ont reçu en décembre 2018 un courrier de leur mutuelle les informant que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoyait de nouveaux efforts de financement de notre système de santé, notamment dans la rémunération du médecin traitant.

Cela se traduit par une nouvelle contribution fiscale de 0,8 % du montant de la cotisation annuelle, venant s'ajouter aux cotisations dues pour 2019. Le montant de cette taxe sera reversé intégralement à l'État.

Cette augmentation de la fiscalité des contrats de santé grève le budget des Français les plus fragiles. Étant donné le contexte social, une exonération de cette taxe pourrait-elle être envisagée pour les plus modestes, et à quel niveau de salaire ou de pension ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Depuis l'avenant 8 à la convention médicale conclue fin 2012, les complémentaires participent au financement de rémunérations alternatives au paiement à l'acte, au titre du forfait médecin traitant, à hauteur de 150 millions d'euros par an.

Les organismes complémentaires se sont engagés à faire progresser cette contribution à 250 millions d'euros en 2018 et 300 millions en 2019, via une contribution dont le produit correspondait à l'engagement conventionnel. Un schéma cible de versement alternatif a été exploré mais la démarche n'a pas abouti. L'article 17 de la LFSS pour 2019 pérennise donc le dispositif et rationalise l'assiette de cette contribution, mais ne crée pas de nouvelle taxe.

Le niveau de prélèvement applicable aux complémentaires reste stable ; cette contribution n'est pas à la charge des assurés mais assujettit le chiffre d'affaires des organismes. Elle n'a donc pas vocation à peser sur les ménages.

M. Gilbert Roger.  - Près de 1 800 euros de cotisations de mutuelle par an pour une femme de 98 ans au minimum social, qui paye 2 450 euros mensuels pour son Ehpad : cet exemple montre hélas que vos services vous racontent des blagues !

Soins bucco-dentaires des personnes en situation de handicap

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - L'expérimentation lancée en 2017 par le ministère de la Santé et pilotée par le collectif santé inter-associations de la Sarthe (Cosia72) a facilité l'accès aux soins dentaires des personnes en situation de handicap. Ces dernières requièrent des soins adaptés, des praticiens formés au handicap, des locaux accessibles...

Fin 2018, près de 500 personnes ont pu en bénéficier, au centre hospitalier du Lude, à l'établissement public de santé mentale d'Allonnes, au centre hospitalier de La Ferté-Bernard ou encore au centre de l'Arche à Saint-Saturnin et je salue les chirurgiens-dentistes impliqués. L'étape suivante, le dépistage par caméra intra-orale, vise la prévention.

Or ce dispositif est aujourd'hui remis en cause faute de financement suffisant. En raison de la demande exponentielle de prise en charge, le budget est épuisé. Ce dispositif avant-gardiste mériterait d'être érigé au niveau national comme modèle d'accompagnement sanitaire des personnes en situation de handicap. Envisagez-vous de le pérenniser et de lancer l'évaluation de l'expérimentation, comme le demande la HAS ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'ARS Pays de la Loire a fait de l'accompagnement des personnes en situation de handicap une priorité, notamment dans son volet bucco-dentaire.

L'expérimentation de deux ans que vous évoquez est arrivée à échéance en décembre. Le financement public ne peut être prolongé sans évaluation scientifique ; celle-ci est en cours.

Les partenaires du projet sont invités à prendre contact avec le groupement hospitalier de territoire de la Sarthe (GHT72) pour une éventuelle pérennisation.

Par ailleurs, l'ARS a décidé de créer au sein du centre hospitalier du Mans un centre de soins dentaires avec un double enjeu pédagogique et clinique. L'ARS attribuera 2 millions d'euros à ce projet très attendu, qui doit renforcer l'attractivité du territoire pour les chirurgiens-dentistes.

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - Pourquoi ne pas prolonger un dispositif aussi utile, en attendant le bilan de l'expérimentation ? La Sarthe est fort touchée par la désertification médicale, je suivrai avec attention ces évolutions car l'attente est grande.

Transfert de la contribution climat-énergie aux collectivités locales

M. Guillaume Gontard .  - Alors que le mouvement des gilets jaunes surprenait par son ampleur, le Sénat, décidément plus en prise avec le pays que le Gouvernement, avait proposé durant l'examen du budget 2019 de flécher une partie de la contribution climat énergie (CCE) vers les territoires engagés dans la transition énergétique.

Une fiscalité ne peut être qualifiée d'écologique que si elle finance directement et intégralement la transition énergétique, pas si elle sert à renflouer les caisses de l'État !

Pour tenter d'éteindre la grogne sociale, le Gouvernement s'est contenté de suspendre la hausse de la CCE. Ce faisant, il néglige les territoires qui sont les laboratoires de l'innovation démocratique, sociale, écologique et économique.

Le 22 janvier dernier, à l'occasion des Assises européennes de la transition énergétique, le ministre de la Transition écologique et solidaire entrouvrait la porte au transfert d'une partie de la CCE aux collectivités. Qu'en est-il ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'année 2019 sera celle d'une refonte de la fiscalité locale. Plus aucun foyer fiscal, à terme, n'a vocation à payer une taxe d'habitation sur sa résidence principale. Les exonérations déjà actées, qui traduisent un engagement du président de la République, représentent un gain de pouvoir d'achat important et durable pour 80 % des foyers fiscaux.

La compensation sera assurée par une ressource compatible avec l'autonomie des collectivités territoriales, peut-être un transfert aux communes de la taxe foncière perçue par les départements et l'octroi d'une fraction d'impôt national dynamique aux EPCI. Les collectivités territoriales continueront de disposer de ressources propres. Cette refonte s'inscrira dans la démarche de débat et de concertation souhaitée par le président de la République.

M. Guillaume Gontard.  - Vous n'avez pas du tout répondu à ma question, qui portait sur le fléchage de la CCE. La transition énergétique passera par les collectivités territoriales ; il faudra pouvoir financer les innovations des territoires.

Contribution « Vie étudiante et de campus »

M. Didier Mandelli .  - La loi Orientation et de réussite des étudiants crée une contribution « Vie étudiante et de campus » (CVEC) de 90 euros par étudiant qui a remplacé la cotisation au régime étudiant de sécurité sociale, au profit des établissements et des Crous.

La loi de finances pour 2019 l'a plafonnée à 95 millions d'euros ; au-delà, les recettes contribueront à la réduction du poids de la dépense publique. Je m'étais opposé à ce plafonnement par un amendement malheureusement jugé irrecevable. Il est inacceptable de faire financer par les étudiants la réduction du poids de la dépense publique alors que le budget étudiant a besoin de ces fonds.

Face à la mobilisation du monde universitaire, le ministre de l'action et des comptes publics s'est engagé à ce que l'intégralité de ces recettes soit versée au budget étudiant. Est-ce le cas ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Il y a en effet des inquiétudes quant à la redistribution de la CVEC. Celle-ci, d'un montant de 90 euros par étudiant, est affectée exclusivement à l'accueil et l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants. Elle fait partie intégrante du plan Étudiants du Gouvernement.

Le produit final ne peut être connu dès la rentrée car beaucoup d'étudiants en sont exonérés ; certains sont remboursés après l'avoir acquittée. Le plafond de recettes prévisionnelles qui figure dans le projet de loi de finances pour 2019 tient compte de cette incertitude. Le montant de 95 millions est un montant prévisionnel, il sera réévalué courant 2019 afin de garantir que tout le produit de la CVEC bénéficie effectivement et exclusivement à la vie étudiante et de campus.

M. Didier Mandelli.  - Merci de cette réponse qui me rassure. Nous serons vigilants. Si les recettes dépassent les besoins, la cotisation devra être revue à la baisse.

Non-conformité d'un service intercommunal de cuisine centrale

M. Bernard Fournier .  - Un contrôle de la cuisine centrale de la communauté de communes des Vals d'Aix et Isable dans la Loire, effectué en novembre 2018 par la direction départementale de la protection des populations, a relevé la présence de matières premières provenant d'un établissement non agréé.

Ce service de cuisine centrale, né d'une volonté de mutualisation, apporte aux communes une réponse de proximité pour leur besoin de restauration scolaire et d'accueil de loisirs afin de proposer des menus variés, goûteux, équilibrés et de qualité aux enfants. Les fournisseurs locaux ont été accompagnés par des fonds publics afin de faciliter leur maintien sur ce territoire rural et pour privilégier un approvisionnement en circuit court. L'activité de la cuisine centrale intercommunale est en progression ces dernières années et a démontré sa pertinence.

Le relevé de non-conformité et l'application des mesures de police administrative pour ce cas spécifique sont en contradiction avec le discours de l'État sur l'adaptation des règles au contexte local. Cela nuit au développement d'activités économiques et au maintien d'emplois en zone rurale. Les élus attendent une réponse adaptée à cette situation. Quelle est la ligne du Gouvernement en la matière ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Lors de l'inspection du 8 novembre 2018, il a été constaté que la cuisine centrale de Souternon s'approvisionnait en steaks hachés auprès d'une boucherie dérogataire à l'agrément européen. Malgré un niveau global d'hygiène satisfaisant, le rapport a donc été accompagné d'un courrier d'avertissement.

Le règlement du 29 avril 2004 pose le principe d'une obligation générale d'agrément pour les établissements du secteur alimentaire qui fournissent des professionnels.

Une boucherie peut déroger à l'obligation d'agrément pour fournir d'autres commerces de détail et de manière marginale, localisée et restreinte - à l'exclusion de la viande hachée, qui ne peut être préparée à l'avance. La dérogation est accordée automatiquement, sur demande, pour la fourniture de professionnels dans un rayon de 80 km, qui peut être étendu par le préfet.

Le cadre juridique actuel paraît donc tout à fait adapté au développement des territoires ruraux et des circuits courts ; la viande hachée fait l'objet de conditions plus restrictives, pour d'évidentes raisons de sécurité sanitaire.

M. Bernard Fournier.  - Je suis déçu par la frilosité du Gouvernement.

Centre national d'études spatiales de Guyane

M. Antoine Karam .  - Le Centre national d'études spatiales (CNES) a toujours participé au développement économique et social de la Guyane. En 1966, il a ainsi participé à la création du centre médico-chirurgical de Kourou (CMCK), pour répondre aux besoins du centre spatial et de l'ensemble de la population.

En décembre 2004, le CMCK a été placé sous la responsabilité de la Croix-Rouge. Le CNES a néanmoins poursuivi son accompagnement en versant une contribution annuelle de 500 000 euros destinée aux investissements ; en 2017, ce soutien a été doublé de façon exceptionnelle.

Face à la transformation du centre médical en un établissement hospitalier public, le CNES a annoncé son désengagement du nouvel actionnariat. Le personnel de l'établissement s'est mobilisé. Ce retrait est d'autant plus regrettable qu'il amputera considérablement le potentiel d'investissement de l'hôpital.

Il fait écho à celui qui a été opéré quelques mois auparavant dans le capital de la société immobilière de Kourou (Simko), également créée en son temps pour répondre aux besoins du centre spatial guyanais.

Un rapport d'octobre 2017 sur les retombées du centre spatial pour les collectivités territoriales préconisait une augmentation de 10 millions de la contribution du CNES chaque année entre 2018 et 2020.

Si un protocole d'accord a été signé au centre hospitalier de Kourou, personnels et élus restent particulièrement attachés à l'engagement du CNES. Quel rôle le Gouvernement entend-il donner au CNES en Guyane ? Ne faudrait-il pas reconsidérer l'engagement du CNES du centre hospitalier ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le CMCK a bénéficié d'une contribution du CNES de 1 million d'euros en 2016 et de 1,5 million d'euros en 2017 pour faire face à son déficit structurel. La situation n'étant plus viable, il a été rattaché au service public hospitalier de droit commun, pour pérenniser l'établissement tout en recentrant la contribution du CNES sur ses domaines de compétences.

Le CNES contribue pour 15 % du PIB guyanais : il emploie 1 700 salariés, dont 75 % sont recrutés localement. Son activité représente au total un sixième de l'emploi salarié privé en Guyane - près de 4 600 emplois directs et indirects - et 58 millions d'euros de recettes fiscales.

Le CNES passe des conventions avec les acteurs locaux, pour 40 millions d'euros sur la période 2014-2020. Chaque année, il alloue 13 millions d'euros aux communes de Guyane pour soutenir des actions de développement.

À la suite des événements de mars-avril 2017, le CNES a augmenté sa contribution de 10 millions d'euros dans le cadre du plan Phèdre, principalement consacré à l'éducation, à la recherche et à l'enseignement supérieur. Il n'y a donc pas de désengagement du CNES, bien au contraire !

Pêche au bar et 48e parallèle

M. Michel Canevet .  - Le Finistère est un haut lieu de la pêche de plaisance. Or au nord du 48e parallèle, on ne peut pêcher qu'un bar par jour à titre de pêche de plaisance ; au sud, le quota est de trois bars. Cela crée une situation d'injustice entre Bretagne nord et Bretagne sud. Une solution avait pu être trouvée pour le dernier trimestre 2018. Pour 2019, la période de pêche est limitée du 1er avril au 31 octobre : un bar au nord du 48e, trois au sud. Ne peut-on harmoniser, sachant que les stocks se sont reconstitués ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je sais que vous êtes fin connaisseur des bars. Comme pour les autres espèces, le Gouvernement défend une gestion durable du stock.

Le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) a émis des avis scientifiques différents sur l'état des stocks de part et d'autre du 48e parallèle, d'où une règlementation plus restrictive en Bretagne nord, qui vaut tant pour la pêche professionnelle que de loisir. Cela pourrait évoluer en fonction de l'état des stocks, dans ce cas il en sera tenu compte.

La France n'a pas le droit de prendre des mesures plus souples que ce qu'imposent les règles européennes en la matière : s'il y avait harmonisation, ce serait sur les conditions les plus strictes. J'ai obtenu en décembre 2018 un assouplissement du cadre réglementaire pour la Bretagne nord, avec un bar par jour et par pêcheur entre le 1er avril et le 31 octobre, soit la période la plus fréquentée par les pêcheurs. C'est un progrès.

J'ai en outre décidé de confier à un parlementaire une mission sur la cohabitation entre pêche professionnelle et de plaisance.

M. Michel Canevet.  - Je m'en félicite et vous invite à vous rendre au Guilvinec pour vous imprégner de la situation sur place et de l'importance de ce secteur pour l'économie de la Bretagne occidentale.

Retournements de prairies

Mme Agnès Canayer .  - En Seine-Maritime, la complexité du réseau hydrographique et les nombreuses fissures favorisent l'infiltration des eaux de surface.

Le syndicat de bassin mixte de la pointe du Pays de Caux s'est doté de compétences pour prévenir les ruissellements et l'érosion. Des liens ont été noués avec les agriculteurs pour faire évoluer les pratiques et réaliser des aménagements d'hydraulique douce adaptés aux besoins. Cependant la question du retournement des prairies reste sensible.

L'arrêté du 13 novembre 2018 du ministre de l'Agriculture a supprimé l'avis consultatif préalable du syndicat de bassins versants pour le retournement des prairies permanentes, au motif que ceux-ci étaient inférieurs au seuil d'alerte du ratio national de 2,5 %.

Cette décision suscite de vives interrogations. Les acteurs réclament une stabilité du mode de calcul du ratio et une prise en compte des spécificités géologiques et agricoles du département. Un régime plus stable s'impose, pour un dialogue plus serein et une gestion concertée.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Votre question est importante pour l'avenir de notre agriculture et le captage du carbone.

En 2018, les retournements de prairies étaient, en Normandie, soumis à autorisation individuelle : ce n'est plus le cas car ce régime dérogatoire, qui intervient quand plus de 2,5 % des prairies permanentes se dégradent, a permis d'augmenter la part des prairies en Seine-Maritime - nous supprimons cette autorisation préalable pour alléger les contraintes pesant sur les agriculteurs.

La transition agroécologique est une préoccupation partagée par tous. Nous avons fait le choix de la confiance aux agriculteurs pour préserver les prairies. Mais, en cas de gestion non durable, ce régime d'autorisation serait rétabli en 2020, assorti, le cas échéant, d'obligations de reconversion.

Mme Agnès Canayer.  - Soit, mais évitons les allers et retours de réglementation qui rendent difficile la gestion des prairies et privilégions le dialogue.

Je partage toutefois votre objectif de simplification des contraintes des agriculteurs.

Fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST)

Mme Martine Berthet .  - Les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes ont imaginé un fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST) pour que les agriculteurs désirant céder leur exploitation à un jeune, bénéficient d'un accompagnement personnalisé incitatif et encadré durant les cinq années qui précèdent leur cessation d'activité effective.

Ce système repose sur des exonérations de charges de la mutualité sociale agricole (MSA), pouvant aller de 15 % à l'entrée du dispositif jusqu'à 75 % lors de la cessation d'activité. Il a été expérimenté en Savoie et pourrait être étendu à la région Auvergne-Rhône-Alpes, voire au niveau national.

Si des dispositifs existent dans de nombreux départements pour faciliter la transmission des exploitations, un tel fonds va plus loin et facilite, en particulier, l'acquisition progressive du capital. Aussi les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes souhaitent-ils lancer une dizaine d'expérimentations FAST dans chacun des départements des Alpes du nord, secteur où la transmission est particulièrement difficile. La MSA a débloqué une enveloppe suffisante pour les mettre en place. Il ne leur manque que l'obtention de l'accord du Gouvernement.

Plus que le monde agricole, c'est toute l'économie rurale qui s'en trouvera dynamisée, l'arrivée de jeunes agriculteurs, par le renouvellement des activités, ayant un réel impact sur le commerce local, les entreprises et plus globalement les emplois.

La moitié au moins des agriculteurs d'aujourd'hui seront à la retraite dans dix ans. Il est donc urgent de les inciter à transmettre leur exploitation à des plus jeunes.

Comment le Gouvernement entend-il soutenir ce projet indispensable pour l'agriculture des Alpes du nord et plus largement pour l'ensemble de l'agriculture française ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Avec la transmission, nous parlons de l'avenir de notre agriculture tout entière. Le FAST, imaginé par les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes, est intéressant mais les crédits d'action sanitaire sont destinés aux seuls agriculteurs en difficulté, et l'aide ainsi allouée aurait le caractère d'aide d'État au sens du droit européen et ainsi soumis à la règle de minimis...

Le soutien à la transmission des exploitations est l'un des objectifs du programme d'action décliné dans les régions, dit AITA, rénové en 2016, qui représente 13,5 millions d'euros par an issus de la taxe dite JA.

Le CNIT rendra un avis sur les actions mises en oeuvre à la fin de l'année.

Mme Martine Berthet.  - Les jeunes agriculteurs comptent sur vous, monsieur le ministre. Il est primordial que la transmission des exploitations soit facilitée.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.