SÉANCE

du mercredi 29 janvier 2020

53e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. J'appelle chacun à respecter son temps de parole et la courtoisie mutuelle.

Projet de loi retraites (I)

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Sébastien Meurant applaudit également.) Dès son élection, le Président de la République a engagé la concertation sur la réforme des retraites menée par M. Delevoye pendant deux ans ; à l'automne 2019, vous avez repris en main le dossier, monsieur le Premier ministre. Beaucoup de questions restaient en suspens. Début 2020, le projet de loi était soumis en Conseil d'État qui a émis un avis pour le moins mesuré et réservé, comme l'on dirait au Quai d'Orsay...

M. Philippe Dallier.  - C'est un euphémisme !

M. Hervé Marseille.  - Maintenez-vous le calendrier prévu ou reprendrez-vous à nouveau la main pour tenir compte des observations du Conseil d'État ? La Conférence des présidents du Sénat a demandé hier, à la quasi-unanimité, la levée de la procédure d'urgence afin de disposer d'un peu plus de temps pour mener un débat parlementaire sur le fond. Allez-vous le faire ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur la plupart des autres travées, à l'exception de celles des groupes LaREM et Les Indépendants)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Comme vous l'avez rappelé, le Président de la République s'est engagé au moment de son élection à mettre en oeuvre une réforme majeure consistant à refonder notre pacte social, afin d'installer un système universel de retraite. Comme les candidats aux élections législatives qui ont suivi, nous sommes déterminés à respecter notre engagement.

Nous tiendrons aussi le calendrier : comme je l'ai souligné dans ma déclaration de politique générale, toute réforme des retraites, même marginale, suscite des questionnements et des blocages. Ce calendrier, après la présentation du projet au conseil des ministres vendredi dernier, c'est un examen au premier semestre par l'Assemblée nationale puis le Sénat, pour une adoption avant l'interruption estivale. Tel est notre objectif.

Nous allons donc rester sur ce calendrier.

M. Martial Bourquin.  - Quelle ouverture !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Le débat sera intense, passionné et passionnant. (Exclamations sur diverses travées, à gauche comme à droite) Le texte était accompagné d'une étude d'impact de quelques milliers de pages... (Marques d'ironie à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Rachid Temal.  - Ha, ha !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - ... certes beaucoup plus roborative que celles des réformes précédentes des retraites. (Protestations à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur Marseille, je n'ai pas peur du débat parlementaire, mais il n'y aura pas de champ de braises. La procédure accélérée a toujours été retenue pour les réformes des retraites.

M. Rachid Temal.  - Il fallait changer !

Mme Catherine Troendlé.  - Ce n'est pas la réponse que l'on attend !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Je ne doute pas de la qualité du débat parlementaire, mais nous voulons une adoption avant l'été. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)

Chiffres du chômage

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; plusieurs « Allô ! » à droite) Ni triomphalisme ni relâchement. Le chômage est la plus grande injustice sociale de notre pays. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains) Si cela ne vous intéresse pas, dites-le moi ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Les chiffres du chômage sont bons : 120 000 chômeurs de catégorie A en moins depuis un an, la plus forte baisse depuis 2007. La réforme du code du travail, le développement de l'apprentissage, la baisse des charges, la réforme de la formation continue, y contribuent. Mais il reste trois millions et demi de Français au chômage. Nous devons être exigeants sur les projets : grand plan de formation pour les chômeurs de longue durée et les jeunes sans qualification, augmentation du taux d'emploi des seniors à partir des recommandations du rapport Bellon, réponse au cas par cas, hausse de nombreuses offres d'emplois non satisfaites.

Comment le Gouvernement entend-il poursuivre la lutte contre le chômage, qu'il a entamée et quelles mesures prendra-t-il dans les mois à venir, pour faire régresser cette injustice ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Nous avons en France une difficulté à nous réjouir collectivement de bonnes nouvelles. Cela ne veut pas dire que tout va bien ni que nous en sommes à 100 % responsables, ni que nous ignorions les endroits où nous pouvons progresser, mais c'est pointer une évolution qui va dans le bon sens, grâce aux efforts continus des gouvernements successifs dont celui que j'ai l'honneur de diriger depuis plus de deux ans.

Notre pays est de plus en plus attractif pour les investisseurs étrangers. C'est toujours une bonne nouvelle pour l'emploi et pour nos entreprises qui produisent sur le territoire national. C'est une bonne nouvelle pour celles et ceux qui retrouvent un emploi ou conservent le leur.

Oui, de ces bonnes nouvelles, je veux me réjouir, comme de celle aussi des chiffres du chômage montrant une tendance continue à l'amélioration. Oui, nous devons nous en réjouir pour les entreprises françaises qui produisent plus et mieux, investissent en confiance dans l'avenir. Comme être divisés sur une telle bonne nouvelle ?

Ces chiffres ont commencé à être bons en 2016... (On approuve et l'on s'en félicite sur les travées du groupe SOCR.) grâce à des mesures aujourd'hui critiquées par ceux les ayant promis. (M. Rachid Temal feint de jouer de la flûte.)

Le nombre de CDI augmente nettement, car l'effort de formation que nous avons accru commence à payer. Dans tous les secteurs et dans tous les territoires, il y a encore de nombreuses offres d'emploi ne trouvant pas preneur, faute de mobilité géographique, de formation adaptée, d'appétence au travail...Causes que nous essayons de corriger grâce aux plans de formation, à la réforme de l'assurance chômage et à des mesures fiscales que nous avons prises, que nous assumons et qui commencent à produire d'excellents effets. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Internats d'excellence

Mme Josiane Costes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Beaucoup de nos départements ruraux souffrent de la déprise démographique. Le maillage scolaire est essentiel pour la vie de ces territoires, fixant des familles et développant l'économie locale. En 1960, près d'un quart des élèves du second degré étaient internes ; ils sont moins de 4 % désormais, alors que 40 000 places sont vacantes. L'internat est pourtant un moyen de revitaliser des territoires vieillissants.

Vous avez lancé un plan de renouvellement des internats du XXIe siècle, à la suite du rapport de MM. Jean-Yves Gouttebel et Marc Foucault, prévoyant 100 internats d'excellence, 100 résidences à thèmes et 40 campus professionnels en 2022, pour un total de 13 000 places. En tant que sénatrice du Cantal, je m'en réjouis.

Je m'interroge sur l'appel à projets lancé aux collectivités pour ces internats : quel est le calendrier ? Quelle sera la participation de l'État, notamment pour les territoires en ayant le plus besoin mais dotés de peu de ressources ? Comment articulerez-vous le plan Internat avec le plan Campus 2022 ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Madame Costes, vous faites partie des élus qui ont eu à subir des exactions sur leur permanence, que nous condamnons avec la plus grande fermeté. Je vous dis tout mon soutien. (Marques d'approbation sur plusieurs travées, notamment celles du groupe RDSE)

Le rapport Gouttebel-Foucault - qui a de fortes racines auvergnates - nous a inspirés en matière sociale et en matière d'aménagement des territoires. Il s'agit de favoriser la revitalisation rurale, mais aussi l'ascension sociale. Nous développerons des internats thématiques - autour des langues, du numérique ou du sport par exemple, des internats d'excellence et des internats professionnels. Nous annoncerons les nouveaux campus professionnels ; « Harvard du pro », que j'avais annoncés lors de la réforme de la filière, dès la semaine prochaine.

Les appels d'offres pour les territoires seront lancés dès février, avec l'aide du plan d'investissements d'avenir. Nous voulons y associer les collectivités, particulièrement les départements et les régions, et serons particulièrement attentifs aux plus pauvres (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs travées des groupes RDSE et UC)

Projet de loi retraites (II)

Mme Cécile Cukierman .  - Avec votre réforme des retraites, vous faites preuve d'un triple mépris : du peuple qui s'y oppose, du Parlement avec la procédure accélérée et les 29 ordonnances, de l'ordre constitutionnel, comme l'a rappelé le Conseil d'État.

Décidément, le respect des institutions n'est pas votre crédo ! En vous attaquant ainsi au pacte social issu du Conseil national de la Résistance (CNR), vous fragilisez durablement ce que sera notre société demain.

Monsieur le Premier ministre, je vous le demande à nouveau : allez-vous retirer ce projet dangereux et antipopulaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur de nombreuses travées, hormis celles des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État .  - (M. Rachid Temal s'exclame.) De quel mépris parlons-nous ? D'un engagement démocratique pris par le Président de la République élu sur son programme ? (Vives protestations de part et d'autre de l'hémicycle, sauf sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe UC)

Je me suis engagé en politique en raison de l'écart entre les engagements de ceux pour qui nous votions et leurs actions. Je m'honore de faire partie d'un Gouvernement qui met en oeuvre ses engagements. (M. Éric Gold applaudit vivement.)

Les 29 ordonnances laisseront la démocratie sociale s'exprimer...

Mme Laurence Rossignol.  - Oh !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - ... et votre sensibilité politique y est favorable. (Protestations à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, tandis que M. François Patriat invite à écouter le secrétaire d'État.)

Madame la sénatrice, nous ne retirerons pas notre projet de loi et nous le porterons jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et marques d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR)

Mme Cécile Cukierman.  - Monsieur le secrétaire d'État, vous qui étiez présenté comme le « monsieur retraites » de la République en marche, votre réponse est aussi décevante ici que celle de ces derniers jours : votre seul argument est de nous renvoyer au résultat de l'élection présidentielle... En politique, l'absence d'humilité est une forme de mépris. (Bravos et applaudissements nourris sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains)

En deux ans et demi, vous avez accumulé plus de colère sociale que les quinquennats de MM. Sarkozy et Hollande réunis. (Même mouvement) Belle réussite ! Vous serez responsables du chaos démocratique dans notre pays. (Bravos et vifs applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur de nombreuses travées des groupes SOCR et Les Républicains)

Projet de loi retraites (III)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) « Manque de temps, complexité des textes, étude d'impact insuffisante, insécurité juridique... » Pire qu'un contrôle continu du bac ! Dur, dur, l'avis du Conseil d'État sur les retraites ! Et d'ajouter que s'agissant d'un projet qui s'attaque à un pilier de notre contrat social, le renvoi à 29 ordonnances sur des sujets majeurs interdit une vision globale.

Hier, le Premier ministre a reconnu à l'Assemblée nationale qu'une refonte aussi complète, fondée sur des hypothèses économiques susceptibles de bouger, pose beaucoup de questions. Nous sommes d'accord, bienvenue au club !

Alors pourquoi engager une procédure accélérée sur une telle réforme systémique, contrairement aux précédentes, et pourquoi déconnecter la conférence de financement de l'examen parlementaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE ; Mme Catherine Troendlé et M. Alain Houpert applaudissent également.)

M. David Assouline.  - Encore un peu de mépris !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites .  - J'entends que vous puissiez critiquer notre étude d'impact...

Voix sur les travées du groupe SOCR. - C'est le Conseil d'État qui la critique !

M. Jacques Grosperrin.  - Merci ! (Marques d'ironie à gauche)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Je suis allé voir ce qui avait été produit lors des réformes précédentes... (Brouhaha à gauche) Je comprendrais que vous ne vouliez pas en parler ! Le Conseil d'État s'est exprimé dans son rôle de conseil du Gouvernement...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Et il l'a très bien fait !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Il a validé dans sa note de 63 pages la quasi-totalité des deux projets de loi, notamment au regard de leur conformité aux normes internationales et à la Constitution. (MM. Philippe Dallier et Ladislas Poniatowski s'exclament vivement.)

On ne peut à la fois se réclamer d'une démocratie sociale et d'une démocratie parlementaire...

M. David Assouline.  - On veut les deux !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - ... et refuser que les partenaires sociaux puissent s'exprimer. C'est ce que les ordonnances permettent. En 2014 et 2010, la procédure accélérée a été utilisée, comme tous les parlementaires le savent...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est de la soupe !

Mme Sophie Taillé-Polian.  - C'est faible !

M. David Assouline.  - Oui.

Mme Laurence Harribey.  - Quel gâchis ! La période est propice à une réforme de fond : le système est quasi sécurisé jusqu'en 2030. Mutation démographique, carrières des femmes hachées, recherche de nouveaux modes de financement, inégalités : tant de questions se posent et votre projet n'y répond pas car il met en place un système universel par points et non un véritable système universel. À l'insécurité juridique s'ajoute l'insécurité sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Situation des pêcheurs à la suite du Brexit

M. Jean-Pierre Decool .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Aujourd'hui, 30 % de la pêche française, 50 % des captures bretonnes et trois poissons sur quatre levés par les pêcheries des Hauts-de-France proviennent des eaux britanniques. La rencontre entre le président de la région Bretagne et le commissaire européen en charge de ces questions a fait ressortir des inquiétudes. La pêche, qui représente moins de 0,1 % du PIB du Royaume-Uni, a été un point de tension dans les négociations.

Les interrogations - nombreuses, dans le Nord comme ailleurs - portent sur l'accès aux eaux britanniques après décembre 2020, mais aussi sur la concurrence induite par le Brexit avec les pêcheurs britanniques et la possible réorientation des flux de pêche vers notre espace maritime.

La Commission a un mandat de négociation avec le Royaume-Uni, mais la filière pêche ne doit pas servir de variable d'ajustement dans le cadre d'un accord économique plus global. Pouvez-vous nous le garantir, madame la ministre ? Quelles mesures prévoyez-vous pour le secteur pêche en cas d'absence d'accord ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Les Britanniques quitteront l'Union européenne dans deux jours. Les pêcheurs auront accès aux eaux britanniques jusqu'au 31 décembre 2020. Nous devons préparer l'avenir pour garantir à toute la filière, de Dunkerque à Brest, la possibilité de continuer son activité. Nous y veillons avec Jean-Yves Le Drian et Didier Guillaume. (« Il est où ? » à droite ; on fait chorus sur plusieurs travées du groupe SOCR) Nous ne tolérerons pas de décision unilatérale sur la pêche. C'est un enjeu central, une ligne rouge absolue.

Nous devons préserver l'accès aux eaux britanniques pour nos pêcheurs, nous assurer d'une clé de répartition des quotas, pour protéger la ressource, obtenir des modalités pluriannuelles de gestion des stocks et des conditions de concurrence équitables, ce qui vaut aussi pour l'agriculture ; il faut que les produits importés respectent nos normes. L'ouverture commerciale dépendra de cette convergence des normes.

Nous avons onze mois, mais nous ne signerons pas un mauvais accord sous la pression du calendrier. Nous voulons équilibre et loyauté. Faisons en sorte que l'unité des Vingt-sept soit absolue. Je serai la semaine prochaine à Port-en-Bessin avec Sibeth Ndiaye pour en débattre avec les pêcheurs car c'est avec eux que nous devons construire notre stratégie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)

Projet de loi retraites (IV)

M. Michel Vaspart .  - Le Général de Gaulle aurait sûrement qualifié la période écoulée depuis novembre 2018 de « chienlit »... : gilets jaunes depuis quatorze mois, plus de 56 jours de grève - du jamais vu ! -, menaces de démission des médecins, avocats qui jettent leur robe à terre, pompiers, ports bloqués, ajoutez à cela un incroyable amateurisme dans la conduite de la réforme des retraites.

L'arrogance de votre majorité, face aux inquiétudes qu'elle a suscitées, a aggravé une cacophonie anxiogène et la chienlit s'est installée. Monsieur le Premier ministre, quand et comment ramènerez-vous la confiance et la sérénité dont notre pays a tant besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Votre tableau est bien sombre ; il est peut-être incomplet. Je ne nie pas les tensions sociales, mais vous auriez pu, pour équilibrer le portrait que vous dressez de notre pays, mentionner les bonnes nouvelles que je viens de rappeler : l'économie française croît plus vite que la zone euro ; le chômage est au plus bas niveau depuis douze ans, et cela sans les voies de garage artificielles que l'on utilise habituellement ; les créations d'emplois en CDI augmentent. Vous auriez pu ajouter que nous avons engagé des transformations qui peuvent entraîner des interrogations, des oppositions, voire des angoisses légitimes, dont j'ai bien conscience, mais qui étaient rendues nécessaires depuis longtemps. Il fallait s'y coller, pardonnez-moi l'expression ! Ainsi, nous avançons sur l'amélioration de l'orientation vers l'enseignement supérieur. (M. David Assouline proteste vivement.) En supprimant les recrutements sous statut des cheminots, nous savions les oppositions que nous susciterions. Nous l'avons fait !

Il serait facile d'apaiser le pays en ne faisant plus rien. Cette tentation de l'immobilisme, qui n'a pas de couleur politique, est dangereuse. Lorsque l'on menace des travailleurs, des intellectuels, des élus, on dépasse les oppositions politiques. Certains veulent excuser ces agissements ; ce n'est pas acceptable.

Nous avons mis autour de la table les organisations syndicales dites réformistes et patronales pour améliorer le texte, dans une démarche d'apaisement.

M. David Assouline.  - Mais pas avec le Parlement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - J'ai hâte que le débat parlementaire commence. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Indépendants et UC)

M. Michel Vaspart.  - L'avis du Conseil d'État est sans précédent : étude d'impact lacunaire, 29 ordonnances qui occasionnent une perte de visibilité... Il faut revoir ce texte, auquel 61 % des Français sont opposés. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes SOCR et CRCE)

Affaire Mila

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que le Président de la République a évoqué le problème du communautarisme et du séparatisme islamistes, une adolescente de 16 ans, Mila, fait face à une vague de haine sans précédent pour le seul crime d'avoir critiqué une religion, l'islam. Harcelée sur les réseaux sociaux, elle fait l'objet d'une violence qui rappelle les fatwas lancées contre Salman Rushdie ou Charlie Hebdo, confortée par la prise de position honteuse du délégué général du Conseil français du culte musulman.

Entre insultes homophobes et menaces de mort, Mila est devenue le symbole de la volonté des islamistes d'anéantir la liberté d'opinion et d'expression et de rétablir un délit de blasphème en France.

Il n'y a pas de racisme dans la critique d'une religion. L'islam doit se soumettre à la critique, à l'humour et aux lois de la République.

En s'appuyant sur l'Association musulmane pour l'islam de France, dominée par les Frères musulmans, le Président de la République parviendra-t-il à faire valoir notre droit de critiquer toutes les religions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Vous avez raison d'évoquer cette situation humainement dramatique. Cette jeune fille, qui a émis une opinion sur les réseaux sociaux, fait l'objet d'un déferlement de haine. Deux enquêtes sont ouvertes au parquet de Vienne, l'une pour menaces de mort, l'autre pour provocation à la haine raciale.

Mme Laurence Rossignol.  - Pourquoi ? L'islam n'est pas une race !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Il n'existe pas et n'existera jamais de délit de blasphème en France. (On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.) La liberté d'expression autorise à critiquer une religion ; il est inacceptable de laisser penser qu'une telle critique serait interdite.

Nous devons aussi protéger toutes les religions et refuser les appels à la haine au nom d'une religion. C'est pourquoi nous menons ce combat contre le communautarisme, le repli sur soi et l'islamisme, car je nomme les choses.

Nous devons aussi protéger les plus jeunes sur les réseaux sociaux.

On ne saurait refuser la critique d'une religion en invoquant une prétendue islamophobie. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Dans une France fracturée, dans un climat d'inquiétude et de peur, les propos de la garde des Sceaux confortent mes interrogations. Non, injurier et critiquer une religion n'est pas une atteinte à la liberté de conscience. Nous devrions tous, au nom de cette liberté, nous lever pour Mila ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes SOCR et CRCE.)

Surtaxe américaine sur les vins français

M. Jérôme Durain .  - Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains en faisant observer que le ministre n'est pas là, qu'il est à Biarritz, qu'il surfe sans doute...)

En octobre dernier, en raison du conflit commercial entre l'Union européenne et les États-Unis sur l'aéronautique, ces derniers ont augmenté les taxes à l'importation sur plusieurs produits européens, dont le vin ; le Bourgogne bien sûr, mais aussi le Bordeaux, le Champagne, le Chablis, les vins de la Drôme ou l'Irouléguy, si prisé à Biarritz. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

La surtaxation s'élève à 25 %. La filière craint les effets sur le long terme de cette guerre commerciale. Nous savons tous combien il est difficile de regagner une part de marché perdue. On nous annonce une paix des braves sur le front des GAFA qui changerait la donne, mais la viticulture française attend des réponses rapides. Elle demande un fonds de 300 millions d'euros. Le ministre de l'Agriculture a demandé à l'Union européenne des mesures d'accompagnement ; qu'a-t-il obtenu, avant de tourner ses regards vers la côte basque ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées du groupe CRCE)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Vous n'aurez que la réponse d'un ancien ministre de l'Agriculture. (Sourires) L'Europe a été condamnée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le cadre de l'affaire Boeing-Airbus au versement d'une amende de 7,4 milliards d'euros aux États-Unis. Le match retour aura lieu en juin prochain, pour les aides américaines à Boeing. Nous espérons trouver alors un accord avec les États-Unis, dans le cadre de l'OMC.

La surtaxe de 25 % touche des vins français de milieu de gamme, entre 15 dollars et 20 dollars. Nous avons fait appel à l'Union européenne qui a débloqué des moyens pour la promotion et travaillons avec la filière viticole pour apporter des aides supplémentaires.

À Davos, j'ai trouvé un accord avec mon homologue américain sur la taxation du digital : la taxe GAFA reste en vigueur mais le versement de l'acompte est reporté d'avril à décembre. Cet accord a permis d'éviter une taxation à 100 % des vins français, qui aurait représenté 2,4 milliards d'euros. Comptez sur le soutien total du Gouvernement à la viticulture française. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Durain.  - Les 25 % représentent déjà 300 millions d'euros de pertes, des marchés qui se ferment. La filière est dans l'incertitude. Il est regrettable de ne pas avoir entendu le ministre de l'Agriculture. Le pays a besoin de ministres concentrés sur leur tâche. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Délinquance

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Publié en toute discrétion, le bilan de la délinquance en 2019 est mauvais : tous les indicateurs sont au rouge. Comme en 2018, les coups et blessures volontaires sont en hausse, les violences sexuelles explosent, de même que vols, homicides et escroqueries.

La police de sécurité du quotidien installée il y a deux ans n'a pas inversé la tendance. On allait voir ce qu'on allait voir ! À Besançon, dans le quartier de Planoise, nous avons vu un commissariat ouvert de 10 heures à 17 heures, des tirs quotidiens, huit blessés, la fourrière incendiée... et une impunité qui désespère les forces de police. Est-il vraiment pertinent de réduire le recours à l'incarcération ? Jusqu'où votre politique, monsieur le Premier ministre, va-t-elle nous emmener ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - C'est vrai, une partie des indicateurs sont mauvais. C'est le résultat d'une société en proie aux désordres et aux violences. Les atteintes aux biens ne cessent de progresser depuis dix ans. Notons tout de même que les vols de véhicules et cambriolages ont diminué depuis trois ans. Nous menons un combat inlassable contre la délinquance qui se traduit par le recrutement de dix mille policiers et gendarmes, par des moyens spécifiques dans les 47 quartiers de reconquête républicaine, par un programme de paiement des heures supplémentaires - certaines dettes datent de 2005 - par de nouveaux cycles d'horaires de travail pour plus de présence sur le terrain.

C'est moi qui ai installé le quartier de reconquête républicaine de la Planoise, avec seize policiers supplémentaires, et les résultats sont là, notamment sur le démantèlement de trafics de drogue. Cela a aussi pu provoquer des réactions de violence. Laurent Nunez sera sur place vendredi ; nous poursuivons le combat pour sécuriser chaque mètre carré. Nous le devons aux habitants de la Planoise comme à l'ensemble des Français. C'est pourquoi le budget de la sécurité a augmenté de plus d'un milliard d'euros depuis 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jacques Grosperrin.  - On ne dit pas « la » Planoise mais Planoise... Face aux statistiques calamiteuses, au malaise des forces de l'ordre, une remise en cause de vos choix s'impose ; c'est une urgence absolue pour l'autorité de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Désorganisation judiciaire

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Report d'audience sur report d'audience, tel est le quotidien de nos juridictions depuis l'annonce de la réforme des retraites qui a provoqué la grève des avocats. Partout les tribunaux dysfonctionnent. Or, en matière pénale, l'urgence est là. Que faire ? Relâcher des détenus provisoires peut-être dangereux ? Les juger sans avocat ? Deux réformes de la justice sont prévues prochainement, l'une sur les peines, l'autre sur la justice des mineurs, que vous risquez d'être contraints de reporter si les retards d'audiences ne sont pas résorbés.

À quand une justice à nouveau apaisée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser la garde des Sceaux, retenue à l'Assemblée nationale par une proposition de loi sur les violences conjugales. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

Les représentants des avocats ont été reçus à de nombreuses reprises par la garde des Sceaux et par le Premier ministre et ont obtenu des garanties. Le blocage tient à ce qu'ils récusent le principe même d'un système universel de retraites. Le Gouvernement s'est pourtant engagé à examiner les incidences concrètes de la réforme sur leur pension. Selon les projections, un avocat gagnant 32 000 euros verrait sa pension augmenter de 13 %, ce qui n'est pas négligeable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - C'est faux ! (Mme Laurence Rossignol renchérit.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement s'est engagé à limiter l'impact de la hausse des cotisations sur les cabinets en pérennisant les abattements de charges.

Malgré la grève qui gêne les juridictions, je salue les efforts des greffiers et magistrats pour que le service public de la justice soit rendu. Le Gouvernement reste ouvert au dialogue mais dans le cadre d'un système universel où chaque Français cotisera à une seule et même caisse. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Laurence Rossignol.  - Mensonges !

Mme Dominique Vérien.  - Je vous parle organisation de la justice, vous me répondez retraite des avocats ! Allez-vous reporter la réforme de la justice des mineurs, pour éviter de se retrouver avec deux codes en vigueur simultanément ? Quant à juger sans avocat, cela expose la France à une condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH)... (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe SOCR)

Ostréiculture

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à M. le ministre de l'Agriculture. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà deux mois que les conchyliculteurs et les ostréiculteurs voient leurs productions touchées par un virus. Dans le Morbihan, deux entreprises sur trois ont dû fermer. C'est une catastrophe économique et sociale. Beaucoup de ces entreprises familiales font 60 % de leur chiffre d'affaires lors des fêtes de fin d'année.

Pour venir à bout du virus, la première réponse est de revoir le traitement des eaux usées. Cependant, il faut aussi faire face à l'urgence. Les conchyliculteurs subissent une situation dont ils ne sont pas responsables et font appel à la solidarité nationale. Les réunions tenues au ministère de l'Agriculture ont conclu que les préfets seraient chargés de recenser les préjudices pour mettre en oeuvre les aides existantes. Mais les professionnels ne voient rien de concret sur le terrain. Comment comptez-vous aider les conchyliculteurs ? À quelle hauteur ? Selon quel calendrier ? Les entreprises et leurs salariés attendent des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Depuis décembre, plus de 200 suspicions d'infections alimentaires collectives liées à la consommation d'huîtres ont été déclarées. Pluies abondantes, épidémies hivernales et forte consommation d'huîtres expliquent le phénomène.

La vigilance de la filière est une garantie de la qualité des produits mis sur le marché. Mais les fermetures ont des conséquences économiques et sociales. Les responsables de la filière ont été reçus au ministère de l'Agriculture et les préfets sont en train d'identifier au cas par cas les préjudices subis.

Les collectivités territoriales doivent veiller à maîtriser l'assainissement des eaux usées, y compris lors de fortes pluies, et les épandages. Les agences de l'eau apportent leur aide pour améliorer le traitement des eaux usées dans les zones fragiles, à hauteur de 3,6 millions d'euros. Il faudra un retour d'expérience national pour améliorer la surveillance, anticiper les périodes à risque et améliorer les dispositifs assurantiels pour les conchyliculteurs.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Combien toucheront-ils ? (Sourires)

Brexit

M. Richard Yung .  - Le 31 janvier, à minuit heure française, le Royaume-Uni quittera l'Union européenne dont il a été membre pendant 47 ans. Le Parlement européen est en train d'adopter l'accord de retrait.

Certains d'entre nous seront tristes de ce recul dans la construction européenne, mais il faut se tourner vers l'avenir.

Les deux parties auront à peine onze mois pour définir leurs relations futures dans tous les domaines. Cela implique plus de quinze accords. La date du 31 décembre 2020 est irréaliste : il faudra donc bien établir des priorités. La Commission européenne a appelé les États membres à faire connaître leurs lignes rouges ; quelles sont les nôtres ?

Le Premier ministre britannique semble vouloir créer un Singapour à nos portes. Comment garantir le respect des règles d'équité ?

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Richard Yung.  - Dans des domaines comme la régulation financière et la fiscalité, comment le Gouvernement envisage-t-il les négociations ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Royaume-Uni sera un État tiers à compter du 1er février. L'accord de retrait, que le Conseil doit valider aujourd'hui, a évité la sortie désordonnée que nous craignions. Pendant la période de transition, jusqu'au 31 décembre 2020, le droit de l'Union européenne continue à s'appliquer au Royaume-Uni ; c'est une sécurité pour nos entreprises et nos concitoyens.

Mais le plus dur est devant nous. Le mandat de négociation confié à Michel Barnier sera fixé le 25 février. L'Union européenne doit rester unie et cohérente comme elle l'a été depuis juin 2016.

Les principes fondamentaux que sont l'intégrité du marché intérieur, l'autonomie de décision de l'Union et l'équilibre des droits et obligations doivent être garantis.

Nous privilégierons le fond sur le calendrier. Il ne faut pas confondre urgence et précipitation.

Enfin, toute concurrence déloyale devra être écartée. L'accès au marché intérieur n'est pas automatique. Il n'y aura pas de paradis fiscal, social ou environnemental aux portes de l'Union. La négociation sera globale ou ne sera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE)

Comptes des Français de l'étranger

M. Damien Regnard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à M. Le Maire. (On fait remarquer à droite que le ministre a quitté l'hémicycle.)

Le 19 décembre dernier, le Président de la République s'adressait depuis Abidjan aux trois millions de Français de l'étranger, si souvent oubliés. Il leur a promis de s'attaquer à la débancarisation, de convoquer les banques françaises pour trouver une solution.

Comme eux, je n'ai pas été surpris de voir qu'il n'y avait rien au pied du sapin. Depuis 2013, les fermetures de comptes arbitraires continuent. À chaque déplacement je suis interpellé sur ce thème. Est-il normal que ces Français soient contraints de se tourner vers les banques étrangères pour ouvrir un compte ou obtenir un financement ? Ils ont trop donné, ils sont fatigués des promesses. Ils ne supportent plus d'être une variable d'ajustement, de voir leur fiscalité augmenter quand les services consulaires régressent.

Le 29 janvier, il est encore temps pour former un voeu. L'exaucerez-vous en luttant réellement contre les pratiques de débancarisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - (On souligne avec satisfaction, sur les travées du groupe SOCR, que le ministre n'est pas à Biarritz.) C'est une situation anormale et inacceptable, selon les propres mots du Président de la République. Il y a un droit au compte, et les conditions de résiliation sont encadrées. Mais certains établissements bancaires pratiquent la sur-conformité vis-à-vis de Français établis à l'étranger pourtant de bonne foi, en fermant des comptes au nom de la lutte contre le blanchiment et le terrorisme.

Hier, Bruno Le Maire a initié un travail avec la Fédération bancaire française ; nous inscrirons le sujet à l'ordre du jour de la Conférence permanente des Français de l'étranger du 17 mars.

Je tiens des permanences de proximité...

M. Jean-Pierre Sueur.  - À Biarritz ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - ... auprès de nos compatriotes établis hors de France. Le sujet des certificats de vie se pose aussi. Nous avons demandé aux services consulaires d'apporter des réponses car les procédures sont parfois déshumanisantes. Je songe aussi au GIP Info Retraite. Nous travaillons avec Agnès Buzyn et la direction de la sécurité sociale pour trouver des solutions concrètes et mettre de l'humanité dans les procédures. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Coronavirus

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Nous devons apporter une réponse mondiale à l'épidémie de coronavirus, qui a déjà fait plus de 132 morts et plus de 6 000 contaminés en Chine et touche plus de quatorze pays, dont la France.

La presse annonce le rapatriement de 250 Français et d'une centaine d'Européens dans un avion qui devait partir ce matin. Quid des dizaines de milliers d'autres Français vivant en Chine ? Comment feront les conjoints chinois ou étrangers de nos compatriotes qui ont besoin d'un visa mais ne peuvent pas se rendre au consulat ?

L'Organisation mondiale de la santé ne préconise pas de telles évacuations. Comment justifiez-vous votre décision ? Comment organiserez-vous la quarantaine ? Comment et où seront traités ceux qui présentent des symptômes suspects, et qui seront séparés des autres ?

Il est essentiel d'informer nos compatriotes, en France mais aussi à l'étranger. Pour éviter l'angoisse et la panique, le Quai d'Orsay doit donner des informations régulières et moins parcellaires. Enfin, n'oubliez pas d'informer les parlementaires représentant les Français élus de l'étranger, car nos compatriotes ont besoin d'informations fiables. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Votre question me permet de faire un point sur cette situation qui inquiète. Le 7 janvier, les autorités chinoises ont annoncé la découverte d'un nouveau coronavirus. Le Gouvernement français s'est tout de suite pleinement mobilisé, avec un suivi quotidien de la situation épidémiologique. Un quatrième cas a été confirmé hier à Bordeaux, celui d'un touriste chinois de 80 ans, qui a été hospitalisé.

Quant au rapatriement de nos compatriotes, il est en cours d'organisation, à la demande du Premier ministre. Il impliquera des contrôles médicaux pré-embarquement, effectués par des équipes françaises. Tous nos compatriotes qui le souhaitent doivent pouvoir être rapatriés. Les modalités dépendront de la situation et des impératifs de santé publique. Ils n'ont pas à être communiqués.

Nous avons fait le choix de la transparence depuis le début ; tous les soirs au ministère se tient une conférence de presse, lors de laquelle nous apportons des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Gestion de l'eau

M. Philippe Adnot .  - J'aurais pu demander au Premier ministre ce qu'il pensait des déclarations de Benjamin Griveaux sur le déplacement de la gare de l'Est... (Exclamations) Je n'ai pas voulu être cruel, mais sachez que les sénateurs du Grand Est n'en pensent pas moins.

M. David Assouline.  - Et ceux de Paris !

M. Philippe Adnot.  - J'interrogerai donc Mme Borne sur la politique de l'eau dans le contexte d'accidents climatiques à répétition, notamment dans les Pyrénées orientales. Quelles actions concrètes le Gouvernement met-il en oeuvre pour en traiter les conséquences ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Les incendies qui ravagent l'Australie, les sécheresses et canicules qui ont marqué l'été dernier, les inondations dans le Sud de la France inquiètent.

Le plan national d'adaptation au changement climatique a été présenté ici, mais il faut manifestement aller plus loin et repenser l'ensemble de la gestion du cycle de l'eau. C'était l'objet des Assises de l'eau, qui ont débouché sur des réponses concrètes. J'ai adressé une instruction pour encourager la mise en place de programmes territoriaux pour la gestion de l'eau, associant agriculteurs, industriels, collectivités territoriales et ONG.

En matière de prévention des inondations, les élus attendent que nous agissions plus vite, de manière plus opérationnelle, car le changement climatique, c'est maintenant. Ce sera à l'ordre du jour du prochain Conseil de défense écologique. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe LaREM)

M. David Assouline.  - Et la gare de l'Est ?

M. Philippe Adnot.  - Les Pays-Bas ont un programme concret d'investissement, pas nous. Nous avons supprimé tout ce qui ralentissait le débit des cours d'eau. Il faudrait des réservoirs-tampons, des aménagements permettant de stocker de l'eau en prévision des périodes de sécheresse... Plus de cent villes dans le monde ont pris des initiatives pour développer la résilience. Chez nous, rien n'est encore en place. Nous serons jugés là-dessus. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.