Élection du président du Sénat

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le scrutin pour l'élection du président du Sénat.

J'ai été saisi des candidatures de Mme Éliane Assassi, M. Guillaume Gontard, M. Patrick Kanner (Marques d'approbation à gauche) et M. Gérard Larcher. (Vifs applaudissements au centre et à droite)

Rassurez-vous, ce n'est pas une élection à l'applaudimètre ! Nous procéderons à bulletin secret. (Sourires)

Je vous rappelle que pour être élu au premier tour, un candidat à la présidence du Sénat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés. Si la majorité absolue des suffrages exprimés n'a pas été acquise au premier ou au deuxième tour de scrutin, au troisième tour, la majorité relative suffit.

Les délégations de vote sont admises. Le délai limite pour la transmission des délégations de vote est expiré depuis 14 heures. La liste des délégations de vote régulièrement adressées à la présidence a été remise à Mmes et MM. les secrétaires. Les sénateurs qui ont reçu une délégation pourront venir voter à l'appel soit de leur nom, soit de celui du délégant.

J'invite nos deux plus jeunes secrétaires d'âge, M. Rémi Cardon et Mme Elsa Schalck, à me rejoindre pour superviser les opérations de vote.

En raison du contexte sanitaire, les opérations de vote ont été adaptées. Des bulletins de vote et une enveloppe ont été disposés sur votre pupitre. Afin d'accélérer le déroulement du scrutin et éviter les déplacements, je vous demande de bien vouloir rester à votre place tant que vous n'aurez pas voté.

À l'appel de votre nom ou de celui de votre délégant, vous pourrez, si vous le souhaitez, passer dans l'isoloir, installé au pied de la tribune. Vous déposerez votre bulletin dans l'urne, sous le contrôle visuel du plus jeune secrétaire d'âge. Après avoir voté, je vous invite à quitter la salle des séances afin de réduire les circulations dans l'hémicycle.

Il va maintenant être procédé à l'appel nominal de nos collègues. Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera cet appel.

La lettre H est tirée au sort. (Vifs applaudissements ; M. Loïc Hervé manifeste son contentement.)

M. le président.  - Le scrutin pour l'élection du président du Sénat est ouvert.

Il est procédé à l'appel nominal.

M. le président.  - Le scrutin est clos. J'invite les secrétaires d'âge à se rendre en salle des conférences pour y procéder au dépouillement public du scrutin.

La séance est suspendue à 16 heures, pour reprendre à 16 h 35.

M. le président. - Voici le résultat du premier tour du scrutin pour l'élection du président du Sénat :

Nombre de votants  345
Bulletins blancs    19
Bulletins nuls      2
Nombre de suffrages exprimés  324
Majorité absolue  163

Ont obtenu : M. Gérard Larcher, 231 voix (Applaudissements nourris et prolongés ; sur les travées à droite et au centre, Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs se lèvent pour ovationner le nouveau président.; M. Patrick Kanner, 65 voix (Applaudissements) ; Mme Éliane Assassi, 15 voix (Applaudissements) ; M. Guillaume Gontard, 13 voix (Applaudissements).

M. Gérard Larcher ayant obtenu la majorité absolue au premier tour du scrutin, je le proclame président du Sénat. (Applaudissements nourris et prolongés)

M. Gérard Larcher prend place au fauteuil présidentiel.

Allocution de M. le président du Sénat

M. Gérard Larcher, président.  - Je salue Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur du Pas-de-Calais, doyen de notre assemblée. Je veux le remercier d'avoir présidé cette première séance, je veux le remercier pour ses propos. Je connais ses convictions, son engagement social et territorial et le suivi très attentif qu'il assure du projet de loi de financement de la sécurité sociale comme rapporteur général.

Je remercie nos secrétaires d'âge ; être parmi les benjamins de notre Assemblée est un honneur et un bonheur. Pour l'avoir été, je peux attester que c'est un bonheur qui passe trop vite ! (Rires)

Je salue à mon tour la mémoire de Christian Poncelet, qui nous a quittés le 11 septembre dernier. II fut un président du Sénat qui ne cessa de défendre le bicamérisme comme condition de la démocratie. C'est sous son impulsion que la révision constitutionnelle de 2003 permit que les projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales » soient soumis en premier lieu au Sénat. Je prononcerai le 13 octobre un hommage en sa mémoire.

J'ai également une pensée émue pour notre collègue Colette Giudicelli qui nous a quittés la semaine passée.

Bienvenue aux nouvelles sénatrices et nouveaux sénateurs. Nous sommes heureux de les accueillir dans cet hémicycle du Sénat de la République. J'ai une pensée pour les visages familiers de nos collègues que je ne retrouve pas cet après-midi sur les bancs de notre assemblée ; à ceux que je vois en tribune, je veux dire mon amitié. Cette maison est la leur. (Applaudissements)

Je salue les candidats qui se sont présentés à la présidence du Sénat : la présidente Éliane Assassi, le président Patrick Kanner et le nouveau président Guillaume Gontard.

Je remercie tout particulièrement ceux qui m'ont accordé leur confiance, et dont je constate, avec immodestie, que le nombre augmente à chaque fois. (Sourires et applaudissements à droite et au centre)

La démocratie s'est exprimée et je veux dire à tous mes collègues que, dès cet instant, je suis le porte-parole de toutes les sénatrices et tous les sénateurs de métropole, d'outre-mer et des collègues qui représentent les Français établis hors de France. Nous sommes une assemblée de liberté où chaque voix est respectée, j'en serai le garant.

Vitalité de la démocratie, force des territoires, le Sénat au service de la République : tel est le projet que je vous ai proposé pour les trois prochaines années. Oui, je le crois, et c'est le sens de mon engagement : être sénateur c'est faire vivre la démocratie, incarner le territoire, être au service de la République et des citoyens.

Et nous pouvons tous nous retrouver, avec nos sensibilités et nos différences, autour de ces principes.

Que serait notre démocratie sans le bicamérisme, sans une deuxième chambre qui ne procède pas de l'élection présidentielle, sans ce contre-pouvoir institutionnel ? Pour la Constitution de la Ve République, ce contre-pouvoir puise son origine dans le discours de Bayeux du Général de Gaulle : « II faut donc attribuer à une deuxième assemblée, élue et composée d'une autre manière, la fonction d'examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Tout nous conduit donc à instituer une deuxième chambre dont, pour l'essentiel, nos conseils généraux et municipaux éliront les membres. »

Nous sommes autonomes, libres et indépendants. Nous sommes héritiers mais aussi acteurs d'une façon sénatoriale de faire de la politique : avec sérieux et calme, mais avec vigueur ; sans précipitation mais avec détermination.

Nous plaçons au-dessus de toute autre considération l'intérêt du pays. Nous sommes cet espace de respiration dans la République, cet espace de débat, cet espace où chacun se respecte, un espace où la solidarité nationale s'exprime quand il s'agit de l'essentiel.

Le Sénat a dit majoritairement oui à chaque fois qu'il s'est agi par exemple de voter les lois d'urgence sanitaire ou les projets de lois de finances rectificatives. Mais, il a dit non à chaque fois que les droits du Parlement étaient menacés, à chaque fois qu'il s'est agi de fragiliser le lien de proximité entre le parlementaire et le citoyen, que la loi sur le non-cumul des mandats a déjà entamé. On ne renforce pas la démocratie en abaissant le Parlement par la réduction de ses pouvoirs ou du nombre de ses membres. (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe SOCR)

Oui, le Sénat est un élément structurant de la vitalité démocratique de notre pays et je souhaite poursuivre et amplifier le travail réalisé depuis plusieurs années. Il nous faut poursuivre l'amélioration de la fabrique de la loi. Trop de lois votées et jamais réellement appliquées. Il nous faudra réfléchir à une procédure qui permette au Parlement de saisir le juge administratif lorsqu'un décret d'application des lois manque à l'appel.

Le recours aux ordonnances est devenu massif - 183 publiées depuis mai 2017 - et abusif car il est loin d'être toujours justifié par l'urgence. De surcroit, le Gouvernement met plus de temps à les publier que nous n'en mettons pour voter les lois ! (Applaudissements) Nous devons mieux contrôler le recours aux ordonnances et la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai dernier nous oblige à exiger systématiquement qu'elles soient ratifiées par le Parlement. (Applaudissements sur la plupart des travées ; M. Jean-Pierre Sueur approuve.) Nous allons poursuivre l'amélioration de nos procédures, dans le dialogue avec le Gouvernement, qui y prendra toute sa part.

Il nous faut renforcer encore notre mission de contrôle. Je vous proposerai notamment d'examiner de manière approfondie les nominations de l'article 13. Je souhaite engager une réflexion pour étendre les pouvoirs d'investigation des commissions permanentes et territorialiser leur action.

Je souhaite poursuivre les efforts de modernisation et de gestion engagés au Sénat depuis 2008. En dix ans, nous avons refondu l'organigramme des services. Nous avons gelé depuis douze ans en euros courants la dotation qui nous est versée par l'État. Avec les Questeurs et le Bureau, nous avons décidé la mise en place d'un commissariat à l'audit, placé sous l'autorité du secrétaire général du Sénat. Ce mouvement d'ampleur de modernisation de l'administration sénatoriale doit se poursuivre, notamment en favorisant une plus grande ouverture vers l'extérieur.

Je veux redire à l'administration sénatoriale, à ses agents, notre confiance car pour eux comme pour nous, c'est avant tout le service de l'institution, du pays et de la République qui compte.

Je tiens à votre disposition les conclusions du tout récent rapport de Groupe d'États contre la corruption du Conseil de l'Europe (le Gréco), adopté le 25 septembre dernier, qui souligne, en matière de déontologie et de contrôle, le travail accompli dans notre institution au cours des trois dernières années.

La dernière mandature a été marquée par un renforcement de la responsabilité environnementale au Sénat. L'institution s'est engagée en matière de développement durable : effort de dématérialisation en séance publique et en commission, lancement d'un audit environnemental, biodiversité dans notre jardin, espace de respiration que nous entretenons et qui accueille deux millions de visiteurs par an. Je souhaite que cette démarche du Sénat en faveur du développement durable soit poursuivie avec détermination.

En 2017, je fondais le projet que je vous proposais alors sur l'équilibre des territoires. Qu'y a-t-il de plus dévastateur pour une Nation que son « archipélisation » ?

Ces trois années nous ont permis de replacer le territoire au coeur du débat public. Nous sommes les artisans de cette évolution car la Conférence nationale des territoires du 17 juillet 2017, où l'on nous promettait un pacte de confiance entre l'État et les territoires, n'a pas produit les effets attendus. En vérité, l'action publique est demeurée verticale et centralisée.

On nous annonce un changement de cap. J'en accepte l'augure, je l'ai dit au Premier ministre. Le Sénat sera un acteur majeur du rééquilibrage des pouvoirs au profit des collectivités territoriales. Passons aux travaux pratiques, ai-je dit au Premier ministre.

Que l'exécutif saisisse l'occasion qui lui est proposée par le Sénat : cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales, pour une nouvelle génération de la décentralisation. Une de nos deux contributions au Président de la République pour la relance.

Il est temps de garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales qui n'a cessé d'être réduite.

Il est temps de réaffirmer que la commune est la cellule de base de notre organisation administrative. (Applaudissements sur la plupart des travées) Il est temps de leur reconnaître le droit à la différenciation, sans porter atteinte à l'unité de la République. (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR)

Il est temps d'interrompre la spirale étouffante de la surrèglementation et de l'empilement des normes qui embolisent les décisions.

Nous sommes au service de la République et des citoyens. Nous sommes élus au suffrage universel indirect, par les 550 000 élus locaux - ceux qu'évoque le discours de Bayeux - qui cimentent l'unité de notre pays et de notre démocratie et qui puisent leur légitimité dans la proximité, besoin essentiel de nos concitoyens.

J'ai la conviction que la confiance ne se retrouvera que dans l'action de proximité, dans chaque territoire de la République. Nous devons être, nous sénateurs, les architectes de cette reconstruction.

Ce sont les crises qui éprouvent nos institutions. Dans les crises naissent les pulsions populistes qui sapent les fondements de nos démocraties. Nous avons une responsabilité au Sénat : ne pas fléchir quand l'essentiel est en jeu. Défendre les libertés, préserver nos institutions, résister aux pressions d'une médiatisation anarchique où la « justice » des réseaux sociaux tente de se substituer à la justice rendue par des juges au nom du peuple français.

En ce début octobre, nous n'en avons pas terminé avec la crise sanitaire. La crise économique et sociale est devant nous.

La crise de la représentation, la perte de confiance du citoyen envers les institutions, est certes une réalité. Mais, en vérité, ne sommes-nous pas face à une crise plus fondamentale ? Une crise qui puise ses racines dans l'impuissance de l'État et la toute-puissance de la technostructure. (Applaudissements à droite et au centre ; Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.) Une crise de l'autorité, une crise de la verticalité de la gouvernance, de l'ignorance des corps intermédiaires et des élus locaux. N'est-ce pas d'abord une crise de l'absence de résultats ?

Nous avons le devoir de recoudre un pays miné dans sa cohésion. Au cours des trois années écoulées, j'ai sillonné la France. Plus de cent déplacements à la rencontre des élus locaux, de nos concitoyens, dans des exploitations agricoles, des entreprises, des associations, des maisons de santé et ailleurs. À chaque fois, c'est la réalité de leur quotidien qu'ils m'ont exprimée, leurs souffrances et leurs inquiétudes.

Cessons d'opposer les jeunes aux plus âgés, le Nord au Sud, l'Est à l'Ouest et maintenant, hélas, les origines... Il ne peut y avoir qu'une seule communauté nationale. (Applaudissements) Le singulier pour moi est essentiel car il se conjugue avec la République et ses valeurs. Cela exige solidarité entre les générations, solidarité entre les territoires.

La France doit enfin retrouver sa souveraineté dans les domaines stratégiques, la crise sanitaire nous l'a douloureusement rappelé, mais cessons de craindre l'Europe et le monde car enfin, que peut la France seule face au reste du monde ? L'Europe est une chance, la mondialisation est une réalité et un défi.

Cette élection à la présidence du Sénat est un honneur. Vous me connaissez. Vous savez que j'ai la République chevillée au corps, que je resterai fidèle à ce que je suis, tranquillement, sereinement, avec détermination : attaché aux institutions, au rôle du Parlement, à la séparation des pouvoirs, à l'indispensable bicamérisme. Sur ce point je serai exigeant, intransigeant. (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe SOCR)

Je reste attaché aux valeurs qui ont motivé mon engagement politique et social et que je ne cesserai de réaffirmer.

Le Sénat demeurera ouvert, respectueux des droits et des libertés. Je resterai le garant de cette singularité sénatoriale.

Vous connaissez mon projet, je serai à l'écoute de vos propositions.

C'est sur cette voie que je vous propose de nous engager pour un Sénat plus fort, dans une France que je voudrais plus apaisée et rassemblée, une France qui compte en Europe et dans le concert des Nations pour que vive le Sénat, vive la République et vive la France. (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)