Efficacité des aides personnelles au logement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à garantir l'efficacité des aides personnelles au logement.

Discussion générale

Mme Cécile Cukierman, auteure de la proposition de loi .  - Nous avons inscrit ce texte dans la niche parlementaire de notre groupe du fait de son actualité prégnante, alors que la crise place nos concitoyens face à des difficultés accrues.

Il nous a semblé utile d'assurer un soutien solide aux ménages concernant un poste de dépense très lourd dans leur budget : les charges de loyer.

Malgré le chômage partiel, de nombreux allocataires des aides au logement souffrent d'une baisse, voire d'une suppression de leurs revenus. Plus de 2,5 millions de ménages de locataires ou d'accédants à la propriété, soit un tiers des actifs, ont été touchés.

Report de la trêve hivernale et augmentation des aides personnelles au logement (APL) de 100 euros par enfant : les mesures prises par le Gouvernement restent insuffisantes à long terme et il faut un fonds spécifique pour aider les locataires. Nous souhaitons aussi revenir sur les décisions qui ont conduit à raboter les aides au logement.

L'adoption de cette proposition de loi dès le stade de la commission envoie un signe clair du Sénat, transpartisan et constructif en faveur d'une priorité donnée à la préservation de ces aides, outil majeur d'égalité et de solidarité pour nos concitoyens.

La question du logement est fondatrice et structurante, mais le Gouvernement a fait le choix depuis le début du quinquennat de la considérer comme un produit marchand et a asséché les aides à la pierre. Le choix est très ancien monde. Le droit au logement est consubstantiel à la notion même de dignité humaine et reconnu comme un droit à valeur constitutionnelle, garanti par les textes fondamentaux de la République et reconnu comme tel par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

De la qualité du logement, de sa configuration dans l'environnement dépendra la façon dont les habitants vivront. Nous ne pouvons donc accepter la politique du rabot de ces aides qui bénéficient à 6,5 millions de personnes.

Le Président de la République avait donné le ton dès le début du quinquennat avec une baisse systématique de 5 euros des APL, geste déconnecté des réalités de provocation sociale qui a nourri la colère au moment même où la suppression de l'ISF redonnait 3,2 milliards d'euros à ceux qui possèdent déjà tout.

Les employés et les ouvriers représentent 62 % des bénéficiaires des APL. Il faut les épauler pour garantir le maintien du droit à se loger.

Le collectif « Vive l'APL » et le collectif des associations unies demande à renoncer à toutes les économies réalisées sur les aides au logement depuis 2017.

Et pourtant le Président de la République s'entête, méprisant comme de coutume l'importance de ces 5 euros par mois pour ces ménages précaires, ces « qui pensent que (...) le summum de la lutte, c'est les 50 euros d'APL » et qui ont tant besoin « du pognon de dingue des aides sociales ».

Les aides au logement sont l'un des principaux instruments anti-pauvreté dans notre pays. Depuis le début du quinquennat, 7 milliards d'euros d'économies ont été faites dans ce domaine, depuis la baisse des aides à la pierre jusqu'à la limitation à 0,3 % de la revalorisation des APL en deçà de l'inflation.

Le mode de calcul des APL doit faire l'objet d'une réforme liée à la contemporanéité des versements. Quelque 600 000 allocataires perdraient leurs aides purement et simplement avec cette réforme. La crise sanitaire a heureusement conduit à reporter encore une fois cette réforme. Supprimez-la et remettez au coeur de votre politique l'intérêt des allocataires !

Tel est l'objectif de notre proposition de loi, qui change ainsi le curseur.

L'article premier supprime le délai de carence d'un mois pour le versement des allocations logement. Évitons d'ajouter des difficultés aux difficultés et d'enclencher la spirale vers les expulsions.

L'article 2 demande la suppression de l'application d'un seuil de non-versement, aujourd'hui fixé à 10 euros. Nous avons conscience des réserves sur cet article, nous y reviendrons dans le débat.

L'article 3 créait une présomption de bonne foi en période de crise. Il était redondant ; nous en prenons acte.

L'article 4 revient sur la désindexation des APL sur l'inflation, qui représente une économie estimée à 200 millions d'euros.

L'article 5 constitue le gage financier.

Nous remercions la commission de nous avoir soutenus. Souhaitons que le texte soit adopté en séance après un beau débat sur les conditions d'exercice de ce droit fondamental : permettre à chacun de nos concitoyens d'avoir un toit. Un plan de relance devra aussi être lancé avec un contrôle des loyers privés, meilleur moyen de limiter les charges des aides.

La lutte contre le mal-logement vaut mieux que les économies de bouts de chandelles faites sur le dos des plus précaires. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - À une très large majorité, la commission des affaires économiques a décidé d'apporter son soutien à ce texte qui prévoit la suppression du mois de carence et la réindexation des APL.

Nous sommes en désaccord avec une politique qui est au détriment des plus modestes et affaiblit le mouvement HLM. Nous nous inscrivons contre la politique du Gouvernement qui consiste à réaliser de manière brutale des économies sur les aides au logement pour rétablir les comptes publics et permettre à la France de sortir de la procédure de déficit excessif.

Entre 2017 et 2020, près de 6 milliards d'euros seront économisés. L'État dépensera 3 milliards d'euros de moins pour les APL. La Cour des comptes souligne, dans son rapport public annuel, combien cette politique suscite des interrogations en termes d'équité. Elle relève aussi qu'elle a mis à mal les relations entre le Gouvernement et les organismes HLM.

Les APL ont représenté 17 milliards d'euros en 2018 et 2019. Quelque 20 % des foyers touchent ces aides qui représentent un tiers de l'effort de la Nation pour les ménages du premier décile - lesquels représentent 75 % des bénéficiaires.

Baisser les APL, c'est frapper le pouvoir d'achat des plus fragiles. C'est aussi une politique d'affaiblissement du logement social. La réduction de loyer de solidarité représente une ponction de 1,3 milliard d'euros en 2020. La capacité des bailleurs sociaux à construire de nouveaux logements est amputée. Près de 100 000 constructions ne seront pas réalisées cette année en raison de l'arrêt des chantiers pendant le confinement.

Les mesures du Gouvernement ne feront qu'aggraver la situation. Les bailleurs sociaux pourront-ils continuer d'acheter des programmes en VEFA ?

Monsieur le ministre, nous vous avions écrit, Sophie Primas, Annie Guillemot et moi, pour soutenir la proposition de la Fondation Abbé-Pierre de créer un « fonds d'aide à la quittance », doté de 200 millions d'euros. C'est deux fois moins que les économies réalisées chaque année par la diminution de 5 euros des APL, c'est moins que le produit de leur gel à 1 % et de leur non-revalorisation en 2019 et 2020. Le ferez-vous ?

Il faut redonner de l'air aux bailleurs sociaux. La question d'un moratoire de la réduction du loyer de solidarité (RLS) ou d'une mesure équivalente doit être envisagée. La revalorisation de l'APL accession est nécessaire pour relancer une politique ambitieuse du logement. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce propos ?

La commission propose de supprimer le mois de carence du versement des APL, car il s'agit d'une mesure qui fait déjà l'objet de nombreuses exceptions. Elle ne s'applique pas par exemple à ceux qui habitent un logement insalubre. Le coût de cette mesure serait de 250 millions d'euros en année pleine nous dites-vous ; et 1,2 million de demandes nouvelles sont enregistrées chaque année. La mesure apportera plus de lisibilité : la Mutuelle sociale agricole (MSA) demande cette suppression depuis 2002.

La commission propose aussi d'approuver le retour de l'indexation des APL sur l'indice de référence des loyers (IRL). Après les avoir réduites de 5 euros en 2017, le Gouvernement a plus discrètement décidé leur gel puis leur sous-revalorisation. Nous l'avions dénoncé en loi de finances. La demande de réindexation est portée par les organismes HLM.

La suppression du seuil de non-versement à 10 euros par mois n'est en revanche pas justifiée, car il s'agit d'une mesure de bonne gestion. Ce seuil touche 17 000 ménages pour un montant total d'un million d'euros et des APL moyennes de 60 euros par an alors que le coût de gestion et d'instruction d'une demande serait de l'ordre de 80 à 90 euros.

En 2017 et 2018, ce seuil avait déjà été abaissé. Il est complètement supprimé lorsque la RLS a un effet aggravé. D'où notre amendement de suppression de l'article 2.

Une politique du logement juste et ambitieuse, tel est notre objectif, tenant compte des difficultés des locataires et des bailleurs dans le cadre de la crise sanitaire et économique que nous traversons.

C'est pourquoi, elle vous propose de supprimer le mois de carence et de revenir à une meilleure revalorisation des APL. (Applaudissements sur la plupart des travées, à l'exception de celles du groupe LaREM)

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - L'examen de cette proposition de loi est d'autant plus important dans la période que nous traversons, qui montre combien l'habitat est crucial, et une question de dignité pour nombre de nos concitoyens. Notre rôle à tous est d'aider ceux qui souffrent dans leur logement.

Nous avons une vision commune sur la politique du logement à mener ; ce qui change, c'est le chemin qui y mène.

Notre premier défi est la réhabilitation et la rénovation de logements ainsi que la lutte contre l'habitat insalubre. C'est ce que nous avons fait avec la loi ELAN et les efforts menés après le drame de la ville de Marseille. Mais ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui.

Notre deuxième défi, c'est de produire certes plus de logements, mais surtout plus de logements abordables. Il arrive en effet de plus en plus souvent que le taux d'effort de nos concitoyens atteigne 50 %, c'est-à-dire que la moitié des revenus sont consacrés au paiement du loyer.

Le logement social est un trésor du modèle social français. Ce modèle, nous y sommes très attachés et nous voulons le sauvegarder. On ne peut pas dire que ce Gouvernement, que le ministre que je suis, aient eu l'intention de financiariser les bailleurs sociaux. Je me suis assez battu à l'Assemblée nationale, mais contre des parlementaires de sensibilités présentes ici, qui souhaitaient ouvrir le capital de ces derniers pour qu'on n'en doute pas.

Les regroupements des organismes HLM, lancés par Jacques Mézard, fonctionnent bien. Les titres participatifs, ce sont 900 millions d'euros. Un représentant des organismes HLM me le disait : nous n'aurions pas fait autre chose si nous avions imaginé un instrument contre la crise financière. Je l'ai reconnu avec humilité, nous sommes allés trop loin sur la RLS.

En 2019, nous avions décidé de lancer 110 000 constructions. Nous avons atteint 109 000. La dynamique du logement - avec 10 % d'autorisations d'urbanisme en plus en 2018 - s'est confirmée en 2019.

Les offices HLM solidaires - nous en avions découvert un à Espelette - ont été requis par la mairie de Paris. Hier soir, 180 000 personnes ont été accueillies dans des dispositifs d'hébergement. Pendant le confinement, elles étaient 34 000 de plus.

L'APL n'est pas un minimum social. Cette aide n'a pas l'effet inflationniste que certains prédisent, sauf peut-être sur les petites surfaces. Mais elles ne doivent pas nous faire oublier l'objectif de produire du logement abordable.

Le public éligible aux APL doit être particulièrement soutenu, c'est pourquoi nous avons décidé de verser une aide exceptionnelle à 4 millions de familles.

La baisse de 5 euros des APL était une mauvaise décision. Pour comprendre le tableau de calcul, il faut un doctorat en Excel ! (Sourires et marques d'approbation) De plus, les APL calculent une aide en fonction de la situation du bénéficiaire il y a deux ans.

La réforme des APL, d'autant plus importante aujourd'hui, est prête. Elle a été reportée car le 1er avril, les employés des caisses d'allocations familiales (CAF) qui devaient la lancer étaient extrêmement sollicités à cette période.

Mon objectif est de lancer cette réforme politique et non budgétaire avant la fin de l'année. S'il y avait un retournement de cycle, cette réforme deviendra coûteuse.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Vous ne l'appliquerez pas ! C'est étrange...

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je n'ose même pas vous répondre ! Vous me connaissez suffisamment pour savoir que ce n'est pas vrai ! Cette réforme sera appliquée avant la fin de l'année.

Je suis en désaccord avec l'article premier sur les délais de carence : des exceptions existent déjà. Même avis que la commission sur l'article 2, ainsi que sur l'article 3.

L'article 4 renvoie à des mesures devant être vues en loi de finances.

M. Franck Menonville .  - La pandémie et les mesures prises pour l'endiguer vont déclencher une récession historique : contraction du PIB de 11 %, déficit public d'au moins 9 %, dette publique atteignant 115 %. Elle aura des conséquences sur les ménages. Or le logement est le premier poste de dépenses des Français. La politique du logement est aussi un moyen de relance économique, via le soutien au secteur du bâtiment. Certains bailleurs sociaux sont déjà vulnérables - il faut soutenir leurs capacités d'investissement et de rénovation.

Les aides au logement sont un pilier de la politique sociale française depuis 1948. En 2018, 17 milliards d'euros étaient versés à 6,6 millions de bénéficiaires. Il ne faut pas faire d'économies de bouts de chandelle.

Je rejoins la commission sur la suppression du seuil de non-versement à 10 euros, pour des raisons de bonne gestion. Je souscris également à la suppression du maintien de l'APL en cas de loyer impayé, qui vidait de sa substance le principe même de l'aide au logement.

La commission a approuvé, à raison, la fin du délai de carence - si l'aide est due, elle doit être versée, c'est une question d'équité. Je suis favorable à la réindexation sur l'indice de référence des loyers, qui, pour garder toute pertinence, doit être réactualisé régulièrement.

Nous avons fait face ensemble contre la crise sanitaire. Pour tenir face à la crise économique, il faut soutenir les entreprises, mais aussi les ménages qui sont l'un des moteurs de la consommation et de la croissance.

Je regrette la disparition de l'APL accession qui était utile aux ménages modestes.

Cette proposition de loi contribuera à mieux soutenir les Français les plus fragiles. Nous voterons le texte amendé par la commission.

Mme Valérie Létard .  - Je remercie le groupe CRCE d'avoir souhaité ce débat. Le logement des plus modestes doit être une priorité de chaque instant pour les responsables politiques, tant au niveau local que national.

Le confinement a démontré une fois de plus combien le logement était source d'inégalités, mais aussi un élément fondamental du bien vivre et du bien travailler. Sans logement, on ne peut construire sa vie, sa famille, son travail, sa santé. C'est le nid, comme le dit Jean-Louis Borloo.

Hélas, les mesures budgétaires, ainsi que certaines dispositions de la loi ELAN, empêchent les offices HLM de construire et de rénover leur parc. En trois ans, la contribution de l'État a chuté de 3 milliards d'euros, ce qui a remis en cause le modèle économique des bailleurs sociaux et fragilisé les ménages. La vente d'appartements n'est pas au rendez-vous comme vous l'aviez imaginé - et pourquoi vendre des logements locatifs sociaux pour en construire d'autres, sachant que ce sont très rarement ceux qui les habitent qui les achètent.

Nous devons protéger et aider ceux qui souffriront le plus de la crise sociale, or le logement est un frein au retour à l'emploi. Il faut construire dans le cadre d'une politique de la ville transversale, anticiper les ruptures. Dans bien des territoires, on s'inquiète de l'échéance du 31 décembre 2024, qui risque de ne pas pouvoir être respectée.

Attention à ne pas couper les capacités d'investissement des collectivités comme cela a été fait pour les bailleurs sociaux. Établissez plutôt des relations claires et franches avec elles.

Monsieur le ministre, vos réformes étaient conçues pour le beau temps. Alors que la tempête gronde, il faut engager le moratoire de la RLS, tant attendu par les bailleurs sociaux.

Merci au groupe CRCE pour sa proposition de loi, merci à Cécile Cukierman et à Dominique Estrosi Sassone pour leur travail respectif au service d'un texte qui apportera de l'oxygène aux ménages les plus modestes. En leur versant 150 euros pendant le confinement, plus 100 euros par enfant, le Gouvernement a reconnu que les minimas sociaux ne suffisent pas.

La suppression du mois de carence est une mesure de justice. Alors que le prélèvement de l'impôt à la source permet la contemporanéité, il n'est pas logique de priver les bénéficiaires d'un mois d'APL.

Nous sommes également favorables à la réindexation des APL sur l'indice de référence des loyers, pour suivre la réalité de l'économie du pays à l'instant T.

Nous soutenons la suppression de l'article 2. Je me réjouis de nos positions communes. Nous suivrons la position de la rapporteure. Le groupe UC votera en faveur de ce texte tel qu'il sortira de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mmes Sophie Primas, présidente de la commission et Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Très bien !

Mme Annie Guillemot .  - La situation sociale n'a pas été suffisamment prise en compte par le Gouvernement dans le plan de déconfinement. La crise qui s'annonce exige des mesures fortes pour éviter que les plus fragiles ne basculent dans la précarité. Les APL représentent 40 % de l'effort public pour le logement. Leur maintien ne suffira pas ; il faut prévoir de nouvelles aides et faire jouer la solidarité nationale, comme le demandent de nombreuses associations.

La crise sanitaire se double d'une crise économique et sociale. Selon l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), un tiers des actifs ont vu leurs revenus baisser en avril, or 4 millions de ménages font face à de lourdes dépenses pour se loger et le logement représente les deux tiers de la consommation pré-engagée des ménages pauvres.

Il faut aller plus loin pour faire face à l'urgence sociale, relayée par les acteurs de la solidarité, les bailleurs sociaux et les élus. Le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) est particulièrement mobilisé, mais il n'est pas universel. Certains locataires n'y sont pas éligibles.

Les bailleurs sociaux ont signé une charte de soutien en faveur de leurs locataires fragilisés par la crise, mais quid du secteur privé ?

Nous avons déposé une proposition de loi qui abonde de 250 millions d'euros le FSL pour l'aide d'urgence à la quittance au bénéfice des locataires du parc locatif social et privé et des copropriétaires occupants, maintient les aides au logement pendant la crise sanitaire et interdit aux banques de suspendre le paiement des annuités d'un emprunt immobilier pendant un an, afin d'éviter les expulsions. Nous demandons également une aide de 50 millions d'euros aux associations de lutte contre la pauvreté.

Recentrage du PTZ, baisse des APL, éloignement de la gouvernance : le Gouvernement a économisé 6 milliards d'euros en trois ans sur le logement social et installé une crise durable de la construction de logements abordables, de la réhabilitation et de la rénovation urbaine.

Comment résorber l'habitat indigne sans relogement des familles ? Comment demander aux maires de mettre en place des politiques publiques pour le logement quand ils n'en ont plus les moyens ? Comment redonner confiance à la jeunesse quand elle n'a pas accès au logement ?

Les décisions gouvernementales ne sont pas allées dans le bon sens : baisse de 5 euros des APL, gel du barème en 2018, sous-indexation à 0,3 % en 2019-2020 - la maintiendrez-vous ? - suppression de l'APL accession, malgré vos promesses, mise en place de la RLS. Sans parler de la situation d'Action logement... Avec la contemporanéisation du versement des APL, de nombreux jeunes qui quittent le domicile parental n'y auront plus droit. Il n'y a pas d'étude d'impact alors que 1,2 million de nos concitoyens verront leur APL baisser et 600 000 n'y auront plus droit.

Un rapport de la Cour des comptes dénonce le manque d'anticipation dans l'exécution de la mission « Cohésion des territoires », du fait des reports de la mise en oeuvre de la réforme, entraînant un trop grand écart entre les mesures votées et réalisées.

Monsieur le ministre, vous m'aviez reproché de souligner que le personnel de la CAF ne pourrait pas faire face à la réforme des APL -  et maintenant vous reprenez l'argument !

Le logement rapporte à l'État plus qu'il ne lui coûte : en 2018, il a versé 40 milliards d'euros d'aides au logement pour 78 milliards d'euros de rentrées fiscales. Le logement doit cesser d'être une variable d'ajustement budgétaire.

En Île-de-France, 700 000 ménages sont demandeurs d'un logement social dont 71 % sont sous le plafond de ressources.

Nous voterons cette proposition de loi, en rappelant qu'aux termes de l'article premier de la loi Besson, « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ». Il est extrêmement important d'aider tant à l'accession qu'au maintien dans le logement.

La situation dans les banlieues nous inquiète. C'est une question politique, au coeur du pacte républicain, une question d'emploi, de logement, de respect, de lutte contre les discriminations, d'espoir. Je renouvelle ma demande de création de 20 000 à 30 000 emplois aidés. Il faut raccrocher les décrocheurs, alors que seul un enfant sur dix est scolarisé aujourd'hui dans certains quartiers.

L'aisance de vos propos ne me rassure pas, monsieur le ministre. Maire de Bron pendant dix-sept ans, je sais combien les mesures prennent du temps à se mettre en place.

La politique, ce n'est pas que des paroles, mais des actes, en responsabilité. Monsieur le ministre, vous avez de grandes responsabilités, vous devez agir vite ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Henri Cabanel .  - Cette crise sanitaire, avec ses répercussions sociales, est inédite. Ce ne sera pas une affaire de semaines ni de mois, mais d'années.

La dépense publique ne pourra sauver toutes les entreprises. À défaut de revenu universel, les aides sociales amortissent le choc de la baisse ou de la perte des revenus. Il faut des moyens supplémentaires pour assurer le maintien dans le logement actuel et éviter l'engrenage de la précarité. La vague d'impayés doit être anticipée pour éviter les expulsions en cascade.

Au XXIe siècle, personne ne devrait être expulsé de son logement dès lors qu'il est de bonne foi. Comment ne pas être choqués de voir des sans-abri aux portes mêmes du Sénat, sous le porche du théâtre de l'Odéon ?

Je regrette l'absence d'initiative de l'État pour les locataires. Contrairement à ses voisins, la France n'a pas gelé les loyers ou abondé de fonds d'urgence. L'encadrement des loyers n'est pas respecté, notamment à Paris. Les APL n'ont pourtant pas vocation à financer une sur-tarification !

Sans tout résoudre, cette proposition de loi aménage les versements et les montants des APL. La suppression du mois de carence aura un impact positif pour les ménages, alors que la crise laisse envisager une augmentation du nombre de demandeurs. La réindexation des APL sur l'IRL est bienvenue.

En revanche, nous sommes plus partagés sur le seuil minimum de non-versement des APL. Une aide de moins de 10 euros n'a pas de sens. Ne faudrait-il pas revoir les modalités de calcul ?

Le débat sur l'effet inflationniste des aides au logement est ancien. Mais l'objectif des APL est avant tout social. La pénurie de logements est structurelle dans les zones tendues et le choc d'offre n'a pas encore eu lieu. Dans les zones tendues, les salariés aux revenus moyens, souvent indispensables au fonctionnement du pays, peinent à payer leur loyer.

La donne a changé, il faut se réinventer. Le télétravail apportera peut-être un rééquilibrage du territoire, en offrant des conditions de vie plus sereines que dans les grands centres urbains.

En attendant un impact positif sur l'accès au logement, cela ne nous exonère pas de donner un coup de pouce immédiat aux locataires.

Le groupe RDSE votera cette proposition de loi.

M. Julien Bargeton .  - Ce texte part d'un bon sentiment. Dans cette crise, nous avons tous une pulsion de générosité. Pour autant, fait-on de la bonne littérature avec de bons sentiments ? s'interrogeait Gide.

Mme Cécile Cukierman.  - Je ne fais pas la charité.

M. Julien Bargeton.  - La question vaut aussi pour ce texte : le débat est intéressant, mais les réponses sont-elles efficaces ?

On dit souvent qu'il ne faut pas voter une loi sous le coup de l'émotion. (Marques d'indignation sur les travées des groupes SOCR, RDSE et CRCE)

Mme Éliane Assassi.  - Et les 5 euros ? Une décision sous le coup de l'émotion ?

M. Julien Bargeton.  - L'enjeu est d'importance, car les APL représentent 18 milliards d'euros, un tiers des sommes de la redistribution sociale, dont 75 % sont versés aux 10 % des ménages les plus défavorisés.

Chacun peut faire sa propre interprétation du rapport de la Cour des comptes. Mais vous vous souvenez sans doute que la Cour dénonce une gestion complexe et coûteuse des allocations logement, avec des critères de versement peu clairs et un nombre de paramètres de calcul qui accroît le risque d'oublis ou d'erreurs ? Et qu'elle plaide pour une simplification, en raison des risques de non-recours, d'indus et de fraudes ? Les coûts de gestion...

Mme Éliane Assassi.  - Nous parlons de vies humaines, de personnes !

M. Julien Bargeton.  - ... sont considérables. Il faut simplifier, renforcer le système des APL pour le rendre...

M. Fabien Gay.  - Plus « efficient » ?

M. Julien Bargeton.  - Plus efficace. Les recommandations de la Cour des comptes ne sont pas prises en compte dans cette proposition de loi.

Mme Cécile Cukierman.  - Je cherche à répondre aux besoins de la population, non à ceux de la Cour des comptes !

M. Julien Bargeton.  - Je salue la suppression, par la commission, de l'article relatif aux seuils, ainsi que de l'article 3, qui aurait rendu l'application du droit encore plus complexe.

Le délai de carence est un sujet important : sa suppression entraînerait beaucoup de rappels, qui seraient sans doute mal vécus...

M. Fabien Gay.  - Vous êtes presque touchant...

M. Julien Bargeton.  - ... et qui représenteraient une grosse charge de travail supplémentaire.

M. Fabien Gay.  - Ah ! Je comprends mieux...

M. Julien Bargeton.  - Le Gouvernement a prolongé la trêve hivernale, il a créé un plan alimentaire d'urgence, ainsi qu'un plan pour les moins de 25 ans. Des actions ciblées ne sont-elles pas plus pertinentes qu'une réindexation générale ?

Mme Cécile Cukierman.  - La loi est faite pour le long terme, pas pour le court terme.

M. Julien Bargeton.  - Quand 4 millions de personnes sont mal-logées, l'essentiel est d'ajouter une offre accessible.

La contemporanéisation des aides est la mère des réformes. Elle a simplement été décalée à cause de la crise. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'agace.) La réaction est la même que pour le prélèvement à la source : on commence par critiquer la mesure puis on en constate les avantages, et l'on se réjouit des améliorations.

Mme Cécile Cukierman.  - Personne ne dit qu'il ne faut pas améliorer le système !

M. Julien Bargeton.  - Nous avons besoin de cette réforme de la contemporanéisation. Ce sera une réelle avancée et elle fiabilisera les montants pris en référence. La Cour des comptes la réclame.

Mme Cécile Cukierman.  - Plus besoin de faire la loi, il y a la Cour des comptes !

M. Julien Bargeton.  - Nous ne voterons pas cette proposition de loi. Nous devons nous interroger sur ce qui est le plus utile pour les Français.

Mme Annie Guillemot.  - Pourquoi n'avez-vous rien dit contre la baisse des APL, dont les Français ont besoin ?

Mme Éliane Assassi.  - Rien dit non plus contre les 5 euros !

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Non, cette proposition de loi n'est pas conjoncturelle, elle a été préparée avant la crise du Covid. (M. Julien Bargeton esquisse une moue dubitative.) Car il y avait un énorme problème de pouvoir d'achat des plus modestes, et une précarisation de leurs conditions de logement.

Nous ciblons un élément très concret dont l'impact est massif : les APL. La Cour des comptes reconnaît leur rôle central dans le soutien aux plus modestes. Les APL représentent 30 % de l'effort de redistribution sociale pour les ménages du premier décile.

M. Julien Bargeton.  - C'est ce que j'ai dit !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Oui ! C'est ce qu'il a dit !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les familles les plus modestes consacrent dans le privé jusqu'à 45 % de leurs revenus au logement. (Mme Annie Guillemot renchérit.)

Vous arguez de la complexité des APL ? Mais Bercy délivre à n'en plus finir des avantages fiscaux autrement plus complexes.

Oui, les choses doivent être simples pour que le peuple comprenne ses droits. Mais pour le groupe LaREM, quand c'est complexe, la solution est de réduire la prestation ! (M. le ministre et M. Julien Bargeton se récrient.)

Depuis des années, Bercy a les APL dans le collimateur. La preuve, elles ne font que baisser : le rapport Estrosi Sassone est d'une grande précision sur ce point.

Votre but, c'est la régulation budgétaire sur le dos du premier décile.

M. Julien Bargeton.  - Facile... et faux.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Monsieur le ministre, vous reconnaissez avoir commis une erreur sur les 5 euros de baisse de l'APL. Mais faute avouée n'est pas pardonnée ! C'est faute réparée qui l'est. Faites-le ! (Rires et applaudissements)

Les sommes en jeu dans cette proposition de loi restent modestes mais sont efficaces.

Mme Valérie Létard.  - Oui.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La proposition de loi est ciblée et juste, elle s'inscrit dans la durée. Nous sommes tous prêts à simplifier le système, à condition qu'il demeure juste. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe LaREM)

Mme Laure Darcos .  - Nos collègues communistes considèrent que la politique du Gouvernement a affaibli les ménages les plus modestes. C'est pourquoi ils émettent quatre propositions.

La commission des affaires économiques s'est prononcée en faveur de deux d'entre elles. Au-delà, la pertinence des politiques du logement, singulièrement depuis l'élection d'Emmanuel Macron, est en question. Cette régulation budgétaire féroce sape le pouvoir d'achat des plus modestes. Elle ne peut tenir lieu de politique.

Quelque 6,6 millions de ménages bénéficient des APL, qui correspondent à 49 % en moyenne du loyer dans le parc social, 36% dans le privé. En 2015 et 2017, ces aides représentaient 18 milliards d'euros par an, en 2018 et 2019, 17 milliards, et 15,3 en 2020.

La diminution des APL de 5 euros par mois et la réduction du loyer de solidarité n'ont eu d'autres objectifs que de réduire le déficit public. Ces deux mesures ont soulevé une vague de contestation dans l'opinion publique. Elles succédaient aux mesures de régulation mises en place sous François Hollande comme le gel de la sous-indexation, la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires, etc. Nous craignons la poursuite de la politique récessive du logement, et la poursuite du recul des montants versés, dans le cadre du RUA en particulier.

Votre politique est sans affect, sans vision, technocratique : tout le monde est perdant. Il est temps de refonder l'action en faveur du logement, de remettre l'équité du système au coeur des préoccupations. Il faut une meilleure information des personnes éligibles, qui sont 2 % à ne pas y avoir recours.

La Cour des comptes regrette qu'il ne soit pas mis fin à la complexité des APL, source de non-recours, d'erreurs et de fraudes.

La crise économique s'annonce violente avec un risque de paupérisation important. Les besoins en logements sociaux et très sociaux augmenteront. Or les objectifs de construction ne seront pas atteints, car les chantiers ont été mis à l'arrêt.

Le Gouvernement doit prendre un engagement fort à court terme contre le mal-logement et la précarité qui fracturent la société, et pour éviter de laisser trop de monde au bord du chemin. (M. Olivier Henno, MmeValérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)

M. Julien Denormandie, ministre .  - Je ne suis pas du genre à éluder les questions ou à faire de la basse politique, j'ai toujours un propos constructif. Je ne peux laisser dire que nous pratiquons une politique du logement sans vision.

En deux ans nous avons doublé les crédits de rénovation gérés par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), la ministre Valérie Létard en est témoin. (L'intéressée exprime un doute.) Nous avons engagé 10 milliards d'euros de travaux pilotés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Sur l'Action Coeur de ville, chère au RDSE et au ministre Mézard, nous avons déjà engagé 3 milliards d'euros. Quant au fameux crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), il bénéficiait à 50 % aux 20 % des ménages les plus aisés ; nous l'avons transformé en MaPrimeRénov, ce qui n'a pas été sans difficultés : et désormais la prime va à 50 % aux 50 % les plus fragiles.

Les sans-abri ont bénéficié de l'effort commun mené avec les collectivités locales : nous avons mis à l'abri 180 000 personnes, au lieu de 145 000 avant l'hiver, soit 35 000 places supplémentaires depuis le 1er novembre.

Mme Éliane Assassi.  - Vous parlez d'hébergement, nous parlons de logements.

M. Julien Denormandie, ministre.  - En deux ans, nous avons sorti 150 000 personnes de la rue ou de la précarité pour leur donner un logement pérenne.

Ma main n'a pas tremblé lorsque j'ai décalé par deux fois la fin de la trêve hivernale.

Enfin, madame Lienemann, nous nous connaissons bien. Je sais que vous savez que c'est à la demande du directeur de la CNAF - ce grand serviteur de l'État - que nous avons décalé la réforme de la contemporanéisation. La lancer en pleine crise du Covid, alors qu'elle est très complexe, qu'elle exige des milliers d'heures de travail...

Mme Annie Guillemot.  - Embauchez !

M. Julien Denormandie, ministre.  - ...et un accompagnement individuel, ce n'était pas possible. Il a fallu nous retrousser les manches pour mettre en forme cette réforme. Dommage, du reste, qu'elle n'ait pas été réalisée en 2012, ou avant.

Mme Éliane Assassi.  - Où étiez-vous, en 2012 ?

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je remercie Mme Cukierman d'avoir inscrit ce débat enflammé... mais si important pour nos concitoyens.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Julien Bargeton .  - Le seuil d'application existe pour toutes les aides. Le Gouvernement l'a abaissé de 17 euros à 10 euros en 2017. Une grande partie des bénéficiaires ne le voit plus s'appliquer. Le groupe LaREM votera l'amendement de suppression car le dispositif risque de mettre en tension les effectifs des caisses, car les frais de liquidation dépasseraient alors les sommes versées pour 17 000 ménages !

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Monsieur Bargeton, c'est aussi ce Gouvernement qui a créé le loyer de solidarité et qui a supprimé le seuil dans le parc social.

Les coûts de traitement des dossiers seraient plus élevés que ce qui reviendrait aux allocataires à travers une APL trop modeste. Après discussion avec les auteurs, j'ai voulu laisser le débat prospérer en séance publique et c'est seulement maintenant que je présente un amendement de suppression.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable.

Mme Annie Guillemot.  - Il faut aussi tenir compte de la sous-indexation des APL. Près de 350 000 jeunes risquent d'être privés d'APL, ils cherchent un premier emploi, il faut prêter attention à eux. Revoyons cette réforme.

L'amendement n°1 est adopté et l'article 2 est supprimé.

L'article 3 demeure supprimé.

ARTICLE 4

M. Julien Bargeton .  - Citons la prime d'activité, l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l'allocation aux adultes handicapés (AAH), toutes revalorisées ! Il y a aussi la prolongation de la trêve hivernale, l'aide alimentaire, l'aide aux moins de 25 ans...

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - La question n'est pas là.

M. Julien Bargeton.  - Le contexte doit être envisagé dans sa globalité.

L'article 4 est adopté.

L'article 5 est adopté.

Explications de vote

Mme Viviane Artigalas .  - Cette proposition de loi importante a été déposée avant la crise. Elle reste d'une actualité aiguë. Les jeunes en quête d'un premier emploi devront faire face à la question cruciale du logement.

Les APL auront toute leur importance. Leur réforme ne peut être mise en place sans tenir compte de ces difficultés.

Les réformes du Gouvernement ont affaibli notre modèle du logement social. Nous voterons cette proposition de loi, car il est impératif de ne pas faire d'économies dans ce domaine. Voilà trois lois de finances rectificatives que nous vous alertons sur ce sujet. Revoyez votre politique.

Mme Annie Guillemot .  - Nous voterons la proposition de loi pour au moins trois raisons : vous ne cessez de fragiliser la situation d'Action Logement, les maires s'en inquiètent ; les CAF auront du mal à mettre en oeuvre la réforme que vous projetez, car il leur sera très difficile de vérifier tous les trois mois les revenus des bénéficiaires ; enfin, concernant la politique de la ville, les commissions d'attribution constatent déjà une paupérisation de certains territoires. C'était vrai dans le monde d'avant ; ce sera pire après. Les rodéos urbains n'en sont qu'une manifestation parmi d'autres. Si on ne développe pas les contrats aidés pour les jeunes des quartiers, la situation risque de dégénérer. Elle est déjà explosive !

Mme Valérie Létard .  - Nous votons avec grand plaisir cette proposition. Le débat porte sur l'accès au logement sans provoquer le surendettement ; et sur le financement du logement social dans un contexte tendu.

Une disposition récente adoptée en CMP autorise la centralisation des trésoreries de certains organismes publics sur le budget du Trésor public. Cette opération risque de mettre en grand péril les capacités d'Action Logement dans sa mission de service public, production et rénovation de logements, accompagnement des salariés.

Par ailleurs, nous attendons toujours la sortie du décret et de l'arrêté qui doivent améliorer la gouvernance d'Action Logement et créer un comité des partenaires. Donnez-nous les moyens d'aller plus loin dans l'amélioration du logement au service des plus fragiles !

Merci au Sénat de se mobiliser sur cette question et de converger pour toujours défendre le logement social. (Applaudissements à gauche)

Mme Cécile Cukierman .  - Cette proposition de loi a été travaillée avant la crise. Le contexte compliqué n'a malgré tout pas empêché son examen en commission et aujourd'hui en séance.

Merci au ministre de ce débat marqué par la franchise. Nos débats sont enflammés parce que passionnés. La question du logement touche en effet à l'essentiel de la vie humaine digne. L'accès au logement est un droit fondamental.

Monsieur le ministre, il est temps de corriger vos erreurs par des actes. Le système des APL souffre de trous dans la raquette. Mais il ne faudrait pas, au prétexte de réduire les trous de la raquette de tennis, se retrouver avec une raquette de ping-pong, certes sans trous mais beaucoup plus petite. Il ne faut pas pour résoudre les problèmes de certains, exclure d'autres qui ont également des besoins.

Je ne fais pas de politique pour faire la charité. J'espère que cette proposition de loi répondra durablement aux besoins des Français. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe LaREM)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.