Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook. Chacun veillera à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Saint-Gobain (I)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) L'annonce d'une possible cession de l'usine de Saint-Gobain de Pont-à-Mousson à son concurrent chinois a fait l'effet d'une bombe auprès des 2 000 salariés du site. C'est en effet le premier employeur privé du bassin d'emploi du sud de la Meurthe-et-Moselle.

Alors que le Gouvernement prétend conduire une politique industrielle ambitieuse et conquérante, comme entend-il garantir le maintien sous pavillon français de tous nos brevets qui consacrent un savoir-faire français mondialement reconnu. Comment compte-t-il protéger nos intérêts stratégiques dans la mondialisation ?

Nos entreprises ne luttent pas à armes égales car elles sont soumises à des normes sociales et environnementales exigeantes auxquelles échappent leurs concurrents. À quand une réciprocité normative pour les investissements étrangers en France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Je salue votre engagement, monsieur Husson, et celui de tous les élus du Grand Est qui soutiennent le site de Pont-à-Mousson. Saint-Gobain a en effet annoncé aux représentants du personnel avoir ouvert la réflexion autour de la recherche de partenariats. Depuis la crise de 2008, les commandes de canalisations de Pont-à-Mousson ont été divisées par deux ; des concurrents indiens et chinois ont émergé, faisant perdre à Saint-Gobain de nombreuses parts de marché, notamment dans les pays du Golfe.

Un projet de compétitivité visant à concentrer l'activité sur le site a été engagé, avec un investissement de 133 millions d'euros sur quatre ans, un transfert de production de l'Allemagne vers la France et la relocalisation de 80 emplois. Cela ne suffira pas à renforcer durablement le site et Saint-Gobain envisage d'ouvrir le capital de sa filiale.

Lundi, nous ferons le point avec son président. Parmi les options sur la table, l'ouverture du capital au concurrent chinois, qui pourrait utiliser la France comme base de production. À ce stade, rien n'est décidé. Nous réunirons les élus pour vous tenir informés.

Peut-on faire jouer la législation sur les intérêts stratégiques ? Oui, sans doute, car les canalisations, indispensables à la distribution d'eau, sont un service de base.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - Quant à la réciprocité des normes dans les marchés publics, nous y travaillons.

M. Jean-François Husson.  - Je vous sais mobilisée mais les inquiétudes demeurent. C'est le rachat du site dans les années 80 qui a permis de sauver Saint-Gobain et d'en faire un leader de la métallurgie.

Sans action de l'État, c'est 150 ans d'histoire industrielle qui seraient sacrifiés sur l'autel d'une mondialisation aveugle.

Nous avons besoin de plus de France et de mieux d'Europe. Nous devons renforcer nos exigences économiques et commerciales. L'ensemble des forces politiques, économiques et syndicales sont mobilisées. Rejoignez l'union sacrée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Brexit (I)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le mauvais feuilleton du Brexit, digne d'une série B, a commencé par le pari raté de David Cameron qui espérait se re-légitimer à bon compte grâce à un référendum gagné d'avance. Le Royaume-Uni s'est réveillé avec la gueule de bois, le peuple britannique, victime des menteurs et des populistes, ayant donné la victoire au non. Une leçon à méditer...

Le mauvais feuilleton se poursuit à la Chambre. Les parlementaires britanniques savent ce qu'ils ne veulent pas mais pas ce qu'ils veulent. Face à ces turbulences, l'Union européenne doit montrer un visage d'unité, de solidité et de sérénité. C'est ce qu'a su faire Michel Barnier.

Aujourd'hui, les Britanniques demandent un nouveau délai. Je comprends que l'on souhaite éviter un hard Brexit, mais pas à n'importe quel prix. Quel est le sens de la décision du dernier Conseil européen d'accorder un délai supplémentaire ? Est-ce pour rouvrir la négociation ? Quelle réponse apporter aux entreprises et personnes concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Cette nuit, les 27 ont été unis. L'objet de la prorogation accordée est très clair : il ne s'agit en aucun cas de rouvrir les négociations de l'accord mais de laisser aux autorités britanniques le temps de procéder à sa ratification, pour un retrait ordonné.

Le délai ne pourra être utilisé pour rouvrir les négociations sur les relations futures avec l'Union européenne. Nous sommes disposés à amender la déclaration politique si la position britannique évoluait, mais seulement après le retrait.

Il appartient aux Britanniques de décider s'ils souhaitent sortir de l'Union dans les termes convenus dans l'accord, sortir sans accord ou revenir sur leur décision. Ni les Britanniques, ni les citoyens de l'Union européenne ne peuvent vivre dans un Brexit éternel. J'espère que les Britanniques entendront ce message. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Olivier Henno.  - « Quand on ne sait pas où l'on va, tous les chemins mènent nulle part », disait Kissinger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Brexit (II)

M. André Gattolin .  - La réunion extraordinaire du Conseil européen qui s'est achevée la nuit dernière a accordé un nouveau délai, jusqu'au 31 octobre, pour que le Parlement britannique ratifie l'accord de retrait maintes fois rejeté.

La fermeté de la France a permis de conjurer l'impasse institutionnelle et politique qui menaçait si le délai s'était étendu au-delà de l'installation de la nouvelle Commission, le 1er novembre. L'Union européenne a tant de défis à relever qu'elle ne peut se permettre un éventuel blocage de son fonctionnement.

Toutes les options sur le Brexit restent ouvertes, d'autant qu'un accord du Parlement britannique avant le 22 mai est plus qu'incertain. Dès lors, le Royaume-Uni devrait participer aux élections européennes.

Le point d'étape du Conseil européen prévu courant juin permettra-t-il de clarifier la position de nos amis britanniques quant à leurs relations futures avec l'Union ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Mme May avait demandé une extension jusqu'au 30 juin. Cette nuit, la France a été entendue et l'union préservée. (On ironise à droite.) Une extension trop longue aurait été interprétée comme une volonté d'annuler le Brexit ; or le choix souverain du peuple britannique devait être respecté.

Au 31 octobre, la page du Brexit sera tournée et la nouvelle Commission se consacrera pleinement à son projet.

Nous ne devons pas décider à la place des Britanniques. Il leur revient de décider d'organiser ou non des élections européennes. À défaut, ils sortiront le 1er juin. Londres devra s'abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril les objectifs européens : Mme May s'y est engagée.

Le Conseil européen fera un point en juin et examinera très attentivement le respect par le Royaume-Uni de ses engagements. Nous voulons un retrait ordonné mais sommes prêts à tous les scénarios. Je serai d'ailleurs demain à Calais et à Boulogne-sur-Mer auprès de nos pêcheurs.

L'essentiel est que l'Union continue ses travaux et que la nouvelle Commission puisse porter l'ambition européenne qui est la nôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Médicaments en grande surface

M. Raymond Vall .  - Dans son avis du 4 avril dernier, l'Autorité de la concurrence a recommandé d'ouvrir la vente de médicaments sans ordonnance à la grande distribution. Certains font miroiter des baisses de prix - or la France est déjà l'un des pays où les prix des médicaments sont les plus modérés. Surtout, les médicaments ne sont pas des biens de consommation comme les autres ; ils peuvent avoir des effets secondaires graves.

À la différence de la grande distribution, les pharmaciens remplissent une mission de santé publique ; dans les zones fragiles, ils assurent souvent le seul accès aux soins, une garde jour et nuit, ils ont un rôle de conseil et d'orientation. Ils vaccinent, surveillent la surconsommation - mal dosé, le paracétamol peut être toxique.

Votre projet de loi Santé n'améliorera pas la situation des déserts médicaux avant dix ans. Autoriser la vente en grande distribution fragiliserait le maillage territorial des officines, notamment en zone rurale. Pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement n'ouvrira pas la vente de médicaments dans les grandes surfaces ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Merci pour votre question. Le monopole pharmaceutique est en effet contesté depuis longtemps par certains acteurs de la grande distribution. Je partage votre analyse : les médicaments ne sont pas des biens de consommation courante, même ceux à prescription facultative. Ils ont des effets secondaires et le conseil est essentiel.

Nous bénéficions d'un remarquable maillage territorial ; la plupart des Français sont à moins de quinze minutes d'une pharmacie. La fin du monopole fragiliserait les officines en zone rurale, qui sont souvent le premier accès aux soins et jouent un rôle de conseil essentiel, notamment auprès des personnes âgées.

Les pharmaciens s'impliquent de plus en plus dans les missions de santé publique - vaccination, information sur le dépistage ou lutte contre le tabagisme. J'ai besoin de ces professionnels de santé partout sur le territoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Résultats des élections israéliennes

M. Pierre Laurent .  - Je me réjouis d'abord de la chute d'el-Béchir au Soudan, en espérant que nous aiderons les démocrates soudanais à réussir la transition civile.

La réélection de Benyamin Netanyahou menace plus que jamais la paix au Proche-Orient. Avec le transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem, la colonisation galopante, le feu vert américain à l'annexion du Golan, Trump et Netanyahou piétinent sans vergogne les résolutions de l'ONU et enterrent la solution à deux États, condamnant 6,5 millions de Palestiniens à vivre sans droits, derrière un mur de 700 km de long qui a détruit 400 000 oliviers.

Je reviens des territoires palestiniens ; la vie y est un enfer. Les Palestiniens sont discriminés, chassés par les colons, empêchés de circuler et de travailler. Quant à l'UNRWA, les États-Unis lui ont coupé les vivres...

Alors que Benyamin Netanyahou est adoubé par les extrêmes-droites européennes, notre inertie ressemble de plus en plus à une capitulation.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Pierre Laurent.  - Allez-vous enfin reconnaître l'État de Palestine ? La France va-t-elle enfin prôner des sanctions internationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous suivons la situation au Soudan très attentivement et espérons une issue pacifique.

Les élections législatives israéliennes ont eu lieu mardi. Les résultats n'ont pas été proclamés officiellement, mais le parti du Premier ministre Netanyahou est manifestement sorti vainqueur. Il appartient au président Rivlin de désigner la personnalité chargée de former une coalition gouvernementale - ce qui risque de prendre un certain temps, du fait de la diversité politique israélienne.

La France est prête à travailler avec le nouveau gouvernement, dans l'esprit de coopération et d'amitié qui régit nos liens depuis 70 ans.

Je suis conscient de la situation que vous décrivez. Sur le processus de paix, la position de la France n'a pas changé. Nous sommes attachés au respect des résolutions du Conseil de sécurité, à la négociation, et à la solution à deux États, avec Jérusalem comme capitale des deux États. C'est la position de la France comme de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Mme Laurence Cohen.  - Il faut agir !

Saint-Gobain (II)

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) J'habite à 12 kilomètres des fonderies de Pont-à-Mousson, qui tournent depuis 150 ans. Elles font notre fierté. Or Saint-Gobain s'apprête à lâcher ce fleuron. Vous nous avez confirmé la possibilité de cette cession, tout en reconnaissant le caractère stratégique de cette filière.

Vous nous donnerez plus d'informations quand vous aurez échangé avec le PDG de Saint-Gobain, dites-vous. La réponse est insatisfaisante. Le Gouvernement définit la politique industrielle de la France. Quelles sont vos lignes rouges sur ce dossier ? Quelles informations avez-vous sur la santé financière de Saint-Gobain qui justifierait qu'il se sépare du site de Pont-à-Mousson ?

Vous disposez, avec les fonds européens, de leviers pour éviter une délocalisation désastreuse pour l'emploi et pour notre pays qui perdrait des brevets et des savoir-faire historiques. La Lorraine a déjà chèrement payé la désindustrialisation ; rassurez-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Merci pour votre question qui illustre la mobilisation des élus du territoire. Nous devons avancer unis avec détermination.

Il n'est pas question de délocalisation : le site bénéficie d'un engagement de 130 millions d'euros d'investissement et recrute 80 emplois supplémentaires.

L'éventuelle ouverture du capital vise à renouer avec l'équilibre financier alors que le site de Pont-à-Mousson a perdu 50 % de parts de marché. Pour être pérenne, son activité doit être compétitive. C'est l'un des derniers sites de production de canalisations en Europe, ce qui est un atout. Il bénéficie de savoir-faire anciens, d'avantages technologiques par rapport à ses concurrents.

Notre ambition est de faire de Pont-à-Mousson le coeur de la production européenne de canalisations et de bouches d'égout. Nous avancerons avec les élus et les syndicats dans la plus parfaite transparence. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

M. Olivier Jacquin.  - Ne jouez pas sur les mots ! Il y a bien un risque de délocalisation à terme. Y a-t-il un pilote dans l'avion ? Quelle vision stratégique pour cette filière ? Quel projet industriel ? Comment préserver l'emploi ? Nous ne voulons pas d'une alliance capitalistique avec les Chinois qui dépouillerait notre territoire et notre pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Sapeurs-pompiers volontaires

M. Daniel Chasseing .  - Les sapeurs-pompiers volontaires représentent 79 % des sapeurs-pompiers. Leur action est capitale pour la santé et la sécurité, en particulier dans le monde rural, où ils suppléent le manque d'ambulances. Ils sont menacés par la directive européenne de 2003 sur le temps de travail, du fait d'une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Ils seraient considérés, non comme des citoyens volontaires engagés, mais comme des travailleurs comme les autres, à rebours de la loi du 20 juillet 2011, votée à l'unanimité par le Parlement.

Une résolution du Sénat, à l'initiative de Mme Troendlé et M. Cigolotti, appelle la Commission et le Parlement européen à protéger leur statut par une directive spécifique.

En milieu rural, 80 % des missions des sapeurs-pompiers consistent en des interventions d'urgence auprès des malades et des blessés, faute d'ambulances. Comment le Gouvernement entend-il préserver leur statut mis à mal par une directive contraire à notre tradition ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Nous sommes très attachés à notre modèle de sécurité civile : 240 000 sapeurs-pompiers, dont 80 % sont volontaires. Ce modèle a prouvé sa robustesse. La directive européenne de 2003 ne visait pas les sapeurs-pompiers volontaires, une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en a jugé autrement à propos d'un pompier belge.

Le Gouvernement, attaché au volontariat qu'il encourage par d'autres mesures, s'est emparé du sujet. Nous réfléchissons à une révision de la directive de 2003 ou à une nouvelle directive. Il est prêt à appuyer une démarche portant sur l'ensemble des engagements citoyens. Cela peut intéresser d'autres États membres qui ont des dispositifs similaires. Nous réfléchissons également à des mesures réglementaires en utilisant les dérogations qu'offre la directive.

En tout cas, soyez sûrs de l'engagement du Gouvernement de maintenir ce modèle de sécurité civile si important pour la France et la ruralité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Brexit (III)

M. Jean Bizet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je m'exprime également au nom du président Cambon, qui est auprès de nos soldats au Mali.

Depuis bientôt trois ans, la Grande-Bretagne ne sait pas quand et comment sortir de l'Union européenne. Le 26 juin 2016 est la date funeste à laquelle cette décision géostratégique funeste a été prise par un peuple aujourd'hui désorienté, trompé et convoqué à un référendum décidé par l'ancien Premier ministre David Cameron, qui n'a rien trouvé de mieux que de prendre l'Europe tout entière en otage pour régler un problème intérieur.

Pourquoi un nouveau délai ? Comment s'assurer de la loyauté des 73 parlementaires Britanniques au Parlement européen quand nous discuterons du nouveau cadre financier et de la nouvelle composition de la Commission européenne et de son président ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je partage vos interrogations. On ne peut vivre dans un Brexit permanent... La décision prise cette nuit respecte quatre principes fondamentaux : les intérêts européens, le vote britannique, la nécessité d'un processus sans ambiguïté, l'unité des 27.

La Grande-Bretagne a apporté des garanties. Elle s'est engagée à une coopération loyale - et c'est la moindre des choses. Les 27 pourront se réunir sans elle pour préparer les dossiers qui viendront après sa sortie. L'échéance de cette nouvelle prorogation a été fixée avant l'installation de la nouvelle Commission européenne. Enfin, la Grande-Bretagne organisera des élections européennes si elle est encore membre, si elle n'a pas ratifié l'accord de retrait avant l'échéance électorale, sans quoi le retrait interviendrait le 1er juin, date à laquelle se tiendra un nouveau Conseil européen de vérification de ses engagements.

Il y a désormais un chemin final. Espérons que la Grande-Bretagne soit aussi limpide que les 27 l'ont été cette nuit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean Bizet.  - Je ne suis guère rassuré et je ne suis pas certain que vous le soyez vous-même. Les Britanniques pourraient reproduire à Bruxelles la même séquence qu'à Westminster, une séquence d'inconséquence et d'incohérences. Je crains que l'immobilisme n'avance en Europe et que rien ne l'arrête ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Levothyrox

M. Pierre Louault .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Depuis deux ans, à cause du changement de formulation du Levothyrox, 31 000 malades connaissent des effets indésirables invalidants, sans avoir reçu la moindre écoute ni de leur médecin traitant ni du ministère, qui s'est rangé derrière l'avis de l'Agence nationale de la sécurité du médicament. Une récente étude franco-britannique montre que les deux versions n'étaient pas forcément substituables. Quelque 500 000 malades n'utilisent plus la nouvelle formule. Pourquoi a-t-elle remplacé l'ancienne qui donnait satisfaction ? Pourquoi le ministère a-t-il ignoré la détresse des malades ? Enfin, l'Agence du médicament ne se trouve-t-elle pas atteinte dans sa crédibilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La décision a été prise par le gouvernement précédent. Dès mon arrivée, j'ai pris la mesure du problème. Le changement de formule a eu lieu en avril, j'ai reçu des plaintes de patients dans le courant de l'été, j'ai reçu leurs associations dès le mois d'août. J'ai fait venir des stocks de l'ancienne formule dès le mois de septembre, car le laboratoire avait un monopole historique, et diversifié l'offre avec cinq nouveaux médicaments mis sur le marché. Je n'ai donc jamais sous-estimé les effets secondaires de la nouvelle formule.

L'étude que vous citez confirme que ce médicament est à marge thérapeutique étroite, c'est-à-dire qu'il est très sensible aux variations individuelles de dosage. Elle ne met pas en cause l'étude antérieure.

Il y a eu un défaut d'accompagnement car l'Agence du médicament ne peut pas toucher chaque patient. J'ai lancé une mission à la suite de cette affaire afin que nous puissions informer les patients différemment. Nous sommes en train de mettre en oeuvre ses conclusions. Il y aura un site et une capacité à adresser des informations aux patients. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Pierre Louault.  - J'espère que cette expérience servira de leçon à l'Agence du médicament. Elle avait des certitudes et ces certitudes n'étaient pas bonnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Cantines en zones rurales

Mme Noëlle Rauscent .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) La cantine à un euro est une des mesures phares du plan Pauvreté dévoilé par le président de la République en septembre dernier. Il concernera 10 000 communes dans les zones les plus défavorisées. Des petits-déjeuners gratuits seront proposés dans huit académies tests.

C'était attendu depuis longtemps. L'école doit redevenir un facteur de justice sociale et d'égalité des chances. Cette mesure est cohérente avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 et, bientôt, la scolarisation obligatoire à 3 ans et la visite médicale obligatoire entre 3 et 4 ans.

Il faut s'attaquer aux inégalités à la source, c'est le nerf de la guerre. Les parents seront incités à inscrire leurs enfants à la cantine. La malnutrition est un fléau et la sous-alimentation, bien que son taux soit faible, à 3 %, ne recule plus depuis vingt ans. Un enfant mal nourri aura de moins bons résultats.

Plusieurs voix sur les bancs du groupe Les Républicains. - Qui paiera ?

M. François Grosdidier.  - Quelle est la question ?

Mme Noëlle Rauscent.  - Quel sera le calendrier du déploiement de ce nouveau dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Prix d'honneur de la question bidon !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Votre question est importante (Rires sur les bancs des groupes Les Républicains, CRCE et SOCR) car elle porte sur la réussite des élèves.

Nous devons nous battre sur les enjeux pédagogiques et éducatifs, c'est ce que nous faisons avec les mesures sur l'école primaire dans les zones les plus défavorisées. Chaque enfant doit savoir lire, écrire, compter et respecter autrui après son passage à l'école primaire. Nous savons que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

La réussite scolaire a aussi des déterminants sociaux. Les enfants doivent être bien nourris si l'on veut qu'ils apprennent bien - je l'ai vérifié dans mes responsabilités antérieures.

L'instruction obligatoire à 3 ans aura de nombreuses conséquences corrélatives en matière sociale. C'est aussi le cas de la visite médicale car elle permet, à 3-4 ans, d'aller à la racine de ce qui fait la difficulté scolaire.

Votre question porte sur les cantines. L'État sera partenaire des collectivités territoriales. (Marques d'ironie sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE) Nous aiderons les municipalités à faire ce qu'elles font parfois déjà ou à faire ce qu'elles voudront faire. Pour les communes, et notamment les communes rurales et les petites communes d'au moins 10 000 habitants, l'État soutiendra la tarification sociale à hauteur d'au moins 2 euros par enfant.

Les petits-déjeuners gratuits, mesure lancée dès maintenant, seront proposés dans huit académies à la rentrée prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Visas pour les Antilles

Mme Catherine Conconne .  - Luciano, artiste de reggae jamaïcain mondialement connu, vient, comme moi, de cette belle et grande région, la Caraïbe, qui fit autrefois la richesse des puissantes métropoles. Cette communauté de nations de plus de 40 millions d'habitants tente depuis quelques années de poser les bases d'une coopération solide.

Luciano et ses musiciens devaient venir en Martinique pour un concert très attendu le 31 mars. Le concert n'a pas eu lieu. Les musiciens n'ont pas obtenu leur visa à temps. Assignés à résidence par la force des choses.

Depuis un peu plus d'un an, nos voisins Jamaïcains et la plupart des ressortissants des grandes Antilles doivent passer par le consulat général de Washington pour venir chez nous. Comme bien d'autres consulats, celui de Washington a confié le traitement des demandes de visas à un prestataire privé tristement dénommé « VFS ». Ce prestataire privé coûte cher, il ne répond ni aux mails ni aux appels téléphoniques, il décourage les visiteurs et tue à petit feu tout projet de coopération ou d'échanges.

Faciliter la délivrance de visas pour des courts séjours dans notre territoire ne provoquera pas un afflux massif de Jamaïcains en Martinique ! Et notre territoire ne fait pas partie de l'espace Schengen.

Les postures coloniales ont tout fait pour que nous tournions le dos à cette « géographie cordiale » si bien nommée par le poète. Le chemin inverse est long et compliqué. Mon pays a tout mis en oeuvre pour intégrer les grandes instances caribéennes mais cela est vain si nos voisins ne peuvent nous rendre visite.

Combien de Luciano faudra-t-il pour que la France prenne conscience que la distance qu'elle maintient entre nos territoires et la grande Caraïbe freine notre développement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Sophie Primas et M. Gérard Longuet applaudissent également.)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Votre question porte finalement sur l'attractivité des départements et collectivités d'outre-mer par la dispense de visas pour les ressortissants étrangers. L'arrêté de juillet 2011, qui s'applique à la Martinique, La Réunion, la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon, prévoit des dispenses de visa de court séjour pour des ressortissants des États-Unis ou du Canada mais non ceux de la Jamaïque. Il fera l'objet de nouvelles simplifications.

Le musicien que vous citez et son groupe ont déposé leur demande entre le 19 et le 25 mars...

Mme Catherine Conconne.  - C'est complètement faux !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - ... pour un départ le 30 mars. Tout a été fait pour gérer rapidement leur dossier. D'ailleurs, deux musiciens ont reçu leur visa.

Croyez bien que tout sera fait pour rendre vos territoires attractifs avec la simplification de l'arrêté de 2011.

Manifestation des retraités

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame Buzyn, la cacophonie gouvernementale autour des retraites ne rassure pas ceux qui sont scandaleusement présentés comme des nantis. Ce sont les boucs émissaires du nouveau monde et les grands perdants de votre politique avec les classes moyennes.

Avec la désindexation des pensions et la hausse de la CSG, vous avez réduit leur pouvoir d'achat de près de 400 euros par ménage. Les faire passer pour des privilégiés, c'est oublier qu'ils ont travaillé dur toute leur vie ; c'est oublier qu'ils ont chèrement cotisé ; c'est oublier notre modèle social qui doit permettre à nos anciens de vivre dignement.

Allez-vous poursuivre dans cette voie ? Les retraités manifestent aujourd'hui leur mécontentement. Éclairez-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Le Gouvernement a entendu les demandes des retraités modestes. Pour eux, nous avons mis en place la couverture santé à 1 euro par jour et le 100 % santé qui couvre les frais de dentisterie et d'audioprothèses dès cette année et, bientôt les frais d'optique. Nous avons augmenté le minimum vieillesse de 100 euros en deux ans et demi ; il atteindra 903 euros au 1er janvier 2020, date à laquelle 500 000 personnes en bénéficieront.

J'ai entendu le désarroi des retraités sur la hausse de la CSG. Pour ceux dont les pensions sont inférieures à 2 000 euros par mois, nous rembourserons le trop-plein perçu depuis janvier à partir de mai.

L'indexation des petites retraites sur l'inflation est une demande qui a émergé durant le grand débat, nous travaillons sur cette piste, tout est ouvert.

Nous aurons aussi à couvrir le risque dépendance, il faudra faire des choix.

Les retraités, enfin, verront leur taxe d'habitation diminuer, comme tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Politique fiscale

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Depuis Churchill, nous savons qu'il y a trois sortes de mensonges : les petits, les gros et les statistiques. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes SOCR et CRCE) Le Gouvernement abuse des trois malgré sa loi sur les fake news.

M. Rachid Temal.  - Bravo !

M. Jérôme Bascher.  - Le Gouvernement se vante d'avoir réduit les impôts de 14 milliards d'euros. Dans cette somme, il comptabilise l'absence de hausse de la taxe carbone et la baisse de la CSG qu'il avait augmentée l'an dernier !

Les prévisions de croissance du programme de stabilité, bien que médiocres, ont le mérite d'être honnêtes mais ce programme ne respecte pas les engagements initiaux. La France a une croissance supérieure à ses voisins mais un déficit budgétaire de plus de 3 %. Le président de la République, pourtant, fait des leçons à toute l'Europe.

Vous annoncez la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. À ce rythme, il faudrait un quinquennat de quarante ans pour tenir la promesse du président de la République ! (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes SOCR et CRCE)

Quels impôts le Gouvernement baissera-t-il et à quel rythme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Merci pour cette question qui me donne l'occasion de souligner que notre redressement est réel... (Protestations à gauche)

Les dépenses publiques sont maîtrisées. Le déficit des comptes publics a été réduit à 2,5 % en 2018, du jamais vu depuis 2006. Il restera à 3,1 % en 2019, à cause du coût de la transformation en baisse de charges pérenne du CICE, dispositif créé en 2013 par le précédent gouvernement.

Nous baissons les impôts et les cotisations salariales. Inédit. La baisse de la taxe d'habitation, c'est un fait ! Pas une statistique !

Le programme de stabilité a été élaboré avant le mouvement des gilets jaunes. Plus largement, nous voulons refonder notre modèle social pour plus de justice (Rires ironiques à gauche), libérer les entreprises, avec la loi Pacte, et réussir la transition écologique.

M. Jérôme Bascher.  - Le président de la République s'est renié sur toutes ses promesses : la baisse du chômage, de la dette et des impôts. Nous regrettons le décalage entre les forfanteries et les faits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 15.