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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Conférence des présidents

Questions d'actualité

Référendum d'initiative partagée sur Aéroports de Paris

M. Fabien Gay

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Politique agricole commune

M. Franck Montaugé

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Négociation du futur budget européen

M. Alain Marc

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Article 44 du projet de loi ASAP

M. Michel Raison

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Coronavirus (I)

M. Loïc Hervé

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Réfugiés palestiniens et syriens en Guyane

M. Antoine Karam

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Retraite des agriculteurs (I)

M. Henri Cabanel

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Retraite des agriculteurs (II)

Mme Anne-Marie Bertrand

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Coronavirus (II)

M. Bernard Jomier

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Fermeture de la centrale de Fessenheim

Mme Catherine Troendlé

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire

Trajectoire des finances publiques

Mme Sylvie Vermeillet

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Médicaments innovants

Mme Catherine Deroche

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Plan hôpital 2020

Mme Maryse Carrère

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Retraite des agricultrices

Mme Maryvonne Blondin

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Actionnariat du Lac d'Argent

M. Vincent Segouin

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Commissions (Nominations)

Améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap (Deuxième lecture - Procédure accélérée)

Explications de vote

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

M. Philippe Mouiller, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Daniel Chasseing

Mme Jocelyne Guidez

Mme Corinne Féret

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Xavier Iacovelli

M. François Bonhomme

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État

Lutte contre les contenus haineux sur internet (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois

M. Pierre Ouzoulias

M. Claude Malhuret

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jérôme Durain

Mme Maryse Carrère

M. Bernard Buis

Mme Muriel Jourda

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

M. François Bonhomme

ARTICLE PREMIER TER B

ARTICLE 2

ARTICLE 4

ARTICLE 6 BIS AA

Explications de vote

M. Claude Malhuret

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Pierre Ouzoulias

Modification de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 (Conclusions des CMP)

Discussion générale commune

M. Yves Détraigne, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique

M. Franck Menonville

M. François Bonhomme

M. Olivier Jacquin

Mme Françoise Laborde

M. Bernard Buis

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Bonnecarrère

Annexes

Ordre du jour du mardi 3 mars 2020

Analyse des scrutins

Conférence des Présidents

Nominations de membres de commissions permanentes




SÉANCE

du mercredi 26 février 2020

62e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Conférence des présidents

M. le président.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observation d'ici à la fin des questions d'actualité.

Questions d'actualité

M. le président.  - Je vous remercie d'excuser l'absence du président du Sénat qui assiste en ce moment même, à Puy-Guillaume, à la cérémonie d'hommage à notre ancien collègue Michel Charasse.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Référendum d'initiative partagée sur Aéroports de Paris

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Monsieur le Premier ministre, plus d'un million de personnes soutiennent le référendum d'initiative partagée (RIP) contre la privatisation d'Aéroports de Paris. Après les autoroutes et avant les barrages hydroélectriques, les Français sont majoritairement opposés au bradage de notre patrimoine commun.

Malgré un site Internet d'utilisation complexe, digne du minitel, malgré une information officielle inexistante, malgré un black-out médiatique effrayant et le mépris du Président de la République pour les parlementaires signataires, la pétition a recueilli plus d'un million de soutiens : c'est une grande victoire démocratique.

Monsieur le Premier ministre, vous aviez promis de ne pas toucher à la retraite à 62 ans, et vous imposez - au forceps - la retraite à 65 ans. Le Président de la République avait promis d'abaisser à un million le nombre de signatures nécessaires pour un RIP. Si la Constitution ne vous y contraint pas, l'engagement présidentiel vous y invite : plutôt que le 49-3, utilisez l'article 11-1 de la Constitution ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR ; M. Sébastien Meurant, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Henri Cabanel applaudissent également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je suis un peu surpris par votre lecture du droit actuel et de la loi constitutionnelle. La procédure du RIP exige la signature de près de 4,7 millions de citoyens.

Mme Éliane Assassi.  - Nous le savons !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Vous vous êtes engagés avec ferveur dans une campagne et avez obtenu un million de signatures.

M. Fabien Gay.  - C'est une victoire.

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Mais c'est très loin du seuil prévu par la Constitution. Quand bien même vous auriez atteint 4,7 millions de signataires, cela aurait invité à un débat parlementaire et, en son absence, à un référendum.

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas la question.

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - J'essaie de vous répondre et je le fais avec beaucoup de plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; rires sur diverses travées) Votre lecture juridique n'est pas correcte.

L'engagement que nous avons pris de ne pas modifier l'âge légal de la retraite sera tenu. Les précédentes réformes avaient déjà pour objet de faire cotiser plus longtemps les Français. Il y a un débat parlementaire sur la retraite, aujourd'hui à l'Assemblée nationale, demain au Sénat. Je ferai usage de toutes les prérogatives que la Constitution offre au Gouvernement, comme vous ferez usage, j'en suis sûr, de celles que vous offre la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur celles du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Politique agricole commune

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Jeudi dernier, le ministre Guillaume annonçait un accord sur un budget de la PAC maintenu à 375 milliards d'euros... Il rappelait son objectif, parvenir à 380 milliards. Or aucun accord n'a en fait été trouvé et les négociations sont suspendues. Tout reste à faire !

Quel est l'objectif du Président de la République pour la part française de la PAC, qui est de 9 milliards d'euros par an depuis 2014 ? Cela me semble un minimum. Et quelle PAC voulez-vous ?

La subsidiarité pourrait accroître les distorsions de normes de production entre les États membres. Quant au verdissement de l'agriculture, comment l'articulerez-vous avec le Green New Deal de la présidente de la Commission européenne ? Envisagez-vous la conditionnalité des aides, la rémunération pour le service rendu à l'environnement ? Les agriculteurs attendent des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; MM. Éric Bocquet, Henri Cabanel et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Les agriculteurs nourrissent la France. Nous nous battons pour que l'enveloppe française de la PAC ne baisse pas ; c'est la condition de notre accord à un budget européen.

Les agriculteurs ne seront pas ceux qui paieront pour le Brexit. La PAC n'est ni chère ni has been, elle est essentielle à notre projet d'Europe - de puissance, de souveraineté alimentaire, de transition écologique.

Trois points restent en discussion. D'abord la régulation des marchés, qui est plus d'actualité que jamais. Ensuite le verdissement : nous voulons des éco-schémas obligatoires, la conditionnalité verte et les aides à la compétitivité. Il faudra un an de transition avant la nouvelle PAC : un an pour mettre nos ambitions en oeuvre.

M. Franck Montaugé.  - L'enveloppe française de la PAC ne baissera pas - dont acte. De nombreux problèmes restent en suspens : suicides, revenus des agriculteurs, ressource en eau, etc. Donnons à nos paysans la reconnaissance qu'ils méritent, et les moyens de vivre décemment. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; MM. Jean-Paul Émorine et Gérard Dériot applaudissent également.)

Négociation du futur budget européen

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Les discussions lors du sommet européen sur le cadre financier pluriannuel (CFP) ont démontré la complexité de la tâche : il faudra que l'Union européenne gère de front la sortie du Royaume-Uni et les négociations sur le budget européen pour la période 2021-2027. Le financement de la PAC risque d'en souffrir, alors que nous la souhaitons forte, réformée, juste, et financée à hauteur de nos ambitions. Avec Jean-Claude Luche, nous voulons relayer les inquiétudes des agriculteurs de l'Aveyron. La diminution de 13 % de la PAC et la répartition injuste entre ses deux piliers, annoncées le 14 février, n'étaient pas acceptables. Les 12 milliards d'euros en moins dus à la sortie britannique et l'entêtement des États dits frugaux sur le plafond de 1 % de RNB pour le budget européen nous dirigent vers une impasse. L'espoir réside dans une contre-proposition comme réponse à la crise.

« La vieille Europe ne revivra jamais » écrivait Chateaubriand. La jeune Europe aura-t-elle plus de chance ? Avoir une PAC forte, c'est avoir une Europe forte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Nous avions beaucoup à faire lors du dernier Conseil, jeudi et vendredi derniers. Nous devions nous donner des moyens à la hauteur de nos ambitions ; mais nous n'y avons pas réussi.

Il convient de changer notre méthode de travail. Notre force est dans l'union ; lorsque la division s'installe, c'est l'impuissance qui gagne. Nous avons trois priorités : la PAC, car on ne peut pas demander à nos agriculteurs de faire plus avec moins ; les nouveaux instruments de souveraineté, comme le Conseil de défense européenne ; et la réforme du financement. Nous ne voulons pas sacrifier l'agriculteur français au contribuable néerlandais, l'outre-mer au budget de la défense. Il faut plutôt trouver de nouvelles ressources pour financer nos nouvelles ambitions. Il est hors de question d'augmenter les impôts. Nous pouvons en revanche taxer le carbone aux frontières, le plastic non recyclé, les géants du numérique. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Martial Bourquin.  - Chiche !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État.  - Ces acteurs bénéficient de l'Europe sans y contribuer. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)

Article 44 du projet de loi ASAP

M. Michel Raison .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Nous avons adopté à l'unanimité un rapport d'information sur la loi EGalim le 30 octobre 2019. À la suite de ce rapport, M. Gremillet a présenté une modeste proposition de loi pour corriger certains effets de cette loi, notamment sur l'encadrement des promotions. Proposition de loi, là encore, adoptée à l'unanimité. Mais le ministre était arc-bouté contre notre texte ; il souhaitait attendre la fin de l'expérimentation prévue fin 2020. Je comprends la logique, mais il y avait urgence.

Et voilà que nous voyons arriver l'article 44 du projet de loi ASAP, une demande d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prolonger de trente mois l'expérimentation. (Les membres du groupe Les Républicains s'indignent.) Comment comprendre la logique du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Merci pour votre question. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains) Ce matin, j'étais au Salon de l'agriculture (On s'en émerveille sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Tous les acteurs des filières m'ont dit qu'ils souhaitaient voir prolonger l'expérimentation, car elle fait bouger les lignes, autorisant par exemple des accords sur cinq ans, ce qui ne s'était pas vu depuis très longtemps. (Marques d'ironie à droite) Je vous dis ce qu'ils me rapportent. (On le conteste à droite.)

M. François Bonhomme.  - C'est ce qui est écrit sur la fiche !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - Ils veulent cependant aller plus loin. Mais pour cela, il faut d'abord une évaluation des premiers résultats ; elle est menée par deux économistes qui rendront leurs conclusions fin septembre. L'expérimentation se termine en décembre. Il nous faut du temps, c'est pourquoi le projet de loi ASAP ajuste l'expérimentation. Oui, je pense qu'une évolution du droit est souhaitable, par exemple pour la filière foie gras. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; marques de déception à droite)

M. Michel Raison.  - Nous n'écoutons pas de la même manière ce que disent les agriculteurs... Tous les sénateurs en côtoient chaque semaine. Soit dit en passant, si le cours du lait a remonté en 2019, ce n'est pas grâce à la loi EGalim.

Il aurait été si simple d'adopter la proposition de loi ! Mais cela impliquait de laisser le Sénat corriger EGalim... Le Gouvernement en aurait été vexé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe RDSE ; applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées du groupe CRCE)

Coronavirus (I)

M. Loïc Hervé .  - L'inquiétude de nos compatriotes grandit avec le risque d'une épidémie mondiale. En Haute-Savoie, j'ai vu la force de notre système de santé et j'approuve le plan d'urgence national.

Cette menace est aussi l'occasion de prendre conscience de l'interdépendance de l'économie mondiale.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Loïc Hervé. - En effet, 80 % des principes actifs pharmaceutiques utilisés en Europe n'y sont pas fabriqués, une part importante vient d'Asie. Quelles mesures allez-vous prendre pour y remédier et pour rassurer les citoyens et les professionnels de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Alors que nombre de pays dans le monde sont en proie à la menace d'épidémie de coronavirus, je salue le rôle des soignants, pompiers, ambulanciers, agents de sécurité, en première ligne dans notre lutte.

L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a été saisie pour déterminer si certains médicaments risquent de manquer. Elle a répondu par la négative.

Cependant les pénuries de médicaments se multiplient avec la désindustrialisation pharmaceutique de l'Europe. C'est ce qui a justifié le vote par le Parlement d'un stock obligatoire de quatre mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.

La seconde étape est la réindustrialisation ; nous y travaillons, j'en ai discuté à Rome avec mes homologues, comme au G7 la semaine dernière. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Loïc Hervé.  - Il faut tirer les leçons des grandes pandémies pour garantir notre souveraineté pharmaceutique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe RDSE ; M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)

Réfugiés palestiniens et syriens en Guyane

M. Antoine Karam .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Depuis plus d'un mois, 70 personnes venues de Syrie et de Palestine sont installées, dans le plus complet dénuement, sur la place centrale de Cayenne. La Guyane ne dispose d'aucun centre d'accueil des demandeurs d'asile. On enregistrait pourtant 3 000 demandes en 2019 et 5 000 en 2016. Cayenne est devenu le premier guichet du pays, en pourcentage de la population, loin devant l'Île-de-France ! La loi Asile et immigration avait introduit une procédure expérimentale pour réduire l'attractivité de la Guyane. L'accueil devait être amélioré avec un centre d'hébergement d'urgence, or celui-ci a été entièrement détruit. La situation ne fait pas honneur à la tradition d'asile de la France. Les demandeurs palestiniens voient leurs demandes rejetées, or cette population continuera à arriver. Il nous faut donc repenser l'accueil de jour et de nuit à Cayenne, car les familles sont en pleine rue, le centre d'accueil provisoire étant saturé.

Quelles solutions envisagez-vous ? Quels moyens ? Confirmez-vous le financement supplémentaire annoncé pour reconstruire un centre d'hébergement d'urgence ?

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Des ressortissants du Yémen sont également concernés. En Guyane, il fallait il y a peu jusqu'à deux ans pour instruire les demandes d'asile. Le décret du 9 décembre 2019 a créé une procédure adaptée, de sorte que nous pouvons instruire les dossiers en moins d'un mois en Guyane. Une filière qui passe par le Liban puis le Brésil s'est formée, ce qui favorise la recrudescence de dossiers auxquels nous devons apporter une attention toute particulière. J'ai donc demandé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) de mettre en place des missions spécifiques afin d'accélérer l'examen de ces dossiers.

Quant à l'hébergement d'urgence, 1,4 million d'euros ont été notifiés pour créer 222 places en centre d'hébergement d'urgence ; j'ai également demandé au préfet de prévoir des dispositions pour que les réfugiés soient traités dans des conditions d'humanité dignes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Retraite des agriculteurs (I)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Monsieur le ministre des Solidarités et de la Santé, le Président de la République a été interpellé au Salon de l'agriculture sur la nouvelle retraite minimum des agriculteurs, qu'il refuse aux actuels retraités, au motif que cela coûterait 1,1 milliard d'euros. Il y a un an, le Gouvernement s'était opposé, grâce à un vote bloqué, à une proposition de loi déposée par le groupe CRCE qui revalorisait la retraite des agriculteurs à 85 % du Smic.

Les agriculteurs ont contribué à faire de notre pays une grande Nation agricole. Nous leur devons une solidarité à la hauteur de leur engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR, CRCE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - La retraite des agriculteurs a donné lieu à bien des débats sans avancée, que ce soit sous cette majorité ou sous la précédente.

Mais dès 2022, 100 euros de plus seront versés chaque mois aux futurs retraités agricoles, pour une carrière complète. Dès 2025, ce sera 185 euros de plus. Le système universel mettra fin au problème de soutenabilité financière du régime de retraite agricole actuel et c'est tant mieux : lorsque vous avez trimé dans votre champ pendant quarante ans, 700 euros de retraite ne sont pas suffisants. Les cotisations des retraités diminueront, et nous serons attentifs au rôle joué par la MSA.

Ce sera un système plus juste et nous tentons de convaincre les députés de nous aider à avancer pour que ce texte voie le jour dans les délais. Pour les retraités actuels, une mission parlementaire est en cours.

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas sérieux !

M. Henri Cabanel.  - Vous ne m'avez pas répondu, monsieur le ministre ! Il ne faudrait pas 1,1 million d'euros, mais 380 millions pour les actuelles retraites, et nous devons bien cela aux agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SOCR et sur plusieurs travées au centre)

Retraite des agriculteurs (II)

Mme Anne-Marie Bertrand .  - Je fais appel à la mémoire du ministre de l'Agriculture qui, sénateur, a voté la revalorisation des retraites agricoles en 2018 contre l'avis de la ministre Mme Buzyn...

M. Roland Courteau.  - Exactement !

Mme Anne-Marie Bertrand.  - Le Gouvernement renvoyait alors à la réforme des retraites et avait coupé court par le vote bloqué. Circulez, il n'y a rien à voir...

Cette réforme n'a pourtant rien d'une révolution : la retraite minimum à 1 000 euros ne concernera que 25 % des agriculteurs, dont ne font pas partie les très nombreux collaborateurs familiaux ou aides familiaux. Souvent des femmes, madame Schiappa...

La retraite d'un chef d'exploitation après une carrière complète est de 740 euros par mois, 550 euros pour une femme. À défaut de pouvoir être maire, M. Guillaume est ministre. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SOCR) Quand revalorisera-t-il les retraites agricoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - L'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l'ancien minimum vieillesse, a été augmentée et dépasse les 900 euros par mois pour un retraité seul, conformément aux engagements du candidat Macron.

On parle beaucoup d'amener la retraite minimale à 85 % du Smic ; Mme Touraine l'évoquait déjà pour les agriculteurs. Nous allons le faire dès 2022, pour tous les futurs retraités.

Pour les retraités actuels, la question dépasse le périmètre des agriculteurs, incluant les travailleurs indépendants, dont les retraites sont insuffisantes. Une mission formulera prochainement des propositions, avant l'adoption définitive du projet de réforme ou avant le prochain budget de la sécurité sociale. (M. François Patriat applaudit.)

Coronavirus (II)

M. Bernard Jomier .  - On décompte plus de 80 000 cas de coronavirus sur la planète et 3 000 décès. Des villes entières sont confinées. L'épidémie s'étend avec ses dérives anxiogènes dans notre pays, et des manifestations de racisme regrettables. Nous ne devons ni minimiser le risque ni l'exagérer, et ne pas confondre la réalité sanitaire avec ses effets psychologiques.

Comment le Gouvernement compte-t-il préparer les hôpitaux sélectionnés pour répondre en première ligne à l'épidémie ? Quels moyens leur seront alloués, alors qu'ils sont déjà en situation financière et humaine périlleuses, notamment à Paris, où les trois hôpitaux désignés sont déjà débordés ? Comment les soignants de ville seront-ils associés à la détection ? Disposeront-ils de kits de protection ? Les élus locaux seront aussi en première ligne. Le Premier ministre leur a envoyé une lettre plus digne que la lamentable polémique lancée par un ex-ministre de la Santé. Comment les associerez-vous ? Leur expertise est indispensable, afin que les décisions soient comprises et mises en oeuvre efficacement. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Je salue l'esprit de responsabilité que vous évoquez. L'union nationale est indispensable. Certains gestes sauvent ; d'autres, les gestes de division et de repli, sont dévastateurs. J'étais hier à Rome pour dire notre soutien à l'Italie et définir une réponse européenne avec mes homologues. (Murmures sur les travées du groupe Les publicains) Il est hors de question, je l'ai dit, de fermer les frontières.

La lettre du Premier ministre aux maires était nécessaire car ils sont inquiets, comme les présidents d'exécutifs locaux.

J'ai parlé ce matin au président de l'Ordre des médecins et à la présidente de l'Ordre des pharmaciens, je m'étais entretenu également avec les responsables syndicaux des professions médicales. Tout le matériel nécessaire aux soignants de ville sera mis à leur disposition dans les officines de ville, dans les meilleures conditions. Une lettre de réactualisation des consignes, pour la prise en charge des malades, va leur être adressée.

Quant aux hôpitaux, nous avons triplé le nombre de ceux destinés à prendre en charge les personnes atteintes ou les cas contact, si bien que chaque département bénéficie au moins d'un établissement capable d'organiser l'isolement des personnes, le dépistage, le diagnostic et le traitement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Fermeture de la centrale de Fessenheim

Mme Catherine Troendlé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, votre Gouvernement vient de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim. Vous tenez la promesse de François Hollande, faite aux plus radicaux des écologistes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mmes Borne et Wargon ont fait une visite surprise sur place pour annoncer un comité interministériel, un commissaire à la reconversion et un technocentre, mais sans les Allemands...

Pour le volet fiscal, la collectivité devra payer 2,1 milliards d'euros alors qu'elle est déjà exsangue : vous créez donc un groupe de travail pour y réfléchir. La belle affaire !

Ce territoire est sacrifié.

Le contribuable indemnisera EDF, soit 400 millions d'euros ; nous devrons importer des millions de tonnes de gaz et d'électricité avec le déficit commercial afférent. La fermeture de Fessenheim entraînera l'émission de plus dix millions de tonnes de CO2 par an. Comptez-vous sur l'éolien et solaire ? Il faudrait quatre fois le niveau de production ciblé pour 2025 ! Or Mme Borne a dénoncé le développement anarchique de l'éolien en France. Comptez-vous sur le biométhane ? Là encore, nous sommes loin de compte. Le nucléaire représente un avantage économique et environnemental, c'est le GIEC qui le dit. Peut-on en priver la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La fermeture de Fessenheim incarne l'écologie de responsabilité portée par le Président de la République et le Gouvernement. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains) Nous tenons nos promesses...

M. Philippe Dallier.  - Même celles de Hollande !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - ... et accompagnons les territoires dans leur transition.

Le Parlement a voté dans la loi Énergie-climat une baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique en 2035. La production d'énergies non-renouvelables (ENR) a augmenté de 20 % entre 2018 et 2019, conformément à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Dans le même temps, nous accompagnons le territoire de Fessenheim, grâce au contrat de territoire signé en février 2019. Sur place, la semaine dernière, j'ai annoncé la volonté de faire de ce territoire un centre d'excellence du démantèlement nucléaire, avec un technocentre - qui nécessite une modification réglementaire.

Notre politique énergétique est en cohérence avec l'accord de Paris. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe LaREM)

Trajectoire des finances publiques

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Nathalie Goulet à ma question. D'après la Cour des comptes, le redressement des finances publiques est à l'arrêt. La Cour parle de contraste « saisissant » avec nos partenaires. L'État ne fournit aucun effort sur le déficit structurel. Or il faut agir maintenant : les taux d'intérêt sont très bas.

Mais l'incertitude demeure sur nombre de paramètres de la réforme des retraites : sur l'intégration des primes aux salaires des fonctionnaires, sur la revalorisation salariale des enseignants, la baisse de CSG pour les avocats...

Comment, aussi, connaître le coût de la dépendance et son impact sur la trajectoire financière ? Quelle évolution budgétaire le Gouvernement retient-il pour préserver la crédibilité de nos finances publiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Je ne suis pas d'accord avec votre présentation. Le déficit du PIB est passé de 3,4 % en 2017 à 2,2 % aujourd'hui grâce à des efforts que cette Assemblée nous a parfois reprochés, sur les contrats aidés, la politique du logement, etc.

Nous avons aussi sorti la France de la procédure de déficit excessif et sincérisé la dette en lui ajoutant 35 milliards d'euros - notamment en reprenant la dette de la SNCF.

À l'Assemblée nationale, le débat, au lieu de tourner autour des conjonctions de coordination, pourrait porter sur le fond.

Mme Éliane Assassi.  - Ne soyez pas méprisant !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il y a aussi des conjonctions de subordination... C'est la Conférence de financement qui déterminera la trajectoire financière des retraites, et lorsqu'elle aura été validée par le Parlement, nous présenterons une loi de programmation des finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Sylvie Vermeillet.  - L'exigence doit s'exercer dans les deux sens : nous avons besoin d'estimations financières pour légiférer en toute connaissance de cause. La lisibilité de la dette vaut bien celle des retraites. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)

Médicaments innovants

Mme Catherine Deroche .  - Le 8 février s'est tenue au Sénat la septième édition du colloque Fast consacré au cancer de l'enfant, avec l'association Imagine For Margo. L'innovation et la recherche portent leurs fruits en matière d'oncologie. Cependant des freins demeurent. Ainsi, la procédure d'évaluation de la Haute Autorité de santé n'est plus adaptée aux médicaments innovants, en particulier en matière de thérapies géniques, pour les enfants atteints de cancer. Nous avions déposé un amendement au dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale en ce sens, qui n'a pu être examiné. Où en sommes-nous sur ce point ?

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Les propositions concernant l'accessibilité aux médicaments innovants sont toutes venues du Sénat dans les trois derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale. Je me rappelle les séances de travail, alors que j'étais député, avec Jean-Marie Vanlerenberghe et Alain Milon pour faire avancer les choses. Rien n'est pire que d'être face à un enfant gravement malade quand il n'y a pas de traitement reconnu, mais tout de même, parfois, des thérapeutiques à essayer. Certaines guérisons que l'on croyait impossibles ont eu lieu grâce à des actions comme le Téléthon.

Nous devons réviser notre système d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Les sénateurs ont été à l'initiative d'une réflexion sur le sujet. Je ferai prochainement un point d'étape avec vous, si vous le souhaitez, et nous y reviendrons lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. La question bien sûr dépasse les clivages politiques. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Yves Détraigne et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent également.)

Mme Catherine Deroche.  - L'évaluation, mais aussi les accords sur les essais cliniques, sont essentiels. Nous avions déposé une proposition de loi avec Alain Milon, Véronique Guillotin et Yves Daudigny pour mettre fin aux dysfonctionnements des comités de protection des personnes.

Le temps est un facteur majeur, pour tous ces petits guerriers qui se battent, comme pour leurs familles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées des groupes LaREM et SOCR)

Plan hôpital 2020

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La crise du monde hospitalier est structurelle, et résulte de nombreux facteurs. Nos soignants sont exténués et l'on manque de lits.

Le plan Ma santé 2022 prévoit la fin du numerus clausus et la création de postes d'assistants médicaux ; le plan d'urgence comporte des ouvertures de lits, mais aussi la reprise de 10 milliards d'euros de dette, et 1,5 milliard d'euros pour l'investissement.

Si les premiers financements parviennent aux établissements, nous attendons encore de savoir quels hôpitaux bénéficieront de la reprise de la dette.

Il y a deux hypothèses : une approche régionale, via les groupements hospitaliers territoriaux (GHT) ou une approche nationale. Quelle est la méthode, quel est le calendrier prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Vous avez rappelé le plan Hôpital annoncé par Mme Buzyn, que nous devons concrétiser sur tous les territoires. Les hôpitaux ont 30 milliards d'euros de dette, datant des plans 2008 et 2012. Ils traînent cette dette comme un boulet. En reprendre 10 milliards d'euros, c'est leur donner une bouffée d'oxygène.

Une mission a été confiée à l'IGF et l'IGAS, elles rendront leurs conclusions d'ici trois ou quatre semaines. Certains hôpitaux sont endettés mais ont peu investi, d'autres sont dans la situation inverse. Il faut les aider tous, mais particulièrement ceux qui sont en difficulté du fait de ce fardeau.

Cet argent devra être utilisé selon les indications des professionnels, directeurs, médecins et soignants. J'ai tendu la main au collectif inter-hôpitaux et aux représentants du monde hospitalier : je me concerte avec eux sur les modalités. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Maryse Carrère.  - Il est urgent de mettre en place cette réforme. J'attire votre attention sur les hôpitaux ruraux où il est nécessaire de maintenir la qualité des soins. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

Retraite des agricultrices

Mme Maryvonne Blondin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Dans le secteur agricole comme ailleurs, les difficultés pèsent plus lourdement sur les femmes qui ont longtemps travaillé sans statut officiel. Elles ont obtenu en 1999 un statut de conjoint collaborateur mais le chemin reste long. Les femmes représentent un quart des chefs d'exploitation et des co-exploitants agricoles. En 2017, la délégation aux droits des femmes a formulé quarante recommandations pour lever les difficultés persistantes, notamment sur la fin du travail sans statut, le congé maternité, l'accueil de la petite enfance en milieu rural et les retraites.

La moitié des 870 000 femmes retraitées agricultrices perçoivent moins de 500 euros par mois en droits propres.

En 2008, une proposition de loi prévoyait un minimum de 85 % du Smic. Votre Gouvernement l'a repoussée. Nous sommes désormais arrivés à votre réforme. Hélas, ce sujet n'y figure pas. Universalité rime avec précarité pour votre Gouvernement. Qu'allez-vous faire pour les femmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Votre question touche toutes les conjointes d'agriculteurs, d'indépendants, de commerçants. Elles étaient invisibles, mais indispensables. Elles n'avaient pas de droits à la retraite corrects.

Notre Gouvernement n'est pas resté inactif. Il a créé le droit au congé maternité pour les agricultrices et, à travers le régime de retraite universel, traite la question des carrières hachées de ces centaines de milliers de femmes. Celles-ci pourront partir plus tôt à la retraite, au lieu d'attendre 67 ans.

Une mission sur les droits sociaux des retraités agricoles, confiée au Parlement, porte sur les conjointes des aides familiaux et des cotisants solidaires. Elle formulera des propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Actionnariat du Lac d'Argent

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La lutte sur les marchés internationaux, chaque jour plus féroce, est un danger pour nos entreprises. Le nouveau fonds d'investissement mis en place par la Bpifrance pour protéger les entreprises françaises contre les fonds internationaux avides est un projet louable ; il doit réunir 4 milliards d'euros dès avril et 10 milliards d'euros à terme. Mais après les premières levées auprès d'assureurs, d'investisseurs et de familles en France, nous apprenons qu'il sera alimenté à hauteur de 25 % par un fonds souverain émirati Mubadala.

Quelles garanties avez-vous fixées sur la provenance des fonds ? Les capitaux français demeureront-ils majoritaires dans le Lac d'argent ? Bpifrance gardera-t-elle la main ? Ne faudrait-il pas ouvrir ce fonds aux petits épargnants français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Lors de son déplacement à Abu Dhabi, lundi, Bruno Le Maire a annoncé la constitution d'un fonds dont l'objectif est de stabiliser le capital d'entreprises françaises sous-valorisées à un moment de retournement de cycle, comme cela a été le cas en 2007 pour Valeo, ou d'entreprises au capital morcelé, car elles sont vulnérables aux offres publiques d'achat (OPA), et ainsi menacées d'éclatement.

Soyez rassurés : les investisseurs français ou étrangers n'auront pas leur mot à dire sur la politique d'investissement. C'est la Bpifrance qui sélectionnera les investissements et portera la stratégie à l'entrée, pendant la gestion et au moment de la cession.

Bpifrance apportera 2 milliards d'euros, les investisseurs de la place de Paris lèveront un milliard d'euros. L'entrée d'investisseurs étrangers de long terme est une très bonne nouvelle pour l'attractivité de Paris. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe LaREM)

M. Vincent Segouin.  - Nos fleurons doivent rester français et Bpifrance demeurer à la manoeuvre. J'aurais souhaité que les épargnants français soient aussi sollicités comme investisseurs. Ne nous décevez pas comme vous l'avez fait sur la taxation des Gafam ou le redressement des finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Commissions (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap (Deuxième lecture - Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Explications de vote

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Laure Darcos applaudit également.) Nous entérinons un texte déposé par le président Alain Milon le 3 octobre dernier, soutenu par le Gouvernement et adopté le 5 novembre à l'unanimité par le Sénat, qui facilitera la vie quotidienne de centaines de milliers de personnes en situation de handicap.

L'Assemblée nationale a enrichi les articles 2 et 4 - et je salue le rapporteur Philippe Berta - et a adopté ce texte à l'unanimité le 15 janvier dernier. En cinq mois, nous avons fait évoluer positivement la situation. Des annonces ont été faites le 11 février dernier par le Président de la République, lors de la Conférence nationale du handicap.

Tout d'abord, nous rouvrons pour la première fois le périmètre des besoins compensés par la prestation avec, au 1er janvier 2021, son élargissement aux besoins attachés aux parents en situation de handicap d'enfants jusqu'à 7 ans. C'est un investissement que nous faisons de 184 millions d'euros pour que le handicap ne soit plus un obstacle au projet parental, qu'il ne soit plus source de renoncement à une vie comme tout un chacun.

Il sera mis fin bientôt à cette situation ubuesque qui voulait qu'une personne en situation de handicap pouvait être accompagnée pour manger, mais pas pour laver son assiette.

Enfin, nous allons engager un travail pour identifier les évolutions qui doivent s'attacher à la prestation de compensation du handicap (PCH) pour une meilleure prise en compte des handicaps psychiques et du trouble du neurodéveloppement.

Nous parlions lors de l'examen de ce texte en commission de l'importance de la nécessaire coconstruction qui doit animer tant l'État que les collectivités territoriales, au premier rang desquelles l'Association des départements de France (ADF).

Je connais votre attachement aux départements. L'accord de méthode signé il y a deux semaines par l'État, l'ADF et les associations gestionnaires nous permettra de construire les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de demain.

L'État sera exigeant sur l'équité de traitement, mais aussi en appui. Il y a encore du chemin, mais la direction est la bonne.

L'article premier, en supprimant une barrière d'âge, ouvre la PCH à 10 000 personnes supplémentaires.

L'article 2 fait évoluer le fonds de compensation, et un décret sera pris dans les six mois suivant l'adoption de la loi. L'ajout d'un amendement par l'Assemblée nationale prévoyant un rapport au Parlement dans les dix-huit mois suivant la publication du décret est un gage supplémentaire.

L'article 3 vise à faire rentrer la PCH dans le corpus des droits à vie, dès lors que le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Il est dans la continuité de notre objectif de double simplification : celle de la vie des personnes en situation de handicap et des MDPH.

Enfin, l'article 4 traite de la question des transports mais aussi, sur proposition de la sénatrice Patricia Schillinger, de la compensation du handicap pour les enfants. De la même manière que le Gouvernement avait été favorable à l'ajout de la compensation pour les enfants dans votre chambre, l'extension, concernant les transports en milieu ordinaire, est un ajout important fait à l'Assemblée nationale, car il est dans le prolongement de la cité inclusive que nous souhaitons, de pleine intégration des personnes en situation de handicap dans le droit commun autant que faire se peut, sans créer de chemins parallèles entre personnes en situation de handicap ou non.

Suite au rapport Lenoir, le Gouvernement a pris des engagements nouveaux en faveur des enfants, nous étendrons l'année prochaine le forfait d'intervention précoce mis en place au titre de la stratégie nationale autisme au sein du trouble du neurodéveloppement à l'ensemble des enfants de 7 à 12 ans. Cela permettra notamment d'apporter une réponse plus rapide et plus structurée aux enfants qui souffrent de troubles dys ou de troubles de l'apprentissage, que nous ne pouvons laisser sans accompagnement. D'autre part, mais c'est un chantier qui va nous prendre un peu de temps, nous souhaitons d'ici à 2022 pouvoir proposer un parcours de soins de rééducation à tous les enfants en situation de handicap ou souffrant de suites de maladies lourdes, avec prise en charge par l'assurance maladie et exigence de qualité.

Sans préjuger du vote à venir, je crois sincèrement qu'aujourd'hui actera un changement majeur pour beaucoup de nos concitoyens. Je vous appelle à voter cette belle proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)

M. Philippe Mouiller, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - L'adoption de cette proposition de loi nous offre des motifs de satisfaction nombreux : elle permet une législation rapide et illustre un bicamérisme qui fonctionne, même si on se demande pourquoi une deuxième lecture a été rendue nécessaire...

Les députés ont adopté l'article premier sans modifications et ont ajouté une demande de rapport à l'article 2. C'est, en l'espèce, un moyen d'évaluation sans doute utile, quoi qu'on puisse penser, en général, des demandes de rapports. Ils ont adopté l'article 3 avec quelques modifications rédactionnelles.

L'article 4, enfin, crée un comité stratégique chargé de formuler des propositions pour améliorer la prise en charge des transports des personnes handicapées. Le périmètre de sa réflexion a été élargi, au Sénat puis à l'Assemblée nationale, aux besoins des enfants et à la considération de tous les types de mobilités.

À cet article, nous aurions tous souhaité un dispositif plus consistant, mais vous savez bien à quelles limites constitutionnelles sont confrontés les parlementaires. En outre, la meilleure preuve de l'utilité d'un tel organe de réflexion et de proposition est donnée par la lecture des engagements récents du Gouvernement à l'issue de la Conférence nationale du handicap, puisque la mobilité n'en fait pas partie...

Ce n'est pas par malice que je le souligne, mais pour que la probable unanimité sur ce texte ne masque pas les efforts restant à accomplir. Les conclusions de la Conférence nationale du handicap sont significatives, mais elles ne sauraient être définitives.

À certains égards, la question des barrières d'âge se pose à nouveau La grande loi du 11 février 2005 prévoyait d'ailleurs la suppression de tous les seuils dans un délai de cinq ans. Pourquoi, en effet, les personnes handicapées ne pourraient-elles voir la compensation de leur handicap prise en charge après 60 ans ? La réponse à cette question est manifestement renvoyée à l'examen de la loi Grand âge.

Cette question a reçu l'éclairage d'une étude de l'Insee et de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), qui révèle que les personnes handicapées liquident leur retraite à 62,4 ans en moyenne, soit 0,3 an plus tard que les personnes sans incapacité. Étant par ailleurs moins souvent en emploi, les personnes handicapées passent en moyenne 8,5 années sans emploi ni retraite après 50 ans, soit près de 7 ans de plus que les personnes sans incapacité, et cet écart s'accroît ! Cette curieuse situation s'explique par le fait que les personnes sans handicap bénéficient plus aisément de certains dispositifs du type carrières longues.

Alors que le Gouvernement nous somme de consentir à échafauder un nouveau système, tâchons de conserver une vision cohérente de la politique destinée aux personnes handicapées, en articulant compensation, prévention et garantie des ressources.

Mais à chaque jour suffit sa peine : soyons fiers, en attendant de nouvelles avancées, de voter ce texte et ne doutons jamais des apports du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cette proposition de loi du groupe Les Républicains supprime la barrière d'âge pour la PCH qui était de 75 ans avant laquelle les personnes en situation de handicap doivent faire leur demande de compensation. C'est un progrès pour les personnes qui éviteront cette contrainte administrative.

En ouvrant un droit permanent à une prestation de compensation pour les handicaps non susceptibles d'évoluer favorablement, la proposition de loi va éviter des démarches fastidieuses de demandes de renouvellement aux bénéficiaires.

Il y a cependant urgence à améliorer le financement de la PCH en revoyant les barèmes qui n'ont pas changé depuis quinze ans. Aujourd'hui, comme le rappelle Arnaud de Broca, la PCH permet de financer l'achat d'un fauteuil, mais pas des aides ménagères.

L'amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap passe également par la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). À grand renfort de communication, le Gouvernement avait annoncé la revalorisation de l'AAH à 900 euros alors même que ce plafond demeure en dessous du seuil de pauvreté.

Nous regrettons que la majorité sénatoriale n'ait pas voté notre proposition de loi de suppression de la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l'AAH alors que la majorité à l'Assemblée nationale vient de voter un texte identique, contre l'avis du Gouvernement. Il s'agit d'un sujet qui préoccupe de nombreux couples car la relation de dépendance financière et psychologique entre la personne en situation de handicap et sa conjointe ou son conjoint remet en cause l'autonomie de la personne en situation de handicap.

L'AAH n'est pas un minimal social comme les autres. Comme nous l'a écrit l'association Cap' devant, qui s'inquiète de voir intégrer l'AAH au sein du futur revenu universel d'activité (RUA), cela signifierait pour le million de bénéficiaires que vous ignorez la spécificité de leur handicap.

Comme en première lecture, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi qui démontre l'utilité de l'initiative parlementaire, alors même que le Gouvernement remet en question les droits d'expression des groupes parlementaires d'opposition. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains) Quelque douze millions de personnes sont touchées par un handicap. L'amélioration de leurs conditions de vie est une priorité. Le Gouvernement s'est engagé à mieux couvrir les besoins des bénéficiaires par la PCH.

La PCH et l'ACTP bénéficient à 340 000 personnes, dont 280 000 pour la PCH. Des améliorations sont nécessaires, notamment concernant les modalités d'attribution.

La proposition de loi du président Milon a été adoptée par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale à l'unanimité.

Rappelons que la prestation de compensation du handicap a été créée en 2005 ; sous la présidence de Jacques Chirac - Philippe Bas étant ministre des personnes handicapées. Je salue le travail de notre rapporteur et de notre président.

À l'article 1er, la suppression de la barrière d'âge bénéficiera à dix mille personnes supplémentaires.

L'article 2 sécurise la base légale des fonds qui sont gérés par les départements. L'article 3 pérennise à vie la PCH en cas d'absence d'évolution prévisible du handicap. L'article 4 organise une réflexion commune sur les mobilités en réunissant l'ensemble des acteurs. Ces dispositions amélioreront le quotidien des personnes touchées par un handicap et contribueront à la construction d'une société plus inclusive, plus juste. Les conseils départementaux devront être aidés.

Pour l'heure, mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains, RDSE et UC)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Je suis satisfaite par cette proposition de loi, mais je dois avouer mon incompréhension : pourquoi l'Assemblée nationale n'a-t-elle pas voté conforme le texte du Sénat, alors que celui de l'Assemblée nationale est presque identique, à une demande de rapport près ?

Une CMP aurait dû être convoquée, au lieu de cette deuxième lecture.

Il y a peu, une Conférence nationale du handicap a eu lieu à l'Élysée. C'était une étape majeure, qui était très attendue.

Nous soutenons les mesures annoncées pour faciliter le droit à devenir parent. Chaque jour est important pour rendre enfin possible l'impossible.

L'article premier répond à un objectif de justice sociale. Philippe Mouiller l'a rappelé, la PCH sera plus accessible et certaines personnes en situation de handicap se verront épargner des démarches inutiles et fatigantes de renouvellement.

L'article 4 prévoit la création d'un comité stratégique sur le transport des personnes handicapées. La couverture des frais de transport par la PCH est en effet difficile - ce qui réduit l'accès aux soins et accentue la charge des proches aidants.

Il semble nécessaire de réévaluer le montant des plafonds de compensation en cas d'éloignement, sans se défausser pour autant sur les départements.

On ne peut pas faire peser sur les collectivités locales un poids supplémentaire.

Pour contredire Flaubert, peut-être que le passé nous retient et que le présent nous échappe, mais l'avenir ne doit pas nous tourmenter.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, les Indépendants et Les Républicains)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Se trouver en situation de handicap, c'est avoir besoin d'aide, d'équipements et d'aménagements. C'est là qu'intervient la PCH, aide individuelle versée par les départements depuis la loi du 11 février 2005.

Je salue l'initiative d'Alain Milon et le travail de Philippe Mouiller. Cette proposition de loi simplifie la PCH avec la suppression de la barrière d'âge de 75 ans, la création d'un droit à vie et le reste à charge à moins de 10°%.

Le groupe socialiste et républicain votera sans hésitation ce texte.

Mais les délais d'instruction des demandes et d'attribution de la PCH sont trop longs et varient trop d'un département à l'autre.

La PCH ne couvre pas les besoins réels des personnes ; on ne peut la mobiliser pour les interventions au titre de la vie quotidienne, ni pour les enfants en situation de handicap.

Actuellement, un handicap intervenant après 60 ans est traité comme le vieillissement, donc avec une prise en charge bien moins favorable.

La prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l'AAH est injuste et incohérente. Je salue l'adoption d'une proposition de loi à l'Assemblée nationale le 13 février dernier, contre l'avis du Gouvernement.

Il y a moins d'un mois, quatre associations et non des moindres, I'APAJH, APH France Handicap, l'Unafam et l'Unapei, ont claqué la porte du Gouvernement, dénonçant un simulacre de concertation sur le revenu universel d'activité (RUA). L'AAH n'est pas un minimum social comme un autre. Intégrer l'AAH dans le RUA est une aberration, et dégraderait les conditions de vie des personnes en situation de handicap.

Vous allez ériger un modèle de société isolant encore plus les personnes en situation de handicap, alors qu'il faudrait une société plus inclusive. Nous continuerons à nous battre pour les personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Mes très chers et trop peu nombreux collègues, notre route est droite mais la pente est forte, pour reprendre la formule d'un ancien Premier ministre.

Si nous avons un cap et une trajectoire, le chemin à parcourir ressemble plus à l'ascension du mont Ventoux qu'à une promenade à bicyclette dans mes chères plaines d'Artois.

Je me félicite cependant du consensus avec l'Assemblée nationale, quinze ans après une loi fondatrice.

Supprimer la limite d'âge de 75 ans pour une demande de PCH est important, mais pourquoi garder la barrière de 60 ans pour considérer la survenue d'un handicap après cet âge comme une conséquence du vieillissement ? Je forme d'importants espoirs sur la loi Grand âge. Cela supprimerait certaines incohérences et simplifierait la tâche des conseils départementaux.

Je salue les avancées du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap.

La modification de l'article 2 est bienvenue, mais attention aux ressources des départements.

Je m'interroge sur le durcissement des conventions relatives aux droits des personnes handicapées (CDPH). Comment admettre que ce soit encore le manque de moyens qui empêche l'accès à une pleine autonomie des personnes souffrant d'un handicap ?

J'ai entendu les annonces et les engagements du Président de la République, ainsi que les vôtres, madame la ministre : plus d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) dans nos écoles, acceptation des enfants autistes, remboursement des dispositifs médicaux, programme national pour l'innovation technologique... Mais les moyens seront-ils à la hauteur du long chemin à parcourir ? Je ne doute pas de la sincérité de votre engagement, mais je m'interroge sur les conclusions de la mission confiée à Philippe Denormandie sur le logement inclusif, sur le calcul de l'AAH sans prise en compte des revenus du conjoint, sur les travaux du comité stratégique sur les transports, sur les moyens promis dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale... les attentes sont considérables.

Le groupe RDSE votera ce texte mais nous resterons vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Xavier Iacovelli .  - Nous examinons une proposition de loi votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. La PCH bénéficie à 350 000 enfants et adultes en situation de handicap.

Malgré une prise de conscience des pouvoirs publics, les dépenses départementales ont augmenté de 13,5 millions d'euros entre 2005 et 2014 et les inégalités persistent. Les personnes en situation de handicap ne doivent pas rencontrer davantage de difficultés financières que les autres, en plus de leur handicap.

Cette proposition de loi améliore le quotidien et le pouvoir d'achat des personnes en situation de handicap : supprimer la barrière d'âge, c'est un effort important. En supprimant la barrière d'âge et en portant les conditions d'éligibilité à la prestation de compensation du handicap au-delà de 75 ans, elle répond à une véritable demande du monde du handicap.

En effet, le passage à l'allocation personnalisée d'autonomie peut laisser penser que le handicap cesserait à partir de 75 ans pour laisser place à la perte d'autonomie. C'est évidemment faux, ces deux phénomènes étant dissociables. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans son rapport de 2016, avait d'ailleurs formulé cette proposition.

Il faut simplifier le recours à la PCH si le handicap n'évolue pas favorablement. Les associations demandent un droit à vie pour les personnes ayant un lourd handicap. Ce serait un gain de temps et une simplification bienvenue.

Le 11 février, le Président de la République a lancé un appel à la mobilisation nationale, notamment pour une exonération totale de cotisations sociales pour le dédommagement de l'aidant.

Cette loi prend enfin en charge la question du transport des personnes en situation de handicap de manière intégrée grâce au comité stratégique des transports, qui devra aussi intégrer dans sa réflexion la question des transports publics.

L'inadaptation de la prise en compte des spécificités des besoins des enfants doit être corrigée.

La mobilisation de tous les acteurs est essentielle.

Le groupe LaREM soutient cette proposition de loi allant dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Philippe Mouiller, rapporteur.  - Très bien !

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En France, 12 millions de personnes sont en situation de handicap. Le 11 février 2005, la loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées a lancé une politique importante, créant un droit de compensation via la solidarité nationale, faisant la spécificité et la fierté de notre pays.

La PCH prend en charge les dépenses humaines et techniques comme l'adaptation du logement ou du véhicule et elle bénéficie à 300 000 personnes pour 1,9 milliard d'euros. Elle est financée par les conseils départementaux et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Mais elle doit logiquement être modifiée aujourd'hui pour s'adapter aux évolutions.

Dans leur rapport de mai 2018, Adrien Taquet et Jean-François Serres avaient pointé la rigidité de la PCH.

La permanence des restes à charge élevés, les barrières d'âge, la longueur du traitement des dossiers : autant de problèmes nécessitant l'évolution de la PCH. La Conférence nationale du handicap avait d'ailleurs demandé la rénovation de la PCH.

Cette proposition de loi répond à plusieurs attentes fortes des personnes en situation de handicap ; l'article premier, voté conforme, supprime la barrière d'âge de 75 ans.

La proposition de loi réduit le reste à charge à 10 % des ressources des personnes handicapées et assouplit la gestion de la PCH. Elle fait mieux coïncider la PCH avec les besoins des enfants ; elle crée un comité stratégique pour répondre aux besoins spécifiques des enfants ; un second comité est prévu pour l'évolution des modes de transport des personnes handicapées.

Je me satisfais de voir que cette proposition de loi fait l'objet d'une large convergence.

Je souhaite que le Gouvernement mette tous les moyens en oeuvre pour améliorer la vie des personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et LaREM)

La discussion générale est close.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

M. le président.  - À l'unanimité ! (Applaudissements sur toutes les travées)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État .  - Merci de ce vote à l'unanimité, montrant notre convergence pour les personnes en situation de handicap.

L'AAH ne sera pas diluée dans le RUA, madame Apourceau-Poly. Le Président de la République a demandé un travail sur toutes les zones frontières, notamment sur les prestations au logement. (Applaudissements sur toutes les travées)

Lutte contre les contenus haineux sur internet (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Discussion générale

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Une nouvelle fois, nous examinons ce texte d'une urgente nécessité, pour lutter contre les contenus haineux sur internet.

L'impunité des comportements haineux en ligne est inacceptable ; le combattre est un impératif vital pour nos démocraties. Chaque épisode, comme l'affaire Mila ou celle de Noisiel, est un coup de canif à la crédibilité de la puissance publique. Nous devons adapter notre cadre réglementaire pour une application effective de la loi. C'est bien l'objet de l'article premier de ce texte.

La responsabilité pénale des acteurs peut déjà être engagée en raison de la loi en vigueur, mais le retrait est rarement mis en oeuvre.

Le présent texte crée un délit autonome, avec un contrôle important par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Il est temps de demander des comptes aux réseaux sociaux, à la mesure de leur rôle sur notre démocratie. Le statu quo n'est plus tenable.

Cette initiative n'a pas d'équivalent, car à la différence de la loi adoptée en Allemagne, elle repose sur la supervision par une autorité administrative indépendante (AAI).

Ce texte ne s'en remet pas à la seule régulation des réseaux sociaux pour faire appliquer la loi. Le parquet sera spécialisé, et il y aura un dispositif de dépôt de plaintes en ligne. Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé.

Un compromis n'a pas été possible sur ce texte crucial, pour des raisons que je ne comprends pas, ou que je comprends trop bien. Le consensus était à portée de main. Je salue le travail important du rapporteur Frassa.

L'équilibre entre la liberté d'expression et la protection des populations est essentiel. Le sujet est sensible pour les parties prenantes. La liberté est un point cardinal de la démocratie. Le Gouvernement et la députée Laetitia Avia, à l'origine de cette proposition de loi, ont largement écouté la majorité sénatoriale, intégrant de nombreux ajouts. La majorité sénatoriale a pourtant refusé le débat en CMP.

Le texte introduirait une « police de la pensée et de l'expression », selon la présidente Morin-Desailly. Des mots forts mais injustes. Les compléments apportés sur la notion d'intentionnalité ou la suppression de la peine de prison éviteraient les surretraits massifs de la part de plateformes que vous craignez, notamment pour certaines oeuvres culturelles.

Le texte de nouvelle lecture est équilibré, mieux calibré et toujours ambitieux. Il faut respecter la loi en ligne et permettre à la France d'être pionnière. La quasi-totalité des députés, dont le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, a voté le texte. Je les en remercie. (M. Claude Malhuret acquiesce.)

L'hémiplégie des sénateurs Les Républicains est assez baroque dans le soudain attachement qu'ils manifestent au juge judiciaire, peu évident lorsqu'il s'agit de lois anticasseurs ou de fichés S. (Mme Céline Brulin et M. François Bonhomme protestent.) Cette majorité a introduit, à l'initiative du président Retailleau, une mesure relative au durcissement des suppressions de comptes par les plateformes. Mais supprimer des messages racistes, antisémites, homophobes, c'est non, car trop attentatoire à la liberté d'expression ! Mais la suppression de comptes de ceux qui s'expriment en ligne serait en revanche une mesure justement proportionnée.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ce n'est pas la question. Vous faites une caricature de mauvais goût.

Je cite le président Larcher sur Twitter ; à propos de la malheureuse affaire qui a conduit au retrait du candidat LaREM à la mairie de Paris : « Il est grand temps de réguler les torrents de boue qui se déversent sur les réseaux sociaux. La liberté d'expression doit s'arrêter aux frontières de la vie privée que chaque citoyen est en droit d'exiger ».

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cela n'a rien à voir !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Vous changez d'avis selon les circonstances. Ce sont les affaires Mila et Noisiel qui doivent faire évoluer les choses, pas l'affaire Griveaux. Notre société n'a pas besoin de plus de voyeurisme, ni de plus d'inquisition, mais de sanctionner les actes illégaux et de protéger les victimes.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous sommes bien d'accord sur ce point.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Dans d'autres domaines, vous appelez à des régulations audacieuses, mais ici vous voulez un statu quo.

Assumons clairement que notre ambition diffère. Il y a urgence : nous devons passer des paroles aux actes. Nous n'acceptons pas que des jeunes gens ou des jeunes filles soient humiliés, en raison de leur genre, de leur origine. Les délits haineux doivent être sanctionnés.

Nous devons voir la menace planant sur la démocratie elle-même.

S'il est un élément qui doit nous interpeller dans les affaires récentes, c'est que nos outils et nos lois doivent s'adapter au nouvel ordre numérique pour mieux protéger nos concitoyens.

La France se bat aussi au niveau européen pour un vrai cadre de supervision des réseaux sociaux.

Mettons un coup d'arrêt aux torrents de boue qui n'ont rien de virtuels et qui salissent notre démocratie. Ce qui est en jeu, c'est le respect de la dignité des personnes, de l'État, de la loi, de tout ce qui fait tenir notre société. Ce qui est en jeu, c'est le début d'une reconquête républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Claude Malhuret applaudit également.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois .  - Le Sénat a abordé l'examen en première lecture dans un esprit ouvert et constructif ; tous les groupes politiques ont enrichi le texte par des amendements adoptés en commission et en séance.

Malheureusement, il n'y a eu ni étude d'impact ni vraie navette ; je déplore cette précipitation qui n'est justifiée par aucune contrainte de calendrier.

La réflexion sur le texte a commencé il y a deux ans, son inscription à l'ordre du jour du Sénat a été repoussée de plusieurs semaines, malgré un travail constructif entre les rapporteurs.

La principale divergence avec les députés en CMP était la création d'un nouveau délit par l'article premier - alors que l'Assemblée nationale a conservé beaucoup d'apports du Sénat en nouvelle lecture. Je m'en félicite : le Sénat n'a jamais voulu bloquer ni détricoter le texte mais le renforcer et le sauver du risque d'inconstitutionnalité.

Grâce à nous, les modalités générales de notification des contenus illicites aux hébergeurs ont été précisées afin d'être rendues plus aisées pour les intemautes, tout en restant pleinement respectueuses du droit européen.

Les principaux apports du Sénat pour sécuriser juridiquement la régulation des grandes plateformes ont aussi été conservés. Nous avons ainsi précisé les nouvelles obligations de moyens, strictement proportionnées à l'objectif de préservation de la dignité humaine, en interdisant toute obligation de surveillance générale des réseaux. Nous avons aussi renforcé les pouvoirs de contrôle et de sanction du CSA.

Consensuelles entre nos deux chambres, les dispositions relatives à l'éducation et la prévention de la haine en ligne et celles destinés à renforcer l'efficacité des sanctions judiciaires des auteurs de contenus illicites n'ont fait l'objet que de corrections formelles.

Enfin, des ajouts introduits au Sénat et destinés à s'attaquer à des sujets laissés de côté par le texte initial ont été conservés ou confortés : lutte contre le financement des sites haineux et lutte contre la viralité.

Reste l'article premier : l'Assemblée nationale a rétabli le nouveau délit sanctionnant les plateformes ne retirant pas les « contenus haineux » sous les 24 heures ; preuve que la réflexion n'était pas aboutie, ils ont modifié quatre fois la définition de ces contenus haineux, au mépris de toute cohérence et du droit européen, au risque de sur-retrait des plateformes par prudence excessive.

Le Sénat n'est pas le seul à alerter sur les inévitables effets pervers de cette disposition. De très nombreux acteurs de la société civile en demandent la suppression : la Commission consultative des droits de l'Homme, le Conseil national du numérique, l'ordre des avocats, le rapporteur spécial de l'ONU, et même l'Inter-LGBT... tous nous ont fait part de leurs inquiétudes.

Et les entreprises du numérique ne sont pas en reste : non seulement les géants américains, qui sont farouchement contre, mais aussi nos propres champions numériques français ; cela devrait vous alerter, monsieur le secrétaire d'État ! Hier encore, dans une tribune, le moteur de recherche Qwant exhortait le législateur à renoncer à l'obligation pénale de retrait en 24 heures et pointait son risque d'inconstitutionnalité.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est de la politique.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - En Allemagne, on envisage de modifier une loi similaire pour limiter les retraits abusifs... Devons-nous faire la même erreur ?

Privilégions la régulation par le CSA à celle effectuée par les géants américains du numérique. Le régulateur aura de solides pouvoirs de contrôle - communication des algorithmes - et de sanction - jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires.

La commission des lois a aussi rétabli la possibilité d'assouplir la régulation du CSA pour contrôler les sites qui accentuent la viralité des contenus et lutter contre les faux comptes, les fameuses « fermes à trolls ». Nous avons aussi renforcé l'obligation d'interopérabilité des grandes plateformes.

Tout au long de son travail, la commission des lois a tenté de maintenir une ligne de crête entre la protection des victimes de haine et la protection de la liberté d'expression : il ne faut sacrifier ni l'une ni l'autre. Nous vous invitons à la suivre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE)

M. Pierre Ouzoulias .  - Nous votons dans le contexte d'une récente affaire touchant la campagne municipale parisienne, ce qui éclaire singulièrement les limites du présent texte.

Dans cette affaire, un réseau a propagé des images rendues publiques sur un site internet hébergé à l'étranger. Or la diffusion malfaisante de contenus n'est pas punie par ce texte, elle a pourtant alimenté les pulsions scoptophiles du public ; et je regrette qu'un député y ait contribué.

Comment confier à de tels réseaux la régulation de flux qui font leur fortune ?

Lors du débat sur la proposition de loi protégeant le libre choix du consommateur dans le cyberespace, défendue par notre collègue la présidente Sophie Primas, à mon interpellation sur la nécessité d'agir sur les causes structurelles de la suprématie néfaste des Gafam, vous m'aviez répondu, Monsieur le Ministre : « Ce qu'il faut, c'est mettre en place une régulation structurante, qui soit intrusive dans le business model de ces entreprises. Nous sommes d'accord ». Pourtant, votre texte attribue aux Gafam des pouvoirs de police, de censure et de régulation dont ils vont se saisir avec beaucoup plus d'efficacité que le CSA.

Presque unanimes, juristes et défenseurs de la neutralité d'internet vous ont mis en garde contre cette dépossession. Pire, vous incitez les plateformes à développer un suivi des comportements de leurs usagers afin de les rejeter de façon préventive ; dernière manifestation de leur pouvoir discrétionnaire, le blocage du site du Syndicat des avocats de France. Leur prise de contrôle de l'internet et leur capacité de maîtriser, par leurs choix, une partie du débat public constituent un véritable danger pour notre démocratie. Le processus électoral en cours aux États-Unis nous en donne malheureusement des exemples très inquiétants.

Hannah Arendt pensait que l'on pouvait lutter contre les systèmes totalitaires en combattant aussi leur technologie. Kate Crawford prolonge sa réflexion en nous invitant à lutter contre la culture de l'extraction de données. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Claude Malhuret .  - La CMP a rapproché les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat, la première ayant repris plusieurs de nos propositions. Reste une divergence majeure, hélas sur le coeur du texte : la suppression des contenus haineux dans les vingt-quatre heures. J'ai plaidé sans succès en première lecture pour que nous conservions cet article. La commission des lois n'étant pas de mon avis, la tâche était surhumaine. Voltaire disait qu'il est dangereux d'avoir raison quand le gouvernement a tort ; je dirai qu'il est délicat d'avoir raison quand la commission a tort. Car je crois qu'elle a tort. Je ne me fais guère d'illusion sur le succès de ma nouvelle tentative mais je compte bien défendre ma conviction jusqu'au bout.

Depuis, les affaires Mila et Pavlenski sont passées par là, rendant évidents à nos concitoyens les abus des réseaux antisociaux. Citons, après le ministre, le président du Sénat : « il est plus que temps de réguler ces torrents de boue ». Malheureusement, la rédaction du Sénat n'y parvient pas.

Des lois existent déjà destinées à faire retirer les contenus haineux : mais la directive européenne e-commerce et la loi française ne sanctionnent pas le non-retrait ; elles ne fixent aux plateformes que des obligations de moyens et non une obligation de résultat. La loi Avia est la seule à contraindre aux résultats, du fait de sanctions pénales. En les supprimant, le texte du Sénat sera un voeu pieux. Certes, le Sénat n'aura pas les mains sales, puisqu'il n'aura pas de mains. Il brandit pour se justifier la sacro-sainte liberté d'expression, ce qui est une erreur d'analyse.

Homophobie, sexisme, racisme sont des délits et ne relèvent pas de la liberté d'expression. Nous privatiserions la censure qui doit être confiée aux juges ? Comment prétendre que l'on confie à des plateformes un pouvoir de régulation exorbitant alors qu'un tel pouvoir est confié à la presse depuis 1881 ? C'est la diffusion qui compte. La liberté d'expression ce n'est pas de diffuser de la haine, de la violence des appels au meurtre ou au viol, ce n'est pas d'empêcher les autres de s'exprimer par du harcèlement, des attaques massives ou des menaces. En confondant ces délits avec la liberté d'expression, ce ne sont pas les victimes que l'on défend, ce sont les agresseurs.

Ce texte ne fait qu'appliquer les règles de 1881 à internet. S'il n'est pas voté, la partie est perdue d'avance. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Rapporteure pour avis lors de la première lecture, j'interviens aujourd'hui au nom du groupe Union centriste. Pour le Sénat, l'article premier fait peser un risque sur la liberté d'expression. Ce n'est pas à nos sociétés de s'adapter aux plateformes, mais aux plateformes de respecter nos valeurs les plus fondamentales.

L'échec était regrettable mais aussi prévisible. Il est trop facile d'opposer un Sénat conservateur à un Gouvernement et une majorité innovants. La procédure accélérée a empêché la convergence des approches. L'avis du Conseil d'État est loin d'être positif et celui de la Commission européenne est très critique sur ce texte ; les juristes sont sceptiques quant à l'article premier.

Pourquoi se lancer dans une série de propositions de loi au détriment d'une approche systémique ? Les Britanniques ont, eux, renforcé les pouvoirs régulateurs de l'Ofcom - Office of communications, homologue du CSA et de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) réunis.

Quelle impulsion veut donner la France au niveau international ?

La question des moyens reste entière pour le régulateur, qui doit gérer sa fusion avec la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits (Hadopi), et sa future relation avec le parquet spécialisé.

Quant à la formation, c'est aussi une question de volonté et de moyens. Même ceux que l'on croit informés se laissent piéger : le monde numérique est aussi impitoyable que le monde réel.

Le nouveau ministre de la Santé a fait l'éloge de la réactivité de la Chine au sujet du coronavirus, doutant qu'une telle capacité soit possible dans un pays où les réseaux sociaux restent ouverts. C'est effrayant !

Les réseaux sociaux sont la junk food de la pensée, disait l'entrepreneur Tariq Krim. Allons-nous laisser ce modèle toxique de l'internet prospérer, où allons-nous conduire une véritable stratégie pour passer à une nouvelle étape de développement basé sur des principes respectueux de nos libertés ? Comme lui, je crois au progrès, à un modèle éthique et durable reposant sur le Slow Web et à un investissement massif dans les green tech, source de croissance vertueuse.

De grâce, n'opposez pas le président du Sénat à son assemblée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SOCR) Je m'exprime au nom de Mme de la Gontrie.

Depuis la première lecture, l'actualité nous a rappelé qu'internet est un espace de liberté mais aussi que s'y propagent les attaques, les menaces et la haine. L'affaire Mila l'a démontré.

Je regrette l'échec de cette CMP. L'objectif de cette proposition de loi est partagé. Nous en convenons tous. Mais les désaccords sur les moyens d'y parvenir ont persisté.

Le groupe socialiste et républicain aborde cette nouvelle lecture dans un esprit de responsabilité.

La menace s'est adaptée aux évolutions technologiques, pas le droit. Il faut agir vite pour contenir la viralité des contenus haineux, mais pas avec des moyens attentatoires aux libertés publiques.

Depuis juillet 2019, et l'adoption du texte en première lecture par l'Assemblée nationale, il n'a cessé d'évoluer, preuve de la coopération entre les deux chambres. Pour autant les réserves nombreuses continuent de nous interpeller.

Nos amendements visent à réaffirmer des principes essentiels auxquels notre groupe est attaché. Nous excluons la presse de cette proposition de loi. En première lecture, nous fûmes stupéfaits d'entendre la garde des Sceaux affirmer qu'il était difficile d'accorder un traitement spécifique aux entreprises de presse. (M. François Bonhomme le confirme.)

Nous sommes tous ici attachés à la liberté de la presse, essentielle à la démocratie.

Nous mettons aussi en place des garde-fous. En commission, le Sénat a rejeté l'instauration du délit de non-retrait du contenu haineux dans les 24 heures qui faisait craindre des abus. Nous proposons de compléter cette proposition de loi en créant une obligation de retirer à titre provisoire des contenus signalés, jusqu'à la décision du tribunal judiciaire statuant en référé. Quant à la supervision des plateformes par le CSA, il faudrait la renforcer notamment en matière de contrôle des algorithmes. Nous y reviendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Maryse Carrère .  - Force est de constater que la réalité nous a, une fois de plus, rattrapés : la haine frappe en ligne, toujours sous le sceau de l'anonymat. Cependant, nous devons légiférer sans passion et prendre notre temps. En l'état, ce texte restera inefficace, car l'obligation de retrait dans les 24 heures est inapplicable comme le montre l'exemple allemand, où seuls 18 % des contenus manifestement haineux signalés sont effectivement supprimés. À appliquer aux mêmes maux les mêmes remèdes, nous pâtirons des mêmes effets pervers, la sur-censure.

L'ajout de l'Assemblée nationale à l'article premier concernant l'obligation de suppression en une heure des contenus terroristes ou pédopornographiques est maladroit car il n'a pas fait l'objet de concertation. La clarification proposée par les députés n'est pas satisfaisante. Les modifications du Sénat à l'article premier vont dans le bons sens.

Les opérateurs de plateformes ne disposent pas tous des mêmes moyens pour lutter contre les contenus haineux. D'où les modifications apportées à l'article 2.

À l'article 4, le renforcement des prérogatives au CSA pour établir des recommandations concernant les obligations et les moyens et de diligence des opérateurs en ligne est aussi de bonne méthode.

Je regrette d'autant plus l'échec de la CMP que nous étions en phase avec l'Assemblée nationale sur bien des points, dont la formation des enseignants et le renforcement des mesures pour protéger les mineurs.

Il est donc urgent d'attendre sur la lutte contre la haine en ligne. La directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) sur les plateformes de partage de vidéos et les réseaux sociaux doit être transposée et un règlement européen sur la lutte contre le terrorisme en préparation. Le groupe RDSE votera globalement sur ce texte.

M. Bernard Buis .  - Internet est un espace de coexistence sociale à nul autre pareil, une sorte de nébuleuse où le « laisser-faire » algorithmique prime et où la violence sociale prospère, sous le masque de l'anonymat. Au législateur de rappeler que le droit a aussi sa place sur ce terrain. Comme le suggère le titre de cette proposition de loi, internet n'a pas, hélas, fait rempart aux atteintes à la dignité de la personne humaine. Pas un jour sans que sur la toile racisme, antisémitisme ou sexisme, claquemurés dans l'artifice du virtuel, ne tirent profit d'une impunité scandaleuse.

Certains points nous unissent à l'Assemblée nationale : la responsabilisation des plateformes en ligne sous la surveillance du CSA, aussi chargé de sanctionner les comportements de retraits excessifs pour lutter contre la sur-censure, contre les sites miroirs, ou la répression des auteurs de contenus haineux, facilité par un parquet numérique spécialisé, pouvant être saisi par le système des plaintes en ligne mis en place par la loi de programmation pour la justice.

Malgré des avancées importantes, auxquelles ont contribué nos deux assemblées, des points de divergence demeurent.

Le délai couperet de retrait de 24 heures laisse craindre une sur-censure, un sur-blocage, et un contournement de l'autorité judiciaire. Le Sénat l'a supprimé. Il donnait pourtant une portée effective à la directive e-commerce et permettait de lutter contre ce qui n'est pas tolérable au quotidien.

Le Sénat a exclu les moteurs de recherche de l'article premier alors qu'ils avaient été intégrés à son champ d'application sur préconisation du Conseil d'État.

Comment ne pas regretter que notre dispositif de transparence de régie publicitaire ait été assoupli à l'Assemblée nationale ? Le groupe LaREM s'abstiendra en espérant que le Digital Service Act européen confortera juridiquement nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'accord, c'est évidemment celui que nous avons tous sur le fait qu'il est intolérable que sur les réseaux sociaux l'on s'écharpe sur des claviers avec des propos intolérables qu'on ne serait sans doute pas capable de tenir en tête à tête.

Notre désaccord porte sur la liberté d'expression et le risque de sur-censure qui émane de ce texte, accentué par le fait que la plupart des plateformes sont américaines et développent une conception de la liberté d'expression qui n'est pas la nôtre : on les voit ainsi, par exemple, régulièrement censurer des tableaux représentant des nus.

Ce week-end, je lisais un article de presse sur les altercations entre Jean Messiha, cadre du RN d'origine égyptienne et Yassine Belattar, nommé par le Président de la République au Conseil présidentiel des villes - afin qu'il n'y ait pas dans ce conseil, pour reprendre les mots du Président de la République que des « mâles blancs ». M. Belattar a l'habitude de rappeler à M. Messiha ses origines, lui disant qu'il a « une tête de bougnoule » et le traitant même de « chameau » (Indignations au centre et à droite)

L'article faisait le parallèle avec Mme Taubira qui avait été traitée de « singe » au grand dam de nous tous. Le président de SOS Racisme, interpellé par M. Messiha lui-même a publié un tweet disant que l'insulte était « infamante pour les chameaux ». Mme Avia a liké...

M. François Bonhomme.  - Bravo !

M. Jérôme Bascher.  - Comment est-ce possible ?

Mme Muriel Jourda.  - Cela ne fait qu'entretenir mes craintes sur l'article premier. Ce genre de désaccord entre personnes doit se traiter devant la justice. La meilleure façon de lutter contre ce type de propos ou de comportement reste l'éducation, mère de toutes les politiques. Ne nous égarons pas dans une législation inutile et concentrons-nous sur l'éducation de notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Au Sénat, nous ne légiférons pas pour faire plaisir au Gouvernement, ni pour nous donner bonne conscience, mais pour apporter des solutions efficaces et conformes au droit européen à des problèmes bien analysés. D'où le temps de retard que nous avons sur les nouvelles générations qui font de la communication l'alpha et l'oméga de l'action publique.

Nous avons noté l'élégance, et le souci d'objectivité de votre intervention, monsieur le ministre. Cependant, nous ne pouvons pas faire de bonnes lois avec des voeux pieux et des formules approximatives.

Vous citez l'affaire Griveaux - ce n'est pas nous qui en parlons. Qu'est-elle donc, sinon la divulgation sur les réseaux sociaux d'une vidéo sur laquelle je ne porterai aucune appréciation ? Cela n'a rien à voir avec un contenu haineux ! (Marques d'approbation à droite)

Le président du Sénat a raison de s'indigner des torrents de boue qui se déversent. Le Gouvernement ferait bien de commencer dès à présent à y mettre fin.

Il n'a fallu que 24 heures pour que cette vidéo scabreuse soit vue par pas moins de quatre millions d'abonnés. Vous voyez bien que le délai de 24 heures est déjà trop long !

Vous vous êtes orienté vers une fausse sécurité pour les victimes de propos haineux. Dans quelques mois, ce coup d'épée dans l'eau provoquera une attente que vous n'aurez pas réussi à satisfaire, celle de hiérarchiser les priorités.

La semaine dernière, la garde des Sceaux a enfin pris la décision d'appliquer un texte qui aurait dû l'être depuis longtemps. Le Sénat ne demandait pourtant pas mieux que de vous aider à produire un texte efficace, constitutionnel et conforme au droit européen. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants, SOCR et CRCE)

M. Pierre Ouzoulias.  - Bravo !

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi ne s'applique pas à la presse, au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement a pour objet d'exclure explicitement la presse du champ de la présente proposition de loi.

La responsabilité juridique des éditeurs de presse ne peut pas être retenue dans ce cadre. Elle est déjà engagée dans la loi du 29 juillet 1881 en ce qui concerne les propos injurieux, mais aussi dans la loi Hadopi.

Les lois restreignant les libertés d'expression et celle de la presse sont dans l'air du temps. Elles ne sont pas exemptes de dommages collatéraux pour la presse. N'aggravons pas les conditions de travail déjà difficiles des journalistes. Il y va de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Nous reprenons un débat sur un sujet qui était clair avant l'embrouillamini dans lequel nous a plongés la garde des Sceaux en première lecture.

En première lecture, la réponse de la garde des Sceaux nous avait plongés dans la perplexité. Cet amendement d'appel devrait être l'occasion pour le Gouvernement de rassurer les éditeurs de presse en ligne.

Il n'est ni juridiquement utile ni opérant.

Cet amendement n'est pas opérant car le régime des éditeurs n'est pas modifié. Ce texte ne concerne que les hébergeurs, et même les plus grands d'entre eux.

L'amendement n'est pas juridiquement opérant, car le terme de presse est impropre, le droit parle d'éditeurs.

Enfin, des entreprises de presse peuvent être hébergeurs, s'ils ouvrent des zones de commentaires en ligne. Retrait, sinon avis défavorable, en attendant des explications claires du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis que le rapporteur. Cette loi ne modifie rien aux contenus de presse. Votre amendement est superfétatoire.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le débat est intéressant et il me permet de répondre à M. Malhuret qui nous propose d'appliquer la loi de 1881 sur la presse aux hébergeurs d'internet.

Les plateformes sont-elles encore des hébergeurs neutres qui mettent en relation des contenus et des lecteurs - ou plutôt des usagers... Via des algorithmes dont nous ignorons tout, elles donnent une visibilité accrue à des contenus, car ils créent un flux. Elles ne sont donc pas neutres.

M. Jérôme Durain.  - Je maintiens mon amendement. C'est plus facile lorsque les ministres s'expriment d'une même voix - on l'a vu encore hier sur les aéronefs se posant sur les montagnes, notamment le Mont-Blanc, avec une incohérence entre le soutien de Mme Wargon et l'opposition de Mme la garde des Sceaux.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. François Bonhomme .  - Cet article a une fragilité intrinsèque parfaitement exposée par M. le président de la commission des lois et Mme Jourda.

L'affaire Mila n'est pas un coup de canif, c'est un coup de poignard. Elle a subi un déferlement de haine sans précédent.

Ses propos étaient sans doute déplacés, mais ils étaient légaux, sauf à rétablir un délit de blasphème. La lapidation numérique qu'elle a subie souligne votre ambiguïté. Mme Schiappa, prompte d'habitude à réagir au quart de tour, a mis dix jours, et les féministes patentées étaient plutôt aux champignons... Surtout, le parquet de Vienne a ouvert deux enquêtes, dont une pour savoir si les propos de la jeune fille n'étaient pas une incitation à la haine raciale. Il faut choisir, monsieur le ministre.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéas 3 à 6 

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés : 

« Art. 6-2.  -  I.  -  Sans préjudice du 2 du I de l'article 6 de la présente loi, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics et dont l'activité sur le territoire français dépasse des seuils déterminés par décret sont tenus, au regard de l'intérêt général attaché au respect de la dignité humaine, de retirer ou de rendre inaccessible à titre provisoire, dans un délai de vingt-quatre heures après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu contrevenant manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 de l'article 6 de la présente loi.

« Le retrait ou le rendu inaccessible reste en vigueur jusqu'à sa validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisie par les opérateurs précités. Le juge des référés se prononce dans un délai de 48 heures à compter de la saisine, après avoir entendu le ou les auteurs de la notification, s'il estime nécessaire. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à 48 heures à compter de la saisine. 

« Aux mêmes fins, les opérateurs précités dont l'activité repose sur le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers et dont l'activité sur le territoire français dépasse des seuils déterminés par décret sont tenus, dans le délai mentionné au premier alinéa du présent I après notification, de retirer les contenus mentionnés au même premier alinéa de la page de résultats de recherche qu'ils renvoient en réponse à une requête. 

« Le fait de ne pas respecter l'obligation définie aux premier et deuxième alinéas du présent I est puni de 250 000 € d'amende. 

« Le caractère intentionnel de l'infraction mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent I peut résulter de l'absence d'examen proportionné et nécessaire du contenu notifié. 

« II.- Lorsqu'un contenu mentionné au premier alinéa du I du présent article a fait l'objet d'un retrait provisoire ou définitif, les opérateurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas du même I substitue à celui-ci un message indiquant qu'il a été rendu inaccessible en raison d'une notification ou en raison de son caractère illicite.

II.  -  Alinéa 9

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante : 

« IV.  -  Toute association mentionnée aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse peut, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues aux mêmes articles 48-1 à 48-6, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit mentionné à l'avant-dernier alinéa du I du présent article lorsque ce délit porte sur un contenu qui constitue une infraction pour laquelle l'association peut exercer les mêmes droits. 

III.  -  Alinéas 13 à 16 

Supprimer ces alinéas.

M. Jérôme Durain.  - Nous partageons les propos du rapporteur sur le risque de sur-censure. Le dispositif de l'article premier donne à des acteurs privés une prérogative régalienne attentatoire aux libertés publiques.

Mais compter sur les plateformes en ligne âpres au gain, comme le fait la commission des lois, ne suffit pas.

Nous préférons réserver à l'autorité judiciaire tout son rôle. Nous proposons donc que le retrait soit provisoire en attendant le jugement en référé.

Il faut intégrer les moteurs de recherche, car ils accentuent la viralité d'un contenu. Il faut les responsabiliser.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Nous nous rejoignons dans l'intention. Mais comme en première lecture, la commission des lois n'est toujours pas convaincue par le dispositif que vous nous proposez.

La saisine du juge en référé serait systématique, même dans le cas d'évidence. Pour YouTube, cela concernerait un million de retraits par mois. Ce référé obligatoire serait réservé aux intermédiaires techniques, les auteurs ont pourtant les meilleurs arguments à faire valoir !

Le Sénat a exclu par ailleurs les moteurs de recherche, dont les caractéristiques techniques rendent impossible de rendre invisible un contenu haineux au milieu d'un forum sans rendre invisible le reste des contenus, licites, quant à eux.

Je vous rappelle enfin qu'il y a un régulateur qui pourra prononcer des amendes. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il y a effectivement une impossibilité physique. Nous parlons de 1,5 million de retraits en vingt-quatre heures !

Le texte prévoit enfin une modalité d'information des auteurs dont le contenu a été retiré qui les informe des possibilités d'appel.

Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux fonctionnent de façon très différente.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je partage le souci de les faire entrer dans le champ du projet de loi. Si vous tapez sur Google « Shoah », vous trouverez en priorité les contenus négationnistes. Pourquoi ? Car ils suscitent le plus de flux.

Il faudrait que le CSA puisse demander à Google son algorithme, pour comprendre pourquoi il fait apparaître en priorité ce genre de contenus.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

L'article premier ter A est adopté.

ARTICLE PREMIER TER B

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l'utilisation de la procédure de convention judiciaire d'intérêt public notamment concernant le nombre de recours et sur les montants mobilisés.

Mme Maryvonne Blondin.  - L'article premier ter B ouvre aux associations de protection de l'enfance la possibilité de notifier un contenu lorsqu'elles en sont saisies par un mineur.

Le texte de l'Assemblée nationale prévoit une information des parents. C'est méconnaître la situation. Cela pourrait conduire les mineurs à renoncer à les saisir. Sans déresponsabiliser les parents, les structures associatives sont reconnues tiers de confiance et ont élaboré avec les plateformes des procédures rapides et efficaces et pourront accompagner le mineur le plus souvent possible en coopération avec les parents ou un adulte de confiance.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement rétablit le texte du Sénat en première lecture. C'est un sujet délicat : l'information des parents doit être la norme. Mais les associations se sont émues de l'absence d'exceptions. Les contenus haineux font souvent référence à la vie intime des mineurs, que ces derniers ne veulent pas dévoiler à leur famille.

Les députés ont ajouté que cette information se faisait « selon des modalités conformes à l'intérêt de l'enfant ». Cela autorise-t-il les associations à différer l'information aux parents ? À défaut de confirmation par le Gouvernement, je vous proposerai d'adopter cet amendement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Ce sujet a fait l'objet d'un travail partagé avec les associations. Le principe de l'information des représentants légaux est très important : le mineur ne doit pas avoir la charge de décider d'informer ses parents, qui doivent pouvoir exercer leurs responsabilités et protéger les enfants.

Le droit commun de la protection de l'enfance prévoit déjà la possibilité de ne pas informer les parents si leur action ou inaction peut mettre en danger l'enfant.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Je suis satisfait.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article premier ter B est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 9, première phrase

Après le mot :

décision

insérer les mots :

avant qu'elle ne prenne effet

II.  -  Après l'alinéa 9

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« En cas de protestation motivée de l'utilisateur à l'origine de la publication du contenu notifié, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.

« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Les actions fondées sur le présent a sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d'appel déterminée par décret.

M. Pierre Ouzoulias.  - Les avocats sont en lutte contre la spoliation de la caisse de retraite par votre Gouvernement. Leur syndicat a vu son compte twitter suspendu pendant une journée. Laetitia Avia a déclaré : « De quel droit a-t-il été suspendu ? » Il est grand temps de contrôler les plateformes et leurs règles de modération. La proposition de loi permettra de le faire.

J'ai bien cherché, dans le texte, mais je n'ai pas trouvé comment. Avec le Barreau de Paris, j'ai rédigé un amendement qui ouvre un droit d'appel. Cet exemple montre le danger que représentent les réseaux sociaux pour la liberté d'expression. N'y aurait-il pas une sorte de connivence entre Twitter et le Gouvernement sur la réforme des retraites ? Avez-vous communiqué avec eux sur le sujet ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement vise à réintroduire le juge dans la procédure de retrait de contenus haineux. La plateforme devait le rétablir, à charge pour le requérant de saisir le juge. Le délai de 48 heures que vous proposez ne suffit pas, car ce contentieux risque de se multiplier.

Par ailleurs, l'intérêt pour agir du requérant est nécessaire devant le juge, alors qu'il ne l'est pas pour demander le retrait d'un contenu sur une plateforme.

Par ailleurs, le contenu resterait visible, et engagerait la responsabilité de la plateforme. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je ne répondrai pas à votre taquinerie... Nous serions sinon bien inefficaces, compte tenu des torrents de haine qui se déversent sur le Gouvernement et la majorité parlementaire, et politiquement peu malins, si je puis me permettre.

La fermeture de ce compte Twitter a indigné mais elle était justifiée par le réseau par une violation de ses conditions générales d'utilisation (CGU) - en l'espèce, le spamming, c'est-à-dire l'envoi de très nombreux messages dans un laps de temps très limité.

On ne peut faire reproche à Twitter d'imposer un usage raisonné et raisonnable de son réseau.

Votre amendement, comme le soulignait le rapporteur, aurait peu de portée. Il est difficile de remettre en ligne des contenus contraires aux CGU.

Les retraits de contenus jugés abusifs - comme celui de L'Origine du monde - n'ont rien à voir avec la loi, mais sont liés aux CGU de Twitter.

Le retrait de la vidéo sur un candidat aux municipales à Paris est dû à la violation des CGU, en l'espèce la publication de contenus pornographiques et non à une violation de la vie privée...

M. Pierre Ouzoulias.  - Je ne me satisfais pas de votre réponse, qui reprend la réponse de Twitter. Par principe, je ne lui fais pas confiance.

Ici, envoyer un tweet à 577 députés serait du spamming ? Pour certaines campagnes publiques, Twitter a refusé de diffuser des informations gouvernementales pour les mêmes raisons.

Le problème essentiel, c'est que cette société privée se trouve dans des conditions monopolistiques sur les réseaux sociaux. Nous nous devons de créer des solutions pour des réseaux plus éthiques. La semaine dernière, j'ai voté le texte sur la liberté du consommateur sur internet, auquel vous étiez opposé.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises. La France est motrice au niveau européen pour la régulation des plateformes structurantes ; j'ai aussi défendu l'interopérabilité. Évitons de refaire le débat sur chaque texte et épargnons le temps du Parlement.

Enfin, une petite correction : Twitter n'est pas monopolistique ; Facebook, Google, Amazon le sont.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Les articles 3 et 3 bis sont successivement adoptés.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 13

Remplacer les mots :

, dans un format ouvert entre ces opérateurs, dans la lutte

par les mots :

entre ces opérateurs, dans un format ouvert et conforme à ses recommandations, pour lutter

Mme Victoire Jasmin.  - Cet amendement confère au régulateur le soin d'organiser les outils de coopération et de partage d'informations entre opérateurs pour lutter contre les contenus haineux sur internet.

En première lecture, le Sénat a prévu que les outils de coopération et de partage d'informations soient élaborés dans un format conforme aux recommandations du CSA.

L'Assemblée nationale a supprimé cela, pour ne pas contrevenir au caractère de recommandation des avis du CSA.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - C'est à l'initiative d'Yves Bouloux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, que nous avons renforcé le rôle du CSA à l'article 4 en imposant que les conditions de partage d'informations par les opérateurs soient conformes aux recommandations du CSA.

Votre amendement rétablit la version du Sénat en première lecture. Avis favorable. (Marques de satisfaction à gauche)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je ne suis pas du même avis. (On feint la déception sur toutes les travées.)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Il est encore temps de vous reprendre ! (Sourires)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Ce serait contraire au caractère incitatif de la mission du CSA. Avis défavorable.

L'amendement n°5 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par les mots :

, sans que le secret des affaires mentionné par la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires puisse lui être opposé

M. Franck Montaugé.  - En nouvelle lecture, les députés ont excessivement resserré le champ de transparence des algorithmes inséré au Sénat. Distinguons la mission du CSA et la communication externe sur ses travaux.

L'alinéa 6 de l'article 4 conditionne cette publicité au respect du secret des affaires. Mais obtenir des informations conditionne la mission du CSA.

Loin d'être une précision superfétatoire, il est indispensable que la loi attribue au CSA des prérogatives adaptées afin d'assurer son efficacité et d'asseoir sa légitimité pour qu'il puisse assurer pleinement ses fonctions de régulation des grandes plateformes et contribuer ainsi à lutter contre la haine en ligne.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur. Le 1° de l'article 19 de la loi Léotard ne prévoit qu'une limite aux pouvoirs de contrôle du CSA : le libre exercice de l'activité des partis et groupements politiques. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je salue votre travail sur la souveraineté numérique. Votre amendement est satisfait.

L'article 19 de la loi de 1986 prévoit déjà la précision apportée dans votre amendement. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 6 BIS AA

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Les annonceurs publient en ligne et tiennent à jour au minimum mensuellement les informations relatives aux emplacements de diffusion de leurs annonces qui leur sont communiquées par les vendeurs d'espace publicitaire sur internet en application de l'article 23 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Le fait de ne pas respecter l'obligation définie au premier alinéa du présent article est puni de la peine prévue au 1° de l'article 25 de la loi n 93-122 du 29 janvier 1993 précitée et dans les conditions prévues au même article 25.

M. Roland Courteau.  - Cet amendement rétablit la version plus ambitieuse adoptée par le Sénat en première lecture pour tarir le financement des sites à caractère haineux par la limitation de la publicité susceptible d'y être diffusée. Les annonceurs devaient tenir à jour les emplacements de diffusion de leurs annonces qui leur sont communiquées par les vendeurs d'espace publicitaire.

Une sanction administrative était sinon prévue, d'un montant minimal de 3 000 euros, infligée par la DGCCRF. L'Assemblée nationale a limité l'obligation de transparence aux sites faisant l'objet d'une décision de blocage judiciaire ou administratif.

Certes, on peut prendre en compte les inquiétudes des annonceurs, nous limitons la publicité sur les sites diffusant des discours de haine.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement introduit un dispositif de type Follow the money proposé par le Sénat, mais dans sa rédaction la transparence concernerait uniquement les sites faisant l'objet d'une demande de blocage administratif ou judiciaire.

Les auteurs de l'amendement veulent cibler tous les acteurs de publicité en ligne.

Restons-en au compromis obtenu avec l'Assemblée nationale. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Dans le cadre du projet de loi Audiovisuel, nous débattons avec le député Éric Bothorel, à l'initiative de ce dispositif.

Le Gouvernement travaille sur ce sujet, sur lequel nous devons préciser certaines dispositions techniques.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 6 bis AA est adopté, de même que les articles 6 bis A, et 6 bis B.

L'article 6 bis C demeure supprimé.

Les articles 7 et 9 sont successivement adoptés.

Explications de vote

M. Claude Malhuret .  - Je ne me trompais pas en début de séance : ma tentative était désespérée... (Sourires)

Le groupe Les Indépendants s'abstiendra car ce projet de loi sera inopérant. La liberté d'expression n'est pas la liberté de déverser des torrents de boue.

On a utilisé, larga manu, l'argument d'inconstitutionnalité. Or le Conseil d'État, que l'on sollicite un peu trop, a considéré que ce texte ne fait que donner une portée effective à la directive e-commerce et à la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) ; et qu'il n'est nullement contraire aux obligations conventionnelles ou constitutionnelles de la France.

Au demeurant, la loi allemande, qui allait plus loin que ce texte, n'a pas été censurée par l'Union européenne.

Ne sanctionner que les plateformes et pas les moteurs de recherche, revient à punir les producteurs de drogue et pas les dealers.

Le texte du Sénat ne sera pas opérant, mais le combat contre la dégradation de ce magnifique outil international sera long.

Arriverons-nous à faire cesser la diffusion généralisée de la haine et la menace contre la démocratie ? Dieu seul le sait, mais cela ne doit pas nous empêcher de progresser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Nous partageons vos objectifs, monsieur le ministre, mais nous regrettons que les Assises de la régulation, annoncées par votre prédécesseur, M. Mahjoubi, ne se soient pas tenues - ou en catimini - sur des sujets que les parlementaires connaissent. Cela aurait notamment été l'occasion, pour les députés et les sénateurs, de se parler. Au lieu de cela, des propositions de loi se sont succédé de manière « pulsionnelle », aurait dit le président du Sénat.

Nous avons une vision étatique des choses sur un sujet où citoyens, journalistes, parlementaires devraient échanger. Nous légiférons façon puzzle...

Dans quelques semaines, nous aurons le véhicule idéal, le projet de loi sur l'audiovisuel, pour traiter de ces questions.

Travaillons davantage ensemble ! Nous pouvons aussi constituer une task force européenne.

Internet est devenu un terrain d'affrontement mondial. Comment faisons-nous évoluer ce monde, loin d'être vertueux ?

Le groupe centriste votera la proposition de loi ainsi modifiée, conforme à ses exigences en matière de libertés publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Muriel Jourda applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Nous ne doutons pas que l'Assemblée nationale reviendra à sa première version, inopérante et imprécatoire. Vous n'avez pas voulu écouter les propositions du Sénat. J'eusse aimé que nous fissions un bilan critique de la loi sur les fausses informations que le Sénat a rejetée par deux fois car inopérante. Nous étions dans le vrai !

Je salue le travail du rapporteur, qui a montré que certaines propositions étaient satisfaites, car le CSA et l'Arcep avaient les outils de contrôle, mais ils étaient sous-utilisés, faute de moyens suffisants et parce que les Gafam refusent systématiquement d'appliquer la loi, et notamment de communiquer leurs algorithmes. Nous le verrons lors de l'examen du projet de loi de finances.

Aujourd'hui, il faut faire respecter le droit par les plateformes. Nous attendrons le renforcement des moyens en personnel et des moyens financiers pour que ces agences jouent leur rôle.

Le groupe CRCE votera contre ce texte.

L'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Modification de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 (Conclusions des CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; et du projet de loi modifiant la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Yves Détraigne, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires .  - Le 4 février, la CMP est parvenue à un accord sur les deux projets de loi relatifs à l'article 13 de la Constitution. Initialement, le Gouvernement présentait ces deux textes comme un travail d'actualisation, voire de coordination, concernant la liste des nominations soumises à l'avis préalable des commissions parlementaires. Il fallait, par exemple, tirer les conséquences du changement de dénomination de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) ou de la privatisation de la Française des jeux (FDJ). Sur le plan technique, le travail n'était du reste pas abouti, il a fallu des ajustements techniques.

Surtout, nous avons constaté un problème de méthode : nous étions invités à tirer les conséquences de trois ordonnances qui n'ont pas encore été ratifiées ! Ainsi de l'ordonnance du 3 juin 2019 qui réorganise de fond en comble la SNCF : huit mois plus tard et malgré nos nombreuses relances, le Gouvernement ne nous a communiqué aucun calendrier de ratification. Cette situation me paraît profondément regrettable pour le Parlement, et contraire à l'esprit de l'article 38 de la Constitution. De même pour l'ordonnance du 10 octobre 2019 relative aux jeux d'argent et de hasard.

Sur le fond, les projets de loi adoptés en Conseil des ministres auraient conduit à un recul même léger du contrôle parlementaire sur les nominations aux emplois publics, ce que le Sénat n'a pu accepter.

Nous avons rappelé notre attachement à la procédure prévue par l'article 13 de la Constitution. Elle permet au Parlement de bloquer une négociation si trois cinquièmes des suffrages exprimés y sont défavorables ; et, ainsi, d'écarter des candidatures de complaisance et d'améliorer la transparence des nominations.

Il aurait fallu modifier les règles de majorité. Le Parlement, en réalité, n'a jamais exercé son veto. Il a failli le faire, à une voix près pour la nomination, en décembre dernier, du directeur de l'Office national des forêts (ONF). Nous aurions souhaité étendre le périmètre des nominations soumises au Parlement, le Gouvernement hélas y est opposé.

La CMP a retenu la majorité des apports du Sénat. Le Parlement sera désormais consulté sur la nomination du président de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), mesure portée depuis longtemps par Jacques Mézard. Je suis très étonné que le Gouvernement ait pu estimer, à l'Assemblée nationale, que la CADA « est assez loin de la défense des droits et libertés constitutionnelles » ! Le rapport Hyest-Bouchoux avait au contraire montré son rôle fondamental pour les droits des citoyens qui demandent communication de documents administratifs. Le Conseil constitutionnel l'a reconnu dans sa décision du 29 octobre 2014 sur l'accès aux documents administratifs en Polynésie française.

La CADA reçoit chaque année 1 800 dossiers. Ses délais de traitement dépassent quatre mois, alors que la loi prévoit une durée théorique d'un mois. Il faut encore deux mois de plus pour que le demandeur obtienne une réponse de l'administration, voire forme un recours. C'est un véritable labyrinthe.

À l'initiative de Jean-Yves Leconte, le Parlement sera également consulté sur la nomination du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) - c'était logique, puisque c'est déjà le cas pour l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).

La CMP a aussi entériné l'application de l'article 13 aux directeurs de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Nous sommes allés plus loin que le code de la santé publique, qui prévoyait l'audition de ces personnalités, mais sans veto, par les commissions des affaires sociales.

Au total, le périmètre est passé à 55 nominations. La seule divergence persistante porte sur la SNCF : Le Sénat voulait conserver un droit de regard sur SNCF Réseau, une entité va répartir les heures de passage entre les opérateurs de transport, dont SNCF... Chacun voit le problème. L'Assemblée nationale ne partageait pas notre point de vue, et songeait avant tout à l'unité managériale du groupe SNCF. Ce débat se prolongera au moment de la ratification de l'ordonnance du 3 juillet 2019.

Enfin, il s'agissait de prolonger le mandat des administrateurs actuels de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), appelée à disparaître dans quelques mois par fusion avec le CSA.

Je vous recommanderai d'adopter ces deux textes dans la version issue des travaux de la CMP, qui préservent les principaux apports du Sénat.

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Je suis heureux que députés et sénateurs se soient accordés sur ce texte dont l'intention est double : tirer les conséquences du paquet ferroviaire et de la loi Pacte, et éviter d'avoir à nommer de nouveaux administrateurs dans la Hadopi pour quelques mois.

Sénateurs et députés sont tombés d'accord pour maintenir la nomination du directeur de la CADA dans le champ de l'article 13. Dont acte.

Quant à SNCF Réseau, l'Assemblée nationale est revenue au texte initial du Gouvernement ; nous nous en félicitons.

OFII, ANSM et Anses ont été ajoutés à la liste.

Le Gouvernement n'entend aucunement préjuger de l'adoption de la future loi sur l'audiovisuel, mais veut simplement donner à la Hadopi la possibilité de fonctionner jusqu'au rapprochement avec le CSA.

Le Gouvernement est favorable à l'adoption des deux projets de loi dans les rédactions de la CMP.

M. Franck Menonville .  - Le 4 février, la CMP est parvenue à un accord sur ces deux textes. Le Parlement a un pouvoir de veto sur certaines nominations du Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés, ou la vie économique et sociale de la Nation », à une majorité des trois cinquièmes des deux commissions compétentes.

Un tel contrôle est indispensable. Depuis 2010, la liste des postes concernés n'a cessé de s'étoffer, élargissant le champ d'intervention du Parlement. Avec ce texte, l'OFII, l'ANSM et l'Anses ainsi que la CADA ont été ajoutés à la liste, qui atteint 55 autorités.

Je me félicite des améliorations apportées, qu'il s'agisse des intitulés des organismes ou des fonctions, de l'extension du champ de la procédure ; je me réjouis que le rôle de la CADA n'ait pas été minimisé alors que la demande d'accès aux documents administratifs n'a jamais été aussi forte.

La seule divergence avec les députés portait sur SNCF Réseau, dont le caractère est pourtant stratégique. Cependant le groupe Les Indépendants votera ce texte et remercie le rapporteur de son excellent travail.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Bravo ! C'est important de le dire !

M. François Bonhomme .  - Malgré la technicité apparente de ces textes, qui à première vue se résument à une série d'ajustements, nous touchons à un sujet de la plus grande importance. En effet, la liste des emplois et fonctions soumis à l'avis du Parlement est modifiée.

Or le veto aux nominations est, pour le Parlement, une forme de droit de regard. Par rapport à la liste actuelle, un certain nombre d'organismes sont ajoutés ou retirés, certains noms modifiés. Ces textes prolongent également le mandat des six membres de la Hadopi.

Il y a un problème, déjà signalé : ces deux textes tirent les conséquences d'ordonnances non encore ratifiées. (Mme Éliane Assassi le confirme.) Le Gouvernement présume ainsi de l'accord du Parlement sur de futurs projets de loi. Cela fait désordre...

De plus le texte initial faisait passer de 54 à 51 le nombre d'emplois concernés. Nous avons pour notre part inclus dans la liste le président de la CADA et le directeur général de l'OFII. La commission de l'aménagement du territoire proposait de soumettre à l'avis du Parlement les quatre dirigeants de la SNCF.

Nous sommes heureux que l'Assemblée nationale ait largement partagé notre manière de voir, sauf hélas sur SNCF Réseau, acteur stratégique du transport en France. Didier Mandelli, rapporteur de cette commission, estimait que ce serait judicieux.

Le Sénat était opposé à la privatisation de la Française des jeux, mais cette opération étant réalisée, il convenait d'en tirer les conséquences. Le groupe Les Républicains votera donc ces deux textes.

M. Olivier Jacquin .  - Je salue le travail de tous nos collègues, ainsi que celui des députés du groupe LaREM qui n'ont pas suivi le Gouvernement et ont soutenu les ajouts du Sénat, le rapporteur donnant un avis favorable sur la CADA et l'OFII. C'est une belle avancée démocratique.

Seule pierre d'achoppement : la nomination du PDG de SNCF Réseau, gestionnaire des 30 000 kilomètres d'infrastructures ferroviaires de notre pays. Nous n'avons pas obtenu le contrôle du Parlement sur cette nomination : c'est un recul, voire une incohérence. Car le rapporteur Christophe Euzet à l'Assemblée nationale a invoqué le statut de SNCF Réseau, filiale de la SNCF, refusant de créer une double légitimité qui pourrait susciter des difficultés de gouvernance. Mais il compte sur l'Autorité de régulation des transports (ART) pour veiller à l'indépendance du réseau ! Notre collègue député méconnaît le nouveau pacte ferroviaire et les intenses discussions qui ont eu lieu à ce sujet...

Nous nous sommes tous battus, ici, pour transformer huit ordonnances en un vrai texte de loi avec un véritable volet social.

Néanmoins nous nourrissons des inquiétudes sur la « muraille de Chine » évoquée par Élisabeth Borne qui devait se dresser entre les deux entités SNCF et SNCF Réseau. L'ART a exprimé des doutes ; son président, Bernard Roman estimait le contrôle parlementaire nécessaire à cette indépendance. Comme le dirait Jean-Pierre Sueur, pourquoi se donner tant de mal pour réduire les pouvoirs de contrôle du Parlement ? Quel inconvénient y aurait-il à soumettre le directeur général de SNCF Réseau au dernier alinéa de l'article 13 ?

Ces textes n'étaient pas une priorité, mais ils existent et font l'objet d'un accord. En matière de CMP, un tien vaut mieux que deux tu l'auras. Le groupe socialiste et républicain les votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur le banc de la commission)

Mme Françoise Laborde .  - La CMP est parvenue à un accord non sans une certaine déception chez les défenseurs d'un réseau ferroviaire de qualité. Ces textes ont une importance politique majeure malgré une apparence anodine.

Une grande partie des nominations de ceux qui définissent la politique de notre pays n'est pas soumise au Parlement. Tel n'est pas le cas aux États-Unis. L'exercice consiste à trouver un équilibre entre le contrôle du Parlement et la nécessité de laisser des marges de manoeuvre au Gouvernement. D'où la liste exhaustive définie au cinquième alinéa.

L'importance des fonctions varie selon les compétences attribuées, ou la manière dont elles sont exercées : certaines personnalités ont marqué durablement leur institution comme le Défenseur des droits ou le directeur de l'Ofpra. Il est en tout cas indispensable d'actualiser régulièrement la liste.

La marginalisation de l'État actionnaire fait diminuer le pouvoir de nomination étatique et avec lui, le contrôle du Parlement. Comment du reste apprécie-t-on l'importance pour la vie économique et sociale : par la taille, par le secteur ? S'agit-il encore de protéger les monopoles naturels que certains économistes dénoncent depuis longtemps ?

Dans un contexte où la cohésion des territoires est un sujet prégnant, il serait anormal de priver le Parlement de son contrôle sur la nomination de certains dirigeants comme celui de SNCF Réseau.

Le groupe RDSE a toujours abordé la question ferroviaire sans dogmatisme, avec souci d'efficacité. Malgré cette petite dissonance, il votera ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Bernard Buis .  - Ces deux projets de loi renforcent les pouvoirs de contrôle du Parlement, contribuant à ce que le « pouvoir arrête le pouvoir » pour reprendre Montesquieu dans L'esprit des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Bernard Buis.  - L'audition publique qui précède l'avis de la commission compétente garantit la transparence de la procédure, comme le prévoyait la réforme constitutionnelle de 2008.

La navette parlementaire a permis une coconstruction par les deux chambres. Je salue le travail du rapporteur Détraigne. L'Assemblée nationale et le Sénat ont su s'entendre sur le pouvoir de contrôle du Parlement. L'ajout de la CADA, de l'OFII, l'actualisation de l'Arcep ou la prorogation des mandats de la Hadopi en témoignent.

La rédaction finale tire les conséquences de la transformation de la SNCF en entreprise unifiée depuis le 1er janvier 2020. Seul le directeur général de la SNCF est nommé par le Président de la République après avis du Parlement, conformément au droit commun. La CMP a exclu la nomination du directeur général de SNCF Réseau du champ de l'article 13. Des garanties existent cependant sur l'indépendance de SNCF Réseau. La nomination devra faire l'objet d'un avis conforme de l'ART - comme une éventuelle révocation.

La CMP a porté à 55 les postes soumis à la procédure de nomination, confortant ainsi le pouvoir de contrôle du Parlement.

Le groupe LaREM votera les deux textes.

Mme Éliane Assassi .  - Le 17 décembre, mon groupe a exposé les raisons de son opposition à ces textes. En CMP, beaucoup se sont émus de la violence faite au Parlement par le Gouvernement, lorsqu'il se réfère à des ordonnances non encore ratifiées.

Le Gouvernement a dit au Parlement : « Ne vous inquiétez pas, vous ratifierez les ordonnances ». C'est un pouvoir exorbitant conféré à l'exécutif. Il est compréhensible dans une situation de crise, par exemple en 1945 ou 1958. Rien ne justifie aujourd'hui un recours à un tel autoritarisme constitutionnel. Nous devons rééquilibrer les pouvoirs entre le Parlement et l'exécutif et refusons une telle soumission du Parlement. Nous maintenons notre vote négatif tout en saluant le travail du rapporteur.

M. Philippe Bonnecarrère .  - C'est grâce à la révision constitutionnelle de 2008 que nous sommes conduits à examiner la liste des nominations soumises à l'article 13. Cet article définit un contrôle du Parlement.

Ces textes témoignent-ils d'une soumission du Parlement au Président de la République ? La formule est sévère ! Je crois plutôt qu'en l'absence de cohabitation, il n'y a pas eu d'oppositions fortes...

Passer de 51 à 55 emplois publics constitue-t-il un grand succès ? Là encore, il serait excessif d'affirmer cela, même si nos collègues députés ont eu le bon goût de retenir nos apports et d'ajouter dans le champ de l'article 13 deux importantes autorités sanitaires.

Le débat sur la SNCF a donné lieu à une interprétation littérale de l'Assemblée nationale, qui a considéré le statut de filiale, et une interprétation téléologique du Sénat, qui mettait en avant le contrôle par l'État. Quant à moi, j'estime que nos grands établissements publics ont souffert d'une forme de balkanisation avec des filiales peu contrôlées. Il est important qu'il y ait un seul patron.

Peut-on parler de coconstruction ? Quoi qu'il en soit, je salue le travail de M. Détraigne. Le groupe UC votera ce texte. Le Sénat reste attaché à une réduction du nombre des AAI, par fusion.

Nos collègues désignés dans les AAI en deviennent ensuite les meilleurs défenseurs. Pour autant, le groupe UC considère qu'il faut moins d'AAI et plus de contrôle parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

La discussion générale commune est close.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°92 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 324
Contre 16

Le projet de loi organique, dans la rédaction élaborée par la CMP, est définitivement adopté.

Le projet de loi, dans la rédaction élaborée par la CMP, est définitivement adopté.

Prochaine séance, mardi 3 mars 2020, à 9 h 30.

La séance est levée à 20 h 25.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 3 mars 2020

Séance publique

À 9 h 30

Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : M. Guy-Dominique Kennel - M. Éric Bocquet

1. 36 questions orales

À 14 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président

2. Explications de vote puis vote solennel sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (texte de la commission, n°336, 2019-2020)

À 15 h 45 et le soir

Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant (n°288, 2019-2020)

4. Projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (procédure accélérée) (n°307, 2019-2020)

Analyse des scrutins

Scrutin n°92 sur l'ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 340

Suffrages exprimés : 340

Pour : 324

Contre :   16

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Pour : 71

Groupe UC (51)

Pour : 51

Groupe LaREM(24)

Pour : 24

Groupe du RDSE (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (13)

Pour : 13

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Conférence des Présidents

Semaine réservée par priorité au Gouvernement

Mardi 3 mars 2020

À 9 h 30

- 36 questions orales

À 14 h 30

- Explications de vote puis vote solennel sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée

À 15 h 45 et le soir

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant)

- Projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (procédure accélérée)

Mercredi 4 mars 2020

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 30

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « Lutte contre l'illectronisme et inclusion numérique »

- Désignation des vingt-et-un membres de la mission d'information sur le fonctionnement et l'organisation des fédérations sportives

- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'extradition, du troisième protocole additionnel à la convention européenne d'extradition et du quatrième protocole additionnel à la convention européenne d'extradition (procédure accélérée)

=> Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil Fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux (procédure accélérée)

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l'octroi de l'autorisation d'exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique sur l'emploi des personnes à charge des agents officiels (procédure accélérée)

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires

- Suite du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

À 18 h 30

- Débat à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes

Le soir

- Suite du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Éventuellement, jeudi 5 mars 2020

À 10 h 30 et 14 h 30

- Suite du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Semaine de contrôle

Mardi 24 mars 2020

À 14 h 30

- Débat sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2020 et sur les perspectives de l'action européenne d'ici 2024 (demande du groupe Les Républicains)

- Débat portant sur les conclusions du rapport d'information consacré aux « Nouveaux territoires de l'éducation » (demande de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication)

- Débat sur le thème : « Quelle politique de recherche publique pour la République du XXIème siècle ? » (demande du groupe CRCE)

- Débat portant sur le thème : « Les additifs alimentaires face aux enjeux de santé publique et d'environnement » (demande du groupe SOCR)

Mercredi 25 mars 2020

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 31 mars 2020

À 14 h 30 et le soir

- Proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues

- Proposition de loi relative aux Français établis hors de France, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues

Mercredi 1er avril 2020

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 30 à 20 h 30

ORDRE DU JOUR RÉSERVÉ AU GROUPE UC

- Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français

Jeudi 2 avril 2020

De 9 heures à 13 heures

ORDRE DU JOUR RÉSERVÉ AU GROUPE RDSE

- Proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes et plusieurs de ses collègues

- Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l'assurance récolte, présentée par MM. Yvon Collin, Henri Cabanel, Mme Nathalie Delattre et plusieurs de leurs collègues

De 14 h 30 à 18 h 30

ORDRE DU JOUR RÉSERVÉ AU GROUPE SOCR

- Proposition de loi portant pérennisation et généralisation des maisons de naissance, présentée par M. Bernard Jomier

- Proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires, présentée par MM. Patrick Kanner, Claude Raynal, Vincent Éblé, Mme Laurence Rossignol et M. Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 7 avril 2020

À 14 h 30 et le soir

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les victimes de violences conjugales (procédure accélérée)

Mercredi 8 avril 2020

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 30 et le soir

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, la région flamande et la région wallonne relative à l'aménagement de la Lys mitoyenne entre Deûlémont en France et Menin en Belgique (procédure accélérée)

- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (procédure accélérée)

Jeudi 9 avril 2020

À 10 h 30

- Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 26 et 27 mars 2020

- Éventuellement, suite du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (procédure accélérée)

À 14 h 30

- Éventuellement, suite du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (procédure accélérée)

Nominations de membres de commissions permanentes

Mme Patricia Schillinger est membre de la commission des affaires économiques

M. Xavier Iacovelli est membre de la commission des affaires sociales.