Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

Discussion générale

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La France est une grande nation scientifique. Au-delà des formules convenues, c'est un patrimoine qui nous permet de nous projeter dans l'avenir.

La République a noué un pacte avec nos scientifiques, nos enseignants-chercheurs et les instituts de recherche, dont le travail repousse les frontières de notre ignorance. La Troisième République a été la première à reconnaître la liberté académique dans les universités. La création du CNRS marque le début des grandes institutions de recherche nationales.

C'est dans les défis nationaux et dans l'adversité que se manifeste la relation particulière entre notre République et ses élites scientifiques. Elles ont aidé le pays à se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale. Nos enseignants-chercheurs sont montés en première ligne face à la covid-19 ; l'Institut Pasteur a séquencé le génome du virus dès janvier et de nombreuses équipes travaillent en laboratoire à rechercher un vaccin.

Dans le sillage du Président de la République, le monde scientifique s'est associé à l'hommage rendu la semaine dernière à Samuel Paty après l'attentat abject de Conflans-Sainte-Honorine.

Nous avons besoin de nos chercheurs pour comprendre les causes des radicalités et faire face à la menace terroriste. Sociologues, historiens, juristes nous permettent de mieux comprendre notre monde.

Le 1er février 2019, j'annonçais ce projet de loi, fruit d'une très longue préparation et concertation sur le terrain, avec les universités et organismes. Près de 1 000 contributions nous ont été remises : nos scientifiques veulent plus de temps, de moyens, de considération, d'écoute.

Ce projet de loi consolide le pacte entre la nation et nos chercheurs. Nous avons à leur égard un devoir de vérité : oui, la recherche française décroche du top 10 mondial, passant de la cinquième à la huitième place en matière de publications scientifiques. Il n'est pas décent, après un bac+8 et un doctorat, d'être engagé à 34 ans, pour un salaire de 1,4 Smic. Le parcours d'Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie, est emblématique d'une fuite des cerveaux : après un doctorat en France, elle est partie faire carrière à l'étranger. Nous devons juguler cette fuite des cerveaux.

Mais dire la vérité, c'est aussi mesurer nos forces, souligner l'excellence de notre enseignement supérieur, de nos infrastructures de recherche, de nos chercheurs et ingénieurs. Ils ont en eux le feu sacré du pionnier, de l'arpenteur de l'infini, pour reprendre une image chère au mathématicien Alexandre Grothendieck.

Notre pays est capable d'attirer des scientifiques de renommée internationale. L'an dernier, l'Université de Strasbourg a fait venir à l'Institut de sciences et d'ingénierie supramoléculaires le chercheur américain Richard Schrock, prix Nobel de chimie en 2005. Cette année, ce sont Esther Duflo et Abhijit Banerjee, tous deux Prix Nobel d'économie, qui reviennent enseigner en France, à l'École d'économie de Paris et à l'Université Paris Sciences et Lettres.

Il faut nous attaquer à la racine du mal plutôt qu'aux symptômes : un sous-investissement chronique depuis l'objectif de 3 % du PIB fixé à Lisbonne en 2010, suivi d'une série de réformes sans lendemain et d'occasions perdues. Voilà la cause du malaise, de la défiance et parfois de la colère qui couvent dans nos laboratoires.

La programmation que je vous soumets va changer la donne : elle est ancrée dans le réel, elle est soutenable, atteignable et figure dans la réalité budgétaire nationale et européenne.

Le budget de la recherche sera sanctuarisé à 20 milliards d'euros en 2030. Vous avez souhaité ramener de dix à sept ans la durée de la programmation prévue. Dix ans, c'est la durée nécessaire pour mettre en place les moyens et les outils, et qui correspond à l'horizon 2030 fixé par les Nations unies en faveur du développement durable.

Cette programmation crée le choc budgétaire en première période que beaucoup d'entre vous appellent de leurs voeux.

Mais la recherche française s'alimente aussi au quatrième plan d'investissements d'avenir (PIA), aux contrats de plan État-région (CPER), au neuvième programme-cadre de recherche et d'innovation européen. Cette synchronisation des horloges donne tout son sens à la durée de la programmation : dix ans, c'est la succession de deux vagues de CPER, c'est la durée du programme Horizon Europe, c'est le temps de respiration de la recherche.

Plus de 6,5 milliards d'euros du plan de relance seront consacrés à la recherche et à l'innovation dans les deux prochaines années. Cette crise devient l'opportunité de construire une société écologique, solidaire et souveraine. Le cadre d'actualisation permettra au Parlement de se prononcer tous les trois ans sur l'atteinte des objectifs.

Notre ambition repose sur quatre convictions.

D'abord, la recherche est un seul et même continent, d'où un investissement inédit et massif dans tous les domaines de la connaissance. La biologie seule ne suffira pas à enrayer la crise sanitaire : elle a besoin de la zoologie, de la psychologie, des sciences informatiques. Les défis contemporains doivent être approchés globalement, d'où une programmation transversale et non fléchée.

L'augmentation du budget de l'Agence nationale de la recherche (ANR) à hauteur d'un milliard d'euros répond à un besoin d'ouverture à tous les laboratoires, tous les investissements, pour parvenir à un taux de réussite de 30 % contre 16 % aujourd'hui.

Les vieux clivages entre recherche appliquée et fondamentale, entre sciences dures et sciences sociales doivent voler en éclats. Par le biais du préciput, ce ne sont pas moins de 450 millions de crédits de base qui viendront irriguer tous les territoires, scientifiques et géographiques. À ces moyens inédits s'ajoutera une hausse de 10 % des moyens des laboratoires dès 2021 et de 25 % à l'horizon 2023.

Ce projet de loi renforce tous les canaux de financement de la recherche.

Deuxième axe, faire émerger une nouvelle génération de scientifiques en valorisant mieux leur parcours. Rémunérations et moyens sont insuffisants à attirer les jeunes ; d'où un choc d'attractivité dès le doctorat. Le ministère financera 20 % des contrats doctoraux supplémentaires et aucun doctorant ne sera sans salaire. Le financement des thèses sera revalorisé de 30 % d'ici à 2023.

Le salaire d'entrée des jeunes chercheurs est devenu le symbole de la dévalorisation de notre recherche : dès 2021, un nouveau maître de conférences ne sera pas recruté à moins de 2 Smic.

Les jeunes chercheurs bénéficieront de 10 000 euros en moyenne pour lancer leurs travaux. Chaque année et jusqu'en 2027, 92 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à la revalorisation des salaires, de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour converger avec les autres corps de l'État.

Aucune des 17 instances consultatives interrogées n'a émis de vote unanime défavorable au projet de loi. Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) a validé le texte.

Pour la première fois, un accord syndical majoritaire pour la recherche a été signé le 12 octobre au niveau national ; il bénéficie à tous ceux qui participent à la recherche, ceux qui les assistent et ceux qui la transmettent. Dès 2021, les maîtres de conférences gagneront près de 1 000 euros de plus, les chargés de recherche près de 1 300 euros.

Le nombre de professeurs des universités sera porté de 15 000 à 18 000 et le nombre de promotions de grade pour les chercheurs sera porté à 1 250.

Le protocole ouvre davantage d'accès aux postes de professeur des universités, accès aujourd'hui bouché. La chaire de professeur junior a cristallisé les inquiétudes ; elle consiste à intégrer un scientifique recruté sur contrat au bout de six ans après validation par une commission indépendante. Il s'agit d'ajouter une voie de recrutement, non de la substituer à l'existant. Elle permettra notamment à nos chercheurs de rentrer en France sans repartir à zéro ; ce n'est pas un cheval de Troie pour mettre à bas le statut des enseignants-chercheurs, mais un tremplin.

Nous avons laissé s'éroder le pilier de la recherche que sont les ingénieurs et techniciens, dont les non-titulaires sont aujourd'hui dans une situation ubuesque : faute de pouvoir renouveler leurs CDD, les laboratoires se séparent d'eux en cours de projet.

Dans le même temps, le niveau de recrutement des enseignants-chercheurs et chercheurs sera garanti et l'emploi titulaire sera renforcé par la création de 5 200 postes supplémentaires, tout particulièrement dans le champ du soutien à la recherche. C'est tout un pan de l'emploi scientifique que nous avons laissé s'éroder durant la dernière décennie, au point que nos laboratoires souffrent aujourd'hui d'une véritable pénurie d'ingénieurs et de techniciens.

La création du CDI de mission scientifique permet à la durée du contrat d'épouser la durée du projet. Il s'agit de synchroniser temps scientifique et temps administratif en créant un statut donnant tous les droits afférents au CDI à ces personnels.

D'où le troisième axe : il convient de simplifier la vie de la recherche, asphyxiée par les démarches administratives.

Il est grand temps de rendre les chercheurs à la recherche et penser à hauteur de paillasse. Nous proposons une série de mesures concrètes : supprimer l'autorisation administrative préalable au cumul d'activité, entre autres, rendrait de précieuses heures à la recherche.

La respiration doit être introduite dans la carrière des enseignants-chercheurs afin de trouver un bon équilibre.

Investir dans la recherche, c'est investir dans notre avenir commun. C'est pourquoi il est essentiel de remettre la recherche au coeur de la vie économique et culturelle de notre pays. Tel est le quatrième axe ou plutôt, la clé de voûte, de ce texte.

Le décalage entre l'excellence de notre formation et la fuite de nos cerveaux va de pair avec le paradoxe entre l'excellence de notre recherche académique et la faiblesse de ses retombées économiques.

Parmi les 83 start-up du programme French Tech 120, 17 sont issues de la recherche publique.

Il faut accroître les transferts de connaissances entre les laboratoires et les entreprises. Les hommes et les idées doivent circuler du public au privé ; l'augmentation de 50 % du nombre de bourses Cifre et la définition d'un contrat doctoral de droit privé y pourvoiront, comme le doublement du financement de la recherche industrielle.

Enfin, il faut améliorer le dialogue entre la science et la société sur lequel la crise actuelle jette un jour cruel. Certains caricaturent ses valeurs, d'autres critiques la place des recherches.

Rendons les recherches moins floues, plus contrôlables, car la science permet, comme l'art, de vivre un peu plus haut. Cette loi permet aux scientifiques d'aller au-devant de la société, en stimulant les recherches participatives et la médiation scientifique, comme le dispositif une classe-un chercheur ou des lieux innovants d'échange avec les journalistes.

Programmer la recherche, c'est construire un chemin, un édifice capable d'affronter l'avenir. C'est décider que le savoir, plutôt que l'idéologie ou la croyance, doit mener le monde.

Certes, il faut vivre avec une part d'incertitude et cultiver le rêve d'un monde meilleur.

La science est le meilleur allié d'un monde d'avenir. Je sais pouvoir compter sur votre engagement à tous dans ce but.

Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) C'est un grand honneur d'ouvrir ce débat. Dans le tumulte d'une actualité peu réjouissante, il est important de construire brique par brique le futur de nos enfants.

La puissance d'une nation ne se mesure plus à sa capacité à produire mais à anticiper. Elle doit miser sur les techniques innovantes dans tous les domaines.

Programmer le financement et le fonctionnement de la recherche, c'est tracer la route de notre destin collectif. Ce texte fixe une ligne d'horizon à nos décisions. Il doit dessiner notre avenir partagé.

La commission a mené un travail approfondi et serein, malgré un contexte chaotique - de la proximité du renouvellement sénatorial à la modification de l'ordre du jour hier ! Je remercie les membres de la commission pour leur participation aux nombreuses auditions.

Ce qui nous a frappés, ce fut la mobilisation des chercheurs et leurs motivations. De très nombreux chercheurs auront les yeux braqués sur cet hémicycle et attendent un débat à la hauteur des enjeux. Nous le leur devons.

Les promesses de ce texte sont-elles tenues ? Ma réponse sera nuancée.

La recherche publique et privée s'exerce dans des conditions difficiles, avec un niveau de financement de 2,2 % du PIB depuis vingt ans.

La France a reculé par rapport à ses voisins. Le prix Nobel de chimie Emmanuelle Charpentier a expliqué qu'elle n'aurait jamais pu mener ses recherches pionnières en France. C'est grave, car un chercheur comme elle qui part à l'étranger le fait avec son aura, ses connaissances, et prive de jeunes chercheurs de son enseignement.

Madame la ministre, vous êtes issue du milieu de la recherche ; dans un contexte d'urgence, vous avez su mettre à l'ordre du jour ce projet de loi préparant l'avenir. C'était nécessaire et courageux.

Mais sur votre copie, nous serons nombreux à vouloir inscrire : « peut mieux faire ». La durée de la programmation, inédite sous la Ve République est plutôt une volonté de décaler les échéances budgétaires.

Certes, l'engagement de 25 milliards d'euros en cumulé est un effort majeur, mais sur cette durée, une telle loi de programmation s'apparente plus à du sable qu'à du marbre.

J'imagine que les débats interministériels ont été intenses, et cette loi constitue sans doute un point d'équilibre... qui nous semble insatisfaisant.

La commission de la culture a voulu donner plus d'ampleur au texte. Selon notre premier axe, nous voulons ramener à enveloppe constante la durée de la programmation à sept ans. C'est une trajectoire plus rapide, crédible et efficace.

Second axe, offrir des garanties aux chercheurs et veiller à la place des femmes. La commission de la culture a tenu à apporter plus de garanties, notamment avec une durée minimale pour les contrats de mission scientifique, la prolongation des contrats doctoraux et post doctoraux en cas de congé maladie, maternité ou accident du travail.

La commission de la culture a baissé à 15 % le taux maximum des chaires de professeurs juniors pour ne pas se substituer aux recrutements traditionnels. Elle a aussi valorisé la diffusion de la recherche et des connaissances au grand public.

Si la traduction législative est malaisée, l'égalité femmes-hommes doit être une priorité structurante dans la recherche.

Troisième axe, l'affirmation de l'intégrité scientifique et des libertés académiques dans la loi, qui sont un espace de liberté et des principes à suivre, pour construire un corpus de droits et de devoirs.

Quatrième axe, nous voulons renforcer le volet territorial, absent du texte initial, au travers d'une territorialisation des contrats de site.

Nous regrettons la faible ampleur de ce texte, donnant une impression d'inachevé.

Malgré son aridité et la diversité des propositions, ce projet de loi est un New Deal pour la recherche et l'innovation, relevant de la longue durée. J'espère que nos travaux nous aideront à relever les défis du futur et c'est ce que la Nation attend de nous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La commission des affaires économiques a regretté que ce projet de loi soit centré sur la recherche publique rattachée au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, par facilité.

Le Gouvernement a manqué l'occasion de lancer un grand chantier pour en finir avec le morcellement des politiques de recherche et développement et d'innovation.

La situation de la recherche française est grave et mérite d'être redressée par des moyens à hauteur des ambitions.

La commission des affaires économiques a voté le raccourcissement de la trajectoire budgétaire à sept ans, avec 2 milliards d'euros pour les deux premières années.

Les opérateurs de recherche sont contraints d'appliquer une norme comptable inadaptée, qui les force à constituer des centaines de milliers d'euros de réserves de trésorerie - autant de sommes qui n'abondent pas les laboratoires. Il faut faire changer les choses rapidement.

Il convient aussi de rapprocher la recherche publique et les entreprises. Le rétablissement du congé pour enseignement ou recherche est bienvenu, mais il faut laisser plus de place à la négociation collective et éviter de faire peser des charges excessives sur les petites entreprises, compte tenu du contexte.

Le Gouvernement envoie deux messages contradictoires. Il incite les laboratoires à aller vers les entreprises ; mais le projet de loi de finances 2021 double l'assiette du crédit d'impôt recherche (CIR) en cas de contrat avec un laboratoire public. Certes, c'est à cause d'une plainte déposée devant la Commission européenne. Il faudrait minima prévoir des compensations si nous ne pouvons faire autrement.

Là où les marges de manoeuvre du législateur sont limitées par des textes ou des jurisprudences et dans la mesure où il s'agit de sujets techniques, nous ne nous opposons pas aux habilitations à légiférer par ordonnance. Mais nous ne voulons pas de celles proposées sur les biotechnologies et la refonte de la loi spatiale de 2008, qui méritent un véritable débat parlementaire.

Ce projet de loi va dans le bon sens mais mérite d'être musclé. Je remercie la rapporteure de la commission de la culture et le rapporteur pour avis de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur le banc de la commission)

M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après avoir repoussé à plusieurs reprises son examen, le Gouvernement a finalement déposé ce projet de loi le 22 juillet.

Ce texte donne une trajectoire à la recherche pour atteindre un financement de 3 % du PIB à l'horizon 2030. Alors que nos voisins augmentent leurs financements, notre effort stagne, avec une augmentation de la dépense publique de 1,3 % seulement entre 2008 et 2018.

Faisons-nous encore partie des grands pays de la recherche ? Oui, mais qu'en sera-t-il dans dix ans ? Un sursaut était nécessaire, d'où ce texte.

Je partage les grandes lignes de ce projet de loi pour revaloriser les métiers de la recherche. Les travaux d'Emmanuelle Charpentier à l'étranger illustrent tristement la fuite des cerveaux. Le projet de loi prévoit de porter le budget de l'ANT à un milliard d'euros afin de doubler le taux de succès des appels à projet à l'horizon 2027.

Si le renflouement de l'ANR est indispensable, il ne doit pas s'accompagner d'une attrition des moyens dont disposent les laboratoires.

Je regrette que certains pans de la politique de la recherche soient passés sous silence, comme le CIR, l'articulation avec les échelons infra ou supra nationaux, à la participation française aux appels à projets européens.

Sur le papier, la trajectoire budgétaire semble satisfaisante mais sa crédibilité et sa sincérité appellent de sérieux doutes : celle-ci ne tient pas compte de l'inflation. En euros constants, il s'agit d'une hausse d'un milliard d'euros, cinq fois moins que ce qu'annonce le Gouvernement.

Il s'agit donc de 7,2 milliards d'euros supplémentaires au lieu des 25 milliards d'euros annoncés en cumulé.

Certes, la conjoncture économique est incertaine. Votre trajectoire ne suffira pas à porter la part des dépenses de recherche des administrations à 1 % du PIB ; elle le maintiendra à peine.

La commission des finances a présenté avec les commissions de la culture et des affaires économiques un amendement pour porter la trajectoire de dix à sept ans. Les deux premières années seront essentielles. Il faut donc prévoir une accélération de la trajectoire. Une partie supplémentaire du plan de relance devrait abonder la recherche.

« Rien n'est à craindre, tout est à comprendre » disait Marie Curie. J'espère comprendre les tenants et les aboutissants de votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°63, présentée par Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant sur diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (n° 52, 2020-2021).

Mme Céline Brulin .  - « Un effort historique », disait le Président de la République et vous-même, en présentant ce projet de loi. Il faudrait effectivement un tel effort, mais on en est loin. Les montants affichés sont insuffisants et frisent même l'insincérité, comme le disaient les rapporteurs : en euros constants, c'est plus un milliard d'euros en 2030 seulement et non pas les cinq milliards d'euros annoncés.

Le Sénat propose ainsi de ramener de dix à sept ans la durée de la programmation. Il y a une sorte de malhonnêteté intellectuelle à faire peser sur les majorités suivantes l'essentiel de l'effort budgétaire. Créons un choc dès maintenant pour atteindre les 3 % du PIB pour la recherche.

Le désengagement a des conséquences bien réelles pour le quotidien de nos scientifiques.

Depuis des années, les chercheurs alertent sur l'abandon de projets de recherche et le sous-financement chronique de leurs travaux. Je ne rappellerai pas les propos forts de notre prix Nobel de chimie. Comment comprendre que David Veesler soit parti à Washington continuer ses travaux sur le coronavirus ?

Les chercheurs l'ont dit pendant nos auditions : ils manquent de moyens. Ils se dispersent dans des procédures longues et peu productives pour obtenir des financements souvent insuffisants. Ce texte ne s'attaque pas à cette réalité. Les dépenses d'investissement baissent cette année de 17 % : cela montre la fragilité des promesses financières.

La désignation du directeur du Haut Conseil en charge de l'évaluation de la recherche et de l'Enseignement supérieur, elle montre que tout est fait à l'envers.

Ce projet recourt trop aux ordonnances pour des sujets ni urgents ni anodins : OGM, espace, intégration des licences pro dans Parcoursup. Il faut mener un débat au grand jour sur ces sujets.

À quelques heures d'annonces qui impacteront profondément la vie de nos concitoyens et notre démocratie, le rôle de la recherche n'a jamais été aussi crucial. Or l'État n'assume pas ses responsabilités à l'égard de la recherche publique, comme le montre le budget en discussion à l'Assemblée nationale. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) voit son financement augmenter plus faiblement que l'inflation. Les travaux de l'équipe du virologue Bruno Canard sur les coronavirus sont bloqués par l'absence d'un cryo-microscope électronique de résolution suffisante !

Il faut un traitement de choc, pour le public comme pour le privé. Retrouver notre souveraineté dans des domaines stratégiques, ce qui impose d'impulser voire de contraindre à plus d'innovation.

Comment se résigner au plan social en cours chez Boiron, par exemple, au motif du déremboursement progressif de l'homéopathie, alors qu'il faudrait rapatrier des productions pharmaceutiques en France ?

Ces renoncements du secteur privé sont d'autant plus importants que la puissance publique délaisse son propre rôle. Et l'on revient au CIR, dont l'inefficacité chronique est démontrée par moult études.

Sans chercheurs, il n'y a pas de recherche. La baisse constante de doctorants ne peut que nous inquiéter. Le projet de loi de finances pour 2021 poursuit une baisse des dépenses de personnel de près de 12 % !

En multipliant les contrats précaires, vous optez pour une recherche de court terme, ignorant la Cour des comptes qui pointait la surreprésentation des contractuels dans votre ministère.

Si les universités utilisent la « fongibilité asymétrique », c'est pour faire face à un sous-investissement chronique et compenser, notamment, le renoncement de l'État à financer le glissement vieillesse technicité (GVT).

Que dire de la rémunération de nos chercheurs, inférieure celle de nos voisins ? les crédits du protocole d'accord qui vient d'être signé ne sont inscrits nulle part ! L'ANR, malmenée par des baisses récurrentes de crédits, reste largement contre-productive, participant pleinement à l'écosystème concurrentiel de l'enseignement supérieur orienté vers le classement de Shanghai, qui dévoie notre modèle de service public national de l'enseignement supérieur.

Les universités de taille plus réduite pourront-elles survivre ? Les financements d'avenir sont concentrés dans les grandes métropoles. Beaucoup d'entre vous en sont conscients, il faut prendre en compte des enjeux d'aménagement du territoire, trop absents de cette loi de programmation de la recherche.

Les nombreux courriels que vous avez tous reçus, les motions d'assemblées générales d'unités ou du comité national, les 814 directeurs de laboratoire prêts à démissionner, les avis plus que réservés des organes consultatifs en témoignent : ce texte est rejeté unanimement.

Par cette motion, nous vous proposons d'écouter la voix des chercheurs indiquant que ce texte est au mieux insuffisant, au pire délétère. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE ; Mme Marie-Pierre Monier applaudit aussi)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans Richesse et pauvreté des nations, l'historien David Landes a démontré le lien quasi automatique entre innovation et prospérité. (M. David Assouline s'exclame) « Celui qui voit loin, va loin », dit un vieux dicton picard.

La recherche doit devenir une priorité, et pas seulement dans les discours.

La motion défendue par Céline Brulin pointe « une profonde inadéquation entre les ambitions nécessaires et l'insincérité manifeste du contenu » de ce texte - à juste titre.

Les commissions ont effectivement souligné un effort largement insuffisant et une trajectoire peu crédible - celle-ci ne tenant pas compte de l'inflation. En euros constants, la hausse prévue en 2030 serait de quatre à cinq fois inférieure - ce qui revient à une stabilisation de la part des dépenses de recherche dans le PIB.

La durée inhabituellement longue de dix ans - comme l'a dit le Conseil d'État - faisait porter l'effort sur l'après-quinquennat. Le tour de passe-passe est très grossier. Notre groupe partage le constat de la motion sur ce manque de crédibilité. D'où la modification de la trajectoire budgétaire, abaissée à sept ans par les commissions, pour concentrer l'effort en début de période de programmation, les deux premières marches, en 2021 et 2022, étant renforcées à 1,1 milliard d'euros chacune, soit 3,3 milliards d'euros sur deux ans, contre 450 millions d'euros dans le projet initial.

C'est indispensable : la France est passée de la quatrième à la douzième place de l'OCDE depuis le début des années quatre-vingt-dix. De nombreux pays européens ont déjà atteint l'objectif de Lisbonne.

Faire de la recherche une variable d'ajustement est un non-sens. (M. David Assouline s'exclame.) Nos commissions ont aussi adopté des dispositions améliorant le système de recherche concernant le recrutement, le fonctionnement des organismes de recherche publics et leurs relations avec le privé.

Je tiens à saluer notre rapporteure Laure Darcos pour son enthousiasme souriant et son écoute.

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Olivier Paccaud.  - Les nouveaux contrats seront plus attractifs, la situation des chercheuses sera améliorée, l'évaluation de la recherche sera consolidée. Un volet territorial sera introduit pour associer davantage les collectivités à la recherche et à l'enseignement supérieur.

Seule la poursuite de l'examen de ce projet de loi permettra de concrétiser ces avancées importantes. Nous ne discutons en effet pas du texte inabouti du Gouvernement.

Nous savons tous votre volonté de bien faire, madame la ministre, mais vous agissez dans le cadre de Bercy. Le texte que nous examinons n'est pas le vôtre et nous devons débattre dans la perspective des discussions à venir avec nos collègues députés.

Nous voterons donc contre la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - La motion pointe justement des défauts avérés du projet de loi - un calendrier accéléré, une trajectoire budgétaire peu lisible et un manque de sincérité de cette trajectoire - quoiqu'exagérés.

Ce texte prend un engagement budgétaire qui rompt avec deux décennies de sous-investissement chronique dans la recherche, en particulier avec les modifications apportées par la commission qui en a limité la durée à sept ans pour le rendre plus crédible et plus efficace. Il faut discuter de ce projet de loi : avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Sylvie Robert.  - Notre groupe ne votera pas la motion : nous partageons certes son contenu, mais sur un sujet aussi majeur, nous avons besoin d'un débat pour améliorer le texte et interroger la ministre.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Nous devions avoir un débat plein de souffle, d'ambition, qui mobilise la Nation, l'opinion publique, les forces vives du pays. Quoi de plus important que l'avenir et l'excellence de la recherche française ? Nous en avons besoin encore plus aujourd'hui, tandis que les valeurs scientifiques sont bafouées par les obscurantismes et les retours en arrière.

Nous en avons aussi besoin pour le rayonnement économique de la France, pour son innovation, car nous avons reculé dans le classement mondial des États en termes de compétences scientifiques, de publications et d'investissements. On pourrait dire : ce texte est une petite amélioration, toujours bonne à prendre. Mais l'étroitesse de la programmation nous empêche de voir les nécessités de long terme de la recherche : l'articulation entre la recherche publique et la recherche privée, entre la recherche fondamentale et l'innovation et entre les différents domaines de la recherche.

Autre aspect, typique de ce Gouvernement : l'amélioration prétendue de la condition des chercheurs conçue contre les chercheurs - comme naguère une réforme de l'hôpital contre les soignants ou de l'école contre les enseignants. C'est un drame pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mmes Marie-Pierre Monier et Mme Angèle Préville.  - Très bien !

M. Julien Bargeton.  - Le groupe RDPI votera contre cette motion. C'est une loi inédite, sur une aussi longue période et avec autant de précisions sur son financement.

En outre, son contenu est intéressant s'agissant de l'amélioration des carrières, du renforcement de l'attractivité de la recherche, de la simplification et la rénovation des outils de fonctionnement.

Certes, des questions sont posées sur les choix en matière d'articulation entre public et privé ou de carrière. Cela justifie un débat.

Mme Monique de Marco.  - Le GEST partage les constats de Mme Brulin, mais souhaitant un débat, s'abstiendra.

La motion n°63 n'est pas adoptée

Discussion générale (Suite)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À la fin des années quatre-vingt-dix, le spécialiste français des coronavirus, Hubert Laude, a dû interrompre ses recherches dans son laboratoire du CHU de Caen, faute d'investissement. Les découvertes qu'il a réalisées l'ont été grâce aux seuls crédits de fonctionnement de son laboratoire.

Comme le souligne un de ses collaborateurs : « La recherche et comme un arbre, elle croît lentement. Pendant trois ou quatre ans, nous n'avons rien publié ».

La programmation pluriannuelle sied donc particulièrement à la recherche, qui relève plus du feu qui prend lentement que de l'étincelle qui s'embrase. La programmation donne une visibilité qui permet d'avancer sereinement. Avoir du temps ne signifie pas avancer lentement, bien au contraire. Une recherche apaisée est un gage de réussite.

C'est sous cet angle que nous avons examiné ce texte. Tient-il ses promesses ? Hélas non.

Le hiatus entre l'effort budgétaire affiché par la communication du Gouvernement pour la période 2021-2030 et la réalité des chiffres est pour le moins étonnant. Cette loi manque de sincérité et de crédibilité, qu'il s'agisse des montants insuffisants au regard des enjeux ou de la durée de dix ans qui permet de reporter les efforts à plus tard, ce qui les rend hypothétiques. Heureusement, la commission y a remédié en fixant à 2027 la fin de la programmation et en concentrant l'effort budgétaire sur les premières années.

Si vous voulez soutenir la recherche, endossez maintenant ces efforts. Les pétitions innombrables de tous les territoires, de toutes les disciplines, de tous les établissements, le vote négatif du Cneser, les motions votées dans les laboratoires en témoignent : votre communauté ne vous suit pas. La déception est à la mesure des attentes.

Avez-vous conscience de l'intensité du rejet que votre projet suscite ?

Nous ne nous opposerons pas par principe aux différents types de contrats qui peuvent être adaptés à différentes situations, tel le contrat post-doctoral comblant un vide juridique, encore faut-il qu'ils permettent d'assurer une rémunération digne. Or c'est là que le bât blesse ! Ainsi, le CDI de mission scientifique se trouve dans un no man's land juridique. Nous avions donc proposé de les encadrer davantage. Mais l'article 40 nous en a empêchés pour les contrats de droit public : nos amendements n'ont pas été adoptés.

Comment voulez-vous que notre recherche prospère quand les principaux concernés peuvent avoir des contrats d'un an et devoir au bout de six mois se mettre à chercher un autre poste, une autre mission ? La stabilité est une condition sine qua non de la réussite. La précarisation des doctorants-chercheurs fait écho à celle de notre modèle de recherche, résultant de la part excessive de la recherche sur projets.

Nous ne préconisons pas la stagnation. Il faut rééquilibrer notre modèle de recherche publique au profit du financement récurrent des laboratoires. Quelle perte d'énergie à remplir des formulaires ! Rien ne prouve que cette mise en concurrence à outrance via les appels à projets bénéficie à la recherche fondamentale et aux innovations de rupture...

Ce texte est silencieux sur le continuum entre enseignement supérieur et recherche ainsi que sur l'inscription de la recherche dans les territoires. Notre déclassement international accrédite selon certains l'impératif d'avoir des établissements atteignant une taille critique, où il faudrait concentrer les ressources. C'est contestable à un triple titre. D'abord, le rapport entre concentration des moyens et production scientifique n'est pas démontré. Ensuite, la recherche progresse dans la coopération et pas seulement dans la compétition. Enfin, le texte ne prend pas en compte la politique d'organisation spatiale de la recherche. Notre commission a corrigé cet oubli en replaçant les collectivités au centre du processus.

J'aurais aussi pu insister sur l'intégrité scientifique. J'aurais pu dénoncer les ordonnances trop nombreuses dans ce texte.

Il faudrait un grand miracle pour que nous votions votre projet de loi de programmation mais les découvertes sont le fruit du hasard, alors sait-on jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit aussi ; sourires au banc de la commission.)

M. Jean-Pierre Decool .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) « La science n'est pas fille du seul étonnement et du désir de savoir » écrivait Jacques Blamont, elle dépend aussi de la volonté des autorités et de l'environnement propice des institutions.

Nous saluons l'initiative du Gouvernement après un long silence de près de quinze ans sans loi de programmation de la recherche.

Les talents sont de plus en plus tentés de quitter la France. Dans de nombreux domaines, tel que l'intelligence artificielle, la pénurie de compétences est un handicap compétitif certain face aux champions mondiaux que sont les États-Unis, la Chine, la Grande-Bretagne. Les meilleurs chercheurs émigrent pour rejoindre Dallas, Houston et un désert scientifique apparaît peu à peu chez nous.

La dernière loi de programmation date de 2006 et n'a jamais été appliquée. La recherche française n'a plus le temps d'attendre.

Nous devons répondre au désarroi de milliers de jeunes chercheurs au déroulement de carrière indigne, privés de reconnaissance. J'insiste sur l'impérieuse nécessité de redonner à la recherche fondamentale des moyens à la hauteur de ses besoins.

Méfions-nous de l'hypercentralisation des équipes et reconnaissons la valeur de la proximité, des petites équipes. La réforme du préciput prévue à l'article 12 ne doit pas renforcer les déséquilibres territoriaux.

La science se nourrit d'audaces et d'initiatives nouvelles ; la reproduction du cadre dogmatique l'étouffe, comme le montre Alexandre Grothendieck, ce génie des mathématiques qui laisse 60 000 travaux dans son autobiographie Récoltes et Semailles.

Il suffit parfois d'une seule personne pour récuser ce que nous croyons. La recherche est avant tout l'art des humbles, de ceux qui n'ont pas peur de l'erreur, pour ne jamais dépendre des anciennes vérités dressées comme des dogmes, contre une connaissance sans cesse renouvelée.

François Jacob n'aurait pas révolutionné la génétique sans l'Institut Pasteur : il faut un cadre et des moyens. Nous devons créer les conditions propices aux découvertes qui feront la France de demain.

M. Julien Bargeton.  - Très bien !

Mme Monique de Marco .  - La crise sanitaire et climatique nous montre combien il est indispensable de donner les moyens nécessaires à notre recherche publique.

La communauté des chercheurs attendait ce projet de loi et les besoins sont criants. Les moyens n'ont cessé de baisser depuis les années quatre-vingt-dix, tandis que les effectifs d'étudiants ont augmenté de 40 % entre 2010 et 2017, et que ceux des enseignants sont restés constants.

La communauté des chercheurs attendait énormément de ce projet. Avec l'augmentation forte des étudiants et la stagnation du nombre d'enseignants, nous avons assisté à une précarisation du personnel de l'enseignement supérieur, à laquelle s'est ajoutée l'insécurité financière permanente due à l'augmentation des appels à projets, au détriment des crédits récurrents et des financements pérennes.

Nous attendions un projet de loi ambitieux mais ce texte ne répond pas aux manques et aux attentes des universités et de la recherche publique françaises, notamment sur le plan budgétaire, sur les premières années. Il ne permettra pas à la France d'atteindre l'objectif de 3 % du PIB. Nous sommes bien loin du minimum vital qui assurerait un fonctionnement digne de l'université.

De surcroît, ce projet de loi, au lieu de pallier la précarisation l'accentue, avec les « chaires de professeur junior » et les CDI de mission et sans véritable réforme des rémunérations. Il n'est donc pas étonnant que le projet de loi ait suscité un rejet profond depuis plusieurs mois. Il doit être revu pour devenir un projet de loi de programmation digne de ce nom.

Investir dans la recherche est une décision politique courageuse, essentielle.

Le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires s'oppose à ce projet de loi et dénonce son manque d'ambition. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE)

M. Bernard Fialaire .  - Je tiens à remercier le RDSE qui me permet de faire aujourd'hui ma première intervention en séance publique sur un sujet aussi fondamental.

On peut être le plus vieux groupe parlementaire du Sénat et garder comme priorité l'avenir et les promesses d'amélioration de l'homme et de la société, but ultime de la recherche. Je rends honneur au sénateur Laffitte qui l'a présidé, et que vous avez dû connaitre, madame la ministre, à Sophia-Antipolis.

La richesse de la France est sa ressource humaine et l'intelligence de ses habitants. L'investissement principal de notre société doit redevenir l'éducation des citoyens, et la recherche qui en est l'aboutissement suprême.

Je découvre une procédure accélérée pour l'adoption de ce projet de loi.

Nous mesurons tous le décrochage de la France au sein de l'OCDE. Cela s'explique notamment par le sous-investissement chronique, la baisse d'attractivité des métiers de la recherche, le découragement des laboratoires, la rigidité des outils de gestion des organismes, l'insuffisance des passerelles entre public et privé. Les enjeux sont nombreux.

Ce texte doit ramener la France dans le peloton des nations leaders. On annonce 25 milliards de crédits nouveaux sur dix ans, l'objectif étant de parvenir, par effet de levier sur la recherche privée, à la cible de 3 % du PIB à l'horizon 2030, dont 1 % de financement public.

Cela passe par une forte mobilisation et de fortes synergies entre public et privé.

Notre groupe salue la trajectoire budgétaire ambitieuse annoncée dans un contexte contraint. Mais une période de sept ans allierait besoin de sécurité et réalisme budgétaire.

Nos universités doivent lutter contre la fuite des cerveaux, mais nos plus brillants scientifiques s'expatrient encore trop souvent aux États-Unis ou en Allemagne, après avoir été formés par notre système éducatif.

Nous devons réussir les transitions écologique et numérique : la recherche sera cruciale.

Cette loi doit aussi concilier protection des chercheurs et souplesse pour les organismes de recherche. Notre groupe est sensible aux dispositions relatives à la revalorisation salariale et à l'attractivité des métiers scientifiques, alors que le nombre de doctorants baisse. Beaucoup reste à faire, notamment auprès des jeunes filles.

Quelque 1 400 chaires de professeur junior pourront être créées. L'Assemblée nationale a limité les créations à 25 % des recrutements. Je ne pense pas que le Sénat doive se sentir obligé d'aller plus loin, en réduisant encore cette limite. Cette innovation doit être la chance de recrutements atypiques dont la recherche a aussi besoin.

Originaire du Beaujolais, terre d'origine de Claude Bernard, je suis sensible au parcours de cet immense savant qui a terminé sa carrière au Collège de France après avoir échoué au baccalauréat.

La France excelle dans la complexité administrative : ne cherchons plus, dans ce domaine, nous avons déjà tout trouvé ! Nous contribuerons à l'enrichissement de ce projet de loi puis le voterons.

M. Julien Bargeton .  - Le lien entre notre République et la recherche est étroit et fort. Nombreux furent les savants qui participent à la Révolution française. À la mort de Benjamin Franklin, trois jours de deuil ont été décrétés en France. Sous la IIIe République, de nombreux élus venaient du monde scientifique. La IVe République a lancé après-guerre de grands programmes de recherche. Le général de Gaulle en lança d'autres, conformément à sa volonté de grandeur de la France. Je citerai aussi Jean-Pierre Chevènement, reconnu comme un grand ministre de la Recherche (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.) Au début du XXe siècle, nous avons connu un âge d'or, avec huit prix Nobel sur les onze décernés entre 1901 et 1920.

En contrepoint, on montre l'exemple paradoxal de Mme Charpentier, illustration de l'excellence de notre formation, mais qui a dû partir aux États-Unis, en Suède et en Allemagne pour faire sa carrière. Il faut inverser ce processus.

Notre décrochage a des conséquences en termes d'innovation, notamment industrielle et économique. Nous l'avons vu, malheureusement, pendant la crise de la covid.

Ce projet de loi a pour objectif d'y apporter une solution, de corriger ce que l'on constate : 37 % de rémunération en moins pour nos chercheurs par rapport à la moyenne de l'OCDE ; une baisse de 40 % des crédits de l'ANR entre 2010 et 2015.

Nous aurons un débat sur la durée de dix ans pour la programmation - dix ans, cela correspond à la vie d'un projet de recherche - sur la prise en compte de l'inflation aussi - on ne connaît pas le taux d'inflation dans dix ans - sur la précarisation ; sur le modèle de notre recherche, sur la liberté académique - dans le respect des principes et des valeurs de la République - et enfin, sur les territoires et l'excellence à la française.

Notre groupe RDPI abordera ces débats dans un esprit de franchise et de consensus. Ainsi, j'ai entendu peu de remarques sur l'amélioration de la gestion des ressources humaines et des carrières - peut-être que les mesures sur ce point recueillent l'assentiment, y compris parmi les chercheurs.

Notre groupe partage certains des apports de la commission.

J'espère que la recherche aura le texte, le débat et le débouché qu'elle mérite, c'est-à-dire l'accord le plus large possible de la Représentation nationale sur cet enjeu fort, majeur pour notre République.

M. Pierre Ouzoulias .  - Le 19 mars dernier, le Président de la République a annoncé pour la recherche un effort budgétaire inédit depuis l'après-guerre. Le Cese a émis, à l'unanimité, un avis négatif. Le CNRS a déploré que ce projet de loi ne soit pas à la hauteur. Les pre?sidentes et pre?sidents des 46 sections et commissions du Comite? national de la recherche scientifique et des dix conseils scientifiques des instituts du CNRS ont déploré que « la programmation financière [de cette loi] ne soit pas a? la hauteur des défis considérables auxquels notre pays doit faire face », plus de 22 000 chercheurs et enseignants-chercheurs vous demandent « la suspension du processus législatif », enfin les organisations syndicales nous ont toutes exprimé leur opposition à ce texte.

Pourquoi une telle ingratitude alors qu'une manne quasi biblique est annoncée ? On ne sort de l'ambiguïté qu'à ses dépens, disait le cardinal de Retz...

Après les hyperboles amphigouriques, il reste la terrible réalité des chiffres ! Notre commission des finances, à la suite d'un travail de déconstruction critique exemplaire nous le dit : la trajectoire retenue se borne a? stabiliser la part des dépenses de recherche dans le PIB. Jean-François Rapin dont je salue la qualité du travail, ajoute : « La France ne pourra conserver son rang de grande puissance scientifique qu'au prix d'un effort budgétaire sans précédent ».

Votre Gouvernement abandonne l'objectif de porter notre effort de recherche à un niveau équivalent à celui de nos homologues européens, mais renonce aussi à l'ambition ancienne d'atteindre les mythiques 3 %.

Le 7 septembre dernier, depuis le campus de Paris-Saclay, le Premier ministre déclarait : « Je vous mets au défi de trouver une période, depuis 1945, où l'État a décidé volontairement de dégager autant de moyens ». La chose est aisée ! Le 14 février 1959, à Toulouse, le général de Gaulle déclare  : « L'État a le devoir d'entretenir dans la Nation un climat favorable à la recherche et à l'enseignement » ; son gouvernement met en oeuvre rapidement cet engagement et le budget du CNRS qui est de 8 milliards de francs en 1958 est porté à plus de 15 milliards en 1960, soit un quasi doublement en deux ans...

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Pierre Ouzoulias.  - Cette distorsion terrible entre les annonces et la faiblesse du croît budgétaire de ce projet est vécue par la communauté scientifique comme une humiliation supplémentaire.

Je pense tout particulièrement à celles et ceux sans lesquels tout notre système aurait déjà sombré et dont la seule perspective de carrière est d'enchaîner les contrats jusqu'à la retraite : près de la moitié des travaux réalisés dans le cadre du service public de la recherche et de l'enseignement est assurée par des salariés contractuels. En créant de nouveau régime dérogatoire, votre projet va conforter et accélérer cette précarité.

Votre projet semble avoir été conçu par et pour une poignée d'établissements dont les premières places du classement de Shanghai, constituent l'unique objectif. Vous nous permettrez de ne pas partager ses critères d'évaluations, conçus par le parti communiste chinois...(Sourires) et de continuer de défendre l'idéal républicain d'une science au service de la nation apprenante, de l'émancipation humaine, de l'exercice de la critique et de la recherche perpétuelle de la vérité comme seule vérité ! (« Très bien ! » et applaudissements à gauche, ainsi que sur la plupart des travées au centre et sur plusieurs travées à droite)

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Face aux incommensurables défis de notre monde complexe, sans recherche il n'est point de salut économique ou environnemental.

Nous souscrivons donc aux objectifs de ce texte, avec pour balise les 3 % du PIB fixés à Lisbonne, encore à atteindre.

Mais ce texte ne porte que sur la recherche publique ; or la recherche privée représente les deux tiers de l'effort : elle doit représenter 2 des 3 % du PIB d'ici à 2030.

Le CIR, principal levier - fiscal - de la recherche privée ne peut être réformé que par le projet de loi de finances et non par ce texte. L'effet de levier, de plus, est hypothétique puisque le projet de loi de finances 2021 en réduit la voilure. Les 3 % semblent donc d'emblée inatteignables.

La loi de programmation de la recherche se concentre sur les dépenses publiques, mais pas toutes : la seule dépense publique d'État, et encore, pas totalement.

En d'autres termes, la loi de programmation de la recherche ne couvre pas les crédits des établissements rattachés aux ministères de l'Économie, de la Transition énergétique ou de l'Agriculture - soit un cinquième des crédits de l'État. Crédits des collectivités, européens et du programme d'investissements d'avenir ne sont pas davantage pris en compte.

L'effort n'apparaît pas clairement, il est même presque totalement absorbé par l'inflation sur dix ans. Ramener la durée de la programmation à sept ans, comme le propose l'excellent rapporteur Laure Darcos, rend cet effort plus sensible.

Quelle garantie que le renforcement des moyens de l'ANR portera ses fruits ? Les grands pôles universitaires seront mieux équipés pour répondre à ses appels d'offres ; nous défendrons un amendement garantissant un meilleur équilibre territorial.

Il est artificiel de séparer les laboratoires du reste de l'enseignement supérieur. Or il n'y a pas eu de réforme de l'enseignement supérieur depuis la loi Pécresse. Il faut briser le tabou de la sélection à l'entrée en licence, ce que devrait conduire à une recherche de meilleure qualité, avec des fonds dégagés pour celle-ci.

Le groupe UC votera tout de même ce projet de loi tel que modifié par la commission, si nos amendements sont, avec courage et fermeté, pris en compte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc de la commission)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'occasion est rare, pour un exécutif, de porter une loi de programmation. En matière de défense, ce type de texte fait consensus, pour définir une stratégie ; c'est moins le cas s'agissant de la recherche.

Pourtant la violence de la crise sanitaire renforce la nécessité d'une recherche qui soit à la hauteur des enjeux contemporains. Une loi de programmation doit nous permettre de répondre aux transformations profondes de notre société, comme l'intelligence artificielle et la transformation énergétique.

L'opinion publique en a sans doute une perception partielle ; en outre, la gestation très longue de ce projet de loi n'est pas étrangère à l'intensité des attentes qu'il a fait naître, ni à l'ampleur des réactions qu'il a suscitées.

Merci aux rapporteurs qui ont travaillé dans des conditions très difficiles.

Le diagnostic, partagé, est sans appel. La recherche française décroche, nos jeunes chercheurs s'exilent. Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie cette année, a trouvé outre-Atlantique les moyens nécessaires à l'éclosion de son talent...

Autre constat, le décalage entre les annonces de Lisbonne en 2000 et la réalité de l'engagement budgétaire. La communauté scientifique attend des perspectives sur le temps long. Je ne doute pas que ce soit également votre intention, madame la ministre.

Hélas, la présentation formelle de votre plan pose problème.

M. Julien Bargeton.  - Ah ! Ça se gâte...

M. Stéphane Piednoir.  - Nul besoin de gonfler vos annonces par une présentation marketing bodybuildée - vous retracez les dépenses sous une forme cumulative, inhabituelle. La concomitance avec le plan de relance et le projet de loi de finances nuit en outre à la lisibilité.

Plus grave, la durée extrêmement longue de la programmation, qui engage vos successeurs. Ce n'est pas sérieux, d'autant que l'effort principal ne porte pas sur les premières années. Sagement, notre commission est revenue de dix à sept ans. C'est un gage incontournable que doit nous donner le Gouvernement en l'acceptant.

La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs est d'une complexité et d'une rigidité sans égales. Les chaires de professeurs juniors et les contrats de mission sont une courageuse manière de lever des freins. Cela vous attire les foudres des syndicats, attachés aux statuts acquis. Pour éviter que les chaires juniors ne soient une voie express de titularisation, et pour éviter de recruter des professeurs au rabais, j'ai déposé un amendement tendant à exiger des candidats une habilitation à diriger les travaux de recherche.

Une meilleure définition du préciput donnera davantage de visibilité.

Il faut investir dès maintenant, et non remettre l'effort à plus tard. C'est ce que permettra le texte, s'il est maintenu dans sa version remaniée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson .  - Je ne citerai pas de Gaulle, puisque Pierre Ouzoulias l'a fait, et de quelle manière !

Je me tourne vers l'avenir de notre pays, ardente obligation de ce texte. Cette loi de programmation n'est, ont dit nos rapporteurs, ni assez systémique ni assez structurante. La commission a ramené de dix à sept ans la durée de la programmation ; elle semble avoir été partiellement entendue par le Gouvernement sans que celui-ci l'avoue. Nous resterons vigilants.

Je salue la revalorisation des régimes indiciaires, destinée à rapprocher ceux-ci de la moyenne de l'OCDE.

Tous les jeunes talents ne veulent pas des emplois à vie, mais ils ont besoin de contrats et de moyens pour mener leurs travaux. J'espère que la chaire de professeur junior répondra à leurs aspirations, mieux que les montages actuels, peu attractifs.

Je regrette, dans ce texte, les rendez-vous manqués. Pas de consensus recherché avec la communauté scientifique sur un avenir ambitieux. Pas de revalorisation du statut des doctorants qui, dans notre société, restent dans l'ombre des concours et grandes écoles. L'approche territoriale, elle, est ignorée. C'est un projet de loi de programmation qui ne fait pas référence à l'ancrage territorial de la recherche et s'en tient à l'approche métropolitaine si décriée. Je crains que les équilibres territoriaux n'en pâtissent.

Rendez-vous manqué aussi sur la garantie des libertés académiques mises à l'épreuve d'une conception anglo-saxone, imprégnée de bien-pensance. Vous avez réagi, madame la ministre, à l'annulation des Suppliantes d'Eschyle à la Sorbonne et je vous en sais gré, ainsi que de votre tribune publiée cette semaine. (M. Julien Bargeton renchérit.)

Je me réjouis par avance des débats que nous aurons sur la liberté d'expression, dont nous mesurons la valeur en ces temps troublés.

Ce texte n'est ni fondateur ni majeur ; mais le groupe Les Républicains le votera tel qu'encadré par la commission, en raison des avancées qu'il contient. Les attentes étaient grandes, mais vous n'avez pas su forger de consensus avec la communauté scientifique. Il est nécessaire de redonner confiance aux chercheurs de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme Frédérique Vidal, ministre .  - Merci pour cette discussion qui montre ce que le Sénat peut apporter.

J'entends les reproches sur le manque de moyens, mais le programme 172 a gagné seulement 50 millions d'euros entre 2012 et 2017, alors que nous y ajoutons cinq fois ce montant sur la seule année 2021.

Le budget de la recherche a oscillé entre 15 et 16 milliards d'euros ces dernières années ; il atteindra 21 milliards d'euros. Au-delà de l'inflation, de la déflation ou du niveau du PIB, convenez que nous n'allons pas appauvrir la recherche. Cette augmentation a le mérite d'exister.

L'essentiel est de donner du temps long à nos chercheurs. S'ils sont attirés par les États-Unis, je ne veux pas pour autant, et vous pas davantage que moi, madame Brulin, basculer dans un modèle à l'anglo-saxonne.

Oui, les contractuels sont nombreux en France ; mais c'est que dans de nombreux pays, les doctorants ont un contrat de travail, ce qui n'est pas le cas ailleurs ! En les retranchant du calcul, nous sommes dans la moyenne des autres pays.

La dépense intérieure de recherche et de développement des administrations (Dirda) mesure les moyens engagés tous secteurs publics confondus. Ainsi, 6,5 milliards d'euros sont engagés en plus pour la recherche, dans le cadre du plan de relance, sur les deux prochaines années. Le voilà, ce choc que vous appelez de vos voeux : cela représente un programme prioritaire de recherche de 30 à 50 millions d'euros par mois, sur un grand défi scientifique, pendant deux ans.

Dans tous les pays, on observe que pour un euro engagé dans la recherche publique, deux le sont dans la recherche privée. 300 millions d'euros sont orientés vers la R&D en partenariat public-privé, l'État prenant en charge 80 % des salaires des ingénieurs afin de préserver le lien.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°118 rectifié bis, présenté par MM. Segouin et Calvet, Mmes Chain-Larché et Deromedi, M. Regnard, Mme Paoli-Gagin, MM. Daubresse, Panunzi, Chevrollier, Lefèvre, Bonne et del Picchia, Mmes Gruny, Raimond-Pavero et F. Gerbaud, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Richer, MM. Bonhomme, Anglars et Belin, Mme Thomas et M. P. Martin.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les libertés académiques sont le gage de l'excellence de la recherche française. La liberté d'expression doit être garantie, en toutes circonstances, au bénéfice des enseignants-chercheurs.

M. Vincent Segouin.  - Il convient d'inscrire les libertés académiques dans la loi, alors qu'elles sont de plus en plus contestées.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Cette disposition aurait davantage sa place dans le code de l'éducation ; je défendrai un amendement en ce sens. Retrait ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - L'article L. 952-2 du code de l'éducation garantit la liberté d'expression des enseignants et des chercheurs dans l'exercice de leurs fonctions. Retrait ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Le Sénat a introduit deux sujets absents du texte initial : les libertés académiques et l'intégrité scientifique.

Un texte fondamental, la Déclaration de Bonn, vient d'être signé sur la liberté de la recherche scientifique. La France, crois-je savoir, doit le ratifier prochainement.

Il prévoit notamment « le droit de choisir librement les sujets de recherche, de rassembler du matériel empirique », « de remettre en question la sagesse unanimement admise et de proposer de nouvelles idées ». Intégrons cette définition dans ce texte pour affirmer notre consensus !

Je suis moins enthousiasmé par l'amendement de la rapporteure, plus restrictif.

M. Vincent Segouin.  - Malgré les encouragements de mon collègue Ouzoulias, je retirerai mon amendement. Madame la ministre, je n'ai pas oublié que Mme Agacinski n'a pas été soutenue lorsque sa conférence sur la GPA a été empêchée.

L'amendement n°118 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°234, présenté par Mme L. Darcos, au nom de la commission de la culture.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 952-2 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les libertés académiques s'exercent dans le respect des valeurs de la République. »

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Nous avons souhaité travailler sur les libertés académiques. M. Ouzoulias aurait préféré que nous évoquions les principes ; nous avons préféré faire état des valeurs de la République afin d'inclure la laïcité.

Les libertés académiques caractérisent la liberté professionnelle réservée aux universitaires et aux chercheurs. Elles sont la condition d'existence de leur métier, et par là même celle du progrès des connaissances. Elles se déclinent en trois volets : la liberté de recherche, la liberté d'enseignement et la liberté d'expression.

Héritées de la tradition universitaire née au Moyen Âge et de l'esprit des Lumières, les libertés académiques ne sont plus, en France, à l'abri d'atteintes manifestes. Plusieurs exemples récents le prouvent : des menaces proférées contre certains débats, des intimidations sur des travaux de recherche. Le terrible drame survenu à Conflans-Sainte-Honorine montre plus que jamais la nécessité de préserver la liberté d'enseigner librement et de former les citoyens de demain.

Dans ce contexte, nous réaffirmons les libertés académiques et nous les confortons en les inscrivant dans la loi.

L'indépendance et la liberté d'expression des enseignants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs sont déjà reconnues à l'article L. 952-2 du code de l'éducation, issu de l'article 58 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, dite « loi Savary ».

Cet amendement complète cet article en précisant que les libertés académiques s'exercent dans le respect des valeurs de la République, au premier rang desquelles la laïcité.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis extrêmement favorable.

M. Max Brisson.  - J'ai proposé un amendement n°3 rectifié allant dans ce sens. Il s'est passé des choses graves à l'université ces dernières années : report de la représentation des Suppliantes d'Eschyle à la Sorbonne et de la conférence de Sylviane Agacinski, annulation de la venue de François Hollande à Lille, nécessité de la présence des forces de l'ordre pour éviter certains dérapages... Autant d'atteintes aux libertés académiques.

Or la liberté académique, élément fondateur des franchises universitaires, existe depuis le Moyen Âge. Conservons et réaffirmons cet héritage millénaire, que notre République a su reprendre et chérir, comme gage de l'excellence de la recherche. Affirmons solennellement ce principe. Tel est l'objectif de mon amendement et de celui de la rapporteure.

M. Pierre Ouzoulias.  - Lors du débat de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, j'avais été invité sur un campus pour contester vos orientations - et le président de l'université m'a interdit de venir. J'aurais aimé que les libertés académiques s'appliquassent aussi à vos contradicteurs, madame la ministre.

Madame la rapporteure, vous parlez de libertés qui s'exercent dans le respect des « valeurs de la République ». J'inverserai le rapport : ce sont les principes de la République qui fondent les libertés académiques.

Votre texte précise insuffisamment comment les enseignants-chercheurs peuvent en jouir concrètement. D'où mes difficultés par rapport à cet amendement.

M. Franck Montaugé.  - En lien avec les libertés académiques, faisons attention au pluralisme dans l'enseignement supérieur et la recherche. Certains courants de pensée ne sont pas représentés, comme l'école hétérodoxe d'économie au sein du Conseil national des universités (CNU) ni du CNRS. Nous y reviendrons à l'article 13 du projet de loi sous forme d'une demande de rapport. Le sujet mérite d'être approfondi.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - C'est une question centrale. Certains courants de pensée ne sont pas représentés. Pire, il y a eu un recul du pluralisme dans certaines universités, notamment en économie contre ceux qui ne portent pas le discours ultralibéral dominant. La liberté, c'est aussi le pluralisme des points de vue !

Au-delà du rappel des principes, dont notre collègue Ouzoulias craint qu'il ne se résume à une déclaration, comment les mettre en oeuvre et éviter les mécanismes d'autocensure ? Pour éviter les clashs, certains enseignants attaqués soi-disant pour islamophobie ne sont plus invités à faire cours... Il faut donc s'interroger sur les moyens de faire vivre concrètement les principes par un modus operandi efficace.

M. Julien Bargeton.  - On peut être un économiste néolibéral et très bien enseigner Marx, et inversement ! Cela m'est arrivé dans mes études. Un professeur enseigne l'état de la science.

L'amendement n°234 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°97 rectifié bis, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 952-2 du code de l'éducation est ainsi modifié : 

1° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils sont tenus à une obligation d'intégrité scientifique. » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés : 

« Les règles qui encadrent leurs activités d'enseignement et de recherche et les règles qui organisent le fonctionnement des établissements dans lesquels ces activités sont exercées garantissent en toute circonstance cette indépendance, cette liberté d'expression et cette intégrité scientifique. Les statuts particuliers qui régissent les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs assurent notamment leur représentation propre et authentique dans les conseils de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche qui ont à connaître, tant au niveau national que dans chaque établissement, des propositions, décisions et mesures statutaires les concernant.

« La protection fonctionnelle est accordée aux enseignants-chercheurs, aux enseignants et aux chercheurs lorsqu'ils font l'objet d'une action en justice mettant en cause l'exercice, dans le cadre de leurs fonctions, de la liberté d'expression. »

M. Pierre Ouzoulias.  - Il s'agit de passer aux travaux pratiques...

Mon amendement, rédigé avant l'assassinat de M. Samuel Paty, traite de l'intégrité scientifique et de la protection fonctionnelle accordée aux enseignants-chercheurs, ainsi que des règles de fonctionnement de la communauté scientifique et de sa protection contre les pressions extérieures. J'avoue m'être inspiré de la rédaction du professeur Gaudemet, éminent juriste. C'est donc un plagiat - je m'en excuse platement ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement identique n°179 rectifié ter, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Monique de Marco.  - Cette loi est l'occasion de réaffirmer les droits des chercheurs et les principes de liberté et d'intégrité scientifique face aux risques de mal-science, aux dérives que sont la course aux publications, les conflits d'intérêts, les procédures bâillon.

Les règles des établissements doivent garantir la liberté d'expression. Mon amendement accorde une protection fonctionnelle, proposée par le rapport de la commission Mazeaud sur les procédures bâillon.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Nous sommes d'accord pour solenniser ces deux définitions, dans deux articles distincts : les libertés académiques ici, l'intégrité scientifique à l'article 10. En tant que fonctionnaires, les enseignants-chercheurs bénéficient de la protection fonctionnelle en vertu de la loi du 13 juillet 1983. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis. Le projet de loi inscrit l'intégration scientifique dans les missions du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres). Je donnerai un avis favorable à deux amendements à venir de M. Ouzoulias qui la renforcent mais je ne suis pas à l'aise avec cette approche qui semble conditionner les libertés académiques à l'intégrité scientifique.

Les amendements identiques nos97 rectifié bis et 179 rectifié ter ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Brisson.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 111-1 du code de la recherche, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. 111-1-....  -  Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d'objectivité.

« Les libertés universitaires et la licence garantie aux enseignants-chercheurs et aux chercheurs de mener leurs activités pédagogiques et scientifiques en toute indépendance et dans le respect de l'intégrité scientifique et de la déontologie sont des conditions de l'exercice et de l'excellence de la recherche et de l'enseignement supérieur de la France. »

M. Max Brisson.  - Cet amendement, cri du coeur, signé par 54 collègues dans sa version électronique, réaffirme une évidence. Mais les déclarations de principe sont parfois utiles !

Certes, l'université n'est pas l'école, elle ne doit pas être tenue à l'écart des querelles du monde, mais elle doit garantir la liberté d'expression y compris des opinions très minoritaires. Elle doit être protégée de toute forme de violence - jadis, les hommes d'arme déposaient leur arsenal avant d'entrer en Sorbonne.

Mais comme je sais que la rapporteure donnera tout à l'heure un avis favorable sur l'intégrité scientifique, je suis prêt à le retirer.

M. le président.  - Amendement n°96 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 422-2 du code de la recherche, il est inséré un article L. 422-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 422-2-....  -  Les chercheurs relevant du présent chapitre bénéficient de l'ensemble des droits, garanties et responsabilités mentionnés à l'article L. 952-2 du code de l'éducation. »

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement assure une cohérence dans les libertés accordées aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs, en harmonisant les codes de l'éducation et de la recherche.

Avec les chaires de professeur junior, quelqu'un pourrait enseigner un temps à l'université puis rejoindre ensuite le CRNS - et perdre alors ses libertés académiques. Gardons une cohérence.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Merci à M. Brisson de bien vouloir retirer son amendement : nous sommes en phase, en effet.

L'amendement n°96 rectifié est satisfait par l'article L. 952-2 du code de l'éducation, qui vise explicitement les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs qui jouissent d'une pleine indépendance et de la liberté d'expression. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis. Les chercheurs sont aussi reconnus à l'article 411-3 du code de la recherche qui garantit l'autonomie de la démarche scientifique et la libre circulation des idées.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

L'amendement n°96 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°147, présenté par M. Lafon.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 431-22 du code pénal, il est inséré un article 431-22-... ainsi rédigé :

« Art. 431-22-....  -  Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement supérieur sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but d'entraver la tenue d'un débat organisé dans les locaux de celui-ci, est puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende. »

M. Laurent Lafon.  - Les notions, assez consensuelles, de liberté académique et de liberté d'expression sont intrinsèquement liées à notre vision de l'université et de l'enseignement supérieur. Il nous incombe de garantir la liberté d'expression, notamment quand certains s'opposent à un débat par la force, la violence ou l'obstruction. Les exemples récents nous inquiètent. D'où cet amendement qui prévoit que toute intrusion dans un établissement d'enseignement supérieur ayant pour but d'entraver la tenue d'un débat organisé dans ses locaux constitue une infraction.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Les universités doivent rester des lieux de débat contradictoire. Avis très favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement vise les personnes non autorisées à entrer dans un établissement d'enseignement supérieur, non les étudiants ni le personnel. Il est essentiel de préserver la qualité des débats dans les enceintes universitaires. Cela dit, l'article 431-1 du code pénal sanctionne déjà l'entrave à la liberté d'expression. Sagesse.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je ne partage pas, en droit, votre point de vue. Vous reprenez le texte de l'article 431-22, qui se rapporte aux établissements scolaires. Vous travaillez par homologie. Or l'université a des droits défendus par la Constitution ; aligner son statut sur celui des écoles, c'est réduire les libertés académiques !

Nous pourrons nous accorder sur mon prochain amendement (Sourires) qui réaffirme le principe constitutionnel des franchises académiques et donne aux présidents d'université le pouvoir de faire respecter l'ordre dans les campus.

L'amendement n°147 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°115 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 711-1 du code de l'éducation, il est inséré un article L. 711-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 711-1-....  -  Le maintien de l'ordre dans l'enceinte des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel relève de la compétence des présidents, des directeurs et des personnes qui, quel que soit leur titre, exercent la fonction de chef d'établissement. Ceux-ci peuvent faire appel à la force publique en cas de nécessité. »

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous pouvons adopter les deux. (Sourires) Celui-ci reprend - en modernisant le français - la charte de Philippe-Auguste de 1200, selon laquelle : « Nul prévôt ni magistrat n'arrêtera ou n'emprisonnera un escolier... » Les pouvoirs de police du président d'université gagneraient à être retirés de l'article L.712-2 pour conforter le principe des franchises.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Nous parlons de deux choses différentes. Cet ajout me semble superfétatoire car l'article L. 712-2 comporte déjà ces dispositions. Retrait ou avis défavorable, même si je souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

Je comprends votre désir de solenniser, mais les codes ne doivent pas devenir des empilements de répétitions.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis. L'article 712-2 liste toutes les compétences du président d'université. Gardons cette cohérence.

L'amendement n°115 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Cet article, essentiel, fixe la trajectoire budgétaire de la loi de programmation.

Beaucoup l'ont dit : le compte n'y est pas pour rattraper les retards accumulés depuis quinze ans ! Si l'on compare avec les allègements de cotisations sociales, 25 milliards sur dix ans, c'est peu de chose. La recherche et l'innovation sont pourtant plus efficaces pour l'attractivité et la compétitivité du pays, sans parler du rayonnement culturel.

Le Gouvernement veut « voir loin ». Cela lui permet de dire : « demain, on rase gratis ». Mais en attendant, c'est « petit braquet ».

Le plan de relance, nous dit la ministre, mettra du beurre dans les épinards. Soit, mais il s'agit de crédits exceptionnels, fléchés, non d'une inscription programmatique. Il faut raccourcir la période, car on ne peut pas avoir une vision budgétaire à dix ans. Nous avons besoin de décisions immédiates.

Le texte de la commission est certes meilleur mais donne l'impression qu'on règle un problème qui n'est nullement réglé. Je ne voterai donc pas cet article.

M. Joël Labbé .  - J'oserai un propos peut-être pas très académique. Nous vivons dans une société dite de progrès, jamais nous n'avons connu autant d'avancées. Pourtant, il n'aura pas fallu plus d'un demi-siècle pour que la science mette la planète au bord du gouffre. Rachel Carson, l'auteur de Printemps silencieux, nous avait prévenus dès les années soixante.

Ce nouveau progrès sera le fruit de la coopération de toutes les sciences, dans leur complexité, y compris les sciences humaines. Il faut en finir avec une science unique, au service d'une pensée unique, d'un modèle unique.

Réhabilitons le rôle de la poésie pour que sciences rime avec conscience, et politique avec éthique. (On apprécie ; applaudissements sur les travées du GEST.)

M. Julien Bargeton .  - La poésie n'est pas incompatible avec la science, bien au contraire. Oui, madame Lienemann, la recherche et l'innovation contribuent à la compétitivité, mais les allègements de charges aussi.

On peut toujours dire que ce n'est pas assez. Mais regardons d'où nous venons : cela fait quinze ans que nous ne respectons pas l'objectif de Lisbonne, les crédits de l'ANR ont baissé de 45 % entre 2010 et 2015.

Ce texte consacre des moyens massivement, dès la première année. On pourra financer un grand projet de recherche par mois. Et il y a une clause de revoyure.

Il vient corriger une lente dégradation et va donc dans le bon sens. Il est ambitieux dans son volet budgétaire.

M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis .  - M. Bargeton est dans son rôle. Je n'ai pas nié la volonté de la ministre d'aller plus loin, mais la trajectoire proposée n'aboutira pas à terme aux progrès attendus.

La loi de programmation de la recherche 2009-2014 a été proposée en euros constants, et appliquée, courageusement, en euros constants, même si elle n'a pas abouti (On le confirme sur les travées du groupe RDPI.) Nous aurions apprécié une telle transparence de votre part. Dix ans, c'est deux mandats et demi.

M. Éric Kerrouche .  - Sous le quinquennat précédent, M. Bargeton soutenait la restriction ; maintenant qu'il a changé de camp, il soutient le développement de la recherche...

M. Julien Bargeton.  - Je n'étais pas parlementaire !

M. Éric Kerrouche.  - En 2008, il y a eu une crise financière, le déficit public était de 5,3 % du PIB en 2012, de 3,4 % en 2016. Il ne s'agit pas de s'exonérer pour autant : oui il aurait fallu faire plus et mieux. Mais trois ans après le début du quinquennat, cessez d'invoquer l'héritage ! C'est vous qui pilotez. Faites une loi exemplaire, et nous vous suivrons ! Là, le compte n'y est pas. Vous vous plaignez du passé, mais vous reportez vos promesses sur les générations futures : ce n'est pas mieux.

M. Max Brisson .  - Je ne voudrais pas m'immiscer dans des querelles entre anciens et actuels socialistes. (Sourires) Mais M. Kerrouche a raison : le pays a levé le pied, collectivement. J'ai été en tout cas heureux de l'entendre soutenir le mandat de M. Sarkozy (M. Éric Kerrouche fait signe qu'il ne va pas jusque-là.)

Votre volonté, madame la ministre, est certaine. Mais il y a les arbitrages de Bercy. La programmation ne respecte pas les règles de présentation habituelles à cet exercice.

On voit bien que le Sénat sert à quelque chose : peut-être nous vous avons rendu service, madame la ministre, en proposant une trajectoire beaucoup plus ramassée.

En revanche, les questions du glissement vieillissement technicité (GVT) et celle des retraites ne sont pas réglées, comme l'a bien montré Jean-François Rapin. L'addition devra être payée par d'autres, madame la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre .  - Je ne veux pas revenir sur le passé : combien de mois passés à écrire des livres blancs, à élaborer des stratégies nationales, pour aucun résultat !

Nous vous proposons des mesures concrètes : 400 millions cette année et 800 millions l'année prochaine, c'est petit braquet ? Un projet prioritaire de recherche lancé chaque mois, alors que chaque projet dure entre six à huit ans, c'est petit braquet aussi ? La loi de programmation militaire a certes été votée en euros constants, mais elle n'a pas abouti. Qui est capable de dire si l'inflation continuera au même niveau ? Il y a eu des crises financières qui ont tout bousculé dans le passé. Et je suis persuadée qu'à chaque clause de revoyure, vous augmenterez le budget consacré à la recherche !

Le Conseil d'État a dit que cette loi de programmation était exceptionnellement longue, mais que cela n'entachait en rien sa sincérité. Je tiens à ce que l'on cite correctement ce qu'il dit.

Monsieur Labbé, les sciences disent ce que l'on comprend du monde, elle ne dit ni le bien ni le mal. C'est le politique qui fait des choix.

La séance est suspendue à 19 h 50.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Amendement n°206, présenté par le Gouvernement.

1° Première phrase

a) Remplacer l'année :

2027

par l'année :

2030

b) Remplacer les mots :

des sept années suivantes

par les mots :

de la décennie suivante

2° Seconde phrase

Remplacer l'année :

2027

par l'année :

2030

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement revient à une programmation sur dix ans. L'important, pour la recherche, est d'avoir une visibilité sur le temps long : un projet de recherche, c'est dix ans.

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 1, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ce rapport précise les objectifs de l'État pour revaloriser les métiers et les carrières de la recherche et de l'enseignement supérieur et les traduit en besoins financiers et ressources budgétaires jusqu'en 2027.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cette mention lexicographique, avec l'accord de la commission, remplace « RH » par « métiers et carrières de la recherche ». Lorsqu'il s'agit de médaillés Fields ou de prix Nobel, cela semble préférable...

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°206 ; avis favorable à l'amendement n°88.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°88.

L'amendement n°206 n'est pas adopté.

L'amendement n°88 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°142 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.- Première phrase

1° Remplacer les mots :

3 % du produit intérieur brut annuel

par les mots :

14% des dépenses nettes de l'État

2° Remplacer les mots :

1 % du produit intérieur brut annuel

par les mots :

4,6 % des dépenses nettes de l'État

II- Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Un seuil de dépense minimale pour les programmes susmentionnés est instauré en 2027 à 3,305 milliards en euros courant.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je propose un travail sur l'échéancier budgétaire. Sur la forme, comment débattre aujourd'hui de la loi de programmation de la recherche dont la première année est 2021 alors que l'Assemblée nationale vient de voter le budget 2021 ? (M. Julien Bargeton lève les bras au ciel.)

Ne levez pas les bras au ciel ! Il ne vous sera d'aucun secours ! (On s'amuse.) Ce soir, même Jupiter s'est éteint. (Mêmes mouvements) Lorsqu'un gouvernement fait une loi de programmation, il s'engage en début de mandat. Là, vous engagez les futurs gouvernements.

MM. Villani et Petit, Mme Retailleau ont évalué de 2 à 3,6 milliards d'euros par an les sommes nécessaires pour effectuer un rattrapage et pour remettre à niveau la recherche. On en est loin ! Je vous propose donc une programmation budgétaire volontariste sur cinq ans.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - L'intention est louable, mais l'objectif n'est pas crédible. Avis défavorable.

L'amendement n°142 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'évaluation du montant des dépenses intérieures de recherche et développement rapporté au produit intérieur brut prend en compte non seulement les crédits retracés dans la présente loi de programmation, mais également les crédits de paiement de la mission « Plan de relance », les crédits du quatrième programme d'investissements d'avenir, les crédits alloués à la recherche par les collectivités territoriales ainsi que ceux alloués à la recherche intérieure par l'Union européenne.

M. Jean Hingray.  - Cet amendement veut instaurer plus de sincérité et de transparence sur les programmes de recherche.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Ce souci d'exhaustivité est intéressant. Avis favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - L'évaluation de ces montants relève d'une enquête exhaustive auprès de tous les établissements et services publics ayant une activité de recherche.

Cet amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°8 est adopté.

RAPPORT ANNEXÉ

M. le président.  - Amendement n°165 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

Alinéa 9

Après le mot :

climatique,

insérer le mot :

alimentaire,

M. Bernard Fialaire.  - En septembre dernier, le ministre de l'Agriculture voulait mettre la souveraineté alimentaire au coeur des politiques agricoles européennes. Mme Françoise Laborde avait présenté au Sénat l'année dernière une proposition de résolution sur ce sujet.

M. Joël Labbé.  - Excellent rapport !

M. Bernard Fialaire.  - L'enjeu est mondial compte tenu des 9 milliards d'individus qu'il faudra nourrir en 2050, alors que le changement climatique s'accélère.

La recherche doit donc s'engager à garantir l'autosuffisance alimentaire pour notre pays et les États qui en auront besoin.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis très favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - L'alimentation est un enjeu majeur, pouvant être abordé par différentes disciplines. Avis favorable.

M. Joël Labbé.  - Je soutiens cet amendement. Le rapport de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) de 2018 sur les perspectives 2050 et le rapport sur la résilience alimentaire et la sécurité civile avaient inspiré la résolution de Françoise Laborde.

L'amendement n°165 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°166 rectifié bis, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

Alinéa 15, première phrase

Après les mots :

défis économiques

insérer le mot :

, sanitaires

M. Bernard Fialaire.  - La santé étant prioritaire, il faut mentionner le défi sanitaire aux côtés des défis économiques et environnementaux, notamment dans un contexte de pandémie, tant dans ses réponses curatives qu'organisationnelles.

L'amendement n°166 rectifié bis, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°153, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

I.  -  Alinéa 41

Supprimer les mots :

de recherche citoyenne,

II  -  Alinéa 278

Remplacer les mots :

dans la recherche citoyenne et la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public

par les mots :

dans la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public et la recherche participative

M. Jean Hingray.  - Cet amendement supprime la notion de recherche citoyenne, mal définie et donc possiblement sujette à interprétations, par la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public et la recherche participative.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Cela peut effectivement porter à confusion ; avis favorable.

L'amendement n°153, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mmes Billon et Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie.

Alinéa 78

Compléter cet alinéa par les mots :

et éducatives

M. Arnaud Bazin.  - Mes différents amendements proposent des alternatives à l'expérimentation animale. En effet, le potentiel d'innovation est gigantesque, les tests ont une meilleure valeur prédictive que le modèle animal souvent biaisé. Enfin, il faut faire preuve d'humanité envers eux. L'amendement n°21 rectifié bis renforce la visibilité et le développement des alternatives à l'utilisation des animaux à des fins scientifiques.

La directive européenne 2010/63/UE à laquelle il est fait référence dans cet alinéa couvre les utilisations d'animaux à des fins scientifiques et éducatives.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Cela me semble aller plus loin que la directive, mais ne relève pas de ma compétence. Je suivrai l'avis du Gouvernement sur les amendements nos21 rectifié bis, 22 rectifié bis, 23 rectifié bis, 24 rectifié bis et 25 rectifie bis.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le titre de la directive du Parlement européen vise les animaux utilisés à des fins scientifiques et techniques, mais son texte vise aussi les visées scientifiques et éducatives. Avis défavorable car priori votre amendement est satisfait.

M. Arnaud Bazin.  - On peut faire l'économie de l'utilisation des animaux à la fois à des fins scientifiques et éducatives. Pourquoi ne pas le rappeler ? Je maintiens mon amendement.

L'amendement n°21 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Boulay-Espéronnier, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie.

Alinéa 79, deuxième à dernière phrases

Rédiger ainsi ces phrases :

Le remplacement vise à substituer au recours à un modèle animal des approches et méthodes ne faisant pas appel au modèle animal, comme des approches in vitro ou des modélisations mathématiques ou informatiques. Par réduction, on entend la diminution du nombre d'animaux utilisés notamment par l'application de méthodes statistiques et par le partage de données et de résultats susceptibles d'éviter la répétition des expériences. Le concept de raffinement s'attache à l'optimisation des conditions d'hébergement et des conditions expérimentales pour en réduire les effets négatifs sur les animaux.

M. Arnaud Bazin.  - Cet amendement récrit l'alinéa 79 et le précise sans en changer le sens profond.

La directive européenne ne fixe pas le principe des 3R, concept qui existe depuis 1959, mais cherche à en renforcer la mise en oeuvre.

Conformément aux recommandations de la directive européenne, les 3R doivent s'appliquer dans l'ordre suivant : d'abord le remplacement, ensuite la réduction si le remplacement n'est pas possible, et le raffinement dans tous les cas où des animaux sont utilisés. Cette hiérarchisation des méthodes est reprise dans l'article 4 et le considérant 11 de la directive.

La définition du remplacement n'a pas à inclure les termes « dès que possible ». Les méthodes de remplacement existantes doivent être utilisées dès lors qu'elles sont susceptibles de permettre d'obtenir un résultat au moins aussi satisfaisant que l'utilisation d'animaux.

Le fait de ne pouvoir engager des projets sur animaux que s'ils sont indispensables figure déjà dans la réglementation; mais cette obligation n'entre pas dans la définition d'une méthode de réduction.

La mention de « protocoles validés » est également inutile puisqu'un projet ne peut être autorisé par les autorités compétentes que si les protocoles concernant l'utilisation des animaux ont été validés par le comité local éthique en expérimentation animale.

Enfin, le concept de raffinement inclut également l'amélioration des conditions d'hébergement.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°22 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Boulay-Espéronnier, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie.

Alinéa 80

Rédiger ainsi cet alinéa :

La création d'un centre national dédié au développement et à la promotion des méthodes alternatives à l'utilisation des animaux et à l'application du principe des « trois R », doté de moyens adaptés, permettra de favoriser le financement de recherches pour le développement de méthodes ne recourant pas au modèle animal et de s'assurer de leur mise en oeuvre, d'enrichir l'offre de formation initiale et professionnelle en matière de méthodes in vitro et in silico notamment, de contribuer au développement d'écosystèmes indispensables à la valorisation des innovations dans ce domaine, de susciter des partenariats « public-privé », de communiquer sur les méthodes propres à remplacer ou à réduire le nombre d'animaux utilisés, d'inciter à l'échange de lignées d'animaux et au partage des résultats négatifs de la recherche pour éviter toute répétition inutile de projets, et d'assurer une communication transparente sur l'utilisation d'animaux à des fins scientifiques et éducatives. Le centre contribuera, en coordination étroite avec la Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, à la consolidation d'un dialogue national constructif, incluant toutes les parties prenantes, autour de cette préoccupation sociétale de plus en plus forte.

M. Arnaud Bazin.  - Cet amendement récrit l'alinéa 80 sur le Centre national dédié au principe des 3R. Il est proposé de favoriser des alternatives à l'expérimentation animale. Selon un rapport de l'Assemblée nationale, de telles méthodes favorisent la recherche.

L'organisme européen ne valide qu'un test par an, car très peu de laboratoires se lancent dans de telles recherches : une nouvelle méthode est longue - sept à dix ans - et très coûteuse - de 100 à 200 000 euros, sans garantie de retour sur investissement puisqu'il n'existe pas de brevets sur ces tests. Plus de 500 000 animaux ont été utilisés en 2018 en France à des fins toxicologiques ou règlementaires, soit 27 % du total des animaux utilisés.

Un organisme national doit inciter les laboratoires à valider de nouveaux tests alternatifs, réduisant ainsi la durée et le coût des démarches.

M. le président.  - Amendement n°152, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

Alinéa 80, première phrase

Après les mots :

des « trois R »

insérer les mots :

adossé à la recherche publique et notamment à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, au Centre national de la recherche scientifique et à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement

M. Jean Hingray.  - L'utilisation des animaux à des fins scientifiques concerne les secteurs de la santé, de la biologie, de l'environnement et de l'agronomie. Il apparaît donc essentiel que les acteurs majeurs de la recherche publique dans ces domaines - Inserm, CNRS et Inrae - participent à la création et aux activités de ce Centre.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis du Gouvernement sur l'amendement n°23 rectifié bis et avis favorable à l'amendement n 152. Si l'amendement n°23 rectifié bis était adopté, le 152 deviendrait sans objet.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le périmètre du Centre prévu à l'alinéa 80 sera précisé. C'est évident qu'il sera adossé à la recherche publique et notamment aux organismes que vous avez cités. Retrait de l'amendement n°23 rectifié bis au profit du 152, plus complet.

L'amendement n°23 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°152 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli et Daubresse, Mme Deroche, MM. Menonville, Mouiller, P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes Raimond-Pavero et F. Gerbaud, M. Lagourgue, Mme de Cidrac, M. Bizet, Mmes Di Folco et Sollogoub et M. Laménie.

Après l'alinéa 80

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le centre national dédié au développement des méthodes alternatives  -  soutenu par les organismes publics de recherche  -  réunira les moyens et les compétences propres à contribuer à l'amélioration du processus de validation des tests réglementaires n'utilisant pas d'animaux, tant au niveau national qu'européen.

M. Arnaud Bazin.  - Cet amendement précise la mission du Centre national dédié au développement des méthodes alternatives.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis du Gouvernement.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cette définition est trop précise. Avis défavorable à cet amendement ainsi qu'à l'amendement n°24 rectifié bis que vous allez présenter. C'est prématuré de prévoir dès à présent la façon dont va fonctionner ce centre.

L'amendement n°25 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lassarade, Eustache-Brinio et Vermeillet, MM. Mandelli, Lefèvre, Guerriau et Karoutchi, Mme Deroche, MM. P. Martin et Calvet, Mme Deromedi, MM. Bargeton, Belin, D. Laurent, Le Gleut et Bonhomme, Mme Mélot, MM. Wattebled, Bonne et Sautarel, Mmes F. Gerbaud, Boulay-Espéronnier, Ventalon et Sollogoub, MM. Bizet et Lagourgue, Mmes de Cidrac et Di Folco et M. Laménie.

Alinéa 81

Rédiger ainsi cet alinéa :

Ce centre sera doté des moyens nécessaires et d'un statut juridique approprié à l'accomplissement de l'ensemble de ses missions. L'organe de gouvernance inclura des compétences pluridisciplinaires notamment en matière de méthodes non-animales et présentera toutes les garanties d'impartialité.

M. Arnaud Bazin.  - Cet amendement s'assure que le Centre pourra promouvoir les méthodes alternatives à l'expérimentation animale au travers d'un organe de gouvernance et que son statut juridique sera approprié.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis du Gouvernement.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°24 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°154, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

Alinéa 191

1° Après les mots :

dans le domaine de la santé,

insérer les mots :

les appels à projets relevant notamment de l'Institut national du cancer, de l'Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites virales au sein de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, du Programme hospitalier de recherche clinique ont vocation à figurer dans ce portail unique aux côtés des appels à projets de l'Agence nationale de la recherhce dans le domaine de la biologie et de la santé.

2° Remplacer le mot :

ce

par le mot :

Ce

M. Jean Hingray.  - Cet amendement inclut la santé dans le portail unique pour les AAP. Il en résultera un bénéfice pour les chercheurs et pour l'efficacité de l'action publique en permettant d'éviter les doublons entre programmes et facilitant leur articulation.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Cet amendement utile servira des investissements qui nous tiennent à coeur. Avis très favorable.

L'amendement n°154, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°232, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 200, seconde phrase

Remplacer les mots :

de 10 % d'ici à 2022

par les mots :

en moyenne de 10 % en 2021 et de 25 % à partir de 2023

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Je vous propose d'inscrire dans le rapport annexé la volonté du Gouvernement d'augmenter les financements de base à hauteur de 10 % dès 2021, puis 25 % à compter de 2023.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis favorable. Il s'agit d'un très bon signal en faveur du financement pérenne des laboratoires.

M. Pierre Ouzoulias.  - Pourrons-nous porter cet engagement dans le projet de loi de finances pour 2021 ? Le rééquilibrage aura-t-il lieu dès l'année prochaine ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Souhaite-t-on renforcer le financement classique des laboratoires ? Ou met-on l'accent sur les appels à projets ? Nos chercheurs dépensent une immense énergie à répondre à ces appels à projet, avec un succès infime.

Le CNRS estime qu'il faudrait annuellement un milliard d'euros pour l'ANR et un milliard d'euros pour le fonctionnement classique des laboratoires.

Le modèle à la française, que vous soutenez, est un chemin au long cours. Cet amendement constitue une petite avancée, mais nos laboratoires n'ont pas les moyens de fonctionner correctement au quotidien. Nous prenons acte de cette avancée... qui n'est pas suffisante !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Il s'agit d'un engagement déjà pris, qui figure au budget pour 2021, au programme 172. Nous faisons ce que nous disons.

À la fin de la loi de programmation, l'ANR financera 1,7 milliard d'euros sur 20 milliards d'euros de recherche. Tout ne passera donc pas par les appels à projet !

L'amendement n°232 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Longeot, Détraigne, Louault, Bonnecarrère et Mizzon, Mmes Sollogoub, Saint-Pé, Férat, Vermeillet, Jacquemet, Perrot, Dindar et Gatel, MM. Canevet, Lafon, Delahaye, Folliot, Moga, Vanlerenberghe, Chauvet, Delcros, Kern et Le Nay et Mmes Billon et C. Fournier.

Après l'alinéa 209

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Un nouveau programme prioritaire de recherche sur les zoonoses et les maladies vectorielles à tiques sera également créé afin de consacrer des crédits spécifiques à la lutte contre ces maladies infectieuses en pleine expansion.

Mme Élisabeth Doineau.  - Je suis une récidiviste ! L'an dernier, le Sénat a adopté mon amendement sur la maladie de Lyme. Mais le Gouvernement et l'Assemblée nationale s'y sont opposés.

Avant le confinement, j'ai écrit un courrier, signé par 140 sénateurs, à Mme Kyriakidou, commissaire européenne à la santé et la protection des consommateurs, pour obtenir des financements pour la recherche d'un vaccin contre la maladie de Lyme dont l'incidence ne cesse d'augmenter : 26 000 contaminations en 2014, 67 000 en 2018.

Par ailleurs, la crise sanitaire actuelle nous impose d'accroître la recherche sur les 200 types connus de zoonose. C'est un problème majeur de santé publique. Certaines de ces maladies provoquent des pandémies mondiales, comme le coronavirus. C'est pourquoi je propose de créer un programme prioritaire de recherche sur les zoonoses. Les milliers de malades ne comprennent pas que les médecins ne les prennent pas tous en charge. Merci d'être solidaires de mon amendement, comme d'habitude !

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Je soutiens votre combat. Une mention comparable a été introduite par l'Assemblée nationale, dans le rapport annexé. Néanmoins, avis favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - La mention introduite par l'Assemblée nationale n'indique pas le programme prioritaire de recherche, qui est un dispositif dont la procédure implique le CGPI, auquel le rapport annexé ne peut se substituer. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°17 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 232

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

De façon continue depuis les années 1970, la confiance que les Français placent dans la science est élevée. Les études, ponctuelles ou de long terme, convergent vers le même diagnostic : les Français ont une image positive des chercheurs et de la recherche, et estiment qu'il est prioritaire d'investir en la matière. Le pacte républicain avec la science demeure donc solide.

La loi n°2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche appelait, pour la première fois, à promouvoir et développer les « interactions sciences-société » sous toutes leurs formes. Elle reconnaissait que ces interactions couvrent un continuum qui va des actions de diffusion de la culture scientifique vers le grand public jusqu'au développement de recherches participatives associant des chercheurs et des non chercheurs dans une démarche partagée. Il s'agira ainsi, sur la période 2021-2030, de structurer et soutenir l'ensemble de ces interactions.

Mme Sylvie Robert.  - Les Français font confiance à la recherche. La loi de 2013 avait développé les interactions « sciences et société » sous toutes leurs formes. Il ne faut pas oublier que la société est une vraie source de collaboration avec la recherche.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Je partage votre objectif. J'aurais néanmoins préféré le terme plus neutre de « relations » plutôt qu'« interactions ». Avis favorable néanmoins.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Je m'étonne que l'exposé des motifs de votre amendement indique que le rapport annexé omet cette dimension. Ce n'est pas le cas, le rapport annexé y fait référence à de nombreuses reprises.

Nous nous sommes engagés de consacrer au moins 1 % du budget de l'ANR aux relations entre la société et la science. Sagesse.

L'amendement n°58 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°200, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 235

Supprimer cet alinéa.

M. Thomas Dossus.  -  Le rapport annexé prévoit la création d'un réseau de centres « Science et médias » destiné à diffuser la culture scientifique.

Les objectifs sont louables, notamment pour lutter contre les fake news, mais la méthode nous interroge.

De tels Science Media Centers ont vu le jour dans d'autres pays, mais au Royaume-Uni, par exemple, le centre ne fait pas l'unanimité et est parfois surnommé « l'agence de presse scientifique » qui présente des positions scientifiques sans contradiction.

La méthode scientifique a besoin de débats, pas de verticalité. Ce n'est pas en délivrant la vérité depuis le piédestal d'un mandarin que nous trouverons la solution. Un centre de la science officielle serait plutôt contreproductif.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - L'amélioration de la qualité de l'information scientifique est indispensable, comme le lien entre population et chercheurs dans lequel les journalistes ont un rôle important à jouer. Nous avons donc besoin de confiance réciproque entre journalistes et chercheurs. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - L'objectif est d'avoir, sur tous les territoires, des ressources pour les médias afin de nourrir le débat public et de permettre à chacun de comprendre le monde. Je rejette le qualificatif de vertical, car cela sera construit avec les chercheurs et les usagers. Mon ministère n'est pas celui de la propagande, mais celui des chercheurs. Je regrette, par ailleurs, que vous vous fassiez le porte-voix d'une association qui a refusé d'être auditionnée par l'Assemblée nationale cet été. Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je propose une solution alternative : le média en ligne, libre et gratuit, The Conversation que je lis tous les matins. Ce sont les chercheurs eux-mêmes qui, devenant journalistes, écrivent les articles, dans un langage accessible. Les subventions publiques de ce média ne pèsent que 10 % de ses dépenses de fonctionnement ; il est soutenu par 60 établissements d'enseignement supérieur ou centres de recherche.

C'est un outil exceptionnel qui mérite d'être soutenu par votre ministère, madame la ministre.

M. Joël Labbé.  - Je ne le connais, mais je vais regarder ce site dès ce soir ou demain matin !

Je ne vous fais pas de procès d'intention, madame la ministre, les vôtres paraissent louables. Il est urgent de penser la médiation scientifique alors que notre société est confrontée à des choix techniques de plus en plus complexes. La solution de centres sciences et média n'est cependant pas la bonne. Il y a un risque d'instrumentalisation de la science.

La référence à l'exemple du Royaume-Uni est mal venue : dans le livre de Stéphane Foucart, Les Gardiens de la raison, on découvre un processus de désinformation au profit de certains donateurs de cette agence et l'existence de conflits d'intérêt chez des journalistes qui ne sont pas toujours des scientifiques de profession.

On risque de créer des groupes d'experts garants de la « bonne science » qui instrumentalisent les discours scientifiques dans l'espace public. Les sciences doivent rester plurielles : laissons s'exprimer la diversité des points de vue scientifiques !

Il faut aussi des journalistes professionnels. On connaît les grosses entreprises qui fabriquent du doute comme sur les OGM ou le glyphosate.

M. le président.  - Veuillez conclure...

M. Joël Labbé.  - Le texte n'apporte aucune garantie en matière de conflit d'intérêt. Il faut supprimer cette disposition.

L'amendement n°200 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°155, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

Alinéa 247

Supprimer les mots :

du type « Tous chercheurs »

M. Jean Hingray.  - Amendement de cohérence.

L'amendement n°155, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°64 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

I.  -  Alinéa 270, deuxième à dernière phrases

Supprimer ces phrases.

II.  -  Alinéa 342, première phrase

Supprimer les mots :

mise en place de « pôles universitaires d'innovation » performants,

M. Jean-Pierre Decool.  - Cet amendement supprime les pôles universitaires d'innovation (PUI), source de complexité.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Le label PUI permettra de fluidifier les relations entre les acteurs de la recherche et de l'économie. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°64 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

Mme Marie-Pierre Monier .  - L'article 2 planifie l'augmentation des crédits de la recherche jusqu'en 2027. Comme toujours, le travail en commission a été intéressant et productif ; il a permis de réduire la période de programmation. L'augmentation budgétaire mérite d'être saluée, mais elle pourrait être supérieure.

Demeure cependant un sujet d'inquiétude. La recherche française a besoin de financements pérennes. Or l'augmentation du budget de l'ANR va accroître le recours aux appels à projets, mais celui-ci ne doit pas devenir la règle. Il s'agit d'un modèle incertain et chronophage pour les chercheurs obligés à une quête perpétuelle de financements. Il faut leur donner des moyens pérennes, quelle que soit leur localisation sur le territoire, et augmenter le nombre de postes de titulaires.

Notre pays peut briller dans de nombreux domaines de la recherche, mais comment espérer que nos chercheurs trouvent des idées nouvelles pour répondre aux enjeux auxquels nous sommes confrontés ? Nous l'avons vu hier soir avec les néonicotinoïdes et l'insuffisance des financements consacrés à la recherche d'alternative pour la betterave. Les chercheurs ont besoin de temps. Cela a un coût, mais le jeu en vaut la chandelle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - La trajectoire de création d'emplois statutaires doit être renforcée. Vous prévoyez 5 200 emplois supplémentaires sous plafond d'ici 2030. Mais il y a eu tellement de recul que cela ne suffira pas !

Le CNRS a perdu, ces dix dernières années, 3 000 emplois. Entre 2010 et 2018, le nombre d'enseignants-chercheurs a stagné autour de 50 000. Pendant ce temps, les effectifs d'étudiants ont crû de 14 %.

L'augmentation que vous prévoyez ne nous remettra donc pas à flot. En outre, avec le développement des contractuels, vous développez la précarité qui ne permet pas de faire de bons chercheurs. Vous faîtes un effort, mais ce texte remet-il la France à flot ou limite-t-il seulement la casse ? Sans un sursaut en matière d'emplois et de budget, notre Nation risque le déclin.

Dans certains secteurs, il n'y a pas de problèmes budgétaires alors que dans d'autres, il serait irréaliste de prévoir des moyens budgétaires supplémentaires ! Il serait irréaliste de ne pas donner un coup de collier à la recherche.

M. Julien Bargeton .  - Notre modèle de financement de la recherche est mixte : un financement pérenne des laboratoires et des appels à projets, dans une proportion qui reste minoritaire. C'est un choix que nous assumons. La ministre a rappelé ses propositions ; nous examinons ce modèle mixte, sans approche idéologique.

Les appels à projets, les partenariats publics-privés ne sont pas néfastes en soi. En matière d'emploi, de mauvaises décisions ont été prises, vous avez eu l'honnêteté de le rappeler. Mais on reproche un état de fait au moment où le Gouvernement cherche à le combler et à corriger le tir ! C'est un paradoxe.

M. Jérôme Bascher .  - J'ai l'avantage d'être vieux. Entre 2002 et 2004, Bernard Larrouturou s'en souviendra, j'étais au cabinet du ministre de la recherche. Nous avions déjà ce débat. La France a-t-elle chuté depuis ? Non. (M. Pierre Ouzoulias proteste.) La France a-t-elle fait depuis des progrès avec le modèle mixte ? Guère plus et je le regrette. Peut-être n'avons-nous pas été assez dirigistes.

Hier soir, dans cet hémicycle, on reprochait de ne pas avoir mené assez de recherches pour remplacer les néonicotinoïdes ou le glyphosate. Il faut peut-être diriger davantage la recherche.

Je suis attaché à la liberté du chercheur, mais il ne faut pas se plaindre de ne pas disposer d'une technologie si nous n'avons pas orienté la recherche. Madame Lienemann, vous êtes constante dans vos dénonciations, mais il faut explorer toutes les voies de la recherche, y compris en termes d'emplois.

M. Pierre Ouzoulias .  - Monsieur Bascher, non seulement vous ne corrigez pas la trajectoire mais vous l'aggravez ! En 2021, les emplois sous plafond du CNRS diminueront de 41 unités, et il n'y aura aucune création d'emplois pour les autres opérateurs. C'est loin d'être vertueux ! Votre budget pour 2021 montre l'inverse de vos propos : il conforte une diminution systématique et récurrente des crédits.

M. Joël Labbé .  - Il vaut mieux orienter la recherche que la diriger ! Il faut donner davantage de moyens pour la recherche sur le bio. Il y a deux ans, ils ne représentaient que 10 % du budget de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), alors que les besoins sont énormes. On peut orienter politiquement la recherche dans le sens de l'intérêt général.

M. Jérôme Bascher.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°212, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

1° Remplacer le mot :

paiements

par le mot :

paiement

2° Remplacer les mots :

et « Formations supérieures et recherche universitaire » (programme 150), hors contribution du titre 2 au compte d'affectation spéciale « Pensions » et déduction faite, pour le programme 193, du remboursement de la dette française à l'Agence spatiale européenne

par les mots :

déduction faite du remboursement de la dette française à l'Agence spatiale européenne et « Formations supérieures et recherche universitaire » (programme 150) hors contribution du titre 2 au compte d'affectation spéciale « Pensions »

3° Remplacer les mots :

et 2027

par les mots :

et 2030

II.  - Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En millions d'euros courants)

Crédits de paiement

Programme budgétaire

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Programme 172

+224

+559

+785

+1 109

+1 455

+1 816

+2 193

+2 499

+2 805

+3 110

Programme 193

- 32

+4

+76

+107

+138

+169

+201

+232

+263

+294

Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150

+165

+302

+445

+589

+713

+820

+911

+1 175

+1 438

+1 701

III.  -  Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

(En millions d'euros courants)

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Autorisations d'engagement de l'Agence nationale de la recherche

+403

+403

+403

+509

+646

+859

+1 000

+1 000

+1 000

+1 000

Ces montants incluent, pour les années 2021 et 2022, les crédits du plan de relance.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement poursuit un double objectif : rétablir une trajectoire de dix ans pour la programmation et faire figurer l'apport de 428 millions d'euros à l'ANR dans le cadre du plan de relance : 286 millions d'euros en 2021 et 142 millions d'euros en 2022.

M. le président.  - Amendement n°143, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 1

Après les mots :

 (programme 150),

insérer les mots :

et « Vie étudiante » (programme 231),

II.  -  Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En millions d'euros constants)

Programme budgétaire

Crédits de paiement

2022

2023

2024

2025

2026

Programme 172

+2100

+2700

+3200

+3600

+4055

Programme 193

+150

+280

+350

+400

+442

Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150

+1050

+1750

+1950

+2100

+2159

Vie étudiante 231

+290

+340

+ 370

+410

+445

M. Pierre Ouzoulias.  - L'université est la grande absente de ce texte. Or parmi les étudiants d'aujourd'hui se trouvent les chercheurs de demain.

Ce texte devrait donc se préoccuper de la baisse dramatique du nombre de doctorants. En 2006, 11 % des étudiants de master continuaient en doctorat, contre 4 % aujourd'hui. Sans doctorant, les moyens supplémentaires seront inutiles. Nous perdons tout un vivier de chercheurs, car les conditions d'études sont de plus en plus dures : ainsi, 40 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté ; un étudiant sur deux est obligé de travailler pour vivre, ce qui s'avère complexe en cette période de pandémie.

Cet amendement rajoute donc une ligne - oubliée sans doute - dans votre tableau budgétaire sur la vie étudiante, pour retrouver le ratio budgétaire par étudiant d'il y a dix ans.

M. le président.  - Amendement n°144, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer les mots :

hors contribution

par les mots :

à l'exclusion des dépenses

et les mots :

au compte d'affectation spéciale « Pensions »

par les mots :

, conformément aux engagements prévus à l'alinéa 159 du rapport annexé en matière d'effectifs sous plafonds de l'État et des opérateurs des trois programmes 150, 172 et 193

II.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les crédits supplémentaires inscrits au tableau constituant le deuxième alinéa sont par ailleurs complétés, sur la durée de la programmation, par un financement complémentaire compensant les surcoûts nets mécaniques en matière de masse salariale, notamment le glissement vieillesse technicité.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement concerne, le glissement vieillissement technicité (GVT), soit le surcoût imposé à la masse salariale des emplois des universités que celles-ci compensent en n'embauchant plus. La perte d'emplois due au GVT est prodigieuse.

Quand nous votons un budget avec un nombre d'emplois sous plafond, celui-ci n'est jamais atteint. De 2005 à 2018, il a ainsi manqué 4 161 postes dans l'enseignement supérieur et la recherche et 4 000 postes du CNRS. Nous avons donc voté 8 000 postes qui n'ont jamais été créés ! Et le protocole signé avec les syndicats va encore augmenter la masse salariale.

Nous avons besoin d'un engagement fort du Gouvernement sur la compensation du GVT, car on ne peut pas continuer ainsi.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

(En millions d'euros courants)

En crédits de paiement

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Programme 172

+1215

+2201

+3600

+4842

+6077

+7543

+9008

Programme 193

+57

+122

+182

+248

+318

+357

+394

Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150

+360

+931

+1083

+1376

+1660

+1735

+1801

Mme Marie-Pierre Monier.  - Avec cet amendement, nous augmentons le montant global de la programmation, pour relever le défi des 3 % du PIB destinés à la recherche, dont 1 % pour la recherche publique.

Cet amendement se fonde sur l'avis du rapporteur de la commission des finances qui indique que la programmation ne prend pas en compte l'inflation, pour prévoir une programmation digne de ce nom.

M. le président.  - Amendement n°59 rectifié terdecies, présenté par Mme Guidez, MM. Guerriau, Bonhomme, Lefèvre et Wattebled, Mme C. Fournier, MM. Henno et Canevet, Mme Billon, M. Kern, Mmes Loisier, Sollogoub et de Cidrac, M. Regnard, Mme Paoli-Gagin, M. Menonville, Mme Bonfanti-Dossat, MM. P. Martin, Pellevat, del Picchia, Cigolotti, Bouchet, Sautarel et Decool, Mmes Saint-Pé, Thomas et N. Delattre et M. Delcros.

Alinéas 2 et 4

Remplacer le mot :

courants

par les mots :

en valeur 2020

Mme Jocelyne Guidez.  - Cet amendement conforte la stabilité financière de la programmation en corrigeant l'impact de l'inflation.

Dans son avis de juin 2020, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) souligne que la hausse de la dépense publique ne permettra pas d'atteindre - malgré la récession prévue en 2021, voire 2022 - l'objectif de 3 % du PIB que la France s'est fixé il y a vingt ans et qui permettrait de redonner le souffle nécessaire à la recherche française.

La France s'était engagée à investir 1 % de son PIB dans la recherche publique. Selon le collectif des Sociétés savantes académiques de France, le PIB de 2030 atteindrait 2 900 milliards d'euros courants. Dans ce scénario réaliste, ce sont donc près de 12 milliards d'euros courants additionnels qu'il faudrait ajouter au budget annuel de la recherche publique à l'horizon 2030 et non pas 5 milliards d'euros.

M. le président.  - Amendement n°145, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 3

Après le mot :

attribués

insérer les mots :

, notamment au titre des rescrits de crédit d'impôt recherche,

II.  -  Alinéa 4, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Crédits de paiement de l'Agence nationale de la recherche

+6 793

+ 6 935

+ 7077

+7217

+7359

+7500

 

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur Bascher, j'apprends vite : les financements sur projets sont vertueux (Sourires), donc je vous propose de verser les 6,5 milliards d'euros du Crédit impôt recherche (CIR) à l'ANR pour qu'elle assure un contrôle de ces sommes. (M. Jérôme Bascher s'exclame.)

Mes collègues chercheurs trouvent une forme de mépris dans les coupes de leur budget de fonctionnement, alors que les 6,5 milliards d'euros du CIR sont versés sans contrôle ni évaluation a priori ou posteriori. (M. Jérôme Bascher le nie.)

Monsieur Bascher, citez-moi le titre d'un article publié en 2019 grâce au CIR. Je le demande aussi sans succès à la ministre depuis trois ans.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°212, revenant sur l'avis de la commission de ramener la durée de la programmation à sept ans.

Monsieur Ouzoulias, l'intention est louable, mais votre trajectoire budgétaire n'est ni raisonnable ni crédible. Avis défavorable à l'amendement n°143.

Sur l'amendement n°144, la prise en charge du GVT n'est effectivement pas résolue ; nous avons besoin de précisions supplémentaires. Nous n'avons pas eu la chance de pouvoir consulter le protocole d'accord. Avis défavorable, mais il faut préciser les choses.

Avis défavorable à l'amendement n°33 rectifié bis. L'effort prévu par le Gouvernement pour remédier à des années de sous-investissement chronique dans la recherche demeure insuffisant pour atteindre l'objectif de 3 % du PIB dont 1 % pour la recherche publique. Nous avons diminué la durée de la programmation pour permettre une montée en charge plus rapide, ce qui semble plus crédible que votre proposition.

La présentation en euros courants est classique, pour les lois de programmation. Au demeurant, la rédaction de l'amendement n°59 rectifié terdecies n'est pas très claire : il eût fallu écrire « en euros constants de 2020 » plutôt qu'en « euros en valeur 2020 ». Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°145 préconise un procédé budgétaire assurément créatif, mais peu solide juridiquement, malgré un juste diagnostic sur le CIR, qui pâtit souvent d'une transparence insuffisante.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°143. Je précise que 500 millions d'euros ont été consacrés aux budgets des universités pour accompagner l'augmentation du nombre d'étudiants, prévisible depuis les années 2000. On aurait pu s'y préparer un petit peu mieux...

Nous avons de moins en moins de doctorants en raison du manque de financements. Nous voulons que 100 % d'entre eux soient financés. La vie étudiante, évidemment essentielle, sera dotée de 134 millions d'euros supplémentaires dans le budget 2021, en plus des aides diverses et variées dont nos étudiants ont bien besoin. Avis défavorable à l'amendement n° 144.

Avis défavorable également à l'amendement 33 rectifié bis. J'ai déjà expliqué que l'horizon de la recherche est le long terme. Un projet de recherche dure bien plus qu'un an ! Avis défavorable à l'amendement n°59 rectifié terdecies de Mme Guidez ; on ne peut malheureusement prévoir une augmentation systématique du PIB avec la crise actuelle.

Les demandes de CIR sont validées scientifiquement par la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI).

Monsieur Ouzoulias, je viens de trouver à l'instant un article publié en 2019 par Diableloop, une start-up française, dans The Lancet Digital Health...

Mme Céline Brulin et  M. Pierre Ouzoulias.  - Pour 6,5 milliards d'euros !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Vous m'avez demandé un article ! Avis défavorable à l'amendement n°145.

M. Éric Kerrouche.  - Avec ma casquette de directeur de recherche, je peux affirmer que ce sont ceux qui dirigent les thèses qui dissuadent d'excellents étudiants d'en faire, car ils savent et anticipent qu'ils n'auront ensuite pas de poste. C'est dramatique : on se prive de l'avenir.

L'augmentation de 400 millions d'euros des crédits de l'ANR sur 500 millions d'euros de crédits. Depuis sa création en 2005, l'ANR a financé 18 000 projets. La Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFD) a distribué 3,3 milliards d'euros à ses chercheurs pour 21 000 projets en 2019 : si l'on veut avoir de l'ambition, on peut !

Le financement par le préciput est une exception en Europe et favorise certaines équipes au détriment d'autres ; il ne couvre pas tous les frais de fonctionnement et son organisation est complexe.

Ces choix se font au détriment de l'aspect structurel. Les apprentis chercheurs ne sont pas des hamsters pédalant à toute vitesse pour proposer des projets de recherche.

M. Jérôme Bascher.  - Sans être un grand scientifique, je suis un budgétaire - même si cela paraît parfois un peu « sale » de parler d'argent dans le secteur de la recherche, surtout à propos de programmation.

Un membre du Gouvernement va contre les propositions budgétaires des autres ministères. Toutes les lois de programmation sont à sept ans, et pour vous, c'est dix ans ! Cela manque de cohérence...Au moins c'est long, personne ne sera là pour l'assumer.

Le GVT dans la recherche est un vieil oubli. Pour l'avoir souvent négocié, il est un vrai enjeu. Mais il peut y avoir un effet de noria avec un GVT négatif, quand de vieux directeurs de recherche sont remplacés par de jeunes chargés de recherche.

La loi fixe les conditions du CIR. Laissons la liberté au public comme au privé ! On remarque que la croissance des dépenses de recherche est particulièrement forte dans le privé et qu'il crée plus de brevets ! (M. Pierre Ouzoulias proteste.) Certes, c'est de la recherche appliquée, et non fondamentale...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il est dommage de segmenter les sujets, alors qu'il faut une bonne collaboration entre recherche publique et privée.

Des tonnes de rapports au Sénat nous rappellent que le CIR n'est pas suffisamment ciblé, qu'il entraîne beaucoup de pertes en ligne et qu'il n'est pas suffisamment soumis à conditions...

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - C'est hors sujet !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - De nombreux labos de recherche de Sanofi bénéficient de pelletées de CIR, mais délocalisent en dehors de la France.

Arrêtons de faire croire que la recherche privée est brimée ; elle est financée à 30 %, soit le deuxième rang en Europe ! Et ce n'est pas parce qu'elle est plus financée qu'elle se développe.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - C'est faux !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - On n'entend jamais le Medef sur ses projets de recherche...

A contrario, on est les meilleurs pour financer le privé par le public : 5,2 % de la recherche publique est financée par le privé en France, c'est 7 % en moyenne dans l'Union européenne et 12,5 % en Allemagne.

Arrêtez de nous faire passer pour des bolcheviks qui n'ont d'yeux que pour le public !

M. Marc Laménie.  - Les nombreux amendements sont intéressants, notamment l'amendement n°143 de M. Ouzoulias. Sur les trente missions de l'État, il y a une mission ESR ; tout est lié. La tâche est ardue et programmer les crédits de la recherche à moyen et long terme est assurément compliqué. Je suivrai l'avis de la rapporteure sur ces amendements, mais on peut s'interroger sur cette programmation, pour revenir à 2027.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je reviens sur la période de création de l'ANR, dont je me souviens très bien...

M. Jérôme Bascher.  - Ah !

M. Jean-Pierre Sueur.  - À l'époque, le Président de la République et son Gouvernement avaient multiplié les diatribes contre le CNRS et sa bureaucratie, où - rendez-vous compte ! - des chercheurs décidaient, parfois démocratiquement, de la gouvernance du laboratoire. Il fallait passer un coup de balai ! Le pouvoir central devait décider d'une politique et choisir des projets en fonction de critères qu'il déciderait lui-même...

Il y a là un héritage qui pose encore problème. Je soutiendrai donc l'amendement de Mme Robert.

Madame la ministre, vous avez fait un pas avec votre amendement. Vous avez senti qu'il fallait redonner confiance aux chercheurs et revoir l'ANR. Les équipes s'inscrivent dans le temps et travaillent dans une certaine gratuité pour arriver à quelque chose. Cette philosophie doit être rappelée au moment de se prononcer sur ces amendements : il faut garder un équilibre, en vertu de la recherche fondamentale.

M. Max Brisson.  - Je viens de relire les amendements. Nous rappelons notre attachement à la trajectoire à sept ans. On peut avoir des intentions louables, mais il faut revenir à des réalités. Les appels à projets permettent de remettre en cause certaines rentes de situation et, sinon de diriger, car nous ne sommes plus au temps de « l'ardente obligation » gaullienne, d'orienter, d'impulser et de renouveler.

Les amendements nos212, 143, 144 et 33 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'amendement n°59 rectifié terdecies est retiré.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

Après l'alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Les effectifs sous plafond des établissements publics sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (EPSCP, EPST et EPIC) évolueront selon la trajectoire suivante :

En équivalent temps plein travaillés, et en écart par rapport à 2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Incidence de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche sur les effectifs sous plafond de l'État et des opérateurs des trois programmes budgétaires P150, P172 et P193

+2757

+3407

+4057

+4707

+5207

+5657

+6057

 

M. Jean Hingray.  - Cet amendement intègre à la partie normative de la loi de programmation l'évolution des effectifs planifiée en équivalent temps plein travaillé (ETPT).

L'une des plus vives craintes du monde de la recherche est que les nouvelles modalités de recrutement ne viennent se substituer aux recrutements actuels. Le rapport annexe montre le contraire mais il n'a pas valeur normative.

L'augmentation du nombre d'ETPT est fonction de l'évolution des crédits : cela ne devrait donc pas poser de problème et rassurer la communauté des chercheurs.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - L'idée est intéressante mais la trajectoire ne me semble pas pertinente. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°9 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage et S. Robert, MM. Cardon, Lurel et Dagbert, Mmes Meunier et Préville, MM. Vaugrenard, Tissot, Redon-Sarrazy, J. Bigot, Devinaz, Leconte et Temal et Mme Monier.

Après l'alinéa 4 

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

II bis.  -  Les bénéficiaires des financements publics destinés à la recherche et au développement, qu'ils soient des personnes morales de droit public ou de droit privé, mettent à la disposition de l'État le montant détaillé par projet des investissements dont ils ont bénéficié pour le développement des connaissances et inventions développées avec l'aide desdits financements publics, pour que ces derniers soient publiés.

II ter.  -  Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation met à la disposition du public un répertoire consultable des informations mentionnées au II bis.

Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret.

Mme Angèle Préville.  - Le budget de l'État contribue très largement, par des financements directs ou indirects, à la recherche et au développement des médicaments arrivant sur le marché, en finançant l'enseignement supérieur par l'octroi de subventions aux entreprises telles que le crédit d'impôt recherche (CIR) et le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et par le partage de la connaissance sur les découvertes scientifiques.

Depuis le début de la pandémie, des États européens ont investi plus de 870 millions d'euros dans la recherche sur les vaccins, traitements et diagnostics, la France ayant déjà investi plus de 57,25 millions d'euros. L'Union européenne a déjà contribué à hauteur de 400 millions d'euros au Covid-19 Vaccine Global Access. Elle a signé des accords bilatéraux de préachat de doses de vaccins candidats, indisponibles à la consultation du public.

Cela pose un grave problème de redevabilité des bénéficiaires de ces incitations publiques, afin que ces produits soient disponibles à prix coûtant. La transparence assurera la mise à disposition au public de ces informations.

M. le président.  - Amendement identique n°167 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

M. Bernard Fialaire.  - L'État porte un effort public à hauteur de 0,78 % du PIB. Dans le contexte de la crise de la covid-19, cet effort s'oriente en grande partie vers la recherche d'un vaccin. S'y ajoutent des financements européens. Il règne toutefois une certaine opacité sur la fixation du prix. Il faut davantage de transparence.

M. le président.  - Amendement n°178, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'alinéa 4

Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :

II bis.  -  Les bénéficiaires des financements publics destinés à la recherche et au développement, qu'ils soient des personnes morales de droit public ou de droit privé, mettent à la disposition de l'État le montant détaillé par projet des investissements dont ils ont bénéficié pour le développement des connaissances et inventions développées avec l'aide desdits financements publics, pour que ces derniers soient publiés.

II ter.  -  Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation met à la disposition de la société un répertoire consultable des informations mentionnées au II bis.

II quater.  -  Les conditions d'application des mesures prévues au I et II bis sont fixées par décret.

Mme Monique de Marco.  - L'objectif de porter la recherche publique à 1 % du PIB est ambitieux. Mais une partie non négligeable de cet effort va vers le privé, comme le CIR ou le CICE. Cet argent public est distribué à des acteurs qui recherchent le profit. Il doit être mieux contrôlé et ces acteurs privés doivent rendre compte de la manière dont cet argent est utilisé.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable aux amendements nos75 rectifié, 167 rectifié et 178.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis.

À la demande de la commission de la culture, les amendements identiques nos75 rectifié bis et 167 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°9 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 106
Contre 235

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°178 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 2 BIS

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les critères d'évaluation de l'amélioration des performances de la recherche française sont définis après un débat public qui associe les services du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, le Comité national de la recherche scientifique, les conseils scientifiques des principaux opérateurs de la recherche, le Parlement et notamment en son sein l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement précise les critères d'évaluation de la réalisation de cette loi de programmation. L'étude d'impact indique que ces critères reposeront sur les grands classements internationaux, tel celui de Shanghai -  dont vous avez compris que ce n'est pas ma tasse de thé. Il manque en outre le classement Thomson-Reuters qui place quatre établissements de recherche français - CNRS, Inrae, Inserm et Inria - parmi les vingt-cinq premiers.

Lors de son audition comme candidat à la présidence de l'Hceres, Thierry Coulhon, à propos du classement de Shanghai, nous a dit qu'il avait plaidé pour une démystification ; il voulait que nous arrêtions de « jouer aux petits chevaux » avec ce classement.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Même si M. Coulhon l'a effectivement évoqué en commission, je doute de l'opérationnalité, compte tenu du nombre important d'acteurs qu'il faudrait mettre autour de la table. Retrait, à défaut avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est un peu court. Je ne suis pas hors sujet. Je conteste les critères posés par l'étude d'impact. Sortons du fétichisme du classement de Shanghai ! À plusieurs reprises, madame la ministre, vous vous êtes émue de la façon dont cette loi risque de polariser la recherche autour de grands pôles. Nous préconisons un autre modèle, français, d'aménagement du territoire, qui ne rentre absolument pas dans les critères du classement de Shanghai. Je m'interroge sur la capacité de celui-ci à mesurer la liberté d'expression, la liberté académique, dont nous avons souligné l'importance en préambule.

M. Éric Kerrouche.  - Les classements véhiculent une idéologie, une certaine vision du monde. Le classement de Shanghai a été complètement dévoyé : les sciences humaines et sociales ne sont pas prises en compte. Ils ne sont pas neutres. Si nous les acceptons, nous renonçons à notre souveraineté universitaire. C'est l'enjeu de cet amendement.

L'amendement n°89 n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°91 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 123-9 du code de l'éducation, après le mot : « moyens », sont insérés les mots : « , y compris budgétaires, ».

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous souhaitons ajouter une phrase dans le code de l'éducation, précisant que l'État met à la disposition de nos enseignants-chercheurs les moyens de travailler.

La situation est absurde aujourd'hui : certains enseignants-chercheurs, recrutés à très haut niveau international, n'ont aucun moyen de fonctionnement pour travailler.

M. le président.  - Amendement identique n°180 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Thomas Dossus .  - L'article L. 123-9, instauré par la loi Faure, prévoit que « les universités et les établissements d'enseignement supérieur doivent assurer les moyens d'exercer leur activité d'enseignement et de recherche dans les conditions d'indépendance et de sérénité indispensables à la réflexion et à la création intellectuelle ».

Les burn out se multiplient, l'enseignement supérieur et la recherche deviennent une machine à broyer de l'humain. Il faut y mettre les moyens budgétaires.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Ces amendements sont peu opérants voire déclaratifs. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis. Parfois les appels à projets sont synonymes d'émancipation.

Les amendements identiques nos91 rectifié et 180 rectifié ne sont pas adoptés.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture .  - En deux heures, nous avons examiné 33 amendements. Il nous en reste plus de 200, dans un calendrier contraint puisque nous devons nous interrompre demain en fin de matinée. À ce rythme, nous n'aurons pas examiné la moitié des amendements demain midi.

Le confinement commence demain soir et certains de nos collègues devront regagner leur domicile en province. Nous risquons donc d'être en difficulté pour examiner ce projet de loi vendredi. J'invite chacun à être concis...

TITRE II : AMÉLIORER L'ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS SCIENTIFIQUES

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Reconnaître pour la Nation l'importance des métiers de la science

M. Pierre Ouzoulias.  - Avons-nous choisi ce calendrier ? La communauté scientifique attend ce texte depuis 18 mois ! (Applaudissements à gauche ; M. Jérôme Bascher applaudit également.) Le Gouvernement a choisi de ne le présenter que maintenant, quand nous sommes en pleine préparation de la discussion budgétaire, alors qu'il était prêt depuis le début de l'année. Nous n'avons pas à subir les conséquences d'un choix incohérent, qui est un manque de respect pour le Sénat.

Le terme d'« attractivité » n'est guère approprié. L'énorme distorsion énorme entre le nombre de candidats et le nombre de postes ouverts montre bien que ceux-ci sont attractifs. Les concours de recrutement de l'enseignement supérieur et du CNRS sont de niveau international : 30 % des recrutés au CNRS sont des candidats étrangers. Le problème n'est pas l'attractivité mais le manque de postes !

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Je reste persuadée qu'il y a un manque d'attractivité des carrières et des rémunérations. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Selon le rapport du groupe de travail du CNRS, entre 2011 et 2018, le nombre de candidats au concours de chargé de recherche est passé de 8 120 à 5 445, le nombre de candidats ingénieurs et techniciens a baissé de 43 %, la part des lauréats étrangers a reculé de 31 % à 25 %. Je nomme les choses et j'assume de dire que nous avons un problème d'attractivité.

L'amendement n°123 n'est pas adopté.

L'amendement n°1 rectifié quinquies n'est pas défendu.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Madame la ministre, je n'ai toujours pas compris ce dispositif des chaires de professeur junior. Vous avez expliqué dans la presse que la tenure track permettait de passer un concours une fois pour toutes. Je comprends donc qu'il s'agit d'un pré-recrutement et que le deuxième jury est lié par la décision du premier. On pourra passer du CNRS à l'université ou vice versa : c'est donc une gestion unique des corps de chercheurs et des enseignants-chercheurs, ce qui représente un changement fondamental ! Quelle est l'indépendance ce choix du deuxième jury ?

M. le président.  - Amendement identique n°182, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Monique de Marco.  - Nous nous interrogeons sur cette titularisation dérogatoire au droit de la fonction publique. Ces contrats à durée déterminée, sans concours et sans passer par un emploi de chargé de recherche ou de maître de conférences, s'intercaleraient entre les post-doc et le recrutement statutaire. Vous tablez sur la mise en concurrence, avec des statuts différents pour une même fonction, au détriment de la cohésion du corps professoral.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Ces chaires visent à pallier les difficultés de recrutement dans des filières précises et à recruter des profils spécifiques. La commission a abaissé à 15 % le taux maximal de recrutements par cette voie et a encadré le dispositif. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable. Il y a un jury de recrutement, le candidat est recruté dans un corps. Le contrat peut être porté par un EPST ou par une université ; il conduit à une titularisation dans le corps des directeurs de recherche et dans le corps des professeurs, respectivement. Il n'y a pas de jury mais une commission de titularisation.

M. Éric Kerrouche.  - À quoi cela sert-il, alors, que des fléchages existent ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Vous décrivez exactement le parcours que j'ai suivi comme chargé de recherche au CNRS : recrutement puis titularisation un an après par le même jury.

Mais ce que vous proposez est autre chose et un document du CNRS le décrit très bien : l'objectif est de recruter des mathématiciens au CNRS avant de les faire passer à l'université, dans le corps des professeurs. Si ce n'est pas cela, quel est l'intérêt du dispositif ? Une clarification s'impose. Je comprends, à vous entendre, qu'il y aurait un seul jury de recrutement, qui procèderait aussi à la titularisation. Ce n'est pas ce que dit le texte.

Les amendements identiques nos124 et 182 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéas 2 et 16

Après le mot :

autorisé,

insérer les mots :

dans le cadre d'une expérimentation visant à créer des chaires de professeurs juniors qui prend fin le 31 décembre 2027,

II.  -  Alinéa 31

Au début, insérer les mots :

Avant la fin de l'expérimentation prévue au premier alinéa de l'article L. 422-3 du code de la recherche et au premier alinéa de l'article L. 952-6-2 du code de l'éducation,

Mme Sylvie Robert.  - Ce dispositif de chaire de professeur junior est peu encadré. La commission a beau avoir limité à 15 % de recrutements dans un même corps et garanti la prorogation du contrat en cas de congé maternité ou maladie, il est prématuré d'inscrire ces chaires dans les codes : choisissons plutôt la voie de l'expérimentation jusqu'à la fin 2027. Celle-ci serait évaluée lors de la remise rapport gouvernemental voulu par l'Assemblée nationale.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Une expérimentation retarderait les recrutements nécessaires dans ces corps. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - C'est un outil, sans aucune obligation. Nous verrons s'il est pertinent, et s'il est utilisé. Avis défavorable.

L'amendement n°38 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°81 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre et Daubresse, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et MM. Tabarot et Segouin.

Alinéa 2

Après les mots :

l'éducation,

insérer les mots :

et qualifiées par le Conseil national des universités,

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable. L'objectif est précisément de supprimer l'étape de la qualification afin d'avancer l'âge de recrutement. La commission a prévu la présence de membres du Conseil national des universités (CNU) à la commission de titularisation.

L'amendement n°81 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°164 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

Alinéa 3 et alinéa 17, première phrase

Remplacer le taux :

15 %

par le taux :

20 %

M. Bernard Fialaire.  - Défendu.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous avons abaissé le taux à 15 %.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°164 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. -  Alinéa 3

Après les mots :

l'établissement

insérer les mots :

et après avis favorable de leur conseil scientifique

II.  -  Après les alinéas 12 et 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de non-titularisation, la décision de la commission est motivée par des critères précis, publiée de manière ouverte, et opposable juridiquement.

III.  -  Alinéa 17, première phrase

Après les mots :

l'établissement

insérer les mots :

et après avis favorable de leur conseil académique, ou du conseil qui en tient lieu

Mme Sylvie Robert.  - Cet amendement garantit l'intérêt scientifique des recrutements sur les chaires de professeurs juniors, en faisant intervenir les instances d'évaluation compétentes des établissements concernés.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié terdecies, présenté par Mme Guidez, MM. Guerriau, Bonhomme, Lefèvre, Delahaye et Wattebled, Mme C. Fournier, MM. Henno et Canevet, Mme Billon, M. Kern, Mme Loisier, M. Nachbar, Mmes Sollogoub et de Cidrac, MM. Regnard et Menonville, Mmes Bonfanti-Dossat et Doineau, MM. P. Martin, Pellevat, del Picchia, Cigolotti, Bouchet et Sautarel, Mmes Saint-Pé et Thomas et MM. Decool et Delcros.

Alinéa 3 et alinéa 17, seconde phrase

Remplacer le taux :

25 %

par le taux :

15 %

Mme Jocelyne Guidez.  - L'article 3 instaure une nouvelle voie de recrutement pour les titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent, avec un système de « pré-titularisation conditionnelle ». Ces chaires d'excellence permettraient à des contractuels de bénéficier en trois à six ans d'un passage rapide au grade de professeur ou directeur de recherche.

Ce serait une rupture complète avec le mode de recrutement national par concours de la fonction publique ! Ces embauches, s'imputant sur le même budget que les postes de professeurs des universités et directeurs de recherche, diminueraient les possibilités d'évolution vers ces grades pour les maîtres de conférences et chargés de recherche.

Faisons au moins de cette voie de recrutement une exception. Notre amendement réduit le pourcentage annuel autorisé de 25 % à 15 % dans chaque corps.

M. le président.  - Amendement n°92, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 9 à 12

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« III.  -  Au terme de son contrat, le contractuel peut être titularisé dans un corps de directeur de recherche à l'issue d'un concours organisé dans les conditions prévues au 2° de l'article 19 de la loi n°84-16 du 12 juin 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le Conseil constitutionnel devra comprendre l'intention du législateur : est-ce bien un concours de recrutement, puis une titularisation, par le même jury ? S'agit-il de deux jurys indépendants avec des avis souverains ? Car votre avis semble avoir changé, madame la ministre...

M. le président.  - Amendement n°220, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 9, seconde phrase

Remplacer les mots :

président ou le directeur général de l'

par les mots :

chef d'

II.  -  Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce bilan comporte notamment des données relatives aux parts des femmes et des hommes dans ces recrutements.

III.  -  Alinéas 14 et 28

Supprimer les mots :

, les modalités de la présentation par le chef d'établissement du bilan annuel prévu au III bis

IV.  -  Alinéa 17

a) Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps est inférieur à cinq

b) Seconde phrase

Après le mot :

établissement

insérer les mots :

dans le corps

et supprimer les mots :

ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps concerné est inférieur à cinq

V.  -  Alinéa 23, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'intéressé est ensuite titularisé par décret du Président de la République, sur proposition du chef d'établissement après avis de la commission.

VI.  -  Alinéa 27, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase : 

Ce bilan comporte notamment des données relatives aux parts des femmes et des hommes dans ces recrutements.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Amendement de précision. Il s'agit de se rapprocher des dispositifs de droit commun.

M. le président.  - Amendement n°183, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

I.  -  Alinéa 10, première phrase

Remplacer les mots :

pour moitié au moins

par les mots :

à strictement plus de 50 %

II.  -  Alinéa 24, première phrase

Remplacer les mots :

pour moitié au moins

par les mots :

à strictement plus de 50 %

Mme Monique de Marco.  - Nous voulons nous assurer que les commissions de recrutement et de titularisation seront majoritairement composées de membres externes, afin d'éviter les blocages. On connaît des cas où les établissements ne souhaitent pas recruter pour ne pas grever leur budget...

M. le président.  - Amendement n°219, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 11

Supprimer les mots :

de recherche

II.  -  Alinéa 25

1° Supprimer les mots :

d'enseignement

2° Supprimer les mots :

de recherche

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Amendement rédactionnel. Je veux répondre à M. Ouzoulias : le premier jury statue sur les candidats dans le cadre d'un concours. Cela débouche sur un contrat, à l'issue duquel une commission d'aptitude vérifie que l'intéressé a bien rempli le contrat. Il n'y a plus de concurrence à ce stade.

M. le président.  - Amendement n°52 rectifié, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

d'une durée de six ans

Mme Sylvie Robert.  - Cette nouvelle voie de titularisation est subordonnée à un engagement de servir, mais pour quelle durée ? Certes, cet article 3 prévoit qu'un décret en Conseil d'État en fixera les modalités. Ces conditions devraient néanmoins être fixées dans le respect d'un cadre défini par le Parlement.

Que la titularisation soit assortie d'un véritable engagement, oui, mais la mobilité est également importante. Six ans paraissent corrects.

M. le président.  - Amendement n°184, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après les alinéas 12 et 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de non-titularisation, la décision de la commission est motivée par des critères précis, publiée de manière ouverte, et opposable juridiquement.

Mme Monique de Marco.  - Le refus de titularisation doit être motivé. Ce doit être une décision opposable juridiquement.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mmes Monier et G. Jourda, M. Redon-Sarrazy, Mmes Lepage et Préville, MM. J. Bigot, Tissot, Vaugrenard, Magner et Cardon, Mme Conway-Mouret et MM. Assouline et Antiste.

I.  -  Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le recrutement est réalisé, après appel public à candidatures, à l'issue d'une sélection par le comité de sélection prévu à l'article L. 952-6-1.

II.  -  Alinéa 23, première phrase

Remplacer les mots :

une commission de titularisation

par les mots :

le comité de sélection prévu à l'article L. 952-6-1

III.  -  Alinéa 24

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Cet amendement de repli garantit que la commission décidant de la titularisation des chaires juniors soit de même nature que celle qui décide du recrutement des maîtres de conférence.

Il est logique au sein d'une même université que les mêmes personnes soient chargées de l'ensemble des recrutements, pour une égalité des candidats. Il n'est pas sûr qu'un tenure track renforce l'attractivité des postes ni qu'il constitue une réelle opportunité.

Nous craignons en réalité une augmentation du nombre de vacataires. Préférons un recrutement d'enseignants-chercheurs titulaires et une amélioration de leur rémunération en début de carrière.

M. le président.  - Amendement n°93, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 23 à 26

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« III.  -  Au terme de son contrat, le contractuel peut être titularisé dans un corps de professeur des universités à l'issue d'un concours organisé dans les conditions prévues au 2° de l'article 19 de la loi n°84-16 du 11 juin 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.

M. Pierre Ouzoulias.  - Si j'ai bien compris, il y a un recrutement puis une titularisation sur titres, mais dans un corps supérieur. C'est une nouveauté absolue dans la fonction publique ! Quelle originalité ! Le Conseil constitutionnel appréciera...

M. le président.  - Amendement n°221, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 24, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement supprime la présence obligatoire des membres du CNU au sein des commissions de recrutement. Rien ne l'interdit, mais c'est en pratique compliqué à imposer.

Les membres du CNU n'ont pas nécessairement le meilleur profil pour faire partie de la commission, car ils ont l'habitude de voir des candidats d'environ 34 ans, qu'ils jugent sur la base de leurs publications scientifiques.

Par ailleurs, le CNU s'étant institutionnellement opposé au principe des chaires de professeurs juniors, imposer par voie législative la présence de ses membres au sein des commissions ne serait pas respectueux de leur avis.

M. le président.  - Amendement n°139 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson et Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet.

Alinéa 26

Supprimer les mots :

à un engagement de servir et

M. Stéphane Piednoir.  - Cet amendement supprime l'obligation d'un engagement de servir pour la titularisation des chaires de professeurs juniors dans le corps des professeurs d'université.

L'engagement de servir, exclusivement dans des corps de catégorie A, constitue la contrepartie d'un investissement consenti par l'administration pour la formation des lauréats. Le professeur junior, lui, est rémunéré pour un emploi.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié bis, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 26

Après le mot :

servir

insérer les mots :

d'une durée de six ans

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Cet amendement renforce l'obligation de servir, en fixant une durée de six ans, plus longue qu'habituellement, pour ne pas porter atteinte aux projets de recherche.

M. le président.  - Amendement n°140 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin et Bonne, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Grosperrin et Gremillet.

I.  -  Alinéa 26

Supprimer les mots :

et à la possession de l'habilitation à diriger des recherches

II.  -  Alinéa 28

Après la référence :

L. 952-3

insérer les mots :

, les modalités de l'appréciation de l'habilitation à diriger des recherches

M. Stéphane Piednoir.  - Il s'agit d'un amendement de précision, à la suite de l'adoption par la commission d'un de mes amendements qui imposait l'obtention de l'habilitation à diriger des recherches pour la titularisation des bénéficiaires de chaire de professeur junior.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

Alinéa 28

Après la référence :

L. 952-3

insérer les mots :

, les modalités de l'appréciation de l'habilitation à diriger des recherches

M. Jean Hingray.  - Nous précisons que le décret en Conseil d'État fixera les modalités de l'appréciation de l'habilitation à diriger des recherches.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - S'agissant de l'amendement n°34 rectifié, en pratique, il est probable que le chef d'établissement consultera le conseil scientifique. Sur le second point, l'amendement est satisfait : comme toute décision administrative faisant grief, une non-titularisation doit être motivée. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°7 rectifié terdecies, en abaissant le pourcentage annuel à 15 % dans tous les cas, rendrait le dispositif inopérant pour les petits corps. Maintenons, pour eux, la dérogation à 25 %.

L'amendement n°92 va à l'encontre de la philosophie du dispositif. Avis défavorable. L'amendement n°220 complète et clarifie utilement la rédaction de l'article 3. Avis favorable.

La composition de ces commissions me semble suffisamment précise ; avis défavorable à l'amendement n°183. Avis favorable à l'amendement rédactionnel n°219.

L'amendement n°52 rectifié est intéressant. On attend un minimum de retour sur investissement, d'autant qu'une dotation de 200 000 euros est prévue pour chaque chaire créée. Avis favorable.

L'amendement n°184 est satisfait, puisque toute décision administrative de refus doit être motivée. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°4 rectifié bis va à l'encontre de la philosophie du dispositif. Avis défavorable. Avis défavorable à l'amendement n°93. L'amendement n°221 revient sur la position de la commission. Avis défavorable.

Une dotation de 200 000 euros étant prévue, avis défavorable à l'amendement n°139 rectifié, un engagement est nécessaire. Pour les mêmes raisons, avis favorable à l'amendement n°53 rectifié bis.

Avis favorable à l'amendement n°140 rectifié car il clarifie la rédaction concernant l'HDR. L'amendement n°151 rectifié est satisfait par le n°140 dont la rédaction est plus complète. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le conseil scientifique peut débattre, mais il émet un avis simple ; c'est le chef d'établissement qui prend les décisions d'emploi. Avis défavorable à l'amendement n°34.

Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié terdecies, le Gouvernement avait proposé 25 %, il est important de conserver un régime particulier pour des corps à faible effectif.

Avis défavorable à l'amendement n°92, il n'est pas question de deuxième concours. On a sélectionné un candidat, la commission vérifie simplement que ses engagements ont été tenus.

Avis défavorable à l'amendement n°183 : ne jouons pas sur les mots, généralement les commissions ont un nombre impair de membres.

Je soutiens l'engagement de servir mais cette question relève du domaine réglementaire. Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°53 rectifié, mais je retiendrai votre proposition lorsque je discuterai avec les organisations syndicales. L'amendement n°184 est satisfait, retrait ou avis défavorable.

Avis défavorable à l'amendement n°4 rectifié bis car le principe est celui de dispositifs particuliers pour les chaires de professeur junior. Avis défavorable à l'amendement n°93 pour les mêmes raisons. Même avis sur le n°139 rectifié, nous ne souhaitons pas supprimer l'engagement de servir.

Retrait de l'amendement n°53 rectifié bis, sinon défavorable. Avis favorable à l'amendement n°140, il faut renvoyer au décret.

Sur l'amendement n°151, demande de retrait au profit du n°140, pour des raisons rédactionnelles.

M. Éric Kerrouche.  - Votre argumentation sur l'amendement n°221 est déplacée. Les membres du CNU ont des expériences d'enseignement ; il serait mal venu de les éjecter sous le prétexte qu'ils voient habituellement des candidats plus âgés !

L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°7 rectifié terdecies est retiré.

L'amendement n°92 n'est pas adopté.

L'amendement n°220 est adopté et l'amendement n°93 n'a plus d'objet.

L'amendement n°183 n'est pas adopté.

L'amendement n°219 est adopté, de même que l'amendement n°52 rectifié.

L'amendement n°184 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos4 rectifié bis et 221.

L'amendement n°139 rectifié est retiré.

L'amendement n°53 rectifié bis est adopté.

Les amendements nos140 rectifié et 151 rectifié n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°82 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre et Daubresse, Mme Billon, M. Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot.

Alinéa 16

Après la référence :

L. 612-7,

insérer les mots :

et qualifiées par le Conseil national des universités,

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

L'amendement n°82, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°68 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

Alinéa 22

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le dossier de renouvellement du candidat est soumis à l'avis du conseil académique et du conseil d'administration réunis en formation restreinte.

M. Jean-Pierre Decool.  - L'alinéa 22 prévoit le renouvellement du contrat sans en détailler la procédure. Le présent amendement précise donc que le conseil académique et le conseil d'administration réunis en formation restreinte se prononcent sur le renouvellement.

M. le président.  - Amendement identique n°174 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Roux.

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Ne rigidifions pas. Avis défavorable à ces deux amendements.

Les amendements identiques nos68 rectifié et 174, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°126 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Savin et de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. Grosperrin et Gremillet.

Alinéa 27, première phrase

Remplacer le mot :

annuel

par le mot :

triennal

M. Stéphane Piednoir.  - Le recrutement selon la nouvelle voie prévue à cet article sera exceptionnel, il représentera un nombre très limité, voire nul, de personnel. Dès lors un bilan annuel ne se justifie pas, un rapport triennal suffit.

L'amendement n°126, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°150, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1°  Au premier alinéa de l'article L. 952-6, après les mots : « statuts particuliers », sont insérés les mots : «, et sauf lorsque le candidat est maître de conférences titulaire » ;

2°  Au premier alinéa de l'article L. 952-6-1, après les mots : « L. 952-6 », sont insérés les mots : « et celles des personnes dispensées de qualification au titre de ce même article » ;

3°  Après l'article L. 952-6-1, il est inséré un article L. 952-6-... ainsi rédigé :

« Art.  L.  952-6-....  -  Une dérogation aux dispositions de l'article L. 952-6-1 peut être accordée à un établissement. Dans ce cas, le comité de sélection peut examiner les candidatures de personnes qui ne disposent pas d'une qualification reconnue par l'instance nationale.

« La dérogation est accordée par décret pris sur proposition du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour une durée inférieure ou égale à cinq ans, sur demande du président de l'établissement. Le décret fixe si la dérogation s'applique pour l'ensemble des recrutements de l'établissement ou, le cas échéant, dresse la liste des disciplines pour lesquelles elle s'applique.

« La dérogation peut être renouvelée dans les mêmes conditions, pour une durée de cinq ans. Le renouvellement est précédé d'une évaluation de la qualité des processus de recrutement de l'établissement, reposant notamment sur un bilan, transmis par l'établissement, des recrutements effectués dans le cadre de la dérogation. Cette évaluation est réalisée par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, ou réalisée par d'autres instances selon des procédures validées par le Haut Conseil.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application des dispositions du présent article. »

...° Le premier alinéa de l'article L. 962-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La qualification par l'instance nationale n'est pas requise lorsque le candidat est maître de conférences titulaire. »

M. Jean Hingray.  - Cet amendement renforce l'autonomie des universités en leur donnant les leviers d'une véritable politique scientifique et de ressources humaines, notamment dans le recrutement des enseignants-chercheurs.

Nous proposons de supprimer l'étape de l'inscription des maîtres de conférences sur une liste de qualification établie par le CNU. Car les maîtres de conférences doivent avoir satisfait déjà plusieurs étapes : obtention du doctorat, inscription sur une liste de qualification, stage et titularisation après un concours, habilitation à diriger des recherches.

En outre les universités sont pleinement en mesure de reconnaître la valeur d'enseignant et de chercheur d'un maître de conférences titulaire après plusieurs années d'exercice.

Pour recruter des maîtres de conférences, il est donc proposé de déroger à l'obligation de recruter une personne qualifiée par le CNU.

Les établissements d'enseignement supérieur choisiront de recourir à la qualification de l'instance nationale, ou appliqueront une procédure propre. L'autonomie des universités en sera renforcée, elles maîtriseront l'intégralité du processus de recrutement - dans la transparence et l'exigence de qualité. Les dérogations feront l'objet d'une évaluation rigoureuse par l'État.

Cet amendement ne supprime aucune des compétences du CNU mais le recentre sur ses travaux relatifs au suivi de carrière.

M. le président.  - Sous-amendement n°238 à l'amendement n°150 de M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, présenté par M. Piednoir.

Amendement n 150, alinéas 7 à 9

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 952-6-....  -  Par dérogation aux articles L. 952-6 et L. 952-6-1 et à titre expérimental, pour les postes publiés au plus tard le 30 septembre 2024, les établissements publics d'enseignement supérieur peuvent demander, après approbation du conseil d'administration, à être autorisés à déroger pour un ou plusieurs postes à la nécessité d'une qualification des candidats reconnue par l'instance nationale afin d'élargir les viviers des candidats potentiels et de fluidifier l'accès aux corps, cela dans toutes les disciplines à l'exception de la médecine, de l'odontologie, de la pharmacie et de celles permettant l'accès au corps des professeurs des universités par la voie des concours nationaux de l'agrégation. La dérogation est accordée par décret pour la durée de l'expérimentation.

« Dans ce cas, préalablement à l'examen des candidatures, le comité de sélection, ou l'instance équivalente prévue par les statuts de l'établissement, examine les titres et travaux des personnes qui ne disposent pas d'une qualification reconnue par l'instance nationale, sur la base du rapport de deux spécialistes de la discipline concernée de niveau au moins équivalent à celui de l'emploi à pourvoir. En cas d'avis favorable du comité de sélection, il ajoute les dossiers ainsi qualifiés à ceux des candidats disposant d'une qualification reconnue par l'instance nationale et à ceux des personnes dont la qualification reconnue par une instance nationale n'est pas requise. Il procède ensuite à l'examen de l'ensemble de ces candidatures.

« Au plus tard le 1er janvier 2025, un rapport d'évaluation de l'expérimentation établi par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur est remis au ministre chargé de l'enseignement supérieur et transmis au Parlement. Cette évaluation porte notamment sur l'incidence de la dispense de qualification reconnue par l'instance nationale sur la qualité et la transparence des procédures de recrutement.

M. Stéphane Piednoir.  - Ce sous-amendement transforme la dérogation en expérimentation - ciblée sur certaines disciplines.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Sagesse à titre personnel sur le sous-amendement n°238 que la commission n'a pu examiner.

Sagesse sur l'amendement n°150.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Ces propositions sont intéressantes. Avis favorable à l'amendement tel que sous-amendé car une expérimentation pour ces disciplines me semble justifiée. Il est temps de faire confiance aux universités pour qu'elles soient les acteurs de leur politique de recrutement.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je suis très surpris ! Par le biais d'un amendement, à minuit et demi, devant un auditoire clairsemé, nous déconstruisons tout le service public de l'enseignement supérieur...

Vous supprimez la gestion nationale des corps par le CNU. Vous aviez promis un projet de loi de programmation strictement budgétaire, sans incidence structurelle... Or vous videz le CNU de sa substance. Nous allons vers une juxtaposition d'établissements indépendants ; c'est un retour aux facultés de l'ancien temps.

Chers collègues, prenez garde, vous allez voter la mort programmée de vos universités de région, car les meilleurs iront dans les grands pôles métropolitains. Nous aurons un système à deux vitesses, avec des universités de relégation. (Applaudissements à gauche)

Le sous-amendement n°238 est adopté.

L'amendement n°150, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Sylvie Robert.  - Cet article 4 crée un nouveau type de contrat doctoral. C'est un CDD de droit privé, moins protecteur que les contrats existants.

Les modifications apportées par notre commission ne sont pas suffisantes. Les doctorants ont certes besoin de ressources mais ces contrats permettront aux entreprises d'embaucher une main-d'oeuvre bon marché. Nous demandons la suppression de cet article.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - La commission a apporté des garanties. Avis défavorable sur la suppression pure et simple.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Nous partageons votre volonté de sécuriser les contrats doctoraux. Les contrats actuellement utilisés par les EPIC, notamment les Cifre, ne sont pas adaptés puisqu'il s'agit de CDD. Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je ne comprends pas vos arguments : vous souhaitez rapprocher l'université de la recherche privée, tout comme nous. La convention Cifre lie le doctorant à son laboratoire et à l'entreprise.

Ce dispositif éloigne l'entreprise du laboratoire : ce n'est pas la bonne solution.

Je vois que le nombre de conventions Cifre diminue. Il aurait fallu comprendre pourquoi et rebâtir autour de ces conventions pour recréer du lien entre le doctorant, le laboratoire et l'entreprise.

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  - Après l'alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Au 1° de l'article L. 1243-10 du code du travail, après les mots : « l'article L. 1242-2 ou », sont insérés les mots « au titre des 1° ou 2°  ».

II.  -  Alinéa 13, seconde phrase

Supprimer les mots :

, ainsi que l'indemnité de fin de contrat prévue à son article L. 1243-8 du même code,

Mme Sylvie Robert.  - Cet amendement de repli donne plus de garanties au contrat doctoral de droit privé. L'Assemblée nationale a amélioré le dispositif initial, mais le doctorant devra prouver ne pas être à l'origine de la rupture du contrat pour percevoir des dommages et intérêts. Ce sera donc au doctorant de prouver qu'il n'est pas à l'origine de la rupture.

Cet amendement prévoit donc le bénéfice de l'indemnité de fin de contrat pour les salariés titulaires sans restriction.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - La rédaction actuelle est suffisamment protectrice : il est normal que le contrat soit rompu en cas de non-réinscription à l'université. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis ; l'inscription à l'école doctorale est une condition du maintien du contrat.

Les conventions Cifre resteront tripartites et s'appuieront sur un vrai contrat de travail. Il y aura cent financements contrats Cifre supplémentaires l'année prochaine.

L'amendement n°36 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°176 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Roux.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

des activités

par les mots :

un volume substantiel d'activités

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement précise que le doctorant recruté par une entreprise doit bien travailler sur des activités de recherche doctorale durant la majeure partie de son temps.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - L'alinéa 7 satisfait déjà cet amendement : retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°176 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°222, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° Et garantit que les activités de recherche mentionnées au 1° du présent I sont en adéquation avec le sujet de la thèse de doctorat préparée par le salarié et constituent l'objet principal de son contrat de travail.

II.  -  Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement précise que les activités de recherche confiées au doctorant salarié sont en adéquation avec son sujet de thèse et constituent l'objet principal de son contrat de travail. Un décret d'application apportera des garanties complémentaires aux doctorants.

M. le président.  - Amendement n°185, présenté par Mme deMarco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les écoles doctorales mentionnées à l'article L. 612-7 du code de l'éducation s'assurent de cette adéquation au moment de l'inscription initiale du doctorant et de ses réinscriptions ultérieures.

M. Thomas Dossus.  - Le projet de loi prévoit la création d'un contrat doctoral de droit privé, permettant à un chercheur préparant sa thèse de travailler dans une entreprise privée, à la condition que l'objet principal de son contrat de travail soit en adéquation avec sa thèse. Or il n'est pas précisé dans la rédaction actuelle du texte qui aura la charge de s'assurer de cette adéquation. Cette vérification pourrait être à la charge des écoles doctorales.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le salarié jouit d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de ses activités de recherche, sous les réserves que lui imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du code de l'éducation, les principes de tolérance et d'objectivité.

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°222, car il est bien prévu que le doctorant devra consacrer au moins les cinq sixièmes de son temps de travail à la recherche.

La précision de l'amendement n°185 est pertinente. Avis favorable.

Les doctorants sont déjà couverts par cette garantie fondamentale. Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°70 rectifié.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Les modalités de vérification prévues par l'amendement n°185 relèvent du domaine réglementaire. Avis néanmoins favorable.

L'amendement n°70 rectifié est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°70 rectifié est retiré.

L'amendement n°222 n'est pas adopté.

L'amendement n°185 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°188, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

I.  -  Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les décrets et arrêtés d'application relatifs à ce contrat sont pris de sorte à disposer du même cadre général (durées minimale et de référence, conditions d'embauche et de renouvellement, rémunération minimale à l'embauche) que ceux pris en application de l'article L. 412-2 du code de la recherche et de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, et font référence à l'article L. 5212-13 du code du travail.

II.  -  Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - Le contrat de travail prévu au I est conclu pour une durée de trois ans.

M. Thomas Dossus.  - Un contrat doctoral est normalement prévu pour trois ans, ce qui est un minimum pour rédiger une thèse.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 10

Remplacer les mots : 

dans la limite d'une durée initiale de trois ans

par les mots :

qui ne peut être inférieure à deux ans

II.  -  Alinéa 11, première phrase

Supprimer les mots :

pour une durée maximale d'un an à chaque renouvellement et

M. Lucien Stanzione.  - Cet amendement de repli sécurise le contrat doctoral de droit privé, prévu initialement pour trois ans maximum, renouvelable deux fois pour une durée d'un an. En commission, nous avons juste prévu une prorogation en cas de congé maternité ou maladie. Allons plus loin, afin d'être plus réaliste.

Pourquoi inciter les entreprises à des recrutements aussi précaires ? Les jeunes doctorants ont besoin de sécurité, pas de précarisation. Ils ne peuvent passer leur temps à courir après des emplois précaires.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°39 rectifié ; la rédaction du I de l'amendement n°188 n'est juridiquement pas satisfaisante, avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable aux deux amendements. L'article 4 prévoit bien une durée initiale de trois ans et un maximum de cinq ans.

L'amendement n°188 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°39 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°223, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 11, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II.  -  Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception, lorsque le contrat de travail a été suspendu pour une durée d'au moins trois mois consécutifs pour un motif tenant à la maternité, à la maladie ou à un accident du travail, un avenant peut être conclu pour renouveler le contrat de travail pour une durée égale à la durée de la suspension, dans la limite de neuf mois. Dans ce cas, la durée de la prolongation et le nombre de renouvellements sont ajoutés aux limites maximales fixées à l'alinéa précédent.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Sans modifier la philosophie du texte, cet amendement encadre la possibilité de prolonger par avenant le contrat doctoral de droit privé, notamment en cas de congé maternité ou maladie, tel qu'introduite lors de l'examen du projet de loi en commission. Seules les périodes significatives de suspension du contrat de trois mois consécutifs minimum peuvent donner lieu à un renouvellement supplémentaire du contrat doctoral de droit privé ou à une durée de contrat supérieure à cinq ans, dans la limite de neuf mois supplémentaires.

Le même dispositif est prévu pour le contrat post-doctoral de droit privé.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Vous transformez une possibilité en exception. La commission y était attachée. Avis défavorable.

L'amendement n°223 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrat prévoit une rémunération qui ne peut être inférieure à une fois et demie le montant des allocations de recherche prévues à l'article L. 412-2 du code de la recherche.

Mme Sylvie Robert.  - Il convient de prévoir une rémunération pour le contrat doctoral de droit privé à la hauteur des compétences du doctorant, à au moins 1,5 fois le montant des allocations de recherche.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Je comprends l'intention, mais les contrats de droit privé prévoient déjà des minimums de rémunération, fixés par les conventions collectives. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis. L'amendement du Gouvernement n°223 reprenait les termes du code du travail.

L'amendement n°35 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°224, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 13, seconde phrase

Supprimer les mots :

et si ce non-renouvellement est le fait du salarié

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cette précision, qui implique le versement de dommages et intérêts et d'une prime de précarité par l'employeur au salarié en cas de non-réinscription en doctorat dans l'établissement d'enseignement supérieur, n'apparaît pas opportune.

Lorsque la progression des travaux de recherche serait jugée insuffisante au point que le directeur de thèse et l'école doctorale décident de ne pas réinscrire le doctorant en thèse, le contrat doctoral de droit privé devient sans objet et doit être rompu, sans imposer à l'employeur de devoir verser des dommages et intérêts.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Nous avions émis un avis défavorable pour ne pas revenir sur la protection apportée par les députés.

L'amendement n°224 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°71 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

Alinéa 14

Remplacer les mots :

le maintien du salarié dans l'entreprise est subordonné à la conclusion d'

par les mots :

l'employeur propose au salarié

M. Jean-Pierre Decool.  - Cet amendement apporte une stabilité au salarié dans le cas où il ne serait pas inscrit dans un nouvel établissement d'enseignement supérieur français.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable. Cette disposition est trop directive.

L'amendement n°71 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°80 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mmes Paoli-Gagin et Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Bascher, Bouloux, Joyandet, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le rétablissement des mentions pour les thèses de doctorat.

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Les mentions sur la qualité du travail du doctorant ont disparu. La seule solution pour un employeur de connaître la qualité de la thèse est de lire le rapport de soutenance, non joint au dossier de recrutement. Cela nuit au recrutement.

Avis favorable, sous réserve d'un délai d'un an au lieu de six mois.

M. Jean-Pierre Decool.  - Je suis d'accord pour modifier cet amendement.

M. le président.  - Il devient l'amendement n°80 rectifié bis.

Amendement n°80 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mmes Paoli-Gagin et Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Bascher, Bouloux, Joyandet, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le rétablissement des mentions pour les thèses de doctorat.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable, c'est toujours une demande de rapport.

L'amendement n°80 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 4 demeure supprimé.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Longeot, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot.

Alinéa 4

Après les mots :

l'éducation,

insérer les mots :

et qualifiés par le Conseil national des universités,

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

L'amendement n°83 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Bonne, Lefèvre, Daubresse et Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas et M. Tabarot.

Alinéa 13

Après les mots :

du même code,

insérer les mots :

et qualifiés par le Conseil national des universités,

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

L'amendement n°84 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 18

Après le mot :

emplois

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, de périodes d'insertion professionnelle et de poursuite de carrière en France comme à l'étranger, sont fixées par décret en Conseil d'État.

II.  -  Alinéa 29

Après le mot :

emplois

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, de périodes d'insertion professionnelle et de poursuite de carrière en France comme à l'étranger.

Mme Sylvie Robert.  - Le nombre d'années nécessaires avant la titularisation d'un jeune chercheur ne cesse d'augmenter. Assurons-les qu'un réel suivi de leur parcours soit réalisé. C'est le but du post-doctorat qui doit être un instrument de professionnalisation du jeune chercheur.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Cette précision est bienvenue. Avis favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Poursuite de carrière et insertion professionnelle sont deux notions qui recouvrent le même objectif : obtenir un emploi pérenne. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°42 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°225, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 19, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II.  -  Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception, lorsque le contrat de travail a été suspendu pour une durée d'au moins trois mois consécutifs pour un motif tenant à la maternité, à la maladie ou à un accident du travail, un avenant peut être conclu pour renouveler le contrat de travail pour une durée égale à la durée de la suspension, dans la limite de neuf mois. Dans ce cas, la durée de la prolongation et le nombre de renouvellements sont ajoutés aux limites maximales fixées au IV ainsi qu'à l'alinéa précédent.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement est défendu : il reprend le droit du travail.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Par cohérence, avis défavorable.

L'amendement n°225 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°226, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 30

Compléter cet alinéa par les mots :

avec le même employeur ou un autre employeur public ou privé, ou par un recrutement dans un corps de la fonction publique

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement de précision permet de mieux cibler les situations où une « prime de précarité » doit être versée à la fin du contrat post-doctoral de droit privé créé par l'article 5. Cette indemnité est due lorsque le contrat post-doctoral arrive à son terme et lorsque l'intéressé ne poursuit pas son activité sur un emploi permanent - en CDI ou en intégrant un corps de la fonction publique -, que ce soit avec le même employeur ou avec un autre employeur public ou privé.

Cette précision souligne l'objectif d'accompagner le post-doctorant pour lui permettre de trouver à l'issue du contrat un emploi permanent.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°226 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°85 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Frassa, Mmes Lherbier, Demas et Deromedi, M. Meurant, Mme Loisier, MM. Calvet et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Longeot, Bonne, Lefèvre et Daubresse, Mme Billon, M. Regnard, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Menonville, Babary, Joyandet, Guerriau, Pellevat, P. Martin, B. Fournier, Bouchet, Savary, Wattebled, Belin et Decool, Mme Thomas, M. Tabarot et Mme N. Delattre.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 111-7-1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Tout candidat à la direction d'un établissement public de recherche est titulaire d'un doctorat. » 

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°111 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 412-1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Seuls les titulaires du diplôme national de doctorat peuvent diriger un établissement de recherche et d'enseignement supérieur. »

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement rend obligatoire la détention d'un doctorat pour diriger un établissement d'enseignement supérieur et de recherche. Cela paraît normal mais ce n'est pas toujours le cas. J'aurais aimé que les recteurs soient aussi titulaires d'un doctorat, mais une telle mesure relève du pouvoir règlementaire. On donne aux recteurs en effet un pouvoir pour intervenir sur les repyramidages et sur l'affectation des postes pour les chaires juniors... mais comme on détruit tout le statut de la fonction publique...

M. le président.  - Amendement n°127 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin, Bonne et de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. Segouin, Grosperrin, Gremillet et Chevrollier.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article L. 111-7-1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout candidat à la direction d'un établissement public de recherche est titulaire d'un doctorat. »

II.  -  Le I entre en vigueur le 1er janvier 2023.

M. Stéphane Piednoir.  - Pour assurer la crédibilité des établissements publics de recherche sur la scène internationale, il paraît légitime que tout candidat à la présidence d'un établissement public de recherche soit titulaire d'un doctorat. Je me réjouis du large consensus sur cet amendement.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Je comprends l'idée des auteurs de ces amendements mais je remarque que l'écrasante majorité des titulaires de ces postes sont docteurs, peut-être à une exception près qui ne me semble pas avoir démérité au demeurant.

En outre, de nombreuses nominations relèvent de l'article 13 de la Constitution qui ne limite en rien la possibilité pour le président de la République de nommer qui il souhaite. Je m'interroge donc sur la constitutionnalité de ces amendements et sur leur intérêt car on priverait la recherche d'autres types de talents. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable également, car certaines personnalités du monde scientifique et technique, non docteurs, ont été remarquables.

Les recteurs interviennent comme représentant de l'État : ils ne recrutent personne.

M. Pierre Ouzoulias.  - Il y a un problème de fond. Le pourcentage de docteurs dans la haute fonction publique est bien plus faible en France que chez nos voisins étrangers, comme l'a mis en évidence Frédéric Thiriez dans son rapport rapidement enterré. Il faut revaloriser le doctorat et envoyer un signal fort aux étudiants en augmentant le nombre de docteurs dans la haute fonction publique.

Nous avons besoin de mesures contraignantes. Cela ferait beaucoup de bien à toute la haute fonction publique d'avoir plus de docteurs en son sein, comme au Sénat d'avoir des titulaires de doctorat. (Sourires)

M. le président.  - On n'est jamais mieux servi que par soi-même ! (On s'amuse.)

M. Max Brisson.  - Même à une heure du matin, la tradition bonapartiste peut se faire entendre au Sénat. C'est pourquoi, je suis sensible à ces amendements. Il faudra donner aux docteurs la place qui leur revient. Ce débat est important : celui de la place des docteurs dans notre société et notre administration.

M. Stéphane Piednoir.  - Il ne s'agit pas de remettre en cause la légitimité des actuels directeurs d'établissements mais de disposer pour les futurs candidats à ces postes.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il y a la tradition bonapartiste, certes, mais aussi le poids des anciens élèves issus des grandes écoles par rapport aux docteurs. Le Président de la République a annoncé la suppression de l'ENA. Il est inacceptable que les docteurs, dans l'appareil de l'État comme dans les entreprises, ne soient pas suffisamment reconnus. Le clivage historique entre l'université et les grandes écoles devrait cesser.

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - J'attire votre attention sur les différences entre ces trois amendements, même si chacun reste maître de son vote. La rédaction de l'amendement n°127 rectifié me semble plus précise.

L'amendement n°85 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°111 rectifié.

L'amendement n°127 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 6

Mme Sylvie Robert .  - Ce CDI de mission scientifique n'a de CDI que le nom. Il peut être interrompu sans aucune contrepartie. Un décret en Conseil d'État devra déterminer ses modalités de rupture.

Faut-il créer un énième contrat dérogatoire ? On aurait pu élargir le périmètre des contrats de chantier ou transformer les contrats de projets. L'absence patente d'encadrement législatif de ces contrats n'est pas souhaitable. La recherche a besoin de stabilité, de permanence, de visibilité.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Nous sommes opposés à la création du CDI de mission scientifique qui n'a la forme de CDI qu'en théorie puisqu'il sera limité à la durée aléatoire d'un projet et pourra être rompu dans certains cas, sans que l'agent ne perçoive d'indemnités. Toutes les instances représentatives du secteur se sont prononcées contre ce nouveau statut et le Conseil d'État a émis de fortes réserves face à « la multiplication des possibilités déjà nombreuses » « de recruter des agents contractuels sans qu'il soit possible de dégager des critères simples et clairs ».

L'euro-compatibilité de ce CDD déguisé en CDI est discutable. Il s'agit donc d'un nouveau contrat de précarisation de chercheurs confirmés qui aspirent à un emploi stable.

M. le président.  - Amendement identique n°94, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias.  - Lors de mes missions pour l'Opecst, j'ai interrogé des collègues américains recrutés par le CNRS. Je leur ai demandé pourquoi ils avaient postulé en France. Pas pour l'argent ni l'environnement de travail, catastrophique, mais pour la liberté qui leur permet de prendre des risques scientifiques de poursuivre leurs recherches à leur rythme, sans rechercher incessamment des financements.

Pour cela, il faut accepter de la recherche « inutile ». Notre recherche n'a pas les moyens de donner aux scientifiques une rémunération ou un environnement très favorables, mais elle peut assurer un cadre protecteur. Nous sommes en train de créer un sous-prolétariat de la recherche.

Cela pose un problème de reconnaissance de la valeur de la science. Enfin, ce dispositif me semble contraire à la directive européenne du 28 juin 1999, qui prévoit une durée maximale lors de contrats de travail à durée déterminée successifs.

M. le président.  - Amendement identique n°186, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Monique de Marco.  - Ces CDI ont une échéance fixée : curieux intitulé. Il s'agit bel et bien d'un CDD qui ne dit pas son nom. C'est une couche de précarisation supplémentaire. Quelle attractivité quand on fragilise les parcours et que l'on précarise les personnels ? En outre, l'employeur peut mettre un terme à ce contrat. Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis défavorable. Ce nouveau contrat permettra l'embauche de chercheurs sur plus de six ans, au lieu des CDD successifs actuels.

La commission a tenu à sécuriser le dispositif avec une durée minimale.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Aujourd'hui, lorsqu'une équipe gagne un contrat de recherche européen de douze ans, les établissements concluent des CDD de six ans, mais au-delà, ces CDD deviennent des CDI financés sur la subvention pour charge de service public en lieu et place d'un titulaire.

Nous proposons donc de permettre de recruter les ingénieurs et les techniciens pour douze, voire quinze ans sur un CDI. Les établissements n'ont aucun intérêt à perdre les compétences de ces ingénieurs et techniciens. La même personne pourra donc être recrutée sur une autre mission.

Cet exemple s'applique à tous les projets financés sur ressources publiques - fonds européens, partenariats publics-privés, etc. Mais les établissements ne veulent pas remplacer des titulaires par des CDI. Cela n'est en aucun cas de la précarisation, mais il s'agit de sécuriser ce personnel.

Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Vous nous décrivez là l'installation durable dans la précarité ! Les chercheurs n'ont pas de garantie dans la durée. Ce ne sont pas des Kleenex ! Votre projet de loi prévoit 15 000 emplois précaires supplémentaires, soit une augmentation de 10 %.

L'augmentation des postes statutaires est bien plus modeste. On inscrit la précarité dans le marbre de la loi. Nos Prix Nobel français, dont beaucoup d'entre eux sont issus du CNRS, nous expliquent que la durée et la stabilité de leur emploi, la liberté dans leur recherche et la capacité de mener leur recherche sur des champs jugés non prioritaires ont été déterminants.

M. Pierre Ouzoulias.  - Lors de nos auditions, j'ai compris qu'un chercheur pourrait être recruté à 35 ans et enchaîner trois contrats de chantier de dix ans. (Mme la ministre le dénie.) Il n'y aura plus de carrières, plus de droit ni à la mobilité ni à la formation. Il faudrait soi-disant fluidifier les recrutements. Mais il y a 50 % de précaires parmi les chercheurs : il n'y a donc pas trop de rigidités !

Il y a une opposition fondamentale entre le modèle français - modèle de service public assuré par des fonctionnaires - et le modèle anglo-saxon. C'est notre modèle qui fait l'indépendance de nos chercheurs. Mais le modèle que vous nous proposez, c'est le modèle anglo-saxon. Nous le refusons.

Les amendements identiques nos30 rectifié, 94 et 186 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°227, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4, dernière phrase

Après les mots :

ou en cas

insérer les mots :

d'insuffisance professionnelle, d'inaptitude physique ou

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - C'est un amendement de précision. Il convient d'ajouter à la liste des exceptions à l'impossibilité de rompre le contrat de projet celles ayant pour motifs l'insuffisance professionnelle et l'inaptitude physique, comme c'est le cas dans le droit commun applicable aux personnels contractuels.

Notre objectif est que 100 % des doctorants aient un contrat de travail : c'est bien mieux, monsieur Ouzoulias ! Ce contrat n'est pas définitif : vous le qualifiez de précaire ; j'estime pour ma part qu'il est très sécurisant.

Mme Laure Darcos, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°227 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 94 amendements aujourd'hui. Il en reste 125.

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 29 octobre 2020, à 10 h 30.

La séance est levée à 1 h 30.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication