Questions d'actualité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous prie d'excuser l'absence du président Larcher, en déplacement à l'étranger.

Soutenabilité budgétaire

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Jeudi dernier, le président de la République a annoncé les mesures qu'il souhaitait mettre en oeuvre à l'issue du grand débat. Ajoutées à celles annoncées en décembre et à la suppression intégrale de la taxe d'habitation, la baisse d'impôt sur le revenu des classes moyennes et la réindexation des plus petites retraites alourdissent la facture à plus de 25 milliards d'euros.

Le président de la République a évoqué quelques pistes de financement : abrogation de niches fiscales aux entreprises, allongement de la durée de cotisations et, du bout des lèvres, réduction de la dépense publique - mais nul ne sait selon quelle modalité.

Quelles niches fiscales allez-vous raboter ou supprimer ? Le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation sera-t-il concerné ? Quid de l'exonération d'impôt sur les sociétés des organismes d'HLM ou des dérogations en faveur du mécénat ?

Le président de la République semble miser surtout sur les taux artificiellement bas de la BCE.

Monsieur le Premier ministre, la situation préoccupante de nos finances publiques exige beaucoup plus et beaucoup mieux. Quel sera l'effort budgétaire de l'État, à quelle hauteur et dans quels ministères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Cette question me permet d'aborder le financement et la mise en oeuvre des annonces importantes du président de la République qui s'ajoutent à celles de décembre, avec l'augmentation de la prime d'activité et la diminution du taux de CSG payée par un grand nombre de retraités. D'ici le 1er janvier 2020, nous mettrons en oeuvre la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros, la réindexation des pensions de retraite de moins de 2 000 euros, puis, en 2021, de toutes les pensions.

Nous avons démontré notre capacité à respecter les critères européens. Pour la deuxième année consécutive, 2018 s'est terminée avec un déficit public inférieur à 3 %. De même, la dépense publique a baissé de 0,3 %, grâce au pilotage strict des dépenses de l'État, à la maîtrise des dépenses des collectivités territoriales et à l'amélioration des comptes sociaux de 4 milliards.

M. Philippe Dallier.  - Enfin, la croissance n'était pas la même !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Pour financer les nouvelles mesures, nous dégagerons des économies budgétaires et nous réexaminerons les niches fiscales des entreprises, à l'exception de celles qui garantissent la compétitivité des entreprises et l'emploi. Nous débattrons de tout cela en juin et nous serons à l'écoute des propositions des parlementaires. (MM André Gattolin et Claude Haut applaudissent.)

Mme Sylvie Vermeillet.  - Redonner du pouvoir d'achat était un préalable indispensable mais il ne doit pas se traduire en épargne supplémentaire. Pour redonner la confiance, l'État doit donner l'exemple en faisant de nouvelles économies. C'est à lui d'ouvrir la marche. Sinon, nous la raterons tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Lutte contre le terrorisme (I)

M. Didier Rambaud .  - Lundi, quatre individus étaient mis en garde à vue dans le cadre d'une enquête pour association de malfaiteurs terroristes criminels. Ils préparaient une attaque violente contre les forces de l'ordre. Trois étaient connus des services de police pour des faits de droit commun et le quatrième, mineur, avait été incarcéré pour avoir voulu se rendre en Syrie. Vous ne pourrez pas donner plus de détails à cette affaire confiée à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), mais je veux saluer les services de nos forces de l'ordre et de renseignement qui ont su déjouer cet attentat, le cinquante-huitième depuis 2015. À travers la police française, c'est toute la nation qui était visée. Depuis les terribles attentats de 2015, nos services sont fortement mobilisés pour prévenir de nouveaux drames humains.

Le projet d'attentat de vendredi dernier nous rappelle que la menace terroriste reste forte et pas qu'en France, comme le montrent les attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande et de Colombo au Sri Lanka. Le terrorisme n'a pas de frontières et nous sommes tous concernés.

Monsieur le ministre, même si le risque zéro n'existe pas, sommes-nous mieux armés qu'hier pour répondre à ce défi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Un mineur et trois majeurs ont été interpellés vendredi qui projetaient une attaque à l'arme automatique, à brève échéance. Sur autorisation du parquet de Paris, ces individus ont été interpellés. Je ne peux pas vous en dire plus.

La menace existe toujours, sous forme endogène. Al-Baghdadi a diffusé une nouvelle vidéo ces jours derniers. Les dispositifs mis en place sous le quinquennat précédent ont été renforcés pour favoriser la coordination des services de renseignement qui travaillent sous l'égide de la DGSI.

L'ensemble des individus connus pour radicalisation sont suivis. Je tiens à saluer le travail mené dans l'administration pénitentiaire avec le service du renseignement pénitentiaire. Tous les services échangent des informations pour s'assurer que tous ces individus sont suivis.

Nous avons renforcé les moyens financiers de la DGSI à hauteur de 20 millions d'euros cette année pour des dispositifs techniques de renseignement, et prévu 1 900 recrutements sur le quinquennat. De même, les dispositifs juridiques ont été confortés avec la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT).

Le dispositif antiterroriste fonctionne puisque les individus interpellés n'étaient pas connus que pour des faits de droit commun mais aussi pour leur radicalisation.

Je salue les services de la DGSI qui mènent un travail remarquable ce qui a permis de déjouer pour la cinquante-huitième fois un attentat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Financement des classes de 24 élèves

Mme Mireille Jouve .  - Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, le président de la République veut mener deux réformes pour favoriser les apprentissages fondamentaux : au sein du réseau d'éducation prioritaire (REP), dédoubler les classes de grande section, comme ce fut déjà le cas pour les classes de CP et de CE1, et partout ailleurs, plafonner les effectifs à 24 élèves pour ces mêmes classes. Ces mesures devraient être déployées sur l'ensemble du territoire d'ici à la rentrée 2022. Nous nous en félicitons. Ces efforts sont tout à fait opportuns. Mais cela engage autant nos communes que l'État !

D'après les chiffres communiqués par vos services, le déploiement de la première mesure nécessitera de créer 6 000 classes supplémentaires quand la seconde requerra de 3 000 à 5 000 nouvelles classes. Une classe supplémentaire, c'est un enseignant de plus, mais aussi davantage de personnels et de locaux municipaux !

Notre commission a commencé aujourd'hui à examiner le projet de loi pour une école de la confiance où il est question du soutien financier de l'État aux communes dans le cadre de l'abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire et de l'évolution du forfait communal alloué aux établissements privés sous contrat.

L'annonce du 25 avril inquiète les maires : les communes seront-elles accompagnées financièrement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les annonces du président de la République constituent une étape fondamentale dans l'histoire de l'Éducation nationale. (Rires à gauche) Elles consacrent le rôle de l'école comme vecteur de lutte contre les inégalités sociales. Le dédoublement des classes en grande section de maternelle dans les quartiers prioritaires amplifie l'action de Jean-Michel Blanquer dont nous voyons déjà les résultats.

Ces mesures sont aussi un vecteur d'égalité entre les territoires. Le plafonnement à 24 du nombre d'élèves dans toutes les classes de grande section, de CP et de CE1 est une mesure importante. L'absence de fermeture d'écoles sans accord du maire est également une mesure fondamentale qui remet l'élu local au centre du jeu. Il y a eu ces six dernières années 2 000 fermetures nettes d'écoles. (Protestations à gauche et à droite)

M. Michel Savin.  - Des classes, pas des écoles !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - Des compensations financières ont été annoncées pour compenser l'abaissement de l'âge obligatoire de la scolarité à 3 ans.

Nous devons nous rassembler autour de l'apprentissage des fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Maintien des crédits d'impôts

M. Éric Bocquet .  - Dans la révision générale des niches fiscales accordées aux entreprises, vous annoncez le maintien du CIR et du CICE qui n'ont pas prouvé leur utilité, pour un coût pourtant élevé : 42 milliards d'euros pour le CICE et 6,2 milliards d'euros pour le CIR pour la seule année 2019.

La France est championne d'Europe des aides publiques à la recherche privée, mais sans résultat probant par rapport à nos voisins. Pour financer ces aides, vous taillez dans les dépenses publiques utiles à tous. Selon l'OFCE, l'effort s'élève à plus de 20 milliards d'euros. La transformation du CICE en allègement de cotisations va mettre en péril le financement de notre système de protection sociale.

Nous pourrions être favorables au CICE s'il créait de l'emploi et favorisait les petites entreprises et les artisans, mais l'effet est limité et bénéficie surtout aux plus grands groupes. De même, le CIR est de plus en plus utilisé par ces derniers comme un levier pour faire financer leur recherche par l'État français et transférer ensuite leur production dans des pays à bas coûts.

Je vous sais féru de musique et de rock, monsieur le Premier ministre, et je vous laisse méditer ces paroles de Kurt Cobain : « Une idéologie est un système de pensée cohérent avec lui-même mais non avec la réalité ». (On s'amuse sur divers bancs ; M. le Premier ministre sourit.) Pourquoi vous obstinez-vous à maintenir de telles mesures injustes et inefficaces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Vincent Éblé applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je ne partage pas vos constats sur deux points. À compter de 2019, le CICE n'est plus un crédit d'impôt, car il est devenu un allègement pérenne de cotisations payées par les entreprises. C'est un outil utile pour préserver l'emploi et pour améliorer la compétitivité des entreprises, tout comme le CIR. L'industrie française est ainsi plus forte sur la scène internationale.

Nous allons réexaminer les niches fiscales en faveur des entreprises avec le souci majeur de préserver la compétitivité et l'emploi. En outre, nous ne toucherons pas aux niches fiscales en faveur des ménages, telles que celles pour l'emploi à domicile, celles qui donnent du pouvoir d'achat ou encore celles qui accompagnent la rénovation thermique.

Le financement sera assuré par des économies sur la dépense publique, par la révision des niches que je viens d'évoquer. Nous le ferons en maintenant notre trajectoire budgétaire sous votre contrôle. Votre citation de Kurt Cobain a fait sourire M. le Premier ministre... même si ce n'était pas le nirvana. (Exclamations amusées sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Éric Bocquet.  - Votre réponse ne nous fait pas toucher le nirvana. (Nouvelles marques d'amusement) Selon France Stratégie, l'État a accordé 111 milliards d'euros de créances fiscales entre 2013 et 2018, pour 100 000 emplois créés. Et j'ai appris il y a quelques minutes que le géant de la distribution, Auchan, supprime 720 emplois sur 21 sites, alors qu'il a touché 88 millions d'euros de CICE. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Plan gouvernemental

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, cinq mois de crise sociale sans précédent déclenchée et amplifiée par votre politique ont précédé la conférence de presse du président de la République. Celui-ci nous a dit qu'il découvrait les problèmes du pays ! Il s'est pourtant dit convaincu que sa politique allait dans le bon sens. Il n'a convaincu ni les Français, ni nous-mêmes.

En matière de pouvoir d'achat, pas une fois le mot « salaire » n'a été prononcé par le président de la République. En matière de retraites, on a compris qu'il faudrait travailler plus pour obtenir une retraite à taux plein. Quant à la réindexation des retraites, c'est pour plus tard, et pas pour toutes.

L'ISF en revanche ne sera pas rétabli alors que les Français le souhaitaient. Vous demandez aussi aux élus locaux de faire plus avec moins. Vous avez fait le buzz en disant qu'aucune école ne fermerait, mais quid des fermetures de classes au sein des écoles, souvent en milieu rural ?

Vous avez enfin entendu la proposition des socialistes et de M. Hulot d'une grande conférence sociale, territoriale et environnementale. J'espère qu'elle corrigera vos erreurs sur les retraites, sur l'assurance chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - La crise des gilets jaunes, inédite, a révélé la triple inquiétude de nos concitoyens au sujet de l'injustice fiscale, sociale et territoriale.

Dès le 10 décembre 2018, le président de la République a ouvert des chantiers pour l'avenir et annoncé des mesures concrètes. D'autres furent présentées jeudi dernier. Un calendrier d'efficacité a été présenté par le Premier ministre lors du séminaire gouvernemental pour mettre sur les rails toutes les mesures annoncées par le président de la République.

La baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros n'est rien moins qu'une mesure concrète et qui répond au sentiment d'injustice fiscale. Vous avez dit que le mot salaire n'avait pas été prononcé par le président de la République. Mais avez-vous oublié l'augmentation de 100 euros de la prime d'activité ?

Voix à gauche et à droite.  - Ce n'est pas du salaire !

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État.  - Mais c'est de l'argent en espèces sonnantes et trébuchantes dans la poche des Français : c'est une réponse de justice sociale !

Il y a aussi la mesure en faveur des familles monoparentales, avec le versement direct des pensions alimentaires par les CAF. C'est une réponse efficace pour les femmes qui aujourd'hui vivent une situation désespérée lorsque leur conjoint ne verse pas la pension alimentaire.

Enfin, nous lançons une nouvelle étape à la décentralisation afin de lutter contre l'injustice territoriale. (Marques de désapprobation sur divers bancs à gauche et à droite, tandis qu'on applaudit sur les bancs du groupe LaREM.)

Lutte contre le terrorisme (II)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) L'actualité est marquée par l'effroyable attentat du 21 avril au Sri Lanka, la vidéo menaçante du calife Abou Bakr Al-Baghdadi, la multiplication des attaques terroristes au Sahel et leur extension préoccupante dans plusieurs pays d'Asie.

Comme l'avaient annoncé divers spécialistes du renseignement, cette actualité confirme que la défaite de l'État islamique en Syrie et en Irak ne signe pas la fin du terrorisme international, mais pourrait bien préluder à sa recrudescence et à une nouvelle stratégie de globalisation.

La France, terre occidentale de liberté, est une cible privilégiée, car elle combat le terrorisme dans le monde entier. Notre pays est en première ligne dans plusieurs pays sahéliens, il a activement combattu les djihadistes au Moyen-Orient et la visite du président Larcher aux soldats de l'opération Chammal en est la preuve.

En France même, les forces de l'ordre continuent d'être une des cibles privilégiées du terrorisme comme en témoigne l'attentat préparé contre elles et déjoué vendredi dernier. Je tiens à saluer l'efficacité de nos services de sécurité.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous faire le point sur la menace terroriste ? Appelle-t-elle des adaptations de notre politique en France et au Sahel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Nous avons tous été choqués par la violence des attentats de Pâques au Sri Lanka. Pour avoir vécu de telles scènes dans notre pays, nous en mesurons toute l'horreur et adressons toute notre sympathie aux autorités et au peuple sri-lankais.

Quant à la menace terroriste sur notre territoire, elle est permanente et imminente. Il est singulier de constater que rappeler cela en période de calme donne le sentiment à certains qu'on veut jouer sur les peurs.

À l'étranger, nous pouvons aider certains États à lutter contre le terrorisme. Nous le faisons dans le domaine du renseignement, grâce à l'échange d'informations en bonne intelligence - c'est crucial. Les services français le font avec beaucoup de sérieux et de rigueur, et c'est un élément important de notre défense collective.

Nous nous sommes aussi engagés militairement. Il est vrai que Daech a été vaincu et nous pouvons nous en réjouir. Mais la défaite militaire de Daech ne fait pas disparaître pour autant la menace. D'autres lieux peuvent abriter les terroristes. C'est pourquoi nous sommes restés au Mali après l'opération Barkane.

Certes, le califat a disparu, mais il peut y avoir des passages à l'acte partout en France ; on l'a vu à Strasbourg en décembre dernier. Depuis 2015, près de 58 attentats ont été déjoués. Ce sont des victoires silencieuses, mais ce sont des victoires ! Saluons ceux qui nous les offrent, souvent dans l'ombre. Nous organisons leur travail. Juridiquement, c'est la loi sur la lutte contre le terrorisme et la sortie de l'état d'urgence. Financièrement, ce sont 1 900 recrutements supplémentaires à la DGSI sur le quinquennat. C'est la création d'un poste de coordinateur, avec une coordination opérationnelle confiée à la DGSI. C'est la création récente du Parquet national antiterroriste.

Mais la lutte contre le terrorisme passe aussi par la coopération et l'aide au développement. La menace est telle que cela peut paraître insuffisant - mais c'est le seul moyen de lutter à long terme.

Depuis février 2018, nous avons fermé quatre écoles hors contrat, où pouvaient être développées des thèses favorables à la radicalisation, sept lieux de culte, huit établissements culturels ou associatifs, 89 débits de boisson.

La loi d'avril 2018 votée à l'initiative de Mme Gatel nous y a aidés, qui a permis quinze procédures d'opposition à des écoles. Oui, la menace est permanente, mais la détermination des forces de sécurité est totale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)

Notre-Dame de Paris

M. Jean-Pierre Leleux .  - Le soir du dramatique incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, le président de la République s'est engagé à une restauration complète en cinq ans, malgré l'absence totale de diagnostic.

Un projet de loi a été rédigé à la hâte et soumis, qui plus est, à la procédure accélérée, avec une étude d'impact sommaire. Il est aussi étonnant que dangereux. Il prévoit un établissement public ad hoc - au mépris des missions de l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (Oppic) ; des aménagements et dérogations à la loi sont prévus, « en matière d'urbanisme, d'environnement, de construction et de préservation du patrimoine ». Lesquels ? Alors que la protection des monuments historiques est inscrite dans une très longue tradition française, des dérogations par ordonnances seraient très périlleuses. La France dispose des meilleurs spécialistes de la protection du patrimoine !

Je m'interroge aussi sur le concours international d'architecture prévu pour reconstruire la flèche, pour rendre Notre-Dame « plus belle encore », selon les mots mêmes du président de la République. Prenons garde qu'après avoir subi l'outrage des flammes, l'intégrité de Notre-Dame ne soit pas mise à mal par des innovations visant à la rendre « plus belle encore » ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe CRCE ; M. Martial Bourquin applaudit également, tandis que M. David Assouline proteste.)

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - Nous avons tous été bouleversés par les images de Notre-Dame en flammes. Sans le travail remarquable, le courage, la compétence et le sang-froid des sapeurs-pompiers de Paris et de toute l'Île-de-France, les dommages auraient été pires.

M. Ladislas Poniatowski.  - Et la question ! (On renchérit à droite.)

M. Franck Riester, ministre.  - J'y viens, elle porte sur la reconstruction. Je tiens à saluer la générosité des Français. Nous voulons le meilleur dispositif pour restaurer Notre-Dame. Je suis le garant des principes fondamentaux de la restauration du patrimoine. (On en doute à droite.) Nous pouvons compter sur les compétences des équipes du ministère de la Culture, des architectes en chef des monuments historiques et des architectes des bâtiments de France en particulier. Tous les dispositifs visant à préserver le patrimoine seront respectés. Mais ne nous privons pas de solutions pour restaurer Notre-Dame.

M. François Grosdidier.  - Et la flèche ?

M. Franck Riester, ministre.  - Quant à la flèche, laissons la créativité des architectes s'exprimer... (Huées à droite) Le moment venu, nous ferons ensuite le choix entre une reconstruction à l'identique et un geste architectural nouveau. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC ; protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Enseignement de la médecine aux Antilles

M. Dominique Théophile .  - La faculté de médecine des Antilles et de la Guyane Hyacinthe Bastaraud existe depuis 1988 et forme les futurs médecins de la région. Mais nos étudiants partent dans l'hexagone à partir de la quatrième année pour parfaire leur formation. Ils arrivent dans des universités déjà surchargées. Le numerus clausus, de 140 pour les Antilles et 20 pour la Guyane, rend de plus en plus difficile leur accueil et le départ en métropole ne favorise pas les retours. Seule la moitié des étudiants revient.

L'université doit s'inscrire pleinement dans la déclinaison régionale de la stratégie de transformation de notre système de santé. Dans nos territoires, nous devons retenir les meilleurs spécialistes et développer à cette fin le réseau des médecins de ville et des praticiens hospitaliers. La faculté des Antilles a acquis un savoir-faire de qualité et une recherche épidémiologique et clinique d'excellence. Il faut offrir sur place une formation complète et de qualité. Or l'accès des patients aux spécialités mais aussi à une médecine de proximité est obéré...

Mme la présidente. - Veuillez conclure.

M. Dominique Théophile.  - À quand la mise en place d'une faculté de médecine Antilles-Guyane de plein exercice ? (M. Antoine Karam applaudit.)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - L'université des Antilles a un premier cycle d'études médicales et un troisième cycle aussi. Durant le deuxième cycle, les étudiants sont envoyés en métropole pour acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de leur profession.

L'application de la loi de 2015 à l'université des Antilles est en cours d'examen par une mission parlementaire. J'ai moi-même demandé à François Weil de présider une mission auprès de l'université des Antilles. Nous souhaitons nous assurer du développement de la formation en santé dans cette université. Plus de 46 % du personnel hospitalo-universitaire a été affecté à cette université. Il y avait 18 professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) en 2011 ; il y en a 29 en 2018. Nous souhaitons que les terrains de stage soient suffisants pour assurer une formation médicale complète au sein de l'université des Antilles.

Un amendement a été inscrit dans la loi qui demande un rapport sur la pertinence de l'organisation de l'université des Antilles et sur son rayonnement dans l'arc caraïbe. (M. André Gattolin applaudit.)

Annonces du Gouvernement

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Après la conférence de presse du président de la République et le séminaire gouvernemental, du flou, toujours du flou, mais pas sur le dérapage des finances publiques ! Le déficit public se dégrade et cette politique condamne la cohérence de la zone euro à long terme, comme le dit un ancien rapporteur général de la Cour des comptes et en dépit des déclarations du candidat Macron. Vous faites pire que le président Hollande, ce qui n'est pas peu dire ! (Protestations sur les bancs du groupe SOCR) C'est la dette qui paie, soit de l'impôt pour nos enfants, sur qui vous vous déresponsabilisez !

Vous aviez promis le réenchantement et la révolution pour construire la prospérité du XXIe siècle... Le soulèvement populaire récent illustre l'effondrement de cette illusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Vous dressez un tableau bien sombre...

M. Michel Raison.  - Réaliste !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - ... mais qui ne correspond pas à la réalité de la situation des comptes de la France.

En 2018, la dépense publique a baissé en volume de 0,3 % pour la première fois de l'histoire contemporaine, grâce aux efforts réalisés par l'État et les collectivités territoriales (Murmures à droite) qui ont permis de diminuer la pression fiscale sur les Français.

Nous voulons construire une France qui soit maîtresse de son destin et non pas à la merci des marchés Nous voulons une France où la dépense publique soit efficace, qui accompagne le progrès de chacun. Nous y parviendrons par la maîtrise des comptes. Nous pouvons y arriver, comme le démontrent les comptes des exercices 2017 et 2018, ainsi que ceux de l'exercice en cours, sans renoncer à nos objectifs ni comptables ni politiques.

M. Guillaume Chevrollier.  - Vous serez jugés à la fin du quinquennat. La majorité sénatoriale vous fait des propositions : écoutez-nous ! Donnez l'exemple au lieu de donner des leçons aux autres Européens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Sécurité

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - L'Observatoire de la délinquance et des réponses pénales a publié sa dernière enquête de victimation : les chiffres sont inquiétants. Explosion de la délinquance en 2018 par rapport à 2017 et malaise croissant des forces de l'ordre sont liés à l'incapacité de prendre en compte les besoins de celles-ci.

La responsabilité en incombe à votre Gouvernement : ce n'est pas la faute des gilets jaunes ! Ils n'existaient pas en 2017. Monsieur le Premier ministre, comptez-vous revoir la feuille de route des ministères de l'Intérieur et de la Justice ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Votre présentation des chiffres est erronée. La délinquance en 2018 n'est pas si catastrophique. Les cambriolages, les atteintes aux biens et les vols dans les véhicules ont baissé en 2018 ; peut-être confondez-vous avec le premier trimestre 2019, où, effectivement, nous enregistrons une hausse des items de la délinquance, notamment des atteintes aux biens et aux cambriolages ?

Il y a de nouvelles menaces, comme la cybercriminalité, et de nouvelles missions, comme la gestion de l'ordre public qui bascule souvent en violences urbaines ou en émeutes. Mais il y a des réponses à ces besoins : 10 000 emplois en plus sur le quinquennat, 300 millions d'euros en plus pour de l'immobilier, des policiers et gendarmes déchargés des tâches indues - tâches administratives ou gardes statiques - pour lutter effectivement sur le terrain.

Nous élaborons de nouvelles doctrines. Nous luttons contre les trafics de stupéfiants. Nous avons multiplié par cinq le démantèlement des réseaux, qui gangrènent les quartiers. Nous sommes efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Isabelle Raimond-Pavero.  - Une commission d'enquête sénatoriale a fait un constat et des propositions. Vous le savez par expérience, vous n'aurez pas de résultats sans un changement de gouvernance et une révision du management de la police, s'appuyant sur une réponse pénale certaine et des moyens supplémentaires. Ouvrez ainsi une perspective positive aux forces de l'ordre, pour leur redonner le moral ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs au centre)

Armes françaises au Yémen

M. André Vallini .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Depuis quatre ans, la guerre fait rage au Yémen avec plus de 70 000 morts dont une grande majorité de civils, femmes, enfants, vieillards...

Le Yémen connaît la crise humanitaire et alimentaire la plus grave de l'histoire contemporaine. Cette guerre est conduite par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis avec des armements français : chars Leclerc, radars Cobra, hélicoptères Dauphin, blindés Aravis, canons Caesar, et tant d'autres.

Les navires organisent le blocus de nourriture et de médicaments. Le traité sur le commerce avec les États en situation de guerre interdit l'exportation d'armes aux États qui violent de façon grave et répétée le droit international humanitaire. Pouvez-vous nous garantir que la France ne contrevient pas à ce traité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - La situation au Yémen est épouvantable. Cette guerre doit cesser. La France est depuis longtemps engagée dans le processus de paix. Le Gouvernement français a encore récemment reçu Martin Griffiths, envoyé spécial de l'ONU, et lui a réitéré son soutien.

Croire que cet horrible conflit disparaîtrait si la France abandonnait son partenariat avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis est faux. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s'exclame.) On ne peut pas abandonner un pays faisant face à des organisations terroristes comme Al-Qaïda, qui ont frappé sur notre propre sol.

Le Gouvernement n'a jamais nié l'existence d'armes françaises au Yémen. Cependant, nous n'avons aucune preuve que ces armes aient été employées contre des populations civiles.

M. Pierre Laurent.  - Oh !

Mme Florence Parly, ministre.  - Vous le savez bien, l'autorisation de ventes d'armes est sujette à un examen rigoureux dont les critères sont entre autres la stabilité régionale et la protection des populations civiles.

Nous entretenons un dialogue très franc avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sur l'urgence de sortir de ce conflit, car la France n'a qu'un objectif : la fin de cette guerre.

M. André Vallini.  - L'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège, la Belgique et le Canada ont suspendu tout commerce d'armements avec l'Arabie saoudite. Pourquoi la France n'en fait-elle pas autant ?

En outre, des journalistes qui enquêtent sur ce sujet sont inquiétés par la DGSI : nous dénonçons cette atteinte à la liberté de la presse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Ressources des collectivités territoriales

M. Jean-Claude Luche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le président de la République a essayé de rassurer les maires et les élus. Mais ceux-ci - notamment les élus ruraux - sont inquiets concernant leur statut et les finances des collectivités territoriales. Pouvons-nous être rassurés ? Comment la loi NOTRe sera-t-elle révisée ?

Avec les économies demandées, les maires des petites communes perdent en autonomie financière, alors qu'ils ne savent pas comment se faire entendre dans les intercommunalités.

Monsieur le Premier ministre, il est urgent de leur exposer les ressources sur lesquelles ils peuvent compter. Il en va de notre démocratie. Sinon, ce ne seront que des promesses qui ne pourront être tenues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Hier, au séminaire du Gouvernement, le Premier ministre a ouvert trois chantiers : le statut de l'élu et la correction des textes régissant les collectivités territoriales - vous avez cité la loi NOTRe - chantier dont Sébastien Lecornu sera chargé ; la différenciation des territoires, qui engage une réforme constitutionnelle et un dialogue avec les territoires que mènera Jacqueline Gourault ; enfin, le chantier financier, dans la continuité de l'exercice 2018 - comprenant la suppression de la taxe d'habitation, que mènera Sébastien Lecornu, en concertation avec les associations d'élus, de telle sorte que la prochaine loi de finances pour 2020 apporte des ressources stables, pérennes et justes, aux collectivités territoriales, conformément à l'engagement du président de la République, afin de répondre aux besoins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 17 h 55.