Collectivité européenne d'Alsace (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace, en procédure accélérée.

Discussion générale (Suite)

M. Jean Louis Masson .  - Les débats sont instructifs. J'ai expliqué que pour beaucoup d'élus régionaux, le Grand Est est un fromage où chacun fait son trou. On nous dit en conséquence que tout va bien, qu'il ne faut surtout pas créer une région Alsace de plein exercice. Je ne suis pas surpris. Chacun voit son intérêt politique ou matériel.

Le président de la région a complètement retourné sa veste ! Heureusement pour lui qu'il n'y a pas de nationalité alsacienne : il en serait déchu pour haute trahison. Il a dit partout qu'il fallait se battre à la mort pour la région Alsace, qu'il fallait signer la pétition, et une fois président de la nouvelle région Grand Est, il dit le contraire !

L'honnêteté en politique, ce n'est pas cela. Il faudra des clarifications politiques, chez les élus alsaciens comme ceux du reste de la région qui souffrent de cette aberration.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Jean Louis Masson.  - Il n'y a aucune proximité. Changeons de braquet.

M. Claude Kern .  - Pour bien comprendre la raison d'être du texte, il faut revenir au péché originel : la carte des régions issue de la loi du 16 janvier 2015 après des débats enflammés et un dernier mot de l'Assemblée nationale.

Le Sénat, en décembre 2014, avait adopté une carte préservant la région Alsace. S'il avait été écouté, nous n'en serions pas à la Collectivité européenne d'Alsace.

On nous avait promis que la nouvelle région Grand Est ferait faire 10 milliards d'euros d'économies, voire, pour certains, 55 milliards d'euros. Nous les attendons toujours. Dans certaines régions, les dépenses ont même augmenté. Je ne suis toujours pas à l'aise avec cette région Grand Est trop vaste et dépourvue d'affectio societatis.

Le désir d'Alsace, que ressentent 84 % des Alsaciens, évoqué par la ministre, aurait pu prendre d'autres formes que la Collectivité européenne d'Alsace, sorte de fiction améliorée de département ; j'aurais préféré une collectivité à statut particulier.

Cependant, le compromis du 29 octobre est tout de même satisfaisant. Je soutiens donc ce projet de loi, malgré mes réserves sur le texte initial considérablement amélioré par notre rapporteure. Sans être alsacienne, elle a su en saisir les enjeux et faire preuve de pragmatisme.

Le nouvel article 2 bis prévoit que la Collectivité européenne d'Alsace peut se voir déléguer par la région les aides aux entreprises ; d'autres départements pourraient bénéficier d'un tel transfert, à titre expérimental ; c'est la deuxième fois que le Sénat rectifie une orientation néfaste de la loi NOTRe, qui a réduit à peau de chagrin les compétences économiques des départements.

L'article 3 attribue la police de la circulation sur les autoroutes non concédées au président de la collectivité.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Merci !

M. Claude Kern.  - Je me félicite que la rapporteure ait donné un avis favorable à mon amendement sur l'article 8.

J'en viens au plus sensible : l'intitulé de la nouvelle collectivité : Collectivité européenne d'Alsace, qui figure dans la déclaration du 27 octobre 2018, et dans le décret du 27 février qui fusionne les deux conseils départementaux, non les deux départements. Comment défendre un autre intitulé pour un Alsacien ?

Le groupe socialiste a déposé un amendement créant un département d'Alsace, malheureusement adopté. Je soutiendrai les amendements rétablissant l'intitulé de Collectivité européenne d'Alsace, même si je crois que toutes les collectivités territoriales ont une mission européenne.

À cette exception, le texte a été enrichi sans remettre en cause les équilibres du texte initial. Je le voterai donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Catherine Troendlé .  - C'est la chronique d'une mort annoncée. Nous ne voulons pas d'un département d'Alsace, qui ne réponde pas au désir d'Alsace exprimé par les Alsaciens.

La Collectivité européenne d'Alsace doit être dotée de compétences supra-départementales dans le transfrontalier, le tourisme, le bilinguisme et la mobilité : c'est l'acte I, conclu le 29 octobre. Acte II : les décrets et votes des départements. Nous voici, mes chers collègues, réunis pour écrire l'acte III : transposer ces compétences élargies à d'autres territoires. Cet évènement historique pourrait se terminer par un drame comme par un espoir. Des milliers d'Alsaciens ont exprimé un désir qui appelle une réponse institutionnelle.

Merci à la rapporteure de son écoute, et d'avoir repris à son compte certains de mes amendements. J'en proposerai un conférant à la Collectivité européenne d'Alsace la mise en oeuvre du schéma de coopération transfrontalière.

Il faut aussi lutter contre le déport routier, compenser les investissements dans les voies routières confiées à la collectivité, prendre en charge le surcoût des opérations inscrites au contrat de plan 2015-2020 et qui seront transférées. La création d'une collectivité territoriale unique, originale, ne fusionne toutefois pas les entités administratives. Je présenterai donc un amendement pérennisant la préfecture du Haut-Rhin en tant que chef-lieu de la nouvelle collectivité.

Ce texte, après tant d'attentes déçues, doit être ambitieux. Contribuons-y ensemble. (M. Philippe Bas, président de la commission, applaudit ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains également)

M. Guy-Dominique Kennel .  - En 2013, nous proposions une vraie région Alsace avec des conseillers territoriaux pour élus. Cela eût été la meilleure solution. Mais le référendum ne l'a pas validé - échec douloureux - et le 1er janvier 2016, la région Grand-Est fut créée.

En janvier 2018, le Gouvernement confiait une réflexion au préfet de région, Jean-Luc Marx, sur l'avenir du territoire. Celui-ci constatait que le désir d'Alsace dépassait le plan institutionnel, et préconisait l'attribution de compétences nouvelles à la future collectivité.

Madame la ministre, vos déplacements en Alsace, les nombreuses réunions organisées et vos déclarations ont entretenu un espoir qui cédait au doute le 29 octobre 2018, avec une déclaration légère, voire transparente. Doute aussi sur votre volonté d'aller plus loin.

Aujourd'hui, avec ce texte, le doute a disparu et c'est la déception qui s'installe. Déception sur la Collectivité « européenne », la notion de chef de filât sur la politique transnationale, sans vraie capacité à décider et un transfert de compétences qui n'est en fait qu'un transfert de charges, sans doute 50 millions d'euros sur les autoroutes non concédées.

Déception aussi sur les quatre domaines où s'exerceront les compétences de la collectivité, le tourisme, le sport et le bilinguisme.

Déception, enfin, sur le choix des ordonnances alors que de nombreuses mesures pourraient être précisées dans la loi.

L'Alsace ne souhaite pas se singulariser, mais être une terre d'expérimentation au profit de tous. Se sentir Corse, Savoyard, Berrichon ou Alsacien, c'est avant tout se sentir français.

Madame la ministre, l'Alsace vaut mieux, la France vaut plus ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Bigot .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) L'Alsace, elle aussi, est riche de sa diversité : il y a même des socialistes ! Essayons de trouver un point d'accroche dans ce débat.

L'Alsace est une vallée rhénane de 2 millions sur un territoire restreint. Le désir d'Alsace est logique ; mais rappelons que le Haut-Rhin a voté contre le regroupement avec le Bas-Rhin ; que la rivalité entre Colmar et Mulhouse a vite émergé.

En adoptant la loi NOTRe, nous n'avons pas prévu une seule agence régionale de santé, un seul rectorat dans la région Grand Est. Richard Ferrand veut une loi des territoires ; mais il faut surtout de la proximité dans les décisions. Nos concitoyens le réclament.

Je suis pour une collectivité regroupant les deux départements. Mais ne l'appelons pas Collectivité européenne d'Alsace : la rapporteure elle-même a reconnu que ce n'était rien de plus qu'un nouveau département. Reconnaissons-le. Certains Alsaciens, Guy-Dominique Kennel le rappelait, souhaiteraient une collectivité territoriale à statut particulier. Là, nous risquons d'entretenir une confusion ou une incompréhension. On pourrait imaginer une « collectivité européenne » si, au sortir de ce débat, l'Alsace avait une vraie compétence transfrontalière, en organisant par exemple des échanges d'enseignants avec les Länder, des collaborations hospitalières. C'est ce que je proposerai dans des amendements.

Faisons ensemble ce débat sur la décentralisation, plutôt que de nous battre sur un nom qui va tromper les Alsaciens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. André Reichardt .  - La Collectivité européenne d'Alsace est une mauvaise réponse à une bonne question. Les Alsaciens n'ont jamais demandé la Collectivité européenne d'Alsace issue de l'accord de Matignon mais - à plus de 83 % selon un sondage - une collectivité territoriale disposant des pouvoirs de l'ancienne région d'Alsace, et pour les deux tiers la sortie de la région Grand Est. Comme tous les Français, ils n'ont pas accepté le découpage absurde et arbitraire issu de la loi NOTRe. Ils souhaitent le retour à une collectivité territoriale qui a un sens, par un nouvel acte de décentralisation.

Hormis la gestion des autoroutes non concédées, aucune nouvelle compétence n'est transférée à cette nouvelle entité.

Ce texte divise dans la région Grand Est. Il ne satisfera personne. Pire, il pose des difficultés juridiques soulignées par le Conseil d'État. Améliorons le texte en faisant de la Collectivité européenne d'Alsace une collectivité territoriale à statut particulier au sens de l'article 72 de la Constitution. Ce serait un signe fort du Sénat. La chambre des territoires est-elle prête à saisir cette occasion ?

M. François Grosdidier .  - Ce projet de loi est effectivement une mauvaise réponse au désir d'Alsace. D'autres désirs sont aussi légitimes. Le conseiller territorial respectait la subsidiarité et assurait la proximité. Son abolition a conduit le Gouvernement socialiste à créer d'immenses régions. L'actuel Gouvernement les a hélas maintenues.

Les élus, accaparés par la réforme des structures, n'ont plus le temps pour leur mission de proximité, pour répondre tout simplement aux demandes de leurs mandants.

Les autres régions européennes ne sont pas forcément immenses - voyez le land de Sarre qui compte moins d'habitants que la Moselle mais dont le budget par habitant est dix fois supérieur à celui de la Moselle et de la région réunies... L'État ne parvient pas à assumer correctement ses missions régaliennes, l'armée, la justice, la police par exemple, mais il ne lâche pas prise, y compris sur ses compétences décentralisées ! Une commune ou un EPCI ne peuvent plus éditer un PLU sans qu'un fonctionnaire de la DDE vienne lui expliquer comment le zoner. Les départements deviennent des agents d'exécution de la technostructure pour les politiques sociales - et même chose pour la formation ou d'autres politiques publiques.

Ces problématiques n'ont pu échapper à la commission des lois, qui semble ouverte à accorder plus de libertés à d'autres territoires que la seule Alsace.

Renvoi en commission

Mme la présidente.  - Motion n°2, présentée par M. Grosdidier.

En l'application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (n° 413, 2018-2019).

M. François Grosdidier .  - J'ai déjà souligné les faiblesses de ce texte. Au-delà de la question juridique et institutionnelle, le fait de réserver certaines prérogatives à l'Alsace va créer des frustrations. Les grandes régions ont été découpées en dépit du bon sens. Hélas, le texte, qui ne porte que sur l'Alsace, est difficilement amendable, sauf à l'étendre aux autres départements. La question du périmètre et des compétences des grandes régions ne devrait pas être taboue. Elle mériterait un autre projet de loi, pas d'être traitée ce soir par voie d'amendements.

Mme Muriel Jourda .  - Dans l'exposé de la motion, notre collègue fait état d'une injustice en ce que d'autres départements, comme la Moselle, ne bénéficieraient pas des mêmes avantages. Si l'Alsace et la Moselle partagent le régime concordataire, on voit mal le rapport avec les compétences transférées dans ce texte - et il faut voir que les départements et la Moselle sont loin d'être identiques. Il y a des particularités alsaciennes, nées de l'histoire, mais aussi une situation bien particulière - par exemple pour le transport routier.

La fusion des deux départements est acquise. Les présidents des deux conseils départementaux et de la région l'ont acceptée. Le décret est publié. Nous avons maintenant à discuter des compétences, de la migration du personnel et des moyens. Un renvoi en commission n'aurait nul sens. Le Sénat doit exercer son rôle qui est de traiter des difficultés des collectivités - voter la motion, ce serait refuser que nous jouions notre rôle. (M. Philippe Bas, président de la commission, le confirme.)

Mis devant le fait accompli, nous devons considérer ce projet de loi comme une réponse ad hoc au désir d'Alsace.

Pour autant, la question d'un élargissement de la décentralisation demeure légitime, même si le temps n'est pas venu.

Les solutions proposées par le projet de loi ne sont pas idéales mais elles sont un premier pas vers les Alsaciens.

Je vous invite à ne pas adopter la motion.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Merci de cette invitation.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Ce texte est un premier pas, un compromis. Nous devons en discuter, pas le renvoyer en bloc. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ; Mmes Patricia Schillinger et Véronique Guillotin applaudissent également.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - De nombreux sénateurs ont salué le travail de la commission des lois sur ce texte. Il est donc inutile de l'y renvoyer.

La motion n°2 n'est pas adoptée.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

L'amendement n°44 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi n'entre en vigueur qu'après que les pouvoirs publics ont organisé une consultation des électeurs du département d'Alsace. Cette consultation, dans une logique de référendum local, a pour objet de demander aux Alsaciens s'ils souhaitent le rétablissement d'une région Alsace de plein exercice.

M. André Reichardt.  - Le Conseil d'État a dit que la Collectivité européenne d'Alsace était un département créé par fusion de deux départements. Nous souhaitons une consultation des Alsaciens sur le rétablissement d'une région de plein exercice.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann.

 Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, une consultation dans une logique de référendum est organisée dans le ressort territorial du département d'Alsace. Son objet est de permettre aux électeurs concernés de dire s'ils souhaitent que le territoire de cette collectivité sorte de la région Grand Est à compter du 1er janvier 2021.

M. André Reichardt.  - Nous proposons d'organiser une consultation dans le ressort territorial du département d'Alsace, pour que les électeurs disent s'ils souhaitent une sortie de la région Grand Est à compter du 1er janvier 2021.

Mme la présidente.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann.

 Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une consultation est organisée dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi afin que les électeurs inscrits sur les listes électorales du département d'Alsace donnent leur avis sur le rétablissement de l'Alsace en tant que région de plein exercice avec corrélativement sa sortie de la région Grand Est.

M. André Reichardt.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Défavorable aux trois amendements. Ne redécoupons pas les nouvelles régions, alors qu'elles ne sont pas stabilisées.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable sur les trois amendements.

M. Pascal Savoldelli.  - Avec ces amendements, vous nous demandez de refaire le référendum de 2013 (Les auteurs des amendements le contestent.). Nous souhaitions le respect du résultat d'alors, alors que certains le contestaient en soulignant la faible participation - avouez que c'est assez rare qu'un élu retourne à une élection en disant qu'il a été élu par trop peu de votants... Nous voulions que le vote soit respecté, et nous voulons encore que le peuple soit consulté - alors nous voterons ces amendements.

M. Jean Louis Masson.  - Monsieur Savoldelli, en 2013, la consultation portait sur la fusion des deux départements, ce n'est pas la même chose ici !

Il y a évidemment un désir d'Alsace, ce projet de loi y répond de manière très modeste. On peut le voter, mais rien n'empêche de permettre, en plus, aux Alsaciens de s'exprimer par référendum. En fait, parmi ceux qui veulent faire ce petit pas que le Gouvernement propose, il y a les gens honnêtes, qui acceptent la consultation des Alsaciens - et il y a ceux qui la refusent, parce qu'en fait, ils veulent surtout en rester à ce tout petit pas et ils ne le disent pas ! Alors je le dis directement : n'étouffons pas le débat et consultons les Alsaciens !

M. André Reichardt.  - Monsieur Savoldelli, nous ne voulons pas refaire le référendum de 2013 car il s'agissait alors de fusionner les départements en créant un conseil d'Alsace. Ce n'est pas ce que nous proposons ici - où nous leur demandons s'ils veulent retrouver leur région d'Alsace. (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

M. René-Paul Savary.  - On pourrait être tenté de voter l'amendement n°30 rectifié. Cette région Grand Est a été constituée contre beaucoup d'habitants. J'ai dit à l'époque de la loi NOTRe, qu'une grande métropole européenne n'avait pas besoin d'une grande région, qu'elle était attractive même si le territoire régional était peu étendu. C'est le cas de Strasbourg, raison pour laquelle je n'étais pas favorable à la création de la région Grand Est. En Alsace, il y a 220 habitants par km2, 100 en Champagne-Ardenne et en Lorraine. Ces deux anciennes régions ont un PIB très inférieur à celui de l'Alsace et un taux de chômage très supérieur. J'habite à 100 km de Paris, mais ma capitale régionale est Strasbourg. Je ne voterai pas cet amendement : pourquoi seuls les Alsaciens donneraient leur avis - mais pas les Champardennais ni les Lorrains ?

L'amendement n°30 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis partisan d'un référendum dans toutes les régions pour revenir aux anciennes régions. Ce fut une gigantesque erreur ! Nos concitoyens le savent : ils ne connaissent pas leurs conseillers régionaux, ni ce qu'ils font...

Mon amendement n°6 rectifié bis prévoit l'organisation d'un référendum. C'est important pour l'Alsace car ce texte les concerne au premier chef.

L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Jean Louis Masson.  - Je constate que bien peu de collègues veulent l'expression du suffrage universel...

Mme Catherine Troendlé.  - Ça n'a rien à voir !

M. Jean Louis Masson.  - Les gilets jaunes ont raison : si on permettait les RIC, le Parlement n'étoufferait pas ainsi l'expression de la démocratie.

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jean Louis Masson .  - (Exclamations ironiques à droite) On a le droit de s'exprimer ! Cet article est emblématique de ce que sera la position du Sénat sur le texte. Je ne me fais pas trop d'illusion : le vote sur celui-ci déterminera le vote sur les autres.

Un rappel cependant. Au début, on a dit que l'État et la région Grand Est transféreraient des compétences à la pseudo-collectivité d'Alsace. Mais le Grand Est n'a rien voulu transférer ! Le grand département d'Alsace restera sous tutelle de la région. Je ne cautionnerai pas cet étouffement de l'Alsace, contre lequel la population se bat courageusement.

Le Grand Est est une chienlit, un désastre pour les départements qui la composent. Je ne voterai pas cet article.

M. Max Brisson .  - Avec Frédérique Espagnac, nous sommes élus d'un département bien éloigné de l'Alsace.

Il y a quatre ans, 5 000 personnes défilaient à Bayonne pour une collectivité à statut particulier. À la place, nous avons eu la communauté d'agglomération du Pays basque, avec ses 158 communes et 238 délégués.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Qui ne marche pas !

M. Max Brisson.  - Un statut de droit commun non dérogatoire, inadapté à une situation particulière du fait de sa langue, de sa culture et de son caractère transfrontalier.

La création d'un département unique d'Alsace est nécessaire face à une refonte de la carte régionale qui l'a balayée d'un trait de plume. Mais sans compétences nouvelles, c'est un trompe-l'oeil.

L'amendement n°44, qui prévoyait une vraie collectivité à statut particulier, avait mes faveurs. À défaut, donnons de vraies compétences à la Collectivité européenne d'Alsace en matière d'éducation, de politique linguistique, de culture et de gestion transfrontalière - sans cela, nous allons provoquer bien des désillusions. Le Sénat est la chambre des territoires ; ils ont besoin de liberté et, pour certains, d'un statut particulier qui n'altère en rien leur intégration dans la collectivité nationale. (MM. André Reichardt, René Danesi et Mme Frédérique Espagnac applaudissent.)

M. André Reichardt .  - Cet article avait à mes yeux peu d'intérêt. Il se contente de faire référence, pour le bilinguisme, à une convention quadripartite déjà signée. Heureusement, la commission des lois lui a donné quelque contenu en prévoyant notamment des échanges d'enseignants avec les Länder voisins ou des classes bilingues.

Allons plus loin en créant une collectivité à statut particulier, au sens de l'article 72 de la Constitution et en transférant de nouvelles compétences.

Je ne comprends pas que trois de mes amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l'article 40, alors qu'ils avaient précédemment été examinés en commission des lois... C'est une limitation inacceptable du droit d'initiative parlementaire, la jurisprudence de la commission des finances sur l'article 40 doit être révisée.

M. René Danesi .  - La plupart des régions frontalières de notre pays ont une histoire douloureuse. Celle de l'Alsace éclaire son particularisme et son attachement à l'Europe. Après le désastre de 1870, l'Alsace-Moselle est cédée à l'Empire allemand. En réaction à la germanisation, elle développait un désir d'autonomie. Après 1918 et le retour à la France, elle a résisté au centralisme jacobin. L'annexion par l'Allemagne nazie en 1940 et l'incorporation de force dans l'armée allemande - 42 000 Alsaciens morts et disparus sous cet uniforme - explique l'adhésion de l'Alsace à l'idée européenne, jugée seule à même d'éviter une nouvelle tragédie. Pierre Pflimlin a obtenu que le Parlement européen soit installé à Strasbourg, symbole de la réconciliation. C'est cet ancrage européen de l'Alsace qui a sauvé le référendum de 1992.

Concrètement, 25 500 Alsaciens travaillent quotidiennement en Allemagne, plus de 32 000 en Suisse alémanique. La coopération transfrontalière est ancienne et intense. Notre langue régionale s'exprime par écrit en allemand standard, en oral par des dialectes. Le mot « Européenne » dans l'intitulé de la collectivité n'est pas une incantation mais une réalité vécue et même une nécessité.

Mme Fabienne Keller .  - Merci, chers collègues non Alsaciens, de votre participation à ce débat. Merci, madame la ministre, de vos visites de terrain, du temps consacré à ce dossier et de l'écoute accordée aux élus.

M. Pascal Savoldelli.  - Est-ce la sénatrice ou la candidate qui parle ?

Mme Fabienne Keller.  - Le travail mené par les deux collectivités a abouti, le 29 octobre, à un accord signé à Matignon entre les présidents des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, le président de la région Grand Est et le Premier ministre, en présence des parlementaires des deux départements. Un projet cousu main, avez-vous dit.

Je salue notre rapporteur qui, venue du Havre, s'est passionnée pour la question.

Les quatre compétences transférées sont un socle qui pourra être conforté ultérieurement. Ce texte est un exemple de ce que pourrait être la différenciation. Il revient au Sénat, chambre des territoires, d'être le facilitateur de ce premier pas, de donner un signe en permettant aux collectivités de choisir leur avenir.

M. Daniel Gremillet .  - Lors du redécoupage des régions en 2015, les populations de Champagne-Ardenne, de Lorraine et d'Alsace n'ont pas été écoutées. La seule région où le débat a été confisqué et le choix de la capitale a été imposé d'en haut, c'est le Grand Est !

M. Jackie Pierre.  - Exact !

M. Daniel Gremillet.  - Ce débat ne concerne pas que l'Alsace. Il s'agit de la France, une et indivisible.

Trois ans après le redécoupage des régions, faisons attention : la marge de manoeuvre est très étroite. Les Alsaciens ont soif d'Alsace, certes, mais les huit autres départements doivent eux aussi être respectés dans leurs aspirations. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)

M. Pascal Savoldelli .  - « Les vérités sont malades, les mensonges le sont aussi. » Madame la ministre, vous n'honorez pas le Parlement. Désir d'Alsace, particularisme, identité : très bien. Mais si tout a été réglé à Matignon, à quoi sert le Parlement ? Pourquoi y passer des heures ?

Selon un communiqué du Conseil des ministres, ces dispositions préfigurent le principe de différenciation des compétences des collectivités territoriales proposé par le Gouvernement dans le cadre de la révision constitutionnelle. Il ne s'agit pas de désir d'Alsace ! Vous nous manipulez avec cette affaire. Vous paralysez le Parlement au moment où l'Assemblée nationale débat du grand débat. (M. Laurent Duplomb approuve.)

Que se passe-t-il à Matignon ? Prépare-t-on les municipales ? Négocie-t-on des places, des villes ? Et l'on prétend se soucier du débat citoyen, du Parlement ? (Mouvements divers) Vous nous trompez sur la sincérité du projet de loi ! Vous faites passer la révision de la Constitution avant même que le Parlement n'en parle, avant même le retour sur le grand débat. Vous êtes dans le mensonge, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Jacquin .  - Merci à nos amis alsaciens d'avoir attiré l'attention du Gouvernement sur les spécificités des territoires transfrontaliers. Avec des mobilités augmentées, des frontières plus perméables, les échanges s'intensifient. La Lorraine est frontalière de la Belgique, de l'Allemagne, du Luxembourg. Pourquoi pas un schéma de coopération transfrontalière pour elle également ? Ou pour tout le Grand Est ?

Pour la Meurthe-et-Moselle, le voisinage du Luxembourg est une chance mais aussi une difficulté. Le précédent Gouvernement avait d'ailleurs envisagé une zone franche fiscale. Depuis deux ans, on nous promet une réflexion sur le co-développement, on nous fait attendre. La décentralisation est une exigence. C'est pourquoi je proposerai un élargissement de la coopération transfrontalière à notre département.

M. Jean-Marc Todeschini .  - Ce projet de loi ne satisfait personne : ni les Alsaciens, divisés, ni les autres départements du Grand Est. Ce n'est pas ceux qui crient le plus fort qui doivent davantage être écoutés, même si je comprends le désir d'Alsace. Les autres territoires que l'Alsace ne sauraient être méprisés.

Votre projet de loi, madame la ministre, est de la poudre de perlimpinpin ! Nous n'acceptons pas de faire éclater la région Grand Est, d'ailleurs présidée par un Alsacien qui a succédé à un Alsacien.

Il y a d'autres départements frontaliers dans le Grand Est qui ont les mêmes problématiques que l'Alsace, à commencer par la Moselle ! Tous doivent être traités pareillement.

Ce projet de loi habilite à prendre par ordonnance les dispositions permettant à la Collectivité européenne d'Alsace d'instaurer une taxe sur le transport routier. Madame la ministre, ce sera une catastrophe pour les quatre départements lorrains ! On ne peut déjà plus circuler entre Nancy, Metz et Luxembourg le matin et le soir. L'A31 sera saturée. Je vous invite à étendre le champ de cette ordonnance aux quatre départements lorrains.

M. Mathieu Darnaud .  - Sur la forme, la démarche me gêne. J'entends le désir d'Alsace. Nous sommes tous d'accord pour éviter de reproduire les erreurs de la loi NOTRe, que nous cherchons régulièrement à ajuster.

On ne peut poser la question d'une collectivité alsacienne à statut particulier sans étendre le débat à notre architecture institutionnelle. Ne séparons pas les sujets ! Ils méritent une approche globale. Sinon, nous nourrirons les mêmes regrets que pour la loi NOTRe ou la fusion des régions. Les élus nous demandent de légiférer avec bon sens, et je regrette que nous passions à côté de l'exercice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Josiane Costes applaudit également.)

Mme Frédérique Espagnac .  - Max Brisson a évoqué le Pays basque, qui a revendiqué la collectivité à statut particulier. Nous débattons, ce soir, de l'évolution institutionnelle de notre pays, de la décentralisation que réclament nos concitoyens, au-delà des revendications des gilets jaunes. J'ai confiance en la ministre pour échanger avec nous.

Un territoire transfrontalier a des spécificités. Ainsi, il est logique de se faire soigner dans un hôpital en Espagne si c'est le plus proche.

Donnons toute leur place aux cultures, aux traditions qui font la richesse de notre pays. Nous avons négocié des expérimentations linguistiques pour des enfants à l'école publique, qui risquent d'être remises en cause.

Mme la présidente.  - Concluez.

Mme Frédérique Espagnac.  - Ce débat doit concerner tout le territoire.

M. Jacques Bigot .  - La déclaration commune de Matignon a été signée par le Premier ministre, le ministre de l'Éducation nationale, le ministre des Transports et vous-même, madame la ministre, mais pas par le ministre des Affaires européennes, en campagne pour les élections européennes. Or la question transfrontalière est centrale ! Direz-vous, madame la ministre, quel contenu le Gouvernement compte donner à ce sujet ? L'ARS Grand Est applique de manière restrictive l'accord de coopération entre la France et l'Allemagne. Et comment, sans tenir compte des besoins spécifiques, améliorer les corrélations en matière de travail, de Land à région ? Au-delà du désir d'Alsace, à la veille des élections européennes, il faut un désir d'Europe ! C'est vrai pour le Nord-Pas-de-Calais, le Pays basque, les territoires limitrophes de l'Italie. Sur les sujets transfrontaliers, le Gouvernement est absent. Ce n'est pas une oligarchie technocratique centralisée qui nous fera avancer. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Il ne s'agit pas d'une question locale mais nationale : comment concilier République unitaire et particularités locales ? (MLaurent Duplomb approuve.)

Nos ancêtres y étaient parvenus mais leur oeuvre a été massacrée par les charcutages, les découpages vides de sens qui ont détruit cet équilibre.

MM. André Reichardt et Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Depuis dix ans, les évolutions de périmètre et de compétence nous accablent. Ne nous contentons pas de fausses solutions comme celle que propose ce texte, de lois imbéciles présentées comme un moindre mal... Je rappelle que seuls 43 sénateurs ont, à l'époque, refusé de voter la loi NOTRe. (M. Loïc Hervé rappelle qu'il en était.) Nous ne voulons pas de ces soins palliatifs qui n'aboutiront qu'à un monstre de complexité.

M. Jean-François Husson .  - Comme l'a dit M. Darnaud, nous ne sommes pas au niveau des enjeux. Le Gouvernement, privé de vision, avance à tâtons. D'autres territoires que l'Alsace sont européens ! Le Gouvernement prend la responsabilité de démembrer une région déjà bancale, créée sur un coin de table par le précédent gouvernement.

Depuis le 15 novembre, les gilets jaunes expriment leur colère mais celle née de la loi NOTRe est plus ancienne. Or le Gouvernement y répond en faisant des propositions ponctuelles au fil des demandes, sans rien remettre en cause au fond. Il ne faut pas éloigner les Français et les territoires. L'État devrait être visionnaire, stratège, garantir le respect des libertés et l'équité entre territoires. Mais le Gouvernement n'est pas au rendez-vous. Vous faites fausse route. Prenez le temps, avec le Parlement et les élus, de poser les choses sereinement !

M. Marc Laménie .  - Ce débat est important et suscite des réactions légitimes. J'ai le plus grand respect pour le travail de la commission des lois, mais le grand débat favorise l'amalgame sur beaucoup de sujets. Dans les Ardennes, nous avons défendu la création de la région Grand Est. Chaque département possède ses particularités géographiques, culturelles, historiques, son identité. Reconnaissons qu'avec les grandes régions, il est parfois difficile de s'y retrouver. L'essentiel, c'est la confiance.

La séance est suspendue pour quelques instants.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Supprimer cet article.

M. Jean Louis Masson.  - M. Collombat a rappelé à juste titre que tout le monde a voté cette loi NOTRe dont on se plaint tant. Nous n'étions que 49 sur 348 à voter contre !

La quasi-totalité des intervenants se disent hostiles à la fusion autoritaire des régions qui a été imposée par la loi. Nous avons ici l'occasion de réparer cette erreur - mais personne ne le veut ! C'est le double langage perpétuel ! Si l'on est partisan de la fusion autoritaire des régions, il ne faut pas ensuite venir s'en plaindre.

Je soutiens la proposition de notre collègue Collombat qui respecte l'identité des collectivités et donne satisfaction à tous. Mieux vaut revenir sur cette loi imbécile que de proposer de misérables bricolages !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°139, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli.  - Nous n'avons aucune garantie d'égalité entre territoires avec ce texte qui ouvre la porte à la révision constitutionnelle. Disons la vérité ! Ayons un débat respectueux et argumenté sur la révision constitutionnelle !

On nous dit que tout est réglé, que tout le monde est d'accord... Mais voyez l'étendue de l'habilitation des articles 9 et 10 ! Où est la confiance ? L'aspiration majoritaire des Alsaciens ? N'aurait-il pas fallu tirer une fois pour toutes les enseignements de la loi NOTRe au lieu de se renvoyer perpétuellement la balle ?

Élu départemental en Île-de-France, j'estime qu'il aurait mieux valu redonner la compétence générale aux deux départements alsaciens. Supprimons cet article qui empiète sur la révision constitutionnelle !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article premier constitue le coeur du projet de loi ; il prend en compte la spécificité alsacienne.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il a présenté un projet de loi à la demande des Alsaciens et à la suite du rapport du préfet de région.

La Collectivité européenne d'Alsace est créée à droit constant, le Conseil constitutionnel l'a validée. Ses compétences sont celles d'un département, auxquelles s'ajoutent des compétences liées à sa situation particulière. Nous n'entendons pas cependant réserver à l'Alsace la spécificité des relations transfrontalières. Certains orateurs ont évoqué d'autres régions frontalières.

M. Loïc Hervé.  - Parce qu'elles existent.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Un accord entre la France et le Luxembourg sur les questions de transport vient d'être présenté en conseil des ministres. Nous serons attentifs aux demandes des autres départements frontaliers.

M. Pascal Savoldelli.  - Voilà la vérité !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Certains m'ont déjà sollicitée, c'est légitime. Mais aujourd'hui, nous parlons de l'Alsace et le Gouvernement soutiendra les Alsaciens jusqu'au bout dans leur désir d'Alsace. (Mmes Patricia Schillinger et Fabienne Keller applaudissent.)

M. Jackie Pierre.  - Pourquoi pas une collectivité européenne du Grand Est ?

M. Pascal Savoldelli.  - Quel aveu ! Je ne peux plus vous accuser de mensonge ! Vous venez de reconnaître que n'importe quel département, au nom d'un particularisme, pourra demander un statut particulier. Alors, pourquoi pas la communauté européenne du Val-de-Marne, du Nord ou que sais-je encore ? Vous êtes en train de nous faire modifier la Constitution ! Vous essayez de nous diviser ! Je ne savais pas qui parlait tout à l'heure : la sénatrice ou la candidate d'En Marche aux Européennes ?

Mme Fabienne Keller.  - C'est brillant...

M. Pascal Savoldelli.  - Notre temps de parole est limité !

M. Jean Louis Masson.  - Je ne comprends pas, madame la ministre : quand un département demande quelque chose, on l'écoute ? Mais le département de la Moselle a demandé les mêmes compétences. L'Allemagne est frontalière de l'Alsace et de la Moselle, laquelle est aussi frontalière avec le Luxembourg, comme l'Alsace l'est de la Suisse.

Le Gouvernement se moque du monde en disant qu'il examinera les autres demandes. Une fois la loi votée, il les jettera à la poubelle. Vous enfumez tout le monde ! Ne croyons pas que les Basques obtiendront satisfaction. Pourquoi pas une collectivité européenne de Moselle ? Nous l'avons demandée pourtant. Vous n'avez jamais prononcé le mot de Moselle ! Où voulez-vous aller ? Si vous voulez nous enfumer, autant nous le dire.

M. Mathieu Darnaud.  - Il n'y a pas d'ambigüité sur les souhaits des uns et des autres quant à l'évolution de leur territoire. On ne légifère pas à la découpe. Le sujet, c'est la France. Va-t-on légiférer sur les désirs successifs des territoires ? Combien allons-nous examiner de textes et quelle sera la cohérence de l'ensemble ? Le constat d'échec de la loi NOTRe est commun, partagé par le ministre Lecornu qui a admis qu'il fallait « traiter les irritants de la loi NOTRe ».

La question n'est pas le fond du texte. Mais le président de la République lui-même a indiqué, dans le grand débat, sa volonté d'aborder dans son ensemble la question de la décentralisation de nos institutions. Pourquoi légiférer maintenant ? Il n'y a pas urgence.

M. Max Brisson.  - J'ai appris ce soir qu'un département devait demander une autorisation pour exercer la coopération transfrontalière... Je n'ai pas besoin d'autorisation pour aller voir le président de la Communauté autonome basque ou le député du Guipúzcoa.

Le problème, c'est l'asymétrie entre la France et ses voisins, qui ont construit des autonomies. Je plains mes amis Alsaciens, otages des contradictions d'un Gouvernement trop centralisé. Soutenons les libertés des territoires en leur donnant éventuellement un statut particulier. Une République différenciée n'en sera que plus forte et plus belle ! (Mme Fabienne Keller, M. André Reichardt  et Mme Catherine Troendlé applaudissent.)

M. Guy-Dominique Kennel.   - Je m'avoue un peu perdu... (Sourires) Le débat irrite, et soulève beaucoup de passions, mais je ne suis même pas sûr qu'il méritait d'exister. Oui, madame la ministre, les départements ont demandé ce texte... mais ils ne voulaient de fusion qu'assortie à des compétences supplémentaires. Il me semblait que la loi promise, condition de l'engagement des deux départements dans la fusion, c'était cela.

J'ai mis en oeuvre la compétence transfrontalière en tant que président du conseil général. Dans les réunions du Conseil Rhénan, les chefs des délégations allemande et suisse étaient des élus ; le chef de la délégation française, le préfet, venait avec le président de région et deux présidents des départements...Et pour toute décision, il fallait en référer à Paris. Quand les Allemands et les Suisses décidaient, nous étions corsetés.

« Chef de file » ne veut rien dire. C'est porter la plume et payer le café. Il faut une vraie délégation.

M. René-Paul Savary.  - Madame la ministre, votre mention des demandes des collectivités me trouble.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je n'ai pas parlé des collectivités !

M. René-Paul Savary.  - Votre solution a des limites. Il faudrait rendre à titre expérimental la compétence générale au département Alsace. C'est ce qui permet de prendre vraiment ses responsabilités. Le contrat que l'on nous propose est perdant-perdant pour les autres départements et pour l'Alsace, qui en réalité n'aura pas les mains libres. Ne trompons pas les Alsaciens.

Les amendements identiques nos8 et 139 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.

I.  -  Alinéa 3

Remplacer le mot :

Département

par les mots :

Collectivité européenne

II.  -  Alinéas 5 à 7, 17 et 18

Remplacer les mots :

le département

par les mots :

la Collectivité européenne

III.  -  Alinéas 5 et 9

Remplacer le mot :

chargé

par le mot :

chargée

IV.  -  Alinéas 6 et 19, secondes phrases

Remplacer le mot :

Il

par le mot :

Elle

V.  -  Alinéa 7

Remplacer le mot :

associé

par le mot :

associée

VI.  -  Alinéas 9, 19 et 20

Remplacer les mots :

Le département

par les mots :

La Collectivité européenne

VII.  -  Alinéa 16

Remplacer les mots :

au département

par les mots :

à la Collectivité européenne

VIII.  - Alinéas 21,24 et 28

Remplacer les mots :

du département

par les mots :

de la Collectivité européenne

M. René Danesi.  - Cet amendement rétablit la dénomination « Collectivité européenne d'Alsace ». D'abord pour affirmer la dimension européenne de la collectivité : elle est chef de file en matière transfrontalière, et se voit reconnaître un rôle renforcé en matière de promotion des langues régionales.

La commission des lois a choisi de suivre le Conseil d'État qui lui préférait la dénomination « Département d'Alsace » mais n'étaye ses réserves d'aucun principe constitutionnel.

L'article L.3011-1 du code général des collectivités territoriales précise que seul un décret peut modifier la dénomination.

Enfin, la dénomination de Collectivité européenne d'Alsace mettra du baume au coeur des 85 % d'Alsaciens qui ne veulent pas être des grands-estiens.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°113, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.

Mme Patricia Schillinger.  - Cet amendement rétablit le nom de « Collectivité européenne d'Alsace » tel que figurant dans la version initiale de ce projet de loi pour désigner la collectivité née de la fusion des deux départements. Ce nom figure également dans la déclaration commune du 29 octobre 2018 signée par le Gouvernement et les présidents des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et de la région Grand Est, dans les délibérations des deux conseils départementaux du Bas-Rhin et Haut-Rhin adoptées le 4 février 2019, ainsi que dans le décret du 27 février 2019 portant regroupement des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Ce nom souligne la dimension européenne comme l'origine de compétences particulières. Le nom de département d'Alsace n'est pas conforme à la réalité territoriale et institutionnelle. La collectivité se voit accorder des compétences en plus de celles du département. La dénomination Collectivité européenne d'Alsace reflète le caractère novateur de la démarche. L'attente des Alsaciens sur ce sujet est forte : ne réduisons pas le désir d'Alsace à un désir de département.

Mme la présidente.  - Amendement n°84 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel, Kern et Reichardt et Mme Schillinger.

Alinéa 9

1° Première phrase

Après le mot :

transfrontalière

Supprimer la fin de cette phrase.

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

A ce titre, le volet opérationnel de ce schéma définit lesdites modalités de la manière suivante :

Mme Catherine Troendlé.  - L'Alsace doit pouvoir agir dans l'ensemble des domaines transfrontaliers.

Mme la présidente.  - Amendement n°81, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 20 à 28

Supprimer ces alinéas.

Mme Laurence Harribey.  - Cet amendement supprime les alinéas relatifs au conseil de développement : il est inutile de fixer dans la loi ce que des collectivités peuvent déjà librement mettre en oeuvre.

L'objet même de cet organisme supplémentaire contredit le principe selon lequel le développement économique relève du conseil régional.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission des lois a rendu un avis défavorable aux amendements nos62 rectifié et 113. À titre personnel, je n'étais pas favorable à la dénomination « département d'Alsace », certes plus claire juridiquement. Le nom Collectivité européenne d'Alsace est un nom propre sans incidence juridique : voyez la « métropole européenne de Lille » ou l'Euro métropole de Strasbourg.

L'amendement n°84 rectifié bis n'a pas la portée juridique que lui attribue son auteur : il ne donne pas à la Collectivité européenne d'Alsace la capacité d'agir dans l'ensemble des domaines relevant du transfrontalier. Avis défavorable.

Enfin, le conseil de développement d'Alsace est une instance de concertation bienvenue que soutient la commission des lois. D'où notre avis défavorable à l'amendement n°81.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Bien entendu, avis favorable aux amendements nos62 rectifié et 113. Le nom de Collectivité européenne d'Alsace est issu d'une concertation ; le conseil départemental du Haut-Rhin l'a voté à la majorité absolue et celui du Bas-Rhin à une large majorité : il ne manquait que six voix. La démocratie est là. Le décret du 27 février reprend cette dénomination.

Enfin, l'Alsace a une dimension européenne très forte et l'Alsace a le droit de l'utiliser, tout comme Strasbourg ou Lille. Nous avons déjà l'exemple d'un territoire portant un nom particulier en raison d'une histoire particulière : le territoire de Belfort...

Mme Patricia Schillinger.  - Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'amendement n°84 rectifié bis organise la tutelle de la collectivité sur d'autres : avis défavorable, c'est anticonstitutionnel.

Sagesse sur l'amendement n°81.

M. André Reichardt.  - En quoi la dénomination est-elle essentielle ? Le nom de Collectivité européenne d'Alsace cache seulement aux Alsaciens le fait que la nouvelle collectivité n'est qu'un simple département, pas le retour de la région Alsace. C'est une question de clarté.

Les Alsaciens s'intéressent avant tout aux compétences qu'aura cette collectivité. Je me battrai davantage sur ce point, comme sur l'obtention d'un statut particulier. Je voterai l'amendement n°84 rectifié bis. Ne mettons pas sous tutelle la coopération transfrontalière. Elle devra respecter le schéma régional, le Sraddet, etc. Où va-t-on s'arrêter ? Ayons le courage de dire « ça suffit » !

Je suis enfin favorable au conseil de développement qui a toute son utilité dans une collectivité à statut particulier.

Mme la Présidente. - Il est minuit. Je propose de poursuivre jusque vers minuit et demi. (Assentiment)

Mme Catherine Troendlé.  - Je n'ai pas cosigné les amendements Danesi et Schillinger. J'aurais voulu que la ministre réintroduise elle-même la dénomination de Collectivité européenne d'Alsace. Ainsi, nous aurions eu une preuve d'amour ! (Sourires) Mon amendement n°84 rectifié bis apporte une précision, qui permet une cohérence avec le schéma alsacien. Il ne s'agit pas de tutelle ! Je ne comprends pas votre argumentaire, madame la ministre.

M. Claude Kern.  - L'appellation Collectivité européenne d'Alsace appartient aux concepteurs du projet et aux élus des deux départements concernés. Le Sénat est garant des libertés et des responsabilités locales.

M. Jacques Bigot.  - Merci d'avoir rappelé, madame le rapporteur, la position de la commission des lois qui a repris celle du Conseil d'État. Soyons clairs avec les Alsaciens ! Les Hauts-Rhinois ont peur que ce qu'ils ont refusé en 2013 revienne.

Les circonscriptions administratives persisteront mais le terme « département » indique qu'il s'agira d'un département d'Alsace. Le fond, comme le dit André Reichardt, concerne les compétences. Or le transfrontalier reste faible - on ne le sent pas - et sur le sujet des routes, la taxe additionnelle est renvoyée aux ordonnances mais que diront les « technocrates » de Bercy d'une taxe sur les poids lourds étrangers transitant par la seule Alsace ? Appelons ce qui est un département par son nom !

M. Guy-Dominique Kennel.  - Peu importe l'emballage, l'essentiel reste le contenu. Je ne suis pas opposé au terme Collectivité européenne d'Alsace, mais il faut aller plus loin et ne pas corseter le chef de file. Laissons-lui une liberté d'initiative et de décision en matière transfrontalière : alors, l'appellation Collectivité européenne d'Alsace sera juste.

Mme Fabienne Keller.  - J'entends les arguments juridiques qui voudraient que l'on s'en tienne à « département ». Mais un nom a une dimension hautement symbolique. Il est lié au projet, à la vision approuvée il y a plusieurs mois par les élus alsaciens. Il a été voté à la majorité absolue par le conseil départemental du Haut-Rhin, et à une large majorité par celui du Bas-Rhin. Nos collègues doivent le comprendre.

Nous essayerons d'enrichir la Collectivité européenne d'Alsace par d'autres compétences ; c'est l'enjeu de cette nouvelle collectivité.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Dans une société où prime la communication; les mots ont leur importance. L'Alsace est une marque. Le terme Collectivité européenne d'Alsace peut sembler plus vendeur ou plus flatteur, mais il ne dit pas la vérité qu'il recouvre. Ce soir, je ne vois pas le fil conducteur de la stratégie du Gouvernement.

André Maurois disait : « dans une discussion, le plus difficile n'est pas de défendre son opinion, c'est de la connaître. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Jean-Marie Mizzon.  - Je me demande si le Gouvernement a vraiment une opinion...

Mme Patricia Schillinger.  - Nos débats me rendent perplexes. Le Sénat représente les collectivités territoriales. Les élus alsaciens - représentant plus de 700 communes, ont choisi un nom, d'accord avec les deux collectivités du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Nous représentons les collectivités territoriales, mais nous nous déchirons, comme en 2013. Songeons à ceux qui nous regardent ! Si nous continuons ainsi, nos électeurs ne croiront plus à leurs élus ! Gardons ce nom pour envoyer un message fort aux Alsaciens !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - La commission des lois s'est prononcée en faveur de la dénomination « département », mais le nom ne change pas le fait que cette collectivité territoriale sera hybride. C'est comme le pâté aux alouettes, pour lequel il faut un cheval et une alouette. (Sourires) Nous avons rajouté quelques alouettes pour faire bon poids ! Ce « département », c'est plus qu'un département, avec l'ajout de la promotion de l'attractivité, compétence de la région, du chef de filât en matière de bilinguisme, la coordination de la politique touristique, l'expérimentation des aides aux entreprises, la police de la route, etc. Il ne s'agit pas pour autant d'en faire une collectivité à statut particulier.

Le département a été créé par décret, il n'a nul besoin d'une loi. Si nous examinons un texte, c'est parce qu'il s'agit d'un peu plus : (Mme Catherine Troendlé approuve.) La commission des lois a participé à la dévolution de nouvelles compétences - police de la route notamment - sans accorder de statut particulier. Elle s'en est tenue à la dénomination de département. Si vous voulez aller plus loin, choisissez la dénomination qui vous convient en conséquence. (M. René Danesi et Mme Fabienne Keller applaudissent.)

Les amendements identiques nos62 rectifié et 113 sont adoptés.

(Mme Fabienne Keller, M. René Danesi et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

Mme la présidente.  - Par cohérence, dans les amendements adoptés, le terme « département » sera remplacé par celui de « Collectivité européenne d'Alsace ».

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°84 rectifié bis, mis aux voix par assis et debout, n'est pas adopté.

L'amendement n°81 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°101 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt, Brisson et Daubresse, Mme N. Goulet, M. Kern, Mmes Billon et Berthet et MM. Milon, Laménie, Charon et Kennel.

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. .... - Il est créé une collectivité à statut particulier, au sens de l'article 72 de la Constitution, dénommée « Collectivité européenne d'Alsace », en lieu et place des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

« La Collectivité européenne d'Alsace s'administre librement dans les conditions fixées au présent titre, par la loi n°      du       relative aux compétences du département d'Alsace et par l'ensemble des dispositions législatives relatives aux départements non contraires au présent titre et à la loi n°       du        précitée.

M. André Reichardt.  - C'est un amendement essentiel qui a pour but de créer une collectivité à statut particulier au sens de l'article 72 de la Constitution. Dans sa déclaration de Matignon du 29 octobre 2018, le Premier ministre a indiqué qu'elle était du « cousu main » pour créer une collectivité dotée de compétences complémentaires, en partant des compétences départementales. N'est-ce pas la définition d'un statut particulier ? Une collectivité à statut particulier c'est une identité, un projet. Le Conseil d'État a indiqué que la Collectivité européenne d'Alsace était un département, puisque l'on pouvait ajouter des compétences d'intérêt général, d'une part, et spécifiques à ce territoire, de l'autre.

Sa jurisprudence peut s'appliquer. Or la commission des lois y a ajouté des compétences qui n'avaient pas de lien avec une quelconque spécificité alsacienne, notamment dans le domaine routier. Le statut particulier permettrait de régler ce problème juridique.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement ne change pas grand-chose au projet de loi. Cette solution poserait plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait en réalité. Si des compétences régionales étaient transférées, Strasbourg, capitale régionale, exercerait des compétences dans le Grand Est, sauf en Alsace. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Vous avez admis vous-même qu'il ne s'agissait pas juridiquement d'une collectivité à statut particulier. Avis défavorable.

M. André Reichardt.  - Je pensais avoir dit le contraire ! Si on applique la jurisprudence du Conseil d'État sur l'affectation de compétences nouvelles à une strate de collectivités locales, surtout après les amendements adoptés par la commission des lois, il ne peut juridiquement s'agir que d'une collectivité à statut particulier.

Il ne s'agit pas de récupérer des compétences de la région, puisque celle-ci - c'est bien le drame - ne veut en donner aucune, mais d'exercer de nouvelles compétences.

M. Max Brisson.  - Le président Bas nous a habilement invités à choisir l'appellation Collectivité européenne d'Alsace en énumérant les compétences et en parlant d'un « département plus ». Mais qu'est-ce à dire ? Je sais ce qu'est un département, une région, une communauté à statut particulier : cela seulement est clair. Je soutiendrai l'amendement de M. Reichardt car il correspond à une réalité juridique.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Je ne voterai pas l'amendement mais il a le mérite de la logique. Le département d'Alsace sera le seul à bénéficier d'un statut dérogatoire et à sortir du giron étouffant de la loi NOTRe. D'ailleurs, le projet de loi est discriminatoire pour les autres départements ! Si on accorde une telle dérogation, pourquoi ne pas créer la communauté laïque du Limousin ?

Je reconnais la logique de la démarche de M. Reichardt, qui est finalement l'aboutissement de celle du projet de loi.

M. Loïc Hervé.  - Nous avons longuement débattu du nom de la collectivité, et on nous a longuement expliqué qu'elle n'était qu'un département, avec quelques compétences accessoires en plus. Cependant ici, on nous dit que les compétences dévolues sont telles, qu'il faut une autre forme juridique que le département : l'amendement de M. Reichardt donne une autre consistance juridique à cette collectivité. Il change les termes du débat.

Demain, un amendement de M. Grosdidier, approuvé par la commission, élargira les compétences prévues à l'article premier à tous les départements transfrontaliers. C'est pourquoi je ne voterai pas l'amendement n°101 rectifié bis. Nous ne savons pas où nous allons.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement sait où il va : il traduit en loi l'accord du 29 octobre 2018.

La Collectivité européenne d'Alsace est, juridiquement, un département, avec des compétences en plus.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et les compétences partagées ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Monsieur Reichardt, le Gouvernement est opposé aux transferts que vous allez proposer. Les collectivités à statut particulier sont en réalité doubles : la Corse, la Martinique, la Guyane, Mayotte, sont un département et une région. Paris est une ville et un département ! La métropole de Lyon est un département et un ECPI.

M. René-Paul Savary.  - Je suis chagriné ; mes amis alsaciens ne veulent plus être grand-estois. Si l'on crée une collectivité à statut particulier, avec des compétences régionales, il faut revoir le mode d'élection pour éviter toute discrimination, et définir une nouvelle capitale. Et où serait sa capitale ? Sera-t-elle celle du Grand Est ? Ne créons pas de spécificités supplémentaires au détriment des autres départements. (M. Yves Détraigne applaudit.)

L'amendement n°101 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Nous avons examiné 11 amendements ; il en reste 119 sur ce texte.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 3 avril 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quarante.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus